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COLLECTION
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DOCUMENTS INÉDITS
SDR L'HISTOIRE DE FRANCE
PUBLIES PAR LES SOCTS
DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PURLIQUE
DEUXIÈME SERIE
©
Par arrêté en date du 1 8 décembre i 885, M. TiMiZEY db Larroqle, membre
du Comité des travaux historiques et scientifiques, a été chargé de publier,
dans la collection des Documents inédits de l'Histoire de France, les Lettres
de Peiresc.
Par le même arrêté, M. Léopold Delislb, Président de la Section d'histoire
et de philologie du Comité, a été nommé commissaire responsable de cette
publication.
LETTRES DE PEIRESC
PUBLIEES
PAR
PHILIPPE TAMIZEY DE LARROQUE
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT
MEMBRE NON RÉSIDANT DU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES
TOME CINQUIÈME
LETTRES DE PEIRESC À GUILLEMIN, À HOLSTENIUS
ET À MENESTRIER
LETTRES DE MENESTRIER À PEIRESC
1610-1637 •
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
M DCGG XGIV
PS?. Pif
AVERTISSEMENT.
Le tome cinquième de la Correspondance de Peiresc renferme :
1° Quatre-vingt-dix-neuf lettres adressées, du i5 sep-
tembre 1 6 1 o au 1 2 mai 1687,3 Denis Guillemin, prieur de Rou-
moules (autrefois RomoUes) , dans le diocèse de Riez (Rasses-Alpes)
et, plus tard, prieur de Belgentier, dans le diocèse de Toulon
(Var);
2° Soixante-six lettres écrites, du 2 septembre 1627 au
3 juin 1687, à Luc Holstenius, successivement bibliothécaire du
cardinal François Barberini et de la Vaticane;
3" Cent dix-sept lettres échangées, du 19 août 1693 au
5 juin 1687, entre Peiresc et le chanoine franc-comtois Claude
Menestrier', qu'il ne faut pas confondre, comme on l'a fait quel-
quefois, avec un autre antiquaire portant le même nom et le même
prénom, mais d'une époque postérieure, son parent le jésuite
lyonnais auquel on doit, entre autres innombrables ouvrages,
Y Histoire de Louis le Grand par les médailles, publiée en 1689
(in-folio).
A ces deux cent quatre-vingt-deux documents s'ajoutent (pre-
mier appendice) une série d'instructions données au prieur Guille-
min, d'abord en 1609, puis vers 1628 par Peiresc, et (second
' Sur ce nombre quatre-^ingt-quinze lettres appartiennent à Peiresc et vingt-deux à
Menestrier.
C
I, AVERTISSEMENT.
appendice) une lettre de Menestrier à ce dernier, déjà mise en lu-
mière par M. le commandeur de Rossi, mais trop importante au
point de vue arche'ologique pour être négligée.
Disons quelques mots de chacun des trois personnages que nous
venons de mentionner et qui tous les trois méritèrent bien de leur
illustre correspondant.
Denis Guillemin vit le jour on ne sait trop en quelle anne'e et en
quelle localité. Selon l'opinion la plus probable, il naquit quelques
années après Peiresc', dans le département actuel des Basses-Alpes*.
Attaché de bonne heure k la famille de Fabri, il devint le protégé,
le client de cette famille également puissante par sa propre situation
et par ses alliances et ses relations. Ce fut k l'aide de la générosité
du père de Peiresc qu'il fit ses études; ce fut à l'aide de l'influence
de Peiresc lui-même que, prêtre et docteur en théologie, il fut
nommé fr député de Provence en l'assemblée générale du Clergé de
France ■'^ et * protonolaire du Saint-Siège apostolique*». Il dut
aussi aux Fabri, selon le témoignage formel de Gassendi*, ses deux
prieurés de Roumoules et de Belgentier. Guillemin se montra vive-
ment reconnaissant de tant de bienfaits, et on aime à constater, en
chaque page de la correspondance qui va suivre, qu'il ne cessa
jamais d'être bon et dévoué pour ceux qui , dès son enfance , l'avaient
' Guillemin devait avoir au moins une
vingtaine d'années quand Peiresc (juin 1 609)
le chargea de recueillir en Anjou les sceaux
et portraits des comtes de Provence et des
rois de France. Voir les Instructions, à l'ap-
pendice.
' k Villeneuve, commune de l'arrondis-
seraenl el canton de Forcalquier., d'après le
judicieux et savant auteur de Peiresc abbé
de Guttres, M. Ant. deLantenay (Bordeaux,
1 888 , p. 8 j ). Deux de mes cbers confrères
de l'Académie d'Aix, MM. Léon de Berluc-
Perussis et Charies de Ganldnii d'Ule, ont
vainement cherchi' avec le double zèle de
l'érudition et de l'amitié toute trace de Guille-
min pt de sa famille daos les dép<Ms puhKcè
et particuliers des Basses-Alpes.
* Voir plus loiu (p. iii) la lettre que
Peiresc adresse au député le 1 0 octobre 1698.
' Voii' plus loin (p. 43) la iellre ia
39. juillet i6a8, où pour la première fois
Peiresc lui donne ce litre.
' De vila Peirenkiij éditian de la Haye,
i65i,livreIV,p. 38o.
AVERTISSEMENT. ib
traité comme l'enjant de la maison. De même qu'on n'a pas retrouvé
la date précise de sa naissance, on n'a pas retrouvé la date précise
de sa mort. Tout au plus pourrait-on induire d'un passage des Mé-
moires touchant la naissance, vie et mœurs de Gassendi^, qu'il avait
déjà quitté ce monde en 16/17, puisque son prieuré de Roumoules
était alors vacant^.
La vie de Luc Holstenius (né à Hambourg en 1696, mort à
Rome en 1661) est parfaitement connue. Tous les recueils bio-
graphiques français et étrangers contiennent une notice plus ou
moins détaillée sur cet érudit, dont la célébrité a été deux fois
rajeunie en ce siècle, par la publication d'une partie de sa vaste
correspondance : la première fois, en 1817, quand un membre
de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, qui fut un de nos
plus savants et de nos plus fins critiques, Jean-François Boissonade,
donna le gros volume intitulé Lucee Holstenii epwtolœ ad diversos ^;
la seconde fois, de 1886 à 1892, quand un des membres les plus
distingués de l'Ecole française de Rome, aujourd'hui professeur à
la Faculté des lettres de Montpellier, M. Léon G. Pélissier, multiplia
les documents inédits et les renseignements curieux relatifs à l'hu-
maniste et à ses correspondants dans une série de fascicules intitulée
Les amis d" Holstenius "^ . Les lettres de Peiresc, qui répondent aux
' Documents inédits sur Gassendi, Paris, raanuscriles du docle éditeur (additions et
1877, p. ^■•^' corrections).
' ffM. le "prince de Conty iuy demanda * I. Charles de Monlchal, archevêque de
[c'est-à-dire demanda [wur lui , pour Gas- Toulouse. Rouie, imprimerie de Philippe
sendi] les provisions du prioré de RomoHes Cuggiani, 1886. (Extrait des Mélanges d'ar-
au diocèze de Riez en Provence , mais comme chéologie et d'histoire publiés par Tlicoie fran-
il en alloil faire prendre possession, un çaisedeRonie, t.VI.) — W. Les frères Dupuy.
dévolutaire l'obtint par arrest du parle- Home, 1887. (Extrait du tome VI des
ment. . . ri mêmes Mélanges.) — III. Aleandro le Jeune.
' Paris, in-S" de xiv-538 pages. M. Léo- Rome, 1888. (Extrait du tome VIII des
pold Delisle a bien voulu m'apprendre que mêmes Mélanges.) — IV. Les petits corres-
I» Bibliothèque nationale possède (Réserve, pondants. Montpellier, 189a. (Extrait de la
Z. 2246) un exemplaire enrichi de notes Revue des langues romanes , t. \W\ .) ïiam
IT
AVERTISSEMENT.
lettres du recueil Boissonade, sont pour ce recueil, ainsi que pour
les fascicules de M. Pélissier, un indispensable comj)lëment.
Autant on s'est occupé, autrefois et de nos jours, de Luc Hol-
stenius, autant on a négligé Claude Menestrier. Pensant que dans
sa province natale on pourrait me fournir sur son compte ce que
me refusaient tous les livres que j'avais cru devoir consulter, je
m'adressai, l'an dernier, à un érudit de grande valeur, feu M. A. Cas-
tan, correspondant de l'Institut et conservateur de la bibliothèque
de Besançon'. S'excusant modestement de me donner si peu*, il
m'envoya, quelques mois avant sa mort si regrettable^, la notice
que l'on va lire :
Claude Menestrier naquit à Vauconcourt, village voisin de Jussey, en
Franche-Comté, à l'époque où cette partie de la province était ruinée par les
quatre articles successifs de la Revue critique ,
le présent éditeur a eu le plaisir d'appeler
rattention sur chacun des fascicules.
' Le prédécesseui- de M. Castan dans les
fonctions de bibliothécaire de la ville de Be-
sançon, le bibliographe Weiss, avait fourni
h la Biographie universelle un article de
quelques lignes seulement sur Claude Me-
nestrier.
' Je reproduis avec un pieux sen liment de
reconnaissance sa gracieuse lettre d'envoi :
ir Besançon , le 1 7 avril 189a. — Cher Mon-
sieur, vous avez ci-joinl la petite note sur
Claude Menestrier, que vous m'avez fait
i'iionneur de me demander. Le personnage
ayant fort peu vécu dans le pays de ses ori-
gines, je manque des éléments nécessaires
pour être précis sur son compte. Veuillez
donc considérer uniquement le présent envoi
comme une preuve du bon vouloir et de la
haute estime de voire tout dévoué confrère
et serviteur. — A. Castan. »
Voir l'éloge si complet en quelques
lignes qu'en a fait M. Léopold Delisle , comme
président du Comité des travaux historiques
et scicntitiques, dans la séance du lundi A juil-
let 189a [Uullelin historique et pkilologiqut ,
n* 9 do l'année 1 89Q , p. 38 1 . paru en 1 89.3). •
De cet éloge ofliciel je demande la permis-
sion de rapprocher un éloge intime donné
par l'éniiiient érudit & son confrère et ami
dans une lettre adressée k celui qui nMige
cette nol« :t Paris, le 7 jaillet 1 89a . . . J'ai
été fort aiïeclé de la mort de deux confrères
provinciaux pour lesquels j'avais inGnimenI
d'estime et d'amitié : M. Chassaing, au Puy,
et M. Castan, de Besanf-on. Celui-ci surtout
était un savant de premier ordre, dont tons
les travaux peuvent être cit<^s comme des
modèles, et qui n'a jamais eu à r^[retler
qu'une faute : la campagne entreprise en
faveur d'Alaise. Encore a-t-elle eu les con-
séquences les plus heureuses, [luisqu'elle a
amené ces fouilles qui uni fait la richesse
du musée archéologique de Besançon. Nous
lui appliquerons le mol de Félix culpa que
vous avez rappelé à propos du Droit du
seiffueur de M. Jules Delpit. . . n
AVERTISSEMENT. v
incursions des Huguenots de l'Allemagne et par le passage des troupes que le
gouvernement espagnol envoyait depuis l'Italie contre les rebelles des Pays-Bas.
Il perdit très jeune son père et eut l'idée d'aller chercher fortune en Espagne,
où il ne rencontra que la misère ; il y fut même réduit à garder un troupeau
de mérinos. Ayant trouvé moyen de passer en Italie , il eut à Rome des pro-
tecteurs qui le firent étudier et lui ouvrirent la carrière des bénéfices ecclé-
siastiques. Son goût pour la science des antiquités l'introduisit dans la fami-
liarité du cardinal Francesco Barberini, neveu du pape Urbain VIII, qui lui
confia la garde de ses collections et le chargea de divers voyages en France,
dans les Pays-Bas et en Espagne j pour recueillir des antiques et des objets
d'art. Un canonicat de l'église métropolitaine de Besançon étant venu à vaquer
dans des circonstances qui en attribuaient la collation au pape, Claude Me-
nestrier l'obtint et se mit aussitôt en route pour venir échanger sur place ce
bénéfice contre un revenu ecclésiastique d'une autre nature. La galère ponti-
ficale sur laquelle il naviguait, au mois de juin 1682, en compagnie du car-
dinal de la Cueva, fut assaillie, en vue du port de Marseille, par une tempête
qui obligea les passagers à jeter les bagages à la mer. De ce qui appartenait
à Claude Menestrier, un seul objet surnagea : c'était un tableau représentant à
mi-corps la Vierge caressée par l'Enfant-Jésus debout sur elle, tableau peint
par Domenico Preti, dit le Passignano. Notre antiquaire apporta pieusement
cette toile à Besançon, la remit à son oncle Dumay, chanoine de Sainte-Made-
leine en cette ville, qui, à son tour, chargea leur parent, Antoine Alviset,
curé de Saint-Pierre, d'en faire solennellement hommage aux Dominicains de
Besançon; cette cérémonie eut lieu le dimanche 9 janvier i633. Le tableau,
vénéré dès lors comme miraculeux, jouit encore de ce prestige dans l'égUse
cathédrale de Besançon, où il est connu sous le vocable de Notre-Dame des
Jacobins. Claude Menestrier était lié d'amitié avec la plupart des érudits qui
vivaient à Rome de son temps, et il seconda les recherches de quelques-uns,
celles de Doni, par exemple, dont il était le commensal au palais Barberini.
On a des traces de ses relations (^sans parler de Peiresc) avec Aleandro et
d'autres érudits italiens, avec ses compatriotes francs-comtois Jean-Jacques et
Philippe Chifflet. 11 mourut à Rome en 1689. De ses travaux d'érudition il n'a
survécu qu'une dissertation sur le symbolisme de la statue de Diane d'Ephèse
[Symholicm Dianœ Ephesiœ statua exposita), éditée à Rome en 1657, par Fede-
rico Ubaldini, avec une dédicace au cardinal Francesco Barberini, où l'amitié
de ce prince de l'Église pour Claude Menestrier se trouve rappelée. Cette dis-
Ti AVERTISSEMENT.
sertation, enrichre de notes par Bellori et suivie d'une lettre compiëmenlaire
de Lucas Holstenius, fut réimprimée à Rome dans le format in-folio, puis in-
sérée par Gronovius dans le tome VII du Thésaurus anliquhatum grœcarum. Un
neveu de Claude Menestrier, établi à Lyon comme apothicaire, eut pour fils
le jésuite Claude Menestrier, l'un des plus féconds érudits du xrii* siècle '.
Les lettres de Peirese à Guillemin, à Holstenius, à Menestrier
présentent divers genres d'intérêt. Les premières, plus familières,
sont aussi beaucoup plus variées que les lettres adressées aux deux
doctes chanoines. Peirese entretient un peu de toutes choses son
fidèle Guillemin : il Vaccabk (littéralement) de milliers de com-
missions, le chargeant tantôt des affaires du maître de la maison,
tantôt et plus souvent des affaires du collectionneur aux goûts in-
finis. Le bon prieur s'occupe tour à tour ou même tout à la fois de
plantes, de fruits', de chats, de livres, d'estampes, d'objets an-
tiques (poids et mesures, médailles, vases, statues, etc.); parfois il
est le délégué de Peirese en son abbaye de Guitres'; d'autres fois
' M. Emile Roy, docteur ps-lettres , pro-
fesseur au lycée de Besançon et maître de
confërences à la Faculté des lettres de celle
ville, a eu l'obligeance de faire diverses re-
cherches pour moi dans les manuscrits de
la bibliothèque et particidièrement dans le
volume XXV de la collection infitulife Docu-
menls biographiqua sur le* ('liijlet. Il a
trouvé dans ce volume quelques kUres de
Claude Menestrier écrites de Rome n à Mon-
sieur CkitHet , cogouverneur de la cité impé-
rialle de Besançon», notamment trois
lettres du h mars 1623, du 2Q mai de la
même année, du 93 janvier i63i. Aucun
ée ces docomenls ne permet d'sijoulcr le
moinflre trait à la biographie de Menestrier.
M. Roy constate que le correspondant de
Chifflet et de Peirese Ta une écriture hor-
rible^i. 11 aurait pu en dire autant de son
style, dont la barbai-ie, comme on en ju-
gera, est vraiment singulière. L'orthographe
de l'archéologue franc-ooiotois ne laitse pM
moins à désirer, et de toute façon ses tetlns
forment un frappant contraste avec celle*
de Peirese, les<juelles, sans être de forme
irréprochable, sont bien d"uii homme qui
a profité d'abord de la firé<|uenfation dp»
bons litres de toutes les lillérstnres. en-
suite de la politesse de la Cour, et dont la
prose n'est pas toujours indigne de celle
de ses excellents amis Du \ air et Malherbe.
' Quelques billets écrits li propos de
pommes , fruit dont Peirese était très friand ,
paraîtront peut-être insigniliaiits h quelques
graves lecteurs , mais je n'ai pas cru devoir
dédaigner ces menus détails. N'a-l-oo pas dit
depuis longlemps que tout intéresse dans la
correspondance des hommes supérieurs?
' Suivant Jean-Jaajues Bouchai-d, dont
j'ai reproduit, dans Peirese abbé de Gudres ,
TU
AVERTISSEMENT.
r
il le représente à Paris auprès des grands personnages de l'Etat,
auprès des savants, auprès des artistes, auprès des libraires, etc.
Ce voyageur qui court sur toutes les routes, cet auxiliaire qui
mène à bien toutes les missions qu'on lui confie, même les plus
délicates, devient en quelque sorte, à force de zèle intelligent, un
substitut du procureur général de la littérature. La correspondance
de Peiresc avec ce brave cœur est une des plus attrayantes de tout
notre recueil moins encore parce qu'elle touche à tant de sujets
que parce qu'elle est empreinte de la plus cordiale bonhomie.
Les lettres à Holstenius et à Menestrier plairont surtout aux;
humanistes et aux archéologues. On y trouvera les informations les
plus instructives sur les choses de l'antiquité , particulièrement sur
les médailles, les objets d'art, les grands monuments (églises, pa-
lais, voies romaines, catacombes, etc.), les manuscrits'. Chaque
page déborde d'érudition, de cette érudition aimable et souriante
que ne gâtent jamais la prétention et le pédantisme. On peut n'être
pas toujours d'accord avec Peiresc et regarder quelques-unes des
explications du grand critique comme plus ingénieuses que solides,
mais il faut partout admirer, avec le vaste déploiement de son
savoir, sa touchante modestie et sa parfaite candeur.
Dans les lettres à Holstenius et à Menestrier, c'est surtout de
l'Italie quil est question, et, dans l'Italie, de cette ville de Rome
Supplément à la notice d'Anl. de Lanlenay
(Bordeaux, 1898, p. 11, note i5), le récit
jusqu'alors inédit, irll [ Peiresc J ne retiroit
point d'argent de son abbaye qui rendoit
1 ,200 escus, se faisant tout payer en livres
par les mains du prieur de Romoulle, au-
quel il avoit remis tout le soing de son ab-
baye, ce moine estant fort sçavant et lui en-
voyant tous les livres nouveaux de divers
endroits en France et médailles et aultres
antiques. iVl' de Peiresc lu y avoit une fois
résigné son abbaye lorsqu'il fut fort ma-
lade. 5)
' Diverses lettres sont relatives aux ma-
nuscrits de Pacius si généreusement donnés
par Peiresc à Holstenius. On en rappro-
chera avec fruit une notice spéciale publiée
par un de nos plus savants paléographes,
M. H. Omont, de la Bibliothèque nationale :
Les manuscrits de Pacius chez Peiresc et Hol-
stenius, lôag-iCSi (Toulouse, 1891; ex-
trait du tome III des Annales du Midi).
vm AVERTISSEMENT.
qui fut, pour ainsi dire, la favorite et l'hëroïne de Peiresc. Aussi
c'est avec une entière confiance que j'appelle sur cette double cor-
respondance la bienveillante attention de tous les esprits cultives
pour qui Rome est une seconde patrie.
Philippe Tamizey de Larboqde.
Pavillon Peiresc, près Gontaud, ao décembre 1898.
LETTRES DE PEIRESC
À D. GUILLEMIN.
I
À MONSIKLR, MONSIEUR GLILLEMIN,
PRIEUR DE ROMOLLES,
À AIX.
Monsieur le Prieur,
Ce fut le cadet d'Amirat' qui rue donna cesle mauvaise nouvelle de
ma petite '^ vous m'avez bien faict plaisir de m'en donner de meil-
leures. Et d'y prendre la peine que vous y avez prins. Car sans mentir
il jne seroit bien griefs d'en perdre toute la race. Je vous prie d'en
avoir bien soing durant mon absance. Et vous garder de luy bailler
autres viandes* que le pain accoustumé, et un peu de potage, s'il se
peuJI. Que si son mal n'est autre chose que le Caduc, je ne l'en esti-
meray pourtant guieres moins, car elles ne laissent pas de vivre long-
temps avec ce mal. Mais j'ai grande appréhension des vers qui ont tiié
l'aultre. Il fault que le grand soin et l'assiduité d'estre prez de cez
])etites choses délicates, les enlève^. Je suis marry de vostre peine,
' Le cadet d'Arairat était Frédéric Logj- ' Bien pénible, bien dur.
bard, fils cadet d'Honoré Lombard, seigneur * Viandes est pris ici dans le sens de
de Saint-Benoît. Sur la famille Lombard voir nourriture.
plus loin une lettre du G novembre iGSa. ' Que de menues recommandations! Elles
' C'est-à-dire de ma petite chatte. On attestent l'extrême bonté de Peiresc et aussi
connaît l'affection de Peiresc pour les chats, les généreux sentiments du prieur Guille-
surtont depuis <[ue Ion a lu, dans t''«^raHrf min. On ne demanderait pas tant da
amateur françaix du xvii' niècle, les détails piécaulions et d'attentions à un homme
charmants donnés par M. Léopold Delisle dont l'excellent cœur ne serait pas bien
sur ce sujet (p. 17-19). connu.
V. 1
mpntMcnis KATIOXiLE,
2 LETTRES DE PEIRESC [1610]
mais nous trouverons quelque moyen de nous en revancher, de-
meurant,
Monsieur le Prieur,
voslre plus serviable et meilleur amy,
DE Peiresc.
Ue la Floride ', ce i5 8epl[embre] 1610 '.
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIÎV,
PRIEUR DE ROMOLLES,
À S' MAXIMIN.
Monsieur le Prieur,
On m'a dicl qu'à S' Maximin il y a un poltier de terre qui travaille
fort gentilment sa potlerie lequel a fait des vases goderonncz pour
monsieur le conseiller Espagnet'. Je desirerois qu'il m'en fil une dou-
zaine de bien grands pour mettre dans mon jardin, mais parceqn'il les
fauldra charrier d'un lieu à l'aultré deux fois l'année, je vouldrois qu'ils
fussent bien forls et bien espois à celle fin qu'ils ne courussent fortune
de se casser facilement. Et encore voudrois-je qu'ils n'eussent poinct
de pied, afin qu'ils se renversent plus diliicilement, en la manière (jui
sera marquée cy dessoubs. Pour la coulleur, je voudrois qu'ils fussent
' La Floride était la maison de campagne ,
sitiiëe non loin de Marseille, de Guillaume
Du Vair, alors premier prt'sident du parle-
ment de Provence. On sait que le grand
magistrat ne pouvait pas , pour ainsi dire ,
se passer de la douce compagnie de Peiresc
et qu'il lu garda presque toujours auprès
de lui, soit en Provence, soit plus tard à
Paris.
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 6170. fol. 8. Auto-
graphe.
' Sur le conseiller Espagnol et sa famille
voir la table du recueil des Lettres de' Pei-
resc aux frère» Dupuy. Je renvoie mes lec-
l'jui-s au même recueil au sujet de la ville de
Saint-Maximin et, une fois ])our toutes, aa
sujet des noms de lieux et de personnes
qui auront ëtë dëjà Tobjet d'une note dans
les trois premiers volumes de la Cbrret-
pondance. À mesure que nous avanceroDS,
le texte prendra toujours plus de place.
l'annotation devenant de moins en moÏDs
nécessaire.
[1611] À D. GUILLEMIN. 3
de quelque beau verd, ou bien de quelque noir ou tanné ^ bien obscur
et bien verny. Je laisse la grandeur à vostre discrétion parceque les
plus grands seront presque les meilleurs. Au
moiiigs fault ils qu'ils ayent environ deux pieds
et deniy de diamettre de plus ou de moins, et
qu'ils soient bien esgaulx l'un à l'aultre. Vous
pourrez faire ce marché, et m'en donner advis.
Que si le marché se pouvoit faire en bled, je
luy en fairois porter de Rians, et il me semble-
roit en ce cas là, qu'ils ne me cousteroient
rien\ Mesnagez le du mieux que vous pourrez,
et cependant je demeureray.
Monsieur le Prieur,
D'Aix, ce 9 avril i6i i '.
vostre meilleur amy à vous servir,
DE Peiuesc.
III
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROMOLLES,
À S' MAXEMIN.
Monsieur,
J'ay receu le Tite-Lwe", ensemble dix petites médailles d'argent dont
il y en a une de celles que je vous avois tant recommandé; toutes les
autres sont tout aultre chose, mais je ne laisse pas de vous en avoir la
mesme obligation pour tant de bonne volonté que vous me tesmoignez.
' Couleur de tan.
^ C'est ce qui s'appeiie payer en nature,
mode de payement que les propriétaires ont
de tout temps préfdré au payemnnt en espèces
sonnantes.
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouv. Qcq., 8170 , fol. 9. Autographe.
' Probablement une des éditions en un
volume in-f° données h Venise par les Aide
eni555,i556,i57Q, iSga.
A LETTRES DE PEIRESC [1611]
Je ii'av jamais eu le Grand HortcHus\ je n'en avois qu'un petil abrogé*
(jui m'a esté retenu quelque coing fort longtemps y a. J'ay bien le
Delrio^ que vous demandez, qui est relié en marroquin prest à dorer.
Je le fairav achever ceste semaine Dieu aydant et le vous envoyeray
par le premier, ensemble une aultre nouvelle géographie à la place de
YHorlelius. Quant h Angers, je vous puis jurer que les divertisse-
ments'' que j'ay eu m'ont tellement tourmenté jusques h ceste heure.
(|ue je n'y pouvois vacquer en façon quelconque; il fanldra que ce soit
à ces feriatz^ de Noël Dieu aydant. Et lors il ne nous manquera pas
d'excuse sur l'occasion du voyage que je voulois y faire en personne
sans la précipitation de nostre arrest, afin que je sois cependant des-
trappe'' d'une aiïaire qui me presse extrêmement, sur quov je vous
baise les mains demeurant.
Monsieur,
vostrc allectionné et plus serviable amy,
DE PeiRKSC.
D'Aix , cp 1 0 novembre 1 6 1 1 '.
' On sait combien a t'iii longtemps cé-
lèbre l'ouvrage d'Abraliam Ortelius , né h An-
vers en iSay, mort en iSgS, surnommé lo
père de la géographie, et qui, du moins,
est le père du premier allas connu. Voir sur
les diverses éditions du Theatrmn orbit ter-
rarum (Anvers, iSyo, grand in-fol.; ibid. ,
jôyi, 1073, iSgS, 1098, i6o3, même
f'oniial) le Manuel du libraire, t. IV, p. aqa.
' Brunet n'indique aucun abrégé du re-
ruril d'Ortelius.
' Les controverses e." recherches mofpques
du jésuite M. A. Delrio venaient d'Atre tra-
duites du latin |Kir son confrère Audi-é I)u-
chesnc (Paris, i6t «, in-8*). Voir sur Del-
rio le fasoicule \IX des Corrttpondants de
Peiresc : Lettre* du P. Mersemie (I/P Mans.
1898, grand in-8*).
' Pour empêchements.
' Fêtes, comme nous l'avons déjii >u plu-
sieurs fois dans les tomes précédent».
' Pour detattrapper.
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisilions , 5 1 70 , fol. 1 o. Anlo-
groplie.
[1611] À D. GUILLEMIN.
IV
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIÎN,
PRIEUR DE ROUMOLLES,
À SAINT MAXEMIN, AU COLLEGE.
Monsieur le Prieur,
Il y a loii{i[ temps que vous auriez receu les 3 pièces de libvres que
je vous envoyé maintenanl, si plus tost j'eusse trouvé commodité de
les faire tenir. J'avois prié le cappitaine Nielis de m'en chercher; il me
l'avoit promis, mais je ne l'ay plus veu, dont j'ay esté marry pour
l'amour de vous. Au surplus vous sçavez le desplaisir que mon père et
moy avions receu lorsque vous changeastes voz rentiers de Roumolles
voyant que vous aviez reculé les anciens serviteurs de nostre maison
pour leur préférer d'aultres nouveaux. C'est la vérité que ce nous esloit
tout plein de crevecœur^ mesmes attendu que les nouveaux ne fai-
soient pas vostre condition meilleure, si je ne me trompe, mais cela se
fit par surprinse sans vous donner loisir d'y penser, ne d'en prendre
advis de voz amys. Or j'entends que leur terme est maintenant expiré
ou peu s'en fault, et qu'il fauldra venir à un nouveau arrentement.
C'est pourquoy j'ay bien voulu vous faire la présente et vous exhorter
à concéder quelque chose, si non à l'afTeclion que feu mon oncle'-' avoit
tousjours porté à Pierre, aussy bien que mon père, et mon frère, et
moy luy en portons tout ce qui est à nostre possible, qu'au moings
vous fassiez considération aux offres avantageuses que j'ay aprins qu'il
vous veut faire par dessus la condition des autres rentiers. Et cela
estant, j'espère qu'il taschera de couvrir les manquements qu'il pouvoit
' En cette occasion, comme en toule oc- ' Claude de Fabri, conseiller au par-
casion, Peiresc montre les plus généreux, lement de Provence, mort eu 1608. On
les plus nobles sentiments. 11 resti; fidèle h sait que Peiresc hérita de sa charge, qui
ses anciens serviteurs, comme il fut toujours était dans la famille depuis cinq géné-
fidèle à tous ses amis. rations.
6 LETTRES DE PEIRESC [1613]
avoir cy devant faicts en vostre endroict, comme ayant aprins que c'estoit
d'estre despouiHé de cest appuy par son mauvais mesnage'. Et se ren-
dra meilleur payeur et plus facile à vous donner toute sorte de satis-
laclion. Je ne doubte pas que les aultres ne trouvent d'aultres inter-
cesseurs envers vous, pour avoir la preferance, mais je ne me promets
pas moins de vous, que vous ne peziez la differance qu'il y a des aultres
, amys de ce monde, avec ceux de nostre maison pour vostre regard.
Enfin si vous le faictes, vous m'obligerez plus que vous ne pensez et je
seray tousjours d'aultant plus,
Monsieur le Prieur,
vostre trez alTectionné et plus serviabie amy.
DE Peuiesc.
D'Aix, ce 8 décembre i6i i*.
Si mon père estoit icy je m'asseure qu'il vous en ecriroit conmie
moy, mais il est en commission delà la Rivière.
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES,
À SAI.M MAXEMIN.
Monsieur le Prieur,
Je vous fay responce incontinant par celuy qui m'avoit rendu vostre
lettre. Maintenant on m'en a rendu une autre, et aussy tost je vous ay
faist appresler le Tacite que vous me demandez. Vous y trouverez bien
de quoy prolliter. S'il vous fault d'autre livre, envoyez les demander
sans cerimonie. M' Hermite est à Beaugentier où il presclia le jour de
Conduite, procédé. trois petits billetsque je me contente de meo-
Bibliotlièque nationale, fonds français, tionnor; il n'y est guère question que de
nouvelles acquisitions , 5 1 70 , fol. 11. Auto- fenouil : rCc mot n'est que pour vous prier
graphe. A la suite de cette lettre on trouve de faire chercher des graines de fanuil
[1613] À D. GUILLEMIN. 7
l'Ascencion , et ravist tout ie monde en admiration. Quand vous vouldrez ,
vous en pourrez bien faire davantage Dieu aydant. Nous avons receu
nostre arrest contre ceux de Riaiis \ par lequel nous avons eu tout ce
que nous demandions excepté les despans. Il l'ault bien en rendre
grâces à Dieu. Et tous ceux qui sont de la maison comme vous y doi-
vent contribuer quelque chose de leur part. Je ra'asseure que vous le
fairez, sur quoy je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre meilleur amy à vous servir,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 18 may i6i3 ^
dont Jes couroyeurs emploient ie bois et les
feuilles. M' de Branges en a des boscages. "
(a3 avril i6i3.) — irCe mot en passant
n'est que pour vous remercier du soing
qu'avez eu de la graine de fanuii et vous
prier de vous en ressouvenir à la saison . . .
je vous remercie aussy de la petite mé-
daille. . . » (1" may i6i3.) — Le 26 sep-
tembre de la même ann'ie, Peiresc revient
surle même sujet : (f Je vous remercie infini-
ment du soing qu'avez eu h m'envoyer de
la semence de fanuii , mais il fault que vous
vous informiez encores de ceux qui le cul-
tivent en quel temps il le fault semer et en
quelle façon il y fauldra accommoder b
terre.» Le post-scriptum de ce dernier billet
nous apprend qu'il y eut entre les deux amis
un petit combat de générosité' dans lequel
Peiresc fut vaincu : «Je voulois payer ie port
et cette femme n'a pas seulement laissé re-
paistre sa beste céans. Vous estes trop ceri-
monieux. i)
' Les contestations entre les seigneurs et
la communauté de Rians ne devaient pas
être terminées par cet arrêt. J'ai eu entre
les mains un document conservé dans les ar-
chives de M. Louis de Bresc , à Aixen Provence ,
qui jiroiive (|ue ces contestations duraient
encore quatorze années plus tard : Extrait
de transaction passée entre les seigneurs ba-
rons de Rians , seigneurs dudit lieu, Artigues
et Admirât, et les communautés desdits lieux
(cahier in-fol. non paginé). Voici les pre-
mières lignes de ce document : rrL'an 1G27
et le 3o"" jour de décembre avant midy
régnant très chrcslion et très puissant
prince Louis Xlll* par la grâce de Dieu
Roy de France et de Navarre longuement
et heureusement soit-il. Comme soit
que cy devant y eut de grands procez
et differens entre feu Messire Reinaud
Fabry en son vivant seigneur da Callas,
baron de Rians, conseiller du Roy en ses
Conseils d'Estat et doyen en la cour des
comptes, aydcs et finances de ce pays,
d'une part, et les consuls et communauté
dudit Rians, sur quoy seroit intervenus
divers arrêls , sentences arbitrales et trans-
actions, etc.»
' Bibhothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 6170, foi. 17. Auto-
graphe.
LETTRES DE PEIRESC [1613}
VI
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
rniEUR DE nOUMOULLES,
À SMAXEMIN.
Monsieur le Prieur,
Pendant mon absence les livres que vous m'envoyiez furent rendus
à mon père, sans qu'il visl le muletier qui les apporta. Maintenant
que ie cappitaine Nielis s'en rêva, je vous ay voulu donner advis de
la réception d'iceux, et vous dire que comme tous ceux que j'avois
séparez n'y estoicnt pas, j'en avois aussy trouvé a ou 3 qu'il ne me
senibloit pas avoir choisy. C'est pourquoy je désire (jue vous m'en-
voyiez une coppie du roolle qu'avez faict de par delà, pour voir la
conformité d'iceluy avec lesdites pièces. Cependant je trouve fort bon
que vous Irailliez avec le père Garrat de son S' Hierosme, et qu'en ac-
cordiez le marché comme pour vous. Et aprez me le faisant scavoip
j'envoyeray l'argent du prix tout incontinant, et lors le pourrez donner
au P. d'Ambruc de ma part, et le remercier Irez humblement de la
laveur qu'il luy a pieu me faire dont je me resseotiray tout le temps
(le ma vie envers luy et envers son couvent et son ordre. Et taschez de
sçavoir de luy de quels autres livres ils pourroient avoir besoinjj afin
que je leur en puisse procurer pour le désir que j'ay de leur tesmoifjner
mon obligation.
Du faict de Roumoules si m'en eussiez cscript loi-squ'y voulustes aller
j'eusse prié M' de Riez ' d'y procéder un peu plus doulcement et crois
(|u'il eut faicl quelque chose à ma considération; advertissez moy
<juand il sera besoiiig que je luy escrive et je vous feray voir en cela
comme en toute aultre chose de combien bon cœur je suis.
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur aniy.
Peiresc.
Cliarles de Sainl-Sixte occupa le siège de Riez du mois de novembre i Sgg au 1 3 avril 1 6 1 4.
[1613] A D. GUILLEMIN, ^ 9
Je vous envoie ies Harangues funèbres que vous demandez avec
le Rousset'.
D'Aix, ce 24 octobre i6i3\
VU
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROMOLLES,
À S' MAXEMIN.
Monsieur le Prieur,
M' de Renier se vouldroii servir des arnioieries de mon père que
vous aviez faict graver lorsque vous lui desdiates certaines thèses^. Je
vous en escrivis dernièrement, mais il fault que la lettre se soit per-
due. Si vous sçavez qu'est deveniie cette planche, je vous prie me
l'cscrire, ou me l'envoyer si l'avez et me tenir tousjours pour
vostre meilleur et plus serviable amy,
Peiresc.
P'Aix , ce 1 a décembre 1 6 1 3 *,
' Sans doule ie Roman des chevaliers de
la Gloire, contenant plusieurs hautes et fa-
meuses aventures des princes et des cheva-
liers qui parurent aux courses faites à la place
royale pour la fête des alliances de France et
d'Espagne, etc., par François de Rosset,
Paris, v' Bertauit. i5ia, et Fr. Huby,
161 3, in-/l°. Cet ouvrage de circonstance
fut fort rechercbé et on en fit une nouvelle
édition en 1616 sous un titre différent
(Paris, Fr. Huby, in-4°).
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 6170, fol, 19. Auto-
graphe.
' Probablement les thèses que l'on sou-
tenait dans les classes supérieures ou huma-
nités. Plus tard Guillemin devint docteur
en théologie; il obtint le diaconat en 1618
et la prêtrise en 1619.
'' Bibliothèque nationale , fonds français ,
nouvelles acquisitions, 6170, fol. ao. Auto-
graphe.
tilPItlUEItlE NiTIONiLE.
10
LETTRES DE PEIRESC
[1613J
VIII
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
{■RIEUR DE ROUMOULES,
À S' MAXEMhN, COLLEGE.
Monsieur le Prieur,
Je vous remercie de la planche', et je vous asseure qu'elle vous.
sera fort seurement renvoyée, fattendois tousjours (jue ni'escrivissiez
le prix du Saint- JerosmeS sans cela j'en eusse desja faict venir
un d'ailleurs. Je vous prie de m'en csclaircir au plus tost que vous
pourrez, et me sçavoir dire à peu prcz quels aultres livres il y a au
mesme lieu, qui poussent estre agréables h ccz bons pcres' en cas qu'il;»
soient à vendre et que je les leur peusse donner, afin que si ce n'est
de ce costé là, que je tasche d'ailleurs de leur tesmoigner ina bonne
volonté, ne pouvant assez remercier le R. P. d'Anibruc de tant do
courtoisie dont il a usé en mon endroict, et dont je ne désire pas de
mourir ingrat. Tous les livi'es que j'eus sont les niesmes du loolje,
mais il y en a quelqu'un qui n'estoit pas du nombre de ceux que
j'avois séparez et au contraire il en est demeuré quelques uns de
ceux que je desirois voir encores et entre aultres une pièce de Beda
Venerabilis ', si je ne me trompe, et cette pièce du Tito-F.ive et
' liD planche des armoiries réclama
flans la lettre précédente.
^ Le Saint -Jérôme mentionné dans la
lettre du 2 4 octobre 161 3.
' Dans cette lettre et dans celles du ai oc-
tobre précédent, du a 9 mars et du 11 avril
161/1, il parait être question de livres ma-
nuscrits ou imprimés que les relijjieux de
Saint-Maximin durent abandonner à Pei-
resc. Il y a à la Bibliothèque nationale , fonds
latin, n" 348 et aôaS, deux manuscrits,
l'un du Liber de proprielatibus rerum de
Barlhélemi l'Ang-lais, l'autre du Mammo-
Ireplus, (jui viennent du couvent de Sainl-
Maximin ; tous deux ont passé par la biblio-
thèque du canlinal Mararin; celui-ci les
avait sans doute trouvés dans la partie du
cabinet de Peiresc qu'il acheta du baron
(le Rians. (Comumoication de M. Léopold
Delisle.)
* Sur Bède le Vénérable, que l'on a sur-
nommé l'homme le plus savant de son époque
(673-735), voir le ïiéperloire du chanoine
Ulysse Chevalier (fascicule I ).
[IGl/.] À D. GUILLEMIN. 11
quelque aultre dont il ne me souvient plus. Voyez si sçaurez trouver
ceux-là. J'ay ouy parler en Arles de quelque traicté qui s'est es-
bauché avec vous : ne i"esolvez rien sans prendre advis de vos amis\
et croyez que je seray à jamais,
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur amy,
Peiresc.
D'Aix , ce 1 4 décembre 1 6 1 3 '.
IX
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROMOLLES,
À S' MAXEMIN, DAiNS LE COLLÈGE ROYAL'.
Monsieur le Prieur,
Les occupations du Palais et aultres, tant domestiques que de ceux
qu'il nous fault servir à toute heure, me divertissent de telle sorte
que si je ne suis pressé de faire responce aux lettres qui me viennent de
plusieurs divers endroicts, il n'est pas bien en mon pouvoir d'y satis-
faire. Ce n'est que cela seul qui m'a empesché de vous respondre, et
non aulcune des considérations que vous vous estiez imaginé. Je vous
ayme trop pour concevoir aulcune sinistre opinion de vous, quand on
me vouldroit persuader le contraire, je procederois par remonstrances
plus tost que par silence et vous traitterois plus tost comme un mien
frère, que comme persone qui me fut indifférante. Croyez le assuré-
ment, et ne doubtez jamais de la continuation de mon affection en
vostre endroict parceque je suis si asseuré au jugement que j'ay faicl
' Peiresc craignait que l'on n'abusât de nouvelles acquisitions , 6170, fol. ai. Auto-
la candeur de Guillemin. Plus tard , quand graphe.
le bon prieur fut rompu aux affaires, son ' Rappelons que Peiresc avait dludit^
correspondant mit, comme nous le verrons, pendant quelque temps en ce mi-me collège,
toute sa confiance en lui et le félicita sou- m San-Maximilano collegio, comme s'ex-
venl sur ses babiies négociations. prime Gassendi (livre I, p. i5).
■ Bibliothèque nationale, fonds français,
\-2 LETTRES DE PEIRESC [1614.
(le vostre vertu et de vostre bonté, que je ne croirois jamais que vouf
dussiez faire d'action contraire à cela. Continuez seulement vos estudes
afin que vous ayez par aprez davantage de moyen de vous acquitter
de vostre debvoir envers Dieu.
M'' Herniitte dict il y a quinze jours sa preiiiiL-re messe sans ceri-
monic en l'Eglise de la doctrine où il donna tout plein de bonne édi-
fication de luy. Quand vous aurez atteint comme luy le terme de vos
estudes, je seray bien aise de vous voir aussy bien faire que luy, m'as-
seurant qu'il ne tiendra qu'à vous de faire encores mieux , Dieu aydant.
Au surplus j'oubliois de vous dire qu'il fault que le S' Jerosme du
P. Charlois soit bien richement babillé, puisqu'il le tient à 5o libvres.
Car j'en puis avoir un tout neuf dans Lyon pour 3o libvres et le port
n'en sçauroit pas couster 3 libvres qui est bien loing de ce compte là.
Voyez de me sçavoir dire le lieu de l'iiiqjression de celuy là, si c'est
de plus beau papier que l'ordinaire, s'il est réglé et lavé ou s'il va
aultre qualité qui le puisse rendre si cher, et que je sois bieiil4)st
résolu du dernier prix, aultrement je feray venir l'aultre, demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur amy,
Peiresc.
Du faict d'Arles, je ne vous sçaurois rien dire à cette heure j)arce
que je n'ay pas trouvé à ma main ce que m'en aviez escript avec les
papiers qu'y aviez joincts.
D'Aix, ce a 9 mni-s i6i4 '.
' Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 5170, fol. a3. Auto-
graphe.
[1615] À D. GUILLEMIN. 13
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROUMOLLES,
À S' MAXEMIN, AU COLLEGE ROYAL.
(Avec un livre noir clans un sachet.)
Monsieur le Prieur,
Le cœur me disoit que ce livre du P. Charlois ne seroit pas grand
chose, et de faict, l'impression est trop vieille et la relieure trop
jjoffe ^ pour en payer seulement le tiers de ce qu'il en demandoit. Je
suis fort aise de n'avoir pas achepté chat en sac'^ et ne suis marry que
du temps qui s'est perdu, durant lequel j'en eusse eu un tel qu'il s'ap-
partient. J'y pourvoiray maintenant à la première occasion Dieu ay-
dant ensemble à quelque aultre livre qui soit du goust de cez bons
pères, si vous en pouvez rien sentir^ comme je vous avois ordonné,
demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur amy,
Peibesc.
D'Aix , ce 1 1 avril 1 6 1 4 *.
XI
\ MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROUMOULLES,
À S' MAXEMLN, AU COLLEGE.
Monsieur le Prieur,
Il est couru un bruict qu'à cette veille de nostre Dame la Chandeleur
' Grossière. Nous avons rehvé gofe , gof- chat en sac. — Folie esl d'accepter chai en
Jement dans le recueil Peiresc-Dupuy. sac.n
' On trouve dans le Livre des proverbes ' Deviner.
français de Le Roux de Lincy (t. I, p. 187 ) * Bibliothèque nationale, fonds français,
ces deux citations tirdes d'un recueil dM(/ag-ftï nouvelles acquisitions, 6170, fol. a/i. Auto-
français du xvi" siècle : ffC'cst mal achat de graphe.
lA LETTRES DE PEIRESC [1613J
vous deviez exécuter le desseing dont aultrc fois nous avions parlé
ensemble à Montrieu ', et que vous estiez venu me voir pour me le com-
muniquer. C'a esté la cause que trouvant cette commodité, j'ay voulu
vous en donner advis, ])our vous dire (|ue je ne le crois pas, et que
(juand vostre intention seroil telle, j'estime que vous vous en viendriez
conseiller à moy sçacliant bien que je ne suis pas pour vous dissuader
d'aulcun bon dessein que vous sceussiez avoir, ains seulement vous
représenter les inconvénients auxquels il fault bien penser et repenser,
pour ne se laisser surprendre. Si trouvez commodité de m'en escrire, j'en
sçauray volontiers la vérité, et ne fault qu'envoyer voz lettres à Aix à
mon père qui me les fera tenir, ou bien à Drajjuignan chez M' de Meaux^
Adieu.
Vostre plus serviable et meilleur amy,
Peiresg.
De Roqucbrune ', ce 37 jfinvipr i6».S '.
XII
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE REMOULLE,
À S' MAXEMIX.
Monsieur le Prieur,
Trouvant ceste commodité de vous faire tenir le S' Hierosme que
j'avois promis à cez messieurs les religieux de S' Maxemin, je le vous
ay bieii voulu envoyer, pour vous prier de le faire mettre dans leur
librairie, et sçavoir quels livres ils desireroient d'avoir, parce que je les
' La cliarlreuse de Montrieux, pi-ès de ' Petite ville du déparlement du Var,
Belgentier. Voir h recueil Peiresc-Dupuy arrondissement de Draguijpiau , canton de
(t. I, p. 91a). Fn'jus, à 8 kilomètres ouest de cette der-
' Un parent de Peiresc dont le nom figure nière ville,
deux fois dans le recueil Peiresc-Dupuy et * Bibilothèque nationale, fonds français,
((ue nous retrouverons souvent dans le vo- nouvelles acquisitions, 6170, fol. aô. Auto-
luine qui sera consacré à la correspondance graphe,
de Peiresc avec sa famille.
[1619] A D. GUILLEMIN. 15
en vouklrois bien gratifier s'il estoit possible, estant marry que celuy cy
ait tant tardé, mais mon absance et mon indisposition en ont esté
cause. Me recommandant à leurs bonnes prières et aux vostres, sur
quoy je demeureray,
Monsieur,
vostre Irez affectionné serviteur,
Peiresc.
À Aix, ce 16 jiiiHet 161 5.
Le cappitaine Nielis désire bien que vous vous souveniez de luy en
je ne sçay quelle allaire oh vous ne le sçauriez obliger sans m'obliger
moy mesme, et si M' de S*^ Marc a depuis continué ses discours \ il
est temps de me les faire voir s'il l'a agréable, pour les insérer en leur
lieu. Je vous prie de luy baiser trez humblement les mains de ma part.
J'ay donné un quart d'escu au presant porteur pour le port'^
XIII
V MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE UOUMOULLES,
À S' MAXEMIX.
Monsieur le Prieur,
Ayant faict tenir voz pacquetsàM' vostre frère à Villeneulve-le-Hoy*,
il en est voulu venir porter la response luy mesme, que vous aurez
par l'homme de M' de la Verdiere, qui partit devant hier en poste.
Il est aprez pour obtenir icy une sauvegarde pour son beau-père, où je
le serviray le mieux que je pourray. J'espère aprez Pasques Dieu ay-
dant d'aller faire un petit voyage en Guienne pour voir en passant
' Sur ce conseiller au parlement d'Aix, ' Bibliothèque nationale, fonds français,
qui était en même temps professeur de droit nouvelles acquisitions , 5 1 70 , fol. a6. Aulo-
à l'universitf! de cette ville, voir le recueil graphe.
Peiresc'Dupuy, t. Ill, p. /i."). ' Près de Paris.
16 LETTRES DE PEIRESC [1623]
l'Abbaye de Guistres qu'il a pieu au Roy me donner ' et de là je passe-
ray en Provence où nous vous verrons. Je loue grandement voslre sainte
resolution de prendre les ordres sacrez. Il lauldra que j'en fasse bien-
lost aultant^ Cependant je me recommande à voz bonnes prières, de-
meurant,
Monsieur le Prieur,
vostre Irez allectionné à vous servir,
DE Peirrsc.
De Paris, ce a febvrier 1619 '.
XIV
- À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES (stc) ,
À ROMOULLES {sic).
Monsieur le Prieur,
Il y a quelques jours que je receus vostre lettre du 29 novembre-
avec celles de M" de Sisleron* et d'Apt* que je vous renvoie ouvertes
afin que vous voyiez les termes où ils peuvent en eslre demeurez avec
vous, que je trouve un peu dilTerents d'avec ce que vous me mandez;
vous en ferez vostre prodict, et je continueray de vous rendre en leur
endroict touts les meilleurs offices que je pourray. Vous aurez sceu
que les Eslats sont mandez au 1 2* du mois prochain ; je pense que
ces messieurs ne manqueront pas de s'y trouver; je leur rafraichiray
mes prières de vive voix et si vous y venez vous en pourrez estre
' Il y avail d^jà plus de Irois mois que ' Peiresc ne prit jamais les ordres sacn^s.
Louis XIII lui avait donné celle abbaye, ' Bibliothèque nationale, fonds français,
puisque, dès le a3 octobre de l'amiée pré- nouvelles acquisitions, 5 170, fol. 07. Auto-
cédente, le nouveau titulaire annonçait celle graphe.
nouvelle h Aleandro, comme l'a rappelé * Toussaint de Glandeve de Cujes siégea
M. labbé Louis Bertrand, sous le nom d'An- de 1607 h )648. Voir le recueil Peiresc-
toine de Lanlenay, dans Peiresc abbé de Dupuy, t. I, p. oj.
Guitres, p. 7. 5 Jean Pélissier siégea de 1607 à 1639.
[1623] À D. GUILLKMIN. 17
tesmoiiig vous mcsinos. Je n'ai pas encor sceu prendre à poinct
M?'' TEvesque de Frejus' pour luy en parler pour ne mettre cas sur
cas attendu que j'attends l'événement'^ d'une prière que je luy ay faitte
pour le prothonolaire Aguillenqui^ car s'il ne faict ce qu'il m'a promis,
je suis incertain comment je pourray vivre avec luy désormais. J'es-
père que nous en serons esclaircis dans 7 ou 8 jours, tout au plus
tard, cependant je denieureray.
Monsieur le Prieur,
vostrc Irez affectionné à vous servii',
DE Peiresc.
A Aix, ce 16 décembre if)S23.
Enquerez vous un peu, je vous prie, si dans vos montaignes il se
trouve poinct de ces pommes qu'en France on appelle du nom de He-
iielte, lesquelles sont fort jaunes en la pelure et ont la chair niesmes
jaunaslre; leur forme est un peu poinctue comme une poire renver-
sée, leur goust est aigrelet et fort aggreable à manger avec du sucre,
et se gardent toutle l'année. Entre celles que vous nous fistes ap-
porter, il s'en est trouvé 5 ou G par hasard qui tenoient un peu de
ce goust et de cette forme poinctue, mais elles estoient de couleur fort
verde et estoient les meilleures de toutes celles que vous avez envoyées
à mon goust. S'il s'en trouvoit de vrayes renettes, j'en achepterois
volontiers une charge pour ma provision de ce caresme. Je vous prie
d'en faire chercher et de me faire sçavoir ce qu'elles cousteront. J'ou-
bliois de vous dire qu'elles ont quelquefois la pellure pointillée de petits
poincts ou grains noirastres et quelquefois de grosses tasches grises.
Il y en a qui ont la chair blanche, mais elles ne sont pas si bonnes de
beaucoup et ne sont pas comprinses sous le nom de franches Kenettes*.
' Barthélémy de Camelin siégea de 1696 i-esc-Dupuy,pfl.ssH«. Ce personnage reparaîtra
à 1687. Voir Recueil l'eiresc-Dupuy, t. I, souvent dans le reste de la correspondance.
p. 170. ' Bibliothèque nationale, fonds français,
^ Pour résultat. nouvelles actpiisitions, 5170, fol. 36. Ori-
^ Sur ce protonolairc, parent de Peiresc, pinal. La signature seule est do la main de
ri f|ui fut prévôt de iiarjols, voir Recueil Pei- Peiresc.
iMPnntrnir x in on a 1.1:,
18 LETTRES DE PEIRESC [1G24]
XV
À MONSIEUR, MONSIEl'R GLILLEMIN,
PRIEUR DE ROUHOULLES,
À ROUMOIIU.ES.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du /i'' de ce mois ensemble les 3 petittes
{{ondoHes et les pommes dont je vous remercie bien fort et vous en
eusse bien sceu davantage de gr»« si par mesme moyen vous m'eussiez
escrit ou faict dire par vos gents ce que coustoient lesdictes pommes
et les fraiz de voicture, car cela sera cause que je ne vous en de-
menderay pas une aultre fois avec mesnie liberté; je ne vous sçanrois
encor dire mon advis de leur goust, jmr ce que je me suis trouvé sur-
pris d'une fascheuse toux laquelle m'empescbe d'en oser manger de
touttes crues comme je ferois trez volontiers.
Pour le surplus, nous attendrons vostre venue à cez procliains Estai/
et tasclierons de faire pour vous tout ce qui nous sera possible en
eschange de tant d'effects de vostre bonne volonté. Si vous allez passer
à Riez avant que venir, je vous prie d'y transcrire le plus exactement
que vous pourrez toultes les inscriptions antiques qui s'y trouvent et
cependant je demeureray.
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble et affectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 9 janvier i6a4 '.
Bibliolhètine nationale, fonds fiançais, nouvelles acquisitions, 5 170, foi. Sy. La signa-
ture seule est autographe.
[1624]
A D. GUILLEMIN.
19
XVI
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES,
À S' MAXEMIN.
Monsieur le Prieur,
Je vous sçay fort bon gré du soing que vous avez eu de nous laire
tenir si diligemment la boitte de lleurs que vous avoit addressée M"' le
prieur de Beaugenliex', laquelle est arrivée fort bien conditionnée
Dieu mercy. Je luy faicts un mot de response que je vous prie de luy
envoyer par le premier qui s'en ira de voz quartiers de ce costé là el
qui passera par voz faulxbourgs, si vostre bomme ne trouve en s'en
allant d'icy là cpielque commodité de la faire tenir comme je l'en ay
prié d'y prendre garde. Mon père vous remercie de voz perdrix et je
vous envoyé un cbeval pour venir mardy comme vous m'avez promis,
demeurant cependant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez afl'ectionné à vous servir,
DE Peiresc.
A Aix, ce i" avril l6a^l^
gentiex le nom qu'il écrit d'ordinaire Beau-
Ifenlter. IMus lard Giiillemin devint prieur de
Beigentior, comme nous l'apprend en ces
termes Gassendi (liv. IV, p. 38o) : Pridem
Roinotlarum , el iiuiic etiiiin Belgenserii pvw-
rutiim, ut vacant, ohtinuit.
" Bibliothèque nationale, fonds irançuis,
nouvelles acquisitions, 5 170, loi. 38. Ori-
ginal avec signature.
20 LETTRES DE PEIRESC [162A]
Wff
À MONSIEUR, MONSIKUR GUFLLEMIN,
PBIEUR DE ROUMOl'LES,
À ROUMOULES.
(rECOHMANDK à riez a 51' I.E GRARD VICAIRE DD S' EVCfQDB DB RIEZ.)
Monsieur le Prieur,
Enfin l'occasion s'est présentée d'accej)ter l'offre que vous m'avez
iaicte de voslre vallet, car il a prijis «ne humeur à Claude de de-
meurer trois jours hors du logis, sans que je Taye veu durant ledirt
temps sur le poincl que mon frère estoit sur son despart, que mon
clerc' estoit occupé à escrire. De sorte qu'il m'a bien incommodé, et
a depuis eu tant de honte, qu'il n'a pas eu le courage de se repré-
senter devant moy, dont j'ay esté infiniment aise pour avoir un juste
prétexte de m'en desfaire. Je vous prie donc de ni'envoyer vostre
garçon le plus tost que vous pourrez, car il me viendra bien à
poinct maintenant que mon frère est parly avec tous ses gents, en-
semble mon cousin de Meaux , et que mon père est encore malade. Je
crains que cela ne vous incommode et suis bien marry de le vous
oster en cesle saison. Je lenq)orisois lanl que je pouvois, mais il
n'y a plus de moyen de différer. Je vous serviray en revanche, el
seray toujours.
Monsieur le Prieur,
voslre Irez affectionné serviteur,
DE Peiresc.
H'Aix, ce 29 juin lôai.
Je vous rendray l'argent que vous luy donnerez j)our sa des-
pence jusques icy avec d'aultre dont il nous fault venir à compte.
' C'est-à-dire secrétaire.
[1624] À D. GUILLEMIN. 21
Si je sçavois par quelle voye ira cette lettre, je vous en eusse en-
voyé '.
XVIIl
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROUMOULLES,
À ROUMOULLES.
Monsieur le Prieur,
Je suis bien ayse que l'une" de mes lettres soit parvenue entre vos
mains et ne puis assez vous remercier de la franchise et promptitude
avec laquelle vous m'avez voulu donner vostre serviteur. J'ay un peu
de regret qu'il ne vous ait faict faute pendant vostre indisposition de
migraine et qu'il ne vous face encor faute à l'advenir, mais [vous
avez] voulu adjouster ce tesmoignage d'alTection à tant d'aultres que
vous m'en aviez donnez de longue main dont je tascheray de me mieux
revancher à l'advenir que je n'ay faict par le passé, si j'en puis avoir
davantage de moyen. Je le feray habiller cette sepmaine afin de vous
renvoyer au plus tost l'habit que vous lui aviez faict de vostre livrée,
pour vous en pouvoir servir en la persone de celuy que vous luy
subrogerez. Mais j^ suis en peine par quelle voye je vous le feray tenir.
Si je n'en trouve de commode pour Riez, je l'envoyeray à S' Maxemin
oh c'est qu'en un besoing l'homme que vous prendrez le pourra venir
quérir. Je n'avois point ouy parler du cuir doré que vous faisiez faire
en Avignon. J'en escriray à Mons"" de Mondevergues '^ par le premier
et envoyeray à S' Maxemin suyvant vostre ordre tout ce que je pour-
ray recouvrer si je n'ay commodité plus propre pour l'envoyer droit >^
' Bibliothèque nationale, fonds français, tioiiné dans le recueil Peiresc-Dupuy (t. JIl ,
nouvelles acquisitions, vol. 6170, fol. 89. p. 95/i), et, avec deux documents signés
Suit (fol. ho) un duplicata de la présente de lui, dans le fascicule VIII des Correspon-
lettre, avec cette addition, à la fin : frJc danls de Peiiesc : Letlros du cardinal Utchi,
vous ay envoyé à S' Maxemin l'original de évêquc de Carpentras (et autres personnages
cette lettre. 1 du Gomtat Venaissin), p. a5-3a do la se-
' Jérôme Lopès de Mondevergues , men- conile partie.
■2-2 LETTRES DE PEIRESC [1624]
Riez. J'escriray vendredy à M"^ le cardinal Bentivojjlio ' el liiy feray un
recharge ^.
Ne pouvant vous dire autre chose si ce n'est que je suis tousjours,
Monsieur le Prieur.
voslre plus serviable et nicillfur aniy,
DE PeiRESC.
D'Ak, ce 8 juillet 169 4'.
XIX
À MONSIEUR, MONSIEUR GLILLEMIX,
PniKUn DE ROtMOULLES,
À ROUMOLLLES.
Monsieur le Prieur,
Trouvant cette bonne comodité de vous escrire j'ay bien voulu vous
advertir que le landemain du despart de François, je receus lettres de
M' Aleandre " eu datte du six du mois passé portant que le jour pre-'
cèdent le bon P. d'Ambruc avoit esté mené par M' de Betbunes'* et
avoit présenté ce qu'il portoit qui avoit esté extrêmement bien receu.
J'eus par niesme moyen une aultre lettre du i5 d[un aultre de mes
amis à qui ledict P. d'Ambruc avoit rendu un libvre de ma part. Je
croids que nous aurons bientost des nouvelles de luy-mesmes, c'est-
à-dire par l'ordinaire qui viendra d'aujourdhuy en 8 jours dont je vous
feray part. Paul" se monstre fort serviable et gentil garçon, son habit
n'a pas encore peu estre achevé pour aujourd'huy dont je suis bien
' Sur le cardinal Bentivoglio, correspon- Peiresc-Dopuy, pa««»in, el, daiLS le présent
daiit et ami de l'eirosc, voir les trois tomes tome, a ia suite des lettres à D. Guilleinin.
du recueil des lettres aux frères Dupuy. les lettres h L. tlolslciiius.
■ Rappel, insistance. ' Sur l'ambassadeur à Rome Pliilippc de
■* Bibliollièquc nationale, fonds français, Bi'tliuae, voir le recueil Peiresr-Dupny. t. I
nouvelles actpiisilions , 6170, fol. 4a. Ori- et II, pasxim.
ginal avec simple signature. ' Le serviteur prélé par le prieur à
' Sur Jt'rôm3 Aleaudro, voir le recueil ' Peiresc.
[162/1] À D. GUILLEMIN. 23
marry, car le présent porteur le vous eust reporté, mais je l'envoyeray
par le premier. Cependant je demeureray,
Monsieur le Prieur,
voslre plus serviable et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix , ce 1 2 juillet 1634 '.
XX
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES,
À ROUMOULLES.
Monsieur le Prieur,
J'ay aujourd'huy receu incontinant aprez disner une lettre du -iG
de ce mois par le présent porteur, ensemble une aultre pour mon frère
de Vallavez que j'envoye demain en cour par un des enfants d'Estienne
et parce que ce porteur m'a dict que le sieur de Frontienes estoit en
cette ville depuis deux ou trois jours, je l'ay prié de l'aller chercher
pour tascher de recouvrer mon pacquet et à ce soir sur les sept heures
ledict sieur de Frontienes a prins la peine de me l'apporter luy mesuies
avec tout plein d'excuses; j'y ay trouvé vostre lettre du xui^ avec les
anticailles dont je n'estime que la 1"= et la dei'nière que vous cottez
])ar numéro i et v et regrette que l'eau de la fontaine gaste la cin-
quiesme que je trouve l'or! gentile et qui mérite bien avant qu'on
1 achevé de gaster, qu'on la fasse desseigner"^ par quelque garçon
peintre de tous les trois costez pour voir la forme des testes de tau-
reau, de bellier et des pommes de pin. Je vous renvoyé la lettre du
1 o may à laquelle il n'escheoit pas de grande response puisque l'ordre
en est revocqué par celle du lA juin, laquelle prévaudra désormais
' BiWiotlièquc nationale, fonds français, ^ Dessiner, comme nous l'avons déjà vu
nouvelles acquisilioiis, 5170, fol. 'i5. Ori- dans les tomes précédents,
jjinal avec simple signature.
24 LETTRES DE PEIRESC 11624]
à mon advis. J'ay plainct et plainctz cncores le pauvre M' Cotelon et
suis bien fasché qu'il porte la folle enchère pour aulruy à ce coup cy,
mais je ne pense pas mourir que je ne le voye bientost vangé de tous
ceux qui luy ont randu ou procuré ce mauvais office (piel (pùl soit.
Je vous escrivis devant iiier, par un nommé lloyer de liiez qui se
chargea de l'habit de Pol. J'ay depuis receu des nouvelles lettres de
Rome du xui de ce mois d'un intime amy de M' le Cardinal et de moy
qui me faict encor de nouvelles recommandations de sa part, ce que
je n'ay pas voulu obmettre pour vous oster entièrement l'allarme où
l'on vous avoit mis de par delà ', INous eusmes hier au soir des nou-
velles de mon frère de Vallavez de Paris, du ta et 1 4 de ce mois; il
en partict le 1 5 pour aller à Couq)iegne aprez avoir mis ordre à ses
rilTaires, et sur ce je demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez aflectionné à vous servir,
DE Peibesc.
A Aix, ce xiii' juillet iGai '.
XXI
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROUMOULLES,
À ROUMOULLES.
Monsieur le Prieur,
Ce mot sera pour vous dire que j'ay escript à M' de Mondevergues,
pour luy rementevoir vos peaux de cuir doré, mais je ne les ay pas
encore receus. Cependant ayant trouvé la conunodilé du sire Antoine
Hoyer, présent porteur, qui s'en alloif à Ronmoules, j'ay esté bien aise
que Pol s'en soit prévalu pour vous renvoyer l'habit (juc vous luy aviez
donné, afin qu'il puisse servir à son successeur. 11 se faict gentil garçon
Au sujet d'une prétendue mort on jjiMve iiOiiveilc« .ic,|uisilioiis, Siyo, fui. 5a. Ori-
Mialadie du caidinal Fr. Barbe, itii. ginal. La formule linaie à partir de rostiv
' Bibliothèque nationale , fonds français. Irez, etc., est autographe.
[1624] À D. GUILLEMIN. 25
et je croy qu'il réussira à bien, Dieu aydant. Au surplus le procureur
Augier me vint monstrer dernièrement une lettre de M' vostre arche-
diacre touchant le mauvais bruict qu'avoit semé de par de là je ne
sçay quel prebstre, que je convaincquis bien tost de faulseté, car j'eus
des lettres de Rome du 5 de ce moys par lesquelles on me faisoit tout
plain de compliments de la part de M^'^le Cardinal qui se porte fort bien
Dieu mercy^ et m'avoit escript par l'ordinaire précédant du i6 juin,
ce que je vous fis mander par mon homme dans un pacquet que Pol
bailla ces jours passez à un homme de Roumoules nommé Guillen, je
croy que vous l'aurez receu. Au surplus je suis en grande peine pour
la maladie de M"" de ^ Galias mon père, laquelle va tousjours en em-
pirant; Dieu le veuille conserver et remettre en santé ^ et sur ce je
demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné à vous servir,
DE Peuiesc.
D'Aix, ce 95 juillet lôa/i '.
XXII
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES,
À ROUMOULLES.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despeche du 2"= de ce mois et ay esté bien aise
d'apprendre que les miennes vous ayent esté rendues ensemble l'habit
de vostre garçon. J'ay eu response de M"^ de Mondevergues touchant vos
' Fr. Barbeiini, dont on avait, comme t. I, p. 66) que R. de Fabri mourut le
nous l'avons vu, annoncé la maladie ou a 5 octobre i6a5.
même le décès. ' Bibliothèque nationale, fonds français,
' Peiresc, dans ses filiales préoccupa- nouvelles acquisitions, 6170, fol. 5 1. Auto-
lions, a écrit deux fois Af' de. graphe.
' Nous avons vu (Recueil Peiresc-Dupuy,
&
•26 LETTRES DE PEIRESC [1621]
cuirs', lequel m'escript que l'ouvrier est si paresseux qu'il n'avoit pas
encor louché, mais qu'il est résolu de ne le laisser point en repos
qu'il ne vous ait donné contentement, et adjouste que c'est chose qu'il
peut faire fort à son ayse, parceque l'ouvrier demeure viz à viz de sa
maison. Je vous remercie du soinfj qiio vous voulez prendre do nie faire
desseigner le marbre de la fontaine, en quoy vous obligerez le public
qui a interest que ceste pièce ne s'achève pas de ruiner sans qu'il en
demeure quelque dessein qui puisse estre conservé à la postérité. Au
surplus je n'attends plus de lettres que du P. d'Amhruc, puis <ju' il a
tant tardé, et crois qu'il en doibt estre luy mesmcs le porteur et
n'attends pas des lettres de Rome plus tosl que de vendi-edy prochain
dans 8 jours par le retour de l'ordinaire d'Avijjnon si ce n'est qu'il n'en
vienne par quelque voye ordinaire. Je ne manqueray point de vous en
faire part à la i"' occasion que je lecepvrai pour diminuer tousjours
davantage la peine où M' le Vicaire a esté aussy bien que vous, à qui je
voudrois rendre de meilleur service que cela ainsi que les effeclz le luy
tesmoigneront quelque jour Dieu aydant. Cepandant je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre plus .serviable et meilleur amy,
nt Peiresc.
À Aix, ce 6 aousl i6-j4.
On nous a fait manger cette sepmaine passée d'une race de pommes
qui ne tiennent rien de la pomme que la figure et la couleur jaulne
dorée avec un peu de vermillon par dessus en quelque endroict, mais
le goust est le vray goust des coings, seulement un peu moins aspre
que les coings et fort aggreable à manger crud avec du sucre, et ce
qui me les faict estimer principalement est la présente saison en la-
quelle elles sont desjà bonnes à manger deux ou trois mois auparavant
la saison ordinaire des pommes, ce qui m'a faict désirer de sçavoir
d'oiî elles estoient venues, pour en pouvoir demander des greffes.
Les cuirs destines à quelque reliure, ou peut-être à quelque tenture.
|162A] À D. GUILLEMIN. 27
mais autant vaudroit qu'elles fussent tombées du ciel; ceux qui les
vendoient ne sçavoieut nullement d'où elles estoienl veniies; enquerez
vous un peu là hault s'il ne s'en Irouveroit point quelques arbres afin
de pouvoir prendre des greffes en la saison '.
XXIII
À MONSIEUR, MONSIRLR GUILLEMIN,
PRIEUR DK ROUMOULLES,
À ROUAIOULLES'.
Monsieur ie Prieur,
Vostre lettre du 21" m'a esté rendue ce matin en allant au Palais,
mais je ne l'ay peu lire plus tost que maintenant qu'il est plus de
trois heures de l'aprez-midy. Je vous remercie du soing que vous avez
eue [sic) des pommes et de l'inscription antique. Je n'ay point escript à
M' le Cardinal de ce qu'on vous a dict et ne suis pas prest de le faire.
On ne m'en a poinct prié et si on m'en prie je teinporiseray d'en avoir
vostre advis. Le père d'Ainbrucq s'en retourne avec la charge de grand
inquisiteur dans Avignon que N. S. P.^ luy a donnée, à quoy les tes-
moignages que j'avois rendus de son mérite n'ont pas nuict, mais ce
n'est pas de luy que je l'ay appris. Je suis trop pressé à celte heure
pour vous entretenir davantage et demeure,
Monsieur,
vostre trez alfectionné à vous servir,
DE Peiresc.
\ Aix, ce 96'"" aoust i6a/i '
Tournez '.
' Bibliothèque nationale, fonds français, ' Urbain VIII, ('lu pape en iCa 3 et dëjà
nouvelles acquisitions, 6170, fol. 55. Ori- inenlionnd ])Iusienrs l'ois dans nos quatre
[jinal avec simple sifjnilurc. loiues precédeats.
^ Adresse ainsi modifii'e dans la copi« de * Hibliotlièque nationale, fonds français,
la Mi'janes : A Monsieur le Prieur de fto- nouvelles ac(juisilions, 6170, fol. 56. La
moulles à Romoule proche fiiei. première partie de la lettre est originale et
U.
28
LETTRES DE PEIRESC
[1624]
Je viens de voir un livre ' où sont transcriptes des inscriptions an-
tiques, entre aultres une à Riez soubs le maistre autel des Cordeliers
hors la ville, que je vouldrois bien voir au vray, s'il n'y a pas
VEIOVI
EX VOTO
Il y en a une aultre qui estoit à Roumonles à la chapelle S' Sé-
bastien
lULIAE TESALLYDI
UXORI CARISSIMAE
M.ANNIUS SnVIIRVSMARITVS
E E
la partie où sont réunies les inscriptions est
autographe. — Bibliothèque Méjanes d'Aix ,
collection Peiresc, registre V, fol. S^S, co-
pie. Cette lettre, présentée par M. Héron de
Villefosse, membre de l'Institut, ë la Société
nationale (les Antiquaires de France (s<-ance
du 10 juillet 1889) a piiru dans le Builetin
de cette société, 3' trimestre de 1889,
p. 9 1 4. Une faute d'impression a, dans ce
recueil, substitué l'année 16a 9 h l'année
1694. — ' Le mot Tournez est écrit île la
pi'opre main de Peiresc.
' Probablement un recueil manuscrit,
car on ne connaît aucun ouvrage imprimé
iiù aient été reprwluiles, au xvii* siècle,
les inscriptions dont Peiresc s'occupe et se
préoccupe tant.
Au bas de la page, Peiresc a ainsi cher-
ché h reconstituer l'inscription : MEIOVIO
EX VOTO QVNRIL. M. Héron de Ville-
fosse m'a fait l'hoinienr de m'ëcrire que,
dans le tome XH du Corpiu (Berlin, 1888),
M. Otto Hirschfeld a donné cette inscrip-
tion et la suivante (n* h-j^a et n* 5706)
d'après le manuscrit de Bailli. BuHe, dont
les copies sont absolument inférieures ii
celles de Peiresc. I/î docte académicien
ajoute: irl^a première inscri|>lion est diflî-
cile à transcrire avec certitude. La preraièn»
ligne contient sans doute la formule : Jovi
o\ptimo], puis ex volo Quarli. La liK-turr
de la seconde est tout i fiait sûre, grâce h
la copie de Peiresc :
Juliae Tesallydi
luori earissimne
M{arrn<] Annius SeTvras marilus
e[r.f)? f[ecU]^
ff Je pense qu'il faut corrigier E E en K F
h la ligne 4.'^ (Reproduction de la note (1
de la page 9 1 '1 du lUilklin phis haut
cité.)
[162^] À D. GUILLEMIN. 29
H y en a une aultre à Riez soubs un autel de la Grande Eglise.
MATRI DEVM etc.
mm VIR AVG
G . I. A . A . 1
XXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES,
À ROUMOULLES.
Monsieur le Prieur,
Ms"" le cardinal de Benlivoglio a fort recommandé au s'' Augier un
pacquet de lettres addressé à M'' son grand Vicaire. Et d'aultant qu'on
est encor en incertitude de Testât de sa santé, et qu'il faut esviter que
le pacquet ne coure fortune d'estre esgaré pendant l'indisposition de
ce bon homme, j'ay creu qu'en le vous adressant à vous, il ne pourroit
pas courir de fortune, parce que vous monterez incontinent à cheval
pour l'aller porter vous mesmes et rendre en main propre audicl
s'' vicaire au lieu oi^i il est; et de plus que si vous le trouvez en estât
de l'ouvrir, et de rendre responce, vous luy aiderez en cela, pour faire
plaisir à mon dict seigneur le Cardinal, ce qui sera de son intention,
et si au contraire, sa maladie ne lui permettoit pas d'y vacquer, vous
aurez le soing de retirer le pacquet et de le renvoyer icy au dict s"" Au-
gier afin d'attendre qu'on le puisse rendre, pour que Monseigneur le
Cardinal donne nouvel ordre. Faites donc cela, je vous prie, inconti-
nant et sans dellay et s'il est possible, moyennez que nous en ayons
la responce icy dans jeudy au soir ou vendredy matin parceque c'est le
' M. Héron de Villefossea bien voulu me doimé une copie très correcte (n° 358). Je
l'ournirce nouveau renseignement. «11 n'y a l'ai vue moi-même et copie'e à Riez, il y a
rien ù dire de la dernière inscription, qui quelques années, s (Reproduclion de la note i
fxisle encore et dont M. Otio Hirsrlifeld a de la page ai 5 du susdit Bulletin.)
30 LETTRES DE PEIRESC [1624]
temps du passage de l'ordinaire de Rome, qui ne se représente aprez
d'un nioys entier. Je m'asseure que vous n'y manquerez poinct et je
demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur amy,
DE Peibesc.
D'Aix, co i" septembre 169^1 '.
XXV
À MONSIEUR, MONSIEUR DE (««>) GUILLEMI.N,
PBiEUR DE nOMOULES,
À ROMOUliES.
Monsieur le Prieur,
Jo receus hier au soir vostre despesche tout à temps pour le pas-
sage de l'ordinaire d'Avignon qui n'a pas manqué de passer aujour-
d'Iiuy, et par luy j'ay envoyé la lettre de M' le Grand Vicaire et la vostre
hieii (jue j'aye esté assez comhatlu de ne le faire pas, (piand j'ay leu
le duplicata que m'aviez envoyé longlenq)s y a, et que je navois j)oinl
pris garde estre descachetté, car dez lors je vous eusse envoyé les cor-
rections que vous y trouverez, lesquelles je viens de faire maintenant
pour servir une aultre foys, et vous faire comprendre que la naïveté
ordinaire vaut trente foys mieux que le langage affecté*. Vous asseu-
ranl sans mentir que je n'entends poinct cez locutions tirées par les
cheveux, et que Malerho, feu M' le cardinal du Perron, feu M?' du
Vair et les plus habiles hommes que j'aye veu à la Cour, parlants de
ce langage, disent qu'il doit plaire tout de mesme conmie fairoit un
homme qui pour aller à l'Elglise à la messe et par la ville, iroil r-n
' Bibliothèque nationale, fonds français, \igcv, à son lit de mort, (^moigna un pro-
notivelles acquisitions, .5170. fol. 58. fond nK^piis pour le style alTectë ((Mition
' Je nie souviens d'avoir lu dans le Die- de 17/40, in-fol., t. III. p. 708).
tionnaire critique de Bayle qu? Joseph Sca-
[1624] À D. GUILLEMIN. 31
dançant une sarebande, au lieu de cheminer à son pas comme font les
aultres hommes. Je n'y ay point changé voz conceptions, mais seule-
ment le stile pour le réduire du phebus au commun et empescher
qu'on ne die de vous comme on faict'de Nei'veze ' et aultres ses imita-
teurs, qu'ils n'aprehendent rien tant, que d'escrire en sorte qu'on en-
tende ce qu'ils veullent dire, taschants tousjours de trouver des termes
qui signifient toute aullre chose que ce qu'ils vouldroient signifier. J'ay
prins cette liberté avec vous sçaichant que vous ne la prendrez pas en
mauvaise part de moy. Au reste il ne faull pas ployer les lettres en si
petite forme; il la fault réduire au cart de la haulteur de la feuille
pour le moings comme je feray ployer celle cy. Et comme il ne faut
pas à ceux gens là, leur dire Toy, il n'est pas aussy de besoing de nuil-
tiplier leur Seigneurie, comme vous faictes, et M' Vostre Archediacre.
.l'ay aujourd'huy veu une lettre d'un prélat que vous cognoissez
toute de phebus et de galimatiaz, laquelle avoit sans double doiuié la
torture à son autheur, et pour recompence a servi die jouet, et desfrayé
une fort bonne compagnie, laquelle en a ry tout son soûl. QuiKez moy,
je vous prie, ce languagc qui n'est poinct intelligible aux naturels fran-
çois, comme vous croiriez devoir quitter ou la friseure des cheveux
(faisant la profession que vous faictes) ou quelque habillement inde-
M. i'abbé L. Bertrand, qui a publia! ensemble les amours d'Hermine, de Clorinde
d'après ma copie la présente lettre dans sa et de Tancrkle, à rimkation du S. Torijmlo
notice déjà citi^e sur Peiresc abbé de Guitrcs Tasso, par A. de Nei-vèze; dernière édition ,
(p. 83-8i), a consacré à Nervèse une noie revue, con-igée et debeauconp augmentée par
que par un cordial échange je lui em])runte l'auteur. Lyon , par Thibaiid Ancelin , i Go."5 ,
à mon tour: (t Antoine Nervèzc, né vers in-i a de 96 pages sans les liminaires. i Cf.
1670, probablement en Poitou, était un Y urûdc da Manuel du libraire {t. l\, \>. lu -
littérateur fort médiocre, dont les vers, de fiû). M. l'abbé Bertrand fait précéder In ceii-
son propre aveu, ne pouvaient laisser que de sure de Peiresc de ces judicieuses observa-
maùvaises impressions, tant pour la vanité du tions: trGuiilemin, paraît-il, avait cru devoir
sujet (fie pour l'ignorance du style {[tvékcc monter son style h k hauteur du sujet,
des Essais poétiques). La Biographie univer- c'est-à-dire de l'honneur ambitionn(; par lui ,
selle, qui donne une assez longue liste de et il avait donné en plein dans le phebus.
ses poèmes et de ses romans, ne cite pour- Peiresc le conigea par cette lettre, où il se
tant pas celui-ci : Ilterusalem assiégée, où est montre en même temps homme de bon sens
descrite la délivrance de Sophomie et d'Olinde, et homme de bon goût, n
32 LETTRES DE PEIRESC [1624]
cent, car l'un scandalise le monde quasi aultant que l'aullie. Tant y a
que pour ne perdre lemps, j'ay hazardé vostre lettre, m'imayinant que
vostre compétiteur en auroit peult estre bien faict aultant, et l'ay
remercié de rechef des faveurs que vous receviez de luy. Mais sur
cela j'ay à vous dire quelque chose la première foys que je vous vcrray,
qui vous iuqiorle un petit. Je vous renvoyé la sienne et demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné et meilleur amy,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 6 septembre t6a4, aprez disner'.
XXVI
À MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROMOULKS,
À ROMOULES.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre lettre ensemble le Portraict de la pierre antique
dont je vous remercie et trouve que celuy qui l'a desseigné est plus
habile homme qu'on ne me l'avoit figun''. Une seule chose j'eusse dé-
siré, sçavoir est qu'il se feust contenté de peindre séparément et à part
chacune des faces de la dicte pierre oii il y avoit quelque chose à
peindre, car les voulant mettre ensemble en perspectives, il les a un
peu confondues, et qui pix est il a mis tout d'un seul costé cez deux
testes de Taureau et de Bellier avec la pomme de Pin, et peult eslre
sont elles gravées l'une d'un costé de la dicte pierre, et l'auitre de
l'aullre costé ; tant y a que je vous en ay bien de l'obligation et à luy
aussi. La pierre que vous avez trouvée aux Gordeliers est fort à mon
gré, et je vouldrois bien sçavoir les mesures de sa haulteur et grosseur.
Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 8170, fol. 6a. Le prieur
a mis sur le dos de la leUre : Pour la façon d'escrire des Lettres. — Copie à la Méjanes, col-
lection Peiresc, t. V, fol. 58o.
[162i] À D. GUILLEMIN. ' 33
car si elle se pouvoit faire porter sur un mulet, j'en fairois volontiers
la despence.
Quant au surplus de vostre lettre, je vous sçay fort bon gvé de ce
que vous avez pris en bonne part les advertissenients que je vous ay
donnez \ Ce sont les eiïets de vostre bon naturel qui m'est assez cogneu
de longue main. Il suffit de persister dans cette bonne résolution de
quitter désormais ce stile cérémonieux pour venir au point par le droict
chemin sans touts cez destours. Je ne suis pas pourtant d'advis que vous
desuiordiez du dessein de vostre doputation, y ayant si bonne part
comme vous avez eiie jusques à cesle heure, et ce que j'ay à vous dire
là dessus n'est pas pour vous en faire départir, ains pour vous ouvrir
des moyens de vous y maintenir non obstant les traverses qu'on vous
donne et le mal est que je ne le sçaurois dire que de bouche et de vive
voix. Cepandant, attendant de vous voir, je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur ami,
DE Peiresc.
A Aix, cfe 1/4 septembre 16a 4'.
XXVU
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULLES.
Monsieur le Prieur,
Depuis vous avoir escript, l'homme qui devoit prendre mon pacquet
a tant demeuré de venir que quand il est venu aujourd'huy, j'ay esté
bien aise d'y faire cette appendice pour vous advertir que le R. P. d'Am-
bruc arriva hier en bonne santé, avec son compagnon, et son pouvoir
en deiie forme d'inquisiteur en Avignon, où il s'acheminera dans un
' Au sujet (lu style niélapliorique dans nouvelles acquisitions, 6170, fol. 63. Ori-
leqiipl Guillemin a\u\l vorsi'. ginal avec simple signature. Copie à la Mé-
' Hil)liotiièque nationale, fonds français, jaues, collection Peiresc, t. V, fol. 58-î.
IVI'RIHCniE .^^TlOIALr.
34 LETTRES DE PEIRESC [1624]
jour ou deux. Ils sont tous deux en la meilleure santé du monde et
grandement contents, et disent que leur voyage leur est reuscy tout
à souhaict, et qu'ils ont esté fort bien receus, comme il y avoit appa-
rance. Et m'ont apporté une fort lionuesle responre du seigneur ne-
veu ', et de mes aultres amys auxquelz je les avois recommandez. Dont
je crois que vous ne serez pas moings aise que moy cl sur ce je de-
nieureray,
Monsieur le Prieur,
voslre plus serviable et m»Mlleur amy,
DE Pkiresc.
D'Aix, ce 17 septembre i6a4 '.
xxvm
\ MONSIEUR, MONSIELR GUILLEMIN,
PRIEUR DE nOl'MOL'LES,
À ROLMOLLES.
Monsieur le Prieur,
Vostre lettre du 29""'' du passé ne m'a esté reiidiit^ qu « «i: -uir, à
mon trez grand regret, mais aussylosl j'ay pourveu à vous envoyer du
secours, et d'amys, et d'argent et de médecin. \il parceque j'ay compté
les jours de vostre mal selon vostre supputation de jeudy passé, trou-
vant que c'est demain vostre 9""% j'ay voillu qu'on lit demain la jour-
née, pour vous pouvoir faire quelque remède sammedy qui sera vostre
dixiesme auquel jour la nature a plus de repos, et plus de disposition
à la réception des remèdes. M"" Astier a voulu prendre hiy mesme la
peine de vous aller voir, jwur l'amour do voslre mérite, et pour
l'amour de l'affection que nous vous portons en cette maison. Nous ne
sçauriez pas suyvre de meilleur conseil que le sien, car il ne vous
sçauroit pas rien conseiller qui ne vous soit trez utile et honorable.
' I.e cardinal Bai berini , neveu du pape Urbain VIII. — ' Bibliolhèque iMili<>ii;il<>. fonds
français, nouvelles acquisitions, 6170, fol. 61. Autograpbe.
[1G2/4] À D. GUILLEMIN. - 35
11 vous dira de bouclie ce que je u'avois peu vous escrire par mes pré-
cédantes touchant l'allaiie de vostre deputation '. Songez seulement
à guérir tout à vostre ayse et Dieu ne laisra pas de vous ayder. Au
reste, s'il luy plaist, ne faictes pas de difïiculté de prendre de luy, de
l'argent, tout ce que vous jugerez vous pouvoir faire de besoing, et nie
remettant à luy de tout le surplus, je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre trez afTectionné à vous servir,
DE Peiresc.
J'ay veu à ce matin M"' l'Eves(]ue de Sisteron qui commance à se
resouldre, et prendre raison en payement, bien que non sans grande
peine. Je n'ay pas voulu attendre d'aultre advis de vostre part sans
envoyer vers vous puisque je n'en voyois poinct de plus récent que de
dimanche, craignant que quelques envieux au cas du besoing n'eussent
peu intercepter voz lettres en chemin.
D'Aix, ce jeudy au soir 3 octobre ifiai '.
XXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROUMOULES,
À ROUMOULES.
Monsieur le Prieur,
J'ay esté infiniment ayse d'entendre par la vostre du 5 de ce moys,
' La deputation à l'Assemblëe gdnërale M. l'abhé L.]iertraiid {Peiresc, abbé de Gui-
du clergé. Guilleinin y représenta le second très, p. 85) cite la Collection (les procès-
ordre de la province ecclésiastique d'Aix, verbaux des Assemblées générales du clergé
en compagnie de son métropolitain, Hu- de France, Paris, 1768, t. II, p. 890.
rault de l'Hospital, et de Toussaint de Glan- ^ Bibliothèque nationale, fonds français,
dèves, évoque de Sisteron. Sur cette as- nouvelles acquisitions, 0170, fol. 64. Auto-
semblée (28 mai 162 5 -29 février 1626) graphe.
â6 LETTRES DE PEIllESC [1624]
et par le récit que m'en ont faict M' Astier et M' Ferand, le bon estât
de vostre convalescence, et ne puis que vous exhorter à vous bien con-
server pour esviter les recheuttcs qui sont fori fréquentes celle année
à ceux qui ne se sçavent pas bien conserver aprez avoir eslé malades.
Sur tout esvilez le soleil et le serein jusques à ce que vous soyez bien
fortifié. Et quand l'appétit vous sera revenu, contenez vous dans la
sobriété et gardez-vous bien de loute sorte de fruicts. Pol s'en va voir
son père, qu'on hiy a escript estre fort malade, et bien qu'il ne luy
puisse pas apporter grand secours, si est ce qu'il cstoit raisonabie de
luy laisser exercer cet office de piété filiale. Mais le plus lost (jue vous
nio le pourrez faire renvoyer sera le meilleur, car il a prins enfin une
humeur à Vernier de vouloir changer de vacation, et je me trouveray
icy destitué de vallel qui soit habitué à me servir. Quant aux inscrip-
tions antiques, il n'y a rien qui presse et si celle de» Cordeliers est troj)
pesante, il la fault laisser, si ce n'est qu'elle se puysse syer, auquel
cas il fauldroit retenir seulement la face du devant d« l'espoisseur de
(juattre bons doigts. Et lors elle se porteroit aiseement et le restant
serviroit tousjours au mesme usage qu'il faict dans l'Eglise. J'ay pousté
de voz pommes de pâtissier et d'orme, et ne les trouve pas mauvaises.
Mais s'il s'en pouvoit avoir quelqu'une de celles de coing que vous
disiez estre dans le jai-din d'un gentilhomme voisin, (juand il n'y en
auroit qu'une ce seroit assez pour s'asseurer que la race soit là, et qu'il
y ayt moyen d'en avoir des greffes. C'est tout ce que je vous puis dire
et que je suis tousjoure.
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilh-iir amy,
DE PEinESC.
D'Aix, ce VII oclol)ie i6aii aprez disner'.
Bibliothèque nationale, fonds français , nouvelles acijuisilions. 0170. loi. Oi.
[1624] À D. GUILLEMIN. 37
XXX
À MONSIEUR, MONSIEUR GUJLLEMIN,
PRIEUR DE ROCMOULES,
À RIEZ.
Monsieur le Prieur, ■
J'ay veu vostre lettre du 29 du passé et celle de M^'' le Cardinal'
que vous y aviez joincte, laquelle je vous r'envoye, et ay esté bien aise
de voir l'honorable traictenient que vous faict ce grand prélat, ce qui
vous oblige à un grand soing de le bien et fidèlement servir. Ne nian-
([uez pas de l'en remercier sans garimatias (sic). Nous avons veu
icy M'Chadlan, prieur de Gheneuilles, que je trouve assez mettable,
et veux croire qu'avec le temps il se fera encores mieux et se reiidra
beaucoup plus propre à la vacation; il s'en veult retourner chez l.uy
pour mettre ordre à ses affaires avant que se réduire icy. Si vous eus-
siez faict responce à M.s' le GaixJinal avant vostre voyage, je l'eusse
envoyée par l'ordinaire qui est passé à ce matin. Ne faillez pas d'y satis-
faire pour l'ordinaire prochain, et cependant je demeureray.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné à vous servir,
DE Peiresc.
J)'Ai\, ce 8 novembre 16a 4 ^
' L* cnrdiiial Bentivoglio. sonne de M' Clieillan pour demeurer auprès
" Bibliothèque nationale, fonds français, de M' Le Baron.» J'ai nt^gligé une petite
nouvelles acquisitions, 6170, fol. 67. Auto- lettre (fol. 66) non autograplie, dat'^e du
graphe. On lit dans le sommaire mis au 96 octobre 16a 4, et qui m'a paru forl in-
dos de la lettre pai' Guillouiin : i? Avis pour signifiante.
escrire à M^' le Cardinal. L'arresl de la per-
38
LETTRES DE PEIRESC [1624]
XXXI
A MONSIEUR, MONSIELR GUILLEMIN,
PRIEUn DE ROt'MOlJLES,
A RIEZ.
CHF.Z si' L'ABCHIDIACRE GRAND VICAIRE DE ■'' L'EVES<J0E DE RIU.
Monsieur le Prieur,
Je suis bien aise de l'heureux succez de vostre voyage et de vostre
négociation, et le seray encores plus si vous pouvez aussy heureuse-
ment venir à bout de ce qui vous touche. (Iroyant comme vous que
si vostre compétiteur employé M' le p' présidant, il ne Toseroit avoir
reffusé. C'est pourquoy vous devez bien prendre voz mesures, et ne
rien obmettre. Pour le faict de la pierre antique le cœur me disoit
bien que si vous y faisiez travailler en vostre absence tout se gasteroit.
J'eusse mieux aymé despendre ' un peu plus pour la faire syer que de
la bazarder au marteau, mais cela est faict; il n'y a rien qui presse
de la faire apporter, et crains que les 3 quintaux ne soient encores
trop pesants pour un mulot, et qu'il n'en faille diminuer un peu
davan[ta]ge, mais si cela est, il faull que vous y fassiez travailler en
vostre présence, et non aultrement, car les ouvriers sont trop non-
chalants, quand leurs journées sont payées aussy bien d'une façon que
d'aultre. Le portraict de l'aultre n'a non plus de haste que le trans-
port de celle là. Tout viendra assez à temps, pourveu que ce soit avant
vosU'e voyage.
J'ay veu vostre lettre à Mp' le cardinal Bentivoglio, et l'envoyeray
par l'ordinaire du moys prochain, l'ayant trouvée certainement un peu
du hault style-, mais patiance, pour le moings n'y a il rien de si extra-
vagant qui ne se puisse bien souffrir.
' Dépenseï'. rique. Peu h peu les bons conseils de Peiresc
' Guillemin ne renonçait pas facilement , le ramenèrent dans la bonne voie, comme
on le voit, au culte des figures de rbéto- le montrent les lettres d'une grande simpli-
[162i] À D. GUILLEMIN. 39
Mons' Henry ne m'a pas parlé si catégoriquement que vous.
Vous me ferez plaisir de fouiller soigneusement soubs les autels en
vostre visite pour chercher des inscriptions antiques et crois asseure-
ment que vous en Ireuverez, de quoy attendant voz nouvelles je de-
meure
vostre plus serviable et meilleur amy,
DE Peiresc.
D'Aix, ce i5 novembre 1624'.
XXXII
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLEMIN,
PRIEUR DE ROMOLLES,
À SENEZ.
Monsieur le Prieur,
Vostre lettre escrite d'Aups m'a esté rendue despuis deux jours, et
au commancement de ce mois j'en avois receu une aultre escripte de
Moustiers avec ung pannier de pommes aigres toutes d'une sorte, et assez
bonnes, mais je n'ay jamais receu l'aultre précédante que vous dictes
m'avoir escripte d'Entrevenes, ni le pannier de pommes qui la debvoient
accompagner, lesquelles je plainz plus que tout le reste à cause du bon
lieu d'où elles venoyent et du grand renom du jardin d'Espiiiouse oîi
vous les aviez priuses, ra'imaginant qu'il y en de voit avoir de plusieurs
diverses sortes, où nous eussions trouvé de quoy choisir avec espérance
d'en avoir des grelles. Si je sçavois le nom de ceux qui m'ont joué ce
mauvais tour, je leur en ferois fere. des reproches. Si vous vous en
souvenez et que vous les rencontriez, il n'y aura poinct de danger de
vous en([uerir qu'est ce que cela est devenu, principallemeni si tant
cilé de Ion que le disciple adressa, plus tard , ' Bibliothèque nationale, fonds français,
à son maître, efqui forineront un des pro- nouvelles acquisitions, 8170, fol. 66. Antn-
cliains fascicules de la série des Cmrespon- graphe.
ddids df Peiresc.
/,0 LETTRES DE PEIRESC [1624]
estoit que dans voz lettres il y eust chose qui meritast de ne m eslre
point supprimée.
Au surplus, j'ay veu ce que vous in'escripvez des bruictz (jui oui
coureu là haut lesquels peuvent bien avoir esté amplifiez de (juelque
chose de plus que de la vérité. Mais tousjours vous puis je bien asseurer
que je ne me suis poinct meslé de tout cella et que tant que j'ay esté
employé on s'est tenu dans les termes ordinaires telz que peut avoir
entendeuz ccluy qui vous en a parlé que j'honnore grandement et que
j'eusse fort volontiers servy. 11 sçait bien qu'il n'a pas tenu à moy et
je crois certainement qu'il a ung peu négligé cesle affaire et que s'il y
eust hazardé la despanse du voyage d'ung homme pour aller traicter
avec ceux qui luy pouvoyent mettre on main la pièce qu'on luy denian-
doit, il en seroit venu à bout. Asteure je me double qu'il ne soit ung
peu trop tard pour s'en adviser. Toutesfois s'il n'y plaignoit poinct
ung peu de despance , au hazard , possible y trou veroit il encores quelque
entrée, mais on ne peult pas aisément traicter de cez choses là de ^i
loing par simples lettres sans entremise d'hommes qui puissent j)arler.
C'est tout ce que je vous en puis dire et que j'ay bien de la peine à
croire qu'il ne se trouve aulcune pierre escripte en toutes les Eglises
où vous avez esté; mais c'est que vous l'aviez oblié, ou que la foulle
du peuple que vous y avez trouvé dedans, les vous couvroit, ou bien
qu'il ne vous estoit pas permis de vous destourner de quelque quart
de lieue sur les chemins, pour en aller chercher dans les Esglises de
campagne ruynees, où je n'ay jamais manqué d'en trouver aidtant de
fois que j'en suis allé chercher. Mais puisque cette commission là vous
est si difficile, il fault que je vous en donne une aultre, où vous ne trou-
verez pas tant d'excuses, qui est de me recouvrer une coppie du Poul-
lier de cliascung diocèse ou vous ferés désormais un jieu de séjour, c'est
à dire ung roolle de toutes les parroisses dont les curez sont appeliez
aux synodes diocésains en langue latine et en langue vulgaire. Puisque
vous vous arreslez à cez festes à Senez, vous pourrez apporter celuy
de l'Evesché de Senez; et quand vous serez de retour à Riez, vous ferez
le semblable de celluy de Riez, et puis quand vous serez en quelque
[1625] A D. GUILLEMIN. 41
aiiltre Evcsché, vous en ferés de mesme. Envoyés moy des dimissoires
pour Pol Fremieres afin que je luy puisse faire bailler sa clericature à
la première occasion. Sur ce je demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur amy,
DE Peiresc.
D'Aix, ce XVII décembre ifia/i'.
XXXIil
À MONSIEUR, MONSIEUR GUILLERMIN {sic)\
PIUEUR DE ROUMOULLES, DEPUTE DE PROVENCE EN L'ASSEMRLEE GENERALLE
DU CLERGÉ DE FRANCE,
À PARIS.
Monsieur le Prieur,
Ne pensant plus que mes lettres puissent trouver mon frère à Paris,
je vous faicts ce mot pour vous accuser la veniie du S"" de S' Aubin qui
m'a rendu voz lettres et clefs des cadenats de sa hotte laquelle arriva
trois jours aprez luy, mais si mouillée que je crains bien que les plantes
n'ayent fort paty. Des cardinales l'une est en fort belle apparance;
l'aultre au contraire semble n'estre vive qu'au centre du bourgeon.
Les deux Hiacynthes sont fort descolorez et fannis ' nonobstant la mouil
leure; nous ferons ce que nous pourrons pour les saulver. La caisse et
la boitte sont encor en Avignon à faulte de mulets, à cause des ven-
danges, mais à cette heure elles viendront.
Nous sommes en grande incertitude pour la venue de M^' le Légat*,
car en Avignon on l'attendoit dez hyer, et toutefoys d'aultres asseurent
' Bibliothèque nationale , fonds français , graphe. L'adresse seuie n'est pas de la
nouvelles acquisitions, 6170, fol. 71. Ori- main de Peiresc, lequel n'aurait pas écrit
{jinal avec simple signature de Peiresc. — Giiillermin le nom de son ami.
Copie à la iVIejanes, collection Peiresc, t. V, ' Fands. Voir le recueil Peiresc -Dupuy,
fol. 586. t. II, p. 617.
' Bibliothètjue nationale , fonds français , * Le légat Fr. Barberini , qui allait être
nouvelles aajuisitions , 5 1 70 , fol. 2 1 1 . Auto- pendant quelques heures l'hôte de Peiresc.
T. 6
IMI-|ll*4ElllB :<ATlii«llK.
42 LETTRES DE PEIRESC [1625]
qu'il. a esté rappelé et retaidé. J'en attends i'asseuraiice pour aller en
Avignon le salliier et sçaVoir s'il vouldra passer par cette ville, ou non.
durant lequel voyage il me fauldra interrompre ma cure au grand
regret de mon operateur, mais cela n'estoit pas esvitable, en telle oc-
casion qui n'est que pour Une foys en nostre vie.
Je n'oublieray pas vostre protonotariat. Si mon frère arrive à temps
il me viendra bien à propos, au cas que le passage soit par cette ville,
auquel cas j'ay grande peur qu'il ne veuille venir loger céans. Vous
pouvez penser en quelle peine je serois, car mon cousin de Meaulx me
manque à cause du decez de M' son père, qui nous a tous innnimcnt
affligez. C'est tout ce que je vous puis dire pour cette heure aprez vous
avoir remercié de la part que vous m'avez faicle des nouvelles de par
delà que je vous prie continuer tant que vous y sesjournerez, prin-
cipalement à cette heure que mon frère ne le pourra plus faire, car
mon père qui est au lict, prend |)laisir d'avoir cet entretien et sur ce
je demeure,
Monsieur le Prieur, •
vostre plus serviable et meilleur amy,
DK Peiresc.
D'Aix en hasle et à la dcsrobee des médecins qui ine IraictenI ce «o ortol>re lôaS.
Ce 18 orlol)re 162S.
Mon homme oublia de clorre et d'envoyer celte lettre lors de ma
dernière despesche. Je n'y adjousteray si ce n'est que les aultres plantes
de la caisse et de la boitte sont arrivées a.ssex bien conditionnées, mais
j'ay grand' peur que nous ne les sçaichions pas bien gouverner; nous
y ferons ce que nous pourrons et je les feray planter la pluspart en
nostre jardin do cette ville, dont le sii-e Melcliion {sic) Roux veult
prendre le soing et le visiter tous les jours. La boitte du gros Narcisse
est aussy arrivée fort bien conditionnée, je l'envoyerav à Beaugentier.
Si par hazard mon frère estoit encores là, vous luy en direz des nou-
velles et que le luca estoit beau, mais je n'y ay pas trouvé joinct le
[1628] À D. GUILLEMIN. AS
Jeranium, et je ne l'ay plus sceu distinguer ailleurs. Il sortira s'il peult
comme les aultres.
Vous luy pourrez dire aussy que M' le présidant Seguirau ' fut receu
jeudy aprez sa loy, mais si honorablement purement et simplement
qu'il y a de quoy en louer Dieu. 11 offrit aprez et pria la compagnie de
trouver bon qu'il cedast pour six moys la première place à M' de Reau-
ville pour se rendre plus digne d'exercer aprez la première, mais la
Cour luy fit dire qu'elle n'estimoit aulcune place digne de luy que la
première. Ce furent les plus belles harangues de part et d'aultre qu'on
'eust ouy en ce païs icy. Tout le monde en est fort satisfaict.
XXXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR DE GUILLEMIN,
PRIEUR DE BOUMOULES, PR0THEN0T.\1RE DU SAINT-SIEGE APOSTOLIQUE.
À BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Je vous escrivis assez amplement par le dernier ordinaire. Ce mot
sera pour accompagner les lettres que j'ay depuis receiies pour vous, et
vous en adresser une de l'hoste de la Pomme, qui m'a apporté cinq pis-
toles d'Espagne pour les faire tenir à un sien irere de par de là, selon
l'adresse contenue en ladicte lettre. Mais je ne les ay pas osé bazarder
dans le pacquet estant si petit comme il est. Il fauldra moyenner de les
prendre sur quelqu'un de noz fermiers, ou de ceux qui doivent des rentes
à mon frère, et les bailler à ce garçon, je vous en prie, et ne vous diray
autre chose pour le présent si ce n'est que je suis et seray à jamais,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce ag juillet 1698.
' Sur Henri de Sëguiran, premier président de la Cour des comptes de Provence, beau-
frère de Peiresc, voir (passtm) les lettres aux frères Dupuy.
M LETTRES DE PEIRESG [1628]
J'ay receu une lettre de M' nostre Archevesque ' en datte du i 5 de
la Cour contenant une desduction fort particulière en trois pages de
tout Testât de l'année du Roy et des assiégez qui m'a faicl admirer une
si longue patiance de ce prélat qui estoit bien fraischement arrivé ]k\
et vraysembiablement bien occupé. C"csloit par Grand Pré, et je luy
respondis par Orfueil, et Iny manday la vérification faicte lundy en la
grand cbambre seule de la Ducbé do Villars', avec clause de rever-
sion à la couronne en deffaull de masles, M-^ de Guise présent et opi-
nant*. Mais il n'y a poinct de pairrie.
' Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu.
Voir le recueil Peiresc-Dupuy, passim.
' C'est-à-dire a la Rochelle.
' Sur le duché de Villars, en Provence,
voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. I, p. 671,
684.
' Charles de Lorraine, quatrième duc de
Guise, gouverneur de Provence. Voii" le re-
cueil Peiresc-Dupuy, passim. A la suite de
cette lettre, on en trouve trois : l'une du
7 septembre 1698 (fol. 44a), l'autre du
9 0 janvier 1699 (fol. 453), la troisième
sans date (fol. 455), entièrement relatifs
aux affaires de l'abbaye de Gultres. J'en
ai re{wroduit les principaux passages dans
un recueil qui vient de paraître sons
ce titre : Peirese, abbé de Guttres. Supplé-
meitt à la notice d'Anl. de LaïUenay (Bor-
deaux, 1898). Voici les premières lignes
de la lettre du 7 septembre 1698 : irj'ay
receu en ce lieu de Beaugencier vostre de-
pesche du 94 aoust, tout présentement,
et suis oonslrainct de vous respondre sur
le champ, pour ne perdre la commodité
de l'ordinaire, s'il est possible, cj-aignant
fort que dezhoi-smais nostre dict ordinaire
ne cesse, si la maladie de Lyon faict pro-
grez , à cause de laquelle on ne luy a pas
voulu donner entrée à Aix, l'ayant faict en-
fei-mer en une basiide aux champs, mais
aprez longue délibération enfin M' de Guise
voulant son pacquet, la Cour débitera que
l'on feroit perfunier les lettres h la mode de
Marseille, ce qui fut faict, et toutes les
fisselles des pacqueLs couppées et les pre-
mières enveloppes ouvertes en présence de
pci-sones de probité, et «prez tout a esté
rendu fidèlement. Mon cousin de Meaux qui
estoit il Aix , receut le mien , et suyvanl la
charge que je luy avois laissée de l'ouvrir
et de rendre les lettres d'aultruy s'il y en
«voit h leur adresse, a eu le soing en me
l'envoyant icy de charger le jKjrleur de
rendre en passant à S' Maxemin celuy que
vous adressiez b M' Htiry, où M' vosire neveu
fut bien aise de trouver des nouvelles de
vostre part de chez luy dont il n'en avoil
eu de plus île 4 moys. L'autre [paquet]
pour le curé de Roumoules fut retenu |)ar
mon cousin pour le luy faire tenir par la
première commodité, J'escriray maintenaiil
ù M' Hury de ne pas faire haster M' vostre
neveu de partir pour le grand voyage, prin-
cipalement tandis que durent cez bruictz de
peste, qui nous tiennent en gi-ande appré-
hension. J'ay neanlmoins une lettre de Lyon
(lu 3 (le ce moys, par laquelle ou m'as-
seure que ce ne sont que fièvres chauldes,
et non la peste, et que le grand ordre qu'on
y a luis à causa qu'elles estoient conta-
[1632] A D. GUILLEMIN. /lo
On a enfin vérifié, les chambres assemblées, l'edict des Ihresoriers
de France, pour qualtre offices seulement, sans aulcune nouvelle attri-
bution, de sorte (jue M'' de Guise dict vouloir bientost passer le des-
troict avec ce fonds là. On a refusé la dernière jussion des offices de
conseillers aux sièges de seneschal. Et aprez tout cela an a refusé en-
cores des lettres de revocation de la séance du parlement pendant les
vacations, s'estant trouvées dattees long temps devant les derniers
mandements du Roy adressez à la Cour séante, et a t'on trouvé bien
mauvais qu'on ave ainsy voulu transporter l'authorité et jurisdiction
d'un parlement'.
XXXV
À MONSIEUR, MONSIFAJR LE PRIEUR DE ROUMOULES,
PROTHENOTAIRE DU SAINT SIEGE APOSTOLIQUE,
À LYOJi.
Monsieur le Prieur,
L'indiene dont vous sçavez que j'estois en peine, m'avoit esté en-
voyée de Marseille dez le 6*^ de ce mois, mais je ne l'ay receue que ce
gieuses, a aiiisin scaiidalizû le monde, mais
que depuis 3 jours le mal avoil perdu toutes
ses forces.» — Dans la lellre sans date du
fol. 455, Peiresc se plaint de n'avoir pas
reçu une lettre de Guillemin tr contenant une
si ample responce aux miennes du mois de
septembre, dont je suis un peu en peine.
Mais il fault faire comme on peult en ce
mauvais temps, et le malleur ne sera pas
fort consideral)le pour nostre regard si la
maladie ne passe poinct plus oultre (}ue ce
qu'elle a l'aict jusques à présent. Car Dieu
mercy, au Coinlat, de neuf villes ou villages
qui en avoicnt esté attaintcs, il n'y a plus
de mal qu'à Garpentras seulement, estant
cessd partout ailleurs. Et de faict plusieurs
lieux sont desja en quarantaine de santé,
et si le froid qui règne présentement peult
achever d'estoulTer la seniance du mal et
que la veniie du Roy de par deçà ne le fasse
regriller au ])on temps, nous serons (rop
heureux, -n
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 0171, fol. 489.
.4utographe. Au dos de la lettre Guillemin
a mis ceci : Aix, Monsieur de Peiresc, du
29 juillet 1C28, où il me recommande de
faire payer de Bordeaux au fils de la Pomme
d'or d'Aix cinq pistoles d'Espagne.
/,6 LETTRES DE PEIRESC [1632]
jourdliuy à l'issue du palais non sans mortifTiration puisque c'estoit
aprez le despart de voz mulletz de sorte que je me suis résolu de vous
l'envoyer par l'ordinaire à Lyon, afin que vous l'y puissiez mettre dans
voz coffres et l'avoir à vostre arrivée à Paris, afin que les aultros choses
de Mous' d'Auberv ' ne marclieat [loincl sans celle la. Vous aurez par
niesme moyen des lettres de mon frère et de moy tant pour Mons' le
Cardinal de Lyon - que pour Mons'' Marchier * et en aurez aussy des
miennes pour M' de Liergues, lieutenant criminel de Lyon, <jui est
liomme curieux, lequel a un fort beau cabinet* que vous pourrez voir
en V allant faire des complimenlz de ma part, si vostre compagnie vous
en donne le loisir. Vous aurez aussy la lettre que Mons' do Thou *
escript à Mons"" le président de Pontac " à laquelle j'y en ay adjousU'
une aultre à mesme fin. Jescriptz aussy à Monsieur de Rossy de Lyon',
mais il n'aura pas ma lettre de vostre main, ains de la main de l'or-
dinaire, parce que je luy adresse toute vostre despesche et la boitte
mesme oi!i j'ay faict mettre l'indienne pour la mieux conserver. Je vous
' D'Auberv, sieur du Mesiiil , avocat au
ronseil, souvent mentionne dans le recueil
Peiresc-Dupuy.
' L'ancien archevêque d'Aix, Alphonse
de Hichelieii.
^ L'abbé Marchier était attaché à la
maison du cardinal qu'il avait suivi d'Aix
à Lyon. Nous avons souvent trouvé son
nom dans la correspondance avec les frères
Dupuy.
* Gaspard de Monconys, sieur de Lier-
gues, fils de PieiM-e de Monconys, fut,
comme son père, conseiller du roi cl lieu-
tenant criminel au siège présidial de I^yon.
M. Ed. ^onnaKé {Dictionnaire des amateurs
français du xvii' siècle) rappelle que c'ét.iit
un des hommes de France qui se connais-
saient le mieux en médailles, monnaies,
peintures, etc. Il ajoute que le cabinet formé
par G. de Monconys h Lyon, enrichi par
les voyages de Balthazar, son frère, est cit<$
par le P. I/)ui8 Jacob comme l'une det cu-
rieuses pièces de l'Europe.
' François- Auguste de Thou, nommé
presqiii> ù toutes les pages du recueil Pei-
resc-Dupuy.
* Amandde Ponlac, président k mortier
au parlement de Bonleaux, depuis i63i,
par succession de son père, avait épousé
Gabrielle- Henriette -Louise de Thou, la
plus jeune des filles du président Jacques-
Auguste, le grand historien, et, par con-
séquent, sœur de François- Auguste. Voir
le contrat de mariage (ii octobre lôSa)
dans les Archives historiques du dèpartentfnt
de la Gironde (1. Vlll, p. aSg).
' L'administrateur des postes mentionné
tant de fois dans le recueil des lettres aux
frères Dupuy et dans toute la correspon-
dance de Peiresc.
[163-2] A D. GUILLEMIN. 47
prie <\c l'aller voir de ma part et de mon frère et de luy faire tous les
complimentz que vous pourrez et luy faire portei' les deux gros chats
(jue je vous ay dict, à sçavoir le masie tout gris aiiltre que damasquin
avec la femelle qui a le nieutou blanc. Que s'il aymoit mieux les deux
petilz qui sont de mesme poil à peu prez, vous luy en pourriez donner
le choix. Vous recevrez par le muletier qui porte voz caisses une petite
boitte que je luy ay envoyée à ce matin dans laquelle sont les trois
petitz escuellons de plomb que vous aviez oublié de prendre, sur quoy
je finis priant Dieu qu'il vous veuille bien conduire et ramener sain et
sauve, demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez alfectioinié serviteur et meilleur amv,
DE PeIRESC.
A Aix, ce 1 1 octobre 1682 '.
XXXVi
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROU MOULES,
PROTHENOTAIRE DU SAINT SIEGE APOSTOLIQUE,
À PARIS.
Monsieur le Prieur,
J'ay esté infiniment ayse d'apprendre par voz lettres de Lyon du
16" et 20" l'heureux progrez de vostre voyage jusques là, et de toutes
vos suittes et voittures, dont je loue Dieu et me conjouis avec vous de
bon cœur, vous remerciant du soin que vous aviez prins de tous cez
petitz complimentz dont je vous avois cliargé envers cez Messieurs et
de l'exacte relation que vous m'en avez faitte, ayant esté bien ayse de
voir que cez deux petites boites qui avoient esté laissées en arrière vous
ayent suivy de si prez et assez à temps pour faire que vous n'en eus-
siez pas faulte en arrivant à Paris, où vous pourrez remettre à Mons'' du
' Biljliollièi|iie nalioanle, fonds français, nouvelles acquisitions, 5171, fol. /169. Original.
/,8 LETTRES DE PEIRESC (1632]
Puy tous les livres que vous avez dont il disposera h son bon plaisir
et selon la destination que je luy en avois cy devant cottée des princi-
pales pièces, estant bien niarry de ne luy pouvoir envoier par cest ordi-
naire le roolle que j'en avois faict lelenir qui s'est esgaré pai- mcsgarde
ejitre mes papiers, et il est niesliuy bien lard pour en faire de plus
exacte recherche de sorte qu'il fauldra attendre au prochain ordinaire
Dieu aydant. Du reste vous sçavez qu'il fault bailler à Mous' Aubery
non seulement ses huit pièces de toille indienne qu'il avoil deman-
dées et mises en deux fagotz, mais aussy i'aultre indienne plus fine
que vous avez receue dans une boitte à part, ensemble l'escriptoire de
Conslantinople et les li mouchoirs ou voiles de calice qui sont dedans
laictz de soye peinte à l'indienne, comme aussy une grande layelte à
doz d'asne dorée à la damasquine, avec les ciii(| vases de terre sigelée '
dont elle est remplie et encores un bassin et une esguiere de cuir
bouilly à la Turquesque, comme aussy une douzaine de bouteilles d'eaue
naiïe-, et quelques figuettes d'essence d'orange et finalement le petit
chat damasquin distingué par le collier avec sa femelle toute grise qui
esloit plaine, ce me semble, et les deux aultres chatz riollez' de noir
et de blanc, reservant les aultres deux plus petitz de poil de rat pour
les employer oii vous trouverez bon soit chez MM" du Puy, si cela j)ou-
voit tomber dans leur goust, ou chez M' de Roissy * ou ailleurs. Et
possible que le bon homme de la Baroderie dans sa maisoncelle des
Tuilleries ^ en feroit plus de cas que tous les aultres, en l'aage oft il
' Sorte de lerre employée autrefois en
médecine, et sur laquelle on imprimait un
cachet {siffilhim), d'où le nom de terre si-
gillée.
' Sur l'eau de naffe employée par Pei-
resc pour encourager ou récompenser les
communications diverses par lui sollicitées
un peu partout, voir Un grand amateur
français au xrii' siècle, par M. L. Dclisie,
p. 16.
' Piayés, zébrés.
* Jean-Jacques de Mesmes, seigneur de
Roissy, conseiller au Parlement, j)uis con-
seiller d'Ktat, mort le 3o octobre j6'«9.
' Jacques Boiceau , écuyer, sienr de la
Baroderie, fut le véritable créateur des jar-
dins de Versailles que, plus tard, Le Nôtre
ne fit qu'agrandir en respectant le plan de
son devancier. On a une lettre de Peiresc.
du 18 décembre iC-iS, wà Monsieur de la
Baroderie, gentilhomme ordinaire de la
chambre du Roy, et intendant des jardins
de Sa Majesté, à Paris, aux Tuilleriesi.
[1632] X D. GUILLEMIN. 49
est S et cela l'obligeroit de donner plus d'accez chez luy à Anthoine,
au cas qu'il le face loger là dedans. En un besoing en pourriez vous
donner un d'un costé et l'aultre de l'aultre sauf à les faire apparier en
temps et lieu. Enfin je remetz le tout à vostre bonne conduite, et feray
ce que je pourray pour escripre encore à ce soir à M"' de Roissy et à
M'' le président de Mesmes, son filz^, mais si je ne le pouvois, ce sera
Dieu aydant par le prochain ordinaire par lequel je tascheray de faire
que vous ayez les cachetz que vous demandiez tant celluy qui est
demeuré entre les mains de Perrot [sic) que celluy dont mon frère
n'avoit pas faict solliciter le s' Souchet' comme il falloit, sur quoy
attendu l'heure tarde, je suis contrainct de finir demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 25 octobre 1682.
j'oubliois de vous dire que mon nepveu fut receu vendredy avec
une grande satisfaction de toute la compagnie et que le mariage de ma
niepce d'Orves ' avec le filz de Mad'= de la Coste ^ est si advancé que je
ne pense pas qu'il demeure plus de deux ou 3 jours de s'achever, dont
cez MM" d'Ollivier, qui ont esté cause de tout ce vacarme, sont bien
estonnez et bien honteux et possible bien justement puniz de leur mau-
vaise foy et desloyauté envers leurs meilleurs parentz et amis*^.
' \m sieur de la Baroderie avait servi
dans les armées du roi Henri IV.
' Henri de Mesmes, président à mortier
du Parlement de Paris, mort le -39 décembre
i65o.
' Sur le secrétaire Parrot et sur le fon-
deur Soucbet, voir le Testament de Peiresc
(1889), p. 3i.
' Charlotte Gambe, (ille et héritière de
Madelon, seigneur d'Orves, conseiller aux
Comptes, et de Charlotte de Buisson, était
nièce de Peiresc à cause du mariage du père
de la jeune épouse, Guillaume Cambe, avec
Charlotte Fabry, sœur de Reynaud , seigneur
de Calas.
* Jean de Simiane de la Goste, fils de
l'eu Henri et d'Angélique de Lacépède. Le
mariage fut célébré le 28 octobre 1682.
° La sévérité de cette phrase nie faisait
douter qu'il fût là question des Olivari, si
grands amis de Peiresc, mais M. le marquis
de BoisgeHn, que j'ai interrogé sur cette
difficulté, m'a fait l'honneur de me répondre
en ces termes : k On ne peut savoir de quoi
:,0 LEÏTRES DE PEFRESC [1632]
[Post-scnptum de la main de Peirexc:] J'ay receu du Levant un feuille!
en parchemin d'nn vieil livre Samaritain, que l'on m'a envoyé avec opi-
nion que ce soit l'un de ceux qui manquent en l'un de mes volumes.
Mais sans doubte ils se sont (équivoque/. Vous le pourrez neaiilmoin}îS
bailler à Mons"^ du Puy avec les aultres livres entiers. Possible s'y
trouvera-t-il quelque chosette h observer. Car il ne fault rien nef^lif^er
en matière de cez fragments".
XXXVIl
À MONSIEUR r.UILLKMlN,
PRIEUB DE BOLMOLXKS EN PROVENCE,
'\ PARIS'.
Monsieur le Prieur,
Depuis le partemenl du dernier ordinaire j'escripvis à M' de Boissy
et paixeque j'avois receu une lettre de M' Gassendy où il me faisoit des
recommandations fort obligeantes de la j)art de Monsieur le président
de Mesmes, son filz aisné, je ne voulus pas vous envoyer ma lellrt'
pour le père, sans y en joindre une pour le (ilz. que j'ay faici mettre
Roubz des enveloppes volantes afin que vous puissiez voir l'une et
l'aultre et y prendre les instructions que je serois «blig»^ dr vous réitérer
sur les complimentz que vous y pouvez adjonsler. Je ne leur mande
rien de l'eau nafîe, de crainte que quelque cbeuttc ou caliotlage
de charroy n'aye faict casser plus de bouteilles que je ne voudrois,
m'eslant ressouvenu qu'il s'en estoit cassé une en chargeant la caisse h
a s'agissait au sujet des Ollivier {alias Oli- en i634, elle |>ouvait briguer la niaiii de
vari). Il pnui'faitpourlant y avoir là quelque sa nièce Ciiarlolle Cambe. tille unique el
jalousie de famille ei quelque rivalil'. liérilière.»i
Chartes Carabe, (rho de Madelon, avait ' Biblinlhèi|ue ni»tionale, fonds français,
épousé Honorade Ollivier, el celle-ci avait nouvelles acquisitions, 6171, fol. 'if»5. Ori-
un frère, Pierre, qui se maria, le 12 110- ginal.
vembre i6.33, avec Septille des Marlins de ' L'adress^ manque dans Iriiiginal.
Puyloul>ier el pour lequel, par conséquente
[1632] À D. GUILLEMIN. 51
Beaugentier, laquelle je crois bien que vous oubliastes de faire rem-
placer avant que (le partir d'icy, mais je crois bien aussy que si la charge
a esté aulcuneuient conservée par les chemins, vous en aurez réservé
une demye douzaine de bouteilles pour iVP de Royssi et une couple
pour M'' le président de Mesmes, à qui vous pourrez demander de ma
part l'usage des deux volumes dont je luy escriptz desquelz je désire
que vous me fassiez transcripre le bordereau ou catalogue des princi-
palles pièces y contenues, s'il y en a esté inséré aulcun en chascun vo-
lume, et si Quentin ' veut entreprendre de les transcripre bout à bout à
prix honneste, puisqu'il est tant de loysir, je ne seray pas marry d'en
faire la despence, auquel cas, si vous ne faictes du sesjour de par de là,
il ne fault que remettre lesdictz volumes entre les mains de M"^ du Puy
qui fera travailler à la transcription d'iceulx par ledict Quentin au
prix que vous aurez convenu lequel il luy fera payer à mesure qu'il
luy rapportera sa besongne, laquelle il fault taxer à forfaict, parceque à
en compter de nouveaux cahiers escriptz entre deux marges si larges
comme les faict Quentin cela cousteroit le double de ce qu'il peult va-
loir et davantage. Que si Mons"' le président de Mesmes faisoit diffi-
culté de laisser sortir de chez luy lesdictz volumes (lesquelz neant-
moings il m'a auttresfois envoyez chez moy), il fauldroit voir si Quentin
y pourroit aller travailler chez luy principalement si vous ne pouviez
vous accorder avec luy, pour la transcription de tout l'ouvrage, car ne
transcripvant que l'Indice, il n'y aura pas de la besongne pour beau-
coup de temps ne qui valusse la peine de faire sortir cez livres hors de
la maison de leur maistre. Mais s'ilz en sortent, il fault voir que M' du
Puy se donne le soing de les renvoyer à M" de Mesmes par personne
bien asseurée, lorsque Quentin ou aultre copiste qui en voulusse faire
meilleure condition en auront transcript ce qu'il fault.
Quant à M'' de Roissy vous sçavez ce que je désire apprendre de ses
deux petitz escuellons antiques d'argent, dont je vous ay baillé les
instructions particulières que je désire que vous suyviez selon la per-
' Le copiste dont il a élé si souvent question dans le recueil Peiresc-Dupuy.
7-
52 LETTRES DR PEIRËSC [1632]
mission et commodité qui vous en pourra estre donnée. Mais s'il y
avoit moyen de les faire mouller, vous abbregeriez bien la besongne,
et me donneriez bien plus d'advantage, car je pourrois faire icy l'essay
et l'examen que je vous ay prié de faire de par de là, mais beaucoup
plus commodément, parce que je pourrois comparer la contenance du
niodelle que vous aurez faict faire, avec celle de mes vases et mesures
antiques originelles, et avec d'aultres vases et mesures anticjues que
m'apporte de Rome M"" d'Arène' do la part non seulement du cavalier
del Pozio^ et aultres de mes amis, mais encores du cardinal Barberiu,
qui a voulu qu'on ni'envoyast tous les plus curieux vases anciens qu'il
eusse, entre lesquelz il y en a mesnies de Agathe orientale et aultres
pierres précieuses, afin que j'eusse moyen d'en examiner moy mesnie
plus exactement le mezurage que j'en veux apprendre. 11 est vray que
je me rendray fort soigneux d'empesclier quilz ne soient rompuz, mal
traittez ne endommagez en façon quelconque, et qu'ilz luy soient rap-
portez par pei"8onnes fidelles, aussy tost que j'en auray examiné la
contenance et deschiffré les figures et enrichissementz qui y sont des-
sus, laissant à vostre disposition d'en toucher un mot à M' de Hoissy
selon que vous pourriez trouver à propos ou non, car je ne voudrois
pas qu'il creust que j'eusse affecté de me vanter de cesle faveur que
m'a voulu faire ce Prince, aussy bien que d'aultres aujys particuliers
pour l'induire luy à me presler et envoyer de si loing deux pièces que
je tiens aussy rares comme luy les tient chères, si ce n'est que vous le
recogneussiez porté de si bonne volonté en mon endroici, et si bien
disposé à me prester les originaulx qu'il ne fusse pas pour prendre en
mauvaise part, ne pour l'interpréter sinistrement et à prendre pour
impudence la liberté et la hardiesse de luy demander la communica-
tion de ses belles curiositez. Que si il vous permet de les faire mouller,
vous pourriez y employer un moulleur qui a fort souvent travaillé
' Voir sur d'Arène le recueil Peiresc-Du- ^ Voir sur le cavalier del Pozzo les
puy. Nous verrons un peu plus loin que , dans Lettres de Peirexc aujt frh-e* Dupuy el aussi
un momeot de mauvaise humeur, Peiresc lui (passim) notre loine IV {Lettres n J.-J. Bou-
donne un certificat d'indigence d'espriU chard).
[1632] À D. GUILLEMIN. 53
pour moy nommé maistre Sergent ^ qui se tenoit devant la Galère en
la riie d'Avignon qui est une petite ruette tout au commencement de
. la riie S' Denis, pour passer à S' Jacques de la Boucherie, entre le
Chastelet et la rue de la Heaumerie; si par hazard il ne se tenoit
plus là , les orplievres vous donneront des addresses pour le trouver et il
les vous moullera tous deux avec son sable dans une matinée, si vous
le rencontrez en bonne humeur, principallement si vous ne les faites
jetter qu'en plomb. Mais, s'il avoit le loisir de les jetter en cuivre, j'en
estimerois beaucoup plus les empreintes, pourveu qu'il aye le soing
surtout de mouller bien nettement le creux du dedans de chascun
dcsdictz escuellons afin de conserver la vraye mesure de leur con-
tenance, de laquelle je suis plus jaloux que de la netteté des figures ou
mascarons de relief qui y sont ciselez par le dehors, car j'ay esprouvé
[que] plusieurs des empreintes que j'avois faict faire de plomb se ré-
duisent en pouldre par succession de temps. Si ce moulleur vous man-
quoit il s'en peut trouver assez d'aultres dans Paris que les orphevres
vous indiqueront, desquelz je désire que vous vous informiez et que
vous dressiez un mémoire le plus exacte que vous pourrez de toutes
les diversitez de noms, dont ilz distinguent toute sorte de vases d'orphe-
vrerie, tant de ceux qui portent des couvercles que de ceux qui n'en ont
poinct. Et mesmes de toute aultre sorte de vaisselle tant de platz et des
bassins qui ont des bordz que des escuelles à oreille et de toute sorte
de couppes et godetz à boire et ne fault pas oublier de faire un mé-
moire à part le plus exacte que vous pourrez de toutes les parties et
membres d'un vase de ceux qui sont le plus façonnez pour sçavoir bien
distinguer par les noms propres de l'art la différence qu'il y a de
l'ance pleyante d'un seau ou d'une buyre d'avec celle d'une esguiere ou
d'ung ourgeol, et d'avec le manche d'un reschault ou d'une bassinoire,
comme aussy la différence qu'il y peut avoir du fondz ou du plus hault
ou du ventre d'un vase et de son goulet d'avec les lèvres de son ori-
fice, mais principalement pour les piedz la différence de ceux qui
Sur le moii leur Sergent voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. I, p. i5o.
54 LETTRES DE PEERESC (lG3iJ
sont portés sur des pattes séparées comme les reschaultz et certaines
sortes de sallières, d'avec ceux qui sont portez par des bords tout
roiidz et d'une pièce comme sont les ayguieres, ou de ceux qui sont
plus lonfjs et qui ont de plus grandz ornenicnlz comme les piedz des
calyces et des couppes, ou de ceux qui sont faiclz en forme de base
de colonne ou de pattin. Et particulièrement enquerez vous de ceux
qu'ils font en forme d'un petit sachet ou d'une bourse avec trois
griffes ou boulettes qui luy servent de piedz et un goulel fort estroict
et fort allongé, qu'ilz appellent un taste vin qui est ouvert par le cul
aussy bien que par le plus hault, sans oublier les noms des petitz
tuyaux que nous appelions en provençal le bourson par où l'on faict
couller le vinaigre d'un vinaigrier ou l'eau d'une buyre. Et demandez
aussy, je vous prie, s'il n'y a poinct de vase particulier destiné à tenir
de l'huyle, qui se fasse d'argent pour l'usage de cez grandes maisons,
qui aye quelque nom particulier entre les orplievres coma)e chez les
potiers d'estain; marquez aussi s'il y a des noms particuliers des petitz
godetz à boire qui n'ont poinct d'ance ny de manche ny de piedz
et comment ils appellent les petitz bordz ou mouslures qu'ilz y font
pour une espèce de représentation de pied. 11 ne fault pas oublier les
bouteilles tant rondes que quarrées avec leurs chaînes ou ances pen-
dantes et la distinction des bouteilles à raffraischir qui ont le ventre si
applaty ou renfoncé d'avec celles dont le plat est suspendu comme
les ordinaires bouteilles d'eau naffe. Et si l'on n'a perdu tout à faict
l'usage des cimîiizes, qui estoient des vases dont on uzoit du temps de
noz pères pour aller offrir du vin à l'Eglise^ il n'y auroit poinct de
danger d'en prendre le nom françois et des membres ou parties des-
dictz vases. Surtout il fault tascher de faire parler calhegoriquement
quelque bon vieil orphevre, et prendre mémoires et instructions de
luy, de la proportion qu'ilz ont accoustumé d'observer à peu prez, pour
la mezure et contenance de la pluspart de leurs vases, estant bien cer-
tain que quand ils font par exemple un vinaigrier, ilz ne veullent pas
qu il contienne moins que la contenance de deux ou trois coques d'œuf,
ne davantage que la contenance de la moictié du demy septier ou en-
[1632] À I). GUILLEMIN. 65
viron, ce qii'ilz vous distingueront par quelque sorte de mezure ou
d'aultres termes plus propres que je ne vous sçaurois exprimer. De
mesmes une esguiere ne contient pas communément guieres plus ne
moins qu'une pinte, ou aultre mesure plus congneiie à eulx qu'à nous,
ne une buyre moins d'un seau ou deux, les barrilletz pour l'eau à pro-
portion, ainsy des grandz et des petitz platz des fruictiers et de ceux
mesmes qui sont faictz en forme de corbillons et de cuvettes qui
n'excèdent pas une certaine grandeur à peu prez qu'ilz peuvent com-
parer ou aux mezures du vin ou à celles des grains ou à celles des
fruictz; si vous aviez la patience de demander encores à quelque chau-
dronnier les noms des vases qui ne sonl pas imitez par les orfèvres,
il ne seroit pas inutile et encore plustost aux potiers d'estain , pour re-
congnoistre la différence non seulement des noms des vases destinez à
tenir du vin d'avec ceux qui sont destinez à l'huyle, mais aussy la diffé-
rence des mezures , lesquelles sont communément observées assez exacte-
ment en la pluspart des vases d'estain que l'on achepte pour estre de la
contenance de tant d'huyie ou de tant de vin, et de ceux là je vous prie
d'en faire marquer les noms particuliers, non seulement de tout le
vaze entiei", mais aussy des parties d'icelluy, car je voudrois scavoir au
vray les plus vrays et plus propres noms de tous les membres d'un
vase à tenir du vin et sçavoir comment on pourroit exprimer la diffé-
rence de son ventre qui se ramenuise par le fondz et qui se restressit
bien par le goulet et comment ilz distinguent le fondz plat et le petit
orlet sur lequel est posé un pot à vin d'avec les aultres vases qui ont
le fondz arrondy, et qui «ont sur un anltre sorte de pied, comme aussy
la différence du ply des lèvres qui sert à verser le vin hors dudict vase
d'avec le ply d'une esguiere, principalement quand elle a un couvercle
qui couvre la gueulle de l'esguiere et oblige à couvrir en forme de
tuyau le ply par oh on verse l'eau. Il y a aussi des charnières en la
pluspart des vazes qui ont des couvercles attachez dont il fault ex-
primer les principales parties et particulièrement aux potz d'estain on
attache au couvercle de certaines sortes de tenons en forme de glandz
pour servir à hausser le couvercle, dont je voudrois bien sçavoir le
56 LETTRES DE PEIRESC [1632]
propre nom. Et mesme d'une certaine arreste qui règne sur ledict
couvercle, laquelle abboutit ausdictz glandz, ce qui me faict souvenir
de vous demander pour les cuilliers d'argent ce que vous pourrez ap-
prendre des orphevres pour les noms tant de la coquille que d'une
pareille areste qui est par dessoubz et du manche ou de la queue,
comme aussy la différence des manches ou des queues de la poésie ou
du gril.
Je vous donne là un estrange exercice, mais aprez un peu de peine
et d'importunité le plaisir du recueil' en sera tant plus grand; si
mesmes vous avez la patience de demander à peu prez la mesme chose
à des potiers de terre, il s'y trouveroit, je m'asseure, de quoy proffitler
quasi tout aultant pour ma curiosité, et mesmes à des verriers pour la
différence des vases de verre; voire si estant en Guyenne vous y re-
cognoissiez des différences de noms particuliers je n'en estimerois
guieres moins l'observation en cesle langue là qu'en la Françoise plus
correcte, parceque j'y recherche des vestiges de plus vieilles origines
de noms Grecz et Latins. Et quand vous feriez faire des griffonnemenli
par un peintre de quelques uns des vases plus notables, principale-
ment de ceux dont vous voudrez marquer la différence des membres
et de la forme du ventre soit rond ou à ovale droicte ou renversée, ou
en forme de figue ou de fromage ou de lentille ou aultre, il ne seroit
que trez bon et j'en ferois bien volontiers la despence, mais je regrette
bien vostre peine et m'en revencheray Dieu aydant ou je ne pourray
comme estant,
Monsieur le Prieur, •
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
i)E Peiresc.
A Aix, ce ag' d'octobre i63a'.
Le mot recueil est ici employé dans le nouvelles acquisitions, 5171, foi. 467. Ori-
sens de : action de recueillir. ginal. — Copie à la Méjanes, collection Pei-
' Bibliothèque nationale, fonds français, resc, t. V, fol. 590.
[1632]
A D. GUILLEMIN.
57
XXXVIII
MÊME ADRESSE.
(Avec une boitte marquëe comme cy-dessus X.)
Monsieur le Prieur,
Ce mot n'est que pour accompagner la boitte cy jointe où vous trou-
verez six petites figues d'essence de fleurs d'orange, dont l'une est plus
grosse que les aultres. Et si l'on me tient parolle il y en aura encore
une 7*, si elle arrive à temps auparavant la closture du pacquet, et
par mesme moyen pour vous recommander comme je faictz trez afïec-
tueusement Mons'' d'Admirat, qui en a voulu estre le porteur, filz de
Mons' de S' Benoist ' et beau-frere de Mons"' l'Evesque de Grasse de
mes meilleurs amys^. Je vous prie de l'assister et introduire cliez
mes amys et particulièrement à M' Aubery à qui j'en eusse volontiers
escript si je n'eusse esté trop pressé, sur quoy je finis demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peibesc.
A Aix, ce 6' novembre i632 '.
' Fre'déric Lombard, seigneur d'Admi-'
l'ai (actuellement Amirat), Thorenc, etc.,
était un fils cadet d'Honoré Lombard,
seigneur de Saint-Benoît, et de Catherine
de Jean , sa seconde femme.
^ L'évêque de Grasse était alors Scipion
de Villeneuve, sacré le 8 mai i63a. 11 suc-
cédait à Jean Guérin, mort le 7 avril pré-
cédent. Frédéric Lombard avait épousé en
1698 Marguerite de Villeneuve, sœur du
prélat.
^ Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 6171, fol. /170. Ori-
ginal.
IHPRIKCIIIE KATIOIIALX.
58 LETTRES DE PEIRESC [1632]
XXXIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Je vous félicite de bien bon cœur vostre heureuse arrivée dans Paris
et ne vous sçaurois assez représenter le plaisir que j'ay receu d'ap-
prendre que vostre faict soit arrivé si bien conditionné et que le tout
aye esté receu en si bonne part tant de Mons' Aiibery que de Mess" du
Puy, vous remerciant par un million de fois du grand soinjj qu<î vous
en avez prins parmy le cahotajjc du coche et de l'huylc de jossemin <jue
vous y avez si opportunément adjousté dont l'honneur et l'advantage
m'en demeure là où vous n'avez que de l'inlerest et de la peine que je
recongnoistray quelque jour Dieu aydant ou je ne pourray. Je pense
que vous n'aurez pas tardé d'avoir les lettres que vous attendiez de
moy pour M' de Roissy et pour M' de Mesmes et me tardera bien da-
vantage à moy d'apprendre le succez de ce que vous aurez peu negotier
avec eulx. Vous aurez encore auparavant receu la lettre pour Dom Collc-
tet qui vous aura ouvert le moyen pour vostre voyage de S' Denis,
dont j'attends bien aussy l'issue en bonn»; dévotion. J'escriptz main-
tenant aux sieurs GauU etVivot' sur le subject que vous verrez de
Il vases antiques dont m'a donné advis le s' Menestrier et dont il nie
tardera infiniment de pouvoir apprendre la contenance, si vous pouvez
trouver moyen d'en faire la preuve hors de leur présence avec voz petilz
escuellons. Surtout je vous recommande l'examen de l'un de ceux du
sieur Gault qui est faict en forme d'une teste à deux visaiges et si par
hazard ces gentz estoient assez honnestes pour vous perniettre de m'en-
voyer les originaux, je vous prie de les faire-mettre dans quelque pe-
tite cassette le plus proprement qu'il sera possible et aprez y avoir faict
apposer le sceau des fermiers de la douane et foreine, envoyez le moy
Sur le collectionneur parisien GauU, voir le recueil Peiresc-Dupuy. L'orftvre Vivol,
parisien lui aussi, sera souvent mentionné dans les lettres suivantes.
[1632J À D. GUILLEMIN. 59
le plus tost que vous pourrez avec un billet desdictz fermiers soubz
iaddresse à Lyon de MM'' François et Pierre Le Roy à Lyon {sic), ou
bien de M'' de Rossi.
J'oubiiois de vous remercier comme je doibz de vostre belle calotte.
Il ne se faict rien de semblable de par deçà, où j'en avois faict faire
une qui me couvre la teste un peu plus avant que la vostre, de sorte
que je n'oserois maintenant changer avec le froid qu'il faict. Ce sera
pour le beau temps Dieu aydant. Sur quoy j'attendray la relation de la
teste et gobelet de verre antiques que vous me promettez, ayant rendu
vostre paquet au prieur de la Valette ', et demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez all'ectionné serviteur et meilleur aniy,
DE Peiresc.
A Aix, ce i5 nov[einbre] i63a.
Je pensois escripre à cez libraires , mais j'ay eu plus .de divertissements ,
celte semaine, que je n'avois encores eu dans ceste ville à mon grand
regret et la veniie aujourd'huy fle M"^ le Marescbal^ a achevé de m'en
oster le moyen. Il fauldra voir la semaine prochaine avec l'ayde de Dieu.
Je vous envoyé ce petit cachet en attendant que le grand soit faict ^.
XL
MÊME ADRESSE.
(Avec un pacquet pour le R. P. Sirinond.)
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre depesche du 1 2° de ce mois avec celle de Mons' du
Puy de mesme datte et par conséquent toutes voz lettres que j'ay faict
' Joseph Gaultier, si souvent mentionne peut voir {passitn) le recueil Peiresc-Dupuy.
dans les lettres aux frères Dupuy comme ' Bibliothèque nationale , fonds français,
dans les lettres h Gassendi. nouvelles acquisitions, 6171, fol. k'jh. Ori-
' Le maréchal de Vitry, sur lequel on ginal.
8.
60 LETTRES DE PEIRESC [163-2]
tenir à leur addresse et le livre de feu Madame d'Allemagne que j'ay
prins plaisir de voir, et qui ne fut taxé qu'un quart d'escu de port,
chose que je n'avois pas encores esprouvée de cez maistres de poste (|ui
ne vouloient rien rabattre de la taxe comme si tout estoil port de
lettres. Je vous remercie bien fort du soing que vous avez eu tant de
cela que de toutes mes aultres petites commissions, et de la relation
que vous m'avez faicte tant de ce godet de verre violet à peu prez
semblable à l'un des miens d'argent qne de cet aultre petit vase de
bronze en forme de teste de satyre, lequel je n'estimerois pas moins
s'il est véritablement antique, dont je seray en double jusques à ce
que Mons' Menestrier l'aye veu, si ce n'est que ce s' de Pontus se
puisse laisser persuader de me faire voir l'un et l'aultre originellement
de par deçà, pour raison de quoy je me suis bazardé d'en cscripre
tant à luy qu'à M' de Rossy et audicl s' Menestrier, ayant esté bien
marry qu'avec voz escuellons vous n'en ayez peu examiner la con-
tenance, laquelle seule eust esté quasi sullizantc de me faire juger
de l'antiquité de la pièce de bronze, car pour l'aultre de verre je ne
doubte nullement qu'elle ne soit anirque sur la description que vous
m'en faictes, et ne l'estimerois guieres njoins que les mieimcs d'ar-
gent si elle estoit à moy. Vous avez oublié de me dire s'il n'y avoil
poinct de piedz non plus qu'aux miennes d'argent comme je me l'ima-
gme, puisque vous ne le descripvez poinct et que vous conq)arez la
pièce aux miennes; cela vous servira d'advis pour l'advenir, de ne
point aller sans cez petitz escuellons tant qu'ilz ne vous seront poinct
trop à charge.
Quant à l'eaue naffe qui vous reste, estant si peu de chose, j'aurois
honte qu'elle fusse présentée à ces Mess" du Puy de nostre part et ce
que vous m'en dictes me fera chercher l'occasion de leur en faire tenir
l'année prochaine Dieu aydant un peu meilleure provision tant [lour
M"' de Thou que pour eux; si toulesfois vous leur aviez desja présenté
ce que vous avez à la réception de ma lettre il n'y aura pas si grand
danger qu'il n'y aye de quoy prendre patiotlte, mais si cela n'cstoit pas
faict, possible' vous en prévaudriez vous beaucoup mieux en les dis-
[1632] À D. GUILLEMIN. 61
tribiiant à quelqu'un des entremetteurs domestiques de chez Madame
la Mareschalle d'EfUal ' pour en obtenir plus libre communication des
. vases de son cabinet mentionnez en voz instructions et peut eslre que
cela pourroit servir envers la pei'sonne du sieur Ganlt, qui a un si
beau cabinet à la gallerie des Tuilleries pour vaincre et radoucir un
peu la rudesse de son humeur Arabe et pour ayder à le disposer de
me laisser prendre la communication de ses trois vases de bronze an-
tiques, sinon jusques icy, au moins jusques chez vous, afin que vous
ayez plus de commodité de les faire portraire et examiner leur con-
tenance et capacité à ma mode, et en un besoing quand ce ne seroit que
pour les y faire mousler en piastre, car je ne laisrois pas de me servir
de l'empreinte de piastre, principalement si vous faisiez faire des pe-
tites boittes ou tuyaux de fer blanc qui ne continssent pas davantage
d'eau que chascun desdictz vases bien au juste comme il est bien aysé
de le faire, car le fer blanc se peut couper de la haulteur qui luy est
nécessaire pour contenir toute l'eau qui remplit le vase antirjuc, sans
qu'il y aye rien de trop ou de trop peu. Auquel cas on pourroit escripre
sur les boittes de fer blanc certains nombres et certaines lettres qui
eussent leur rapport à ces empreintes ou modelles de piastre, et pour-
roit on uzer de la mesme diligence pour le regard du vase du s"' Vivot,
orphevre, qui se pourroit mousler en piastre comme les aultres au
deiïault de la veiie des originaulx, et prendre sa contenance dans une
boitte ou tuyeau de fer blanc bien adjustée. Auquel cas il faudroit re-
tenir les creux de piastre qu'on auroit mouslez sur les originaux pour
me pouvoir servir de par deçà à y jetter de la cire, et possible pour
en faire mousler en cuivre quelque jour si la fantaisie m'en prenoit et
que la chose le meritast, comme j'ay desja faict de la teste que vous
avez veiie en Avignon chez le s' de Zanobis-^, laquelle est en forme
de vase.
La femme crAnloine CoefTies, marquis ni son commentateur, n'ont ineulionnd la
d'Effiat, mardchal de France, suiinlendanl maréchale.
des finances, etc., niorl le ay juillet lôDa. * V^oir le recueil Peiresc-Dupuy. Ajou-
Ni Tallemanl des Réaux {Uistorielte i.xxin), Ions que M. Ed. Bonnaffë a fait figurer ce
62 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Quant à M' de la Baroderie, bien que ce fou se soit desdit de ce qu'il
vous avoit tant promis de par deçà dont il ne sera possible pas bon
marchand, je pense que vous pourriez neanlmoins rendre audict s' de
la Baroderie la lettre que je luy escripvois, en luy faisant excuse de la
sottise de ce babouin, car il pourroit bien procurer le mesnie advan-
tage à quelque aultre de sa cognoissance et de son pais, où le vin n'a
pas tant d'empire pour le disposer h nostre usage; voire n'y auroit il
point de danger quand vous verriez si par son entremise nous pour-
rions dez à présent avoir quelque bon jardinier qui fusse à l'espreuve
du vin, sans laquelle tout est inutile, car ce fou de Barthélémy qui a
roullé de par deçà jusques à ceste heure, nous aura possible soustraict
celluy que nous pensions avoir au reffus de Madame d'Oppede '. et je
crains bien qu'il ne l'aye mis à la desbauche comme luy, soubz prétexte
de le mener travailler ça et là en divers lieux. On me vient de dire
qu'il est enfin party ce jourd'huy, mais je ne le crois guieres bien.
Quant aux petitz cbatz'' je laisse à vostre arbitrage de les employer
oix vous voudrez si vous ne l'avez desja faict envers M' de Roissy. Au
deffault de quoy, si vous ne jugez que cela vous y soit bien' utile, pos-
sible ne seroient ilz poinct si mal employez chez ledict sieur Gault j>onr
capter sa benevolance ou bien l'un à luy et l'aultre à Vivot. Que s'il
ne tenoit qu'à de l'argent pour avoir leurs vases en propriété, j'y em-
ployerois volontiers jusques à six escus pièce l'un portant l'aultre, et
jusques à dix escus de celluy dudict sieur Gault qui est à deux visaiges,
auquel cas il se pourroit prendre sur le crédit de M' Aubery que je
feray rembourser soigneusement par M' de Gasiines*.
Vous aurez eu par le dernier ordinaire le petit cachet que vous at-
personnage dans le Dictionnaire des aviateurs rile d'Oraison. Voir le recueil Peiresc-Dupuy,
français, mais en lui assignant une place t. 11, p. 161.
qui désoriente les cherclieurs, car ce n'est ' Ce passage a élé cité pai' M. Léo[)old
pas à la fui du volume qu'il faut le cher- Delisle dans Un grand amateur français,
cher, sous la lettre Z, c'est à la page 79 P- 17-
sous la lettre D, au mot Dcsanobis. ' Sur ce négociant de Mai'seille voir le
La femme du premier président du recueil Peiresc-Dupuy, passim.
Parlement de Provence s'appelait Margue-
[t632J À D. GUILLEMIN. 63
tendiez, mais quand vous vous seriez servy d'un chiffre il n'y auroit
pas eu grand danger non plus qu'envers cez Mess'' de Bordeaux où
vous avez trouvé bon d'envoyer de mes lettres à l'advance, m'esfonnant
que pendant le grand loisir de Beaugentier vous n'eussiez l'aict faire
des cachetz volantz pour toutes ces lettres à mesure que vous les aviez
leiies. Nous n'avons peu encores venir à bout du grand cachet pour la
négligence que mon frère y avoit apportée du commancement tandis
que le pauvre M' Suchet n'estoit pas si occupé comme il a esté depuis,
mais il m'a promis d'en sortir et aussytost je le vous euvoyeray.
Au reste M' d'Arène est enfin revenu, et m'a apporté les bulles,
tant sur l'esmologation du concordat des Jésuites qui ont esté payées
rique à rique à cent et tant d'escus que pour l'union de Porchères où
l'on a faict gratis de la Gomponenda, mais elles n'ont pas laissé de
couster aultant que les aultres. Je ne les vous envoyray poinct par cest
ordinaire pour avoir loisir d'en retenir un extrait de chascune, parceque
le pacquet est desja bien gros sans cela , à cause d'un livre de Mess" du
Puy. Ce sera Dieu aydant par le prochain ordinaire lequel attendant je
liniray priant Dieu qu'il vous tienne en sa saincte garde, bien marry
qu'il me faille encores différer ceste sepmaine la depesche concernant
les libraires. Le sesjour de M'' le Mareschal en ceste ville et de cez
MM" les Commissaires m'ayant osté le moyen d'y vacquer, oultre que
je ne me suis guieres bien trouvé hier ne aujourd'huy, mais grâces à
Dieu ce n'est pas de mal auquel je ne sois bien accoustumé, et dont
j'attendray qu'il plaise à Dieu de me soulager quand ce sera son bon
plaisir qui sera lousjours assez à temps, quand il sera conforme à sa
saincte volonté. Cependant je demeureray tonsjours,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy.
DE Peireso*
A Aix, cp Qs novembre i63a.
Plus je pense à la negotiation du s'' Gault pour ces vases^ plus je me
confirme à l'opinion que si vous trouviez moyen de luy faire voir cez
64 LETTRES DE PEIRESC [1632]
petitz chatz ' chez vous sur l'occasion de vous aller remercier de
quelque bouteille d'eau naffe ou bien luy mener voir ceux de M' d'Au-
bery, il est si curieux qu'il pourroit bien en prendre envie, princi-
palement d'avoir comme cela masle et femelle, qui luv pourroit faire
espérer de proHitlcr de la race, auquel cas vous seriez bientost maislre
de ses vases pour si peu d'argent que vous voudriez, mais je crains
que mon advis n'arrive trop tard, au([uel cas vous pourriez vous en-
gager de parolle de luy en faire tenir d'icy, car je ne me defferay point
de ceux qui me restent que je n'aye vostre responce sur cela, et puisque
la Cour est à ceste heure en cez quartiers là, je crois bien qu'il ne
nous manquera pas des commoditez d'y envoyer de cez petites bestes
quand ce ne sera que pour un ou deux dans un panier et particulière-
ment pour des petilz. Joubliois de vous dire que le prieur de Mous-
tiers est party cejourdluiy pour retourner à la Cour où il se pro-
met de vous trouver encores, ne faisant pas dessein de s'arrester à
Lyon plus de deux ou 3 jours. Il m'a faict de grandes protestations
pour vous et s'est chargé d'un petit pacquet de livres dont j'escriptz à
M' du Puy.
Si pour avoir le vase de Vivot il ne falloit (jue luv promettre un de
ces petitz chatz, faites le hardiment, car il y aura bon moyen de s'en
aquitter, sans diminuer pour cela le payement du vase pourveu qu'il
se veuille contenter d'une demy douzaine d'escus ou peu davantage.
Seulement pour faire mieux valloir la marchandise, il fauldroil le prier
de ne se point vanter de ceste promesse, à cause des aultres person-
nages des plus eminentes conditions qui m'en font demander, comme
si vous vous dispensiez de l'ordre d'en donner ailleurs pour l'amour de
luy et dudict s' Gault.
J'ay depuis escript au P. Sirmond, et luy demande la coppie de
deux images, que vous ferez portraire pour l'amour de moy, l'une
d'une cène d'eulumineure qui se void dans un livre de la bibliothèque
Passage reproduit par M. L. Ddisle (p. 17) qui fait précéder sa nouvelle citation de
ces mots : rrEn relisant sa lettre, Peiresc trouve que la combinaison est excellente. Il a ajouté
en post-sciiptmn : n.
[1632] À 1). GUILLEMIN. 65
du Roy qu'il vous indiquera, où se void un ombrelle sur la teste du
Christ, et l'aultre est d'un vieux seau de l'Empereur Charles le Gros,
qu'il a tiré d'une charte de Langres, dont je verray bien volontiers le
portraict, et encores plus volontiers l'empreinte s'il l'avoit, ensemble
un peu de mémoire de la datte de la cliarte et des qualitez du prince,
si ce n'est qu'il veuille bailler la coppie entière de toute la charte que
vous pourriez faire transcrire par Quentin'. Si vous estes encores là,
M"' du Puy vous remettra le pacquet pour le luy rendre de vostre main.
Pour mes rabbats, c'est la vérité que vous me ferez plaisir de m'en
faire faire de par de là; je vous en faicts envoyer un des miens pour
y prendre le tour de col, mais je ne suis pas d'advis que vous en
suyviez entièrement la forme, attendu qu'elle est fort incommode, et je
n'en ay jamais porté qui fussent bien seantz à mon gré, pour la difti-
culté de les adjuster par devant, mais à cette heure qu'on ne met pas
les attaches tout au dernier bord, ains à un demy doigt ou un peu
Mioings loing dudict bord, il couvre plus facilement le collet du poui--
poinct ou de la sottane. Je vous laisse faire cela selon l'usaige de delà
seulement de prendre la largeur du rabat la plus médiocre que vous
pourrez, pour n'estre ne trop large ne trop estroict^.
Pour les testes de bronze, je suis bien plus curieux de celles qui
monstrent d'avoir esté espargnees creuses, pour servir de vases à con-
tenir quelque liqueur, que des autres. Mais je ne suis pas gueres moings
curieux de celles qui sont faictes pour estre portées perdues, encores
qu'elles n'ayent peu servir à des vases. Et de celles mesmes qui sont
solides et fort pesantes, qui sont remplies de plomb comme l'une de
celles de M' Gault, car je croys, mais il ne s'en fault pas venter, qu'elles
ont servy, comme les pieds forts, pour y adjuster dessus les poids
de l'usaige commun, et qu'on afl'ectoit de les faire eu forme de leui-s
Deitez pour les rendre plus vénérables, et retenir la licence de ceux
qui les pouvoient frauder. C'est pourqnoy quand vous en rencontrerez
' I.e copiste dont il est si souvent fait «en/jftwn sont autographes, ainsi que tout ce
mention dans le recueil Peiresc-Dupuy. (pii suit et qui est inscrit sur un feuillet
' I>es paragraphes préciklents du post- détach($ (fol. ''477).
'• 9
IXpniUCItlC XATIOtiLI.
U LETTRES DE PEIRESC [1632J
de cette nature à peu prez, ne les neglijjeï pas. iNomplus (jue les lani-
i)erons de bronze antiques, lorsqu'ils seront bien nets par le dedans,
car vous me ferez plaisir d'en mesurer la contenance, et de peser
anssy sur le poids de mark, les susdictes testes suspendues ou rem-
plies de plomb.
Quant aux graveures des brasseilets de M' le M[arquis] de Sourdis',
il n'y aura pas de danger d'en prendre quelques empreintes en cire
des plus bigearres et plus chargées descritture, mais ne vous y amusez
pas beaucoup, car je n'avoys faict instance au s' Gault des siennes que
pour rechercher un prétexte de hiy escrire, et ne pas laisser |)aroistre
que ce fusse exprez pour ses vases, qui me toucheroient beaucoup
plus au vif.
Vous ne m'avez pas moins tenté que vous pouvez avoir eu de ten-
tation vous mesmes par l'offre que vous me laictes de m'envoyer Tori-
ginal du vase qui reste à M' de Roissy, sauf de le recouvrer dans trois
sepmaines. Et si vous en aviez faict la preuve que je m'en promecli tant
sur le vase du sieur Marquis de Sourdy que sur ceux de S' Denys, je
vous aurois fort facilement pris au mot et avec beaucoup plus de dis-
position et d'advantage, car j'estinjerois au centuple l'examen que je
ferois icy du vase de M' de Roissy, aprez que je serois asseuré de la
proportion d'icelluy avec ceux de S' Donys et tous les aullres. Mais il
fauldroit en ce cas là trouver quelque excuse à M' de Roissy sur quelque
'voyage du peintre que vous attendriez pour le desseigner, afin qu'il
ne vous pressast pas durant les trois sepmaines, ou bien d'attendre la
commodité du gardien de celuy de Monsieur ou du sieur Marquis mesmes
de Sourdy et de ceux de S' Denys, comme si vous aviez oublié d'en
faire quelque espreuve ou examen que vous n'aviez pas bien entendu
au premier couj) sur mes ordres*.
Charles d'Escoubleau, marquis deSour- cile sou cabinet (laiiiii ceux qui conlieiiuent
dis et d'Alluye, fi-ère des deux archevêques des rr tableaux très exquis»',
dn Bordeaux François et Henri , mort en ' Biljliolliè((ue nalinnale, fomls rraurais,
i6()0, était un collectionneur distingué. nouvelles actpiisitiniis, «171, ft)l. 47».
I/abbé deMarolles {Mémoires , t. III , p. a 1 5 )
[1632] À D. GUILLEMIN. 67
MÊME ADRESSE.
Monsieur ie Prieur,
Vous avez barres sur moy ce coup cy et m'avez pris au dellault de
la cuirasse, vous advouant que je ne fus jamais si surpris que je le fus
à l'ouverture de vostre boitte, quand c'est que pensant y voir quelque
empreinte de vase, je me trouvay à la main l'original de l'un de ceux
de M"' de Roissy, que je ne pensois pas jamais voir, tant s'en fault que
je me fusse jamais imaginé qu'il peust un jour estre à moy, dont je
me tiens si redevable à la courtoisie de M'' de Roissy et par conséquent
à vostre industrie et à vostre bonne et prudente conduitte, que je ne
le vous sçaurois assez exprimer, et aprez ceste preuve là je ne pense
poinct qu'il y aye rien d'impossible à vous de tout ce qui peut tomber
en negotiation humaine^; toute la mortifiication que j'y ay eiie gist en
ce que depuis la réception de ceste belle pièce, j'ay esté si accablé
d'aultres divertissementz inesvitabies qu'il n'a pas esté en mon pouvoir
de desrober une demye beure de temps pour la bien considérer, et
pour en examiner la contenance sur les mesures de ma pille antique,
de sorte que je ne vous en sçaurois dire pour ceste fois, si ce n'est que
la veiie de l'original nous y a faict recongnoistre une inscription dont
je ne m'estois pas apperceu les aultres fois que je l'avois tenue, ce qui
ne sera pas, je m'asseure, inutile, mais il m'obligera aussy de vous
recommander comme je faictz trez instamment de bien examiner
l'aullre pièce qui est demeurée à M' de Roissy, pour vous asseurer s'il
n'y a poinct de pareille inscription par le dessoubz du fondz comme en
celle cy, ne faisant pas difficulté d'y employer des lunettes et des louppes
pour mieux secourir la perspicacité de vostre veiie, et pour en prendre
' On voit combien la joie imprévue du succès donne h l'archéologue une aimable verve.
îNous allons un peu plus loin constater que la reconnaissance envers M. de Roissy l'inspire
aussi bien heureusement.
9-
08 LETTRES DE PEIRESC [1632]
tous les traictz que vous pourrez discerner que je vous prie d'imiter
sur du papier le plus exactement que vous pourrez, car je ne pense
pas que la délicatesse du sable du mouleur aye peu desrober l'em-
preinte de ces lettres qui ne sont point enfoncées, et qui ne semblent
esire faictes qu'avec la pointe dun cousteau, avec laquelle on a seule-
ment trassé et aulcunement rompu le lustre de l'argent pour y escripre
le mot GIPIKI ® et au dessoubs la marque V, m'imaginanl qu'il y
aura quelque chose d'aj)proclianl à cela, sinon pour tout ce mol en-
tier, au moins pour quelque marque qui puisse servir à favoriser [la
détermination de] la contenance et capacité du vase,car|)uisque vousnie
dictes qu'il est plus grand que cestuy cy il fault que la marque en soit
difl'erente, et si leur forme estoit faicte, en sorte qu'ilz se peussent em-
boitter l'un dans l'aultre, il ne scroit pas impossible que l'inscription de
celluy cy n'eusse quelque relation à la contenance de l'aultre, comme
vous avez veu en mes gobeletz d'argent. Ce qu'il faudra examiner Dieu
aydant sur l'empreinte que vous me promettez par le |)rocliain ordinaire
pourveu que le moulleur ayt esté bien exacte de prendre la juste con-
tenance de l'original, ce que vous pourriez avoir examiné et verifiîé en
comparant la contenance de l'empreinte sur celle de l'original attendu
([ue pour peu qu'il y puisse avoir eu de négligence du mouleur |)our
co regard là, soit pour avoir trop mouillé son sable ou pour a\oir trop
chaude son métail, il y aura facilement eu de quoy rendre la capacité
et contenance du vase plus ou moins grande que son original, dont la
comparaison de 1 ung à l'aultre en y versant de l'eau qui les remplisse
justement aultant l'un que l'aultre est cappable de faire cesser tout
doubte et toute dilHculté, mais je crains bien que vous n'ayez mis mu
chemin ceste empreinte sans vous estre advisé de ceste precaullion.
Auquel cas il fauldra faire comme nous pourrons.
Cependant je tascheray d'escriprc un mot à M' de Roiss\ |)our coni-
mancer les remerciemenlz que je luy doibs d'une si insigne faveur pour
tant que j'auray de vie, dont je tascheray de m'en revancher, si j'en
puis trouver des moyens, et rechercheray quelque curiosité qui puisse
mériter d'estre mise en son estude ou dans sa bibliothèque qui ne soit
[163-2] À D. GUILLEMIN. 69
point ailleurs, pour faire un peu de remplacement de ce qu'il a voulu
ester de son cabinet pour l'amour de moy et pour l'amour du public
et de la postérité, à laquelle je lascberay de faire cognoistre l'obliga-
tion et le bon gré qu'elle doibt avoir à la maison de Mesmes pour la
conservation et liberalle communication d'une si gentille curiosité, qui
n'eusse possible pas esté facilement descbiffrée et recongneùe sans ceste
communication si opportunément octroyée et sans ceste participation
si advantageuse pour moy. Je suis aprez de mettre ensemble quelques
|)etitz raffraischissementz pour envoyer de par de là, dont la meilleure
part sera destinée à ceste maison. Et si je puis trouver quelqu'un qui
s'en veuille cbarger, j'y feray joindre encores deux petitz chatz de
poil de martlie qui ne seront pas possible moins estimables ny moins
rares ([ue ceux du poil de rat. Enquerez vous si M'' de Roissy a des
orangers et quelqu'un qui prenne le soing de les entretenir comme il
fault et de les mettre dans une serre l'hyver, et particulièrement s'il a
de ceux de la Gbiue, car je tascherois de luy en faire tenir quelques
arbres par Dominique Mayolle ' à son premier passage comme aussy
des lauriers cerisiers, s'il n'en a poinct.
Au reste je vous envoyé les bulles et la signature originalle de mon
union de Porchères^, ensemble la signature originalle de l'emologation
du concordat des Jesuistes, oiî il y a pour plus de deux cens bons escus
de marchandise nonobstant le gratis qui m'a esté faict de la compo-
nenda de centz ducatz d'or pour ladicte union qui m'en eussent en-
cores cousté presque aultant avec les changes. Il y a une clause dans
ceste union un peu importune, mais il fault prendre patience et l'im-
j)uter au peu d'esprit de M"' d'Arène à qui j'avois nommément escript
de ne poinct lever ladicte expédition sur ceste clause et si je n'avois le
gratis aussy bien du concordat que de cela, et toutesfois il a esté si
niais que de se dispenser de mes ordres tant pour l'un que pour l'aultrc
' Le /)o»ie)M(;oM«;o/o mentionné, à propos collation de l'abbé de Guîtres, et dans le
d'orungers, dans les Pelils mémoires de Pei- voisinage de l'abbaye , mentionnés au Fouille
resc (Anvers , i 88(j , grand in-8", p. 5 1 , 53 ). général contenant les bénéfices de l'archevêché
^ Porchères élait im des prieurés à la f/e Borc/ertiw^ (Paris, i6'i8, in-i°, p. 19-31).
70 LETTRES DE PEIRESC [1632]
chef, aussy bien que pour tout le reste du principal de ses instructions
qui ne luy ont servy de rien que pour me pouvoir fournir des occa-
sions de desplaisir et de reproche en son endroict, puisque la faulle
est faicte et que ce qui est desbourcé ne peut pas ne l'estre. 11 fault se
servir de toutes cez expéditions au moins mal que l'on pourra el les
faire valloir selon qu'il pourra estre loisible et que les intereslz de mon
Abbaye le pourront comportera
Je vous doibs encore des remerciementz bien affectueux tant de mon
estuy de lunettes et des gantz à escripre que des chaussons de l'une et
l'aultre sorte, que j'ay trouvez fort propres à mon usage, et quand la
commodité se présentera d'envoyer de par deç<» deux ou trois paires
de semblables chaussons tant des uns que des aullres vous me ferez
un singulier plaisir. Mon homme oublia en fermant la despesche du
dernier ordinaire d'y enclorre l'un de mes rabatz que vous recevrez
maintenant et M"' Suchet a enfin moulé mon grand cachet que je pense
vous pouvoir envoyer avec la présente, car il n'y avoit plus rien à faire
que d'y appliquer une petite viroUe.
Mon frère est à Marseille depuis hier où il s'est voulu trouver à
l'entrée de M' le Mareschal- en qualité de gouverneur. Il me dicl en
partant que s'il pouvoit il vous escriproit de là comme je m'asseure
qu'il l'aura faict. Hz s'en vont aux Kstatz de Brignolle mandez au q' du
mois prochain. M' de Paule a esté receu en la charge du président
Carriolis' en baillant caution de payer ce qui sera adjugé aux oppo-
santz et a assisté aujourd'huy à l'audience publique en manteau rouge
de chevallerie avec son mortier à la main, dont l'habit lui estoil fort
bien séant. Sur quoy je finiray priant Dieu qu'il vous tienne en sa
saincte garde et qu'il vous fasse réussir aussv à souhaict les aultres
négociations que je vous ay commises comme celle du >ase de M' de
' Le piquant passage relatif à ia mal- ' Sur ces deux personnages, ainsi (jue
adresse de M. d'Arène a été reproduit dans sur Corlieran, qui est nommé dans le post-
mon Peiresc abbé de Guîtres, p. aS. scripium, voir le i-ectiei! des Lettret de Pei-
Le maréchal de Vitry, gouverneur de me aiuc frères Dupuy.
Provence.
[1G32] À D. GUILLEMIN. 71
Hoissy, duquel il se parlera et avec honneur Dieu aydant ou je ne
pourray, demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peikesc.
A Aix, ce 29 nov[einbre] 1682.
Nous n'avons peu retrouver les deux ais de la presse de Gorberan
où vous aviez emballé le messel de M"' l'Archevesque. Si vous vous
souvenez en quel lieu ilz ont esté fourrez lorsqu'on desballa ce mes-
sel , vous nous espargneriez le soing d'en faire faire d'autres. M'' l'Arche-
vesque m'est venu voir à ce soir et m'a cuidé achever de desrober le
temps qu'il mie falloit pour escripre à M'" de Roissy. Il m'a fort soi-
gneusement demandé de voz nouvelles et m'a faict des recommanda-
tions de M"" de Bonne à qui je vous supplie de faire les miennes trez
humblement en revanche et l'asseurer de mon irez humble service'.
XLII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Je receuz par le dernier ordinaire vostre despesche du '«6" du passé
dez sabmedy sur le tard et hier au malin j'envoyay à Brignolle vostre
despesche pour M'"Mercadier par l'advocat Jordany mon filleul, dont je
feis l'addresse à mon frère de Valavez qui y est pour la teiiiie des Estatz
avec charge de le rendre luy mesme en main propre et d'y joindre luy
mesmes les complimenlg convenables de vive voix, tant de vosire part
et de la mienne que de son propre chef, de sorte que vous pouvez
estre hors de tout regret de ce costé la. Je pense que demain ou aprez
demain pour le plus tard vous recepvrez l'advis et une mienne lettre
' BihlioUuViiiR nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, B171, fol. 478. Original.
72 LETTRES DE PEIRESC [1632]
pour M"" de Roissy sur la réception de son godet d'argent où je descouvre
des merveilles, et dont j'ay trouvé que la contenance respondoit fort
bien à la marque du nombre cinq, laquelle y est gravée beaucoup plus
profond que les aultres lettres du nom de CIPIKIOS, pour la détermi-
nation ou destination duquel je ne puis rien resouldre que je n'aye
veu l'empreinte de l'aultre vase et que je n'aye examiné sa contenance
ou capacité, car s'ilz ne peuvent emboitler l'un dans l'aultre et que
celluy là n'aye poinct d'inscription ou de marque particulière j'estime
qu'il ne debvroit pas estre de plus grande contenance que de huicl foys
vostre plus grand escuellon, mais s'ilz n'ont rien de commun l'un avec
l'autre, j'estime que celluy que j'ay estoit faict exprez pour en con-
tenir un autre assez estroit pour s'y emboitter, mais assez liault pour
contenir les 8 mesures de vostre escuellon en la forme que se voyent
faictz plusieurs calices dont le fondz du gobelet est embrassé par le
dehors de rayons ou aultres ornementz qui en couvrent la partie infé-
rieure, comme le noyau d'un gland est embrassé par le fondz d'une
petite escorce qui ne couvre que la moictié du fruict. Or je sçay
d'ailleurs que c'estoit une pratique fort usitée entre les anciens que les
ouvrages de relief dont estoient enrichies par le dehors les couppes
d'argent, estoient postices et se pouvoient facilement adjouster ou sé-
parer pour les joindre à d'aultres gobeletz tant pour la conservation
des cizeleures de la main de grandz sculpteurs que pour y pouvoir
changer des noyaux en godetz de différente capacité selon qu'il les fal-
loit plus ou moins grands pour satisfaire aux complimenta qu'ilz vou-
loient rendre à table à l'honneur de diverses Deitez princes ou mais-
tresses et de faict le dedans de ce vase que j'ay, n'est pas poly ne
luisant de beaucoup prez à comparaison de la polisseure du dehors,
ce qui est directement contre l'ancien usage et c'est ce qui me confirme
de tant plus en l'opinion que j'ay conceue d'abbord qu'il y inanquoit
un aultre godet intérieur de la susdicte contenance, qui estoit vraysem-
blablement moins massif et plus délié que son noyau ou son estuict, ce
qui l'a rendu plus foible et moins durable que ce noyau, lequel a
neantmoins eu grande peine de résister à l'injure du temps jusques à
[1632] À D. GUILLEMIN. 73
présent, durant tant de siècles, puisque vous voyez qu'il est fellé, fra-
cassé et la pièce mesme emportée en quelques endroictz. Il faudra
avoir patience jusques au prochain ordinaire puisque vous nous pro-
mettez alors l'empreinte de l'aultre vase, afin que nous en puissions
faire le jugement qui y escherra.
J'oubliay en escripvant à M"" de Roissy de le supplier de vous dire
s'il sçauroit poinct en quel lieu et en quel temps à peu prez ces deux
vases ont esté trouvez, ou de quel plus ancien recueil de cabinet ilz
peuvent estre partiz, car cela serviroit encores beaucoup pour appuyer
ou pour affoiblir mes conjectures sur ce subject, mais il n'y aura pas
de danger que vous le luy demandiez de ma part si le trouvez en com-
modité. Quant à l'aultre troisiesme godet moins façonné que ceux là,
il ne fauldi'oit pas négliger de le faire au moins desseigner sur du pa-
pier, et d'en prendre la mesure et contenance le plus exactement que
vous pourrez et de me l'envoyer en diligence, si vous y trouvez de l'ou-
verture, car certainement je suis bien d'advis que vous alliez avec une
grande reserve, envers M"' de Roissy, puisqu'il nous a comblé d'une
si surabondante honnesteté, et que vous évitiez en toutes les façons du
monde toute sorte de recherches qui pourroient estre imputées à tant
soit peu d'importunité. Que s'il vous vouloit obliger de tant que de
vous faire voir son cabinet et de vous tesmoigner qu'il n'eusse pas
désagréable que vous feissiez faire une empreinte soit de .souffre, de
piastre ou d'aulcune aultre matière plus propre d'une petite placque
de christal quarree de la largeur d'environ trois doigtz oiî est gravée
la figure assise d'un Silène, qui joiie de deux fleustes assemblées,
je la ferois graver en taille douce pour la joindre au discours de cez
vases, sur le subject de la (leuste que tient en main la figure du sa-
tyre qui y est représentée. Si mesmes vous trouviez du jour et de la
disposition pour faire desseigner une petite figure de bronze d'un Icare
avec des aisles postices attachées à ses bras, j'en pourrois bien faire
mon proffit ensemble d'un fragment de lamperon de terre, qui semble
estre une portion d'une couronne de lumières, je m'en pourrois bien
dignement servir en mes recueilz, mais il fauidroit que le peintre
IWPItlUCnilE UtrtAKlM.
74 LETTRES DE PEIRESC [lôSî]
t'eusse bien exacte à prendre les dimensions et particulièrement la
vraye grandeur du cercle ou de la courbeure de ce fragment, pour
pouvoir colliger le vray diamètre et la vraye circonférence de cesle
couronne et juger du vray nombre de lamperons ou lumières qui y
avoient peu estre assemblées. A quoy l'exacte plume et le compas de
Mons' Engobert, l'un des peintres que le Roy entretient à Fontaine-
bleau, seroit bien nécessaire, dont vous aurez eu des addresses chez
M' Le Jeune son compagnon ' ou chez Mess" du Puy, mais surtout je
vous recommande la discrétion qui vous est si naturelle pour ne rien
presser ou ne rien faire de tout cela, à la moindre diiliculté que vous
y pourriez rencontrer, car j'aymerois beaucoup mieux nie sevrer du
plaisir que je pourrois prétendre en me j)revalant de ces desseins ou
empreintes, que si cela devoit causer tant soit peu de desgoust à un
personnage de si eminente qualité à qui je porte tant de vénération
et à qui je suis si redevable.
L'ouverture des Estatz se fit samedy matin à Brignolle où Mons' de
Léon desploya son éloquence avec de grandz advantages et admira-
tion de tous les ordres, mais la demande qu'il fit de douze cens cin-
quante mille escus faillit à faire pasmer tout le monde. La première
séance des gentz desdiclz estatz à part, avoit esté remise à ce jourdhuy,
sur quoy je finis priant Dieu qu'il vous tienne en sa sainte garde et
demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 6 décembre i639 *.
' Sur ces deux personnages voir le re- est mentionné dans la Tahle nlphabeiique.
cueil Peiresc-Dupuy. Le véritable nom d'£'«- ' Bibliollièque nationale, fonds français,
gohert était Gobert, et c'est sous ce dernier nouvelles acquisitions, Siyi, fol. 48o. Ori-
nom (jue le valet de chambre du roi Louis XIII ginal .
[1632] A D. GUILLEMIN. 75
XLIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Le jour mesmes que je vous avois envoyé mes dernières lettres par
l'ordinaire M' Menestrier arriva en ceste ville et m'apporta quelques
petites curiositez, ensemble cette couppe de verre bleu que vous aviez
veûe à Lyon laquelle fut trouvée de la mesme contenance et capacité
que vous aviez jugée. Il me dist que M'" Gault l'avoit asseuré de vouloir
taire un voyage de par deçà à ce mois de janvier, pour chercher des
plantes curieuses, en quoy gist maintenant sa principalle et prédomi-
nante curiosité, auquel cas, s'il ne passe par mes mains, il ne rem-
portera pas facilement de ce païs ce qu'il en peut espérer de plus rare
par mon moyen, Mons'' le cardinal Barberin ne s'estant pas desdaigné
de tenir de moy comme vous sçavez le jossemin jaulne des Indes odo-
rant, le myrthe à fleur double et aultres choses qui ne sont pas si
communes. En revanche de quoy il m'a envoyé le rosier de la Chine,
le laurier canelle des Indes, l'Acacia et quelques aultres cuiiositez dont
nous avons moyen de faire part à noz amis ', et à ceux qui ne sont pas
si difficiles à se disposer à la correspondance practiquée entre les ga-
landz hommes. J'attendz au premier jour de cez figues d'Adam que
nous avions laissé mourir ces années dernières, et tout plain d'aultres
curiositez qui ne sont pas communes, outre celles que vous sçavez que
j'ay de longue main et qui ne se trouvent pas partout, dont le citron-
nier de la Chine à fleur double se porte encores fort bien Dieu mercy
nonobstant la rigueur du froid qui s'est desja faict sentir assez extra-
ordinaire ceste année. 11 pourroit bien facilement s'il vouloit en venant
de par deçà faire apporter avec ses bardes quelques curiositez de son ca-
binet, comme je crois bien qu'il n'en viendra pas tout à faict despourveu
Passage important pour l'histoire de l'acclimatation des arbres et des plantes dans notre
pays.
76 LETTRES DE PEIRESC [1632J
et entr'aultres choses qu'il pourroit bien faire venir tous ses vases de
bronze puisqu'il n'y en a ])as plus de quatre, si mieux il n'ayraoit de
les nous envoyer à l'advance, car à son passage il les pourroit reprendre
et remporter s'il en est si jaloux. Et cependant nous aurions eu le loysir
de lés y voir à nostre aise et d'y passer nostre fantaisie, voire quand il
en auroit traicté avec nioy pour me les laisser en plaine disposition et
propriété s'il pensoit en avoir tant d'affaire, je ne ferois pas difficulté
de l'en accommoder, car je ne suis pas si difficile ne si jaloux de ce que
j'ay que mes amis n'en puissent disposer quasi aussy librement comme
moy. J'aurois particulièrement fantaisie de voir le plus petit qui est en
forme de teste à deux visages, et possible que si j'avois ])rins la peine
de le mezurer et examiner je n'y trouverois pas à observer tout ce que
l'on se pourroit eslre imaginé. C'est pourquoy je sçaurois quasi aultant
de bon gré de la simple veùe et amiable communication que de l'acqui-
sition de toutes cez pièces, à la première veiie desquelles je prendz
quasi tout l'usage principal que j'en sçaurois tirer, aprez quoy je ne
serois pas marry d'en laisser la jouissance à ceux qui en seroient plu!?
friandz que moy, principalement si c'estoit pour un personnage de telle
qualité pour qui on a dict qu'on les reservoit ', combien que je ne voye
pas les choses disposées au point qu'il faudroit, pour faire qu'on s'en
souciast ainsy qu'on l'eusse faict aullreslois, et le pis est que les ap-
parences ne sont pas Irop grandes que les difficultez présentes puissent
cesser d'assez long temps. Enfin vous pourriez sonder le gué, et si
vous n'y trouvez la disposition qu'il faudroit nous nous en passerons, et
nous en consolerons plus facilement que ne le pourroient croire tous
ceux qui y pourroient prétendre intherest au contraire, nous en estantz
passez si paisiblement jusques à ceste heure, comme de beaucoup
d'aultres choses plus dignes et plus rares que cela, qu'il ne nous sera
pas estrange de nous en passer encores aussy longtemps comme pourra
durer ceste mauvaise disposition des possesseurs, lesquelz auront pos-
sible un jour quelque regret ou remords de conscience davoir laissé
' Le célèbre amateur Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII.
[1632] À D. GUILLEMIN. 77
perdre ceste occasion de faire plaisir à un aiuy qui ne faict ceste re-
cherche que pour en ayder le pubhc iequel ieur en pourroit sçavoir
bon gré à euix pour y avoir contribué quelques pièces, aussy bien qu'à
celluy qui y auroit mis son labeur.
Quant au s' Vivot, puisque son vase ou prétendue lampe n'est qu'en
forme d'un animal dont la figure n'est pas trop naturelle, selon la
description qui m'en a esté faicte, et mesmes qu'il n'y a giiieres d'as-
seurance que ce soit ouvrage bien asseurement antique, s'il en faict
tant ie renchery, je suis d'advis de le laisser là avec sa pièce et avec son
humeur que je ne suis pas résolu de combattre ne violenter en façon
du monde. Au contraire s'il se presentoit occasion de le servir ou de
contribuer à sa curiosité quelque chose de son goust qui despendist de
moy, je ne m'y espargnerois pas, ne m'estant jamais repenty de faire
plaisir à un chascun, encores que d'aulcunes fois ilz ne m'en eussent
pas trop donné de subject.
Au reste j'ay receu par les mains dudict s'' Menestrier une lettre de
la part de M' dés Nœudz ' de qui je n'avois poinct eu de nouvelles il
y avoit bien neuf ou dix ans, de sorte que je luy ay de tant plus
grande obligation d'avoir daigné si longuement conserver la mémoire
' L'abbé de Marolles {Mémoires, t. III,
p. 216) cite ce colleclionneur parisien , à
côté (le Gaull (pbis baut mentionné et qu'il
appelle Gaud) , parmi ceux cpii possédaient
les plus beaux cabinets de et médailles d'or,
d'argent et de enivre , de figures en bronze ,
de camaïeux, de basses-tailles et de car-
nioles antiques , avec des peintures cx([uises «.
M. Edmond Bonnaffé ( Dictiommire des ama-
teurs français , etc.) a eu tort de croire que
les tfDesneux ou Des Nœuds t) [on voit par
la lettre de Peiresc, comme par le texte de
Marolles, que c'est cette dernière forme
qu'il faut adopter] étaient rrdeux frères».
Il a été trompé par l'amjjbibologie de cette
phrase de l'abbé de Villeloin : rt tels qu'étaient
ceux (les siem-s des iNœuds, Goilar, secré-
taire du Roi, etc.» Sieurs s'applique évi-
denmient, dans la pensée de l'auteur des
Mémoires, aux divers personnages énumérés
après Des Nœuds : Goilar, Gaud, etc. J'ai
une autre observation à présenter sur la no-
tice de M. lionnaffé: il se demande s'il faut
identifier des Nœuds et de la Noue, comme
l'a fait Mariette. Je réponds que ce sont
doux personnages entièrement différents, ce
([n'établit très bien l'abbé de Marolles qui
(p. 216) mentionne la collection très va-
riée du sieur des Nœuds et (p. 217) la col-
lection spi'ciale de ft tailles-douces et de des-
seins à la mainit fonnée par le irfeu sieur
de la Noue». On voit qu'il y a là deux
cabinets et deux collectionneurs parfaite-
ment distincts.
78 LETTRES DE PEIRESC [1632]
d'un si inutile serviteur que moy et si esloigné des moyens de mériter
cet honneur envers luy par mes services et l'importance est qu'il n'a
pas voulu que ce fusse une simple lettre de complimentz, car il a voulu
l'accompagner de deux médailles d'or fort gentilcs et fort de mon goust,
aiusy qu'il l'a trez bien recongneu , dont je suis bien résolu de me re-
vancher ou je ne pourray. C'est pourquoy je vous prie de vous en-
quérir de luy ou de quelqu'un des siens, si nous ne pourrions poinct
contribuer quelque chose à ses louables recherches, soit en matière de
plantes ou aultres et par mesme moyen je vous prie de sçavoir de luy
si parmy les choses qu'il avoit recueillies d'un vieux tombeau, dans
lequel furent trouvées quelques médailles, anneaux, chaisnes ou chais-
nettes et aultres ustencilles de cuivre, il n'y avoit pas, si je ne me trompe,
quelques escuellons et cuilliers grandes et petites de cuivre. Auquel
cas je serois bien ayse que vous m'en fissiez un ])eu de relation parti-
culière de leur forme et de leur grandeur et capacité, croyant bien que
M' des Nœudz ne fera pas de difficulté de les vous prester ou commu-
niquer si mesmes vous recognoissiez qu'il y eusse quelque chose qui
meritast de me les faire voir originellement. Je pense bien qu'il ne
seroit pas moins courtois que M" de Roissy pour les vous confier avec
permission de me les faire tenir par voye asseurée. auquel cas et ce
faisant vous le pourrez asseurer que je luy feray fort fidellemeni rendre
et restituer ses originaulx Dieu aydant. Je luy en escriptz un mot et
vous prie d'adjouster à ma lettre tous les complimentz de vive voix
que vous jugerez y pouvoir escheoir, pour luy offrir la pleine disposi-
tion de tout ce qui est en mon pouvoir, sur quoy attendant ce que nous
apprendra l'arrivée du prochain ordinaire je finiray demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectiomié serviteur et meilleur auiy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 10 décembre i63a '.
Bibliothèque nationale, fonds finançais, nouvelles acquisitions, Styi, fol i8a. Auto-
[1632] À D. GUILLEMIN. 79
Je ne sçays pas si M' des Nœudz a changé de charge. C'est pourquoy
avant que rendre la lettre que je luy escriptz vous y mettrez le dessus
avec ses qualitez et nous les fairez sçavoir.
XLIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Je ne pense point qu'il y aye des charmes plus puissantz ne ca-
pables de faire des métamorphoses plus incroyables que celles que vous
avez faictes avec vostre douceur et honnesté (stc) naturelle, se pou-
vant dire que vous avez rendu les pierres sensibles et les bastons les
plus durs aussy ployantz que des courroyes, et qui plus est que vous
avez rendu capable de raison et d'honnesteté ceux qu'on en croyoit
les plus esloignez, ce qui n'est pas un petit miracle, principalement
en la personne de M' Vivot, qui estoit certainement inaccessible à tout
aultre qu'à M' Gault, envers qui je crois bien qu'il ne pouvoit poinct
trouver de bouche à parler. C'est pourquoy je ne sçaurois assez louer
vostre pensée et voslre prudente conduitte en cela, comme en tout
le demeurant de vostre traicté envers ledict s'' Gault, à qui je faicz
la responce qu'il pouvoit attendre de moy, laquelle vous verrez, je
m'asseure, avant que la luy rendre, l'ayant pour cet elTect laissée à ca-
chet volant aussy bien qu'un mot de remerciement que j'ay creu debvoir
faire audict s' Vivot, pour le tenir mieux en haleine en cas que vous
vous feussiez dispensé de m'envoyer son vase, qui sera la cause que je
ne vous reitereray point ce que leur escriptz, attendant en bonne dé-
votion la cassette de cez vases et aultres curiositez que vous me pro-
mettez d'addresser à M" de Rossy de Lyon, qui est assez de mes amis,
pour ne pas avoir de regret à ceste addresse, oullre ce qu'il vouldroit
faire pour l'amour de vous.
Quant à M' de Roissy et à M' le président de Mesmes, je ne puis assez
admirer leur courtoisie, à laquelle je ne manqueray point d'apporter
80 LETTRES DE PEIRESC [1632]
toute la meilleure correspondance qui sera en mon pouvoir. Mais je
ne leur sçaurois escripre à ce coup, d'aultant que j'ay icy M' Menestrier
sur son despart pour Rome qui m'engage à des lettres de ce costé là,
que ne sçaurois difl'crer, ot à luy nionstrer des curiositez pour le car-
dinal son niaislre\ à quoy je ne sçaurois satisfaire par procureur; aussy
bien seray-je bien ayse de pouvoir auparavant que de leur escripre,
examiner la mesure de l'emprainte que vous m'avez envoyée, pour
pouvoir mieux parler de la différente marque que j'y ay trouvée par
dessoubz laquelle respondra, si je ne me trompe, aussy bien que celle
de l'aultre vase, à la mezure qu'il fault, mais l'empuainte n'a pas peu
desrober les aultres lettres qui se trouvent escriptes par dessoubz le
mesnie fondz, aussy bien (ju'à l'aultre vase dont j'ay recoiignu quel-
ques syllabes tant sur la principale emprainte que sur les aultres, qui
m'ont fourny la grosse marque beaucoup plus apparente qu'elle ne
s'estoit rencontrée en ladicle principalle emprainte, mais il m'a esté
impossible d'en former une parolle intelligible. C'est pourquoy il faudra
que je supplie cncores M*^ de Roissy d'aggreer qu'il se fasse encores une
emprainte de son vase, mais non pas en sable ne en cuivre qui patit
trop en se desséchant et recuisant, pour pouvoir desrober le lustre ou
polisseure extérieure du vase, sans quoy les lettres que je demande se-
ront tousjours imperceptibles, et pour en venir à bout il faudra de né-
cessité en faire un creux de souffre ou de piastre pour courir moins de
fortune d'intéresser l'original à celle fin qu'on y puisse jetter d'aultre
matière si delicatte qu'elle soit capable d'emporter la vraye figure de
toutes cez lettres qui sont si desliées et si peu enfoncées dans l'argent,
qu'il semble qu'elles ne paroissent que par la seule interruption du
lustre ou de la polisseure du vase. Et de faict, dans l'emprainte que
vous m'avez envoyée de mon vase, il n'y est resté quasi aulcuns vestiges
d'escripture , non pas mesmes en la marque plus enfoncée, tellement
que je ne sçaurois rien dire de bien formel sur tout l'usage de ce beau
vase, que je n'aye toutes ces lettres bien distinctement prinses soit
' Le cardinal Fr. Barberini.
[1632] À D. GUILLEMIN. 81
d'une façon ou d'aultre et possible que la cire d'Espagne bien mesnagée
servira fort bien à cela, et tousjours s'il est possible un creux de piastre
nous donnera sans double les figures et mascarons beaucoup plus netz
que le cuivre, et beaucoup plus propres à estre desseignez, vous asseu-
rant qu'il y a des fleustes, des thyrses et une infinité d'aultres choses
Irez curieuses qui sont trez apparentes en mon original et qui neant-
nioins me fussent demeurées du tout incongniies si je n'en eusse veu
que l'empreinte de cuivre que vous en avez tirée. Aussy dans l'em-
preinte que vous m'avez envoyée du vase de M"' de Roissy il y a tout
plain de choses qui me restent grandement doubteuses, et y en auroit
beaucoup d'aultres sans que la comparaison de mon vase me sert de
secours pour les deschiffrer par conjecture. Et s'il y avoit de moyen,
quand M' d'Engobert sera de retour, de luy en faire faire le dessein,
vous me ferez un singulier plaisir aussy bien que luy, car je désire que
le dessein qu'il fera de ceste pièce là me serve de modèle et d'addresse
au peintre qui travaillera au dessein de mon aultre vase de deçà pour
suivre sa manière, et lascher de l'imiter au plus prez qu'il pourra.
J'en escripray comme il fault à M"" de Roissy pour tascher d'obtenir en-
cores ceste grâce de luy aprez tant d'aultres, estant bien marry de
ne le pouvoir faire par cest ordinaire. Mais je suis si las d'escripre à
Rome que je n'en puis plus, et si entre le prochain ordinaire je pou-
vois avoir la responce de mes précédentes despesches et que vous m'en-
voyassiez quelque emprainte de cire d'Espaigne ou de souffre qui me
peussent donner les lettres qu'il me fault, je parlerois bien plus har-
diment, ce qu'attendant et un peu plus de moyen de respirer, je finiray
priant Dieu qu'il vous tienne en sa saincte garde, demeurant.
Monsieur le Prieur,
voslre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
Si vous refaictes quelque cassette à m'envoyer, advertissez en M" du
Puy, lesquelz y pourront fourrer quelques livres que je leur ay de-
mandez.
T. il
82 LETTRES DE PEIRESC |1632|
Je viens d'apprendre de M' Meneslrier chose que je vous prie de ne
pas publier qu'un Président de Dijon luy avoit dict cez jours passez
qu'il s'estoit trouvé aux environs de la ville d'Aulun, depuis peu, deux
ou trois belles cuilliers d'argent antiques enrichies de bon nombre de
figures et aultres choses fort curieuses qui avoient esté recueillies par
un gentilhomme résidant en la ville d'Autun,qui a un beau cabinet de
curiositez, dont il avoit oublié le non» '. Il fauldroit voir si par l'entre-
mise des amys de M' Aubery ou de Mess" du Puy, il n'y auroit point
de moyen d'obtenir de communication de cez belles pièces, sinon pour
la veue des originaulx, ou pour des empreintes d'iceux, au moins j)our
des desseins le plus exactement porlraictz sur les originaux que faire
ce pourroil et selon les mesures les plus approchantes de leurs vrayes
dimensions. Auquel cas il faudroit avoir un peu de relation de Testât
auquel toutes lesdictes pièces se trouvent, si elles sont bien conservées
ou non, si elles sont rompues ou fellées, si elles sont dorées ou non.
et s'il y a auicune petite marque d'or en quelque endroict, et ne fault
pas négliger de s'enquérir en quel lieu et en quel temps à peu prez
elles ont esté desterrées et quelles aultres choses ont esté trouvées au
mesme lieu, s'il y avoit des médailles et de quel prince ou de quel
temps elles avoient esté battues, mais surtout il fauldroit conduire le
tout avec discrétion et sans bruict pour ne pas esventer la chasse, de
peur que nous n'esmouvions le lièvre pour quelque a'ultre.
La figuette que vous envoyoit M"" Lombard* a esté retenue pour ne
la bazarder par la poste, afin de l'envoyer par la première commodité
d'amy
3
Sur le collectionneur Venot . voir le re- ' Jean Lombard. (Même recueil, /*<*«««(«. )
cueil des Lellres de Peiresc aux Jrh-es Du- ' Bibliothèque nationale, fonds français,
imy, passim. nouvelles acquisitions, 6171, fol. 485.
/
[1632] À D. GUILLEMIN. 83
XLV
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Ce mot ne sera que pour servir d'adresse à une petite fioHe d'es-
sence que M"" Lombard m'a donnée pour vous envoyer qui est la mesrae
que vous aviez trouvée si bonne, à laquelle j'en ay joinct une aultre
petite qui m'a esté baillée depuis; on m'en fait espérer davantage au
premier jour, que je vous feray tenii' incontinant. J'ay receu à ce soir
vostre despesche du x% mais la boitte estoit toute fracassée, sans toutes-
fois qu'il y eusse rien de gasté du contenu en icelle non plus que du
contenu aux aultres trois précédentes boittes qui estoient toutes pa-
reillement enfoncées à leur arrivée, mais non pas si brisées comme
celle cy, et de bonne fortune, il n'y avoit rien en celle cy qui fusse
dangereux comme aux aultres; la pièce de bronze que vous y aviez
nn'se ne me semble pas antique, mais elle est neantmoins si bigearre
que je vous sçay fort bon gré de me l'avoir envoyée. Mons'' de Roissy
m'escript qu'il atlendoit la cassette dont vous luy aviez donné advis, et
me faict feste de certaines testes et vases antiques qu'il a recouvrez et
qu'il me veult apporter luy mesmes avec vostre cassette. Je respondray
à voz lettres plus amplement par le prochain ordinaire Dieu aydant et
tascheray d'escripre à Mons' de Roissy et à M'' le président de Mesmes
combien que j'eusse esté infiniment ayse pour m'en pouvoir mieux
acquitter d'avoir préalablement veu ce que vous aurez peu descouvrir
de i'escripture que j'estime estre au fondz de son vase; en ayant voulu
mczurer sur emprainte j'y ay trouvé quelque chose à dire pour l'esclair-
cissemcnt de quoy je voudrois bien avoir veu celle escripture pour luy
en pouvoir donner mon advis plus certain, ce ({n'attendant je demeureray.
Monsieur le Prieur,
vostre Irez affectioiuié serviteur et meilleur amy,
DE Peibesc.
A Aix, <;e 18 (lec[embre] lùîi-x.
84 LETTRES DE PEIIIESC [16321
[De la main de Peiresc :] Si je pouvois avoir la mesure du vase
d'Agathe principal de S' Denys, elle me pourroil bien servir à la dé-
termination de celle des vases de M' de Hoyssy. C'est pourquoy je vous
supplie de tascher de me l'envoyer le plus tost que vous pourrez. Et
s'il est possible, avec l'empreinte ou noyeau de piastre de tout le creux
ou contenance dudict vase, pour en pouvoir faire icy le creux pareil
et le pouvoir mezurer moy mesmes'.
XL VI
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu avec vostre despesche du 1 7' les dernières empreintes
du vase de M' de Roissy lesquelles m'ont bien mis en bredouille avec
la confusion que j'ay trouvée en la multiplicité des escriptures qui y
paroissent, lesquelles je n'ay sceu deschiffrer, et le pix est que je n'ay
guiere d'espérance d'en venir à bout, ne que cela me puisse fournir
le secours que je m'en promelfois. Au contraire cela est fort nuisible
aux conjectures que j'avois fondées sur l'inscription de l'aullre, qui est
la cause qu'en escripvant à M' de Roissy je me suis abstenu d'entrer
dans le discours de ce que j'avois envie de iuy, pour attendre si le
temps m'en donneroit plus d'esclaircissement. Je vous remercie du
dessein et de la charte du P. Sirmond; s'il y eust moyen d'avoir em-
preinte du seau original qui y est apposé, j'y eusse pris un singulier
plaisir. Et si le mesme chanoine qui avoit eu le crédit de faire aller
ledict original à Paris une fois le vouloit employer pour une seconde,
il m'obligeroit infiniment et faudra tenir de prez ledict R. P. Sirmond,
si tant est qu'il vous fasse voir les originaulx et les aultrcs qu'on Iuy a
promis afin que vous en puissiez recouvrer des empreintes de souffre en
la manière que vous avez pratiquée autresfois. Le despari de M' de Léon
Bibliotlièque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 0171, fol. Û87.
[1632] À D. GUILLEMIN. 85
m'a aujourd'huy faict perdre toute la matinée et à peyne ay-jc peu à
ce soir trouver du temps pour escripre assez à la haste à Mess" de
Royssy et de Mesmes ausquelz vous rendrez mes lettres aprez les avoir
cachettées. Je moyenneray que M'' de Royssy aye des orengers de la Chine
et des lauriers cerisiers puisque c'est de son goust. Sitost que M' d'Avaulx
son second filz sera de retour d'Italie >, ne manquez pas de le salluer
de ma part et de luy dire que vous avez charge de m'advertir de sa
venue afin que je m'en puisse conjouïr avec luy. M'' de Rossy de Lyon
m'a donné advis de la réception de la cassette que vous luy avez
addressée, laquelle il veult apporter luy mesmes. Mon frère vous re-
mercie de sa calotte comme je faiclz des mitaines, chaussons et des
rabbatz, mais je n'ay encore peu rien essayer de tout cela. Il les faudra
remettre à la prochaine despesche Dieu aydant. Cependant je vous recom-
mande les lancettes que me demande nostre chirurgien de Boysgeiicy;
je tascheray de faire envoyer un peu d'argent pour subvenir à tant de
faux fraiz dont nous vous avons surchargé mon frère et moy, sur quoy
je finis, demeurant,
Monsieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur auiy,
DE Peiresc.
A Aix, ce S17 dec[embre] i639.
H me fault par force remettre la partie au prochain ordinaire pour
respondre à M' d'Aubery. Ne me mettez poinct d'aullre qualité d'office
que de conseiller au parlement.
Monsieur le Prieur-, quand vous feriez voir à M' de Roissy la lettre
que je vous escriptz il n'y auroit point grand danger, pourveu que vous
le fassiez comme à la desrobée et avec protestation et prière de ne pas
faire paroistre qu'il l'aye veue, afin qu'il puisse recognoistre que ce
n'est pas sans subject que l'on luy a faict tant d'instance de ma part,
' Sur Claude de Mesmes , comte d'Avaux , . ' Ce post-scriptvm ainsi que ceux qui
ambassadeur de la cour de France à Ve- suivent se trouvent sur des bandes de
nise, voirie rocueil Peiresc-Dupuy, /)a«s!'»j. papier isolées.
86 LETTRES DE PEIRESC [1632J
sur les empreintes de cez vases, dont j'ay peur enfin de vous trop
rompre la teste à vous mesmes aussy bien qu'à luy, vous remédiant
bien affectueusement des complinienz que vous me faictes sur ce subject ,
ouUre la continuation de tant d'effeclz de vostre bonne volonté.
J'oubliois de vous dire que vostre pacquet du a 4' m'a esté envoyé de
Lyon soubz une enveloppe de M' de Rossy dont je n'ay pas esté marry
pour ceste fois là, mais il ne seroit pas raisonnable de continuer de
leur adresser voz lettres pour moy pour ce que cela leur causeroit de
la despence dont j aurois peine de leur faire accepter le rembource-
nient et cez niaistres des postes ne laissent pas do me rançonner icy
pour les portz de Lyon quasi aussy chèrement que pour ceux de Paris.
Des vases du a' Gault celluy qui n'avoit point de vernis et dont le
melail semble tout descouverl, mais qui est le plus entier et le plus
façonné ou le plus enricby d'ouvrage, m'a donné de l'entretien beau-
coup plus agréable que tout le reste, et m'a faict descouvrir de trez
beaux secretz de l'architecture, et de la manière que les anciens y ob-
servoient pour affecter que tous leurs enrichissementz eussent (juelque
notable mystère; j'y ay mesme descouvert les marques de sa juste
mesure en lieu oh je ne les eusse pas cherchées, si je ne les eusse ren-
contrées par hazard, mais il ne s'en fault pas venter, de peur d'enchérir
la marchandise à contre temps et auparavant que nous en ajons acquis
la pleine disposition. Geste pièce m'a fourny encores de trez belles
lumières pour mieux recognoistre et deschiffrer les ornements et enri-
chissementz de mon grand lectisternium de marbre' lequel réciproque-
ment m'en a aussy fourny pour mieux recongnoislre et deschiffrer
ceux de ce vase.
J'ai enfin esprouvé les rabatz que vous avez pris la peine de me
faire faire, qui vont beaucoup mieux que les vieux, mais ilz sont en-
cores un peu trop justes du tour de col ou un peu trop cours de sorte
qu'il les fauldroit vuider un peu davantage par derrière pour les faire
plus advancer sur le devant.
Représenlalion d'uu repas offert aux dieux et où leurs images étaient plac^ sur des
coussins {lecti) disposés autoui- d'une taWe cliargée de mets.
[1633] A D. GUILLEMIN. 87
Envoyez raoy les qualitez de M' Gaiilt pour sçavoir comme je luy
dois escripre; car il avoit ce me semble quelque office chez le loy.
A vous seul.
XLVII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay esté fort ayse d'apprendre par vostre despesche du a/i" que
vous eussiez eu permission de faire tirer des empreintes du grand Silène
en chrystal et de llcare de bronze de M'' de Roissy, mais je ne sçay si
le s"' Sergent^ se pourra assez bien acquitter et de l'un et de l'aultre,
car pour le crystal j'estime qu'il faudroit le faire en souiïre et pour
l'Icare je ne pense .pas qu'il soit de despouille avec ses aisles postices,
toutesfois tousjours vaudi'a il mieux de l'avoir ainsy que le pourra faire
ledict Sergent que de n'avoir qu'un simple dessein. Je m'estonne bien
que vous n'ayez peu trouver ce fragment de lamperon qui cstoit, ce
me semble, aux estages plus liaultes dans le cabinet de M'' de Roissy.
Ce n'estoit que de terre cuitte et de la longueur quasi aultant que la
main. 11 sembloit un morceau de cez gasteaux que nous appelions en
ce pais cy, des torques. Il fauldra prendre patience s'il ne se peut
trouver. Je ne faudray point de remercier M"" de Roissy par le procJiain
ordinaire Dieu aydant de ceste nouvelle faveur. Et par mesme moyen
tascheray de m'expliquer mieux que je n'avois possible faict par ma
dernière despesche sur le subject pour lequel j'avois désiré sçavoir de
quel lieu pouvoient estre sortiz cez vases d'argent antiques, non que
j'eusse aulcune pensée de rien diminuer de la gloire qui en est dcube
au nom de Mesmes que je tascheray de magnifier en toutes les meil-
leures façons qu'il me sera possible piustost que de rien faire ou re-
chercher qui y peusse desroger tant soit peu, mais le fruict que j'en
' Mouleur nienlionnt' djms \e recueil Peiresc-Dupuy (t. I, p. i5o).
88 LETTRES DE PEIRESC [1633]
pensois tirer n'est point à négliger, principalement s'ilz ont esté des-
terrez en France, oii ilz pourroient avoir esté apportez en ce cas des
desponiiles que les Gaullois avoient assez souvent emportées de la Grèce
connue la manière de l'ouvrage semble plutost grecque «jue latine. Que
si d adventure cela a esté apporté d'Italie il y faudra clierclier d'aultres
conjectures. Et pour cet effect il fault que vous taschiez d'apprendre de
M"^ de Roissy quelque chose de la vie de feu M' de Roissy, son père.
Et particulièrement s'il n'avoit point faict de voyage en Italie, et s'il
en avoit remporté à force choses antiques ou non, ou bien s'il ne les
auroit point acquises à Paris des desbris de cez vieux cabinetz tant de
la Reyne mère Catherine de Medicis et du duc d Trbin, son père, qui
avoit eu des plus belles pièces du cabinet du Pape Léon X% que du
Roy François premier, car le tout aprez leur decedz avoit esté la plus
part distribué entre les princes et domestiques et vendu à la requestc
des créanciers, tant de la Reyne mère que des princes ou auitres qui
en avoient partagé la succession, parmy quoy il y avoit eu de trez
beaux livres Mss. qui avoient esté tirez de la Bibliothèque Roialle de
ceste princesse ' et de celle du cardinal Ridolfi son oncle qui avoit esté
des plus curieux de son siècle et qui avoit tiré de trez belles despouilles
de la Grèce et de toute l'Italie^. Je suis bien ayse que vous avez peu
trouver le moyen de présenter à \P de Roissy de cez prunes de Bri-
gnoHe. A quoy il faudra voir de joindre quelque chose de plus digne
de luy s'il plaist à Dieu. J'attendz des raisins de Damas de ceux que
l'on y reserve pour la Sultane qui luy seront à mon advis bien agreabl«?s.
' Voir Notice sur la bibliothèque de Cathe-
rine de Médiciis , par Lo l5oux de F^incy, dans
le Bulletin du bibliophile , \i\\' «iniiôe, p. g-iG-
94 1 . Conférez L. Delisle , Le Cabinet des ma-
nuscrits, l. 1, p. 907-^19 (Manuseril* de
Catherine de Médicis).
Sur les colleclious du cardinal Micolas
Ridolfi voir Le Cabinet des manmcrils ,
p. 2 1 o , où l'auteur cile le Mémoire hislonque
sur la bibliothèque du roi, par Boivin, el la
Bibliotheca bibliolhecarum de Doni Bernard
de Monlfaucon. Ajoutons que M. Delisle, qui
n'oublie jamais rien, cite (ibid.) un liider
librorum [768 volumes] hibliothecœ reginte
miitris Catharinœ de Medicis, grœeo, latino
et italico idiomate conservé dans un des i-e-
cueils de Peiresc, à ringuiuibertine, et men-
tionné par Lambert [Catalogue dei manu-
scrits de la bibliothèque de Carpentrat, t. Il,
p. 8).
[1633] A D. GUILLEMIN. 89
Je suis bien ayse que vous n'ayez pas faict davantage d'instance pour
un aultre modèle de son vase en souffre, de crainte de ne luy estre trop
à charge, car ce que vous m'avez envoyé en dernier lieu tant en souffre
qu'en plomb me doibt suffire pour les inscriptions du foudz, qui ont
mis des barrières à ma pauvre curiosité, et l'ont empeschée de pouvoir
passer par dessus et d'en franchir et esclaircir les difficultez comme
elle avoit accoustumé de faire cy devant, car pour le reste du vase et
des façons ou enrichissementz qui y sont par le dehors, je me suis
bien apperceu dans ce dernier fragment d'emprainle de plomb qu'il
y a certaines petites façons tant de petitz herbages que de profiles ou
membrures d'animaux et de branches d'arbres qui ne sont marquez
qu'avec des petitz pointz, sur quoy il n'y a pas moins à discourir qu'au
reste, ce qui ne se peut pas discerner sur vostre empreinte de bronze,
et ce que j'y trouve de plus notable pour ce regard, est de certains
festons ou couronnement des autelz qui se voyent dans ce fragment
d'empreinte fort distinctement marquez avec des pointz qui sont neant-
moins invisibles en tous vos modèles de bronze, et je n'ay rien trouvé
de semblable sur l'original de l'autre pièce que j'ay. C'est pourquoy si
M"" Engobcrt revient à Paris comme on le vous a faict espérer, il faudra
bien voir de faire un autre effort, avec toutes les precaultions d'excuses
neantmoins que faire ce pourra, pour faire trouver bon que ce vase
soit desseigné et mezuré sur le papier de sa main, à toutes les diverses
veiies que faire ce pourra et sans rien obmettre de tous cez petitz or-
nementz et pontilleures, principalement de ce qui en paroistra à l'en-
tour des autelz oii il y peut avoir plus de mystère, car j'estime que ce
pouvoient estre des carcans ou couronnes de pierreries aussy bien que
des festons de fruictz, fleurs et feuillages. Ayant receu de Rome un
vase d'Aibastre anti([ue des plus gentilz qui me soient tombez en mains,
qui est couronné ou enrichy d'un double carcan de marguerites ou
perles rondes et d'Elenques rondz par le hault et pointuz par le bas
qui estoit une autre espèce de perles en forme de rayons ou de boutons
de rose, qui ont quelque rapport de leur figure à l'etymologie du nom
dont la remarque ne sera pas inutile à l'esclaircissement du reste.
90 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Je n'ay pas receu encores les vases de M' Gault, mais j'ay ad vis que
vostre cassette fut consignée par M' de Rossy de Lyon à un mulletier
de ceste ville de noz bons voysins par qui je luy avois envoyé quelque
temps y a le myrllie double, de sorte que je pense la recevoir entre cy
et le prochain ordinaire. Cependant je suis bien ayse que M' Gault
aye receu ma lettre en si bonne part comme vous me mandez, espérant
que je luy feray passer l'envie des plantes qu'il désire de cez quartiei-s
de deçà et de quelque chose de plus digne si je puis que tout ce dont
il s'estoit advisé. J'ay veu la petite enlumineure de la Cène de nostre
Seigneur Jésus Christ in slibadio qui est la inesme dont M' d'Aubery
m'avoit cy devant envoie une coppie accompagnée de plusieurs autres
tirées d'un nouveau Testament en grec de la Bibliothèque du Roy,
dont je luy avois donné les addresses, et pensois y trouver une om-
brelle ou daiz estendu sur la leste du Christ, selon que nie l'avoit
mandé M' Suarez* de Rome, de sorte que je pensois qu'il y eusse eu
de l'équivoque à le chercher dans un livre pour un autre, n'eusl esté la
lettre que j'ay receue du R. P. Sirmond sur ce subject par laquelle il
ne demeure pas d'accord qu'il aye aulcune ombrelle ou pavillon dans
ce vieux dessein de sorte qu'il faut que le peintre aye adjousié du sien
témérairement dans le dessein qui a esté envoyé à Rome au cardinal
Barberin, ou bien que le P. Sirmond aye faict luy mesme queUpie peu
d'équivoque en vous monstrant dans la Bibliothèque du Roy l'original
du dessein que vous avez faict coppier par vostre enlumineur sur ce
que dans le mesme livre je sçay bien que la Cène de la Pasque est re-
présentée en quatre divers endroictz, pour ce que les quatre Evange-
listes y sont escriptz l'un aprez l'autre. C'est pourquoy je vous prie
d'aller revoir le livre original et d'y observer si en quelqu'un des
quattre differendz fueilletz où ceste Cène a esté peinte, il n'y en au-
roit point quelqu'un où l'enlumineur eusse représenté quelque om-
brelle ou pavillon en forme de tente sur la teste du Christ, et en ce
cas que vous n'y trouviez rien, demandez à M"^ Rigault de ma part
Sur Josepli-Marie Suarès , ëvêque de Vaison , voir le recueil Peiresc-Dupuy et aussi
(un peu partout) not»e tome IV.
[1633] • À D. GUILLEMIN. 91
s'il n'y a point quelque autre vieux livre où ceste Cène soil repré-
sentée. Et si vous en rencontrez quelqu'un oià vous puissiez cognoistre
quelque forme d'ombrelle je seray bien ayse que vous me la fassiez
portraire de sa propre grandeur et le plus exactement que faire ce
pourra.
Cependant je ne laisray pas de faire responce au R. P. Sirmond par
le prochain ordinaire Dieuaydant, ayant esté trop pressé tous cez deux
jours icy pour les disputes publiques où il m'a fallu assister de néces-
sité, sur la vacance d'une Régence que nous sommes aprez de faire
conférer à M' Fabrot, lequel faict des merveilles ^ Le dict R. P. Sir-
mond m'escript que le s' Jacques de Bié^, en luy rapportant le dessein
de l'Empereur Charles le Gros, luy avoit advoué qu'il n'avoit esté faict
que de la main d'un apprenty. C'est pourquoy il n'y a pas lieu de s'y
fier beaucoup et si ce chanoine de Langre pouvoit faire revenir l'ori-
ginal à Paris une seconde fois, la chose en vaudroit bien la peine
affin qu'il ne soit pas dict qu'on aye mis en taille doulce un portraict
si mal pris.
J'attendray impatiemment l'issue de vostre voyage de S' Denys, qui
ne presse point tant neantmoins qu'il faille pour cela vous exposer à
la rigueur du temps et à Tincommodilé des pluyes tant qu'elles dure-
ront, vostre santé et voslre conservation m'estant plus chère au cen-
tuple que toute la satisfaction que je sçaurois espérer de ce costé là.
Bien est il véritable que je feray difficulté de prononcer mon advis sur
l'un et l'autre des vases de M"" de Roissy que je n'aye eu préalablement
l'esclaircissement que j'attendz par l'examen de la contenance et capa-
cité des principaulx vases de S' Denys, tant des deux de cristal que
des trois d'Agathe orientale, et surtout de celluy qui est faict en forme
de Cantharus de Bacchus, qui a le plus de rapport avec ceux de M"" de
Roissy, tant pour la contenance que pour le mystère des figures et
autres enrichissementz, sy je ne me trompe, ce qui me faict désirer
' Sur AnnihalFabrol, le célèbre juriscon- ' Le libraire Jacques de Rie ou de Bie
suite et professeur h l'Université d'Aix, voir est plusieurs fois nientionaé dans ie recueil
le recueil Peiresc-Dupuy (tomes I, II et III). Peiresc-Dupuy,
92 LETTRES DE PEIRESC [1633]
fort ardemment d'avoir un modèle de la concavité dudict vase, soit de
piastre ou d'autre matière, sur laquelle je puisse moy mesnie faire
l'examen de par deçà, et si par hazard il y avoit moyen de prendre
encore un modèle du creux ou de la contenance du pied ou soubz-
bassement dudict vase en le renversant san dessus dessoubz, je ne pense
pas qu'il fusse inutile, mais je n'entends parler en ce faisant que du
pied qui est d'Agathe tout d'une pièce avec le reste du vase comme
je crois, car il y a un autre pied d'or ou d'argent doré plus allongé
duquel il ne se fault poinct mettre en peine.
Mons'' Le Grand, recepveur des deniers du Roy à Paris, qui se tient
en la riie S' Anthoine, a un filz religieux à S' Denis, dont le crédit ne
vous manquera pas, je m'asseure, si besoing est, si celluy de M'Colle-
tet vous manquoit ' ; vous luy pourriez en ce cas monstrer ce que je vous
en escripls et à mon petit nepveu de Bouc* qui l'a norry chez luy, et
qui l'a xîhery si tendrement. J'avois envoie dez hier h mon frère à Rians
la lettre de M' Robin " et la vostre concernant nostre jardinier et suis
bien marry de n'en avoir eu la responce à ce soir à temps cl qu'il faille
perdre la commodité de cet oi^dinaire, mais il n'y aura qu'une sepmaine
de perdue. Cependant je ne puis que grandement louer et remercier
en cela tous les bons offices de M' Robin et le» vostres. Sur quoy il est
temps que je finisse, demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peibesc.
A Aix, ce 3 janvier i63.3 *.
' Dom Colletet , nomme dans tme lettre ' Le botaniste lionl il a été queslion
précédente. dans le recueil Peiresc-Dupuy.
Le fils du président de la Cour des ' Bibliothèque nationale, fonds français,
comptes de Provence, Henri de Seguiran, nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. /199. Ori-
beau-frère de Peiresc. ginal.
[1633] \ D. GUILLEMIN. 93
XLVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Je receuz sabmedy par l'ordinaire vostre despesche du 3i*du passé,
el le mesme jour, la cassette de M"' de Rossy fort bien conditionnée
avec les livres que vous y aviez joinctz et d'autres que le dict s'' de Rossy
avoil receuz de la part de M'" Lliuillier, à qui je pensois esciipre par
cet ordinaire pour l'en remercier, mais il est desja bien tard à mon
grand regret (mes gentz n'ayantz peu tenir pied autour de moy de
tout le jour d'hier) et tout ce peu que j'en ay peu desrober aujourd'huy
du pallais s'estant consumé aux deux lettres que j'ay escriptes, tant à
M"" du Puy qu'à M"" Gaidt, vous addressant celle cy toute ouverte pour
vous servir d'instruction de ce que je luy escriptz, tant pour raison de
ses vases, que pour les autres qui peuvent estre passez par ses mains,
dont je serois bien ayse d'avoir quelques mémoires, si vous en pou-
vez apprendre quelque chose de luy qui vaille la peine de l'escripre.
Lorsqu'on vendoit le cabinet et les meubles de feu Madame de Riche-
lieu qui fust tqst aprez la mort de son mary, frère aisné de Mons'' le
Cardinal ^ environ l'an 619 [sic) ou 20, on me porta dans ma chambre
à Paris un plat de couleur d'Amethiste plus large qu'une grande
assiette que j'eusse peu avoir pour soixante ou quatre vingtz escus,
mais je negligeay d'y surdire à faulte qu'il n'y avoit point d'escripture.
Quelque bon procureur du Chastellet Irouveroit peut estre bien au
greffe le procès verbal de l'inventaire, où c'est qu'où aura faict article
sans double de ce vase. Et peut estre du nom de celluy à qui il fut dé-
livré comme dernier enchérisseur. Si vous le pouviez suyvre à la pisie,
' Henry du Plessis fut tuë en duel , à La femme du frère aîné des deux cardinaux
Angoulôme, en avril 1G19, par le fds du s'appelait Marguerite Guyot des Charmeaux.'
maréchal de Thémines, Charles, seigneur Sur la femme et sur le mari voir Tallenianl
de Lauzières, puis mar([uis de Thémines. desRt'aux, Historiettes, t. II, ]>. 1-2.
94 LETTRES DE PEIRESC [1633]
je voudrois bien que vous en eussiez faict le mczurage, vous asseurant
que j'ay pris grand plaisir à la veiie et examen de toutes les pièces que
vous m'avez envoyées de la part de M' Gault, qui me fournirent hier
de l'exercice bien agréable avec l'ayde de M' Suchet (de qui je vous
reconnnande le frère si vous le pouvez trouver en ce païs la), comme
vous pourrez faire, je m'asseure, si vous vous en enquerez de cez
maistres sculpteurs, et il seroit je m'asseure bien ayse d'estre employé
pour moy à quelque moulleure, s'il s'en présente d'occasion, le tenant
assez capable pour s'en dignement acquitter. Nous attendrons en bonne
dévotion la venue de M' le Sacristain de Valbelie, pour voir l'empreinte
de l'Icare de M' de Roissy et le vase de M' Vivot que vous dictes estre
en forme de bœuf marin pour voir si ceux qui l'ont jugé moderne
avoient tort ou raison. Nous attendrons aussy la responce de M' des
Nœudz et celle du père de l'honmie de M' d'Aubery. L'empreinte du
Silène de M' de Roissy est assez bien faicte pour s'en contenter. Mais
pour la voir en perfection il eust fîdlu le faire jelter en soufîre à vostre
mode, mais si vous en avez rendu l'original avant qu'en avoir eu mon
advis je n'estime pas qu'il soit à propos d'en importuner davantage
M"^ de Rossy et vaudra mieux nous contenter de ce que nous en avons.
Quant au s' Engobert, il faudra accepter le dessein qu'il vous faict
espérer tel que vous le pourrez avoir, ne vous pouvant exprimer com-
bien j'ay esté fasché d'apprendre le decedz de son frère. Je dissimuleray
volontiers puisque cez Messieurs le désirent jusques à ce que j'aye veu
leur essay, et diflfereray de respondre à M' Le Jeune pour luy envoyer
le certifiicat qu'il me demande. Pour S' Denys si le moyne Colletet ne
vous sert de bons estœufs. M"" Le Grand, recepveur, qui se tient à la riie
S' Anthoine, vous y fournira tout le crédit que vous désirerez, mais
surtout ne vous incommodez, je vous supplie, et attendez la saison la
plus propice que vous pourrez juger pour vostre santé, louant fort bien
le dessein que vous avez pour M' le marquis de Sourdis, m'estonnant
que M' d'Admirat tarde tant d'arriver de par delà.
11 me reste à vous dire que j'ay rendu tant à mon nepveu de Rians
qu'à Monsieur Lombar ce que vous leur adressiez et leur ay faict voz
[1033] À D. GUILLEMIN. 95
excuses. Hz m'ont chargé de vous faire les leurs, avec leurs remercie-
mentz trez [«imbles de cez petites gentilesses que vous leur avez voulu
envoier, à quoy il fault que je joigne les miens, avec mes excuses de
tant d'embaras dont je vous surcharge desja meshuy au delà des termes
de la discrétion, mais quelque jour Dieu aydant viendra l'heure de nous
en revancher à souhaicl, laquelle attendant je finiray en rafTraischis-
sant les asseurances que je vous ay données d'estre à jamais,
Monsieur le Prieur,
voslre trez affectionné serviteur et meilleur aray,
DE Peiresc.
A Aix, C3 10 janvier i633.
Sachez soubz main, je vous prie, si M' Gault n'a poinct de plante du
laurier des Indes qui faict la feuille quasi aussy longue que la main et
l'escorce des branches rouges, c'est une espèce de cannelle, car j'ay
moyen de luy en envoyer une petite plante, mais sçachez si d'autres
que luy n'en ont poinct à Paris, dont M"^ Robin vous pourra donner plus
de nouvelles que tous autres, remettant à mon frère de vous respondre
pour la veniie du jardinier que nous attendrons en bonne dévotion'.
XLIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay esté bien fasché d'apprendre par vostre despesche du 6" de ce
mois la glissade qui vous avoit incommodé en la main droitte ^ et que
' Bibliothèque nnlionalc , fonds français , en revenant de clitîs M' tle Thon avec M' le
nouvelles acquisitions, 5171, fol. ^89. secrétaire de Vaubelle par le moyen d'une
' Le prieur raconte ainsi l'aventure (lettre glissade qpe je fis sur les degrés du Pont
à Peiresc, du 6 janvier iG33) : r;Je me Neuf visa vis le cheval de bronze qu'à peine
trouve si incounnodé de la main droite par ay-je pu vous achever mes memoyres de
un accident qui m'arriva hier après disner Saint-Denys. >>
96 LETTRES DE PEIRESC [1633]
nonobstant ceste incommodité, vous vous soyez donné la pcyne de
in'escripre de vostre main trois ou quatre grandes feuilles de papier,
en f|uoy soubz correction vous avez grand tort, car vostre santé et
commodité me sont beaucoup plus chères que toutes cez petites curio-
sitez, dont je vous demeure pourtant beaucoup plus redevable et vous
en remercie de tout mon cœur, comme aussy du pénible voyage et tra-
vail tant d'esprit que de corps que vous avez faict à S' Denis, où je ne
trouvfr pas estrange que vous ayez rencontré de la didiculté pariny
cez moynes, qui ne seroient pas si scrupuleux s'ilz estoienl un peu
moins ignorantz, et s'ilz avoient un peu plus de cognoissance bien cer-
taine des termes jusques ausquelz les choses peuvent estre loisibles ou
illicites. Car bien que les corporaux soient faictz pour y reposer le
S' Sacrement, cela n'empesche pas qu'il n'y aye moyen de les faire blan-
chir quand besoin est soubz les precaultions accoustumées, et mesmes
les calices ordinaires ont besoing souvent d'estre mondiUiez ' ou escu-
rez - plus exactement que par une simple ablution, aultrement il s'y
amoncelleroil trop de crasse, de rouille et d'ordure. Or la moulcure
que je désire prendre de ce grand vase d'Agathe doibt passer pour une
espèce de mondificalion, desrouillement ou descrassemcnl faicte avec
du piastre au lieu de sable et du linge ', sauf d'y faire pluslost pro-
cedder par aprez par une nouvelle bénédiction si elle y peut escheoir,
de quoy je doubte grandement, aussy bien que de lemploy au sacre
des Roynes, pour y mettre du vin consacré, car c'est chose bien indu-
bitable que toutes les figures et autres ornemenlz gravez sur ledict
' Nettoyés, du latin mundificai-e , puri-
lier.
' Nous avons dans la langue gasconne le
mol escitra, faire briller, l'ort employé par
les ménagères qui sont si jalouses de l'éclat
du cuivre de leurs ustensiles de cuisine.
' Le prieur disait (lettre déjà citée) :
tr Mais en ce qui est de faire mouler le creux
du grand vase d'Agathe , c'est à quoy il y
a bien de la répugnance du costé dudit
s' Colleté! , qui allègue |>our ses raisons que
ce vase luy est en si forte considération en
ce qu'il le tient comme consacré, veu qu'on
y fait communier dedans sous les es[>eces
du vin les Reines le jour de leur sacre, el
de plus il craint que le piastre dont on se
veut servir pour mouler le ci-eux de ce ca-
lice ne fasse quelque effort en se desséchant
qui apportast de l'inconunodité a cesie
Agathe. ..»
[1633] X D. GUILLEMIN. 97
vase apj)artien en t aux mystères des Bachanaiïes qui sont bien mal
compatibles à ceux du Christianisme. Que s'il n'y avoit que la crainte
de la force du piastre, ii est fort ays6 d'y remédier en employant du
piastre un peu plus vieil que l'ordinaire et y versant un peu plus d'eau
que la proportion commune, dont on peut faire l'espreuve dans un
verre pour voir s'il sera capable de le casser. Si vous y employez M"" Le
Grand', il surmontera facilement toutes cez difïicultez, je m'asseure,
par les amis et habitudes qu'il y a. M' Thibault, Advocat au Conseil,
de nos anciens et intimes amis^, y avoit un frère moyne bien puissant
aullresiois, lequel il feroit agir pour l'amour de nous si vous l'en re-
quérez. Il se tenoit en la rue Bertin Poirée chez M"' Du Puy prez le
Four l'Evesque. Possible que M' L'Huillier y aura encore des amis qu'il
n'espargnera pas, s'il en falloit délibérer en plein chapitre. Auquel cas
il faudroit avoir consulté quelque bon docteur de Sorbonne, pour
guérir tous leurs scrupules sur toutes les sortes de mondillications
loysibles des vases sacrez et sur l'utilité qui se retirera de l'examen de
ceste empreinte, pour en déterminer bien au vray le rapport des aii-
cieimes mesures, dont est faicte mention en la Saincte Escripture,
avec celles des Grecs et des Romains, d'oiî il se peut tirer d'excellentes
conséquences, car de s'amuser à y employer des peintres pour en
tirer ce que vous appeliez improprement des empreintes qui ne sont
que simples desseins ou portraictz il n'est point de besoing de vous en
mettre en peyne, car j'en ay de fort bien faiclz de la main de M' Rabel ^
et d'autres, mais il ne s'y peut asseoir aulcune sorte d'asseurance pour
les mezures. Et si vous obtenez la permission d'y faire travailler il
taudra bien prendre garde que l'empreinte puisse représenter tout le
creux de la contenance intérieure du vase, jusques au plus hault de
son bord, et mesmes faire prendre tout ce qui se pourra prendre de
l'espoisseur du bord ou du corps du vase qui sera en despouille, afin
' Sur le maître des requêtes f^ Grand à M. Tibault, du ao février i63o (re-
voir le recueil Peiresc-Dupuy. gistre VI, fol. 109).
' On ne trouve dans les registres de nii- ' Sur le peintre et graveur Jean Rabel ,
nutes de l'Inguiinbertine qu'une seule lettre voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. Il, p. 33^.
T. )3
iitrnn(t:itiB ^Arto^ALK.
98 LETTRES DE PEIRESC ^033]
que je sois bien asseuré de la plus Irlande haulteur de la mezure du
vase quand j'en feray l'examen et le calcul nécessaire qui fera possible
parler un jour de ce vase en meilleurs et plus honorables termes que
l'on n'eusse peu faire sans cela. 11 fauldra que j'en escripve à cez Mes-
sieurs pour faciliter la guerison de tous cez scrupules surabondantz.
J'ay pris plaisir de voir l'empreinte que vous m'avez envoyée de ce
j>etit chiffre que vous avez pris en cire d'Espagne et si vous y retournez
je seray bien ayse que vous en preniez cinq ou six empreintes en cire
d'Espagne, tant d'un costé que d'autre, a6n que je sois plus asseuré
de sa vraye forme.
Quant au moulage que j'avois demandé de l'extérieur du vase, c'est
à quoy cez Messieurs debvroient faire moins de difficulté, si vous trou-
viez un ouvrier capable de le faire, parce qu'il n'y a non plus de danger
que de tremper le vase dans l'eau toute pure, attendu que la colle s'en
retire aussy molle et tremblante comme de la gelée de piedz de mou-
ton, et que pour nettoyer le vase il ne fault que le tremper dans l'eau
tiède et le frotter avec une petite brosse, car au lieu que cela le puisse
salir ou charger de crasse, au contraire cela est capable de le mon-
diffier grandement, puisque vous avez moyen de séparer le pied d'or
qui ne tient qu'à des agraffes qui se peuvent remettre et ribler aussy
aysement comme on les dezassemble; que si vous prenez le creux de
piastre du vase principal, il ne faudra pas négliger aussy de prendre
à part celluy du pied renversé dont vous avez oublié de me marquer
s'il y reste aulcunes marques recognoissables qu'il ne fusse faict que
pour prendre assiette sur une table ou bien s'il pouvoit avoir servy
à son tour, pour contenir quelque portion de liqueur en renversant le
vase sens dessus dessoubz, ce qui se recognoistra par lespesseur du
bord, s'il est propre à appliquer à la bouche ou non. Et tousjours
quand on feroit tant de dilhcullé de laisser mousler le reste pourroil
on bien se dispenser de laisser mousler cet endroict là, pour me laisser
mieux recognoistre toute la forme et tous les usages de ce vase, du-
quel je veux faire Dieu aydant un traiclé ex professo, qui fera possible
parler du trésor de S' Denys en autres termes que l'on ne souloit faire
[1633] À D. GUILLEMIN. 99
et qui pourra rendre tous cez beaux vases précieux utiles au public et
propres à d'autres usaiges dont on ne s'estoit point encore advisé de
nostre temps (sans rien desroger à la sainte application qui s'en estoit
taicte depuis le christianisme, et depuis qu'ilz sont dans le trésor
S' Denis) , car l'examen que j'en faictz faire n'est point pour les profaner,
ains à trez bonnes et trez innocentes fins. Et pour les faire valloir beau-
coup plus qu'ilz n'avoient vallu jusques à ceste heure, comme j'ay faict
du Camayeul de la S"= Chapelle, qui est maintenant si célèbre par
toute la chreslienté, et qui ne passoit que pour un esmail du triomphe
de Joseph lorsque j'en fis la première descouverte '. C'est pourquoy
cez Messieurs auroient grand tort si par leurs difficultez surabondantes
et un peu plus scrupuleuses qu'il ne seroit requis et nécessaire, ilz
m'empeschoient de pouvoir déterminer ce que je ne sçaurois demonstrer
bien afhrmatifvement et avec la certitude nécessaire, sans avoir les em-
preintes que je demande de la concavité ou capacité de cez vases. Et
pour celluy qui est à godrons, puisque vous dictes que son bord ou
cercle d'argent postice est si mal attaché et si aysé à dezassembler, il
fauit que j'aye l'obligation toute entière à cez Mess" et qu'ilz aggreent
que vous y meniez un orphevre qui puisse proprement dezassemblei-
ce bord ou cercle d'argent postice pour vous donner moyen de prendre
plus commodément l'empreinte du creux ou concavité de ce vase, qui
par vostre rapport se trouve de la mezure de celluy de M'" de Roissy
' Peiresc entretint de sa découverte plu-
sieurs de ses confrères en arche'olog'ie , no-
tamment ses correspondants Aleandro , Lo-
renzo Pignoria, Rubcns. Voir diverees lettres
au premier de ces érudits, du a 3 septembre,
du i8 novembre et du i6 décembre i6qo,
dans la Correspondance inédite avec Jérôme
Aléandre, publiée par Fauris de Saint-Vin-
cens (Paris, 1819, p. 72 , 98). Voir, à la
lin du volmne (p. 99, 116), des Additions
relatives à l'agate de la S"-Chapclle pai- l'édi-
teur des Annales encyclopédiques (Millin).
On trouve là les diverses explications don-
nées, au sujet du camée, par Tristan de
Saint-Amant, par Albert Rubens, par le ba-
ron Jacques Le Roy, par Dom B. de Mont-
faucon (on sait que l'auteur de l'Antiquité
expliquée s'est plu à mentionner dans cet
ouvrage les recherches de Peiresc siu- di-
vers points d'archéologie). Milhn joint h cet
exposé des opinions des autres , ses propres
observations sur le camée qu'il appelle (fie
monument incontestablement le plus beau
et le plus précieux de ce genre qui existe
au monde 1.
j3.
100 LKTTRES DE PEfRESC [1633]
dont j'ay esté fort ayse comme de chose qui ne sera pas inutile tant
pour l'un que pour l'autre si je puis avoir le moyen de la Lien verirtier
par les empreintes de ce vase là, aussy bien que par celles de ceux de
M' de Roissy. Et tousjours de celluy la puisqu'il n'est point en usage
aux sacres comme le grand, cez Mess" ne debvroient pas faire difïiculté
de vous laisser prendre l'empreinte, en attendant qu'ilz se soient ré-
solu? sur ce qui peut regarder le plus grand, s'ilz y veullent procedder
avec plus de soleimité. Quant à celluy de cristal, je desirerois beau-
coup plus d'apprendre la contenance du cristal tout nud, (|ue celle
de la fourrure d'argent qui y a esté adjoustée postérieurement, et s'il
y avoit moyen qu'un orplievre la peusse desemboitter proprement,
comme j'estime qu'il leur doibve estre fort facile, cez Mess" m'oblige-
roient grandement de le permettre, afin que vous peussiez prendre
bien au juste la mezure de la contenance du crystal', et que le dedans
ne se pouvant nioaller, vous ayez pour le moins appresté un petit vase
ou boitte de fer blanc qui ne tienne ne plus ne moins que la liqueur
capable de remplir ce vase et tousjours en faudra il faire atiltant des
autres, quand bien vous aurez faict mouller leur creux en piastre, pour
me fournir plus d'asseurance de la verilllcation de leur cappacité par
differentz moyens, et en faudra faire aultant pour avoir un modèle de
fer blanc de la juste contenance du petit larmoir d'Agathe que vous ap-
pelez d'Onyce, qui n'est qu'une Agathe un peu plus fine que le com-
mun. Il fauldra faire un pareil modèle pour la contenance du vase de
porphyre que j'avois oublié de mettre dans voz mémoires, mais avant
que de l'adjuster, il faudra bien vous asseurer qu'il n'y aye dans le
fondz aulcune crasse ou aultre matière capable de vous avoir rien
desrobé de sa juste contenance. Car les dix-neuf mezures que vous me
marquez ne s'accordent pas bien aux proportions qu'il nous y fau-
droit trouver. Et faudroit qu'il y en entrasl encores une pour faire la
vingtiesme, ou bien qu'il y en eusse une de moins que vous ne dictes
pour n'en contenir que 18. Et pour cet effect il fault bien regarder
Plus haut Peiresc avait écrit deux foi» de suite cristal sans y. Même observation peut
être faite pour le mot mesure écrit tantôt avec s, tantôt avec *.
[1633] À D. GUILLEMIN. 101
par dedans avec une bougie s'il y paroistroil aulcune crasse au fondz,
ou bien si à l'cntour de son goulet intérieur il n'y paroistroit point de
raye qui peusse régler la mesure de sa vraye contenance un peu plus
basse et au dessous de la lèvre plus haulte de son bord. Que s'il y
avoit un bord d'argent postice, il faudroit tascher de le faire oster,
quand vous adjusterez la mezure de vos modèles de fer blanc. Et par
ce que je n'ay point réservé de dessein ou de portraict de ce vase, je
vous prie de me le faire desseigner par un peintre et le charger de se
bien assubjcttir aux mezures tant qu'il pourra, de tout ce qui pourra
paroistre du corps du vase de porpliyre, séparément et à part, de toutes
cez aisles, griffes et teste d'aigle que l'on y a voulu anter par aprez,
dont on pourra faire à part un petit griffonnement du tout assemblé,
sans s'assubjettir aux mesures pour ce regard, voire je serois bien ayse
que vous peussiez faire mousler l'embouscheure de ce vase de porphyre,
car je tiens qu'il y avoit anciennement un bouschon de la mesme pierre
ou d'autre matière taillée en forme d'une teste de saccre (qui est une
espèce d'aigle) qui pouvoit avoir donné subject à faire conformer tout
ce vase, en la représentation d'une aigle toute entière, de cette manière
que vous avez veuz divers bouschons antiques de vases en mon cabinet
tantosL en forme de cmge, tantost en forme de loup, tantost en forme
humaine et vous en avez mesme veu une aultre en forme de meufle
de lyon, dont le corps du vase n'estoit pas de figure guiere différente
de celle du corps de ce vase de porphyre dont est question, et si je
vois l'empreinte de l'embouscheure de ce vase de porphire, je pourray
beaucoup mieux juger si ma conjecture est recepvable ou non pour
le pais où la mesure de ce vase pouvoit estre en usage.
Quant à ce grand bassin que vous appeliez tasse de Salomon, j'es-
time que si vous le mesuriez avec du mil, il seroit meilleur qu'avec du
sable d'Estampe qui n'est pas coulant comme celluy de rivière et em-
brasse trop d'air. L'invention d'y appliquer comme vous dictes une
tourte d'argille par dessoubz n'est pas à rejetter non plus, et j'estime
qu'avec ceste precaultion vous pourriez bien y trouver le nombre com-
plet de Uo de voz mesures au lieu de 87. Si ce n'est qu'il doibve estre
102 LETTRES DE PEIRESC [1633]
reduict à 36 ou à 3o. Pour la patène vous avez oublié de me mar-
quer si sur la pierre mesme toute niie, il ne paroist point de petit
bord, qui ne soit point couvert de la garniture d'argent pour pouvoir
régler et arrester quelques sortes de mesures jusques à ce poinct là,
ainsv que l'on voit aux assiettes de nostre usage commun, lesquelles
ont un bord assez large estendu assez loing du cercle intei'ieur, qui
t'aict la principale contenance de l'assiette , ce qui se recongnoistra en
renversant la patène sans dessus dessoubz pour voir si la pierre va
plus avant et plus prez du bord par dessoubz que par dessus, car s'il
y avoit une marque ou raie sur la pierre à l'endroict jusques où va
toucher le bord d'argent et jusques où vous avez faict atteindre l'eau,
dont vous avez marqué la mesure, la proportion en seroit fort réglée
et fort bien sortable à une patène, plustost que toute autre sorte de
mezure ou de contenance, mais s'il n'y a rien qui la règle que le seul
bord d'argent qui a esté mis par dessus, cela ne suffiroit pas pour y
prendre aulcun fondement de mezure réglée en cest endroict là plustost
qu'en un autre endroict plus approché du bord.
J'oubliois de vous dire qu'il faudra bien prendre garde aussy que
dans le petit larmoir d'Onyce il n'y aye aulcune ordure capable de vous
avoir rien soustraict de sa juste mezure et que p'areillement les lèvres
d'argent qu'on y a mises sur son embouscbeure ne puissent rien avoir
adjousté à la juste contenance de la pierre précieuse de laquelle je
seray bien ayse que vous me fassiez faire un petit portraict de la juste
grandeur et mezure extérieure la plus exacte que le peintre la pourra
prendre avec son compas, voire s'il la pouvoit enluminer de couleurs
bien approchantes du naturel de la pierre avec les plus belles vaines
d'icelle tant d'un costé que d'autre il ne seroit pas inutile. Et quant
on pourroit uzer de la mesme diligence pour le dessein du second vase,
d'Agathe faict à goderons, despouillé de toutes les garnitures d'argent
tant du pied et des lèvres que des ances (desquelles garnitures je n'ay
point à faire comme du corps du vase), j'en serois encore bien ayse,
comme aussy pour le portraict de celluy de Porphyre dont la couleur
de la pierre seroit bonne à imiter, mais il fault bien marquer aussy la
[1633] À D. GUILLEMIN. 103
vraye forme des tenons percez faiclz pour le suspendre. Et encore plus
celle de son soubzbassement, en cas que y ayt quelque sorte de base
ou de cercle , ?t s'il v avoit du creux soubz la base il faudroit mezurer
ce creux à part, ce qui me faict ressouvenir qu'un dessein pareille-
ment faict du troisiesme vase ou calyce de cristal que vous appeliez de
S' Denis seroit encore bon à avoir de sa juste mezure avec les damas-
quineures qui y sont par dessus, ce me semble, lesquelles meriteroient
prou une empreinte par dehors, puisqu'il ne s'en peut pas faire par
dedans, s'il estoit loysible.
En somme voyla bien de la besongne importune, en laquelle je vous
plains bien fort, mais l'obligation aussy que je vous en auray en sera
tant plus grande. Et si vous trouviez un peintre bien exacte qui eust
le dessein du pinceau bien à commandement, tous cez vases ensemble
se pourroient peindre à huyle dans un petit tableau avec toutes leurs
vives couleurs à sçavoir les pierres despouillées de toute sorte de gar-
nitures et séparément les mesines pierres accompagnées de leurs enri-
chissementz d'or et d'argent, dont la veue ne seroit pas iayde, si on
les rangeoit avec quelque symétrie sur la représentation d'une table
comme les Flamandz font les tableaux de fruictz et de fleurs dans des
potz, estimant que ceux qui font les tableaux de fleurs et de fruictz
seroient plus propres à cet employ que ceux qui font les figures et les
grandz tableaux. Mais il fauldroit tasclier de les faire bien absujetlir
aux mezures et aux reigles de prospective s'il estoit possible, et de
mettie ordre qu'il n'en retinsse pas de coppie, et surtout qu'il ne peusse
pas se reserver l'original du tableau. En un besoing M"" Robin vous in- ■
diqueroit quelque peintre assez exacte pour cela.
,11 me souvient d'avoir veu en quelque Eglise de cez cartiers là, un
certain vase de crystal antique que je voudrois bien que vous eussiez
peu retrouver et mezurer. Quelqu'un de cez relligieux vous en pour-
roit possible donner quelques addresses, si vous ne le trouvez au trésor
de Nostre-Dame ou à celluy de S' Germain des Prez. Et si M"" Gault
vouloit il vous indiqueroit sans double beaucoup d'aultres vases de
pierres précieuses, qu'il peut avoir veuz eu divers lieux publiez ou par-
104 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ticuiiers qui ne meriteroient peut estre pas moins la jxjine d'en prendre
quelque relation. Tant est que j'ay tousjours pris grand plaisir de voir
celle de Saint Denys que vous m'avez envoyée en l'esRlt qu'elle esl,
dont je vous sçays trez bon gré, comme d'un plaisir fort sensible à ma
curiosité, dont je me revancheray asseurement avec l'ayde de Dieu,
quand j'en rencontreray les moyens, lesquelz attendant je demeureray.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amv,
DE Peiresc.
A Aix, ce 16' janvier i633.
Lorsque vous aurez faict despouiller le vase à goderons de ses lèvres
d'argent, je désire que vous le faciez remplir d'eau aultant de fois
comme il sera nécessaire pour en remplir le grand vase ou calyce
d'Agathe jusques à la raye qui est un peu au dessoubz de son bord, et
puis marquer à part ce qui entrera par dessus la dicte raye. Et si les-
dictes mesures ne s'y rencontrent bien justes tant à la raye qu'au bord
plus hault, il faudra faire le supplément avec voz petitz escuellons de
plomb. Vous pourrez pareillenienl faire le mesme mezurage avec le
calyce de cristal, si vous le pouvez faire despouiller de sa fourure
d'argent et si vous aviez le temps et commodité de faire la mesme
comparaison et mesuraige du vase de Porphyre il ne seroit pas inutile,
voire si M"' de Roissy vous vouloit represter son escuellon d'argent
pour le porter jusques là, je serois d'advis que vous feissiez le mesme
raesurage avec icelluy tant dans le vase de Porphyre que dans celluy
d'Agathe, dont il faudroit escripre soigneusement les relations et in-
structions '.
' Bibliothèque nationale, fonds français, indispensable, c'est sûrement en cette occa-
nouvelles acquisitions, 5171, fol. 496. Au- sien où Peiresc, comme il s'en accusait,
tographe. Je reproduis les notes abrévia- donna tant rde besogne importune» à son
tives mises par Guillemin comme autant de commissionnaire :
points de repère aux marges de cette lettre Réception de ma despesche du 6 janvier,
de si considérable étendue et si bien rem- M' Le Grand , M' Thibault pour employer
plie. Si jamais sommaire récapitulatif a été en l'affaii-e de S' Denys.
[1633]
A D. GUILLEMIN.
105
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay respondu à voz mémoires et rciations de S' Denys par une
lettre à part que vous pourriez en un besoing faire voir à cez Mess" les
Helligieux si le jugez à propos, pour leur faire voir avec plus de bonne
M' Lhuillier, poiir la mesmc affaire.
Conséquences à remarquer sur la diffc-
i-ance des anciennes mesures des Grecz et
des Romains.
Nota pour les desseins de la main de
M' Rabel.
Ce qu'il faut observer en la |)rise de l'ain-
preiute du grand vase d'Agathe de S' Denys.
Cinq ou six empreintes à tirer du chiffre
du grand vase d'Agathe avec cire d'Es-
pagne.
Pour le molage avec de la colle.
Kn prenant le creux de piastre du vase
principal il ne faut pas oublier de prendre
celuy du pied renversé.
Ce que j'ay oublie de marquer touchant
le pied du grand vase d'Agathe, à quoy il
faut prendre garde s'il est propre pour ap-
pliquer à la bouche ou seulement faict pour
prendre assiete sur une table.
Remarque pour le vase à godrons.
La contenance du vase à godrons sem-
blable à celle du vase de M' de Roissy.
Vase de cristal.
Mener un orpheuvre à S' Denys pour
y desemboitter le petit calyce de cristal.
Il faut faire une boitte de fer blanc poiu*
la contenance du vase de cristal.
Ce qu'il faut faire pour bien prendre au
juste la contenance de la mezure du vase de
cristal.
Une boitte de fer blanc de la juste con-
tenance de tous les vases grands et petitz ,
quoiqu'on aye des empreintes des creux.
Larmoir d'Agathe.
Vase de Porphyre.
Remarque sur les 1 9 mesures du vase de
Porphyre.
Faire dessiner le vase de Porphyre , sépa-
rément et à part de toutes ses ailes , griffes
et testes d'aigle , puis un petit griffonnement
du tout ensemble.
Remarque sur le grand bassin ou tasse
appelée de Salomon.
Tourte d'argille.
Ce que j'ay oublié touchant la patène,
h quoy il faut prendre garde.
Observations à faire sur la patène.
Larmoir d'Onyce.
Faire desseigner ie larmoir.
Faire desseigner le vase à godrons.
Observer qu'au dessein qu'on fera du
vase de Porphyre que la couleur y pa-
roisse.
Observer la vraye forme des tenons.
Prendre garde si h ces vases il y a un
soubzbassement.
Faire desseigner ie vase de cristal.
Comme il faudroit faire peindre ou des-
seigner tous ces vases dans un petit tableau
avec toutes leui-s vives couleurs.
Surtout il faut en ces desseins tascher d'y
li
tHPmVtKH RiTIOKALC.
106 LETTRES DE PEIRESC [1633J
foy les principaux motifz pour lesquelz je désire les empreintes dont
est question, mais en ce cas il faudra que vous rayez au préalable
certains niotz qui m'estoient eschaj)pez vers le comiffenceinent sui-
l'ignorance qui est la vraye mère de toutes cea diCTicullez surabon-
dantes que vous ont faict cez bons moynesV, ce que je laisse à vostre
bonne disposition. Je vous envoyé quelques lettres qui sont arrivées
à ce soir tout à temps pour aller par l'ordinaire. M"" de Tborenc^ qui
partit en poste jeudy porta quelques pacquetz addressez à M' du Piiv,
à qui j'envoyay 26 pistolles qui furent mises soubz vostre enveloppe
par ce que mon frère m'avoit dict qu'il vouloit vous addresser toute
sa despesche, mais depuis il changea d'advis pour n'avoir peu designer
vostre logis à M"" de Thorenc, faulte que vous ne nous en avez jamais
donné l'addresse. J'avois escript à M' de Thou sur le subject des cuil-
liers ou patènes d'argent d'Autun pour en avoir un peu de relation de
sa part, mais je croys qu'il n'a receu mes lettres que dans Paris. Il sera
bon que vous luy en disiez un mot pour le prier de n'en pas faire de
bruict qui puisse esventer la cliasse et nous en faire pei-drc la piste.
Sabmedy Benedetlo Gnieco de Narvy' près de Gènes nous vint voir
céans'' ayant laissé son compagnon Dominico Mayollo à Marseille pour
bien faire observer les mesures avec le
compas.
Faire recherche d'un vase de cristal dans
Paris, à quoy M' Gault peut servii' à S' Ger-
main des Prez ou à Nostre Dame.
Ce qu'il faut observer au mesurage du
vase à godrons avec celuy d'Agathe jusques
à sa raye et de là jusques à son bord.
Porter le vase de M' de Roissy à S' Denys
pour mesurer les autres vases du Tresoi'.
Le môme mémento est inscrit de in main
de Guillemin au dos de la lettre, à la suite
de celte indication : Aix, Monsieur de Pei-
resc, du 16 janvier i633, respondant à mu
despesche du 6 dudit mois.
' Le prieur de Roumoules, le 6 janvier
1 6.3.3, avait écrit ceci à Peiresc : A\ est
nialaysé qu'ayant a/Tairc à d«8 moines, on
n'y trouve tousjours prou de Ijesogne. Ce
n'est pas que le sieur Colletet ne m'ait, à
vostre considération, fort bien veu et obligé
en cette rencontre, mais comme il n'a pas
l'esprit si porté h la curiosité des bonnes
choses, comme le sieur du Jardin, son
confrère, j"ay trouvé du refus cliés luy
en quelque chose et de l'impatience en
d'autres. "
* L« sieur de Thorenc a été plusieurs
fois mentionné dons le recueil Peiresc-Du-
puy.
' Aujourd'hui Nervi, petite ville entoiu-ée
(l'une forêt d'orangers.
* Sur Renedetlo Gnieco, voir les Pelits
Mémoires de Peiresc (Anvers, 1889, p. 5i).
[1633| A D. (JUILLEMiN. 107
conduire leurs charges de trois milie orangers ou autres plantes qu'ilz
font estât d'aller débiter à Paris, hors de quelques unes qu'ilz pourront
laisser à Lyon^et d'aultres qui passeront jusques en Flandres; ilz vont
loger en la rue Berlin Poirée prez le Four l'Evesque à l'image S' Fran-
çois chez M"" Mirande mon hoste, lequel vous pourrez faire advertir de
ma part qu'il vous donne advis de leur arrivée afin que vous en pnis-
siez aller prendre quelques piedz qu'il m'a promis de vous livrer à
vostre choix jusques au nombre de aB ou 3o si besoing est, que je
luy payeray icy à son retour, lesquelz vous pourrez donner de ma part
partie à M'' de Roissy, et partie à M' d'Aubery, si vous jugiez que ce
fusse chose de son goust, dont il faudra neantmoins que vous voyiez
d'arrester le prix avec un peu plus d'advantage que le commun du cours
du marché, dont M'' Mirande mon bosle vous pourra fidèlement ad-
vertir. Je les ay chargez d'une lettre pour vous sur ce subject tant pour
vous donner moyen de Iraicter avec eulx de cela, que pour les faire
voir à M' Gault, car s'il trouvoit parmy leurs arbres quelque chose qui
fust de son goust vous en pourriez arrester le marché et je le leur
ferois payer de par deçà à leur retour, mais s'il n'y trouve chose qu'il
soit de la qualité qu'il désire cez gentz m'ont promis d'estre icy de
retour dans deux mois au plus tard, et qu'en mesme temps ilz iroient
prendre chez eulx d'autres arbres plus gros et plus vigoureux et plus
convenables à la qualité que ledict s"' Gault désire par son mémoire,
dont vous pourrez conférer avec luy à l'advance pour ne les pas laisser
recongnoistre à leur arrivée, ou pour attendre qu'ilz ayent faict un
peu de débit et que la première cherté soit passée, selon que vous et
luy le trouverez le mieux, mais de ce qui se prendra à eux à ceste
heure icy il se faudra bien garder d'en rien faire planter en pleine
tei're que le froid ne soit passé, ains les faudra tenir dans des serres
à la façon qu'ils diront ou bien les planter dans des vases ou dans des
caisses qui ne bougent de la serre que le temps ne soit bien addoucy.
J'ay ce soir receu une lettre de M' l'Archevesque de Thoulouze'
' C'était Charles de Monlchal (jue nous avons déjà si souvent rencontré dans le recueil
Peiresc-Du|niy.
i4.
108 LETTRES DE PEIRESC [I633J
avec celle que vous m'aviez escripte sur le mesme subject et ne tiendra
poinct à moy que je ne le serve et ses amys tout le mieux que je
pourray, si je m'y trouve. Ce que cez Messieurs n'avoienf pas tesmoigné
désirer, à quoy j'estois tout résolu de leur faire bonne place pour leur
oster tout ombrage et tout regret. Je ne manqueray pas en son temps
de respoudre à M'' l'Arclievesque , vous priant de l'asseurer cependant
de ma dévotion à son service, sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, cfi 16' janvier 1 633'.
LI
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du 1 ti" avec la cuillier ancienne de
pierre de couleur gris brun, parsemé de petites taches ou macules
noires, dont je vous remercie trez affectueusement comme de chose
que j'estime ainsy que le mérite la matière assez précieuse, aussy bien
que la forme et la personne de la main de qui elle vient. Il y est ar-
rivé un peu d'inconvénient, car le manche s'est rompu par les che-
mins et s'est séparé du corps de la concavité de la cuillier, mais
Mons'' Suchet l'a fort bien et proprement rappiecé en sorte qu'il n'y
paroist presque point. Je pensois vous avoir adverty qu'il ne falloit
point envoyer par la poste des boittes sans en joindre deux l'une dans
l'autre. Encore faut-il les mettre en sorte que le couvercle de l'une
responde au fondz de l'autre, aultrement il est impossible qu'elles ne
se fracassent par les chemins, et pour le moins qu'elles ne se crèvent
par le fondz, n'ei^ estant point arrivé d'entière des vostres, que les pe-
Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 5i-i, fol. igf). Original.
— Copie à la Méjanes, collection Peiresc, Aix, registre V, fol. 619.
[1633] À D. GUILLEMIN. lOï)
tites que vous aviez renfermées dans d'autres plus grandes, ce qui
vous pourra servir d'advis à l'advenir au cas que vous ayez d'autres
choses à m'env'oyer qui puissent periller.
Je ne puis qu'approuver les complimentz que vous avez rendnz tant
à Mess" de Hoissy et de Mesnies qu'à M' le marquis de Sourdis, lequel
nous attendrons en bonne dévotion aussy bien que M'' le sacristain de
Valbelle qui pourroit bien apporter plus soigneusement que la poste
ce que vous retirerez de M'' des Nœudz. Si le P. Sirmond faict revenir
la Ghartre de Langres de Charles le Chauve, et les autres dont il vous
a parlé, il faudra les faire mousler avec de l'argille et du souffre comme
vous le sçaviez si bien faire aullresfois, car je ne me fie guieres des des-
seins de telles choses si je ne suis présent quand le peintre y travaille,
pour voir s'il a bien dcsrobé la ressemblance des portraictz ou non. Je
ne sçaurois encores de ceste fois escripre à ce bon Père, espérant que
ce sera Dieu aydant par le prochain.
Cependant vous pourriez bien m'avoir respondu sur le subject de
l'umbrelle ou parassol qui se debvoit trouver au dessein de ceste Cène
selon les instructions qu'on nous en avoit données de Rome. Si j'ay un
peu de loisir demain au malin, je vous feray peut estre encore un peu
de supplément sur d'autres particularitez dont je ne vous sçaurois
entretenir pour le présent.
J'ay recouvré un Alcoran de sorte qu'il ne sera point de besoing
que vous m'envoyiez celluy de M"" Aubery à qui vous en pouvez faire
les trez humbles remerciementz de ma part tous telz que si j'avois
accepté le sien, car je ne luy en ay pas moins d'obligation voyant avec
quelle franchise il s'en privoit pour l'amour de moy, mais je ne luy en
oze escripre pour ceste fois, de peur que ma lettre le surprenant en sa
reconvalescence, il ne voulusse se donner la peine de m'escripre ou
de me faire escripre en response, vous asseurant que la nouvelle de sa
maladie ne m'a pas moins affligé que si j'en eusse esté touché moy
mesme ou si c'eust esté mon frère ou tout autre qui me puisse estre
aultant ou plus cher, mais j'espère avec Tayde de Dieu que tout cela
ne sera rien et que la température de l'air et la saison dont la ri-
110 LETTHES DE l'EIRESG [1633J
{]uour s'est fort addoucie l'ayderont {jrandemeiit à sortir de ceste in-
commodité comme j'en prie Dieu de tout mon cœur, et de vous tenir
en sa saincte garde,
Monsieur le Prieur,
comme vostre trez alFectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce ai janvier i633 '.
LU
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesclie avec la lettre de M"", de Roissy dont il
me fault de nécessité différer la response au prochain ordinaire à mon
trez grand regret. Cependant j'ay esté infiniment ayse de voir que
vous ayez trouvé en si bonne disposition M' le marquis de Sourdis, et
que vous ayez receu mon advis assez à temps |>our retenir de par delà
l'Alcoran de M"" Aubery puis que j'en ay recouvré un autre. Nous alten-.
drons en bonne dévotion le sacristain Valbelle pour voir le vase de
M'" Vivot avec les livres et carlhes que vous y avez joint, comme aussy
celle- du jardinier avec les graines et greffes que j'avois faict demander
par mon frère. Je vous envoie la despesclie que j'ay faicle pour M' Ri-
gault que j'ay laissée ouverte, à celle fin que vous la puissiez faire voii-
soubz main à M" du Puy en leur rendant à part et à la desrobée une
lettre que je leur escriptz sur le subjecl d'un livre que je voudrois bien
faire transcripre, sy c'est ce que je me suis imaginé, auquel cas je vous
])rie de vous offrir pour faire travailler le coppiste chez vous si besoing
est ou chez M"" Aubery et de fournir ce qui sera nécessaire pour ses
salaires, et de suivre le conseil de cez Messieurs du Puy, tant en cela
Bihl. nal., fonds français, nonv. acq., 'Celle, c'est-à-dire l'arrivée, faisant
.T 1 7 1 , loi. 001. Original. — Copie h la Mi^- suite à Tarrivée sous-entendue du sacristain
janes, collection Peiresc, reg. V, fol. Gai. Valbelle.
[1633] À D. GUILLEMIN. Ht
qu'en ce qui est de ce (pe j'escriptz à M"" Rigault et à M"" de Val-
loys ', dont vous recachetterez les lettres aprez que cez Mess" les auront
veues, et prendrez la peine de les aller rendre de ma part à M"^ Rigault
pour sçavoir de liiy ce (|u'il vouldia faire des livres que je luy demande,
et luy offrir pareillement de fournir aux fraiz du copiste, et aprez je
seray bien ayse que vous preniez l'occasion d'aller visiter de ma part
M' de Valloys pour adjouster quelques compliments de bouche à ceux
de ma lettre, que M' Rigault luy voudra possible rendre de sa main,
ne vous en disant autre chose que ce que vous en pouvez apprendre
dans les lettres que je leur escriptz à tous deux.
Au reste on m'a dict que M"^' les Agentz ont fait reimprimer les
recueils de feu M'' Perissac^ pour les pièces du clergé, et qu'ilz v ont
adjousté ung quatriesme volume. Si cela est, M' le Prieur de Mous-
tiers ■'' me pourroit bien faire part de ce ^""^ volume ,et s'ilz sont en
vente, j'en ferois volontiers achepter deux exemplaires pour en assor-
tir les 3 premiers volumes in-8° que j'ay de l'édition de l'an 1625 et
ceux d'un autre de mes amys qui m'en a donné l'advis, sur quoy je
liniray pour ce que estant un peu las d'escripre et demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peuiesc.
A Aix, ce dernier janvier i633.
Nous avons eu le bien de gouverner icy M'' de Rossy de Lyon qui est
' Nicolas Rigawlt et Henri de Valois ont
élé déjà et seront encore bien souvent men-
tionnés en la correspondance de Peiresc.
' Sur l'abbé Perissac, natif du Limou-
sin, vicaire général du cardinal de Sourdis,
et soiis-doyen en l'église Saint-André de Bor-
deaux, voir les Mélanges de hingraplùe et
d'histoire par Anl. de Lanteiiay (Bordeaux,
t885, in-8°, passîm de la page 34 à la
page .538). Perissac fut un des correspon-
dants de Peiresc. Le même jour (1 3 juin
1625) Peiresc écrivit au cardinal de Sourdis
et h MM. Miard et Perissac, ses vicaires
(Petits Mémoires de Peiresc, p. 46).
' Le prieur de Moustiers a élé déjà men-
tionné dans le recueil Peiresc-Dupny (t. 11,
p. 878). Je demandais dans une note à ce
sujet s'il s'agissait Ih de Moustiers , chef-lieu
de canton des Basses-Alpes. Je réponds aflir-
mati\enven( en citant sur l'ancien Moste-
rium (par contraction de Moimsterium) une
notice de l'abbé Feraud dans la 3' édition
de V Histoire et géographie des Basses- Alpes
(Digne, 1890, gr. in-8°, p. i58).
il2 LETTRES DE PEIRESC [1633]
maintenant à Marseille, lequel m'apporta une pleine cassette de vases,
lamperons, figures et autres curiositez de bronze antiques en nombre
de plus de 3o pièces dont la lampe de M' de Pontus n'est que la moindre,
laquelle j'ay trouvée certainement beaucoup moins mal conditionnée
que celle de M' Gault, en sorte que hors du couvercle tout le corps de
la teste semble pouvoir venir de l'antique, ce que je n'estime pas se
])ouvoir dire du couvercle qui est plus indubitablement moderne. H m'a
apporté 3 volumes niss. des Antiquitez du Milanois '.
LUI
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du aS' et avec icelle une lettre de
M' Gault dont vous luy pouvez rendre la responce que je lui faictz aprez
l'avoir veue et cachetlée où vous verrez qu'il m'avoit escript de vous avoir
offert un autre vase de bronze et une certaine cassette ou escriptoire
pour me les faire tenir, ce que vous n'aviez pas trouvé à propos, ce dict
il, à cause que vous m'en aviez veu de pareils, ce qui me faict présumer
que vous n'avez pas jugé que ladicte cassette fusse antique, comme pos-
sible est-il vray, et peut estre aussy que le vase ne vous a pas semblé
d'assez belle forme et symétrie, en quoy je loue vostre bonne discrétion
et proceddure à l'eudroict de ce personnage pour ne le rendre aussy
trop jaloux de toute sa marchandise, mais je pense pourtant (ju'il n"y
aura poinct de danger que je voye encore cez pièces là, s'il est possible,
pour en faire la comparaison sur les miennes; car si bien j'en puis avoir
de semblables, c'est l'un des plus grandz fruictz que j'y puisse prendre
quand je trouve que les mesures en sont bien esgales et bien propor-
tionnées, ce qui n'arrive pas tousjours, d'aultant que les anciens sou-
Bibiiolhèqiie nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 6171, foi. 5o3. Original.
— Copie à la Méjanes, collection Peiresc, registre V, fol. 69G.
[1633] X D. GUILLEMIN. 113
loient y mettre du plomb dans le fondz affin de mieux proportionner le
poidz du corps du vase et d'en mieux asseurer l'assiette pour le laire
mieux tenir debout; or ce plomb s'est reduict en pouldre en la pluspart
desdictz vases, ce qui en augmente la contenance ou mesure de la ca-
pacité. C'est pourquoy on n'en peut pas assez voir et comparer par
ensemble, quand il est question de se bien asseurer de leur mesure,
oultre que les mesures estoient quelqueslois différentes de lieu h aultre
quoyqu'assez rarement, et c'est pourquoy je suis si curieux d'apprendre
les lieux où ont esté trouvez cez anciens vases pour en tirer les argu-
mentz ou conjectures qui peuvent sauver telles différences. Il m'a faict
feste d'un larmoir du cabinet de Mons" frère du Roy qui n'est que d'es-
mail bleu, mais enrichy de figures blanches en forme de camayeul,
dont il se promet de vous faire avoir non seulement la veue, mais aussy
une empreinte, dont je serois merveilleusement fier, si vous en pouviez
venir à bout, ou à tout le moins en avoir le dessein et examen du me-
surage, en quoy il faudra que vous employiez toute vostre rlietorique
envers ce M'' de S' Jullian qui en a la garde, à qui je tascheray d'en
escripre un mot à tout hazard ' pour tascher d'en capter et acquérir la
benevolence pour ce qui nous peut estre nécessaire en la présente occur-
rence , et fauldra que j'escripve aussy à M' Ferrier, puisqu'il est devenu le
maistre de ces trésors que M'' de Fontenay avoit assemblez avec tant
de pénible travail. Il faudra que j'escripve aussy à M"" d'Avaulx puisque
l'on a advis de son passage à Lyon, trouvant fort bon le proceddé
que vous avez tenu envers M'" de Roissy, comme envers le marquis de
Sourdis dont nous attendrons la suitte de vostre negoliation au temps
que vous en pourrez rencontrer les opportunitez.
Au reste j'ay esté grandement ayse d'apprendre le bon marché que
M"" Gault vous a faict chez le bonhomme M"^ Savot'^ de cez vieux tron-
çons d'espée, où vous avez rencontré mon goust au degré superlatif
tout tel que vous le vous estes imaginé, et si j'en eusse eu l'advis
' On ne trouve aucune lettre h M. de ' Sur le collectionneur et numismate
Sainl-JuUian dans les deux collections Pei- Louis Savot, voir le recueil des Lettres de
rescde l'Inguimbertine el de la Méjanes. Peiresc aux frères Dupuy.
1- i5
tWPItlMEIllK KAtlO^tir.
lU LETTRES DE PEIRESG [1633J
seulement un jour plus tost, je m'en serois bien prévalu contre celluv
d'Avignon que vous avez veu si jalloux de ce quil en avoit, car il est
venu en ceste ville cez jours passez , et n'en est party que vendredy
aprez avoir disné céans, où if me laissa neantmoins et son espee et
son vase en forme de teste plus courtoisement que je ne me l'estois
attendu. 11 me tardera de voir arriver M"' le sacristain de Valbelle qui
debvra estre à mon advis dans 8 ou i o joui-s, puisqu'il y en a aultant
qu'il est party de Paris , pour voir toutes cez belles curiositez , et particu-
lièrement ce petit vase ou escuellon d'un os de mort dont vous me faictes
feste, lequel picqueroit bien mon goust s'il estoit un peu plus grand
que vous ne dictes, et s'il est faict en sorte qu'il puisse estre propre à
boire, et qu'il y demeure des vestiges de la forme naturelle de l'os,
et si vous pouviez apprendre de celluy qui vous l'a vendu en quel lieu
il peut avoir esté trouvé à peu prez, j'en serois merveilleusement ayse.
Cependant je vous en rendz les remerciementz que je doibz les plus
affectueux que je puis, comme aussy de vos calottes et cire d'Espagne,
tandis que je feray venir de Marseille pour le prochain ordinaire Dieu
aydant des lettres de change pour vostre secours, estant bien marrv
que le s"" Bioulez soit party sans que vous l'ayez veu, car en un besoing
il eust apporté volontiers ce nouveau vase et escriptoire de W Gault
avec d'autres livres que M" du Puy m'ont appresté à ce qu'ilz me
mandent, sur quoy je finiray, priant Dieu qu'il vous tienne en sa sainte
garde et demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez ailectionné serviteur et meilleur amy,
i)E Peiresc.
A Aix, ce 6 febvrier i633.
Mons' du Puy me demande un petit chat pour M"^ de Thou, comme
le sien, que je seray bien ayse de luy faire préparer, mais il me parle
comme s'il n'en avoit qu'un, ce qui me faict appréhender qu'il n'ayt
laissé mourir ou perdre l'autre, dont je serois bien ayse d' estre esclaircy
par vous.
|1633] : À D. (;UILLEM1\. 115
La lettre que je viens d'escripre à M"" de Hoi«sy eu respoiise de ses
dernières eusse bien mérité d'estre transcripte à cause du desordre des
apostilles que j'y ay adjoustécs e:i la voulant relisre, mais la presse du
courrier et la foiblesse de ma main ne me donne pas le ten)ps de le
taire comme je debvrois et il ne la prendroit peut estre pas en si bonne
part de la main de mon lion^me comme de la mienne , dont je vous
prie de luy foire excuse de ma part, et possible (jue M"' du Puy ne
seroit pas marry de jetter un coup d'œil sur ceste lettre là, avant qm'
vous la cachettiez, ce que je laisse à vostre disposition de la luy faire
voir ou non, et à M' Rigault niesraes, si vous l'avez trouvé en bonne
disposition de me faire accommoder de cez mss. que je désire de la
bibliotbeque sur la mesme matière des mesures antiques que j'ay
touchée en ceste lettre.
J'escriptz à M' Ferrier, à M'' Savot et à cet autre (pie M' Gault vous
debvoit faire voir; vous leur ferez mes complimentz et adjousterez
leurs qualitez sur leuveloppe avant que les cachetter, et ne négligez
pas d'aller revoir le bon homme M' Savot qui vous fera des caresses
sans doubte pour l'amour de moy, et sera bien ayse de m'escripre ce
que je luy demande et de vous servir s'il s'en presentoit l'occasion.
[De la main de PetVesc. ] Si mon homme a le courage d'entre-
prendre une coppie de ma lettre à M'' de Roissy, je la luy feray faire
et en un besoing la présenterez à M"' de Roissy, en luy faisant mon
excuse et luy monsirant l'original mesmes pour justification du desordre
et pour le luy laisser s'd l'ayme mieux que la copie au net à laquelle
j'ay neantmoins corrigé et adjousté quelque chose de plus. C'est pour-
quoy il vauldra mieux bailler la coppie et retenir mon autographe qui
est trop brouillé pour un autre que moy. Et suis bien d'advis aussy
pour l'amour de cela que ne monstriez que la coppie à M'' du Puy et à
M'' Rigault s'ils la veulent voir, et quand M"" de Thou la vouldroit il ne
fauldroit pas faire de difliculté de la luy bailler, et faire transcrire s'il
vouloit avec prière neantmoings de ne la pas communiquer, car je
feray bien ce discours tout aullre en traictant cette matière Dieu aydant
moings à la liaste. Cependant cela pourroit servir pour luy faire com-
i5.
116 LETTRES DE PEIRESC [1633J
prendre ce qui se pourroit profliter en cez paieras d'Autun dont je luy
avois escript à Dijon.
H seroit Irez bon de mesurer ce larnioir du marquis de Sourdy avec
J'escuelion de M' de Roissy, et sçavoir combien de foys ledict larmoir
plein d'eau entreroit dans ledict escuellon de M"^ de Roissy, et fauidra
faire le mesme examen du larmoir d'onyce de S' Denys et du cabinet
de Monsieur, s'il vous est loisible, car sur cette règle, il ne sera pas si
aisé de s'equivoquer, au cas qu'il s'y trouve du rapport bien propor-
tionné, que sur voz petits escuellons de plomb.
Tandis que mon homme transcripvoit ma lettre à M' de Roissy, et
qu'on m'avoit faict à croire que le courrier n'estoit pas encores venu
de Marseille pour passer oultre, il se trouva que c'estoit un frippon
des commis de la poste qui amusoit mes gents pour proffiter quelque
teston, et que le courrier estoit passé, de sorte que ma pauvre des-
pesche est demeurée, mais je suis devenu si pesant que je n'ay pas eu
le courage d'entreprendre de r'escrire cette lettre de ma main. Vous
ne direz poinct que je l'aye leniie icy durant tout ce temps. C'est pour-
quoy il lauldra de nécessité rendre à M"" de Roissy la coppie de mon
homme proprement cachettée dans son enveloppe. Mais vous luy pour-
rez bien monstrer après incontinent l'original de ma main sans estre
cachette, pour luy faire voir que je m'estois mis en debvoir de
m'acquitter de ce que je luy doibs, et que c'est par infirmité que j'ay
esté constrainct de m'en dispencer. Mais avant que la rendre à M"" de
Roissy, je serois bien d'advis que vous la fissiez voir non seulement à
M' Aubery, qui peult estre n'en sera pas marry, mais encores à M"" le
marquis de Sourdy, s'il se veult rendre curieux de voir ce que je tire
de la communication de telles pièces. Et en toute façon suis bien
d'advis que luy monstriez l'escuellon de M'' de Roissy pour luy fere {sic)
voir la confiance que fon prend en vostre persone, comme en la
mienne, pour tascher de le disposer à vous laisser faire (sic) faire (sic)
une empreinte de son larmoir qui sera sans doubte plus aisée que
vous ne croyez. Si vous aviez parlé au bon homme M' Le Bay qui sou-
loit demeurer prez les jésuites, sur la porte du fauxbourg S" Jacques,
[1633] A D. GUILLEMIN. 117
il vous y trouveroit tout aultanl de facilité, comme il en trouva de moul-
1er le grand camayeul de la S"^Chappelle, dont la plusparl des figures
estoient hors de despouille, mais avec de l'argille bien délicate et bien
molle, il remplit les creux et le mit en despouille telle que vous avez
veu. Si le marquis vous prestoit son vase faictes le voir à M'' de Roissy
et à MM" du Puy et Aubery. Si je le puis voir j'y trouveray des mer-
veilles.
Demandez à M' Gault le nom de ce marchand traffîquant à Venize
et le temps qu'il luy bailla le grand vase d'argent à X ou XV figures
antiques dont il m'a escript et soubz quelles adresses on le pourroit
trouver soit à Venize ou ailleurs '.
LIV
MÊME ÂDRESSE-
Monsieur le Prieur,
Vous aurez icy une lettre de M' Suchet pour son frère, que je vous
prie lui faire rendre seurement et en main propre et tascher de l'as-
sister de ce que vous pourrez. Il a escript à son frère qu'il vouloit aller
à Roiian. S'il persiste en ce dessein, faictes luy donner des lettres de
recommandation de quelqu'un de noz amys ou des vostres, et de les
faire addresser particulièrement à M'' Bigot conseiller de la Cour des
Aydes qui est de mes anciens amys et homme fort curieux de médailles '^
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, Siyi , fol. 5oi. Ori-
ginal. Copie à la Mt^janes, collection Pei-
resc, registre V, foi. 6-i8.
' Jean Bigot, sieur de Soinmcnil et de
Cleuville, a mérit»^ une [)lacc dans le Dic-
tionnaire des nm'itettrs français du xyii' siècle.
M. Ed. Bonnaffé rappelle qu'il possédait une
bibliothèque de plus de 6,ooo volumes et
de 5 00 manuscrits, ainsi qu'une riche col-
lection de médailles, et que Peiresc en fjyt
honorable mention dans ses notes de voyage.
Jean Bigot eut un fils, Emery, un des plus
doctes hellénistes de son temps, qui fut l'hé-
ritier de ses goûts et de ses colieclions : il
augmenta considérablement la bibliothèque
paternelle , laquelle devint une des plus cé-
lèbres de France; elle fut vendue en 1706;
le catalogue, contenant 8,744 numéros, en
fut alors imprimé et a été réimprimé, de no»
118 LETTRES DE PEIRESC [1633]
lequel iuy en pourroit faire mousler quelqu'une de relies qu'il sçait
estie de mon goust pour m'en envoyer les empreintes; en un besoing il
vous pourroit bravement servir pour mousler quelque vase , si vous en
faictes mousler en piastre, soit de S' Denis ou du Cabinet de Monsieur.
Je receuz hier une caisse de Levant où est la figue d'Adam que les
anciens appelloient Musa, laquelle a receu iin peu d'atteinte des ratz
qui ont rongé le bourgeon dans l'estive du navire, mais j'espère pour-
tant qu'elle n'en vauldra pas pix et que nous ne laisrons pas d'en rem-
placer celle que Barthélémy le jardinier nous avoit laissé perdre, à
laquelle vous aviez veu porter de si grandes et immenses feuilles.
J'escripray pourtant pour en faire revenir d'autres pour l'année qui
vient à tout hazard, et si M' Gault faict préparer un lieu propre pour
tenir de telle nature de plante, je moyenneray de Iuy en faire avoir, je
dis préparer un lieu , parce que je ne pense pas que dans un simple vase
ou caisse une telle plante peusse réussir à rien qui vaille, il fault un
lieu où elle se puisse mettre en pleine terre, et qui se couvre durant
l'hyver comme une serre et se puisse descouvrir au bon temps, aultre-
ment il ne fault pas esperei'de la saulver durant le froid de l'hyver. Vous
en pourrez conférer avec Iuy; puisqu'il a un si beau lieu hors la ville il
ne Iuy sera pas malaysé d'en retrancher un petit coing en lieu commode
pour pouvoir estre couvert durant l'hyver et secouru d'un poésie durant
la grosse rigueur du froid, ainsy que le praticquoit le prince Palatin à
Heidelberg, par le moyen duquel soing il conservoit des orangers plan-
tez en pleine terre qui avoient le tronc gros comme la cuisse, et qui
estoienl chargez de fleurs et de fruictz tout l'Iiyver, car il pourroit par
ce moyen conserver des citronniers de toutes sortes qui pourroient
porter quelque fruict. Aultrement il ne fault pas qu'il s'y attende. Il
pourroit par ce moyen sauver aussy le laurier canelle Américain et le
rosier de la Chine à couleur changeante, et tout plein d'aultres choses
jours, en ce qui conrerne les manuscrits, iinguimbertine renferme (fol. 869-371)
pour la Société des bibliophiles de Nor- quatre lettres adressées par Peiresc à Jean
mandie, par les soins de M. Léopold De- Bigot (soit à Paris, soit à Rouen) en i6i3,
liste ( 1 877). Le registre II des Minutes de 1 6 1 7 et 1 6 1 8.
[1633] À D. GUILLEMIN. 119
qu'il ne sçauroil empescher de périr à l'air de Paris, sans ceste pre-
caullion. Je suis résolu d'en préparer moy mesmes un de ceste sorte
à Boysgency, afin d'y conserver cez plantes là en leur beauté durant la
rigueur de nostre petit hyvcr et afin de les pouvoir mesmes couvrir
])lus commodément avec des tentes, quand elles sont en fleur au prin-
temps, pour en defl'endre les fleurs des rosées froides et en conserver
|)lus asseurement le Iruicl qui est subject à couller ou s'avorter, quand
les fleurs demeurent à la merci des rosées ou pluyes tVoides, lesquelles
font avorter communément toutes les fleurs jaulnes qui sont plus déli-
cates que celles des autres couleurs, comme vous me l'avez veu pratti-
quer au jassemin jaulne des Indes et au rosier jaulne. Si le roy devient
si curieux de plantes comme l'on dict, cette curiosité acquerra bientost
de la réputation plus grande que jamais, et me fournira bien de quoy
me revencher envers M' Gault des honesletez dont il m'a prévenu.
Je suis, Monsieur,
vostre trez afl'eclionné serviteur et meilleur amy,
DE Pëiresc.
A Aix, ce 6 febvrier i633 '.
LV
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Vostre depesche du k^ de ce mois a bien chatouillé ma curiosité
au plus liaull poincl qu'elle le pouvoit estre par l'advis et ponctuelle
description d'un si précieux vase que celluy que vous avez rencontré
chez M' le marquis de Sourdy, ne doubtant pas que vous ne demeu-
riez en grande impatience aussy bien que moy, jusques à ce que vous
m'en puissiez envoyer non seulement le dessein de M"^ Rabel et le juste
modèle de sa contenance, mais aussy l'empreinte de tant de belles
' BMolhèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 6171 , fol. 5o5.
120 LETTRES DE PEIRESC [1633]
figures où je me prometz d'apprendre de si belles choses. Vous verrez
en quelz termes je luy en escriptz avant que luy rendre ma lettre, espé-
rant qu'il condescendra enfin, s'il ne l'a desja faict, à laisser mouller
ceste pièce, et possible à la vous confier à vous mesmes pour en faci-
liter et accellerer l'expédition, ce que je desirerois bien, désirant que
vous y employiez M' Flesche, puisqu'il a praticquc'; la façon de mouller
de M' Rubens qui est si advantageuse, mais je vous prie d'y faire inter-
venir le frère de M' Suchet pour seconder et servir le dict M' Flesche,
et pour tascher d'apprendre quelque chose de sa façon et de son mes-
tier en cela, dont nous pourrions un jour nous prevalloir de par deçà
au retour de ce bon homme, et si M' Le Bay que j'ay aultresfois employé
à mousler le camahieul de la S'" Chapelle estoit en estât et en volonté
d'y travailler je croy qu'il en viendroit aussy facilement à bout que de
l'autre, avec le secours de l'argille qui luy servoit à remplir les creux
de tout ce qui estoit hors de despouille, mais comme il estoit desja
bien vieil alors, je crains fort qu'il ne soit deceddé ou trop envieilly
pour y pouvoir travailler. En tout cas vous vous serviriez de l'advis
que je vous en donne et ferez la guerre à l'œil pour vous contenter
de ce que vous pourrez obtenir, sauf de mieux faire en autre temps
plus opportun.
J'ay enfin receu la responce du cappilaine Bastien Pinchenat sur ce
que M' Gault m'avoit escript de son myrthe à qui vous pourrez bailler
la lettre pour ma descharge, et luy faire mes remerciements à ladvance
du soing qu'il prist de vous accompagner chez M' de Sourdy en atten-
dant la première foys que je pourray luy escripre, qui ne sera pas sans
luy en rendre les complimenlz qui y peuvent escheoir, me recognois-
sant tousjours plus redebvable à son honnesteté.
Au reste l'honnesteté de M' de Roissy est si grande qu'il ne se peut
rien dire de plus, vous ayant si courtoisement remis en main tant de
fois son petit vase antique, et je voussçays infiniment bon gré du soing
que vous preniez de vous en servir originellement pour v examiner
dessus le petit larmoir d'agathe du marquis de Sourdy, car s'il se fusse
rencontré que ledict larmoir eust peu remplir ce vase d'argent par
[1633] À D. GUILLEMIN. 121
exemple en deux fois ou en trois, j'en eusse esté infiniment ayse, et en
eusse jugé d'icy quasi aussy asseui-ement que si l'examen en eusl esté
faict devant moy. Il fauldra bien que vous uziez de la mesme prattique
à S' Denys, pour voir si le petit larmoir d'onyce qui y est remplira
ledict vase d'argent en plus de deux fois et ainsy des autres de plus
grande contenance pour sçavoir combien de fois ilz tiendront la mezure
dudict vase d'argent, et si vous n'eussiez eu la disposition de celluy de
M'' de Royssy pour cet effet, je vous eusse possible envoyé celluy que
j'ay receu de sa part combien que je ne l'eusse pas peu faire sans quelque
regret à cause qu'il est desjà bien fellé et endon^magé et que je ne pense
pas qu'il soit bien à l'espreuve du tracas de la poste au prix de l'autre,
dont la forme semble plus capable de résister à la violence de telz
mouvementz.
Que si par hasard M"" de Roissy se disposoit à permettre que son
vase fisse le voyage de Provence, il fauldroit que ce fust dans une
boitte si forte qu'elle feusse à preuve de toute sorte d'effort et qu'il
l'eusse si bien garny de fin cotton principalement par le dehors qu'il
ne s'y peusse faire aulcun mouvement dans la boitte, car il est vray
que celluy que vous m'avez envoyé s'est intéressé quelque peu en
certains endroictz ausquelz aulcuns de cez visaiges de la graveure du
vase touschoient et frottoient à un ou deux costez de la boitte, la-
quelle fut crevée et ce fut grande merveille que tout ne se gasta, mais
l'inconvénient n'en est pas grand Dieu jncrcy d'aultant que l'argent
s'est un peu blanciiy seulement en l'endroict oii il touchoit la boitte,
la rouille noire du reste du vase faisant paroistre la blancheur des lieux
qui ont esté comme cela descouvertz.
Je receuz hier au soir par la poste de Rome un petit vase d'argent
de la forme de cez grosses urnes antiques de terre pointu par le fondz,
avec deux ances, qui s'est grandement bien conservé et n'a receu inte-
rest quelconque de tout le tracas du voyage parce qu'il estoit garny
de cotton fort pressé de tous les costés et qu'il estoit logé dans une
petite boitte carrée grandement forte. C'est le cavalier del Pozzo qui
me l'a envoyé et qui m'a faict en cela bien du plaisir. Je n'ay point
V. 16
laPlllIKIIIS RlTIOSAll.
122 LETTRES DE PEIRESC [1633]
encore receu la responce de M"' de Gaslines et crains hien qu'elle ne
vienne pas à temps pour cet ordinaire dont je serois marry.
M' du Puy m'a envoyé un dessein du Roy Hugue Capet tiré d'un
seau qui nieriteroit bien d'estre moullé, s'il estoit possible, car sur le
griffonnement que j'en ay veu , je n'ay pas sceu prendre de resolution
bien formelle, sçavoir s'il est antique ou non. Je luy en escriptz et vous
prie de vous informer de luy du lieu où il peut estre encores, car s'il
n'estoit pas loing de Paris il meriteroit bien d'y faire un voyage exprez,
n'estimant-pas que le seau soif de la forme ne de la grandeur du des-
sein que j'en ay reccu ne possible de la niesme manière dont il fauldra
juger par l'empreinte s'il est possible de l'avoir.
Je suis bien ayse que le petit griffonnement de ce fragment de lam-
peron ^ aye remis M"" de Roissy en mémoire de ce que je demandois, et
crois bien que la veiie de la lettre que je luy escripviz par le dernier
ordinaire pourra faciliter et possible augmenter aulcunement la bonne
disposition où il estoit d'obliger le public quant et moy en me com-
muniquant les pièces dont je l'ay requis, et si vous pouvez avoir ex-
traict du diaiie du feu M' de Roissy son père je le prixseray plus que
tout, et lascberay par tous moyens de m'en prévaloir envers le public
et de le faire valloir le plus qu'il me sera possible. Je suis bien avse
que vous ayez eu le bien de voir chez lui Madame de Roissy, et seray
bien ayse que vous l'alliez salliier de ma part quelque jour et la féli-
citer de l'honorable ambassade et lieureux retour de M' d'Avaux, son
filz. Je seray bien ayse que vous employiez M"" Rabel au dessein de ce
vase de M'' de Roissy, ne doubtaiit pas qu'il ne s'en acquitte Irez digne-
ment, voire mieux (pie n'eusse peu faire feu M' Engobert pour les
figures, car pour le corps du vase c'est la vérité que je croy que ])er-
sonne ne l'eusse peu si bien faire que ledict Engobert.
Je désire bien que vous preniez de bonnes habitudes avec M' Flesche
et que vous preniez occasion de luy faire mouller quelque chose d'ex-
Au folio 5o6 esl annexé un petit il a c'crit ces mots : Forme à peu prez de
carré de papier sur lequel Peiresc a tracé ce fragment de lamperon de terre cuite an-
le dessin en question au-dessus duquel tique.
[1633] À D. GUILLEMIN. 123
quis à la mode de M' lîubens, et ne manquez pas de vous y faire ser-
vir et assister par le jeune Suchet. Si j'estois sur les lieux avec ce
M"" Fiesche , je me f'erois fort de luy faire mouller le grand vase de
S' Denis plus facilement qu'il ne croit, en ayant autresfois faict moul-
ler diverses pièces que j'ay de tout plain de choses des plus considé-
rables qui fussent dessus, et ne faudroit ([ue le secours de l'argile
fraische pour mettre derrière les figures de ronde bosse qui sont tro])
esloignées du champ du corps du vase. Si sa curiosité le portoit d'aller
en Italie, disposez le à se laisser voir icy en passant, car je seray bien
aysc d'avoir l'honneur de sa cognoissance et de luy donner de bonnes
addresses aux amis que j'ay non seulement à Rome, mais encores
!\ Naples et autres des meilleures villes d'Italie et au Pape mesmes
si besoing est.
Sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez aU'ectionné serviteur et meilleur amy,
DE PeHUîSC.
A Aix, ce l'i febvrier i63.3.
Je viens d'apprendre l'arrivée de M' le sacristain Valbelle à Mar-
seille de sorte que nous le verrons 3 ou U jours plus lard que nous
ne pensions puisqu'il est allé droict chez luy sans passer par icy
où il fault neantmoins ((u'il vienne bieiitost pour des verifTicalions,
à ce qu'on m'a dict. M' de Roissy est repassé depuis a ou 3 jours
])Our Lyon ne s'eslant arreslé céans qu'un jour et demy comme
l'autre fois'.
' Ribliollièque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 5171, fol. 5 06. Original.
Copie à la Méjanes, collection Peiresc, registre V, fol, 634.
16.
t24 LETTRES DE PEIRESC [1C33]
Lvr
MÊME ADRESSE-
Monsieur le Prieur,
J'av receu vostre despeche du xi" de ce mois par l'ordinaire et avois
receu par M"" le sacristain Valbelle aprez l'expédition du précédant or-
dinaire toutes les boittes dont vous l'aviez chargé fort bien condition-
nées où je trouvay tant de belles curiositez que le seul dénombrement
seroit capable d'emporter toute une fueille de papier. C'est pourquoy
il me suffira pour asture à cause de la presse où je me trouve de vous
dire que j'y ay trouvé tout le contenu de voz bordereaux fort bien con-
servé et que je vous en remercie irez affectueusement comme aussy du
soing que vous avez eu de la distribution de ses (»tc) orangers où vous
avez observé une proportion fort convenable à mon gré, mais je re-
grette bien que M' Daubry et M' Gault n'en ave poinct voulu.
Le jardinier est pareillement arrivé despuis et m'a apporté une
lettre du s"" Galiley de Lyon de qui il avoit prins quatre escus en pas-
sant; il estoit si las et si recreu bien ({u'il eusse (Mi bon loysir de se re-
poser sur le Rosne et qu'il eusse mis douze ou treize jours de Paris à
Lyon qu'il estoit tout hors d'allene, ce qui me faict un peu craindre
qu'il ne soit bien pesant à la main et de bien grande vie, mais il le
faudra choyer comme nous pourrons, puisqu'il est si difficile d'en ren-
contrer de telz qu'il faudroil. H est à Boisgency depuis vendredy. Je
pensois l'envoyer chercher ce qu'il falloit à M"" Gault, mais je vis bien
(ju'il y falloit employer quelque autre et tascheray d'y embarquer
mon frère en personne la lune prochaine. Cependant Dominico MayoUo
pourroit eslre de retour. Je suis bien ayse qu'ayez eu ce fragment de
lamperon de M"" de Roissy et ceste plaque de cuivre encores, laquelle
je n'avois pas mise en oubly ; au contraire j'en avois tousjours faict grand
cas à cause de ceux de Langres dont il y est faicte mention, si je ne me
trompe (car je n'en ay pas à la main le mémoire que j'en avois prins),
[1633] À D. GUILLEMIN. 125
mais je ne voulois pas mettre tant de choses ensemble sur ie tapis et
avois de quoy me tenir assez obligé à la courtoisie de M' de Roissy,
sans luy ouvrir d'autres moyens de me combler de ses bienfaicts, au-
paravant que j'eusse eu moyen d'uzer d'aucune revanclie. Maintenant
j'auray moins de regret puisque vous avez recogneu que ces petitz arbres
ont aucunement rencontré son goust auquel je suis résolu de contribuer
([uelque chose qui soit un peu plus digne de luy et de sa Bibliothèque.
Je loue Dieu de la reconvalessance de M"" des Neuds et suis bien ayse
de l'avoir sceu aussytost que son infirmité, car elle m'auroit tenu en
grande peine et anxiété •. Je suis bien ayse aussy que M"" GoUetet et vous
ayez descouvert sa passion pour les plantes, car il y aura bon moyen
de pratiquer de ce costé là une bien douce force pour le faire con-
descendre à la faveur que je me suis tousjours promis de luy, et vous
sçay fort bon gré de la participation que vous avez trouvé moyen
d'avoir aux essences de M" le Prieur de Moustier dont j'avois tant de
besoing en ceste occurence. Si vous jugez qu'il soit à propos que je
l'en remercie, je le feray et seray encore plus ayse de le servir en re-
vanche si je le puis. J'ay bien du desplaisir et compatis grandement
aux travaux que souffre le bon M"" Rabel de sa pierre dont je voudrois
bien le pouvoir soulager et attendray en bonne dévotion la venue de
M"" Meyne et le succez de vostre visite vers le s' de Vallois. N'ayant en-
(;ores essayé voz rabas, mais je ne laisse pas cependant de vous en re-
mercier bien fort aussy bien que de la calotte et de la cire d'P]spagne.
J'ay trouvé grandement beaux tous ces fragmentz d'espées et fers de
lances qui servent d'un bien grand ornement aux autres que j'avois
desja comme ils en reçoivent leur bonne part, je ne pense pas que
cela ayc esté trouvé tout seul, il faut vous en enquérir du bon homme
Mt Savot et particulièrement si avec cela il n'a poinct esté trouvé de
médailles antiques desquelles je voudrois bien en voir quelques unes
pour chetives (pi'elles puissent eslre pour recognoistrc si elles sont de
la Republique ou de l'Empire ou estrangeres.
f^ secrëloire de Peii-esc a «^crlt en sieltè.
126 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Quand au vase du s"^ Vivaut, M' Menestrier avoit grande raison de
douter s'il estoil antique, car je trouve beaucoup plus de motifs pour
la négative que pour l'affirmative et n'ay pas trouvé que l'animal qui
y est représenté aye les yeux d'argent comme l'on vous avoit dict ne
qu'il les puisse avoir eu aultresfois. Car ce qu'il y a de creux au mitan
de la prunelle n'a jamais esté remply d'argent, d'aultant que la blan-
cheur de l'argent souloit estre employée pour imiter la blancheur du
corps de la prunelle au mitan de laquelle on faisoit un petit trou pour
imiter ce qu'il y a de noir au mitan de l'œil. Il est vray que je suis en
quelque doute qu'il puisse avoir esté moulé sur l'antique et neaniraoins
restauré auparavant par quelque ouvrier qui s'est dispensé d'y faire
des choses qui ne sont pas à l'uzage des anliens et d'effect j'ay reco-
gneu par dessoubz le fond d'une sorte de rouis verd qui est asseure-
ment artificiel, que l'on a alleclé de noircir au reste du corps du vaze,
pour ce qu'il estoit trop apparament moderne, mais je n'ay pas laissé
de prendre assez de plaisir d'en voir l'invention pour ne pas regretter
la despence du voyage tant de Paris icy que du retour d'icy à Paris et
pour en demeurer tousjours bien redevable de la courtoise communi-
cation tant audict s' Vivaut qu'à M-" Gault qui me l'a procurée. Cez'
deux petits vases d'ox et de cornes que vous avez adjouslez dans ces
boites ne peuvent pas estre antiques, mais j'ay pourtant veu bien vo-
lontiers celuy que vous appeliez d'ox que j'estime estre véritablement
d'ox de poisson en ayant un autre de mesme matière qui peut tenir
dix ou douze fois autant que celuy là que mon frerc m'apporta de
Holande. Dez petites lampes de terre j'en ay rencontré une assez gen-
tille et capable de valloir la peine que vous avez prinse de me les en-
voyer toutes; elles ne cousteront pas tant à renvoyer comme le vase du
s-- Vivaut qui est véritablement plus massif et plus pesant que ne com-
portoit l'usage des antiens. J'ay trouvé la mouHeure du s' Sergent bien
agréable sur la petite figure d'Icare; aussy bien j'avoisfaict auparavant
celle de la graveure de Silène en christail qu'ilz sont deux pièces bien
notables et dont je n'estime pas moins l'original de l'une que de l'autre.
Mais j'estime bien davantage l'escuellon d'argent qui est demeuré dans
[1633] À D. GUILLEMIN. 127
le mesme cabinet, et si j'ose le vous dire, je ne suis pas sans re^ji-el ne
sans quelque scrupule de conscience d'en avoir laissé séparer cclluy
que M'' de Roissy m'a voullu desparlir, car en voulant travailler à
descliilTrer les figures qui sont dessus l'un et l'autre, j'y trouve tousjours
plus de rapport et de despendance de l'un à l'autre, en sorte que entre
tous deux ils font l'accomplissement de tout plein de misleres qui ne
sont pas bien scparables sans qu'il y demeure de l'imperfection d'im-
portance; ils forment tous deux ensemble un certain poids et une cer-
taine mesure fort notable de la Respublique d'Athènes et ont mesme
du rapport conjointement à d'autres choses bien curieuses. Mais il y
faudra encore un peu mieux penser pour ne pas prendre d'impression
trop légèrement et sans y avoir bien meurement délibéré. Cependant
je finiray pour ce coup la présente par la continuation de mon bon
gré de tant de soings et obligentes ])eines que vous prenez pour l'amour
de celuy qui est et sera à jamais.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresg.
A Aix\ ce 21 febvrier i633s
M^ du Puy m'a envoyé coppie de la charte èe Hugue (lapet où j'ay
appris qu'elle est dans les archives de l'Abbaye de S' Maur des Fossez.
Il vous pourra dire si l'original en a esté remis dans lesdictes archives
ou bien si M'' Galand ' en est cncorcs saisy et quel moyen vous pourrez
avoir de faire tirer ane empreinte du seau de ce prince qui y est ap-
posé; en un besoin M' de Lomenie n'y reffusera pas son crédit, et si
M' du Puy ne vous en pouvoit donner d«s asseurances je m'asseure que
M"" du Chesne en sçaura donner des nouvelles plus certaines à qui je
n'ay encores sceu escriprc à mon Irez grand regret, mais j'espcre que
je ne tarderay pas longtemps de m'aquitler de ce d«bvoir.
' Sur le conseiller (TÈtat Auguste Gai- H.-A. deLom(5nie, Innocent de Ciron, Ma-
land, comme sur les j)cr9oiina,o;e9 bien ran, voir le i-ecueil des Liltros de Pciresc
connus qui vont suivre, Andrd Duchcsne, an v frères Dupuy.
128 LETTRES DE PEIHESC [1633J
Vous aurez sceu comme je pense i'arrest que M' de Cyron a obtenu
jeudy dernier en pleine audience par lequel il a esté diffinitifvement
maintenu au bénéfice contentieux entre luy et M' Maran qui eusse bien
eu meilleure part à ceste pièce s'il se fust advisé den faire la réquisition
en qualité de gradué nommé. Ledict s'' Cyron est allé faire un pèle-
rinage par la province à la S'*^ Baulme, Nostre Dame de Grâce et ail-
leurs, avant que retourner en son pais'.
LVII
MÊME ADRESSE.
[.4 vom«scm/.]
Monsieur le Prieur,.
Je vous ay faict responce à vostre depesche du xi*" en termes que
vous puissiez en faire voir ce que vous voudrez soit à M"^ Gault ou à
M'' Vivant de ce qui les peut concerner, soit à quelqu'un des domestiques
de M' de Roissy, car pour luy mesme s'il ne venoit de luy de vous
demander de le voir il ne seroit pas trop à propos de s'iiigerer de luv.
monstrer, mais à vous dire la vérité depuis mesmes la despesclie que
je luy fis, le temps m'a faict descouvrir d'aultres secretz aultant et plus
notables que tout ce que je luy avois mandé, non seulement pour les
figures et enrichissementz de l'autre vase, mais pour la mesure mesme
dont les deux ensemble i-eprescnlent un certain poidz et une certaine
mesure d'Athènes grandement célèbre, et les figures ont un si grand
rapport d'un vase à l'autre et principalement pour la posture et situa-
tion réciproque des termes qui sont en l'un et en l'autre vase, que
l'un sans l'autre sont tout à faict imperfeclz, ce qui augmente grande-
ment le désir que j'avois eu de voir les originaux de tous les deux
ensemble, si le temps en peut faire naistre la possibilité.
Pour le vase aussy du s" Vivot. je ne doubte point qu'il ne soit
Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 5171. fol. 5o8. Copie à
la Méjanes, collection Peiresc, registre V, fol. 636.
[1633] A D. GUILLEMIN. 129
moderne, mais pai-ce qu'il pourroit estre mouUé sur l'antique je ne
laisse pas d'en faire cas. Je me suis apperceu qu'on y a imprimé un petit
cachet de cire d'Espa{i^ne par dessoubz l'autre qui représente une petite
teste, ce qui peut estre advenu vraysemblablement par la naturelle
dediance du bon homme Vivot qui a peu appréhender que je le fisse
mouUer pour luy supposer une empreinte, mais il le recouvrera tout
puceau Dieu aydant, si ce n'est qu'il y voulust mettre un prix propor-
tionné à la valeur d'une pièce moderne telle que je la tiens. Auquel
cas je ne negligerois pas de l'achepter, quand ce ne seroit que pour
esviter le soing et la despence de son renvoy à Paris, mais je croys bien
qu'il n'est pas homme à relascher aux termes de' la raison et discrétion
pour ce regard non plus que pour beaucoup d'autres.
L'on m'a envoyé de Bourgongne une petite salliere de bronze antique
posée sur trois piedz ou pattes de lyon en forme d'un Trépied, laquelle
m'a fourny de quoy augmenter bien notablement les observations que
j'avois cy devant faictes sur mon Trépied S ce qui m'a bien faict regret-
ter le peu de compte que j'avois faict aultresfois de choses semblables
que j'avois négligées faulte de les cognoistre. Etd'aultant que vous estes
si heureux depuis quelque temps, et que vous en pourriez aussy trou-
ver quelques fragmentz soit dans les cabinetz de Monsieur ou deM"" le
marquis de Sourdys ou dans ceux de M' des Nœudz, de M"" Gault, de
M' Savot , médecin , ou autres , j'ay creu vous debvoir advertir d'y prendre
garde soit dans Paris, soit durant la continuation devostre voyage pour
n'en rien laisser eschapper de ce que vous rencontrerez à vostre dispo-
sition, et pour cet effect je vous en envoyé un peu de grilTonnement
pour vous faire mieux comprendre ce que c'est, et pour vous en faire
recognoistre les fragmentz quand vous en trouveriez lesquelz je ne vou-
drois pas guieres moins négliger que les pièces entières, tout cela ayant
bien du rapport à mes recherches des vases antiens.
Le pauvre M' Maran est party pour s'en retourner à Thoulouse bien
désolé de la perte de son procez où l'on avoil faict de petites faultes qui
' Le trépied trouvé à Frëjus qui a ëtë l'objet d'une longue note dans le recueil Peiresc-
Dupuy, t. Il, p. 207.
V. 17
tlIPRlVCmC XATIOSALt.
130 LETTRES DE PE.IRESC 11633]
lijv ont cousté bien cher et sans lesquelles il eust emporté ceste pièce
avec la mesme facilité qu'il l'a perdue, au grand regret de ses amys et
particulièrement du sacristain Valbelle qui feit rapporter les bulles de
son maistre par son parent, pensant que cela luy servist pour en cap-
ter la benevolence, mais ce fut inutilement, dont il estoil au desespoir.
11 m'apporta par aprez son vicariat que je luy offris de bailler à son
parent, mais il iie le voulut pas'.
LVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre depesche du 1 8"^, oi!l j'ay appris avec un merveil-
leux contentement les grandes joyes et tendresses de M'' de Roissy, au
retour de Mons"^ d'Avaulx son cher filz, et combien à propos vous leur
avez rendu les complimentz de ma part sur le mesme subjet, ensemble
à Madame de Roissy et à Mons' le président de Mesmes, estant bien
marry de l'inconveniant arrivé pour le retardement de mes despesches
à ce destinées, mais je pense que vous n'aurez pas tardé de les recep-
voir la sepmaine suy vante, et qu'elles n'auront pas laissé d'estre bien
receues. Nous attendrons en bonne dévotion l'arrivée du s' Mayne, et
de ce dont vous l'avez chargé, n'attendant pas moins impatiemment
les livres que vous a remis M' du Puy que les aultres choses, parce qu'il
lault que je les envoyé plus loîng, où ilz sont aftenduz avec impatience.
Je suis grandement ayse que vous ayez visité de ma part le s"^ Valloys
et désire bien que vous vous employez à le caresser comme vous pour-
rez si l'occasion s'en présente, et à le faire un ])eu caresser par M' Au-
bery, affin que sans l'en prier, il vienne de luy de vouloir travailler
pour l'amour de moy à la transcription de quelques uns de cez petitz
opuscules grecz que j'ay demandez à M"" Rigault qui se trouveront
Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, Siyi, fol.5io. Original.
— Copie a la Méjanes, collection Peiresc, reg^islre V, fol. (i/j-j.
|1633] X D. GUILLEMIN, 131
de plus difficile lecture, et les plus importantz et nécessaires à mon
dessein.
Je suis bien ayse que le frère de M"' de Gastiues soit en de si
bonnes mains que celles de Mons"" de Thou , et ne manqueray pas de luy
cscripre de son affaire puisqu'il le désire; vous remerciant de la peine
que vous y avez prinse et finiray la ])resente à cause de la presse où je
suis pour pouvoir l'aire cette lettre, demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce dernier febvrier i()33.
[Z)e la main de Peiresc] Doni Polycarpe^ me demande une louppe
pour l'ayder .à deschiffrer les mots plus effacez du Ms. D'aullres m'en
demandent aussy à l'envie de la mienne; il fault voir de m'en envoyer
une demi-douzaine.
[^Mire posl-Hcriplum autographe au dos de la leltre.\ J'escripvis l'aultre
jour à M"" le Nonce soubs l'enveloppe du s'' Sesty de Lyon qui in'avoit
envoyé une sienne lettre. M'' Galifet'-^ vient de m'en envoyer une qu'il
luy escript, laquelle j'eusse bien voulu accompagner d'une des miennes,
mais il est impossible, l'ordinaire estant desja à cheval pour partir d'icy.
Vous la luy pourrez porter et lui en faire mes excuses'.
' Dom Polycarpe de la Rivière, visiteur des Lettres de Peiresc aux frères Dupiii
des Charlreux en Provence, a été mentionné (t. I , p. 6a a ).
dans le recueil des Lettres de Peiresc aux ' Bibliothèque nationale, fonds français ,
frères Dupmj ( t. H , |>. i 7 a ). nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. iS 1 1 . Ori-
' Sur Alexandre de Galliffet, président ginal. — Copie à la Méjanes, collection Pei-
au parlement de Provence, voir le recueil resc, registre V, fol. 64i.
132 LETTRES DE PEIRESC [1633J
LIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Nous n'avons point encores veu coniparoisfre le s'' Mayne qui sera
sans double venu en poste sur des bœufz', mais pourveu que ce dont
il s'est chargé puisse arriver bien conditionné il n'y aura pas grande perte
à regretter pour un peu de temps. Je suis bien ayse qu'ayez rendu les
lettres à Mons'' de Royssy et d'Avaulx et qu'ilz se soient contentez de la
coppie, mais vous avez oublié de me dire si vous l'avez point mons-
trée à Mess" du Puy, avant que la rendre à son adresse , car il y avoit
un peu trop de confusion dans l'original, pour le faire passer entre les
mains de telles genlz. Je suis bien ayse que vous ayez recouvré le vase
et l'escriptoire"^ de M"^ Gault, et le seray bien davantage, si nos gentz
de Cuistres se mettent à la raison en vostre endroict, ce que je ne croi-
ray pas que je ne le voye.
Quant au billet de M"" d'Agut', c'est la vérité qu'ayant appris que
Rayolle son respondant parloit de revenir en Provence, je le feis prier
de se charger qu'il prinsse de vous ce qui se trouveroit avoir pour nioy ;
mais parceque c'est par les rouilliers, cela sera bien longtenq)s en che-
min, c'est pourquoi cela ne peut estre bon, que pour quelque livre de
trop gros volume, auquel cas il ne faudroit pas faire dilliculté de le
remettre à Rayolle pour me l'envoyer, soubz l'adresse de M' d'Agut;
mais pour cez petitz volumes des Hepub[liques]* et quelques aultres
pièces que j'avois le plus recommandées, je serois bien ayse de les voir
un peu plus tost s'il est possible par quelque amy, ou bien soubz l'ad-
' Peiresc se console par une bonne plai- ami de Peiresc, voir les Lettres aux frères
santerie du retard impose à sa curiosité par Dupuy (jmsstm), les Petit* Mémoires de noire
la lenteur du commissionnaire. auteur (p. 1 1), etc.
' L'écritoire orientale dont il a été qiies- ' La fameuse collection elzëvirienne sou-
tien déjà. vent mentionnée dans le i-ecueil Peire^c-
' Sur Honoré d'Agut, ce confrère et Dupuy.
[1633] À D. GUILLEMIiX. 133
dresse de M"" de Roissy de Lyon. M''du Puy m'a escript qu'il avoit donné
à une sienne parente l'un des chatz qu'il avoit eu de vous, dont je ne
vous eusse pas moins creu que luy, si vous eussiez pris la peine de me
le mander. J'estois desja en soucy de luy en envoyer un aultre, pour le
subroger à la place de celluy que je pensois mort ou perdu. 11 me plaist
bien que le soupçon n'aye pas esté véritable, et me plairoit bien davan-
tage d'avoir aultant de moyen de faire pour vous comme je suis de
bon cœur,
Monsieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
À Aix, ce 6" mars i633 '.
[De la main de Peiresc] Le 8°*'^ au malin le s' Mayne n'estoit pas
encor arrivé. Et possible est-il encor à Paris.
LX
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Je pensoys vous cscrire bien à mon aise à ce soir, mais on m'est
venu assassiner tout le jour, et jusques à dix lieures du soir, sans me
laisser soupper, de sorte qu'il fault que je remette à un prochain ordi-
naire ce que je vous pensois escrire et principalement les lettres que
je pensois faire pour M^'' le Garde des seaux d'Autry -, et pour M"' de
Bonne son secrétaire, vostre bon amy'. Cependant vous aurez les lettres
' Bibliothèque nationale , fonds fiançais , correspondants de Peiresc. Je publierai , dans
nouvelles acquisitions, 5171, fol. 59 2. Ori- la 3' si'rie de ce recueil {Lellres à divers,
ginal. I. Vil ) deux lettres adressiies par Peiresc h ce
* Pierre Séguier était seigneur d'Autry personnage, le 28 mars 1 633 et le 3 octobre
et fut longtemps désigné sous ce nom de tC3/l, pour lui recommander et le prier de
terre. recommander à son maître l'érudit nîmois
' M. de Bonne ou de Beaune fut un des Samuel Pelil.
134 LETTRES DE PEIRESC [1633]
que j'avois faictes hier et ce matin pour Mess" Savot, de Valloys et
Tristan, à qui je vous supplie de les aller rendre vous mesmes, si
vous pouvez, après les avoir leiies et refermées, afin qu'elles vous
servent d'instruction de ce que vous pourrez leur dire de ma part, et
l'emarquer en leur responcc à peu prez.
Les'Mayne m'a l'aict rendre lout ce dont vous l'aviez chargé fort bien
conditionné, et j'ay trouvé la placque de cuyvre escripte de M' de Roissy,
plus belle que l'imagination ne m'en esloit demeurée; je l'en remer-
ciray comme je doibs à la première commodité. Mais pour le fragment
du lamperon, il ne me souvient pas bien si vous ne me l'avez mandé
que pour le voir et le renvoyer ou bien si c'est en don et sans retour
qu'on me l'envoyé, n'ayant peu retrouver la lettre d'advis que vous m'en
aviez faict. La main moullée est fort nette et je ne doubte point que le
s' Flesche qui l'a faiclc et le s' Bay, puisqu'il est encore vivant, ne
puissent mouller le vase d'agathe de M' de Sourdy si délicatement qu'il
ne courra fortune quelconque, encores qu'il soit feslé, ou rompu. Car
la pierre est fort dure de son naturel, et ce qui est recollé se peult re-
coller avec la mesme facilité, quand il se seroit descollé. Puisque vous
l'avez en main il en fault prendre une empreinte en toute façon. IN'y
ayant poinct de dessein qui soit cappable de faire voir ce qu'il y fault
chercher pour ma curiosité, et pour en pouvoir dire ce qu'il faull.
J'ay trouvé les desseins que M' Rabel a faictz de l'escuellon d'ar-
gent fort beaux. Mais il y a bien des choses à dire pourtant, que je
n'auroys pas sceu comprendre, et dont je ne me seroys pas prévalu,
comme je puis faire avec le secours des empreintes sur lesquelles M"" Fre-
deau m'a faict un dessein fort rare, lequel neantmoings estoit imparfaict
de cez greneteures que M"^ Rabel a cottées, lesquelles je feray adjoustcr
à celuy de M" Fredeau. Je ne laisray pas d'escrire à M' Rabel pour l'en
remercier; si ce ne peult estre à ce coup, ce sera par le prochain Dieu
aydant et pour le disposer à se laisser payer.
11 m'avoit aultres foys coppié tout un fort gros livre in fol. de des-
seins d'antiquailles pour une cinquantaine d'escus. Et ne se faisoit pas
payer avec rançonnement comme d'aultres. 11 m'a coppié un aullre libvre
[1633] À D. GUILLEMIN. 135
d'armoiries d'Allemagne fort anciennes et une grande partie des figures
d'une vieille Bible à prix fort raisonable.
En ce dessein des Thermes Automnes je n'ay pas bien sceu reco-
gnoistro où se rapporloit le demy rond qui est en demy feuille séparée.
11 le fauldra apprendre sur l'original du livre. Si M"' Savot ne tenoit pas
trop clicres cez pièces de mineraulx dont il me faict leste, je les achep-
teroys volontiers, principalement ce morceau d'argent en forme d'arbre
et ce morceau d'or de paiilole, mais .s'il en faict le renchery il se faul-
dra contenter de la veixe s'il y consent ou s'en passer tout à faict. Si
M'' Tristan, qui souloit avoir un beau cabinet', avoit encores quelque
chose, il vous communiqueroit volontiers, je m'asseure, tout ce que
vous y recoguoistriez de mon goust, sur quoy je finis demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre irez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
Ce i4 mars j633, fort tard.
J'ay depuis escript à M'" le G[arde] des seaux et à M"" de Bonne.
Vous cachetterez mes lettres si je ne le puis faire ^.
LXI
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du xi'' avec l'empreinte du vase de M"" le
marquis de Sourdys, que j'ay trouvée fort bien faicte, aussy bien
' Voir sur le cabinet de Jean Tristan de monnaies grecques et des pierres qu'il a
Saint-Amant le Dictionnaire des amateurs remar([uées dans ce musée. i
français du rvii' siècle où M. Ed. Bonnaffé '' liibliothèciue nationale, fonds français,
ileclare , avec l'abbd de Marolles ( Mémoires , nouvelles accjuisilions , 5 1 7 1 , fol. 5 1 3. Aulo-
t. III, p. a 16), que «t'était un des plus graphe. — Copie à la Méjanes, collection
riches que l'ou ait vus jusqu'alors» et où il Peiresc, registre V, fol. 654.
rappelle que Peiresc « donne la liste des
136 LETTRES DE PEIRESG [1633]
que les desseins de M' Rabel, dont je suis demeuré fort bien satisfaict,
mais je regrette fort la perte du morceau de cet endroict que l'on a
remplacé avec de l'or esmaillé de vert; j'ay prins grand plaisir de voir
le résultat du mesurage que vous en avez faicl que j'ay trouvé fort
exacte et digne de vostre humeur punctuelle aussy bien que la mienne,
et sy le vase ne contient pas davantage que ce que vous dictes, et que
j'ay trouvé dans vostre modèle de fer blanc, je m'en sçauray bien pré-
valoir, car cela respond à une mezure que les anciens nommoient
Goncha Veneris, dont le seul nom vous fera bien juger la relation qu'il
a avec les principallesfigures gravées sur ledict vase, dont je ne désire
pas pourtant que vous vous laissiez entendre à personne, car il me
reste encores un grandissime scrupule de la vraye contenance que peut
avoir eu anciennement ce beau vase, car je le trouve merveilleusement
gros et massif pour une si petite contenance et ne me puis quasi per-
suader qu'il n'y aye quelque équivoque proveniie vraysemblablement
de la nécessité qu'aura eu l'orpbevre qui en a rassemblé les fragmenlz
d'y mettre par dedans quelque plaque , et possible du ciment ou autre
matière propre à tenir en debvoir et en assemblage immobile les mor-
ceaux despecez et capables neantmoins d'occupper une partie du vuide
de sa contenance, qui pourroit bien avoir diminué la vraye et légitime
mesure primitive; c'est pourquoy j'eusse bien souhaitté que vous eussiez
peu faire desmonter l'or, pour m'en pouvoir donner un esclaircisse-
ment certain, et vouldrois bien avoir esté esclaircy par niesme moyen
sy le vase n'a jamais esté percé par le fondz aussy bien que par le des-
sus, ce qui se pourroit recongnoistre en desmontant le pied, ou bien en
mettant par son orifice quelque bien meniie bougie, qui fusse capable
de faire discerner si le fin fondz du vase est de la pierre mesmes, ou
bien de quelque métail, car je crains fort que ceste pièce n'ayt esté
faicte pour aultre chose que pour un vase, auquel cas elle auroit deub
estre percée par dessoubz aussy bien que par dessus, et je ne l'en esti-
raerois pas guieres moins principalement si le Irou du fondz estoit aussy
grand que celluy du dessus, et en ce cas tout ce creux seroit possible
laict en forme de tuyau ou plustost du ventre d'un vase dont vous pour-
[1633] À D. GUILLEMFN. - 137
rez vous esclaircir avec quelque petite bougie laide expiez ou bien avec
quelque morceau de ce bois pourry ({ui esciaire comme des vers luy-
santz, que l'on pouiToit mettre dedans ])lus impunément qu'une bougie
allumée. M"' du Moustier' en aura vraysemblablement quelque mor-
ceau propre à cet usaige, et à laulte d'aultre chose on y pourroit
pendre avec un fillet quelque morceau de poisson qui ne fusse point
trop fraiz et principalement de la chair d'escrevisse de mer s'il s'en
trouve, lesquelz l'ont (juasi le mesme eiïect que les vers luysantz,
mais s'il estoit permis de desmonter l'or du pied de ce vase, on en
pourroit bien parler plus asseurement et par consequant plus perti-
nemment. Et si la pièce estoit à ma disposition je la lerois incontinent
desmonter tout à l'aict pour la faire remonter à l'antique selon les pro-
portions et façons qu'ils y [soujloient observer et qui seroient plus
propres et plus convenables à la forme de ce vase; voire si M"' le
marquis de Sourdis faisoit son voyage de Provence et qu'il le voulusse
apporter dans ses coffres et me laisser faire, je le luy ferois remonter
comme il fault, et trouverois possible le moyen de faire reparer la
plaque d'or (([ui occuppe une place dont le morceau est perdu) en sorte
que je ferois continuer non seulement les pieds des figures mutilées
et stropiées, mais le reste des vases et aultres choses que le premier
graveur y pouvoit avoir représentées, et qui pouvoient escheoir au
subject et estre des appartenances de l'histoire ou de la fable qu'on
y avoit voulu graver, et si ce vase estoit en main d'aultre personne,
sur laquelle j'eusse assez de credict pour cela, je la ferois prier de me
l'envoyer et me le conher pour quelque temps, afin de me pouvoir
exercer à le faire reparer comme il mérite, et selon qu'il me seroit pos-
sible. Que si vous pouvez le tenir encores une foys, je ne pense nulle-
ment qu'il y eusse du danger quand vous en feriez prendre un creux
de piastre qui se despouille fort facilement, quand on a remply avec
de l'argille ce qui pouvoit estre creusé soubz esquierre, principalement
quand on a l'intention de oindre le corps du vase, ou aultre ligure que
Le peintre Daniel du Moustier est plusieurs fois mentionné dans chacun des trois vo-
lumes du recueil Peiresc-Dupuy.
'• 18
IMPKiatMB lAXIORALE.
\HS LKTTRES DK PfilHESC [\bn\
l'on veiiit itiouller, non pas avec de l'hiiyle toute simple, comme l'on
l'aicL communément, mais avec du savon destrem])é dans de l'eau ([iii
rend l'emprainle de piastre de si facile despouille et si nette qu'elle
desrobe le lustre mesnie de l'original quasi aussy bien que le souffre.
Voslre M'' Flesche pourroit fort bien faire cela, s'il vouloit, car je pense
avoir recongneu au lustre de la main moullée que vous m'avez envoyée,
qu'il y a employé le mesme du savon. Toulesfois si vous jugiez qu'il y
eusse trop de façon à entreprendre une empreinte entière, je me con-
lentinois d'en avoir de particulières des principales ligures qui seroient
fort faciles à prendre à pai-t. Par exemple je serois bien ayse d'avoir
ce satyre bien nettement représenté soit en piastre ou en souffre pour
mieux recognoistre la forme de ce qu'il embrasse si c'est un sac de
cuir de bouc(| ou aullre chose, car je ne l'ay pas sceu bienrecongnoislre
dans les desseins et modèles que vous m'avez envoyez.
Je voudrois hien aussy une empreinte exacte de ceste figure assize
qui est en verre du Centaure pour voir ce (pi'elle tient en ses mains un
peu plus distinctement que je ne l'ay peu recongnoistre dans voz des-
seins et modèles, non plus que l'habillement de l'anltre ligure (|ui lu\
met des grappes de raisins aux piedz. Je nay pas aussy bien peu re-
congnoistre ce que tient aux mains la ligure de femme qui tourne le
dos au satyre, mais j'appréhende hien que cez Messine prennent h trop
d'importunité mes demandes trop curieuses, dont je vous supplie de
leur faire mes excuses, ayant esté bien ayse de voir de l'ouvraige du
hère de M'' Suchet, et d'entendre qu'il soit demeuré si satisfaict de cet
employ dont je me tiens son obligé. En revanche de quoy vous luy
pourez dire puisqu'il monstre le désirer que la pouidre blanche du
s' Sergent ne nous est poinct incongneiie, et qu'il la sçaura quand il
vouldra, n'estant que de l'alabastre calànéet incorporé avec du sel tout simple ',
et d'aultres choses encores meilleures. Le pacquet de vostre boitte estoit
un peu pezant, mais une pistolle en a faict la raison, et je serois bien
marry de ne l'avoir employée à cet usaige là, puisqu'elle m'a donné le
Les mois soulignas ont été ajoutés de la iriaiii dp feii-esc ù ta marge (fol. aïO).
|I(;;î3| ;>-\ D. (MJILLEMIN. 139
moyen de vous »mi l'aire plustosl la réplique par la présente lettre de
crainte que M' le Marquis' ne s'esloijjne de Paris. Vous avez Tort bien
faict de vous resouldr*? à m'envoyer les livres dont j'estois en peine et
je seray infiniment ayse d'avoir par niesme moyen ce qui se trouvera
de transcript des Mss. grecz de la bibliothèque du Roy. J'oubliois de
vous dire qu'à la bonne heure vous vous advisastes de mettre deux
boittes l'une dans l'aultre, car elles n'ont pas laissé d'arriver fracassées,
mais vous les aviez si bien {jarrottées, que les pièces de l'une n'ont pas
laissé de tenir en debvoir les pièces de l'aultre, en sorte que quand je
les receus, il sembloit que le tout lust grandement entier et conservé,
mais quand j'euz coup])é les fisselles, elles tombèrent toutes en pièces,
et n'y eut aultre inconvénient si ce n'est que le petit modèle de fer
blanc fut un peu escaché', mais il a esté bienlost redressé Dieu mercy,
et sur ce je fmiray demeurant ,
Monsieur le Prieur,
voslre trez all'ectionné serviteur et meilleur aniy,
DE PeIRESC.
A Aix, co i!i mars i63.3.
Je voudrois bien qu'avant que rendre ce beau vase d'agatbe vous l'eus-
siez faict voir non seulement à Mons'' de Hoissy, mais aussy à Mons"" Hi-
gault et à Mess" du Puy, pour leur faire mieux comprendre ce que je
pourrois leur en escripre quelque jour.
Je viens d'apprendre l'assassinat déplorable arrivé au Bourg la Reyne
arrivé (stV) en la personne du pauvre M'' Armand de Marseille' pour qui
j'cscriplz à Mons"" Autin conseiller au Chastelet, beau-frere de M'' Ri-
gault, à (|ui je vous prie d'aller faire porter ma lettre par le jeune
frère dudict s"" Armand du([uel vous apj)rendrèz des nouvelles chez le
s' Juste, à qui addresse sa lettre; son frère aisné. Je vous supplie d'em-
ployer voz amys et les miens, pour ayder co jeune garçon à tirer i-ai-
' Ln iiiai-([uis tin Soiii'ilis iléjà (jlusioiirs ' \ oir au sujet île celle aiTaire li> recueil
lois iioiiHné. (les Lettres de Peiresc nu.c frères Dupwj
■' D('|)iiiiit'', aplati. (I. Il, p. h-jk).
18.
1/jO LKTTRES DK PEIRESG [IG33]
son d'un si mauvais tour que l'on a faict à son pauvre Irere. Je pense
que M' Lhuillier soit parent du Lieutenant criminel' et qu'il s'eni-
ployera volontiers auprez de luy pour l'amour de moy si vous l'en priez
de ma part^.
lAll
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Vous verrez par les lettres que j'escripts non seulement i\ V^de Sour-
dys, mais aussi à Madame la Marquize et encores à Madame la Ma-
reschalle de Roquelaure^ sur le subject du nouveau vase d'agallie dont
on vous a faict espérer la communication comment vous m'avez prinz
par le nez ainsin que la honiie moustarde*, car si cez deux vases se
irouvoient pareils ou relatifs de l'un à l'aultre, comme il ne seroit pas
impossible, et comme il m'est advenu en aultres choses de telle nature
à peu prez, je n'auray poinct à marcher à tastons pour les deschiffrer
l'un et l'aultre et l'un par l'aultre. Mais si vous n'en pouviez avoi^
d'empreinte je seroys bien mortifié. Car sans l'empreinte que j'ay eu de
celuy de M' de Sourdys, je n'en auroys sçeu dire rien qui vaille, sur
les simples desseins qui sont assez nettement faiclz par le bon homme
M'Rabel, mais soit que la veue ne luy serve plus, ou que le chagrin
de ses maulx divertisse son attention et l'obeyssance de sa main à ce
' Fr. Luillier était , comme nous l'avons
déjà vu (tome IV, Lettres de Gassendi), le
beau-frère du lieutenant civil , . Michel Mo-
reau, lequel avait épousé Isabelle Luillier.
Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions , .5 1 7 1 , fol. 5 1 .5. Auto-
graphe. — Copie à la Méjanes, collection
Peiresc, registre V, fol. 658.
La seconde femme du mai-échal était
Suzanne de Bassapat, fille du baron de Por-
deac, gouverneur de Verdun. Hoquelaurc
l'épousa en 1611 étant veuf de Catherine
d'Ornezan, épousée en i58i, alors veuve
du baron de Hoquebrun.
' Sur cette expression , que Peiresc aimait
à employer, voir à la Hn du tome III du
recueil de ses Lettres aux frères Diipiiy, la
Table alphabétique de» mots et locutions dignes
de remarque, ]>. 762.
[1633] À 1). GUILLEMIW 141
qu'il vouldroit l'aire, il a faict des choses qui ne sont nullemeul compa-
tibles à ce que l'empreinte nous a faict paroistre, particulièrement et»
la figure de l'x'Vdonis prétendu, où il a faict un chien à un lieu où
l'espaule et le consde sont irez nettement appai-ants, avec un peu de
drapperie au bout de l'espaulle derrière laquelle il se void je ne sçay
quoy qui tient aiilcunement de la teste d'un animal , mais si c'en est un,
c'est d'une panthère pluslost que d'un chien, car il n'a pas d'oreilles et
a la gueulle fort large. Et le vase qui est par dessoubz cette (igure
monstre bien que la panthère y seroil plus convenable qu'un cliieu.
Le pix est qu'il a faict la figure de ce prétendu Adonis d'une posture
quasi toute droicte au lieu qu'elle est quasi toute gisante, et d'un [sic]
excellante manière comme la Venus, laquelle neantmoings il a dessei-
gnée en posteure fort constraincte et incompatible aux elVetz de nature
et de laportraicture, aussy bien qu'au relief de l'agathe. L'aullre figure
gisante qu'il a faicte comme un Bacchus enfant n'y est j)as bien com-
patible, et sur l'empreinte paroit un homme faict et bien aliong»; et
allaisé, quoy qu'en perspective. Tellement que je suis apprez d'en
faire faire un dessein bien correct de la main de M' Fredeau sur l'em-
preinte, à quoy neantmoings le dessein de M'' Rabel ne laisra pas de
nous servir beaucoup tant pour les couleurs de la pierre, que |)our des
endroicis où l'empreinte n'a pas peu venir assez nette. M'' Fredeau y
donne encores un relief nompareil non seulement pour chascune figure
cl part, mais aussy pour le corps du vase et assemblage de toutes réci-
proquement et ensemblement. En somme il fault que vous desployiez
toute vostre rhétorique pour obtenir de cez dames que j'aye ce qu'il
me fault de cet aultre vase, avec quoy j'auray des assortimentz nom-
pareils, et si vous pouviez avoir l'empreinte de ce larnioir du s' de
Saint Julian je vous laisroys aller bien en paix à Bordeaux, car pour
Saint Denys je croys que vous en pourrez sortir plus facilement que
vous ne pensiez, si vous y employez M"' Flesche ou M'' Le Bay, n'y ayant
pas de grand travail à faire pour M' Babel, puisque la plus part des
vases sont sans figures, et touts simples, ou avec des goderons, car
pour le gros vase d'agathe M'' Babel me l'a aullres foys desseigné pos-
U2 ' LETTRES DE PEIRESC [1633]
sible mieux qu'il ne sçauroit l'aire à cette heure. La question irest prin-
cipalement que de prendre un peu de dessein de la forme des vases,
avec les couleurs de la pierre au mieux que vous pourrez. Voyant bien
que de vous charf^er meshuy d'un tableau à liuille comme je l'avoys
pensé, cela vous retiendroit Irop et n'en vauldroit peult eslre pas la
peine. Mais en toute façon il fault avoir une en)preinte exacte du creux
de cep'randvase d'ajjalliesur laquelle j'en veux faire mouHer un modellc
soit de piastre ou de melail, qui soit réglé, s'il est possible, pour sa juste
contenance avec l'original d'agatlie de Saint Denys, par le dehors du-
quel modelle je feray peindre les arbres et ligures qui sont en riîlief
sur l'original et les feray portraire sur le dessein que j'en ay.
Pour M' des Nœuds je n'en faictz ])lus gueres de capital sur la descrip-
tion que vous me faictes de sa boitte de cuivre avec toutz ces fillels d'or
et d'argent; toutesfoys si le cuy\re n est pas descouvert, ains s'il a du
vernix antique, je ne laisray j)as d'en faire grand cas, principalement
si la contenance respondoit au double du vase de M"" de Roissy bien
juste, ou i\ deux de voz escuellons plus gros, par dessus la mesure,
aussy bien justement, car j'ay veu de l'ouvraige bien antique fillette
d'or et d'argent quasi comme vous dictes, pourveu qu'il n'y paroisse
des lettres arabesques parmy il y auroit encores moyen de se consoler.
Mais s'il y avoit moyen de voir les vases du s' Ferrier avant qu'attendre
qu'il ayt rangé son cabinet', je le vouidroys bien, car cez rangemenfz
vont à des eternitez à des persones allairées, comme luy et connue moy.
11 fauldra plustost parler de vostre parlement, mais il fault pourtant
attendre l'issue de l'affaire de Mad'^ de Roquelaure de peur que cette
appréhension ne donnast subject de diminuer la confiance qu'elle pour-
roit prendre en vous, en vous laissant son vase avec moings de regret
que si elle entendoit que vous minutassiez un despart, tlt cerlaineriient
lis'agritlà du cabinet de Jér^mie Fer- aux niaius de son (ils, ollicier d'arlilleiie.
rier, le ministre protestant meulionné dans qui le laissa à sa sœur, fenune du lieutenant
le recueil Peiiesc-Duj)uy (t. 1, p. 73). A la criminel Tardieu. Voir le Dictionnaire tles
mort de Jéréniie (a6 septembre i(J-iG), son amateum françak du xiii' siècle |)ar M. Bon-
cabinet, riche surtout en médailles, passa nass»!, p. io5-io6.
[1633] A D. GUILLEMIN. 1/43
si vous pouviez vous destrapper de cez deux ou troys commissions, ies
affaires de Bordeaux requerroient fort vostre présence à ce que mon
Irere me vient de dire. Surtout ne laissez pas eschapper la chasse de
ce dernier vase d'agathe s'il est possible, et d'y observer curieusement
le dedans, et s'il a esté percé on non par dessous pour ne nous trou-
ver en la peine d'y retoucher une seconde foys comme en celuy de
M'' de Sourdys.
Si feu M'' le niareschal de Roquelaiire vivoit', il auroit esté bien
aise de m'obliger en cette occasion de tout ce que j'eusse désiré de luy.
Je suis bien aise du voyage de M' de Thon en Bourgoigne et me pro-
melz quelque chose de bon de ce costé là, si les pièces sont en estât.
Dieu aydant, mais je suis niarry que ne vous soyez servy de la coppie
au net de ma lettre à M'' de Roissy plus tost que de l'original , qui
estoit trop deffectueux pour des gents de si bon nez'^ Vous ne prinstes
pas bien garde à ce que je vous en escripvois. llfalloit plustost envoyer
quérir Quentin et la luy faire transcrire. En un besoing vous le pour-
riez encores faire, car M'' de Roissy ne feroit pas difficulté de la vous
prester soubs pi-etexte de la monstrer au marquis de Sourdys sur le
subject de son vase et de son Europe. Et aprez vous pourrez laisser
cette coppie à M' du Puy s'il la veult, et retirer celle qu'il pourroit
avoir faict faire sur l'original. Toutefoys si vous y trouviez de la dilfi-
culté , on se pourra passer de cette diligence. Nous attendrons en bonne
dévotion les livres et le bréviaire où je serviray l'amy comme il fault.
Et demeure.
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble et allectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
\ Aix, ci^ a8 mars i633.
J'escrij)ls à M'' Samuel Petit de Nismes et luy envoyé des lettres
pour M' Rigault, pour M' de Valloys et pour M' Le Grand. Mais s'il
' Antoine, liai'oti do RiK|iielaiuv, étail mort l«> 9 juin iCaS, plus qu'octogénaire. —
' (."est la traduction de \ ctnuiirtœ nnrin d'Horace.
U4 LETTRES DE PEIUESC [1633]
n'estoit là, vous pourriez cependant rendre celle de M-^ Rigault qui
presse d'ailleurs plus que les aultres. J'escripts aussy à M' Galand pour
l'empreinte de ce seau de Hugues Capet. M' du Puy vous présentera à
luy quelque jour soit chez lui ou au palais.
Si ne pouviez facilement trouver le s' Petit, il le fauldroit envoyer
demander à Charenton', un jour de dimanche, ou chez M"^ du Gandal,
intendant des affaires et deniers de ceux de la religion, chez qui il aura
sans doubte à traicter quelque chose.
Je vous prie de faire cachetter avec de la soye plalte de couleur telle
que vous trouverez bon les trois petites lettres tant de M' et de M°" de
Sourdys et de M"™, la mareschale de Roquelaure. Si vous pouviez ap-
prendre les couleurs qui leur sont plus agréables, il n'y auroit pas de
danger de les employer par preferance, principalement pour cez
dames; sinon prenez de l'aniaranlhe.
J'escripts aussy au frère de M' de Gastines en responce d'une sienne
lettre; s'il n'estoit là, son procureur vous donnera les adresses pour luy
faire tenir ma lettre sur laquelle vous adjousterez les qualitez que je
ne sçavoys pas.
Si vous pouviez servir M' Petit envei-s M' Le Grand et M' Lhuillier-
et aultres de mes amys, vous m'obligerez fort de le faire, et quand
vous diriez à l'oreille à M"^ Le Grand ce que vous sçavez de la bonne
disposition^, il n'y auroit pas de danger, et encores plus à M' de Bonne
pour le dire à M^"" le Garde des seaux afin de le faire protéger, car il
fauldroit par quelque bonne voye faire toucher à ce pauvre homme
l'argent qui lui est deub ou l'équivalent pour accélérer sa retraicte et
favoriser ses louables estudes. Je me suis dispencé de leur en escrire,
n'ayant encor osé le faire à Mk' le Garde des seaux que je ne voye
commant il aura receu les complimentz que je vous ay charjTé de luy
porter de ma part. Mais s'il tesmoigne d'agréer la recommandation que
' GhaientonSaint-Mauriee, près de Paris, ' Allusion à l'inlention que semblait
où Henri IV avait nutoristi les protestants avoir Samuel Petit de passer du protes-
(i"avril 1606) à transférer leurs assemblées lantisme au catholicisme,
religieuses quisetenaientauparavantiiAblon.
[1633] À D. GUILLEMIN. U5
luy pourra faire M' de Bonne, je ne laisray pas de i'en remercier le
mieux qu'ii me sera possible.
Vous mettrez, s'il vous plaict, des cachets à toutes cez lettres, me
trouvant trop pressé maintenant pour le fere fere. Aussy bien faut-il
qu'il les voye au préalable. En un besoing M'" le Nonce s'cmployeroit
volontiers pour luy, car je sçay que le cardinal Bagni le luy a recom-
mandé et au prevost d'Orange qui est prez de luy, mais il n'en fauil
pas parler sans nécessité et sans son adveu'.
LXIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Vous ne m'avez pas moings faict de plaisir en m'envoyant toutes cez
pièces du clergé, qu'aux aultres besoignes que vous m'avez faict faire,
car cela meritoit bien d'estre sceu punctuellcment comme vous le nous
avez faict sçavoir par ce moyen , dont je vous remercie de bien bon
cœur, mais j'ay eu un sensible desplaisir à l'advis de cet eslognement
du pauvre M'' le pr[esident] de M[esmes]^ que je plains infiniment et
encores plus le bon homme M"' de R[oissy] qui aura peine en cet aage
de résister à une telle douleur^. Je prie à Dieu qu'il le veuille bien
adsister et fortifier en l'ancienne et naturelle constance et générosité
de sa maison, attendant un temps plus propice et où ses mérites et
services puissent estre mieux recogneus. Il fault que je luy en escrive
et me trouve bien empesché par où me prendre, car j'en suis grande-
ment touché aussy bien que luy. Il fauldra neantmoins s'en acquitter et
le remercier par mesme moyen de son lamperon et de son inscription en
bronze puis qu'il a voulu que je les tienne de sa main. Je seray trez aysc
' Bibliothèque nationale, fonds français, ïallemant des Réanx n'a pas menlionnti ce!
noiivellesac([uisitions,5i7i, fol.Siy. Aulo- incident dans son liisloriclte , M. d'Avaiia; et
graphe. — Copie à la Méjanes, collection son/rère le prcsideiit de Mesme {LlV ,[). fiiS).
Peiresc, registre V, fol. 662. ' JeanJacques de Mesmes, seigneur de
' Henri de Mesmes fut monienlanétnent Roissy, était alors Agé de 79 ans; il ne devait
exilé de Paris à cause de son indépendance. . mourir que dix ans plus tard (3o oct. iGia).
V. 1()
i^pniMLr.ie ^■\Tîo^u^.
146 LETTRES DE PEJRESG [1633J
de revoir M"" de la Forest et M' le prevost Aguilleiiqui. Et encores
plus s'ils se peuvent charger de ce que M' des Nœuds veult envoyer à
qui il n'y auroit pas de danger de dire que les aullres moindres pièces
pourront s'envoyer plus facilement par toutes voyes que cette boitte,
qu'il seroit bon de confier à des persones de qualili'! et bonne discrétion
[plus test] qu'à d'aultres. Mais je ne pense pas que celte lettre y puisse
arriver à temps avant le parlement de M' de la Forest et de noz députez.
Je suis bien marry du retardement des lettres, mais il vault mieux
en passer par là que de se laisser rançoimer comme on faict de deçà,
que tous les ordinaires nous en avons pour un escu ou deux. Il fault
souffrir quelque inconveniant et choisir le moindre. Il ne sera pas de
besoing de me r'envoyer mes lettres, tandis que vous croirez qu'elles
vous servent ou puissent donner du soulagement à vostre mémoire et
à vos soings, soit à Paris ou à Bordeaux, il suffira de soigner qu'elles
ne se perdent, au moings celles qui contiennent des meniniic^ (pii
peuvent servir une aultre foys.
Quant au voyage de Bordeaux, il ne tiendra pas à moy que vous
ne le fassiez quand vous vouldrez, car je me despartiray facilement
du reste. C'est la vérité que si vous pouviez auparavant sortir de cette
affaire de Saint Denys et de celle de M"* de Koquelaure, j'en seroys
grandement aise. Car pour celle du s' Buon ', vous la pourriez remettre
à vostre retour que vous aurez des fonds en main.
Vostre curé vous escript; il avoit eu quelque appréhension du voisi-
nage de Puymisson, mais on y a mis fort bon ordre Dieu mercy et croid
on que ce ne sera rien de dangereux. Sur quoy je finis demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre Irez humble et Irez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce h avril i633'.
' Quelque afl'aire de comptes de iibi-airle. ' Bibliollièqiie nationale, fonds français,
Voii' dans le reciioil Peiiesc-Dupuy de nom- nouvelles acquisitions , 6171, fol. 5 1 9. Auto-
breuses mentions du nom de Nicolas Buon graphe. — Copie à la MfÇjanes, collection
et de celui de sa veuve. Peiresc. registre V, fol. 666.
[1633] À D. GUILLEMIN. U7
LXIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay recen vostrc despesche du premier de ce mois avec les lettres
de Mess" Marchier, des Nœudz, Tristan et Valloys, à pas un desquelz
je ne sçauroys escripre pour le présent à mon grand regret à cause
d'un peu de rhume qui me tombe sur les yeux, et qui me contrainct
de remettre la partye à la sepmaine prochaine Dieu aydant. Cependant
j'ay esté infiniment ayse d'apprendre le bon accueil et la favorable au-
dience que vous eustes chez M^' le Garde des seaux par le moyen de
M''deBaulnequi m'a escript une fort honneste lettre veniie soubz l'en-
veloppe de Me' l'Archevesque'. Je luy faictz rcsponce et vous prie d'y
suppléer en la luy baillant tout ce que vous trouverez à propos. Je vous
envoyé une depesche que j'avois faicte hier avant mon mal des yeux
pour Mous' Servient^ et pour M' Imbert, son i" commis, ayant esté
contrainct d'y en joindre une aultre aujourdhuy non sans une grande
violence à mes yeux tant pour Monsieur Servient que pour Monsieur de
l'Avrilliere ^ et pour Mons' Orcel son commis sur le subject que vous
pourrez voir avant qu'achever de les clone. Et puis je seray bien ayse
que vous les rendiez toutes en main propre s'il est possible. Que si par
hazard vous ne le pouviez pour le ti'op pressé despart du Roy et de
la Cour pour le voyage de Metz, il fauldroit vous en descharger sur
quelque amy comme pourroit estre M' de la Forest s'il suyvoit ou
quelque aultre de vostre cognoissance ou de la nostre tel que pourroit
estre Mous'' le Pelletier*, s'il faisoit le voyage. En unbesoingM"" Aubery
prendroit bien la peine d'addresser à son bon amy M'' Orcel tant la
lettre que j'escriptz audict s'' Orcel que celle que j'escriptz à Mous' de
l'Avrillierc son maistre, et pour celle de M"' Servient il suiïiroit en un
besoing de l'addresser à luy mesmes, ensemble la lettre de M'' Imbert,
' Louis de Bretel, sur lequel on peut voir le recueil Peiresc-Dupuy. — '" Sur les divers
personnages nommés en cette page voir le même recueil.
'9-
iàS LETTRES DE PEIRESC [1633]
car pour celle de Fagoiie s'il n'estoil à Paris il faudroit addresser la
lettre audict s' Imbert qui la luy fera tenir quelque part qu'il soit.
Nous attendrons en bonne dévotion la balle du s"" Moreau ' puisque
vous y avez faict enfermer le vase ou boitte de Mons' des Nœudz et se
fauldra armer de bonne patience. Je ne suis pas marry que M' Peru-
clieau ayt part à l'achept du cabinet de M' d'Effiat^ avec le s' Ferrier,
car jepourrois peut estre bien entrer en traitté avec luy plutost qu'avec
l'aultre si les vases venoient à sa part.
Je plains le pauvre bon homme Savot, s'il est dans la nécessité qu'il
vous dit'. La lettre du P. du Chesne luy a esté envoyée à Marseille
fort seurement, mais vous m'avez infiniement resjouy par la bonne
espérance de vie que vous me donnez pour le pauvre M"" Armand, à
qui j'en souhaitte aultant qu'à moy et au double et avec cette bonne
bouche je finis, demeurant,
Monsieur le Prieur,
voslre trez alfectionné serviteur et meilleur amy,
DB Peikesc.
A Aix, ce 11 avril i633*.
LXV
MÊME. ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay eu vostre depesche du 8* de ce moys avec les beaux desseins
des fleurs de M' Robin, que je n'ay pas trouvé moins belles que mon
frère. J'aurois bien eu à vous entretenir ceste foys cy, mais je ne le
" Sur ces deux pereonnages , voir le re- collectionneur gêné par de trop nombreux
cueil Peiresc-Dupuy. achats : ^11 a plus de médailles que de mon-
' Le docteur Louis Savot n'était alors âgé naie.-n
que de 89 ans. C'était presque l'âge de Pei- ' Bibliothèque nationale, fonds français,
resc, né seulement un an plus lard que le nouvelles acquisitions , 5171, fol. 5 20. Ori-
nuraisraate. On pouvait sans doute apphquer ginal. — Copie à la Méjanes, collection Pei-
à Savot le mot qui a été dit plus tard d'un resc, registre V, fol. 668.
[1633] À D. GUILLEMIN. 149
sçaurois faire pour les divertissemenlz inesvitables que j 'ay euz par la
veniie inopinée de M"" l'Evesque de Marseille \ qui n'avoit encore peu
trouver de relasclie parmy ses continuelles gouttes pour venir salluer
Monsieur le Mareschal ^ de sorte qu'il me faudra remettre au prochain
ordinaire tout ce que j'avois à faire par celluy cy, et particulièrement
la despesche que m'a demandé M"' de la Noue, pour laquelle j'eusse de
fort bon cœur quitté toute aultre sorte d'occupation, et m'attendois d'y
pouvoir vacquer à ce soir, mais j'avois compté sans l'hostc, et me suis
trouvé si las et si recreu que je ne pouvois quasi pas haulser les bras
non plus que les jambes. Je pensois aussy escripre à Mons' Marchier
touchant la belle bague du chef Saint Pierre et le remercier par mesme
moyen de sa favorable intercession envers M"" du Tillet, à qui il me
falloit pareillement escripi'e, sur les honnestes compUmentz qu'il vous
avoit faictz pour m'obliger, mais je ne le sçaurois faire de ce coup à
montrez grand regret, non plus que d'escripre à M' Savot que vous
pourrez neantmoins remercier de ma part s'il est encores là, estant
marry qu'il se soit deffaict de sa petite pièce d'argent minerai, laquelle
j'eusse prisée davantage que celle d'or. Je suis bien ayse que vous ayez
faict voir à M' Petit toutes les lettres que j'avois escriptes pour luy avant
que les clorre, et s'il y avoit moyen que le poussiez servir vous m'obli-
geriez bien davantage. Nous attendrons en bonne dévotion la veniie
des balles du s"" Moreau et des bardes de M'' Aguillenquy* aussy bien
que de la balle que vous aviez desja addressée à Lyon, et demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre Irez aflectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 18 avril i633*.
' François de Lomdnic , dont il est si sou- ' Bibliothèque nationale , fonds français ,
vent question dans le recueil Peiresc-Duj)uy. nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. Sa 9 . Ori-
' Le maréchal de Vilry. ginal. — Copie à la Méjanes , collection Pei-
^ Le protonotaire Ag;uillciiquy, prëvôt resc, registre V, fol. 670.
de Barjols. Voir le recueil Peiresc-Du])uy.
150 LETTRES DE PEIRESC [1633]
LXVI
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay pris un grand plaisir à vcoir la description que vous m'avez
faicte de ce larmoir antique d'csmail, enrichy de si belles figures, qui
sera bien plus grand. Dieu aydant, lorsque nous aurons moyen d'en
voir le dessein et le mesurage et le seroit encore au double s'il s'en
pouvoit avoir un peu d'empreinte de quelque façon que ce peusse estre,
afin d'y pouvoir recongnoistre l'excellence de la manière et le temps à
peu prez que l'ouvraige en pouvoit avoir esté faict. Ce qui ne se peut
pas imiter sur un sinq)le dessein. Vous verrez ce que je luv en escripz
sans le presser formellement de l'empreinte dudict vase, de peur de luy
estre par trop importun. Mais il pourra bien neantmoins recongnoistre
que ce n'estoit pas sans juste cause que vous luy en aviez faict instance
de ma part et que quand il m'en eust faict la faveur il n'avoit point à
appréhender d'en avoir du reproche de la part de son maistre, non plus
que d'aulcun aultre, estant jaloux et ponctuel comme je suis, à ne me
point dispenser de rien des ordres de mes amis, et à ne me point van-
ter des faveurs que j'en reçois, qui j)ourroient estre tirées à mauvaise
conséquence par d'aultres, ce que j'ay tasclié de luy inculquer sur le
propos des camayeulx et aultres pièces sans parler du vase, et par
mesme moyen luy ay parlé de les mettre en despouille quand ils n'y
sont pas.
Quant au vase de Madame de Roquelaure, de quelque costé que
nous en vienne la communication il nous importe fort peu, pourveu
que nous l'ayons plustost que plustard, à cette fin que vous ayez moyen
de faire vostre voyage de Guyenne avec moins de regret, et ne seray
poinct marry que vous y employez le crédit de M"^ le Cardinal de Lyon,
ny que vous luy monstriez ce que vous avez extraict de ma lettre à
Mons»^ de Roissy, puisque vous avez creu que cela vous y servit, encores
que j'aye bien de la peine à nie persuader que ce bon prélat se puisse
[1633] X D. GUILLEMIN. 151
donner la patience d'en voir trois lignes; je n'ay encores peu fouiller
dans mes livres, pour y chercher une chose qu'il me semble y avoir
veûe aultresfois concernant les rayons des armoiries qui se voyent sur
sa bague lesquelz ne peuvent pas quadrer aux armoiries du pape qui
vivoit lors de la datte qui y est gravée, mais bien à celles d'un certain
evesché d'Allemagne pour l'usage de laquelle ceste bague pourroitbien
avoir esté fabriquée, principalement si on pouvoit veriffier que le filtre
de l'Eglise cathedralle fusse soubz la fondation de saint Pierre, dont il
se faudra esclaircir avec le secours des libvres et possible en faire
escripre sur les lieux. Cependant je tascheray d'escripre à Monseigneur
le Cardinal ^ un mot de remerciement trez humble de ses débonnaires
et charitables offices en mon endroict, ensemble à M"" Marchier et à
M' le Prieur de Moustiers sur ce que vous me dictes.
M' le prevost Aguillenquy arriva hier au soir, et m'envoya inconti-
nent'ce large fagot dont vous l'aviez chargé, qui est venu fort bien con-
ditionné Dieu mercy. Mons'' de Rossy de Lyon in'escript qu'il a roceu
le ballot que vous luy aviez addressé, et qu'un mulletier de ceste ville
le debvoit venir prendre le mesme jour ou le landemain. La question
sera de voir arriver celluy de Mons"' d'Agut dont je seray un peu
plus en peine parceque vous ne m'avez pas mandé en quel temps le
s"" Rayole pensoit le faire partir, car pour celluy des s'^Moreaux je crois
bien qu'il ne le fauldra pas attendre d'une bonne quinzaine de jours.
Les lettres de recommandation pour M'' de la Noue que je pensois
envoyer par le dernier ordinaire n'arrivèrent pas à temps à mon grand
regret. Il les aura par celluy cy, dont je vous prie de luy faire mes
excuses trez humbles et à M"" Armand, vous asseurant que je fus
grandement consolé à la réception de la lettre qu'il luy avoit pieu
m'escripre, sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre Irez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce aS avril i6.33.
' f.e cardinal di' Lyon, Alidionse de Riclielieu.
152 LETTRES DE PEiKESC [1633J
[De la main de Peiresc] Je vous prie d'envoyer Quentin chez M"^ du
Cliesne pour transcrire un petit livre intitulé : Gesta poiuifwtiin Tliolosa-
norum • et l'envoyer à M"" de Gyron à Thoulouse par M"^ l'Advocat gêne-
rai son frère qui est là. Et faictes payer Quentin de sa peine^.
LXVII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay prins un merveilleux plaisir d'apprendre par vostre despesclie
du 2 2'' du passé l'honnesteté avec quoy Mons"" le Cardinal de Lyon vous
avoit procuré et confié ce précieux vase de Madame la Marcsclialle de
Roquelaure , dont je suis grandement fier et dont je n'ay pas voulu man-
quer de luy rendre mes remerciemeniz trez humbles, ensemble d'une
fort honneste depesche qu'il m'a faicte de mesme datte que la vostre,
sur les mesraes propositions qu'il vous avoit faictes de mon voyage en
Cour, sur quoi je luy faiclz la responce que j'ay estimé luy pouvoir
faire. Je ne sçay ce que mon frère lui en dira de Marseille où je luy'
ay envoyé ma lettre aussy bien que celle qui estoit escripte à luy. Il me
tardera bien de voir les desseins que vous faictes faire de ceste pièce
et encore plus le modèle de l'empreinte sans laquelle il seroit peut
estre impossible de congnoistre et deschiffrer les ligures que vous me
descripvez. C'est pourquoy je vous conseille en toute façon de le faire
mouUer et de n'y rien appréhender, car la dextérité du s"" Sergent vous
servira de bon garend, et quand aulcunes des petites pièces qui y sont
enchâssées se descnchasseroienl, il ne vous manquera pas d'assez bons
orfèvres pour les renchasser aussy proprement que devant.
Gomme on le voit un peu j)lus loin - Bibliothèque nationale, fonds fiançais ,
(lettre LXX), il s'agissait là d'un manu- nouvelles acquisitions, 5171, fol. 697. Ori-
scrit de Bernard Gui , le fëcond écrivain au ginal. — Copie à la Méjanes , collection Pei-
sujet duquel il suffit de citer la mémorable resc, registre V, fol. 679.
dissertation de M. Léopold Delisle.
[1633] À D. GUILLEMIN. 153
J'ay prins aussy bien grand plaisir de voii- la description que vous
me faictes de cet escuellon de bronze antique de Monsieur, mais s'il
n'y a moyen d'en avoir l'empreinte nous serons bien mortiffiez et l'aul-
. dra nous resouidre à la patience et nous y préparer à l'advance, car je
crains bien que vous ne puissiez pas vaincre le scrupule pour ne dire
la dureté de l'humeur de M"' de Saint Jullian à qui je pense que vous
feriez bien si vous aviez monstre ce vase de Madame la mareschalle de
Hoquelaure ou celluy du marquis de Sourdys si vous le recouvrez une
seconde foys pour luy faire voir la confiance que l'on prent en vous de
chose pour le moins aultant et plus précieuse que celles dont il est si
jalloux. Je ne pense pas que son larmoir de verre blanc et bleu soit
venu du cabinet du cardinal del Monte, quoyque l'on vous aye dict, car
c'esloit un vase plus gros que ma teste, lequel j'ay veu dans Rome chez
ledict cardinal. Et en ay l'empreinte que vous avez veûe sur laquelle
M' Fredeau m'a faict la grizaille que j'avois à Boysgency, et il est bien
véritable que le cardinal del Monte en avoit faict légat dans son testa-
ment en laveur de Monsieur, mais comme sa maladie fut longue, ses pa-
rentz luy feirent faire ung testament postérieur en temps qu'il ii'avoit
plus de souvenance de la bonne volonté qu'il avoit eiie pour Monsieur,
de sorte que le légat estant demeuré pour non faict le vase demeura h
ses héritiers qui le vendirent six centz escus au cardinal Barberin lequel
en est encores saisy, de sorte qu'il ne fault pas s'attendre d'avoir du
costé de Rome l'empreinte de ce larmoir, si l'on n'a de meilleurs et plus
certaines addresses du lieu d'où il est sorty, estimant que si le cavallier
del Pozzo l'avoit faict mouller, il m'en eust sans doubte envoyé l'em-
preinte comme il a faict de l'aultre plus grand vase, qui ne fut mouHé
qu'avec de la simple argile ou terre grasse laquelle fut incontinent esten-
due sur un aix de toute sa longueur et puis on y jetta par dessus du
piastre tout fraiz, sur lequel j'ay faict reddresser une empreinte en
plomb de la vraye forme du vase. De celle mesme forme on pourroit
bien impunément mousler ce larmoir et le vase du marquis de Sourdys
en leur pi-esence mesmes, sans appréhension de rien gasler. Si M' Gal-
land tient sa ])romesse il me fera une grande faveur et vous aussy.
MO
IHPfllHKRIX IIATIOXAI.K,
154 LETTRES DE PEIHESC [1633J
Mon frère lut liier receu à Marseille avec un tel applaudissement
que de nieuioire d'homme il ne s'en estoit pas veu de semblable en cas
pareil'. J'estime qu'il vous en aura escripl de là. Ce que je vous avois
dict de la boitte de M'' des Nœudz n'estoit pas pour avoir trouvé mau-
vais que vous l'ayez mise dans les balles de M' Moreau, mais seulement
de ce que vous n'aviez peu prendre la commodité de la malle du cou-
sin Aguillenquy ou de M"" de Thorenc ou du s"" du Fuy qui venoienl
un peu moins lentement que les balles de marchandise, ayant receu par
M'' Aguillenquy le cahier des vases de M"" Aubery et par M'' du l'uy les
chartes de M''Tavermer^ le tout fort bien conditionné. M"" deHossy m'a
escript de Lyon qu'il avoit receu vostre ballot et qu'il faisoit estât de
me l'envoyer par le retour de Fillastre que je luy escrivois luy avoir
addressé.
M' d'Agut n'a point encore de nouvelles de sa balle, mais je crois
bien que si elle est partye en mesme temps que la mienne, elle ne tar-
dera pas de la suyvre, sur quoy je tiniray demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et nieiiieui- amv,
DE Peiresc.
A Aix, ce a inay i633.
[De la rmin de Peiresc.'\ Je vous envoyé un petit extraict d'une
légende de l'église de Digne pour saint Chrisostome, afin que quand
vous irez en Guienne si vous passiez à Saint Jean d'Angely ou en autre
lieu où vous trouvez des religieux qui y ont leur correspondance,
vous vous puissiez enquérir s'ils y ont rien qui aye du rapport à ce que
l'on a mis par escript en cette légende. Cependant vous pourrez à Paris
Installation rrdans la charge de viguier janes en regard de la phrase où Peiresc
ou gouverneur de la \ille qui n'est qu'an- annonce le Irioniplie de Valavez.)
uuelle, et d'un gentilhomme des plus qua- ' Charles pour caries de géographie. Sui-
Ufiez de la province fait par esiection de le marchand dcstanipes MelchiorTa\ernier.
la ville. Cette charge a esté abolie en 1660.» voir le recueil Peireso-Dupuy (l. l,p. 18) et
(Note mise à la marge de la copie de la Mé- passim.
[1633] À D. GUILLEMIN. 155
en communiquer avec M'' du Cliesne, et le H. I'. Dom Jean tie Saint-
Paul Vassan des Feuillans', et aux moynes qui y pourroient eslre de
cez quartiers de Saint Jean d'Anjjely, pour voir si en pourriez ap-
prendre aulcune trace, ou bien du costé d'Angers, ou d'autre lieu qui
approche du nom de Anigeris-.
I.XVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu par l'ordinaire vostre despesche du 29, pour supplément
bien convenable à celle du jour précédant que le Viguier de Biigiiole
m'avoit rendue trois jours devant avec les desseins, empreinte et mo-
deile de ce vase d'Onyce qui est inestimable à mon sentiment, et sur
quoy j'avoys bien deviné ce que vous me dictes par vostre dernière
desj)eschc de la deuxiesme ance dont j'avoys descouvert les fondements
sur l'empreinte soubs l'encliasseure du diamant et dont j'avoys délibéré
de vous escrire, pour y prendre garde de plus prez, de sorte que
vous avez fort opportunément prévenu mes demandes pour ce regard
et m'avez bien contenté en cette recherche, la mesure de cette pièce
s'estant trouvée si juste pour le Gyathe de xn drachmes, et si conve-
nable au temps de la sculpture des Camayeuls qui y sont gravez ainsin
que l'empreinte le faict recognoistre, qu'il n'y reste rien à désirer, si
ce n'est que si pour ne pas mespriseï" les offres du marquis de Sourdis
vous acceptez de reprendre cette pièce, il fault voir de faire mouUer
à part en plomb, ou aultremenl, en piastre ou en argille l'endroit qui
respond à l'image de l'arbre, à cause que le metail a soufflé en cet eii-
' Sur Jean de Vassan , voir une longue ^ Bibliothèque nationale , fonds français ,
noie dans le recueil Peiresc-Uupuy (t. 1, nouvelles acquisitions, 6171, fol. Sgç). Ori-
p. 90). Lie nom du moine feuillatit est encore {jinal. — Copie à la Méjanes, collection Pei-
plusieiu's fois mentionne dans le même resc, registre V, fol. 678.
recueil.
156 LETTRES DE PEIRESG [1633]
droict là, et m'a envié la veiie bien nette tant de l'Amour qui est en
l'air que de l'autre qui a attaché et garrotté les bras de la pauvre Psy-
ché sur ses reins, où est le plus notable mystère de toute la pièce que
je pense pouvoir interpréter fort exactement, s'il plaict à Dieu. Je vous
prie de voir aussy, sur l'original, s'il n'y a aulcuns vestiges de rouages
soubs le siège de cet autre Amour qui semble se vouloir faire traisner
par deux papillons, pour faire (|u'il soit sur un charriof, car je n'en ay
rien peu recognoistre sur remj)reinte ne sur les desseins, lesquels en
aucuns des 6 façades n'ont poinct bien représenté assez nettement la
forme de la biche qui est auprez de la Diane, joignant son frère Apol-
lon, lesquelz en cet endroict là ont quelque rapport au jour et à la
nuict.
Mais il y a une autre chose à bien considérer et faire examiner par
des orfèvres bien expers, pour bien vérifier si le pied est tout d'une
pièce, et d'une mesme nature de pierre avec le corps du vase, car
oultre ce que vous me dictes qu'il n'a rien de creux par dessoubs. ce
que les anciens ne faisoient jamais, comme vous et moy avons deviné
que la forme de l'une des ances du vase requeroit qu'il y en eusse une
autre semblable de l'autre costé je pense que par la mesme consé-
quence nous pouvons conclurre que ce vase estoit de ceux qui u'avoient
poinct de pied, et qui debvoient estre p'oinctus par embas [sic) pour
se pouvoir ficher sur des machines percées de la proportion requise
pour les tenir debout. Les orfèvres ou lapidaires jugeront cela facile-
ment sur la couleur ou transparance ou opacité de la pierre du pied,
ou de la patte ou patturon, plus ou moings brune, ou espoisse, en l'un
qu'en l'aultre. Mais j'ay certainement bien du regret que ne l'ayez peu
ffùre voir entre voz mains au s' de S' Jul[lian] et à M"^ de Roissy, à qui
je pensoys rescrire, mais la venue de M' de Grequy* et de tout plein
de suitte, qui m'ont tenu tout le jour, m'en ont osté le moyen. 11 faul-
G'élait UQ conseiller au parlement de vingHetlresî'crilesparce magisliaUleiëaô
Bordeaux, qui fut un des correspondants et à 1687. A ces vingt lettres sont jointes
amis de Peiresc. Voii' dans les minutes de deux lettres de Peiresc au commandeur de
i'inguimberline, registre IV, fol. 761-770, Forbin, parent de M' de Monts.)
[1633] À D. GUILLEMIN. 157
dra que ce soit par le prochain, Dieu aydant, que j'escriray aussi à
M' des Nœuds, dont vous avez fort bien jugé sa boitte moderne, le de-
dans estant encores tout vermeil neuf, mais je ne laisray pas de le
remercier cora'il fault, ayant trouvé beau le vase avec l'inscription
AVETE. L'autre noir en forme de canthare que j'eusse bien estimé
s'est tout fraquassé, parce que la boitte n'estoit pas assez haulte pour
le contenir à son aise. Dans l'autre boitte le vase de M"" Gault est fort
bien venu, et s'est bien trouvé de mon «joust, avec sa belle ance, en-
cores que le mctail en soit si aigre qu'il n'y a pas eu de moyen de le
redresser, et fa«'e renfler ces bosselleures, à quoy j'employois à ce soir
les plus expers ouvriers du sire Ante Escavard, mais la pièce eusse
saulté; de sorte qu'il a fallu tout quitter et laisser la mesure imparfecte
à mon grand regret. J'escriray aussy par le premier Dieu aydant à
M"" Gault et à M" Vivot encores pour les remercier, vous ayant renvoyé
le vase dudict Vivot dez ce matin par le filz du procureur Gaillard,
qui s'en chargea hier au soir lequel est party aujourd'huy avec le fdz
de Saurai et un autre. Et si j'eusse plustost sceu que ledict Vivot l'eusse
redemandé, il l'auroit receu long temps y a, car je n'en ay rien apprins
que par vostre dernière despcsche du 29 qui arriva sammedy et le
lendemain je le consignay à Gaillard pour m'en deschai'ger. Tenant
indubitablement cette pièce pour moullée, et qui pix est je me doubte
fort qu'elle soit moullée sur le moderne plustost que sur l'anlique.
Toutefoys si la pièce estoit à vendre pour ce qu'elle est, c'est-à-dire
pour moullée, je ne ferois pas difficulté d'en payer une bonne demy
douzaine d'escus. Mois j'estimeroys bien perdu tout ce qui s'y em-
ployeroit par dessus c^la.
La caisse est aujourdhuy veniie de Lyon où tous les livres estoient
fort bien conditionnez, mcsmesles petites republiques, et le libvrein-6°
qui estoit dans la mesme boitte quarrée, dont jay bien de l'obligation
à celuy qui m'en a voulu faire la charité, mais dans la boitte de M' Vi-
vot cez plais de terre blanche ont esté tous fraquassez, et la boitte
estoit toute en pièces. Son escrittoire de bronze avec ses chérubins ne
sçauroit estre antique en façon du monde ce que vous aviez bien jugé.
158 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Mais son vase est bien tant plus asseurement bon et antique et seroit
meilleur s'il se pouvoit redresser. Il fauldra escrire à tout ce monde,
et à Ms' le Cardinal de Lyon encores Dieu aydant par le prochain. J'ay
faict rendre à Blanc le paquet de M' de Monts et retiré de luy ma lettre;
il voulut envoyer celle de M' le command[eur] de Fourbin '. J'escrirav
par le prochain ne se pouvant à cette heure. Jay receu les semances
de M' Robin bien conditionnées; si elles fussent veniies un peu plus
tost, la saison eust esté bien meilleure de les planter. Mais nous en
bazarderons quelques-unes pourtant. Je vous remercie de la lettre de
Me' le G[arde] d[es] s[ceaux] et en remercieray M' de Baulne Dieu ay-
dant. Sur quoy je vous donne le bonsoir, demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy.
\ Aix, ce 9 inay iC.'JS'.
DK PeIRESC.
LXIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
Eu vous accusant la réception et remerciant de vostre despesche du
6 de ce moys je ne vous diray rien de plus que ce que vous pourrez
voir aux lettres que je vous adresse tant pour les sieurs Gault et Vivot,
que pour M" de Baulne et Marchier sur l'expédition des pauvres bons
pères ïrinilaires deschaussez que je leur recommande, et pour laquelle
je vous prie d'employer M' le Pr[ieur] de Moustiers, pour obtenir les
lettres qu'ils désirent en forme commune, comme d'un simple pareatis
afin que Ms'' l'Eminentissime Cardinal de Lyon puisse exécuter leur
brief apostolique, adressé à S. Eminence. Me' le cardinal de la Val-
Voir le recueil des Lettres de Peiresc sitions, 5171, foi. 6oi. Autographe.— Copie
aux frères Dupuy, passim. h la Méjanes, (■ollection Peiresc, registre V,
Bibliothèque nationale, nouvelles acqui- fol. .68a.
[1633] À D. GUILLEMIN. 159
lelte, leur protecteur', en avoit cy devant tiré parole et adveii du Roy
et de Ms' 1 Em[inentissi]me cardinal duc de Richelieu, ensemble de
M"" de ChasleauneuC-, mais celuy-cy y apporta tant de longueurs que
cez pauvrez genz, par nécessité, furent contraincls d'abandonner le tout.
On fit mesme former une certaine opposition par un certain religieux
non reformé qui ne l'a jamais poursuyvie, et qui eust deub se former
s'il avoit rien à dire par devant Ms' le Cardinal de Lyon, exécuteur du
brief de Sa Sainteté. Si on vouloil reveiller cette poursuitte, je vous
prie de faire comprendre que plustost il fauldroit mettre la clause sans
préjudice de poursuyvre l'opposition devant ledict seigneur Cardinal
ou bien devant les parlements de Renés et de Provence où sont les
monastères. Et faictes y je vous supplie tout ce que vous pourrez, sur
quoy s'il falloit payer le seau, je le rembourceray trez volontiers, et se-
ray à jamais,
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble serviteur et meilleur amy,
DE Peihesc.
A Aix, ce 1 (i iiiay 1 633.
J'ay recouvré d'excellentes essances de fleur d'orange dont je vous
feray une boitte par le premier amy pour voir si cela pourroit vaincre
ce M"" de Saint Julian^.
' Sur Louis de Noguret, caidiiial de la trois tomes du recueil Peiresc-Dupuy,pa««'«j.
Valette, voir le tome 1 du recueil Peiresc- ' Bibliothèque nationale, fonds français,
Dupuy, passitn. nouvelles acquisitions , 5171, fol.6o3. Auto-
' Sur le secrétaire d'État Charles «le l'A u- graphe. — Copie à la M(?janes, collection
bespine, marquis de Châteauneuf, voir les Peiresc, registre V, fol. 686.
160 LETTRES DE PEIRESC [1633]
LXX
MÊME ADRESSE.
Monsieur le Prieur,
J'av veu avec grand plaisir envostre despesche du i3°^le mesurage
que vous avez faict de ce larmoir, qui approclie fort de celuy d'Ala-
bastre que vous nj'avez veu deschiffrer, ce qui me fera attendre en bonne
dévotion les desseins de cette pièce. Vous avez merveilleusement bien
prins vos mesures pour rendre noz lestres à M^ le Cardinal de Lyon
et à M"" Marchier et autres, et pour trouver du sagrin verd de mer de
Perse, dont je n'ay pas manqué de remercier M" du Puy, attendant de
le leur remplacer comme je l'espère, de deux pour une, par la pre-
mière commodité d'amy, mais pour le papier de Turquie je ne sçay si
je le pourray au moings sitost.
Vous avez pareillement trez bien faict de remettre à M' de Cyron
l'exlraict que vous aviez faict faire des Evesques de Toulouse de Bernar-
dus Guidonis', car nous n'avons pas icy des commoditez j)our ce pais là'
que trez rares. Je vous remercie de ce soing et de tant d'autres que
vous y joingnez incessamment, mesmesdes recherches que vous faictes
de cez mémoires de Digne auprez de toutz cez Messieurs qui en peuvent
avoir notice et de ce qu'avez faict pour M"" Petit que nous attendrons
en bonne dévotion. Mais ce sera bien en meilleure et plus grande au
centuple que nous attendrons M' le marquis d'Alluye avec son vase, dont
je vouidroys bien avoir la veiie plustost que plus tard, et encores plus
de celuy de M"" la mareschalle de Roquelaure.
Nous attendrons patiemment aussy la venue de M"" Fagon et de la
balle du s"" Moreau, ayant receu les œuvres de Golzius^ avec le Mercure*
L'extrait du manuscrit Geste ponii/îcttm du recueil Peiresc-Diipuy, p. 435 et sui-
Tholosanorum dont il a été question plus vantes.
haut (lettre LXVI). ' Le Mercure français déjà souvent cité
Siu- Hubert Goltzius , voir le tome II dans les précédents volumes.
[1633] À D. GUILLEMIN. 161
et autres choses dont l'aviez chargé et tost aprez le livre du père Sir-
mond^ et autres pièces du clergé par le s' Rayole, et en mesme temps
le gros bréviaire d'Auteman fort bien conditionné ayant esté certaine-
ment bien honteux de le voir si pesant, dont il ne s'est pas voulu
laisser rembourcer. Cez Maureaux^ ne me font payer que cinq sols
la libvre rendue ïcy, que je ne trouve pas plus cher que quand les
adresses viennent directement à moy par les rouUiers, voire j'y trouve
bien à profTiler.
Je n'avois pas creu que cez gentz qui estoient noz parents si proches
eussent courage d'estre si mal courtoys, et de refuser ce que ne refusent
pas ceux qui ne nous sont rien. Quand il s'en trouvera de bonne voille,
il n'y aura pas de mal de s'en prevalloir, mais quand ils feront les
rencheriz il les fault laisser. Je trouve la commodité de cez Mess" les
Moreaux fort bonne et plus prompte que le commun des roulliers à
cause du soing de leurs respondants.
M"' Noël désire de faire légitimer sa petite bastarde, il vous en cscript
et à M" d'Aubray, maistre des requestes^. Il fault voir deluy faire faire
cette expédition aux moindres fraiz que faire se pourra, et le prendre
sur la lettre de crédit de M"' de Gaslines, payable par moy ou par ledict
s"" Noël comme employé à ses affaires. En un besoing M' de Baulne ne
s'y employera pas mal volontiers. Et je tascheray de luy en escrire un
mot par cet ordinaire ou par le prochain. Cependant si le Conseil n'est
party, possible que vous aurez veu M' d'Aubray qui s'en vouldra char-
ger à mon advis, au moings du soing de la faire passer au seau, en
cas qu'il y eust de la difficulté, ce que je ne croys pas trop facilement
n'y ayant rien en son faict qui ne soit en termes fort communs.
M"" Mencstrier de Rome m'a faict grande instance de luy faire achep-
ter deux cents chastaignes des Indes, qui se vendent à Paris passé le
pont neuf à main droicte vers la vallalerie* (je crois qu'il veuille dire
' Antirrfielicus.DeCa)ioneAratisicano,elc. Moreau déjà souvent mentionnds dans ce
Voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. II, volume et dans les précédents,
p. 509. ' Voir le recueil Peiresc-Du|)uy.
' Les libraires ordinairement appelés ' Peircsc a souligné le mol d'une rangée
V. ai
IM fit) U ERIC ^ATiniULn.
162 LETTRES DE PEIRESC [1633J
la vallée de misère) chez un vendeur d'oyseaux , qui les baille à dix frans
le cent. D'autres les appellent chastaignes de mer, dont on se sert à
porter du tabac en pouldre. Je vous prie de m'en envoyer et d'y en
adjouster quelque douzaine de plus du compte de deux cent et me les
faire tenir par la plus prompte commodité que vous pourrez.
J'ay receu les deux pacquets adressez à Dom du Puy' à Home et suis
bien marry qu'ils ne soient venus à temps avant le partement des galères.
11 fauldra attendre quelque autre commodité et le mal est qu'elles ne
sont pas fréquentes en cette saison, que l'on esvite d'aller à Home
contre le gros du chauld. Mais j'en hazarderay au moings l'un soubs
l'enveloppe du Cardinal^ par le premier courrier qui sera d'assez bonne
volonté pour cela.
Sur quoy je finis demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné et obligé serviteur et meilleur aiiis.
DE Peibesc.
A Aix, ce 93 inay i633 '.
Envoyez nous un peu de bonnes plumes pour escrire ne s'en trou-
vant poinct icy qui vaillent et qui ne soient neantmoins furieusement
chères.
J'avois tousjours oublié d'escrire à M' Henriquez Alvarez qui est un
riche marchand joyellier portugais*, si je ne me trompe, lequel est
curieux et de belles médailles et de beaux tableaux et encores plus
despierresprecieuses; jevouspriede luy rendre vous mesme ma lettre
de points (vaHajene), comme pour avertir graphe. — Copie a la Méjanes, coHection
qu'il avait des doutes sur l'exactitude de la Peiresc, registre V, fol. 688.
dénomination. * La ljibliolh.kiue d'Aix en Provence pos-
Dom Christophe du Puy, le chartreux. sède (collection Peiresc, registre I), à IMtat
'Voir le recueil des Lettres de Peiresc aux de copie , trois lettres de notre archéologue ii
frères Dupmj, passim. tM' Alvarès , jouallier portugais , à Paris -r .
Le cardinal Fr. Barberini. qui seront reproduites dans le premier vo-
Bibliothèque nationale, fonds français, lurae delà série des Lettres à divers, c'est-à-
nouveUes acquisitions , 5 1 7 1 , fol. 6o4. Auto- dire dans le tome VU de la correspondance.
[1633] À D. GUILLEMIN. 163
aprez l'avoir leiie et cachettée, et luy faire voir ma relation des Indes,
cy joincte, qu'il verra trez volontiers s'il ne l'a veue auparavant. Et la
fauldra faire transcrire à Quentin, chez vous, pour en bailler aultant à
M' du Puy. Mais je seray bien aise qu'elle ne coure pas, et pour cause,
et que cez Mess" se contentent de l'avoir chez eux sans la publier.
S'il avoit quelque vase antique il m'en accommoderoit, je m'asseure,
bien volontiers, et encores plus des empreintes des camayeuls ou
autres belles pièces, s'il en avoit chez luy ou chez ses amys, m'ayant
aultresfoys faict des offres bien obligeantes et de ses médailles et de
ses tableaux par des lettres, car je ne l'ay jamais veu que je sçache.
[Déchirure du papier devant ces mois : employeroit volontiers.] Si le
m[arquis] de Sourdy vous confioit son vase de rechef, je serois d'advis
que le luy monstrassiez, et celuy de M' de Roissy, pour luy faire voir
ma curiosité et la confiance que l'on prend en vous, car il luy pour-
roit bien tomber en main quelque chose de semblable, et luy pourroit
bien estre l'un de ceux qui ont achepté les camayeulx et joyaulx de la
maison de Montmorency' dont me parle M'' Gaull. Tesmoignez luy du
désir de voir pour ma curiosité des relations des Indes, et particu-
lièrement du païs de Dacan ou du Dealcan soit de la part du sieur Au-
gustin Houriard ou d'autre, encores qu'elles soient plus vieilles que
la mienne mesme s'il avoit celle qu'il dict avoir escripte avant la datte
de la mienne sur le subject de l'empoisonnement et mort de tant de
princes de la race du roy Janquir. Voyez s'il vouldroit vous permettre
de me la faire transcrire, auquel cas Quentin la pourroit aller trans-
crire chez luy, et les autres lettres ou papiers et instructions de ce
païs la, qu'il me vouldra communiquer-.
' Après la mort tragique du révolté Henri de Monlinoreucy. — ' Bibliothèque nationale ,
nouvelles acquisitions françaises , vol. 6171, fol. 6oi.
164 LETTRES DE PEIRESC [1633]
LXXI
À MONSIEUR, MONSIEUR LE PRIEUR DE ROUMOULES,
PROTHONOTAIRE DU SAINT-SlÈGE APOSTOLIQUE,
À BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Je vous escrivis par l'homme de Mons'' d'Andrault il y a huict jours.
Vous aurez la présente par Dom Louys Chaberl' qui s'en retourne
enfin en son monastaire ayant esté assez longtemps parmy les bons
pères de l'Oratoire, pour y apprendre les exercices de pieté, et d'un
bon religieux, comme je veux espérer qu'il s'en acquittera de mieux
en mieux Dieu aydant.
J'ay aujourd'huy receu par les Moreaux les trois estuys d'empreintes,
le porte feuille des desseins de S' Dcnys, et le petit fagot de livres fort
bien conditionné le tout, et dont je suis demeuré fort satisfaict. Mais
je n y ay poinct trouvé de modèles de fer blanc pour la contenance
des vases, pour raison de quoy je pensoys que Vous eussiez mené
l'ouvrier que vous m'aviez nommé, et qualifié de ce meslier, vovant
bien que vous avez jugé qu'il me debvoit suffire d'avoir vostre relation
sur le mesurage de toutes cez pièces, dont il fauldra se contenter
puisqu'ainsin est. Mais le restant cust esté fort à propos, et n'eust
pas esté inutile nomplus que des vases du m[arquis] de Sourdys et de
la m[arecha]le de Roquelaure.
J'ay trouvé les desseins fort jolis et M' Rabel bien honneste par con-
sequant. Je pense que le pacquet adressé à Dom du Puy à Rome sera
venu à temps pour passer les monts, avec M' l'abbé du Thil, parent ou
allié de M"^ de Thou, qui attend passage. Il est vray que je le dissuade
de s'y resouldre que les challeurs ne soient plus advancées, pour
n'arriver à Rome pendant la pire saison.
' Sur ce religiewx , voir ia notice sur Peiresc, abbé de Guîlres par Anl. de Lanteuay (Bor-
deaux, 1888) et le Supplément à cette notice par le présent annotateur (Bordeaux, 1898).
[1G33] À D. GUILLEMIN, 1G5
Au reste Monsieur nostre premier présidant i'Aisné ^ a eu permission
du roy d'aller pendant noz vacations du Parlement faire un tour à la
Cour, et s'en va prendre son chemin par Thoulouse, Bordeaux et An-
goulesme, où. il a sa maison de la Marguerie, à k lieues d'Angoulesme.
Si vous en estes adverty, je seray bien aise que vous l'alliez salliier de
ma part soit à Bordeaux, ou sur son chemin d'Angoulesme par lequel
il ne passera je m'asseure guieresloing de Cuistres, auquel cas je se-
roys bien aise qu'on luy peussc faire présenter au nom de mes officiers,
quelques r'affraichissements soit de poisson, ou de gibier, et de fruicls,
s'il y avoit rien qui vaille.
Je n'escriray pas pour ce coup à Mess" d'Andrault^ et de Monts, ne
ù autre, ayant assez escript par vous, ains seulement aux religieux de
njon Abbayie à ce qu'ilz fassent une réception favorable à Dom Louys,
et cependant je demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez alfectioimé serviteur et meilleur amy,
DE PfilRESC.
A Aix, ce XI juiUet i633.
Monsieur le Premier Présidant nous a depuis dict qu'il ne seroit icy
de retour de son voyage que le moys de novembre. Vous en sçaurez
des nouvelles plus fraischesdepar de là si vous le voyez ou Mess^d'An-
drault et de Monts qui ont interest de le voir à son passage.
[^Post-scriplum à côté de rudresse.^ J'entends que Dom Louys Chabert
soit payé des arrérages de sa pension monachale en deue forme, et
que cez gentz n'y fassent pas de la difficulté*.
' Voir sur ce personnage le recueil Pei- ' Bibliothèque nationale, fonds français.
resc-Diipuy {passim). nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. 608. Aulo-
' Ce conseiller au parlement de Bordeaux graphe. — Copie à la Méjanes , collection
est mentionne dans le recueil Peiresc-Dupuy Peiresc, registre V, fol. 70a.
(t. I, p. 33()).
166 LETTRES DE PEIRESC [163/4]
LXXII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Vous m'avez faict un singulier pluisir de ni'envoyer les pièces que
j'ay receiies avec voslre despesche du 2 1 . Et vous supplie de conti-
nuer de m'en faire voir les suittes qui ne peuvent estre que bien
notables. Louant bien fort vostre prévoyance, à vous excuser de ce
voyage.
i\ous avons icy maintenant à noz ieulx un autre exemple qui ne
fera gueres moings d'esclat tost ou tard, mais je suis trop pressé à celte
heure pour vous en faire le discours. M"" Talion ' avoit conunancé de
travailler à sa connnission et de changer le prix et les mesures du sel,
à Berre^, sans avoir veu Mess" des contes {sic) non plus que du parle-
ment. Mess" des Comptes [sic) ont envoyé des commissaires sur les
lieux pour restablir les anciennes mesures et l'ancien prix. 11 avoit
surcis par une ordonnance l'exécution de quelques arrestz du parle-
ment, dont M' le Procureur gênerai a interjecté appel, sur lequel les
parties sont renvoyées à vendredy. Vous pouvez bien penser où tout
cela peult aboultir, et je demeure,
Monsieur le Prieur,
voslre plus serviable et meilleui' amy,
DE PeIBESC.
A Aix, ce X octobre i634.
Faictes rendre au p. du VaP la lettre cy joincte de son neveu que je
Sur le conseiller d'État Jacques Talon, ' Sur le prieur Du Val, qui fut le digne
voir le recueil Peiresc-Dupuy, r. III , p. 18a leprësentant de Peiresc h (huîtres, voir la
et passttn. notice déjà citée d'A. de Lantenay et le Sup-
Voir siu- cette localité des liouches-du- plémcnt de son humble continuateur.
RhAne le recueil Peiresc-Dupuy, passim.
[1635] À D. GUILLEMIN. 167
ne peux accompagner d'une mienne comme j'eusse faicl volontiers à
cause de l'heure tarde.
Le procureur Bonardy a eu sa lettre et fera son debvoir, mais je ne
l'ay pas veu encores, mais il dict avoir porté son pacquet à la poste
ordinaire'.
LXXIK
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu enGn vostre despesclie du 4""' que j'ay esté bien aise de
voir avant que faire ma responce et mes excuses à M"' Le Camus ^^5 parce
que à ne vous rien des(;uiser, il me sembloil qu'il me faisoit un peu
de tort, de me faiic une si incivile proposition, et de me dire qu'il
vouloit oublier ce qu'il a voit apprins sur les lieux, comme s'il me vou-
loit obliger à des appréhensions d'estre convaincu de mensonge, au cas
que je n'eusse voulu dire bien au vray ce que je pouvoys retirer de
net dont j'estoys un peu picqué. Mais ce que vous m'avez mandé des
propositions de l'abbé de Coursan^ m'a retenu et empesché d'en faire
paroistre aulcun sentiment et de luy respondre aux termes qu'il avoit
méritez car les ouvertures dudict abbé de Coursan pourroient bien
avoir esté accrochées par le traicté auquel s'estoit depuis ingéré M"" Le
Camus. C'est pourquoy je luy ay faict ma responce la plus bonneste
que j'ay peu, afin que s'il est en estât ou en obligation de la faire voir,
l'on aye quelque petit subject de m'en sçavoir bon gré, et de me traicter
' Bibliothèque nationale, fonds français, 63G. Voir encore Peiresc, abbé de Guttres
iiouvellcsacquisitions, 5171, fol. 591. Auto- d'A. de Lantcnay et le Supplémctit à celle
graphe. notice.
' Au sujet de Nicolas Le Camus, procu- ' Sur l'abbé de Coursan, agent du car-
reur général de la Cour des aides de Paris, dinal de Richelieu, voir le Recueil Avenel, à
voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. II , p. C35 , la Tabk.
168 LETTRES DE PEIRESC [1635]
mieux s'ils veullent avoir quelque chose de moy comme je me double
bien que tost ou tard il fauldra qu'on y revienne. Et vouldroys bien
que l'envie leur eust bien prins de cette proposition de l'abbé de
Coursan, et qu'on y eust faict l'evidante utilité de l'Eglise, Auquel cas
il fauldra un pou faire valloir la gratification et la mesnager, car il y
auroit possible bien du moyen d'y trouver d'aultres advantages, qui
ne leur cousteroient rien, et que j'estymeroys au centuple de tout ce
qu'ils me pourroient bailler de recompance. Mais il fault que cela aye
son temps et voir ce qu'ils auront à dire. Et possible que cette mienne
responce fera accellerer ou reprendre la négociation qui avoit esté
interrompue. Tant est que Dieu mercy vous voila quitte de la presse
du voyage jusques au bon temps, et vous aurez tout loisir de pourvoir
à l'aise aux affaires plus pressantes.
Au reste l'on fit hier trois assemblées des troys ordres, du Clergé,
Noblesse et Tiers Estât, où presidoient les présidants Galifet', et La
Roque ^, et le conseiller de Boyer' dans lesquelles on délibéra de faire
procuration aux députez du pais d'adhérer aux poui-suittes du parle-
ment contre M' le mareschal de Victry, et de repeter les sommes d'argent
qui luy ont esté expédiées. Et par mesme moyen requérir le Roy de.
leur bailler un aultre gouverneur, et spécialement M^"^ le Cardinal de
Lyon, s'il plaict à S. M., de façon qu'il y a de l'apparance qu'une ré-
quisition si générale pourroit estre bien receiie de S. M. comme fut
celle du païs de Brelaigne quand ils firent la postulation et réquisition
de Ms' le Cardinal Duc pour leur gouverneur. L'on a député pour aller
' Nous avons trouvé plus liaut inenlion
du président A. de Gatliflet.
* Jean-Daptiste de Forbin, sieur de la
Roque, de Gontard et de Saint-André, fut
conseiller au parlement d'Aix en 1691, et
devint présiden t à mortier le a 8 février 1 C 2 i ;
il mourut en i65o. Son flis, Melchior de
Forbin, lui succéda dans sa charge de pré-
sident et obtint, en 1 653 , l'érection en mar-
quisat de sa terre de la Roque (aujourd'hui
commune de la Roque d'Antberon, arron-
dissement d'Aix). Cette seigneurieétaitenlrée
dans la maison de Forbin, en i5o4, par
alliance avec les de la Terre. C'est à la Roque
que naquit, en 1777, le comte de Forbin,
directeur des musées royaux et membre de
l'Institut, mort en 18&1.
' Sur le conseiller de Royer voir le recueil
Peiresc-Dupiiy.
[1635] X D. GUILLEMIN. 169
vers Ms' le Cardinal de Lyon pour le supplier d'agréer les instances de
tous les ordres de la province ' dont nous nous promettons qu'il sçaura
bon gré. Et desja sur l'advis de sa veniie comme Ambassadeur du Roy
en cour de Rome, le parlement avoit faict deputation pour aller au de-
vant de luy avec les mesmes honneurs qu'on rendoit aux gouverneurs.
J'ay eu une lettre de M"" Marchier^ du i 7^ mais il ne sçavoit encores
rien du jour du despart de S. Em™^ pour le voyage d'Italie. Touz ceux
qui le doivent accompagner estoient desja arrivez, mesmes M"" d'xMby
cy devant evesque d'Agen', qui parloit de le venir attendre en ce
pais icy.
Voila bien des nouvelles. Songez à votre santé sur toutes choses et
me tenez tousjours,
Monsieur le Prieur,
pour vostre trez humble serviteur et meilleur amy,
DE Peibesc.
A Aix, ce 2 3 janvier i635'.
LXXIV
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur,
J'ay reçeu par l'ordinaire et laict tenir seurement comme je feray
tousjours, toutes les lettres que m'avez adressées de la part de ce gentil-
homme à qui vous sçavez que je suis si desvoiié serviteur, et son homme
' Sur les fli'lilx'i'ations de l'assemblée voir ' ' Alphonse île Richelieu, le cardinal-
divers di'tails dans l'Histoire de la ville d'Aùv ai-ch('vô(|ue de Lyon.
par de Haitze (t. IV, p. i!63-a64) et dans ' Gaspard de Daillon, évêque d'Agen de
YHisloirc de Provence de Papon (t. IV, i63i à i63/i, archevêque d'AIbi de i63.')
p. '176). à 167G.
' Sur l'abbé Marchier, prévôt du chnpiti'e ' Bibliolhèque nationale, fonds français,
de Saint- Sauveur d'Aix , voir le recueil Pei- nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. 869. Auto-
resc-Dupuy, pnssim. grapho.
93
17* LETTRES DE PEIRESC [1635]
m'a dict qu'il luy respondoit. Espérant de le servir Dieu aydant à sou-
liaict. J'escripts selon vostre bonadvis à M'' de Vertamoii' que je n'avoys
pas sçcu estre en cez quartiers là^, pour le remercier des bons offices
qu'il luy a pieu me rendre, lorsque je m'y atlendoys le moinjjs, et que
je ne pensoys pas qu'il eust daigné conserver seulen)enl la mémoire de
mon nom. Mais il est ainsin lionneste et obligeant sans que je luy aye
rendu de service qui vaille; le voyage qu'il lit à Rome quelques années
y a, me fit acquérir l'honneur de sa cognoissance.
J'escrips aussy à M' le président Conte ^, et parceque javoys faict
retenir un duplicata de la despesche que vous luy porlasles en partant
d'icy, où je luy faisois r amenlevoir de tout plein de particularitcz qui
vous peuvent servir d'instruction de ce qui se passa de cette alTaire à
mon voyage de par de là j'ay faict remettre au net le duplicata de
toute cette despesche tant à luy et à M' le tliresorier de Gourgues* qu'à
Madame la Présidante*, pour vous en servir, et si besoing estoil les
présenter derechef, comm' un duplicata que vous eussiez retenu dez lorz
par devers vous en cas de perte des originaulx, et pour leur r'affraischir
la mémoire de cette négociation qu'ils peuvent avoir perdue depuis
si longtemps. N'ayant pas jugé à propos de leur escrire de rechef de-
cette affaire, puisqu'ils ne m'ont faict aulcune responce, que je ne
voye d'aultres effects de leur honnesteté. Sçaichant comme cez gents là
prennent advantage de toutes choses, quand ils peuvent, comme vous
voyez que vouloit faire à cette heure M' de Gourgues de sa commis-
' C'était François de Vertamoii , marquis
de Manœuvre, baron du Breau, tour à tour
conseiller au parlement de Paris, niaitre
des requêtes, intendant d'année, conseiller
d'État, mort en 1666. Voir Lettres de Je/in
Chapelain, t. II, p. igli.
^ Verlamon était en ces quartiers -là
parce qu'il fut intendant de l'année de
Guyeimede i63o à i638.
' Conte est là pour Le Comte. Il s'agit
de Jacques Le Comte, captai de la Tresne
et baron de Cenac, qui fut président en la
seconde clianibre des enquêtes du parlement
de BonleaiK et qui avait épousé Callierino
de Gourgue, sœur du premier président.
' Un frère de feu Marc-Aptoine de
Gourgiie, premier président : c'était Pierre
de Gourgui:, trésorier générjl de France
en Guyenne.
' Le premier président s'était marié en
secondes noces (G juillet 1617) avec Olive
de Lestounac, fdle..de Jean de Lestonnac.
écuyer, seigneur de Puypelat. et déjà deux
fois veuve elle-même.
[1635] À D. GUILLKMIN. 171
sioii, poiii' obliger lez pauvres gentz à le servir au préjudice de ma
pauvre église.
Au reste vous aviez mieux cogneu que moy l'humeur de M"" Le Camus,
et aviez deviné ce que vous aurez depuis apprins par mes dernières et
penultiesmes despesches, vous asseurant que j'ay esté bien ayse d'en
eslre despestré honorablement^ et que cez Mess" n'ayent à me repro-
cher aulcun manquement de defferance et de courtoisie de ma part.
Il ne fauit point d'excuse de i'obmission de l'adresse de Mess" de
Rossi de Lyon puisque vous avez trouvé meilleure commodité d'ailleurs.
Vous aurez sceu la délibération de nostrc assemblée des troys ordres
pour prier le Roy de nous donner pour gouverneur Me"' le Cardinal de
I^yon, qui ne tesmoigna pas d'abbord d'agréer cette nouvelle, et des-
pescha aussytost un courrier à M' de Saint Chaumont pour s'en plaindre
et faire arracher du registre cet article des délibérations de la dicte
assemblée où il ne vouloit pas estre nommé ne compris. Toutefoys il n'a
j)as laissé de recevoir bien favorablement M' de Saint Ivers- et M' de
BendoP, députez de la noblesse, qui luy portèrent la délibération de
leur chambre et de leur bailler des lettres de recommandation à l'Lmi-
nentissime Cardinal Duc son frère.
Nous sommes attendantz la réception qu'il aura depuis faicte à
M"" l'Evesque de Sisteron* et à M' de Mimata, députez du clergé, qui ne
peuvent pas se mettre si tost en chemin , et de M"' du Muy, consul d'Aix^,
et M"" Abeille, consul de Tarascon^, députez du tiers ordre, qui par-
' Voir Peiresc , abbé de Guilres el le Sup-
plément a la notice d'Ant. de l.aiitenay,
passim.
' François de Gastellane, seigneur de
Sainl-Yvers, qui acheta plus tard la terre et
le marqiii.sat de Griinaud.
^ Le nom patronymique de M' de Ban-
(lol était Boyer. Dans la première moitié du
xvii' siècle on coimait deux Boyer, Antoine,
le père, et Jules, le fils.
* Toussaint de Glandevès de Cujes , déjà
plusieurs fois meulionné.
' François Rascas , seiffneur de Muy ,
Bagarris , le Bourguet, etc. , était frère puîné
de Pierre Antoine, le numismate. 11 fut élu
premier consul d'Aix en i634 el i6/i6 et
viguierde Marseille en i645. Il avait épousé
en i6aG Marguerite de Pontevès-Sainte-
Calherine, veuve de Henri liascas, seigneur
du Muy, dont le père , Jean-Baptiste Kascas,
aussi seigneur du Muy, fut massacré dans
son château en i588. (Communication de
M. le marquis de Boisgelin.)
" Victorin Abeille . seigneur de Peyroiles,
172 LETTRES DE PEIRESC [163dJ
tirent encores plus tard à cause de ce qui estoit resté à resouldre entre
les communaultez de la province. Le s' du Plessis Bezançon, eslargy de
la Bastille, passa cez jours passez pour aller mettre ordre à quelques
fortifications sur la coste', et dict que Ms' le Cardinal de Lyon luy
avoit dict qu'il se vouloit embarquer le iB"^ et qu'il partiroit dez hier
de Lyon, mais il avoit envoyé en poste à la Cour M'' l'Advocat, (jui
ne pouvoit estre de retour plus tost que le 8"^ ou io°"= de sorte que
difficilement partira \\ avant lundy prochain. M' de l'Estoille^est cepen-
dant party avec toutes ses bardes par le Rosne pour aller jusqu'en
Arles, et de là à Toullon où les galères l'attendent. Et je demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble serviteur et meilleur amy,
DE PeIRKSC.
A Aix, ce 6 febvrier j635 '.
ne en i6o6, à Tarascon, au sujet duquel
on peut voir les Esquisses généalogiques sur
les familles de Provence par M. le marquis
de Boisgelin (t. I, in-4', p. 5).
' Sur l'ingënieur Bernard de Besançon ,
seigneur du Plessis, voir le recueil Peiresc-
Dupuy, t. Il, p. ig. Depuis l'apparition de
ce tome, ont été publiés pour la Société
de l'Histoire <le France les Mémoires de du
Plessis Besançon , accompagnés de correspon-
dances et documents inédits (1892). L'édi-
teur du volume, le comte Hoirie de Beau-
caire, rappelle que du Plessis Besançon fut
amené h la Bastille le a 3 juillet i63i. Voici
comment du Plessis raconte et explique son
emprisonnement (p. 1 1) : rrSans autre sujet
que la politique délicate et sévère du temps,
je fus mis en arrêt à la Bastille , oîi je demeu-
rai trois ans et demi (1 63 1-1 634), parce
que mon frère avoit passé en Flandres avec
la reine-mère . ..r, Besançon ajoute ( p. 1 9 ) :
trLa justice et la bonté du Roi me tirèrent
enfin de cette fâcheuse condition , en janvier
i635. On me fit partir peu de jours après
pour la Provence avec la direction générale
de tout ce qu'il y auroil à faire pour la sûreté
des ports et places de la côte contre les des-
seins des ennemis ... 1
' Voir sur Claude de l'Estoille, lils du
chroniqueur , et secrétaire du cardinal
Alphonse de Richelieu , le recueil Pciresc-
Dupuy, t. I, p. a83 et 027.
' Bibliothèque nationale, fonds français ,
nouvelles acquisititions , 5 1 7 1 , fol. .571. Auto-
graphe. Voir dans Peiresc , abbé de Guitres.
Supplément à la notice de A. de Lanteimy , de
considérables extraits d'une longue et impor-
tante lettre à Guillemin, du 6 mars i63.5.
roulant en entier sur les affaires de l'abbaye
et sur son histoire. Voir encore dans le même
recueil une autre lettre h Guillemin, du
19 mars de la même année, lettre dont je
donne ici la fin où il n'est plus question du
monastère dont Peiresc avait la dii-ection :
ff Au reste vous aurez sceu le passage de
W' le Cardinal de Lyon qui s'embarqua à
[1635]
A D. GUILLEMIN.
173
LXXV
MÊME ADRESSE.
BORDKAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay esté tout le jour si assassiné que je n'ay peu vous escrire comme
je desiroys des desordres de l'assemblée du clergé, où il s'est joué
des rollets incroyables de perfidie qui seroient de trop longs discours
comme les pouilles de lavandières de cez evesques les uns contre les
ïoullon la nuict du mardy au mercredy der-
nier par un temps qui u'estoit pas trop favo-
rable, mais il a esté suyvy depuis deux,
jours ou troys d'un mistral qui l'aura peu
rendre h Gènes fort à souhaict, et h Civita-
Veccliia dans un jour ou deux. U a mené
M' Raphaelis le théologal. Il fut à Boysgency
avec M' de Saint Cliaumont un jour ou deux
en alhint et y vouloit revenir aprez s'estre
deschargé h Toulon de la foulle s'il n'y eust
trouvé ses hardes, (jui y arrivèrent la mati-
née suyvant* de son arrivée. Je m'estoys
excusé de l'accompagner pour ne pas aban-
donner icy la cause de M' de M[aran] qne
nous avions faict appointer au registre.
Mais j'ay eu une mortification nompareilie
de n'avoir peu esviter le coup qui s'en est
ensuivy depuis fort precipitament dez ven-
dredy dernier qu'on y travailla matin et soir,
où nous fusmes si maleureux que nous la
perdismes d'une voix, qui nous manqua au
besoing, dont j'ay esté affligé à l'extrémité.
Mais si celuy qui a levé une requeste civile
h Tlioulouse se veull mettre en jeu , il fera
sans double restablir toutes choses en estât.
Les affaires de telle importance ne doivent
pas estre négligées, et méritent qu'on s'y
trouve en persone, car la présence peult
acquérir de grands advantages, et remédier
à de grands coups; vous ne sçauriez croire
combien ce malheur m'a touché et de com-
bien je l'auroys racheplé si j'eusse peu. Je
ne sçay si vous aurez sceu que Barreme a
esté bastoniié furieusement dans son lict à
Paris chez M' l'Archevesque par deux de ses
neveux, pour avoir impudemment porté des
paroles dezhonnestes à une nièce dudict
s' Archevesque, lequel est party depuis le
6"" pour venir tenir l'assemblée, dont il
s'csloit saisy du pacquet des ageantz poui-
la conunission. On s'alloit dispencer delà
tenir sans luy et sans ledict pacquet s'il ne
fusse party. Et je demeure,
rrMonsieur le Prieur,
(T vostre trez humble et trez affectionné
itserviteur et meilleur amy.
RDE Peirgsc.
bA Ail, ce 19 mars i635.
ffj'oublioys de vous dire qu'enfin vosire
Angloys a jtayé , mais il a fallu attendre non
seuil inent la dernière heure, mais troys ou
quattre jours aprez. .«Vultrement il vouloit
lousjours gaigner dix ou douze francs, t
(Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. 546. .4iilo-
graphe. )
174 LETTRES DE PEIHESC [1635]
aullres^ et jusques aux demantys formels de l'Evesque d'Apt- à l'Ar-
chevesque'. Enfin ils se sont partagez et ont séparément faict escrire
leurs délibérations, à sçavoir l'Archevesque avec M"" de Frejus* et de
Gap^ et les députez de Frejus et de Gap seulement une deputation et
procuration pour M' l'Archevesque et pour M"" rEv[esque] de Frejus
ou son coadjuteur pour le premier ordre, et les s" Marchier et député
de Gap pour le second ordre. De laultre costé les Evesques de Siste-
ron^. Riez', d'Apt et un pour Sisteron qui n'est pas bénéficié du dio-
cèse ont député les Evesques de Sisteron et Hiez pour le premier ordre,
et les s" de Mimata et prieur de Moiitquez député d'Apt. Ils avoient
mis pour tiers le s'' de Monmeyan*, mais ils l'ont révoqué aprcz avoir
veu une lettre du roy qui deffcndoit d'en députer plus de deux de
chasque ordre et qui cominandoit d'observer le tour. Ils ont verbalisé
des gros registres entiei^s et prétend on que la voix de Mimata soit
nulle faulte de deputation du diocèse comme celle du diocèse de Sisteron
faulte de bénéfice et que les Evesques de Sisteron et de Riez y avants
esté aux dernières assemblées, n'y peuvent estre au préjudice de règle-
ment pour le tour. M"" d'Aix ayant recommancé au refus de M' de Gap.
Vous eu sçaurez et admirerez un jour le destail et je seray tousjours.
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble et trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DK Peiresc.
A Aix, ce 3 avril 1 635*.
' Peiresc, que les inconvenances indi-
gnaient, emploie une image h la fois bien
cruelle et bien pittoresque en comparant les
poutlles des j)rëlats à des querelles de lavoir.
' Modeste de Villeneuve des Arcs ( 1 63o-
1670).
L'archevêque d'Aix, comme nous
l'avons déjà souvent vu, était alors Louis
de Bretel.
* Barthélémy de Gamelin ( i5f)6-i637).
Charles -Salomon Duserre (1698-
,637).
" Nous venons de vi»ir que c'était Tous-
saint de Giandevès do (iujes.
' Louis Doni d'AUicliy (!69&-i 659).
' lyC sieur de Monlmoyan devait être un
Castellane, probablement Pierre, qui avait
été enseigne des gendarmes du duc de
Guise, et lit son testament en i646; mais
peut-être aussi un de ses tils. parmi lesquels
Henri Gaspard devint grand prieur de Tou-
louse. (Communication de M. le marquis de
Boisgelin.)
' Bibliothèque nationale , fonds français.
[t635J À D. GUILLEMIN. 175
LXXVI
Ml>ME ADRESSE.
BOHDKAUX.
Motisieur lo Prieur,
Ce mot n'est (jue pour accompagner une lettre de M'" de Riez qui
\ous recommande un pacquet pour M'' de Verlamon son parent. Vous
aurez eu un duplicata d'une mienne despesche à M"" du Plessis sur le
subject de l'hommage prétendu par M"'"" le cardinal duc de Fronsac',
n'ayant pas lors eu loisir de vous escrire aultre chose sur cela. M'asseu-
rant que M''duMesnil Aubery y aura suppléé tout ce qu'il aura peu et
creu eslre nécessaire pour voslre instruction, dont je seray attendant le
siiccez, cl des premiers ad vis que je vous avoys donnez sur ce subject.
L'on me faict grande instance d'Italie d'y envoyer une coppie du
portraict de Nicolaus IJoerius présidant au parlement de Bordeaux
qui vivoit environ cent ans y a, et qui a faict imprimer tout plein de
bons livres de droict^ En(|uerez vous je vous prie s'il a laissé des héri-
tiers, et si son tombeau n'est pas à Bordeaux, auquel cas si son por-
traict se trouve je vous prie d'en l'aire tirer le visage de la grandeur
du naturel et me l'envoyer, quand en aurez la commodité.
M"' de Saint Chaumont est party puis sammedy, et M"" le Mareschal
s'en revient, et de voit estre à Lyon anjourd'liuy. La Cour par com-
mandement du Roy de luy rendre les deflerances acoustumees a député
ce matin quelques uns de la compagnie pour aller au devant de luy,
sur des grandes asseurances qu'il a faict bailler de voir [sic pottr vou-
loir] vivre dezhormais en bonne intelligence avec nous. Les galères
sont de retour d'Italie où M' le Cardinal de Lyon a esté receu partout
nouvrllosacquisilions, 5i7i,fol. .55fl. Auto- curieuse . dans Pelresc, abhc de Giiilres. Sup-
graplie. Voici le sommaire écrit jiai- Guillc- pUment à la notice d' A. de Lantenay.
min : Sur la défmtation à l'Assemblée du ' Sur le président Nicolas Bohier, Boyer
clergé. ou mieux Bouyer, mort en l'année 1 53() , voir
' Voir celte dépêche, Ivh étendtie et très le recueil Peiresc-Dupuy, t. lll, p. «74-175.
176 LETTRES DE PEIRESC [1635]
avec des honneurs nouveHement introduiclz pour sa persone, et non
encore pratti(|uez en aulcun aultre. Il arriva à Rome incogneu la veille
des rameaux et vid le Pape qui l'embrassa par troys foys bien tendre-
ment'. Sa cavalcade^ estoit remise aprez festes, et je demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur et meilleur a m y,
DE Peibesc.
A Al\, ce 17 avril i635 '.
LXXVII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX'.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du 1 0" du passé et faict rendre toutes
lettres que vous y aviez joincles pour M' Lombard et aultres, vous
remerciant de la contiimation de voz soings à mes afl'aires et de mon
Abbaye^. Mais j'ay trouvé bien estrange que vous n'ayez pas receu le
dupplicata de ma lettre à M' du Plessis concernant la recongnoissance
dont vous m'aviez parlé, et croys asseurement que cette despesche
vous aura esté retenue, car M' du Mesnil m'a escript qu'il la vous avoit
envoyée. Et de faict il n'y avoit pas de subject de retardement, car en
envoyant d'icy mon original autographe j'y fis joindre un dupplicata de
la main de mon homme, pour vous estre envoyé avec ce qu'il trouve-
roit bon d'y adjouster. Et puisqu'on vous a desja soubstraict d'aultres
despesches et de l'argent mesmes, ils n'auront pas esté de meilleure foy
' Savait-on que le pape Urbaia VIII eût nouvelles acquisitions, 0171, fol. 554.
aussi souvent et aussi tendrement embrassé Autographe,
l'archevêque de Lyon ? ' Sommaire de la maia du prieur de
G'est-à-dire son entrée solennelle à Roumoules : Sur la descente des Espagnols
cheval. p„ Provence.
BibUothèque nationale, fonds français, ' G'est-à-dire : et à celles de mon abbaye.
[1635] À D. (iUILLEMIN, 177
au surplus, dont je suis bien en peine et vouldroysbien pouvoir prendre
quelque aultre adresse de persone, qui ne fusse pas si cogneue à celuy
qui s'est ainsin affriandé à vous soubstraire des lettres. Mais je ne sçay
q[uel] choix faire, si vous ne m'en donnez quelque'advis à l'advance,
principalement à cette heure qu'on nous a donné de bien mauvaises
nouvelles des desordres qu'il y a eus en ce pais là depuis le 1 4*"^ qui
me tiendront en grande appréhension de voslre persone jusques à ce
que je sçaiche que tout soit bien calmé, ou que vous soyiez à Cuistres,
hors de la veiie [de] cez objects de violence qui peuvent troubler la
tranquilité et la doulceur de vostre esprit et de vostre humeur bien-
faisante à tout le monde \ Et me tardera bien d'avoir de voz nouvelles
par le prochain ordinaire pour estre hors de cette peine là, qui me
pèse tant.
Cependant je faicts refaire un dupplicata de la lettre esgarée, pour
le vous envoyer par le prochain selon les adresses que vous aurez peu
donner à M'' du Mesnil afin que vous y trouviez toutes les instructions
nécessaires à cette affaire pour la terminer le plus honorablement et
oequitablement que faire se pourra si tant est que ion inciste aux pour-
suittes ja commancées, dont je commance à doubter bien fort. Je vous
remercie bien fort de la recherche des mémoires et portraict du bon
homme feu M'' Boerius et seray bien aise d'en avoir un jour le por-
traict à vostre commodité, soit de l'ancienne vittre de sa chapelle ou
d'ailleurs.
Nous sommes icy en de bien différentes aliarmes, d'une descente
des Espagnols en cette province qui ont tenu 8 gallions en veiie des
Isles d'Ieres et de TouUon huict jours entiers, sans arraisonner avec
persone, en terre ne en mer, et sans faire aussy aulcun acte d'hosti-
lité, jusques à ce que les vents du mistral s'estanis tournez aux ma-
rins, ils se sont advancez plus oultre dans la pleine mer pour n'eschoiier
sur noz rochers, leur armée des galères en nombre de 34 ayant esté
fort délabrée sur le cap corse d'une furieuse tempeste, qui englouttist
' Sur les troubles de Bordeaux en juin 1 635, voir une note du tome III du recueil PeirescV
Dupuy, p. 340.
ï. a3
178 LETTRES DE PEIRESC [1635J
deux galères de Sicile et conslraignit les aultres de faire ject en mer,
de tout le vin, et aultres choses plus propres à jelter, pour sauver
leur vie. De sorte que de xi gallions qui s'y estoient rendus quasi en
mesme temps quBux le marquis de S'^ Croix ' fut constrainct d'en
renvoyer troys à Naples pour aller requérir ce qui leur manquoit,
tandis qu'il envoya eu noz cosles les 8 restante, pour nous donner de
la jalousie et nous tenir en escliec.
L'on nous menasse encore de a o gallions angloys qu'on dicl estre à
Evizzo prez de Maillorque^. Si tout cela venoit fondre sur nous, nous
serions bien mal appoinctez. Mais il y a pourtant, oultre les 3 reginientz
anciens, U nouveaux qui se lèvent, et deux qui viennent du Languedoc
et troys compagnies de cavallerie , qui leur donneront bien de l'exercice,
les fortifications de Toullon estantz achevées en perfection, et celles
des Isles en estât de l'estre dans six jours. Dieu aydant, mais Dieu qui
a si bien commancé par cette tempeste et par la dellaicte du prince
Thomas^, achèvera s'il luy plaict le bénéfice, et nous en dellivrera
com' il fault espérer et je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy.
DE Peiresc.
À Aix, ce 5 juin i635'.
' Sur Don Alvaro Baçan, marquis de les Espagnols commandés par le prince
Sainte-Croix, voir le recueil Peiresc-Dupuy, Thomas de Savoie, qui voulait empêcher la
t. m, p. 356. jonction de nos troupes avec celles des
' Près de l'ile de Majoiqne {Mallorea, Ktats-G^néraux. {Art de vérifier len dates,
en espagnol), la plus grande des Iles Ba- édition ir>-8% t. VI, i8i8, p. aâo.)
lëares. ' Bibliothèque nationale, fonds français.
Le ao mai, avait été livrée, dans le nouvellesactjuisitions, 6171, fol.558.Auto-
Luxembourg, la bataille d'Avein, où les graphe,
maréchaux de Châtillon et de Breré délirent
[1635] À D. (.UILLEMIN. 179
LXXVIIl
MÊME ADHKSSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Je receus vendrcdy au soir par l'ordinaire vostre despesche du g""*"
de ce mois, et hier au matin Fr. Ghabert m'apporta le rouileau du
portraict de Nicol. Boerius^ et le petit fagot de libvres Basques fort bien
conditionnez, dont je vous remercie Irez humblement, ayant bien prins
du plaisir de voir cez livres et encores plus le portraict de ce vénérable
magistrat dout les œuvres sont en si grande vénération par toute l'Eu-
rope, n'y regrettant si ce n'est que vous n'y avez peu joindre ses armoi-
ries, car j'eusse creu que vous les eussiez deub trouver dans sa chap'*-
pelle, ou dans l'hostel Dieu où c'est qu'il a faict de si beaux lez pies,
à ce que vous m'en aviez aultresfoys mandé, n'ayant peu retrouver
vostre lettre, oii je suis en doubte si vous ne m'aviez poinct descript
sesdictes armes.
J'ay appris les surprinses qu'on vous avoit voulu faire pour ce pré-
tendu oblat^ et ay bien tonsjours creu qu'il y avoit du mystère en son
faict, comme en toutes cez aultres affaires qu'on m'avoit voulu jetter
sur les bras, ne doublant nullement que tous cez Messieurs qui trouve-
roient mon abbayie de leur bienséance ne voulussent m'en avoir des-
gousté.par toutes cez tricheries. Mais puisque Dieu nous a faict la
grâce de résister jusques à présent, nous nous en deffendrons bien Dieu
avdant à l'advenir, avec vostre bon secours, que vous avez si bien em-
ployé jusques à présent. Vous remerciant du soing qu'aviez eu de faire
tenir mes lettres à Cuistres tant pour le P. du Val que pour ledict
Fr[ere] Ghabert, qui esloit desja party à ce qu'il m'a dict. Car elles
l'auroient possible arresté là, par les sentiments mesraes du s' Guidy.
' Les auteurs de la Bibliothèque historique ' Tout ce qui suit a él6 reproduit dans le
de la France n'ont mentionné aucun pm- Supplément m Peiresc, abbé de Guitres, à' knU
trait du magistrat jurisconsulte. de Lantenay (p. 5o-5'j).
a3.
180 LETTRES DE PEIRESC [1635)
J'avoys esté adverty par une persone qualifiée venue de Cuistres de
toutes cez niches que ledict frère Chabert, soubs le nom emprunté
de frère Boumard, avoit faictes à ce pauvre P, du Vai depuis un an,
et en avoys faict les reproches que je debvoys à son frère et audict
s"' Guidy, qui ne l'avoient pas trouvé bon. H m'a apporté des lettres
du juge Boumard et de M"" Gaufreteau ' son gênerai, qui portoient
créance; je la lui ay voulu faire exposer, et ay trouvé que ce n'cstoient
tout que traiclz d'inquiétude et tradimenl de la Frattaria et lui ay bien
lavé la teste, je vous en respons, lavant reduict aux larmes, sur ce
qu'il ne pouvoit dissimuler les promesses qu'il m'avoit faictes de bien
vivre avec son supérieur et de s'attacher plustost à luy, pour satisfaire
à son debvoir et à mes commandements, qu'à un aultre, qu'il n'iguo-
roit pas eslre plus mal compatible à mon humeur au centuple que
celuy là. Il debvoit aller voir son frère à Toulon de qui je m'asseure
qu'il ne sera pas mieulx receu que de moy. Cez gents ne seroient jamais
contents, et vouldroient tousjours voir du changement en leur estât
et de touts ceux à qui ils ont affaire. C'est la vérité qu'il m'a bien
desobligé, en vivant de la sorte, et en voulant contre ma deiïance butler
un homme que Dieu luy avoit donné comme supérieur aussy bien que
moy. Et chercher à redire en ses pouvoirs qui estoient touts passez par
mes mains, et oiî il ne s'estoit rien faict que par mon entremise et avec
toutes les meilleures précautions qui s'y pouvoient désirer, où le deffunct
général de l'Ordre l'avoit admis avec toute sorte de formalilez requises
et nécessaires. Et vous prie de dire à ce juge Boumard, qu'il impose
silence à frère Boumard son frère, s'ils ne veuUenl encourir touts
deux mon indignation, car je suis si saoul de toutes leurs procédures
que je ne les sçauroys plus souffrir, et leur déclarez qu'ils ne sçauroient
plus attaquer ce pauvre homme là, qu'ils ne me trouvent joinct de
son costé en tous ses interests principalement en ce qui est de la fonc-
tion de la charge que je lui ay conférée. Et qu'ils n'auront jamais de paix
avec moy, ne de part en mes bonnes grâces, s'ils ne songent à laisser
. Sur Dom Gaufreteau, abhé de la Sauve et générât des liênédiclimt en France, voir la
Noùc^ (l'A. (le Lantenay sur Peireac, abbé de Gultres, p. 1 15 et suivantes.
[1635] À D. GUILLEMIN. iSl
toutes cez rancunes contre luy et à luy defferer tout ce qui appartient
aux fonctions de sa charge. Estant marry de vous donner ce fascheux
entretien, mais tousjours falloit il tost ou tard que cela parvins! à voz
oreilles aussy bien qu'aux miennes, puisque cez brouillons avoient tant
faict esclatter la chose. Et maintenant que frère Chabert est absent,
ils ne peuvent pas avoir de prétexte de ce costé la, car il a bien com-
mancé de recognoistre sa faulte, et m'a fort juré de n'y plus retomber,
et de ne plus croire cez conseils là. Aultrement il ne sçauroit esviter
mon indignation, désirant vivre en repos d'esprit de ce costé là, quoy
qu'il en arrive» ou les butter jusques au dernier bout s'ils me pensent
faire la loy sur cela. Et leur mettray possible eji teste des gents aux-
quels ils ne s'attendent pas, et où ils se trouveront bien loing de leur
compte. Sur quoy je prieray Dieu qu'il vous tienne en sa sain'cte garde
et demeurcray à jamais,
Monsieur,
vostre trez humble et trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE PEinESC.
A Aix, cfi a8 «oui i635'.
' l!ibliolhù(juc nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 6171, loi. 56o. Aulo-
{frophe. — Je donne en note un document
([ui était sans doute le posl-scriptum d'une
lettre que nous n'avons [ins :
t(A M' le Prieur de Rouraoules, protlie-
nolaire du S' Siejje a|)ostolique, à Bour-
deaux. — C'estoient des cajipitaiucs du
régiment de Cornusson, le s' d'Uzes et le
s' de Marignac qui se trouvèrent l'un dans
S' Honoré et l'aullre dans S" Marguerite d'où
ils sortirent sans avoir enduré un seul coup
de canon en batterie , ains seulement quelque
volée des galères, dont ils ont esté fort hlas-
mez d'un chascun. Noz Provençaulxauroient
un peu mieux mesnagé leur honneur et celui
du Roy, et eussent bien employé l'occasion
de sacrifier leurs vies, car [ninr peu qu'eusse
tenu Marignac, il estoit secouru dans une
heure. C'est la plus grande lascheté qui fut
jamais. Et l'autre cappitaine qui y debvoil
eslre avec Marignac, estoit je ne sçay où
en garroùage (voir le Tableau des locutions
dignes de remarque à la fin du tome III du
recued Peiresc-Dupuy), deux compagnies
logées à S" Marguerite s'estant trouvées
reduictes à iio hommes cheltifs. Aussy n'y
futil pas tiré quasi une mousquelade. Et pour
le s' d'Uzes il estoit à Canes quand l'ennemy
aborda aux Isles et se fit pbrter par force à
S' Honoré, croyoit on pour y bien vendre
sa vie, mais ce n'estoit que pour saulver
1,000 pistoles qu'il y avoit laissées, car il
n'attendit pas nom plus que l'aullre un seul
coup de canon , et se rendit ;i discrétion s'es-
tant mis il genouix poiu- avoir son espée,
182 LETTRES DE PEIRESC [1635]
LXXIX
MÊME ADRESSE'.
Monsieur le Prieur,
Enfin W Ghabert de Tliollon* m'a ramené frère Chabert son frère,
bien honteux et descontenancé de touts ses mauvais desportements,
lequel j'ay chappittré com'il meritoit, sur toutes ces petites vétilles,
où il alloit chercher des occasions de querelles d'Allemand. Sur des
aultres plus griefves plaintes qu'on faict de luy, et dont il ne sçauroit
se laver, il proteste de vouloir mieulx vivre à l'advenir, et se resoult de
s'en retourner, n'ayant pas trouvé par de ça de party sortable com'il
eusse deèiré. Mais son frère m'a demandé permission pour luy de
s'arrester en Avignon un moys avec le filz de M' Guidy pour voir quel
train il y prendra avec un aultre qui s'en doibt charger.
Cependant il m'a rendu la clef de sa chambre (ju'il avoit emportée
sur luy, laquelle j'envoye au P. du Val dans le pacquet cy joinct, que
que j'ay faict cachelter soubs son enveloppe, afin qu'il ne s'imagine pas
que vous en fussiez saisy. Vous le luy ferez s'il vous plaict tenir afin
qu'il puisse faire restablir les deux chambres, qu'on avoit joinctes, en
leur premier estât.
Je faicts responce à M' de Gauffreleau, gênerai des Bénédictins, sur
les honnestes offres qu'il m'avoit faictes, cl vous prie de la luy faire
tenir par voye asseurée. Et si vous pouviez le voir en persone, il faul-
droit traicter avec luy s'il ne vouldroit poinct loger pour quelque temps
quand les soldais sortirent avec un haston ce sommaire : La reddition des isles au.r
blanc. Aussy l'Espagnol qui la luy rendit ne EspapmoU Inche.
manqua pas de dire qu'il estoit bien indigne ' Le prieur a ëcrit à côtd de l'adresse :
d'en porter jamais. Voila comme cez mes- Du ^ù octobre t635, avec la clef et nouvelles
sieurslesGasconsnousontaccommodez.mais de Provence.
n'en faictes pas de bruicl." (Le document ' Voir sur ce personnage une note de
n'a pas été daté par Peiresc , mais le prieur de mon Supplément au Peiretc , abbé de Guttres ,
Roumouies a mis sur l'enveloppe : Du 8 oc- J'A. de Lanlenay, p. 5i.
tobre i635. Une autre main a inscrit (t'ii'rf.)
[1635] À D. GUILLEMIN. 18?,
ledict frère Ghabert en quelque aultre monastère de sa dépendance et
en bailler un aultre au P, du Val qui peust estre de son goust, afin
d'essayer si le temps ne pourroit pas guarir une partie de la maladie
d'esprit de cez gents si mal compatibles partout où ils se trouvent et
leur faire esprouverquc le changement de lieu n'est pas cappable de
les contenter au bout du compte et que partout ils trouvent quelque
sorte d'incommodité à faulte de se sçavoir contenter de ce qui leur
peult suQîre', et de considérer ceulx qui en ont moings de subject
qu'eulx, qui s'estimeroient trop heureux d'estre en leur place, et nen
seroient pas si mescognoissants.
Je m'imagine que vous trouverez toutes choses disposées à cela, si
je ne me trompe, et que possible le succez pourroit reuscir en quelque
façon. Et seroit bon que cela fust conclu avant l'arrivée dudict frère
Ghabert, afin qu'il n'y cherche des obstacles et des traverses. Et qu'on
l'y prenne au mot en un besoing com'il ne seroit peust estre pas bien
dillicile, de le mettre dans le train de le requérir luy mesmes, pour
luy clorre la bouche à l'advenir, et prévenir les plaintes qu'il en pour-
roit faire un jour. Vous sçaurez bien diriger et conduire toute cette
affaire, je m'asseure, encores niieulx que je ne sçauroys le vous dire.
Que si vous n'y trouviez la disposition requise, ne faictes pas de dilli-
culté de dire aux uns et aux aultres et surtout à frère Ghabert que
s'il ne vit dans le respect et submission entière qu'il doibt à son supé-
rieur, quelque prétexte qu'il puisse prendre, je le traicteray d'une
façon qu'il n'y trouvera pas son compte ne touts ceulx qui travaillent
à le desbaucher de son debvoir.
Sur quoy je finiray demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné et meilleur a m y.
DE Peiresc.
A Aix, ce a a octobre i635.
' Peiresc aurait pu citer sur ce point un passagfe bien connu de YlmiUition de Jémm
Christ , mais nous avons déjà constaté qu'il n'aime pas les citations tlont abusaient plusi«»af!«
de ses contemporains.
184 LETTRES DE PEIRESC [1635]
Depuis mes dernières les ennemys n'ont faict que haster leurs re-
tranchementz dans les isles de Lerins, xn de leurs galères estants
allées en Italie descharger 3,ooo hommes pour le secours du Milanovs
et puis revenues chargées de brique pour les bastiments des forts. Ils
n'ont rien entreprins depuis sur le reste de la coste. Et si Dieu veult
un peu favoriser les armes du roy dans le Milanoys et faire sauller
Valance tout de bon, il fauldra bien qu'ils songent à se deffendre de
ce costé là, plustost que de nous attaquer, et n'y a pas d'apparance
que les galères puissent durer l'hyver oh elles sont, auquel cas il y
aura moyen de se mettre en mer pour les aller attaquer. L'on doibt
travailler à cez heures au procez de cez cappitaines qui se sont si mal
comportez dans cez isles ' pour les juger par les loix des armes, dont
l'issiie est attendue avec une merveilleuse impatiance d'un chascun-^.
LXXX
MÊME ADRESSE.
nonDEADX.
Monsieur,
Je receus jeudy dernier vostre boitte de vieux poids de bronze de la
main de ce bon homme à qui vous l'aviez consignée , avec un pacquet
adressé à Perrot^ qui fit tenir incontinant à Marseille ce que vous luy
recommandiez. Sammedy je receuz la vostre du 6""^ de ce moys par la
voye de la poste de Paris, oii je fus bien aise d'apprendre le bon estât
de vostre santé et la continuation de voz soings, non seulement pour
les advantages de ma pauvre église désolée , mais de moy mesmes et
de mes petites maladies d'esprit ou curiositez que je suis marry de
'Les deux gentilshommes gascons, nouvelles acquisitions, 5 171, fol. ôao.Aulo-
MM. d'Uzès et de Marignac, cloués au pi- graphe.
lori dans le billet qui fait partie de la der- ' Un des secrétaires de Peiresc , men-
nière note de la lettre précédente. tionné dans son Testament, comme nous
Bibliothèque nationale, fonds Irançais, l'avons déjà rap(>elé.
[1636] À D. GUILLEMIN. 185
n'avoir assez bien méritez et recogneus, mais il ne tiendra pas à moy
que je ne m'en acquitte mieux, si je le puis quelque jour Dieu aydant.
Car je vous advoiie qu'à l'ouverture de vostre boitte je fus ravy de voir
comme quoy vous aviez rencontr('! un si joly assortiment de poids
de 3 ou 4 cents ans. En ayant desja par devers moy quasi aultant de
ceulx de Tlioulouse de la mesme datte de l'un des vostres, et un de
Bordeaux de la mesme datte des vostres de l'an m.ccc.xvi qui est
de demy quart de livre si je ne me trompe, ne l'ayant pas à cette beure
trouvé à la main pour le comparer aux vostres, ce qui me faict juger
que cette année m ccc xvi pour Bordeaux et m ce xxxix pour Tboulouse
il se deubt faire quelque règlement solennel en cez lieux là pour raison
des poids et des mesures qui furent suyvis longuement aprez et qui
retindrent lousjours la mesme datte. Et si dans les archives de la
seneschauscée ou de la connestablie de Guienne ou de Bordeaux, ou
bien dans celles de l'hostel de Ville, il s'en trouvoit quelque vieille
cbarte ou aultre mémoire vous me feriez un singulier plaisir de m'en
procurer un extraict; le garde des chartes de l'hostel de Ville en trou-
veroit sans doubte facilement quelque chose sur les inventaires des
chartes, et soubs ladicte datte de 1 3 1 6 ' comme j'escriray à Tboulouse
d'v chercher celle de laSg.
Vous me dictes que la livre pesé 1 3 onces. Je vouldrois sçavoir au
vray si la livre courante aujourd'huy à Bordeaux est pareille à celle là,
ou plus ou moings forte, ou foible, et si elle est divisée communément
en i3 onces, car cela seroit fort extraordinaire et j'eusse creu qu'elle
eust deub estre de seize onces, ou du double marq, comme par tout
le reste de la France, ou bien de douze onces tant seulement, comme
chez les apoticaires, lesquels vous en donneront possible plus de lu-
mière que tout aultre. Informez vous en, je vous prie, et des orfèvres
pour voir si la dilTerance est grande du poids de mark à celuy qui est
en usage dans Bordeaux et par la campagne ou villes voisines. Et si
leur mark n'est poinct dill'erant de celuy de Lyon, ou de celuy de
' Aucun document de ce genre n'est conservé ni aux archives municipales de Bordeaux ,
ni aux archives départementales.
T. ■ aA
l«»>IVHtl «ITIOTiLr.
186 LETTRES DE PEIRESC [1636]
Paris, mesme chez le raaistre de la inonnoye s'il y a fabrique dans Bor-
deaux présentement ou ailleurs à l'entour. Et je serois bien aise d'avoir
un jour un poids de la livre commune de Bordeaux courante à pré-
sent bien adjustée et de l'once, à part, et de toutes les subdivisions
de l'once pour menues qu'elles soient avec leurs noms et leur poids
exacte, et un examen de ce qu'ilz auront pesé cbascun sur le poids de
mark de la monoye et des orfèvres et sur les poids des apolicaires.
Mais cela n'a pas de hasle, et se pourra faire tout à vostre loisir, en
chemin faisant. J'ay une vieille livre de Gondom ' de ce mesme siècle
qui n'est pas moings forte que celle de Bordeaux à mon advis, et si
rencontrez des gents de ce pais là, enquerez vous si leur poids est diffé-
rent ou non de celuy de Bordeaux ou de celuy de Thoulouse, et s'ilz
en auroient rien conservé dans leurs archives de l'iiostel de Ville. Et
semble que la datte soit pareille à celle de Bordeaux de l'an m ccc xvi
ou bien prez, ne le pouvant à cette heure chercher dans mon ca-
binet.
Quant à cette aultre placque de bronze oti y a iin oyson bridé, il
me souvient de le avoir veu gravé en marbre dans Padoiie, à l'honneur
d'un Roy Edouard d'Angleterre pour sa devise, comme la salamandre
' Gondom , chef-lieu d'arrondissement du
département du Gers. M. Joseph Gardère,
archiviste de la ville de Gondom et membre
de la Société des archives historiques de la
Gascogne, par moi consulté, me répond en
ces termes : trSi le savant et regretlé E. Barry
était encore de ce monde, assurément lui,
qui avait fait une collection de tous les poids
et divisions de poids du Sud-Ouest, aurait
tranché la question. J'ai pesé une vieille livre
de Gondom en cuivre aux armes de la ville
datéede i368porlantd'uncôté: VNA LIVRA
DE GONDOM enlettres gothiques , de l'autre :
ANNO DOMINI M. GCG. LXVIII; elle a
donné 484 grammes environ. G'est le poids
approximatif commun de l'ancienne livre.
Le diamèti-e du poids, qui est plat et rond,
est de 63 millimètres; son épaisseur est de
i5 millimètres. J'ai pesé aussi un petit
poids de Gondom du xiv' siècle également ,
qui s'est trouvé être de 65 grammes envi-
ron. Il semble qu'on peut y lire GARTARO
et ce pourrait être le demi-quart, carteron,
ce petit poids ayant subi quelque altération ,
quelque diminution. D'un autre côté j'ai vu
un quart de livre de Toulouse du xiv' siècle
ne pesant que 96 grammes, ce qui donne-
rait 384 grammes à la livre toulousaine,
laquelle paraît moindre d'un quart environ
que celle de Gondom, qui parait se raj>
procher beaucoup de celle de Bordeaux. Je
ne sais rien sur la valeur en onces de chacun
de ces poids. »
[1636] À D. GUILLEMIN. 137
du Roy François I'' et le porc espic du Roy Louis Xil. J'y escriray pour
en faire retirer la mémoire et l'inscription de la datte, et pense que
cela (si ce peult estre un poids) aye son rapport au temps que ce Roy
estant maistre de la Guienne pouvoit avoir faict mettre sa devise aux
œuvres publiques. Je doubte pourtant que ce soit un vray poids pu-
bliquement approuvé puisqu'il n'y a vestige quelquonque de la marque
de sa valleur, nom plus que de la ville oCi il eust deub se voir. Mais
je n'ay pas laissé de le voir fort volontiers. Gomme aussy cez aultres
médailles tant d'argent que la petite d'oi-, qui s'est trouvée fort à mon
goust. Et vous en remercie trez affectueusement en estant bien rede-
vable non seulement à voslre courtoisie, mais aussy à celle du s' Tri-
chet^ de les vous avoir si libéralement desparties. Et si je le pouvois
servir je le feroys de trez bon cœur.
Au reste, comme vous ne me dictes plus rien de la rente de Fronsac
que vous disiez me vouloir faire tenir depuis Noël, je m'imagine que
c'est la difficulté de trouver marchand solvable qui veuille faire la re-
mise des deniers à Marseille. Et je croys que l'attente nous sera bien
préjudiciable si vous ne vous estes saisy des deniers, avant la publica-
tion de cet edict des monnoyes, oh il y a à perdre 2 5 pour cent, mais
il fauldra prendre patiance, en tout ce qu'il plairra à Dieu.
J'affirme que persoue ne sçauroit plus commodément vous ayder à
cette remise que les marchands Angloys qui ont leur correspondance
à Marseille, parce qu'ils sont bien aises d'avoir là de l'argent pour leur
emploitte des vins. Jay escript à Marseille pour voir si quelqu'un de
ceux qui y sont s'en vouldroit charger et me donner adresse à Bordeaux
pour retirer les deniers de voz mains ou de mes rentiers, s'ils les ont
encores, mais je n'en attends pas la responce assez à temps pour cet
ordinaire. Nous sommes tousjours pix avec mon ingrat neveu, qui se
descrie tousjours davantage, et nous constraindra enfin de le ruiiier,
' Sur Pierre Trichet , de Bordeaux , el sur amateurs du svu' siècle où M. Edin. Bonnallë
son fils, Raphaël ïricliet du Fresne, deux cite une notice de M. R. Dezeimeris irpleine
fervents antiquaires, grands collectionneurs de faits curieuX".
surtout de médailles , voir le Dictionnaire des
a4.
188 LETTRES DE PEIRESC [1636]
com' il vouldroit faire de nous s'il pouvoit. C'est un trop fasclieux dis-
cours pour vous en entretenir, et je demeure tousjours,
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 9 4 mars i636.
Vous aurez une lettre de ce bon homme de Libourne à un advocat
de Bordeaux, et des coppies de lettres de nostre compagnie à M^ le
ChancelHer que m'aviez aultres foys demandées. Si j'eusse peu chercher
mes papiers, j'en eusse trouvé afTorce aultres, mais je ne l'ay peu dans
noz desordres domestiques'.
LXXXI
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu la vostre du 3o du passé avec les lettres de Paris du
9""' du présent, sammedy dernier. Ce ne fut pas sans un peu de mor-
tification de voir que j'eusse prévenu le dessein que vous aviez de faire
acquitter icy la partie de Fronsac sans passer par les mains des mar-
chands, à quoy je me serois trez volontiers conformé pour l'amour de
vous, au moindre mot que m'en eussiez mandé, voire je ne me serois
jamais porté à prendre cette voye, sans ce que vous m'aviez escript dez
le commencement de janvier que vous cherchiez commodité de me
faire remettre ladicte partie, de sorte que je creus vous dellivrer de ce
soing et de cette recherche, et que j'espargneroys le droict de remise
' Les désordres causes par la rébellion .^171, fol. Gay. Autographe. — Copie à la
du neveu de Peiresc. — Bibliotlièque natio- Méjanes , coileclion Peirpsc , registre \ ,
nale, fonds français, nouvelles acquisitions, foi. 716.
[1636] À D. GUILLEMIN. 189
que nous en avoient aullres foys faict payer le s"" de Gastines et aultres
de Lyon ou de Paris, c'est (sîc) advis m'ayant esté donné par un mar-
chand flamand qu'il falloit chercher à Marseille cette commodité de le
faire remettre au pair par les Anyloys, lesquels seuls y pouvoient trou-
ver leur compte et que les aultres marchands ne le pouvoient faire
sans droict de remise. Tellement que si vous voulez de par delà voslre
partie de Rouinoules, j'escriray à Marseille pour faire chercher de
quelque aultre nation qui peussent trouver leur compte à la vous faire
remettre et vous y laisser prendre le droict qu'on souloit tirer de moy.
Cependant voz fermiers verront de mettre en estât leur partie, car
je me doubte bien qu'elle ne soit gueres preste quoyque les fermes
soient escheues, à ce que m'en dict l'aultre jour M' Mercadier de Bri-
gnole que je rencontray icy par hazard et depuis un autre de Rou-
moulle qui estoit icy à la poursuitte de quelque procez, lequel me fit
des recommandations de vostre curé, et eust bien voulu que j'eusse
escript à voz rantiers d'aulmosaer quelque chose de voz revenus dans
la nécessité présente, qui est certainement bien grande et universelle
par la province. Mais je luy dictz que je n'avoys pas droict de m»;
dispencer de cela, et que c'estoit à vous qu'ils se debvoient adresser
pour adviser à ce que vous y pourriez faire dans les despences extraordi-
naires où vous vous estiez trouvé engagé et dans la foulle de cez nou-
velles taxes de l'assemblée du clergé. Toutefoys que je vous en escrirois
un mot, mais que je ne voyoys pas que la chose pressast tant, que-
je vous attendoys en bref, et qu'il vaudroit mieux qu'ils vous en eussent
l'obligation de présence toute entière. C'est la vérité que la nécessité
est grande partout, mais vostre lieu n'est pas si malade que d'aultres
de beaucoup, ne dans de si grandes incommoditez.
Vous m'accusiez le renvoy d'une lettre de vostre curé que je n'ay
pas trouvée dans le pacquet, et sera vraysemblablement demeurée en
arrière sur le tapis de vostre chambre ou de mon frère de Vallavez, ipii
me la renvoyera vraysemblablement la procliaine semaine aprez vous
avoir respondu possible pour luy et pour moy. Vous suppliant d'excu-
ser les remises dont j'ay souvent usé envers vous durant les mauvaises
190 LETTRES DE PEIRESC [1636]
affaires que nostre ingrat' nous va jetlant sur les bras journellement,
puisqu'il plaictà Dieu, dont le récit vous aflligeroit aultant que nous
mesnies. C'est Dieu qui sçaict mieux que nous pourquoy tout cela nous
advient, et ce qu'il nous faull , et me suis habitué à tenir toutes choses
de sa divine main, attendant si ce cœur endurcy ne fleschira poinct.
Et c'est bien cola aussy qui me constrainct de chercher du secours où
je peux, pour remplacer ce que ce frippon a fripponné de par de ça
de ce que nous pouvions avoir de plus liquide, jusques à huict ou dix
mille francs dans raoings d'un an, et il est plus altéré et plus acharné
h la curée qu'il ne fut jamais, nonobstant tout cela, sans qu'il sçaiche
tenir compte d'aulcune honneste proposition qui luy soit faicte par les
gents d'honneur et de raison, de quelque qualité et condition qu'ils
puissent estre.
Au reste je ne puis assez admirer vostre dextérité non seulement à
desterrer et vendiquer des papiers si importants, comme sont ceux
que vous avez si inesperen)ent trouvez des dixmons de Fronsac, mais
aussv à vous conserver le credict de vostre cher hoste avec tant d'ad-
vantage pour moy et pour vous, et de patiancc pour luy, qui me
rend tout honteux et confus et suis bien d'advis quoyqui puisse arriver
que vous y trouviez vostre iudamnité, n'estant raisonable que vous y
mettiez vostre bource avec vostre temps et quasi vostre aage, ce qui
nip faict quasi frémir quand j'y pense, et suis tout résolu d'y pourvoir
en façon que vous ayez toute la satisfaction qui pourra dépendre de
nous, tost ou tard.
Je suis si accablé présentement d'affaires que je ne sçauroys vous
entretenir à loisir comme je vouldrois, ne quasi bien considérer ce que
vous m'escrivez de cez papiers des dixmons que l'on mavoit tenus si
cachez, tant j'avoys esté mal servy de par delà, veu que principale-
ment les derniers ne me deb voient pas avoir esté incogneus, ou à ceux
qui avoient charge de mes affaires, comme chose si récente, et qui
ne pouvoit estre que notoire sur les lieux; si j'y eusse peu faire un peu
Le neveu de Peiresc, doat ce dernier se plaignait à lous ses correspondants, comme
on l'a déjà vu en ce qui regarde les frères Dupuy et Gassendi.
|1636] À D. GUILLEMIN. 191
plus de sesjoiir, nous en serions venus plus facilement à bout, mais
l'on ni'avoit trop pressé de venir icy et de passer oultre. Dieu le par-
doint à ceux qui en feurent la cause.
J'ose pourtant espérer que vous en viendrez enfin à bout, et que
cela vous y aydera bien fort. L'homme du s'' président Conte me vint
dernièrement demander de l'aqjent à prester, dont je m'excusay, sur
ce qu'il ne m'avoit poinct apporté de lettre de son niaistre, comme
estant trop subject à dezadveu. Il ne s'est pas conduict avec la pru-
dence requise, et a présenté des requestes si oultrageuses, qu'on a esté
constrainct de les retenir, et de luy refuser des choses qu'il eust ob-
tenues par lesvoyes de l'honnesteté. Je le vous dictz afin que si l'on
vous en vouloit faire des repi'oches, que vous en puissiez parler com' il
fault.
L'on m'a envoyé de Thoulouse, non pas des chartes concernant le
règlement des poids et mesures qui y avoit esté faict l'an m. ce. xxxix
(parce que les tiltros et documents de l'Hostel de ville furent pillez
aux premiers troubles de la religion), mais une boitte comme la vostre,
de l'assortiment de huict pièces consequutives, de diverses proportions
de poids touts daltez de la mesme année, excepté le plus gros qui est
de un libvres, lequel est de l'an m ce xn^ Or cez assortimentz me font
' On connaît une dizaine d'émissions de mentionnée par Peiresc, pour le poids de
poids de Toulouse, entre autres celles de nu livres, serait une révélation , s'il ne s'est
1289, i45o, i4i)'i, ligS, iSo'!, i5i6, pas trompé.
i53o, i543. On n'a pas retrouvé de poids de villes
Ces poids, surtout ceux de laSg (à cause situe'es nu nord de Bordeaux.; tous ceux qui
de la durée de cette émission : plus de deux sont connus appartiennent au sud-ouest de
cents ans), sont très coninuins. la France.
La série se compose de huit poids : un liv. , Quatre livres : + ini livras de Tolosa.
Il liv., I livre, 1/2 1., i/4, 1/8, 1/16 (once) Porte de ville flancjuée de deux tours cré-
et i/3q (1/9 once). — C'était ce que con- nelées; une tour ci'énelée au milieu,
tenait la ffboëtte» reçue par Peiresc. ^.+ IncarnationeDomim M CC XlL(«ie).
Les poids de Toulouse de 1289 sont Le clocher de Saiut-Sernin, dans un
considérés non seulement comme les plus {rrènetis, surmonté d'une croix et accost»"' de
anciens de celle ville, mais aussi comme deux petits clochers surmontés de croix,
étant les premiers poids inscrits émis dans Deux livres : + 11 livras de Tolosa, même
le midi de la France. — La date de 1212, type.
192
LETTRES DE PEIRESC
[1636]
désirer tant plus ardamment quelque vieille charte de ce temps là à
peu prez, oii soient mentionnez les reglemenlz de cette sorte de matière
de police, croyant qu'ilz ne seront {juicres dilTerantz les uns des
aultres hors de la datte, et puisque nous ne pouvons avoir ceux de
Thoulouse, je vouldroys bien avoir ceux de Bordeaux ou de Gondom,
si faire se pouvoit. 11 fauldroit un peu caresser le garde des chartes
ou des cartulaires et registres de l'hostel de Ville, ou du seneschal, ou
de ceux qui jugent encor aujourdhuy cet article de police des poids
et mesures et s'en enquérir des ouvriers mesmes qui les forgent et les
adjustent, s'il y en a des vieulx, car par traditive ils en ont quelque-
foys ouy parler et en peuvent donner les adresses.
IV. + Amo Domm M CC XXXVIIII,
même lype.
Une livre : H- i livra de Tolosa , môme
type.
R". + An. Dojiwi M GG XXXVIIH , même
type.
Demi -livre : + Meia i.ivba w Tolosa,
même type.
IV. Pareil au précédent.
Quart de livre : + Cartaro he livra,
même type.
R. Pareil aux précédents.
Quarteron ou demi-quart : + Meig car-
tard, même type.
IV- Pareil, mais type siraplifii^.
Once : + Onsa , même type.
IV- -t- DE livra. Pareil. Tour simple.
Demi-once : + Meia onsa , même type.
IV- PareU au précédent.
Ces descriptions sont prises dans un excel-
lent travail de M. Emile Taillebois, secré-
taire général de la Société de Borda à Dax ,
intitulé : Recherches sur la numismatique de
la Novempopulanie.
Il décrit aussi un quart donce :
Cartaro, même type,
R-- u- OSSA, mémo type, qui appartient
au Musée du grand séminaire d'Auch. —
Cela porte à neuf la série de i s Sg.
Malgré les ordonnances de Chariemagne
et les tentatives de plusieurs de ses succes-
seurs, notamment Philippe V, l'unité des
poids et mesures n'avait pu être établie en
France. La livre poids n'était pas la même
partout. A Paris (poids de marc), elle était
de i6 onces, ce qui fait à peu près Ago gr.
Agen, Bayonne, Bordeaux avaient adopté
la livre de Paris.
A Lyon, le poids de ville n'était que de
1 4 onces à la li>Te ( 43o grammes environ ) ;
mais le poids de soie était de i5 onces
(46o grammes).
A Marseille, i3 onces (898 grammes).
A Rouen , au contraire , le poids de vicomte
était d'un peu plus de 16 1/9 et pesait en-
viron 5 1 o grammes.
,4 Toulouse, le poids de table était de
i3 onces et demie (environ 4i5 grammes).
— 100 livres de Toulouse représentaient
84 i. 1 i onces de Paris; 100 livres de Paris
équivalaient à 1 18 livres de Toulouse. (Com-
munication de M. Emile Lalanne , directeur
du poids public à Bordeaux, membre de la
Société des archives historiques , etc. )
[1636] À D. GUILLEMIN. 193
Excusez moy de cette peine. Cez divertissementz me sont des remèdes
à mes inquiétudes domestiques, et faictes estât de moy comme,
Monsieur le Prieur,
de vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 30 mav i636'.
LXXXII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du i o™^ par nostre dernier ordinaire de
Paris, et ay faict la ratification de la transaction des s" Bichons '\ que
je vous renvoyé pour cet eiïect, avec l'acte au pied, au cas qu'ils le
désirent ainsin, ensemble un extraict u part de mon acte de rattifica-
tion, n'ayant pas eu de loisir de retenir coppie de la dicte transaction,
dont on a plus à faire de par de là qu'icy, n'estimant pas que la mé-
moire s'en puisse facilement perdre puisqu'il fauldra la mettre sur
i'estat de mes fermiers, ou de ceux qui payeront cez messieurs de
Gourgues. Desquels il me tardera que vous puissiez vous redimer
d'une façon ou d'aultre, pour le regret que j'ay du temps qu'ils vous
font perdre de par de là. N'y ayant pas lieu d'espérer d'eulx aulcune
sorte de courtoisie.
' Bibl. nat. , fonds français, nouv. acq. ,
6171, fol. 639. Autographe. — A la Mé-
janes on possède seulement la copie de la
dernière partie de cette lettre, à partir des
mots: a L'on m'a envoyé de Thoulouse. n
(Collection Peiresc, registre V, fol. 790.)
Cette copie est suivie de quatre lignes de
post-scriplum qui sont, en réalité, les pre-
mières lignes d'une lettre ([ue l'on trouvera
plus loin sous la date du 1 1 novembre 1 G36.
' Voir parmi les pièces justificatives de
VHistoire de la ville et du canton de Gitllres,
par MM. A. Godin et J. Hovyn de Tranchère
(Libourne, 1889, gr. in-8°, p. la, n° vu),
une Généalogie de la famille de Bichon. Un
des sievr.i Richon dont parle Peiresc était
Etienne de Richon, chevalier, seigneur de
Monifavier, trésorier général de France en
la généralilc' de Guienne.
3 0
19/1 LETTRES DE PEIRESC [1636]
Pour le concordat, s'il fault qu'il passe à Rome, je ne pense pas
qu'il en faille attendre le gratis. Vous sçavez coni'ils m'ont faict naquet-
ter celuy de Sercou ' et celuy des PP. Jesuistes, dont il fallut payer rie
à rie l'un pour avoir l'aultre gratis. Toutefoys il n'y aura pas de dan-
ger de faire escrire le banquier de voz cartiers à son respondant qu'il
en confère avec M"^ Marcliand et M' de Bonnaire * auxquels j'en escriray
un mot, pour voir s'ils en pourroient espargner une partie s'ils n'ont
le tout qui ne sera pas de moings de cent escus d'or si je ne me
trompe. J'en pourray encore toucher quelque chose au P. Venot^ qui
m'a escript depuis peu avec de grands tesmoignages d'honnesteté à
cause qu'un sien neveu d'Autun* a contracté grande amitié avec moy.
J'ay faict bailler vostre procuration à M' Lombard qui attend voz
lettres et sera fort propre à prendre le soing de vostre affaire, car le
s"" Mercadier de sa grâce ne m'a faict aulcune respouce, et le s' prieur
de Moustiers ne s'est non plus souvenu de m'escrire et de m'envoyer
quelques pièces secrètes de l'assemblée qu'il m'avoit offert de son
propre mouvenlent. Il est vray qu'il aura eu de l'exercice à son arrivée,
soit ù visiter divers prélats, ou ses fermiers et domestiques.
Si vous n'avez de plus opportune commodité en obligeant quelqu'un
de la suittfi de M' le Premier Président*, je pense que de Marseille ii
y aura moyen de faire tenir voz deniers au pair dans Bordeaux, par
la mesme voye des Angioys, quand vous vouldrez, mais l'aultre sera
plus advantageuse et de plus d'acquest quand ce ne seroit que pour
l'honneur. Cependant M' Lombard agira pour se saisir des deniers à
l'advance, avant leur arrivée.
' Parmi les cures auxquelles nommait ' Sur le P. Charles Venol , voir le recueil
ouprésenlaitrabbëdeGuiti-es,oncomptait, Peiresc-Dupuy (t. I, p. la), et Peircuc,
dans le diocèse de Saintes, celle de Saint- abbé de Gtûtres, par A. de Lantenay, p. 3g.
Nazaii-e et son annexe Saint-Germain de ' Sur l'antiquaire d'Autun, voir lo re-
Gercou. rueil Peiresc-Dupuy, jxissim-
Le sieur de Bonnaire, le beau-frère de '' Joseph du Bernet, le nouveau premier
Barclay, est plusieurs fois mentionné dans président du parlement d'Aix. Voir le re-
chacun des trois volumes du recueil Peiresc- cueil Peiresc-Dupuy, passim.
Dupuy.
[1636] À D. GUILLEMIN. 1Ô5
J'ay desja escript à vostre bon curé de se donner patiance pour cette
année procliaine; il ne m'a pas respondu , mais je ne pense pas qu'il eust
le courage de vous en esconduire vous ne moy. Il attend de voz letti'es
à ce que me dict un de ses amys qui passa par icy cez jours passez.
Au reste je me suis fout resjouy de la bonne nouvelle que vous
m'avez donnée du retour de M'' le premier président du Bernet des
Bains en bonne santé, et espère que puisqu'il semble l'avoir anticipé
de quelque semaine, et avoir abrégé le sesjour qu'il y vouloit faire,
qu'il en anticipera d'aultant son voyage de Provence où il est attendu
en trez bonne dévotion, je vous en asseure. Il nous tardera d'avoir voz
prochaines lettres de l'ordinaire prochain, nous promettant que vous
nous en direz possible quelque chosette.
Vous ne m'accusez pas de mes lettres plus fraisches que du 2 6"* du
passé. Le suyvant ordinaire du 1"' de ce moys vous aura donné la nou-
velle de mon restablissement, et celle cy vous en adjousteia une aultrc,
que mon neveu estant arrivé à Paris le lendemain du despart de son
père s'en alla voir M^" le Chancelier qui luy apprint son debvoir, et
aprez s'en alla voir M' d'Aubray et Mess" du Puy protester sa repen-
tance et demander des lettres d'intercession envers son père e1 moy.
détestant les mauvais conseils qu'on luy avoit donnez icy et voulant se
soubmettre à son debvoir, à quoy il n'a pas trouvé de la répugnance de
ma part, et s'il eust sceu me prendre par ce bout là, il auroit bien
aultrement disposé de moy qu'il n'a faict.
J'attends sur cela la responce de mon frère qui est à Cuers à l'as-
semblée des communauttez oii il est arrivé tout à temps pour bien
contribuer à raccommoder le malentendu qu'on avoit voulu semer
entre M^'^ le Mareschal et M"" le conte de Garces, qui y fut traicté et
caressé inesperement avec le marquis de Janson et les s" de Vins et de
la Verdiere ses parents K Et aprez s'en est allé à Canes faire sa charge
de mareschal de camp en absence de M"" le Mareschal. C'est M"" de
Nantes^ qui a faict cette négociation.
Tous ces noms figurciil déjh dans les quatic premiors tomes de celte correspondanco. —
Sur Gabriel Beauvaii de Rivarennc, voir le tome 111 du recueil Peiresc-Dupuy, passim.
• 95.
196 LETTRES DE PEIRESC [1636]
M"" le General des galères avoit desseigné d'allaquer les galères
d'Espagne, mais elles passèrent la nuict du jour qu'il faisoit ses prépa-
ratifs pour sortir du port de Marseille. 11 avoit xn galères trez bien
munies et a bregantins avec xn tartanes fort lestes. Les Espagnols
n'estoient que xv galères assez mal armées pour estie obligées de cé-
der, si les nostres y fussent allées à temps. Il a depuis cassé M'' de
la Marte et Spinassi pour n'avoir bien punctuellcment muny leurs ga-
lères selon son ordre. Le pauvre M' le Ballif s'estoit faict embarquer
avec un grand flux de ventre et fiebvre, mais il le fallut desbarquer
pour la violance de son mal qui s'est neantmoings arresté depuis et je
demeure.
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Pkibesc.
A Aix, ce 39 juillet i636 '.
Je vous envoyé une lettre de M' Thomassin le Vieil à M' le premier
président du Bernet, à qui je n'ose escrire pour ne luy estre pas
trop à charge. Vous luy en ferez mes excuses, s'il vous plaict.
M"" Mercadier m'a depuis envoyé une vieille lettre à ce soir en
responce des miennes, laquelle vous verrez avec la responce de
M' Lombard.
LXXXIII
MÊME ADRESSE.
BOnOEAUX.
Monsieur le Pi-ieur,
Vous aurez icy comme je pense la responce de M' Moreau à celle
de M' le Premier Présidant^ et une coppie de celle que m'a escript
Le bailli de Forbin est souvent men- nouvelles acquisitions, 617 i.foL 53 1. Atlto
lionne dans le recueil Peiresc-Dupuy. graphe.
- Bibliothèque nationale, fonds français, ' Joseph du Bernet.
[1636] À D. GUILLEMIN. " 197
M' de Bordeaux 1 des Isles de Mailhorque du 29°^ du passé encores
que son secrétaire se soit equivocqué, parlant des isles d'Ieres, car elle
est veniie soubs une mesme enveloppe, avec une pour M'i'Archevesque
d'Aix^ de mesme datte par un navire despesché des isles de Mailhorque.
Vous verrez connnent il se souvient de vous, de quoy je n'ay manqué
de le remercier tant de vostre part que de la mienne , mais cette des-
pesché estant venue icy pendant que M'' i'Archevesque d'Aix estoit à
l'assemblée, et n'ayant esté ouverte que depuis son retour, je ne l'ay
pas eue que bien tard, et n'ay encores peu recevoir sa responce de
celle que je luy ay escripte par le jeune Gailhard à faulte de vous ou
de quelqu'un de noz parentz, dont j'estois trop despourveu en cette
conjoncture.
M'' Lombard avoit escript à voz gentz de Roumoules par l'adresse
du s' Gassend, gendre du parisien vostre voisin. Mais vostre bon curé
n'ayant d'aultre commodité de respondre avoit envoyé un garçon qui
n'est arrivé qu'à ce matin deux heures aprez.lc despart dudict s' Lom-
bard qui a voulu aller voir cette grande armée navalle qui remplit
tout le grand port de Toullon à la distance qu'ils ont ancré les uns
aussy prez des autres qu'ils ont peu. J'ay ouvert la lettre que luy escript
vostre curé, car il ne m'escript pas à moy, pour voir s'il y avoit rien
à faire pour vous ou pour luy. Et de faict j'ay faict expédier cejourd'huy
des lettres de debitis qui sont au seau et qui luy donneront assez
d'exercice et de matière de ne vous pas laisser à RoumouUes la présente
année, quelque raine qu'il tinst. J'envoyeray sa lettre à M"' Lombard,
afin qu'il pourvoye à la fin de ce moys, à ce que voz fermiers vous pro-
mettent.
J'ay bien du regret de cette maladie qui se glisse dans Bordeaux,
et si vous y trouvez du danger, je ne vous conseille pas de vous y tenir,
ains de vous tenir au loing, et plustost vous en venir, s'il y a moyen,
m'asseurant que vous trouverez là assez de crédit pour cela, si besoing
estoit. Je feray soigneusement et punctuellement payer et rembourser
' L'archevêque Henri de Sourdis* chef du conseil du roi en l'armée navale. -^ ' Louis
de Breteli
198 LETTRES DE PEIRESC fl^SÔ]
icy aux gents de M' le premier présidant du Bernet tout ce qu'ils
trouveront bon de vous bailler de par delà ou que vous vouldrez
prendre de leur main. Vous pouvez liardimenl faire lettre de change
sur mov ou bien sur les s" Ruts et Martin marchands Flamands de
Marseille qui me firent trouver la remise des xi cents libvres dernières,
lesquels acquitteront sans faulte tout ce que vous ordonnerez, et sur
ce je finiray en haste, demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peibesc.
A Aix, ce 19 aoust i636.
Je viens d'apprendre, par lettre de Toullon du jour d'hier au soir,
que M"" de Bordeaux y estoit de retour de Marseille puis samedy, que
M' le conte de Flarcourt y languit bien en l'attente de l'armement de
M"' de Nantes, et qu'il avoit dict ce jour là qu'il sortiroil ce jour d'huy
du grand port pour aller aux isles. Ils ont faict aygade dans Icdict port
pour trois mo\s. Ils avoient eu advis par une tartane du Martigues.
venue de INarbonne, laquelle avoit prins langue d'un corsaire du Mar-
tigues, qui a couru la coste d'Espagne, qu'il avoit veu six galères au
cap de Quiers, lesquelles en attendoient dix autres pour passer en
Italie; qu'il estoit hier arrivé à Toullon 65 mille libvres pour les galères,
qui dévoient aujourd'huy faire montre, que M' le Baillif y estoit arrivé
malade dez sammedy au soir, et que son embarquement n'estoit pas
certain avec son mal; que M"" du Luc et M*" de Forcalqueiret s'embar-
quoient sur l' Admirai.
Et dececy vous n'en dire? rien qu'à M' le premier présidant du Ber-
net : qu'il y avoit eu tout plein d'allées et venues pour concerter l'entre-
veue de M^' le conte de Harcourt avec M^ le Mareschal, qui est au
lictde la goutte puis trois jours, sur la difTicullé des gardes, tant de
l'un que de l'autre, M'' le Conte les voulant mener en terre ferme, et
l'autre ayant de la peine à le souffrir. A quoy mon frère se trouve bien
empesché.
[1636] À D. GUILLEMIN. 199
[Posl-scriptum à côté de l'adresse.] Nous n'avons pas trouvé de datte
aux minutes des lettres nom ])ius qu'au registre'.
[19 aousl i636.]
Il y a eu de grandes contentions pour les rangs et la prelerance
ou partage du commandement entre les cappitaines des galères et
ceux du régiment de la marine, Vinceguerre et le s'' d'Aquicilly ayants
rompu la glace et déclaré ne le pouvoir souffrir et ayants mieux aymé
quitter les galères dont ils estoient propriétaires à l'exemple desquels
la pluspart des aultres en avoient voulu faire aultant et se resolvoient
de s'embarquer sur l'Admirai pour servir le Roy en aultre condi-
tion moings honteuse. L'on travailloit à les accommoder. Je ne sçay
s'ils auront peu en venir à bout, car les lettres de Toullon ne sont
pas encor arrivées. Le pauvre M"" le Baillif y a esté meslé bien avant,
et avoit prins son congé, mais l'occasion du voyage l'oblige de servir
durant iceluy. C'est une trop longue histoire pour une lettre.
LKXXIV
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire voz deux despesches assemblées
du 21 et 28 aoust accompagnées de celle de Monsieur le premier pré-
sident du Bernet de mesme datte du a 8""= tant pour mon frère que
' Bibliothèque nationale, fonds français, d'une autre lettre écrite le 19 noùt i636,
nouvelles acquisitions, 5 1 7 1 , fol. 533. Auto- comme nous l'apprenons d'une annotation
graphe. mise par Guillemiii nu dos de ce feuillet , ii
' La lettre du 1-2 août iG36 est suivie côté di- l'adresse,
dans le ms., fol. 535, du dernier feuillet
200 LETTRES DE PEIRESC [1636]
pour moy, et un pacquet lequel je fiz tenir sur le champ à Marseille
à M"' de Valbelle' qui me donna advis que c'estoit pour M' de Bor-
deaux- à qui il l'envoya à l'armée navale du costé de Mourgues'
où elle est encores comme l'on croid. Et comme le pacquet sembloit
quoyque petit de plus d'une livre, je me suis imaginé, parceque je le
désire ainsin, qu'il y en pouvoit bien avoir encor une à M' le maréchal
de Victry, pour luy estre baillée ou envoyée de la part de M' de Bor-
deaux. A celle fin qu'à l'arrivée de M' le Premier Président il trouve
toutes choses aussy bien disposées de ce costé là que du Parlement et
d'ailleurs pour une réception bien à souhaict et pour les fondements
d'une correspondance * toute entière et telle que la peut requérir le bien
du service du roy et du public, pour ne retomber aux inconveniants
passez, qui n'eurent leur source qu'en une chettive punctualité de moings
quasi que d'une bonnetade ^. Dont se sont ensuivys des inconveniants
et desordres qui ont bien chèrement cousté au pauvre païs et ont enfin
degousté M' l'Aisne '' de cette province laquelle y a perdu jusques à des
millions, ce qui est incroyable sans le voir et loucher au doigt comme
il est bien aisé. Quand ce ne seroit que pour l'alFaire des communautez
impuissantes et pour celle des Francsfiefs dont l'abbus n'a prins de-
progrès que par cette mezintclligence et l'absance ou retraictc dudict
s' premier président l'Aisne. C'est pourquoy si vous pouviez pressentir
que M"" le premier président du Bernet n'eusse pas encor escript à
M"' le Mareschal, voyez pour l'honneur de Dieu de mesnager cela avec
luy selon vostre bonne prudance et dextérité, pour le disposer à le
faire avant d'entrer dans la province s'il est possible, plustost par
quelqu'un des siens s'il en despesche à l'advance comme il y a de l'ap-
parance qu'il le pourra faire.
Auquel cas un petit mot encores à la Compagnie et à M"" le presi-
Voir le recueil Peiresc-Dupuy, p(M«'/«. ' Accord, harmonie.
Henri d'Escoubleau de Sounlis. > Coup de bonnet. Voir Table des moUi et
Nom que portait autrefois la capitale de locutions dignes de remarque, à la fin du
la principauté de Monaco, comme nous tome 111 du recueil Peircsc-Dupuy, p. 786.
l'avons déjà vu dans le recueil Peiresc- ♦ L'ancien premier président du parle-
"P"y- ment d'Aix , Liaisné de la Marguerie.
[1636] À D. GUILLEMIN. 201
dent Du Ghaisne^ seroient receus à singulière faveur et obligation de
la part d'un tel personage et ne luy seront pas inutiles à l'advenir Dieu
aydant. Quant à son logement ce nous seroit un très grand honneur
et advantage qu'il daignast accepter la maison de son serviteur, en
attendant que la sienne soit meublée et accommodée ainsin que Ma-
dame la Première Présidente le pourroit désirer pour sa particulière
satisfaction. Je l'en supplie de rechef et vous prie de l'en conjurer aul-
tant qu'il vous sera possible. Et pour cet effet si je puis apprendre le
temps de sa veniie, je ne manqueray de l'aller recevoir au plus loing
qu'il me sera possible. Que s'il ayme mieux aller droict chez lui, j'ay
apprins du s"" Moreau qu'il avoit encore tout i'emeublement de
M' du Couldray^ dans la maison mesmes de M"" le Premier Président
où il ne fault que le faire tendre, y ayant, ce dict-il, de quoy meubler
les deux chambres que Madame désire avec les appartenances qui y
peuvent escheoir des garderobbes, et m'a dict de plus que le sous-
lieutenant Bonfilz ;\ qui est la maison^, achepta à fort bon marché
toute la batterie de cuisine de M'I'Aysné en intention d'en accommoder
son successeur s'il l'a agréable avec toutes les pièces que Mad""* la pre-
mière présidente l'Aine avoit acheptées en passant par Lyon qui sont
d'autre calibre que tout ce qu'on a en ce païs. Que si Madame trouve
plus à propos que nous fassions meubler chez elle mesmes les chambres
qu'elle y désire trouver prestes, nous le ferons trez volontiers, au
moindre clein d'œuil et tascherons de mettre ordre que d'une façon
ou d'autre elle trouve un mauvais giste appresté tout le moings mal
qu'il se pourra faire à la provençale , mais avec le plus cordial accueil
que faire se pourra, vous les en pouvez asseurer l'un et l'autre, et qu'il
ne tiendra pas à nous que selon la foiblesse de noz forces nous ne luy
fassions paroistre nostre dévotion toute entière à son service.
' Un fils de cet illustre président I^uis sier, voir le recueil Peirsec-Dupuy, l. III .
du Ghaisne, le grand ami du premier pré- passim.
sident Guillaume du Vair qui fit son éloge ' Sur la famille Bonfds et sa maison, voir
funèbre (avril i6i3). ï{ou\ Wpherm, Les rues d'Aix , t. II, p. 83-
' Sur le mai-quis du Goudray-Montpen- 84 et gS.
V. a6
202 LETTRES DE PEIRESC [1636]
Au reste, je vous remercie trez affectueusement de voz charitables
reserves et jalousies, pour les appréhensions que vous aviez prinses
de vostre fréquentation en lieu que vous aviez doublé suspect, sinon
de la maladie, au moings de la hantize de quelque personne qui en
avoit peu approcher. Nous ne sommes pas Dieu mercy si apprehensifs
que cela et n'eussions pas moings librement et volontiers receu de voz
lettres pour tout cela, et quand mesmes voz appréhensions eussent eu
plus de fondement, voz lettres n'eussent pas esté moings bien venues.
Les allarmes de l'an 1629 nous ont bien r'asseurez généralement en
ce pais, au prix de ce qu'on estoit auparavant, et si Dieu nous vouloit
tant affliger que de nous visiter de reclief de ce fléau je ne pense pas
que la teiTeur en fusse si grande qu'aultresfoys ne qu'on s'absentast
de la mesme sorte. Et hore du mal actuel asseurez vous que le reste
ne seroit pas considéré principalement pour le commerce des lettres.
Et vous supplie de nous advertir souvent de Testât de vostre santé,
sans toutes cez considérations, quoy qui arrivast, ce que Dieu ne veuille,
que le mal de ce pais là ne voulust pas cesser du tout. Combien que
en ce cas je ne vous conseille nullement d'y arrester ains de prendre
la routte de Paris, sans vous amuser aux affaires de mon abbayie, qui
dépendent de gcnts de si difficile convention et résolution à ce qui les
interesse tant soit peu et qui sont si aises d'avoir des prétextes d'allonger
la conclusion de quelque affaire que ce soit.
Cependant je suis bien aise que vous ayiez terminé la contention
de ce tableau dont on se mettoit en si grande peine dans mon Eglise.
Et sçay bon gré au P. du Val de vouloir faire paroistre sa pieté aux
ornementz d'iceluy. Il ne m'en a rien mandé par ses lettres, auxquelles
je faicts responce. J'ay eu mon frère icy un demy jour en passant et
s'en est allé à Marseille, pour ayder et faciliter l'expédition de quelques
tartanes de renfort à l'armée navale. Ce qui l'a empesché de pouvoir
respondre à M' le Pr[emier] Pr[esident]. Aussy bien a-t-il opinion que
noz lettres ne le sçauroient plus trouver à Bordeaux. Mais puisqu'il n'a
pas trouvé bon d'arriver icy avant la S' Remy, je ne pense pas qu'il
se puisse desvelopper si à poinct nommé des affaires qu'il peult avoir
[1636] À D. GUILLEMIN. 203
en voz cartiers et en Agennois ^ qu'il soit icy précisément au i o ou i a
d'octobre, ce qui me faict juger qu'il pourroit bien encor estre là à
l'arrivée de cette despesche. C'est pourquoy je n'ay pas deub manquer
de luy escrire à tout liazard. 11 est vray que j'adresseray un dupplicata
si je puis du costé de Thoulouse.
J'oublioys de vous dire que je m'estonne que puisque du 21"^ vous
m'accusiez la réception de mes lettres du 3'"'= vous n'en ayiez pas faict
de mesmes par les vostres du 28 des miennes du 12""® où estoit la
responce du s' Maurcl. Possible que les pluyes avoient retardé les cour-
riers par les cbemins, dont le prochain ordinaire nous pourra esclaircir
Dieu aydant, et je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 16 sepl[embre] i636 '.
LXXXV
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Ce mot en courant, car je parts demain pour aller au devant de
M' le premier président du Bernet, sera pour vous dire que sa
despesche du 12 arriva icy le 3o. Son secrétaire alla le lendemain
porter à M^ le Mareschal et à M' de Bordeaux celles qui leur estoient
adressées et n'en est pas encore de retour à mon grand regret à ce
matin. Celle du Parlement a esté leûe en plaines chambres et pour
' Le premier président Du Bernet avait et divers considérables domaines en Age-
des alTaires en Agenais parce que sa femme, nais.
Mnrgucrile doSevin, d(5jà plus haut men- ' Bibliothèque nul ionale, fonds français,
lionnée, appartenait à une riche famille nouvelles acquisitions, 6171, fol. 536. Aulo-
agenaise et possédait une maison à Agen graphe.
a6.
204 LETTRES DE PEIRESC [1636]
tesmoifjner le désir que la compagnie a de bien vivre avec luy et d'an-
ticiper les honneurs deubs à sa vertu, elle a délibéré de luy rendre non
seulement tout aultant qu'à tous ses devanciers, mais de députer un
conseiller de chasque chambre pour aller au devant de luy jusques
à une demy lieue d'icy le jour de sou arrivée et l'aller accueillir et
salliier de la part de la Cour et le reconduire à cheval en sa maison sans
attendre la présentation et vérification de ses provisions, et que toute
la compagnie l'iroit sallûer chez luy à son arrivée, excepté le seul
présidant plus ancien qui attendra sa visite pour conserver en la per-
sonne de celuy la ce qui s'esloit practiqué en celle de touts les pre-
sidantz et de toute la gr[and] chambre et qu'il en seroit faict registre
pour en conserver la mémoire à la postérité, ce qui n'avoit jamais
esté faict.
J'avois esté le député de la grand chambre, mais parceque je désir ;
aller jusque' Arles selon ses ordres, je l'ay remise à l'un de ceux qui
me suyvent en rang. Il pourra bien voir par ceste réception si nous
desirons de le conserver parmy nous.
Il « faict grande diligence de Bordeaux à Thoulouse où il estoit ar-
rivé et en partit dez le ai""" du passé, mais les pluyes l'auront arrest<'
en ce bas Languedoc, car il nous eust surprins icy sans verd, et seroil
ja arrivé depuis le temps.
M' Lombard vous envoyé vostre lettre de change, et je finis poui
escrire à Rome par l'ordinaire qui passe demain, demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez ailectionné serviteur et meilleur amv,
DE PeIRESC.
A Aix, ce 4 novembre i636'.
[Posi-scriptum autographe.] Pethonier dict qu'il n'escheoit aulcune
responce aux dernières lettres que je luy ay faict rendre , et qu'il a pré-
venu pour ses dernières.
Bibliothèque nnlionale, fonds français, nouvelles acquisilions, 6171 , fol. 589. Original.
[1636] À D. GUILLEMIN. 205
Pethonier a eu les lettres de M' d'Andrault, mais ne m'a pas envoyé
la responce.
Les troys lettres missives que M"" le Premier Président a escrittes
à la Cour avec des compliments bien honnestes ont frappé ce coup, et
ont esté prinses pour supplément des visites personelles, qui estoient
requises avant sa réception.
J'ay envoyé vers luy ce malin un de mes cousins pour aller en dili-
gence jusques à Nismes s'il peult luy faire mes excuses de mon retarde-
ment causé d'une pierre dont je me suis délivré grâces à Dieu assez à
temps pour y accourir encores à mon tour, et ay escript par mesme
moyen à Madame la Première Présidente soubs l'adveu de M' d'An-
drault.
LXXXVI
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur,
Ce mot n'est que pour accompagner le petit oranger que vous m'aviez
demandé avec le myrtlie et 3o marcottes dont il y en a demy douzaine
desja enracinées, ensemble une boitte du reste que me demandiez dont
. vous pourrez faire la distribution selon que vous l'aviez projectée. J'ay
receu le fagot des rosiers, avec la boitte des médailles, entre lesquelles
s'en est trouvée une des moyennes, que j'estime 20 pistoles pour ma
curiosité, dont je vous remercie bien fort, et de ce gros poids qui me
semble trez beau, et plus considérable que l'aultre pareil, parce qu'il
n'est pas rappelasse \
Vous sçaurez la réception solennelle que nous avons faicte à M' le
premier président du Bernet avec tant d'applaudissement et de nou-
velle satisfaction que je ne pense pas qu'il se soit jamais rien faict de
' C'esl-à-dire rajusté i)ai- raiijonclioli tic morceaux de m»'l»l , pour rem[>lacer ce qu'il avait
pprila par l'usage.
206 LETTRES DE PEIRESC [1636]
pareil, ne d'approchant de bien ioing \ Je vous prie d'en faire part à
M' le premier présidant d'Aguesseau^ à M' d'Andrault, et à M' de
Mons et aultres de ses ainys et des nostres , qui participeront je ni'as-
seure comme vous et moy à la joye publique et je demeureray,
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
À Aix, ce XI novembre i636'.
J'ay rcceu par l'ordinaire vostre despesche du 28 octobre, mais je
suis trop pressé d'ailleurs pour y pouvoir respondre à présent. J'ay
faict rendre en main propre la lettre du procureur Gailhard.
LXXXVII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Vostre despesche du 3o octobre nous a bien mis en peine de vous
voir en l'appréhension oii vous en estes, pour l'entrée de l'Espagnol
dans la Gascogne, sans qu'on aye peu leur en empescher les passages,
mais il fault bien espérer de la justice de la cause du Roy et que les pro-
grez n'en seront pas conformes aux appréhensions quoyque trez justes
Dieu aydant. Je ne suis en peine que de l'isle Socoa\ car pour la terre
' Voir sur cette réception les détails don-
nés par P.-J. de Haitze dans son Histoire
de la ville d'Aix en cours de publication dans
la Revue Sextienne.
Antoine d'Aguesseau, d'abord conseil-
ler d'Etat, fut nomme premier président du
parlement de Bordeaux le 6 janvier i63i.
Il devait être remplacé dans cette charge,
le 18 août 1643, par Joseph du Remet.
' Ribliothèque nationale, fonds (rançab ,
nouvelles acquisitions , 5 1 7 1 , fol. 5 4 1 . Auto-
graphe.
* Socoa est une petite place de guerre
des Basses -Pyrénées (commune de Ci-
bouse, canton de Saint-Jean de Luz, à
1 kilomètre de cette ville). Voir une lettre
de Jean Chapelain, d'avril 1637 (t I,
p. i46).
[1636] À D. GUILLEMIN. 207
ferme ils en seront tost desnichez, mais dans la mer H y a bien de la
peine à leur faire lascher prinse tesmoing noz isles de Lerins où l'on a
résolu de faire l'attaque et n'attendoit on que le temps propice de faire
agir lez navires lequel s'est mis sus d'aujourd'liuy fort opportun.
M"" le premier présidant du Bernel avoit hier prins congé de la
Cour pour s'y acheminer, et aller rendre ses compliments à Mk'' le ma-
reschal de Victry et à M"" de Bordeaux, et faisoit estât de partir ce jour-
d'huy, mais la pluye qui a duré quasi toute la nuict assez grosse luy
avoit faict appréhender les torrens trop enflez, et luy a faict différer
son partement à demain, de sorte qu'il se pourroit bien trouver tes-
moing occulaire de ce qui s'y fera.
Vous aurez eu par le retour de son postillon un oranger de la Chine,
avec des marcottes de la vigne de Canada en nombre de 6 enracinées
et ah sans racine, ensemble le Myrthe double et une boitte de senteurs
dans laquelle sont toutes mes lettres tant pour M'' le Premier Prési-
dent et Mess" d'Andrault et de Mons que pour vous avec une rela-
tion de ce qui s'estoit passé à la réception de M"" du Bernet. Vous aurez
la suitte de la solennelle procession extraordiuairement faicte depuis
en Robbcs Rouges, où il mena la compagnie, et fut bien veii de tout le
peuple, non sans les bénédictions accoustumées au païs.
Je vous prie de vous enquérir de ce qui s'observe de par de là lors
des processions générales où la Cour se trouve en corps, principale-
ment quand c'est en robbes rouges, et sur la semonce des Archevesques
ou de leur clergé. Et s'il y en a rien sur les registres, envoyez m'en la
coppie, quoyque non signée s'il y a trop de façon à l'obtenir du com-
mis du greffe.
Au reste j'ay bien du regret que noz vins n'ayent esté vendus avant
cette descente estrangere, mais je ne pense pas qu'ils osent courir sur
les Angloys, qui sont ceux qui les viennent enlever plus communément.
Il est vray qu'il se traicte en Angleterre quelque nouvelle alliance avec
la France qui sera pour produire quelque bien meilleur effect Dieu
aydant contre cez ennemys de la liberté chrestienne. Et en toute fason
il fauldra faire ce qui se pourra, et laisser le reste à la disposition di-
208 LETTRES DE PEIRESC [1636]
vine. Je vous envoyé les responses de Pethonier, et demeure, ne vous
pouvant escrire plus à loisir,
Monsieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 18 nov[em]brc lôSfi.
J'oublioys de vous dire que j'ay envoyé à M"" de Bordeaux vostre
lettre et les deux paquetz qu'elle accompagnoit, et luy ay escript par
mesme moyen. La relation qui devoit estre cy joincte ira soubs l'enve-
loppe de M"' de S^ Saulveur pour sa curiosité, ne l'ayant peu faire
transcrire deux foys, mais il la vous envoyera tost aprez s'il ne la joinct
à vostre lettre présente'.
LXXXVHI
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay rendu à Madame la première présidente du Bernet le pac-
quet que vous luy adressiez laquelle se loue fort de voz honnesletez,
et rendit à M' le Premier Présidant les lettres qu'il y avoit pour luy,
dont il nous fit sçavoir les nouvelles du costé de la frontière qui nous
tient un peu en peine, mais si les nouveaux mescontentementz ne se
vont joindre de ce costé là tout ne sera rien Dieu aydant. Je pensoys
recevoir de voz lettres un peu plus fraisches que du 20 du passé, par
le dernier ordinaire et que vous auriez consequamment apprins l'ar-
rivée icy de M' le Premier Présidant soit du costé de mon frère, ou
de celuy de Thoulouse, mais vous n'aurez pas je m'asseure tardé aprez
l'expédition de vostre ordinaire. Car mon frère trouva une commodité
Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, 6171, fol. 542. Auto-
graphe.
[1636] À D. GUILLEMIN. 209
de courrier par lequel il vous en envoya les nouvelles, qu'il avoil re-
çeues dans U jours. J'ay esté bien aise d'apprendre les qualitez du s' de
la Motte; M" Lombard vous escript. J'oublioys de vous dire que M' le
Premier Présidant n'arriva icy de retour de l'armée navale que me-
credy dernier, Madame la Première Présidante estant allée au devant
de luy jusques à un quart de lieiie d'icy, et je l'avoys prévenue d'un
autre quart de lieiie par de là, dont elle me fit bien des reproches, et
de faict si j'eusse creu qu'elle y voulust aller, je luy auroys demandé
une place dans son carrosse, mais elle avoit tesmoigné désirer d'esvi-
ter qu'aulcun se donnast de la peine pour cela, et avoit dict qu'il
n'arriveroit que le soir, bien qu'elle sceust qu'il devoit estre icy à dis-
ner'. Il a ce jourd'huy tenu l'audiance, aprez avoir aux chambres
assemblées faict procéder à la vérification des lettres de reserve d'exer-
cice pour cinq ans à M'' du Perier Doyen ^, à la charge que la récep-
tion de son filz seroit sans pouvoir faire aulcune fonction de l'office
ne avoir voix deliberatifve. Et quand il a esté question de voir l'in-
formation de vie et mœurs du filz, ne trouvant pas le baptistère, ne
que l'information parlast de l'aage, il a déclaré qu'il ne laisroit pas
mettre en délibération de passer par dessus cette formalité, quelque
abbus qui eust esté receu au contraire, dont la compagnie ne l'a pas
voulu desdire, et a esté ordonné qu'il seroit informé de l'aage, ce qui
diffère la réception à l'autre semaine. 11 n'a rien esté faict pour encore»
du costé des Isles. Et je demeure ,
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce IX décembre i636'.
' C'est-à-dire h midi, heure sacraraen- çais, nouvelles acquisitions, 6171, fol. 6iâ.
telle alors à Paris comme en province et qui Autographe. — Le prieur de Roumoules
se maintient encore de nos jours dans les a mis sur l'enveloppe ce sommaire : i^Re-
petites villes et surtout à la campagne. pondant à ma lettre du xx du passe. Retour
' Voir, sur le conseiller du Périer, le de M' le premier président de Canes. Sur
recueil Peiresc-Dupuy. la réception de M' Duperier qui n'avoit pas
' Bibliothèque nationale, fonds fran- l'aage.»
T. Jfj
IHMUMSBIK PATIO^IIJ,
210 LETTRES DE PEIRESC [1636]
LXXXIX
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Vostre despesche du 4°"= est arrivée depuis hier par l'ordinaire de
Paris; j'envoyay en mesnie temps à Marseille au s' Luguet où M' l'Ar-
cbevesque de Bordeaux a ses adresses, le paquet venu pour luv soubz
vostre enveloppe, ne doublant pas qu'il ne luv soit fidèlement rendu
quelque part qu'il puisse eslrt; à prcsant en nostre coste, car il avoit
une foys résolu de quitter le Goargean ou le Teolle, pour venir mouiller
aux isles d'Ieres. Je vous envoyay par le dernier ordinaire deux siennes
lettres pour M"' d'Andrault et poujr M' Constans.
Monsieur le Premier Présidant m'a daigné faire pai't de ce q»e
M"^ d'Andrault luy a faict sçavoir, et à quoy il me remelloit par celle
qu'il luy a pieu de ni'escrire dont je luy suis bien redevable, ayant
prins grand plaisi» d'apprendre le destail de tant de curieuses obser-
vations, et ne manqueray de l'en remercier comme il me sieroit bien,
mal de m'en dispencer quelque licence qu'il luy plaise m'en donner
diS sa grâce. J'a,y faict tenir seurement aussy les pacquetz adressez' à
M' de la Motte dont Madame a voulu que j'eusse quelque participation
aussy, où nous avons bien trouvé de l'aliment i nostre curiosité quoy
qu'insatiable. Je luy allay rendre les conqiliments nécessaires sur la
lettre qu'elle a daigné vous escrire, au subject de mes petites re-
devances, dont je m'estoys si mal acquitté en son endroict, mais elle
renchérit tousjours au centuple, et prend incessamment des advan-
tages à touts moments pour combler ses serviteurs dans des obligations
immenses. Elle a un procéder si généreux, et ses actions sont tellement
admirées d'un chascun queje ne le vous sçaurois représenter. EH' ex-
cuse tant qu'elle peult ces dteflfectuositez et) de nostre chetif païs, et
de nostre nation; mais je crains bien qu'elle n'y trouve bientost de
quoy desmentir la bonne opinion qu'on luy en a\oit voiidu faire
[1636] À D. GUILLEMIN. SU
prendre à l'advance. Car desja les pluyes quasi continuelles et le froid
assez rigoureux et extraordinaire luy l'ont bien r' abattre de la doulceur
de l'air à quoy elle s'attendoit. Et pourveu que l'humeur des persones
ne fasse bientost paroistrc sa rudesse, nous serons bien heureux. Elle
faict si bon accueil à tout le inonde, que les uns et les autres en sont
ravys, et quoique aversion qu'ils ayent entr'eux tout fleschit devant
elle, aussy bien que dans nostre compagnie devant M' le Premier
Présidant, Je regrette bien le vol que vous a faict ce postillon joufflu,
dont certainement je n'avois gueres bonne opinion, mais nous n'avions
pas à choixsir, il fauldra voir s'il y aura moyen de vous envoyer un
autre pied de myrtlie double avec l'oranger de Monsieur le présidant
d'Aflis\ à qui je vouldroys bien pouvoir rendre de plus digne service.
La question sera d'en rencontrer quelque commodité opportune et en
saison supportable. Et aussy bonne qu'avoit esté celle du retour de ce
mauvais garçon, qui vous eust peu rendre le fagot des marcottes et
du niyrllie aussy bien conditionné que celuy de l'oranger s'il eut voulu,
ainsin comme le tout estoit proprement ageancé. Mais en le desve-
loppant indiscrettement l'air a deub gaster le tout inesvitablement,
;\ fauite de le sçavoir remettre aussy bien qu'il estoit. Encores luy
fault il sçavoir bon gré de ce peu qu'il vous a rendu tant de la boitte
que des marcottes enracinées. Et ne plains pas tant l'argent que vous
et nioy luy avons donné, quoy qu'il s'en soit rendu bien indigne, et la
barde et essarges que j'avois faict achetter pour luy oster tout pré-
texte d'incister aux difficultez et refus qu'il faisoit à Madame la Première
Présidante mesmes de se charger d'aulcune chose qui l'engageast à
aulcun soing.
Mon frère m'a envoyé par un courrier extraordinaire la boitte de
vostre Rosier impérial'^ que je n'ay peu encor ouvrir, mais je le feray
' Jean Daffis, fils du premier prdsident l'eiresc à la Mdjanes (fol. 722), la copie
Guillaume Daffis, fut second président du ne conunence qu'à ce paragraphe, avec
parlement de Bordeaux; il mourut en cette celte modification de la première phrase :
ville le 24 décenihre iGSy. fJ'ay receu la hoëtte de vostre Rosier im-
' Dans le i-egistre V de la collection perial. . . "
47.
212 LETTRES DE PEIRESC [1636]
Dieu aydant, avant que le laisser partir pour Boysgency, ce qui sera de-
main Dieu aydant. Les ai pièces de nionoyes ou médailles enfermées
dans vostre dernier pacqiiet sont arrivées fort bien conditionnées, et
vous avez fort bien deviné que l'une des medaillettes de cuivre seroit
bien de mon goust. J'en avoys eu une autre pareille, mais l'inscription
n'en estoit pas si conservée que de la vostre, et je l'estime quasi
aultant que celle de PECTHV. L'autre de cuyvre n'est pas un poids.
Eli' est grecque du siècle d'Alexandre le Grand et a d'un costé un bou-
clier enrichy de cez croissantz, et de l'autre non un vase et un serpent
com' il semble en la tournant c'en [sic) dessus dessoubs, mais un casque
ou beaulme avec des longues crestes ou pannaches qui vous resseru-
bloient un serpent, y ayant de plus un espy de bled et une lettre K
pour le nom de Kassander, Roy de Macédoine ' ou de quelque ville
de celles qu'Alexandre avoit soubsmises en son obéissance dans la Grèce,
ou dans les isles, ou dans l'Asie.
J'en avoys bon nombre de pareil symbole, mais non pas avec cette
lettre capitale K, de sorte qu'elle ne me sera pas inutile Dieu aydant
«t en aydera l'intelligence de quelque autre. Je vous en remercie donc
trez affectueusement et de toutes les autres, y ayant quattre monoyes-
grandement curieuses d'un vieil ^ CEINT VLLVS COMES, d'un vieil
ANRICVS REX, d'un RIGARDVS R. AGLIE, FRANCIE, DNS. AQT.,
d'un ËDOARD Roy d'Angleterre duc de Guienne, battu durant son
absence de Guienne, lesquelles sont bien d'autre considération que
celle dont on vous faict feste, à l'inscription DVX PICTAVIE, qui
ne seroit pas mauvaise si elle est bien précisément ainsin, mais
vous y trouverez A ou Alphonsus COMES PICTAVIE et THOLOSE,
ou quelque chose de semblable d'une part, et de l'autre DVX JNAR-
BONE.
Nous attendrons voz deux libvreset voz deux coutteaux anglois, dont
je vous i-emercie à l'advance, et des soings que vous prenez eneores
' Cassandre, fils d'Antipater, succéda, ^ A la marge on lit avec un renvoi ces
en 3i 9 avant i'ère chrétienne, à son père, mots e'crits d'une autre main (celle de
et mourut en 998. Guillemin) : Fulco cornes cenomamis.
[1636] À D. GUILLEMIN. 213
de cette navigation de Garcia de Geppede', que je n'ay garde d'at-
tendre si facilement par cette voye là. Mais vous m'avez bien mis l'eau
en bouche des mémoires et autographes Mss. d'Elias Yinetus, qui estoit
l'un des plus doctes hommes du siècle"^ dont je priserois bien un dis-
cours des poids, et un des monoyes dont on vous faict feste^, et quoyque
vous trouviez de luy par escript, vous ne sçauriez faire de mauvais
acquest.
Il y avoit aussi eu de par delà un Balforeus qui estoit grand Grec
et dont les ouvrages ont esté bien estimez'. Je seroys bien aise de voir
le roolle de ce que vous trouverez là d'imprimé des œuvres tant de
l'un que de l'autre^, et cependant que vous m'envoyiez s'il vous plaict
' Voir sur Andrès Garcia de Ccspedcs,
cosmographe et chroniqueur en chef des
Indes, une excellente petite notice par
M. E. Beauvois dans la Grande Encyclopédie
(t. X, p. lia). L'ouvrage mentionne par Pei-
resc parut h Madrid , en 1606, sous ce titre :
Hegimiento de navegacton; Hidrografia, etc.
M. lirauvois nous apprend que cet ifrudit
laissa en manuscrit ses ouvrages les plus
importants, qui sont encore précieux pour
l'histoire de la géographie et que l'on con-
serve à la Bibliothèque royale de Madrid.
' Klie Vinet, né dans l'Angoumois (en
i5o(j, disent les uns, en iSig, disent les
autres), mourut h Bordeaux le 1 4 mai 1 587.
De l'éloge que lui donne ici Peiresc on peut
rapprocher celui que lui donne le président
de Thou [HisU, à l'année iSSy),
' Vinet laissa de nombreux manuscrits
qui malheureusement ne nous ont pas lous
ëte conservés. Voir ce qui eu est dit dans la
Chronique bourdcloise, continuée par Jean
Darnal (p. 97). Nous verrons un peu plus
loin que Guillerain trouva le moyen de pro-
curer à Peiresc les discours tant désirés.
Gomme me le rappelle mon savant ami
M. Beinliold Dezeinieris, ou signale, dans
une notice latine qui est en tête des pièces
encomiastiques recueillies à la fin de la se-
conde édition de ïAusone de Vinet (iSgo,
in-/(°), et qui contient un relevé de ses ou-
vrages imprimés ou inédits, le recueil sui-
vant : Priscianus, Fannius, Beda, Melianm,
de Hummis, ponderibus, mensuris , et vetere
computandi ratione, ememlali cl annotationibim
cxplicati.
" C'était Robert Balfour, hcossais d'ori-
gine, naturalisé en avril i6o3, sur lequel
M. Gaullieur a donné beaucoup de ren-
seignements, ainsi que sur Vinet, dans sou
Histoire du collège de Guyenne, établissement
oti les deux érudils professèrent avec éclat.
FI. de Raymond a beaucoiq) loué Balfour,
«personnage d'une singuhère et rare érudi-
tion 1. Voir mon Essai sur FI. de Raymond,
conseiller au parlement (i? liordeniur (1867.
p. 98). J'ai cité eu note deux pages sur Bal-
four de feu FraMcistjue Michel ( Les Ecossais
en France).
* Toutes les notices sur Vinet contienuent
la lisle plus ou moins étendue de ses nom-
breuses publications. (Voir surtout la Bio-
graphie universelle.) Mais les publications
de Balfour sont heaucoiq) moins connues.
21â
LETTRES DE PEIRESC
[1636]
la logique de ce Baiforeus' et ce qu'il y aura de plus de luy en philo-
sophie, quand vous en aurez la commodité, sans rien laisser eschapper
de ce que vous pourriez rencontrer MS. tant de l'un que de l'autre,
si le prix en est tollerable. Sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 22 décembre i636'.
XC
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX '.
Monsieur le Prieur,
Ce mot n'est que pour accuser la réception de vostre pacquet* et
vous dire que j'ay faicl rendre à leur adresse les lettres qui y estoient
jointes tant à M"' Beneton qu'à M'' JuUian. Je suis si pressé dans l'em-
barras de la commission qui nous a amenez en ceste ville de Marseille-
avec M'' le Premier Président qu'à peine ai-jo desrobé ce peu de temps
pour vous faire cez lignes, la veniie de M' le Premier Président ayant
calmé toutes choses, c'est à dire de l'esmotion qui se fit icy dimanche
par les soldatz revenuz de l'armée navalle à faulte de payement de
leur solde, et appuyée par le menu peuple mal content de la mauvaise
' Ni la Logique de Balfour, ni aucun
autre de ses ouvrages ne sont mentionnes
dans le Manuel du libraire. Sa Logique n'est
autre chose que le livre d'Aristote commente
(Bordeaux, S. Miilanges, 1616, in-4°). Bal-
four publia {ibid., 1690) la Morale du
même pliilosophe. Voir Ik-dessus et aussi sur
l'édition que donna Balfour de la Météoro-
logie de Cléoraède, le Martin Despois de
M. R. Dezeimeris, dans les Publications de
la Société des bibliophiles de Guyenne (p. 1 ay
et iZti).
' Bibl. nat., fonds français, nouv. acq.,
5171, fol. 61 5. Autographe. Sommaire de
Guillemin : Sur les monoyes et autres curiositei.
' Mais avec ces indications plus précises,
plus complètes : ffà Bordeaux , chez M'Comu ,
bourgeois à la parroisse S' Pierre. »
' Guillemin a mis à la marge : Du xi' dé-
cembre.
[1686] À D. GUILLEMIN. 215
monnoye de cuyvre dont il estoit chargé, le tout estant maintenant
en ternies de ne rien appréhender à i'ad venir Dieu aydant, et je de-
meure,
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble serviteur et meilleur aniy,
DE Peibesc.
À Marseille, ce 3o décembre i63G.
^ Posl-scriplum de la main de Peiresc] Excusez la rethorique [sic) de
mon homme. Nous nous en allons présentement en l'hostel de ville où a
esté convocquée une assemblée solennelle, en laquelle présidera M' du
Bernel et remonstrera la nécessité du descry et diminution du cours
d'une si mauvaise monnoye qui ruinoit tout le commerce. Tout est
grandement paisible Dieu mercy, et cez peuples se recognoissent et
advouent infniiment obligez aux charitables offices de M' le Premier
Présidant, qui s'est professé bourgeoys de Marseille, et ne tiendra pas
à eux qu'ils ne luy fassent aciiepler la Floride mise en vente depuis
peu' dont il n'a pas de l'aversion, mais il fault que Madame parle et
crache au bassin *.
' La bastide à laquelle le séjour de Giiil- bassin. — BiLliatlièque nationale, fonds frau-
laume du Vair avait donné grande célt;- çais, nouvelles acquisitions, 5171, fol. 617,
britë. mi-ori(jinal, nii- autographe, la première
' La présidente du Bernet avait une partie de la lettre ayant été seulement signée
grande fortune et c'était à elle qu'il a()par- par Peiresc, la seconde partie ayant été
tenait de fournir le prix d'achat de la Flo- écrite par lui. Sommaire de la main d
e
ride et, selon la vieille et pittoresque locu- Guillemin : Sur l'emolion dit peuple à cause
tion employée par Peii'esc, de cracher au d'une ino)ioye de enivre.
216 LETTRES DE PEIRESC [1637]
XCI
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
L'ordinaire dernier m'a apporté vostre despeche ' et les lettres qui
y estoient joinctes toutes lesquelles j'ay faict rendre aussytost à leurs
addresses et vous envoyé les responses du s"" Pethonnier. Au reste le
voyage de M"" le premier président du Bernet à Marseille n'a pas esté
inutile toutes choses y ayant esté calmées tant il y porta de courage,
d'éloquence et de doulceur, en ne flattant pas ceux qui se dispensoient
du debvoir, et faisant valloir les bons offices des autres pour le bien
et tranquillité du public. Mais la nouvelle d'un nouveau mal entendu
entre Me' le comte de Harcourt et M^' le mareschal de Vittry vint trou-
bler noslre quiétude d'esprit^, de l'appréhension des mauvaises suittes
qu'elle pouvoit traisner dont neantmoins il a pieu à Dieu d'arresler le
progrez, mais il y faudra bien quelque entremise plus forte que le
pays n'en peult fournir, pour y mettre les remèdes capables de les
empescher de reprendre les derniers errements. 11 y a une galère de
Malte à Toullon qui porte en Espagne le grand prieur de Navarre am-
bassadeur du grand maistre pour avoir le traicté des bleds de Sicile.
Et je demeure tousjours,
Monsieur le Prieur,
vostre plus serviable et meilleur aniy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 6 janvier 1687.
Je vous souhaicte la bonne année ^.
A la marge, de la main du prieur de Papon qui, venu un des derniers, a pu pro-
Roumoules : du a6 décembre 1 636. fiter des travaux antérieurs.
Sur le différend entre le comte d'Har- ' Bibliothèque nationale , fonds français ,
court et le maréchal de Vitry, voir tous les nouvelles acquisitions. Siyi, fol. 619. Ori-
historiens de Provence, et particulièrement ginal.
[1637] À D. GUILLEMIN. 217
XCII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Je n'ai poinct eu de lettre vostre par ce dernier ordinaire ouy bien
un pacquet soubs une enveloppe vostre où il y avoit des lettres de
M'' d'Andrault à M' le Premier Présidant à qui il escript que Madame
la première présidante d'Aguesseau vous a faict son compère, dont
elle aura des petits reproches de la part de Mad"^ du Bernet au pre-
mier jour. Il y avoit aussy des lettres de M' de Mons pour l'un et
l'autre, et pour M"" leBaillif de Fourbin que nous attendions à ce soir
icy, mais il n'est pas encor arrivé que je sçaiche pour passer oultre à
la Cour. M' le Premier Présidant a ce jourd'huy de relevée faict l'ou-
verture au palais de la nouvelle chambre des communaultez impuis-
santes, où M' le présidant de Lauzon' a enfin cédé la préséance à
M'' Sequiran^ bien qu'il eust prétendu le contraire, ayant pour cet
effect esvité d'estre nommé dans la commission, en mesme ligne avec
luy, ains par clause séparée pour ne desroger à l'antériorité de son
brevet de Conseiller d'Estat. J'eusse bien voulu pouvoir r'escrire à touts
cez Messieurs de delà, et surtout à M' le premier président d'Agues-
seau, mais je n'ay peu de tout le jour m'excuser du palais. Et l'heure
est si tarde meshuy, que je crains que mon pacquet n'arrive trop tard
à la poste. N'y ayant rien de nouveau, que les préparatifs des navires
pour l'embarquement de 4,0 0 0 hommes qui passent en Italie au se-
cours de M' le Duc de Parme qui sont desja tout presls. Et je demeure,
Monsieur le Prieur,
vostre Irez affectionné serviteur et meilleur amy,
i>E Peiresc.
A Aix, ce i3 janvier lôSy.
' Su» le président de Lauzon voir le recueil Peirese-Dupuy. — * Le beau-frère de Peiresq.
Le nom écrit ici Sequiran (le q est bien forme) s'est toujours écrit Seguiran.
T. 28
ni»iiHi*ti KkTtaiiiE
218 LETTRES DE PEIRESC [1637]
Mad"" de Montesquieu' trouve icy tant de froid, et d'incommoditez,
qu'elle se plainct incessamment des faulces promesses du prieur de
Roumoules, et de ce qu'il ne donne point de nouvelles de la santé de
M' son frère -.
XGIII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
j'ay receu vostre lettre du i5 du passé et la relation de ce qui
s'est passé du costé de Bearn, que j'ay pris plaisir de voir aussy bien
que Mons"' et Mad' la Première Présidente, qui vous en sçavent bon
gré quant et moy. Nous n'avons icy autres nouvelles dont vous puissiez
estre faict participant que les préparatifs que l'on laict en bonne dili-
gence pour l'embarquement destrouppes que le Roy envoyé au secours
du duc de Parme, que l'on dict avoir conclud son traicté avec l'Es-
pagnol s'il n'est secouru dans peu de temps, de façon qu'elles n'y seau-,
roient arriver trop à bonne heure. Si Dieu nous voulloit donner une
bonne paix, ce nous seroit une grande faveur. Cependant je demeu-
rera y.
Monsieur le Pr[ieur],
vostre bien humble serviteur et meilleur amy,
DE Peibesc.
À Ai X, ce 3 febvrier 1687.
' Une 6Ue du premier mariage de Mar- Bibliolhè<jue nationale, fonds français, nou-
guerite de Sevin , avec un Secondât de Mon- velles acquisitions, 5171, fol. 621. Auto-
lesquieu. graplie. Sommaire de Guiliemiii : irOù
* Sur ce frère de M"' de Montesquieu, il est parlé de l'armée de 4, 000 hommes
le baron J.-B.-G. de Secondai, président à pour Parme, de i'ou»erture de la chambre
mortier au parlement de Bordeaux et grand- de comniunauUez impuissantes. Que M' de
père de l'auteur de l'Esprit des Lois , voir le Seguiran a eu le pas sur un censeiller
recueil Peiresc-Dupuy (t. Ht, p. G74). — dEsta(.i
[1637] À D. OUILLEMIN. 219
H y a quelques jours que quattre Albanois des isles S' Honnoré se
mirent à la nage pour venir chercher du pain et dirent qu'ils y estoienl
dans des grandes souffrances et fort diminuez de leur nombre et pré-
cédante vigueur'.
XCIV
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Ce mot n'est que pour vous faire participant de ce peu de nouvelles
que j'ay appris de l'embarquement des trouppes destinées à Parme
achevé depuis samedy en nombre de 6,000 hommes effectifs, et
qu'avant hier au matin Mons"" le comte de Harcourt s'embarqua et l'ar-
mée de 26 navires fit voille dez hier au matin avec un temps favo-
rable quoyque un peu doulx. Nous attendrons en bonne dévotion qu'ils
puissent faire leur passage et descente bien à souhaict dans Testât du
duc de Parme et le secourir puissamment. Mons' nostre Archevesque '^
attendoit icy chez luy Mons'' l'Archevesque de Bordeaux * et luy avoil
faict appareiller sept ou huict licts d'extraordinaire, mais sa venue est
différée, ce dict on, à jeudy. Cependant il est allé à sa maison des
champs à Joucques" pour proffiter les beaux jours qui régnent depuis
toute cette lune. Et je demeure.
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
À Aix, ce 10 febvrier 1687 '.
' Bibliothèque nationale, fonds français, archevêques d'Aix, voir le recueil Peiresc-
nouveiles acquisitions, 6171, fol. 6a 3. Ori- Dupuy.
ginal. * Bibliothèque nationale, fonds français,
' Louis de Bretel. nouvelles acquisitions, 5171, fol. 6a5. Ori-
' Henri d'Escoubleau de Sourdis. ginal.
* Sur cette maison de campagne des
98.
220 LETTRES DE PEIRESC [1637J
XCV
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Je n'ay poinct à ce coup receu de depesche vostre, ce mot n'estant
(}ue pour accompagner le petit pacquet y joinct pour Mons' Faulchier
et vous dire que Mad""= NicoUe s'est trouvée atteinte depuis 7 ou 8 jours
d'une fiebvre double tierce continue qui avoit donné un peu dallarnie
à Mans' et à Madame la Présidente, mais Dieu mercy il semble qu'il y
aye quelque amandement et qu'on en sera quitte pour la peur.
Au reste Mons' le duc de Parme ayant reffusé le secours à luy des-
tiné sur le point mesmes qu'il estoit acbevé d'embarquer, les chefs de
l'armée du Roy ont trouvé bon de l'employer pour ne laisser dissipper
les trouppes qui estoient sur pied et ont i'aict embarquer /i,ooo hommes
effectifz en 97 navires qui desmarerent du port de Tollon vendredy
dernier pour se rendre aux isles d'YcM'es 011 deux barques charfjées de-
l'attirail des appartenances de larlillerie y survindrent et partirent en-
semblemeut le sabmedy matin tirant à ce qu'on croit du costé de la
Sardai{;ne où ilz pourroient bien aultant surprendre le monde que
nous l'avions esté à la descente des isles ou du Socua. Les 1 ,000 hommes
de Mk' le Mareschal s'estantz embarquez à Cannes pour suyvre l'armée
à la piste, et laict on grande dilligence à Tollon pour l'armement de
dix autres navires qui doibvent suyvre dans huit ou dix jours avec
quantité de provisions et raffraischissementz et quilz seront encores
suyviz de quelques autres à la file qu'ilz pourront se mettre en bon
estât. Nous attendrons en grande impatience le succez de ceste entre-
prinse où M?"' l'Archevesque de Bordeaux s'est embarqué avec M"" le
comte d'Arcour. L'on a prins deux lanches des ennemys qui avoient
esté laschées des isles de S' Honoré pour aller mettre le feu à quelques
navires de l'armée navalle toutes remplies de feux d'artifice, mais il
[1&37] À D. GUILLEMIN. 221
y avoit encores une petite frégate aussy chargée de pareilz artifices et
autres machines oi!i le feu se prit et feit périr la pluspart des hommes
qui estoient dessus, où l'on dict que sont demeurez prisonniers ûo ou
5o Espagnolz. Nous n'avons pas d'autres nouvelles présentement, ce
qui me fera finir la présente, demeurant ,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A AiXjCe 17 febvrier 1687',
xcvr
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
j'ay esté bien fasché d'apprendre par vostre despesche du 5""" veniie
fort bien conditionnée avec tout ce qui l'accompagnoit que vous aviez
tant perdu de sang, et vous souhaiterois icy pour vous prévaloir du
bénéfice de l'usaige de l'eau de noz bains, qui m'a si insensiblement
guary de semblables maux^. M'' le Premier Présidant s'y est mis enfin,
aprez avoir lutté quelques moys avec noz eaux qui n'estoient pas bien
compatibles à son estomac. Mad'*^ de Montesquieu est hors de fiebvre
long temps y a, mais le grand desvoyement qu'elle avoit, l'a laissée si
débile qu'elle a faict son caresme prenant ' dans le lict. 11 fault louer
Dieu quand on peult sortir de maladie, et se conserver surtout dans le
contentement de nostre présente condition''. C'est ce qui m'a deffendu
' Bibliothèque nationale, fonds français, . ' Son mardi gras, son carnaval.
nouvelles acquisitions, 6171, fol. 697. Ori- * Toujours peu demauder, c'est le secret
ginal. de la sagesse. Pascal n'a-l-il pas dit eque le
' Encore une bonne note pour les salu- malheur des hommes vient d'une seule
taires- eaux thermales d'Aix en Provence! chose, qui est de ne savoir pas demeurer en
On sait que Peiresc souffrait souvent des pepos»?
hiSmorroïdes.
222 LETTRES DE PEIRESC [1637]
de ce chagrin qui altère tant d'autres et qui me faict donner et trouver
le vin bon malgré l'envie.
Madame la Première Présidante estoit en peine de ne voir de voz
lettres, vous ayant escript ce dict elle et faict la guerre à bon essiant,
et ne croyant pas que vous luy ayiez voidu laisser l'advantage tout en-
tier de vous avoir donné barres. Elle alla visiter hier M^'le Mareschal '
une heure aprez son arrivée, et fut receue avec tant d'honneur qu'il
ne s'en pouvoit pas davantage. Aujourd'huy il est venu rendre la visite
premièrement à M"' le Premier Présidant, durant une grande demye
heure, et puis à elle durant une bone heure. Il y avoit pourtant un
peu de mal entendu entre luy et nostre compagnie qui n'est pas en-
cores bien r'adjusté, à quoy l'on ti-availle fort et ferme pour establir
quelque bonne correspondance et pleine confiance entre cez Mess" si
faire se peult.
Cependant nous sommes en grande appréhension de nostre armée
navale qui a esté dict on 2 ou 3 jours à la coste de S. Reme^ et puis
prins la routte de la Sardaigne, mais il a depuis régné des ventz syrocs'
qui nous ont bien apporté de la nege de Corseque* dont on fut bien
embarrassé hier allant au devant de Me"" le Mareschal, ce qui n'a pas
facilité la descente et logement qu'il y avoit à faire en terre. Dieu con-
duise le tout plus à souhaict que les apparances ne le peuvent promettre !
Au reste j'ay receu voz monnoyes antiques et une vieille placque
venue de la part du bon P. du Val qui seroit bien quelque chose de
bon, si ce qui semble y avoir esté escript d'un costé estoit bien lisible.
Je feray voir l'inscription de Medoc aux curieux et principalement aux
Angloys et Basques pour voir si l'on y pourroit mordre.
Cet assortiment de livres de M' Vinet et de M' Balfour est bien
gentil, et le discours des poids et mesures de M' de Cleyrac* a bien
' Vitry, gouverneur de la Provence. * Corseque , Corse.
San Remo, sur ie golfe de Gènes. ' Les ouvrages de cet érudit bordelais,
Nous avons vu, dans le tome III du contemporain de Peiresc, ne sont pas cites
recueil Peiresc-Dupuy, p. 826 , le mot syroc dans le Manuel du Libraire. On en trouvera
employé poui- ie mot siroco. la liste dans le volume de la Statistique du
[1637] À D. GUILLEMIN. 223
bonne apparence de mériter l'estime que vous en faictes, mais je ne
l'ay encores peu lisre à mon grand regret, tout le temps que je pensois
avoir à ce caresme prenant m'ayant esté desrobé en cez divertissements
importuns des contentions susdictes sans les avoir encores bien peu
terminer. Et n'ay pas mesmes peu lisre cez autres papiers joincts à
vostre despesche. Si vous voyez le P. du Val, faictes luy mes excuses et
sur ce, priant Dieu pour vostre santé, je finis demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble et meilleui- amy,
DE Peibesc.
A Aix, ce a4 febvrier 1687 '.
XGVII
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du 1 9" du passé fort bien conditionnée,
avec les papiers d'Elias Vinetus et autres, et les troys monoycs que j'ay
trouvées bien gentiles et vous en suis bien obligé. Il s'est rencontré que
M'' le Premier Président et Madame la Première Présidente n'avoient
eu aulcunes nouvelles de Bordeaux par le mesme ordinaire et qu'ils
estoient en grande peine de M"" de Montesquieu, de sorte que ce que
vous m'en aviez escript vint bien à propos; je leur en dicts une
partie de vive voix et fallut que je leur envoyasse aprez l'original de
vostre lettre que je n'avoys pas lors que j'eus le bien de les voir.
Madame fut un peu mortifiée d'apprendre que cez Messieurs les filz de
nostre [doyen] luy deussent gaigner le devant quoyque leurs lettres
déparlement de la Gifwide consacré à' la bio- ' Bihliotliècjue nalioiiale, fonds français,
graphie et à la bibliographie des écrivains nouvelles acquisitions, 5171, fol. Gag. Auto-,
de la région. graphe.
224 LETTRES DE PEIRESC [1637]
fussent présentées aprez les siennes ^ M"' le Premier Président luy
dict que c'esfoit chose inesvitable et je m'ayday à la consoler en luy
disant qu'il n'avoit pas à vieillir dans cette charge et qu'aprez quelque
temps d'exercice il fauldroit qu'il vint prendre icy la succession de
celle de M' le Premier Présidant. J'ay eu un peu de mortification
aussy qu'ils ayent veu ou peu voir dans vostre lettre ce que je n'avois
pas encores eu loisir de voir concernant vostre traicté avec ce Trichet
qui nous a rançonnez si impiteusemenl-, sans vouloir dire d'où venoit
l'autographe dudict Vinet, mais puisque cela est faict je seray bien
marry qu'il fust à faire et vous en suis tousjours bien redebvable.
Je suis infiniment aise que vous ayez esté si heureux à l'accomode-
ment de MM" les grands vicaires, et veux croire qu'enfin vous vien-
drez à bout de ces Mess" de Gourgues; ne regrettant que la peine et ie
travail d'esprit que vous donne leur humeur glissante^.
J'attends icy à ce soir ma nièce de Rians\ et de crainte qu'elle ne
me surprenne je finis demeurant,
Monsieur le Prieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 10 mare 1687.
[Posl-scriptum, d'une autre main.] Vous apprendrez par ce peu de
lignes la descente de noslre petite armée navalle à Orislan en Sar-
daigne où ilz trouvèrent le bourg abbandonné, ce dict on, et y pillèrent
assez paisiblement ce qui y estoit demeuré en proye, voire s'escar-
terent ez environs en quelques villages où ilz mirent le feu, mais la
milice du pais s'estant rassemblée ilz se retirèrent avec quelque butin,
Voir sur cette affaire , dans ie recueil ' L humeur glissante est un mot heureux.
Peiresc-Dupuy, la lettre du 9 mai 1687 Cela fait image,
(t. III, p. 678-676). * La femme de Claude de Fabri dëjà
Savait-on que le Bordelais Trichet souvent mentionnée en cette conespon-
(plus haut nommé) avait si fort abusé de la dance.
confiance de Peiresc ?
[1637]
X D. GUILLEMIN.
^35
et firent partir l'un de leurs navires à l'advance pour en porter la nou-
velle par un courrier despesché exprez de la part de M' le comte de
Harcourt et de M'' de Bordeaux et M' le convte de Vaillac ^ qui y estoit
a prins en mesme temps la poste pour la Cour, ne nous laissant icy
que des bruictz peu certains de tout le destail dont la principale ren-
contre fut que d'un coup de canon tiré de noz navires fut heureusement
tué le seul canonnier qui estoil en ce lieu là de sorte que personne
ne pouvant faire l'odice ilz s'enfuirent tous. Et disoit on que lors de
l'arrivée du navire à Tollon il avoit veu paroistre nostre armée derrière
luy quoyque bien loing dans la mer et qu'elle pourroit avoir prins la
routte du goulf Jean^ prez des isles de Lerins, mais il n'est venu aul-
cunes nouvelles qu'elle y soit et il a régné des ventz du Nord si impé-
tueux qui les pourroîent bien avoir faict courir plus loing en arrière.
Cependant le chevalier de Guron' est passé et repassé, ce dict on,
pour donner les commandementz nouveaux de donner aux isles à
M' le comte d'Arcour. Et M"" le comte de Carces* est aujourd'huy party
d'icy pour aller conférer avec M?'' le mareschal de Vitry à la Tour
d'Aiguez^ et s'il ne pourra point estre de la partie, ce qui nous tiendra
bien en impatience tant que nous puissions voir à quoy pourra abbou-
tir le tout^.
' Jean -Paul Gourdon de Genouiiiac,
comte de Vaillac.
' Le golfe Juan (Alpes-Maritimes).
' Jean de Rechignevoisin , si souvent
mentionné dans les Lettres et papiers d'Etat
du cardinal de Richelieu.
' Sur ce personnage , voir le recueil Pei-
resc-Dupuy, t. III, p. iag et suiv.
' La Tour d'Aiguës (Vaucluse).
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, oi-i, fol. 671. La
lettre est autographe , mais non \(^ post-scrip-
lum. — A la suite de la lettre du 10 mars
1637, le ms. 5171 (fol. 678) contient une
lettre adressée le 3i mars 1687 au prieur
de Roumoules. Bien qu'elle ail été écrite et
signée par Perrot, elle doit être comprise
dans la correspondance de Peiresc, dont
elle porte d'ailleurs le cachet. Nous la pu-
blions d'autant plus volontiers qu'elle four-
nit des renseignements précieux sur la re-
prise de l'île Sainte-Marguerite.
(fMonsieur,
(fCe mot ne sera que pour me donner
l'honneur de vous faire part de la bonne
nouvelle de la descente en l'isle de Sainte
Marguerite par nostre armée navalle faicte
assez heureusement, le samedy a 8', sur les
quatre heures du soir, avec la prinsr non
seulement du premier fortin de la pointe du
levant et des trois redouttes, avec les re-
39
tMPKiMimit TfiTiosjiir.
226
LETTRES DE PEIRESC
[1637]
XCVIII
MÊMp ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
J'ay receu vostre despesche du 1 2 du passé avec les lettres qui y
estoient jointes tant de Madame la première présidente du Bernet à
qui je la fis porter incontinant que de M"' de Riez^ dont M"" Gassend
s'est chargé qui partit avant hier pour ce cartier là. Jepensois avoir à ce
coup cy assez de loysir pour vous respondre plus amplement. Tant s'en
tranchements d'alentour, mais du fort de
Monterey, de quatre bastions revestus de
pierre de taille conslrnict aux propres des-
pens d'un cavallier neapolitain.
tfLa bannière de France a esté arborée
en mesme temps sur tous ces fortz et re-
doubles, et tous leurs canons braquez
contre l'ennemy, qni est si foiblc que , si le
secours ne nous surprend trop tost, nous
les aurons bientost enlevez trez touz , Dieu
aydant. M' ie comte d'Harcourt ne tarda
guières de mettre pied à terre et de donner
les ordres. M' l'Archevesque de Bordeaux
l'y suyvit de bien prez, et y fut enfin blesse
à une cuisse, mais c'est un coup favorable.
Le premier des cappitaines ennemys,
nommé dom Juan de Fente, y mouinit à la
première attainte, avec tout plein des leurs,
et y en demeura aussy bien des nostres en
la seconde , entr'autres les deux Fraissinetz
et Mirane, cappitaines de Vaillac, Lyons,
premier cappitaine du régiment de Victry,
M' de Roiimoules, vieillard tout chenu, avec
son gendre , et le jeune frère de M' de Sc-
guiran, premier président en la Cour des
comptes , qui est généralement regretté de
tout le monde. Des blessez , il y a le comte
de Vaillac, au bras et depuis à la hanche,
mais sans danger, Busca, le baron de For-
calqueiret et quebpies autres. Nous en at-
tendons le menu par le premier.
T Monseigneur le Mareschal est inconti-
nant party pour aller donner les ordres des
lieux plus prochains. Le» trouppes, muni-
tions et fourrages y abbordent de toutes
partz.
ffEt je finis, demeurant,
irMonsieur,
iTVOstre très humble et très
irobéissant serviteur.
tPerbot.
«À Ail, ce 3i mars 1637.
«Vous pourriez bien Toir de par delà
une relation fort exacte de tout ce qui s'est
passé, au moins de ce qui peult estre venu
à congnoissanceet dont vous reeongnoistriez
bien, je m'asseure, le stile.
«•Je viens de recevoir tout présentement
du cosié de Six Fours le gi-and seau de
plomb de Saint Emilian, en quoy vous
m'avez bien obligé, ayant prins un grand
plaisir .à le voir. 1
' Louis Doni d'Attichy, déjà nommé.
[1637] X D. GUILLEMIN. 227
fault que je me trouve plus surchargé que de coustume. Seuiement
vous diray je en gros que nous tenons la moictié de l'isle S'° Marguerite
ensemble les deux fortz y contenuz tant de Monterey que de l'Iere et
les redoubles et retranchementz de S' Mai-lin, de S' Florens et autres
qui avoient esté faictz pour incommoder la descente. Il reste encore
ledict fort de Ragon ' et la Tour de Batignier afin d'oster l'eau et la
communication de S^ Honoré à ceux du fort de S'"' Marguerite où com-
mande un gentilhomme sarde, nommé Dom Stephano de Dordogna^
grandement rogue et impérieux, qui a eu de grandes piques avec celluy
qui commande dans ledict fort de Ragon, dont la division pourroit
bien servir à nos affaires.
Le mauvois temps n'avoit pas laissé bien libre la descente de nostre
canon à terre qui pourra estre descendu à ce jourd'huy, je m'asseure.
M"" le General des galleres y est accouru avec 3 galleres attendant que
7 autres le puissent suyvre, et y porte afl'orce munitions de guerre qui
manquoient à nostre armée et pourra en temps calme remorquer les
navires pour l'attaque du fort de Ragon et Batignier dont la prise
ostera l'eau au fort de S"' Marguerite. Je pensois vous envoyer une re-
lation fort exacte de tout ce qui s'y est passé, mais ce ne pourra estre
que par le prochain ordinaire, demeurant.
Monsieur le Prieur,
vostre Irez aiïeclionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
À Aix, ce 7 avril 1687.
\^Post-scnj)tum de la main de Peiresc.J J'ay dict à Madame que l'on se
plaignoit de n'avoir pas de responce des lettres passées par ses mains
pour M' le Premier Président. Elle m'a dict vous avoir cy devant
escript, et qu'elle soigneroit les responses dont est question. La petite
raonoye venue en dernier lieu est de Pavie prez de Milan soubz l'empe-
reur Otton III. Il s'en trouve bon nombre, mais je ne vous suis pas
moings redevable de tant de soings, bien mortifié de n'avoir encores
' Voir le recueil Peiresc-Dupuy ( t. III , passim ). — ' Voir le recueil Peiresc-Dupuy ( ibid. ,
p. 669).
228 LETTRES DE PEIRËSC [1637]
peu lire les discours de Vinel et de M' de Clerac pour luy respondre.
Voz adviz de Bayonne nous font grand plaisir.
Si vous me redimez de la vexation de rien poursuivre à Rome pour
Fronsac, ce me sera une grande descharge, car je ne sçay de combien
je me racbetteroys envers ce monde là quand il fault mandier des
choses qu'ils me debvroient offrir eux mesmes.
Madame attend impatiamnient la réception de M' Montesquieu.
Escrivez en en son temps, je vous prie, et à elle mesmes'.
XGIX
MÊME ADRESSE.
BORDEAUX.
Monsieur le Prieur,
Je n'ay point receu de voz lettres par cet ordinaire et me suis trouvé
si pressé que mes gentz n'ont pas eu loisir de vous faire une coppie
des articles de la trefve et capitulation du fort Real de S**" Marguerite
signez dez le 6 de ce mois dont l'exécution pourtant fut différée à ce
jourd'huy à cinq heures du soir d'où le gouverneur des deux isles qui
s'y estoit trouvé enfermé en doibt sortir avec 8oo hommes de la gar-
nison qu'il y avoit encores sur les armes. Ceux de S' Honorât où il n'y
a qu'un sergent pour commander ont rendu le s"^ de Roumoules qu'ils
avoient faict prisonnier à la descente soubz la parole de leur rendre
en échange Gio.-Batt. Pissuto, cappitaine calabrois, quand il sera guery
de 8o blesseures qu'il a sur sa personne d'entrée ou d'issue. Ils y ont
encores 6oo hommes elfectifz au dire mesmes du s' de Roumoules,
mais l'on se promet qu'ilz n'attendront que nostre descente dans l'isle
pour leur descharge et qu'ilz traitteront comme les autres manquantz
de vivres et de munitions et ne pouvantz pas durer contre noz forces
ne espérer de secours assez puissant ne assez prorapt.
Bibliothèque nationale, fonds français, nouvelles acquisitions, Ô171, fol. 675. Original.
[1G37] À D. GUILLEMIN. 229
M' le duc (l'HaHuin ' arriva hier icy avec quelque noblesse de sou
gouvernement^ et en est party ce jourdhuy pour s'en aller aux isles se
promettant d'y arriver à temps pour ceste descente et pour bien agir
soubz M' le comte d'Harconrt s'ilz ne se rendent bienlost. Vous aurez
(ics lettres cy joinctes de Madame la Première Présidente que je vous
recommande. Elle est maintenant sur pied et M' le Premier Président
commance de se lever, n'ayant plus de fiebvre Dieu mercy. Et je dé-
nie ureray,
Monsieur le Prieur,
vostre trez humble serviteur et plus all'ectionné,
DE Peibesc.
A Aix, ce XII inay 1687 '.
' Charles de Schoiiiberg- , duc d'Halluiii ,
pair et maréchal de France, t'tait né, le
16 ffîvrier 1601 ; il raourul le 6 juin 160G.
Ce personnage est souvent mentionnt! dans
le recueil Peiresc-Dupuy.
' liC gouvernement de Languedoc . dans
lequel Charles avait succédé à son |>ère,
Henri, comte de Nanteuil.
' Bibliothèque nationale, fonds français,
nouvelles acquisitions, 0171, fol. 677. Ori-
ginal.
APPENDICE.
MEMOIRE À M' LE PRIEUR DE ROMOLLES
ESTANT À ANGIERS^
I. De rechercher tous les tombeaux qui s'y trouveront de nos comtes ou
comtesses de Provence, ducs d'Anjou, et d'en faire une petite description par
escrit ie mieux qu'il pourra avec les inscriptions vieilles.
II. De faire faire en coulem* ou en crayon sur du papier de mesme gran-
deur que ceste feuille, les figures desdictz comtes ou comtesses, excepté le Roy
René, qui nous est commun. Et que les figures soient toutes de leur long,
avec la vraye façon de leurs habillements, ainsin qu'on les trouvera.
III. De tascher de m'apporter principallement les portraits en crayon :
De Louys premier, duc d'Anjou, Roy de Sicile et comte de Provence;
De Marie de Bretaigne , sa femme ;
De Louys second, son fdz;
De Yoland d'Aragon , femme dudict Louys second ;
De Louys troisiesme , frère dudict Louys II et duc d'Anjou aussy ;
De Isabeau de Lorraine , première femme du Roy René.
IV. Si tous cez princes et princesses ne se trouvent à Angers, de s'enquérir
s'ils ne pourroicnt pas estre en quelque monastère voisin, ou en tombeau, ou
en peincture , sur quelque autel.
V. De marquer bien les lieux où il en trouvera.
VI. Tascher de se faire faire un roole des plus illustres familles nobles de
l'Anjou et du Maine, comme aussy de la Bretaigne.
' Ce mémoifo ol tes mémoires suivants no lie de ces curieuses inslrnctions a été publiée
•oui pas complètements inédits, comme M. Léo- d'après uu autre manuscrit [celui de la Méjanes )
pold Delisie l'a rappelé en ces terme» dans le dans les Cot-respondanls de Peiresc. X. Guillaume
Catalogue des manuscrils des fonds Lil>ri et Bar- d'Abbatia, i885, in-8°, p. 39-88.-
roi» (Paris, t888, p. i5i,nole 1): s Une p»r-
232 APPENDICE. [t609j
VII. De s'informer en cez quartiers là de la famille des Marquis de Monfer-
ran de Bretaigne, sçavoir en quelle estime elle est tenue, s'il y en a diverses
branches, quelles armoiries elle porte, et quelles couleurs. El d'oii elle tire
son origine, s'il s'en peult rien apprendre,: si c'est d'Angleterre ou d'ailleurs et
s'il y en a eu aulcun bastard de la maison qui aye esté célèbre.
À S.UNT AUBIN.
I. Employer toute la faveur qu'il pourra avoir à Angers envers les religieux
de l'Abbayie S' Aubin, pour se faire monstrer les chartres originelles des
privilèges concédez par le Roy Charles magne.
II. Remarquer les seaulx de cire qui seront affichez sur le parchemin des-
dictez Chartres, et tascher de recognoistre les lettres escrittes à l'entour dudirt
seau, et voir si l'image est barbue ou sans barbe, et si la couronne est fleu-
ronnée ou non.
III. Prendre garde bien exactement, si parmy la cire desdictz seaux il y pa-
roist aulcun cheveul de teste ou de barbe, comme escrit Jan de Bourdigné en
ses annales d'Anjou, chappiltre IX. Et voir s'il se peult, s'il est faicte aulcune
mention dans la teneur dudict privilège, qu'il eust esté mis des poils de barbe
dans ladicte cire ou non. Et avoir, s'il se peult commodément, un exlraict
dudict privilège tout au long.
IV. Tascher d'obtenir du garde des Chartres qu'il luy permette de tirer
une empreincte dudict seau, comme j'en ay eu de S' Benoict sur Loire, de
S" Croix et S' Evertre d'Orléans, de S' Denis en France, et de toutes les
vieilles abbayes où j'ay esté pour bien justifier les portraicts de cez princes que
je faicts maintenant imprimer en taille doulce.
V. Voir s'il y auroit d'autres vieux privilèges d'aultres princes de la mesme
race de Charles magne et s'il y auroit moyen d'en avoir des empreintes aussy
sans s'arrester aux chartres des Roys de la dernière race d'Hugues Cappet, car
nous les avons tous, depuis Robert en ça, et ne nous manque que ledict
Hugues Capet tout seul.
VI. Marquer les noms dudict garde des Chartres, ou du supérieur de ladicte
Abbaye, afin que s'ils me favorisent en ceste occasion que j'aye moyen de leur
en rendre l'honneur qui leur en sera deub et de m'en revencher en quelque
aultre chose, si je puis, en leur endroict.
VII. S'il va voir quelque aultre vieille abbaye en Bretagne ou le long de
[1609] APPENDICE. 233
son voyage, de faire la mesine recherche des vieilles Chartres et des vieux
seaulx et en apporter des empreintes quand il pourra.
VIII. Se souvenir que lesdictes empreintes se font en jettant du soulfre
fondu sur de l'argille huiilée, qu'on aye pressé sur le seau dont est question.
ET PARTOUT.
Rechercher soigneusement les orphevres et voir d'en ramasser des vieilles
monoyes, telles que je luy fis voir en mon estude à peu prez, ayants des grosses
lettres carrées, des chiffres, des testes quelquefois, etc.
Et principallement des petites médailles d'or, fort desliées, et des plus goffes.
Des petites médailles aussy qui semblent Romaines, qui sont chargées de
sangliers, chevaulx, chevalliers, et autres telles choses, et des plus goffes, et
en tous meltaux.
Des graveures, s'il en rencontre quelqu'une qui aye des lettres.
Et marquer ce qu'il despendra pour moy, afin que je l'en rembource, et
que je sçaiche leur prix.
Et s'asseurer que je luy tesmoigneray en toute occasion que je suis son
meilleur amy et plus affectionné à jamais,
Peiress.
A Aix en Provence, ce i juin 1609 '.
X BORDEAUX^.
Aller droict chez le s' Rrunet procureur en Guienne rue du parlement,
pour apprendre le logis du s' Brianson , et aussy tost l'envoyer quérir. Et en-
voyer un homme à Cuistres pour faire venir à Bordeaux le R. P. du Val s'il ne
se trouve lors à Bordeaux.
Puis il faull voir M' de Monts, pour voir s'il auroit agréable de mener et
présenter à M' le Premier Présidant le s"^ prieur de Roumoules.
Et aprez chez M^' le cardinal de Sourdys, si mieux il n'ayme commancer
par luy ^.
' Bibliolhèque nationale, fonds français, deaux ne fijjure pas dans ¥ Appendice du fasci-
nouvelies acquisitions, 5171, fol. 708. Auto- cu\e \ des Coi-retpondant» de l'eire$c.
graphe. '' Ces instructions sont donc antérieures an
' La partie des tntlriictimis relative à Bor- 8 février 1628, date de la mort du cardinal.
V. 3o
mpmivcnic i4TlniiAi.c.
234 APPENDICE. [1609]
H fauldra puis voir les autres plus à loisir et aprez avoir veu le P. du Val
et luy avoir faict voir toutes les instructions en attendant que par la poste je
puisse envoyer des lettres pour tous cez mess" de nosire cognoissance, mesmes
pour les rapporteurs de mes affaires de Vaires, Fronsac, Libourne et autres.
Cependant on pourra voir M' le thresorier Pichon et luy rendre ma lettre,
et salluer Madame sa femme de ma part comme aussy M' de Belle Isle, à qui
il fauldra pareillement rendre la sienne, et faire aussy toute sorte de compli-
ments à l'endroict de Madame sa femme.
Mes lettres seront adressées par Paris chez M' de Monts et possible arrive-
ront-elles à Bordeaux aussy tost que ledicl s' Prieur de Roumoules, ou bientost
aprea. En un besoing si on va faire un tour à Guistres mes lettres y survien-
dront possible assez tost à leur retour à Bordeaux.
Cependant on pourra voir le supérieur des Reformez de S" Croix de Bor-
deaux pour sçavoir s'il vouldra recevoir frère Joseph Granier, en luy payant sa
pension sauf de le nous rendre à nostre abbayie de Guistres, quand il y voul-
dra venir. Et s'il luy pourroit donner moyen de continuer ses estudes avec les
autres religieux qui estudieront. Si cela manque, on pourroit renouer avec
le s' gênerai Gaufreteau le traictë de mettre à Guistres le noviciat de leur
congrégation soubs la direction du bon P. du Val avec quelque forme d'eslude.
Et en ce cas on luy pourra donner de ma part toutes les asseurances de luy
faire defferer en mon abbayie tout ce qui se pourra.
Un jour de loisir de M' le Premier Présidant', il luy fauldra porter les trois
cahiers de mémoires, tant des règlements du mont de Piétà de Padoùe, que
de ceux qu'on avoit proposé de faire en ce Royaulmc, ensemble les reglementz
de la congrégation de la Miséricorde de la ville d'Aix qu'il avoit autresfoys
tesmoigné au s' de Peiresc désirer de voir. Mais cela s'estoit esgaré parmy
d'autres papiers, et y a eu grande peine et grand heur de les retrouver. Quand
mes lettres seront arrivées on pourra voir touts cez mess" et les accompagner
des complimentz convenables. Et puis si l'affaire de Vaires est jugée, comman-
cer le traicté de permutation avec M' le Premier Présidant^, et ensuitte celuy
des RR. PP. Jesuistes, auxquels on pourra lors rendre ma lettre.
Mais au préalable il fauldra s'eslre esclaircy de la valleur des bénéfices
de Vaires et du Bouchet, d'une part, et de Lugon et Porcher d'autre, pour
y procéder selon mes instructions à peu prez.
'-» H s
l'agit du premier président Marc-ADtoine de Gourgue.
[1609] APPENDICE. 235
Et avoir sceu par M' de Belle Isle quelle sera la disposition du moyne Bou-
mard et de son frère l'advocat.
Il fauldra raoyenner que le P. du Val praigne Goo livres sur les premiers
et plus clairs deniers des revenus de mon abbaye ou de ceux qu'on exigera de
la succession de Logan en remplacement de pareille somme destinée et appli-
cable comme je luy ay mandé.
Il me fauldra chercher une demy douzaine d'exemplaires d'un grand journal
du siège de l'isle de Rhé imprimé à Bordeaux depuis peu', et m'en envoyer
une couple en une foys ou deux par la voye de Paris soubs l'enveloppe de
Mons' de Lomenie.
Il fauldra aussy me chercher en quelque endroict un exemplaire de la plus
vieille édition des décrets du synode provincial de Bordeaux , faicte il y a envi-
ron lio ans, et un de la première édition faicte du commancement du ponti-
ficat de M^le cardinal de Sourdis et me les envoyer par la première commodité.
Il fauldra revoir les mémoires et instructions que le s' Briançon avoit em-
porté en Guienne pour tascher de satisfaire à ce qui sera demeuré en arrière,
particulièrement pour ce qui est de la recherche dans les registres des insinua-
tions, pour voir les titulaires et possesseurs des bénéfices dépendants de
l'abbayic de Cuistres, tant en suittc de la charthe du pape Alexandre III que
du poullier mesmes de l'Archevesché où il y en a fort bon nombre dont on a
inséré extraict dans les papiers cy joincts.
X AGEN.
Il fault voir M' d'Andrault, conseiller du parlement de Bordeaux, et le sal-
ifier de ma part, et prendre de ses lettres pour Bordeaux aprez l'avoir entre-
tenu plainement de Testât des affaires de Madame de Crequy et des conten-
tions du Parlement et de M' l'Arch[evesque].
X LA REOLLE.
11 fault demander Dom Teissiere, le sallûer de ma part, et sçavoir au cas
que j'eusse besoing de l'employer en mon abbayie s'il l'accepteroit.
' Levray journal de lotit i-e qtii t'est passé dan» date, à Toulouse, cliez R. Colomiei, en i6a8.
l'isle de Ré {du 90 juillet 1627.111 a8 novembre Y eut-il aussi une édition bordelaise? Ou Poi-
suivant), parut sans indication de lieu et de resc veul-il parler d'nn ouvrage différent î
3o.
236 APPENDICE. [1609]
À LA SAULVE, si 011 y passoit.
Voir M' de Gaufreteau visiteur gênerai de la congrégation des Bénédictins,
l'asseurer de mon service et que j'avois faict tout ce qu'il avoit désiré pour le
P. Vaisiere de la Reolie, mais que le bon P. du Val s'estant radvisé, j'ay réservé
cela à une autre occasion et que je luy recommande lousjours mon abbayie et
le prie de disposer de moy en ce qu'il me cognoistra propre.
(^Pour voir en arrivant à Thouhuze.)
À THOULOUSE.
Il fault d'abbord aller à l'église S' Louys où est le noviciat des RR. PP. Béné-
dictins reformez de la congrégation de S' Maur et fauldra voir le R. P. Dom
Pol d'Hilairc, supérieur dudict noviciat, et sçavoir de luy s'il aura receu mes
lettres par deux divers messagers ensemble le pacquet adressé au R. P. du Val
de Cuistres, et si ledict P. du Val n'estoit encores party pour retourner à
Cuistres, il luy fauldra donner courage de s'y acheminer en si bonne com-
pagnie.
Si le P. du Val est party, il fauldra sçavoir dudict Dom d'Hilaire quelle
despence a faicte ledict P. du Val dans leur maison, pour l'en rembourcer
exactement, tant pour sa pension que pour les fraiz et fournitures de sa
maladie.
Et fauldra sçavoir dudict Dom d'Hilaire s'il vouldroit agréer que quelqu'un
autre des religieux de mon Abbayie peusse venir passer quelques moys dans
leur noviciat, en payant la pension telle que les autres pour s'instruire un peu
dans la bonne discipline régulière, ou bien s'il croid que le supérieur des
PP. reformez de la mesme congrégation de S' Maur nouvellement establis à
S" Croix de Bordeaux, me voulussent faire la mesme gratification en payant
comme dict est la pension ordinaire et toute autre despence qu'ilz jugeroient
requise et nécessaire mesmespourla réception d'un novice et pour la tradition
de l'habit monachal. Et s'ils permettroient que aulcuns de mes religieux de-
meurassent parmy leurs reformez pour la continuation de leurs esludes.
Je vouidrois aussy une altestatoire du P. Dom d'Hilaire, de ce que ledict
P. Dom du Val s'estoit mis en debvoir de prendre leur plus cstroicle refforme
et que c est l'indisposition et foiblesse extraordinaire de ce pauvre homme qui
[1609] APPENDICE. 237
l'a constrainct de s'en retirer à son corps et cœur deffendans afin que je l'en-
voyé à Rome et que je tasche d'avoir quelque déclaration pour guérir son
scrupule.
En toute façon il fauldra faire toute sorte de compliments et remerciments
possibles audict P. Dom d'IIilaire, des bons traicteraentz et charitables secours
par luy rendus audict P. du Val tant durant son indisposition que autre-
ment.
Il fauldra puis voir M' d'Abbatia l'advocat et luy rendre mes lettres avec
mes recommandations et compliments.
Aprez, M' l'Evesque de Pamics, de Sponde.
M' le présidant de Cambolas.
M' le conseiller Maran.
M' Mary, qui fournira les 5o escus si besoing est.
Et à tous faire mes compliments en leur rendant mes lettres. Et parler selon
mon instruction séparée touchant le livre de Pline de feu M' Catel et touchant
celuy de Dionys. Byzantins de M' l'Evesque de Rhodez.
En voyant M' Maran , il luy fault demander par grâce de voir sa biblio-
thèque et son cabinet où il a un grand vase égyptien dont le couvercle est en
forme de teste humaine, et s'il n'avoit pas dezagreable, il le fauldroit prier de
ma part de trouver bon que l'on en fict promlement faire un desseing en pa-
pier de la mesmc grandeur de l'original, à diverses veûes, tant du devant que
du derrière et des costez avec la représentation de toutes les figures hiérogly-
phiques qui s'y trouveront peintes ou gravées. Et si cela sepouvoit rouUerbien
à son aise sur un baston et couvrir de carton et de toille cirée, on le pourroit
renvoyer par le retour des mullctz ou des chevaulx. On luy pourra dire que
c'est pour l'envoyer à M' Lorenzo Pignoria qui a faict des commentaires sur
les caractères Hiéroglyphiques de la Table de Bembo lequel est aprez de les
reimprimer, et y en pourra faire mention honorable pour cez Messieurs.
Il fauldra aprez voir le libraire Colmiers ' et sçavoir de luy s'il n'a pas receu
de M'' Buon de Paris un exemplaire des œuvres de M' du Vair en grand pa-
pier et s'il l'a rendu à M' de Maussac à qui il estoit adressé ou à aulcun autre
de l'ordre et mandement dudict s' de Maussac et de moy et depuis quand.
Et puis il me fauldra achepter un exemplaire du livre des décrets du synode
provincial de Thoulouse, tant de ceux de feu M' le card[in]al de Joyeuse (juc
' C ost Colomiez.
238 APPENDICE. [1609]
de ses devanciers, et s'il s'en trouve diverses éditions, je seray bien aise d'en
recouvrer un exemplaire de chasque sorte. Et s'il se trouve quelque chose de
pareil des synodes provinciaulx de l'Archcvesch(î d'Aucli et de celle de
Bourges, ce me sera grand plaisir d'en avoir de tous, comme j'en ay desja de
ceux de Narbonne, et de ceux de Bordeaux et autres Métropoles.
Si les paratitles de feu M' Maran sont achevez d'imprimer, je seray bien
aise que l'on m'en achepto une coupple d'exemplaires, et quand il n'y manque-
roit que quelques feuilles, je ne l'achepteray pas moings volontiers, à la
charge qu'on me fournit aprez les feuilles restantes quand elles seront
achevées.
Et seroit bon de proffîtter pour cet effect le retour des mulletz et des che-
vaulx parce qu'il y a grande peine de trouver commodité de voiture de Thou-
louze en Provence.
Si on pouvoit avoir aussy ce qu'il y avoit d'imprimé avant ia mort de feu
M' Catel, ou aprez, de son histoire du Languedoc, encores que cela ne soit
parfaict, je n'en achepteroys pas moings volontiers une coupple d'exemplaires
des feuilles ja imprimées.
Et sçavoir de l'imprimeur ou des héritiers dudict s' Catel quand on peult
espérer que s'achève d'imprimer iadicte histoire du Languedoc.
(Tlioulouie pour k Pline de feu M' Catel.)
À THOCLODSE.
Il fauldra voir M' Maran, conseiller aux requestes, et Mess" ses frères le
chanoine et le régent et les sallûer Irez toulz bien humblement de ma part.
Et fauldra s'enquérir du conseiller s'il s'est resouvenu de ce que je luy avois
communiqué touchant le Pline de feu M' Catel dont il m'avoit faict espérer
qu'il parleroit à celuy qui avoit recueilly la succession, et particulièrement les
livres dudict feu s' Catel, son proche parent.
S'il en a esté parlé, il fauldra me mander les responses qui en auront esté
faicles , et ce qui s'en peult ou doibt espérer.
Si cela estoit encor à faire, il le fault prier de le vouloir faire ou de dire
s'il auroit agréable qu'on y employé quelque autre, ce qu'on n'a pas voulu
tenter.
Et en ce cas sçavoir son advis de quelle persone il pense qu'on se peust ser-
vir pour s'entremettre de cette négociation.
[1609] APPENDICE. 239
Et à fauite d'en nommer, s'il trouveroit bon qu'on y employast M' le prési-
dent de Gambolas pour n'y rien faire que par son advis afin de luy en reserver
tousjours la principale obligation que luy en pourra avoir le public , et moy
par mesmc moyen.
Aprez ilfauldra en toucher un mot de ma part audict s"" présidant de Gam-
bolas, à qui j'en ay touché un mot en gênerai sans rien exprimer.
L'affaire est qu'on va mettre soubs la presse une nouvelle édition de Pline à
Paris soubs la direction de Nicolaus Rigaltius, bibliothécaire du roy, à qui les
RR. PP. Jésuites ont communiqué pour cet effect tout ce qui souloit estre dans
la Bibliothèque du feu cardinal de Joyeuse, des observations et corrections du
feu s' Pelissier, evesque de Mompelier, sur le Pline dont ils ont huict livres
entiers et plusieurs autres bons fragments sur les autres que l'on faict estât de
mettre soubs le nom dudict s' Pelissier, et de feu M' Catel qui y avoit bien
contribué de son travail, pour une partie.
Et d'aultant que feu M' le conseiller Catel avoit une coppie de la pluspart
de ce qu'on a à Paris plus nette, et quelque chose de plus, ensemble un grand
volume du PUne imprimé avec des petites diverses leçons et notes marginales
dudict s" Pelissier, qui pourroient grandement ayder cette édition nouvelle qui
sera trez belle et bonne , et qui contiendra tout ce que les plus doctes du
siècle ont annoté sur cet autheur, mesmes de trez rares observations du s' de
Saulmaise, il seroit à désirer qu'on y peust insérer tout ce qui est du labeur
dudict feu Pelissier, entre les mains des héritiers dudict feu s' Catel, et sur-
tout ledict texte de Pline avec ses notes marginales. Si j'eusse eu cet advis
avant le decez dudict feu s' Catel , conseiller, je m'ose quasi promettre que je
n'auroispas esté esconduict de cette grâce, mais on y a pensé trop lard.
Il fauldra voir maintenant d'y faire ce qui se pourra, et s'il ne tenoit qu'à
faire agir des puissantes intercessions, on y fairoit intervenir les plus" fortes de
la cour de Leurs Majestez pour y procéder avec le plus d'honneur et de répu-
tation que faire se pourra.
Au reste on pourra estre asseuré de la restitution fort fidèle de tout ce qui
sera communiqué par ce regard, et qu'on rendra tesmoignage publiq de l'obli-
gation qu'on en doibt avoir à cez messieurs qui en auront faict la charité et à
ceux qui l'auront procurée, parmy quoy il se pourroit tousjours mesnager
quelque autre sorte d'advantage ou gratification.
En un besoing on en pourra communiquer encores à M"" l'Evesque de Pas-
mies, à M' d'Abbatia et tels autres que cez mess" adviseront.
240 APPENDICE. [1609]
( ThoulouM et Rhodez pour le Dionysius Byzantins '.)
THOULOUSE ET RHODEZ.
11 fauldra voir M' le présidant de Cambolas et M' l'Evesquc de Pasmies et
M'd'Abbatia, et aprez leur avoir rendu mes lettres, sçavoir d'eux de quelle
façon ils trouveront à propos que l'on se conduise pour faire tenir à M' l'Evesque
de Rhodez les lettres qui luy seront escriptes, pour accompagner les miennes,
afin de tascher d'obtenir de luy la communication du livret de Dvonisius Bv-
zantius, de Bosphoro Thracio. Et suyvre ce qui sera leurs sentiments sur ce
subject. M' l'abbé de Foix m'a promis une lettre de recommandation audict
s' Evesque de Rhodez à mesmes fins, laquelle il fauldra retirer de luy au premier
loisir et la joindre à la mienne.
Et fauldra laisser charge à M' d'Abbatia de retirer toutes les responces qui
seront faictes sur ce subject et de me les faire tenir en Provence par les voves
les plus asseurées qu'il pourra trouver, dont celles de Mess" Mary, Douaille et
Fraisse ne sont pas des moings bonnes. Si le livre se trouve, je m'asseure que
lesdictz s" Mary etc. fourniront volontiers ce qui sera nécessaire pour les fraiz
du coppiste, et si besoing estoit pour le voyage de quelque jeune homme un
peu sçavant en grec qui allast sur les lieux exprez pour le transcrire et pour
faire roUe des autheurs grecs contenus aux aultres volumes manuscriptz dudict
s' Evesque de Rhodez, s'il ne le trouvoit pas mauvais.
Que si M"^ de Rhodez estoit si honeste qu'il voulust confier le livre original,
sa faveur seroit plus grande au centuple , parce qu'on y pourroit faire des fon-
dements beaucoup plus certains, et il pourroit bien estre asseuré que la resti-
tution luy en seroit faicte fort fidèlement.
Mais il' ne luy en fault pas parler, ains le laisser à son propre mouvement.
Et s'il le faisoit ainsin , il ne fauldroit pas le bazarder légèrement en chemin
pendant ce temps de trouble, ains vauldroit mieux le faire transcrire à Thou-
louze, et en envoyer cependant la coppie, attendant que nous peussions voir
l'original.
Si M' de Rhodez ou les héritiers du feu Archediacre de Conques en l'église
de Rhodez (qui avoit esté aulmosnier du feu cardinal d'Armagnac et avoit eu
la despouilie de la pluspart de ses livres) n'avoient ledict livre de Dionysius
' Celte partie des Imtructiom, jusqu'à la fin du paragraphe, n'a pas été reproduite dans l'Appen-
dice du fascicule X des Correspondants de Peiresc.
[1609J APPENDICE. 2A1
Byzantius, et qu'il ne s'en trouve aulcun exemplaire clans les autres biblio-
thèques de Cahors, du collège de Foix et de cez mess" les plus curieux de
Thoulouze, mesmes de M' l'Evesque d'Alby qui en a de trez rares, ii fault s'en-
quérir s'il se pourroit avoir aulcunes nouvelles des livres de feu Pierre Bellori
du Mans qui a escript les observations et singularitez des païs eslrangers,
lequel avoit suyvy Petrus Gillius en ses voyages, et avoit eu quelques-uns de
ses livres, entre lesquels il pourroit bien avoir eu quelque coppie dudict livre
de Dionysius Byzantius.
À BEZIEBS.
Voir M' de Maussac le fiiz, conseiller du parlement de Thoulouze, qui est
de la Chambre de l'Edict, et le sallûer de ma part, luy demander s'il a receu
les deux exemplaires des œuvres de feu M*' du Vair en grand papier, et s'il en
a faict rendre l'un à M"^ Maran suyvant la prière que je luy en avois faicte.
Luy dire que j'ay recouvré un manuscript grec fort ancien , où il y a de
grandes pièces du Polybe non imprimées, de la fin de Dionysius Halicarnas-
seus et du commancement d'Appian et de Dion Cassius. Ensemble des chro-
niques catholiques deNicolaus Damascenus et autres où est rapportée l'histoire
de l'Aurum Tholosanum un peu plus particularisée que ce qu'on en a commu-
nément, dont je luy ay escri[)t plusieurs foys sans aulcune responce.
Je luy ay depuis escript; il luy fault rendre ma lettre et s'il n'est à Mom-
pelier, le demander à Besiers et à Thoulouze, et s'il ne se trouve nulle part
il fault laisser ma lettre à Thoulouse à M' de Maussac le conseiller de la
Grande Chambre, son père, pour la luy bailler quand ii reviendra.
\ NABBONNE.
Faire faire des reproches par M' l'abbé de Foix à M' de Narbonne' et à son
coadjuteur de ce qu'on laisse despesser tant de belles inscriptions antiques,
qui avoient esté desterrées depuis peu, lesquelles on se debvroit contenter de
mettre en œuvre en sorte que l'inscription parust en dehors des murs sans les
gaster, ou ensevelir de rechef comme l'on faict ^.
' L'archevêque de Narbonne était alors Louis ' Tous les épigraphisles et, en général, tous
de Vervins, qui mourut le 8 février ifiaS, après les amis de l'antiquité applaudiront à ces géné-
avoir occupé le siège depuis l'année i 600. Son relises protestations et recommandations,
coadjuteur et successeur fut Claude de Rebé.
T. 3i
UPRIKKUp lATIOIIALI.
242 APPENDICE. [1609]
Il fauidroil voir un gentilhomme qui est curieux lequel a un beau cabinet,
pour luy faire les mesmes reproches et le conjurer à tout le moings de transcrire
les inscriptions, avant qu'on les gaste et de nous en envoyer coppie. C'est
M' Galland, qui a donné les nouvelles de ce desordre'.
À MOMPELLIER.
11 fauldra voir M' Ranchin, chancellier de l'université de Médecine, et luy
rendre ma lettre, et tascher de voir son cabinet, mesmes de jetter les ieulx s'il
se peult sur ses médailles d'or, sur ses bagues et graveures antiques, et sur ses
inslrumentz de bronze antique, mesmes sur ses livres mss.
Voir s'il a une médaille d'or d'Arzinoe grecque de 9 ou lo escus d'or de poids.
S'il a une sardoine antique quarrée en anneau oiî est le ravissement des
Sabines.
S'il a l'ospée de bronze antique de feu M' le gênerai Grille.
S'il a comme on dict une grande bible enluminée Iraduicte en provençal.
L'advertir de la commodité du retour des muUetz et chevaulx de M' l'abbé
de Foix et de ceux de son train, pour me faire tenir, s'il veult, deux livres
mss. qu'il m'a escript de me vouloir prester pour un de noz amys.
Et pour cet effect il fauldra charger le voicturier qui y ramènera lesdictz .
raullctz et chevaulx de l'aller voii" en revenant par Mompelier, pour recevoir ce
qu'il luy vouldra confier.
Il fauldra voir aussy un morceau de placque de marbre où est gravé le nom
d'OMHPOS sur quelques figures. Et s'il n'en estoit pas si jaloux les muUets
me le pourroient apporter et peult estre quelque aulre anticaille des moings
jalouzes. S'il donne aulcune parolle considérable touchant le prix de son cabi-
net, il le fauldroit escrire soit de Mompelier ou de Thoulouze.
Sçavoir aussy quel nombre il a de médailles grecques tant d'or et d'argent
que de cuyvre séparément des autres.
11 fault voir aussy M"" de Glausel, fille de M' Pacius, laquelle s'estoit meslée
du marché et vente dudict cabinet, pour sçavoir d'elle ce qu'elle en a apprins
soit dudict s"^ Ranchin ou de sa femme,
' Ici (fol. 79a) est intercalée une note du certain Renoiiard. Voir la note en question, à
ai juin 1689, signée par Peiresc, intitulée ce nom, dans le dernier lome des Lettret à di-
Narbonne, Razez., qui ne concerne en rien le vers, lettres qui formeront, comme on sait, la
prieur de Roumoules, car elle est adressée à un troisième série de notre recueil.
[1609] APPENDICE. 2^3
Et pour sçavoir aussy qu'est devenu un porlraict de ladicte susdicte epée de
bronze antique lequel j'avois envoyé à M' i'advocat Pacius son frère, qui
tomba ez mains du s' de la Favergne son hoste. De qui je vouldrois bien le
rf^couvrer par le retour desdictz muiletz ou chevaulx. Et pour cet effect il faul-
dra parler audict s' de la Favergne et moyenner qu'il le remette à la dicte da-
moiselle de Clausel, chez laquelle ledict muUetier Tira prendre en revenant.
S'il y a du temps il pourra voir aussy M' le gênerai Ranchin , neveu dudict
s' cbancellier, pour luy rendre ma lettre et le sallûer de ma part, et l'advertir
de la commodité du retour dcsditz muUetz afin qu'il peust faire tenir prests
lesdicts livres de son oncle, ou autre chose qui pourroit estre envoyée on Pro-
vence.
S'il y a temps aussy, il fauldroit voir le s' Catalan, Apoticaire, et son cabi-
net de choses naturelles', et luy faire de mes recommandations, et remarquer
ce qu'il luy pourra dire touchant le cabinet dudict s' Ranchin et les discours
qu'il luy aura tenuz de moy.
Si M' de Maussac le filz, conseiller du parlement de Thoulouze, estoit à
Mompelier, on le pourroit sallûer de ma part et luy bailler ma lettre et luy
offrir de me faire tenir sa responce^.
' Sur Laurent Catalan on Calelan et sur son
cabinet , voir dans le fascicule X des Coirespon-
dants de Peiresc (p. 36), une note communi-
quée on grande partie par feu A. Germain (de
rtnslitut). Voir ce même fascicule au sujet de
la plupart des personnages mentionnés dans les
Instructions.
' Bibliothèque nationale, fonds français, nou-
velles acquisitions, .5171, fol. 710 à 'jab. Auto-
graphe.
.•îi.
LETTRES DE PEIRESC
À HOLSTENIUS.
-&«3»<»—
À MONSIEUR, MONSIEUR HOLSTENIUS,
GENTILHOMME ALEMAND, EN LA COUR DE L'ILLUSTRISSIME CARDINAL BARBËRIN,
À ROME.
Monsieur,
Nous vous avions longuement attendu en ce pais icy, pensants avoir
le bien de vous y voir à v[ost]re passage, et de vous y gouverner un
peu ^ Mais nous n'avons pas esté assez heureux p[ou]r mériter cet hon-
neur. Nous attendions depuis avec grande impatience des nouvelles de
vostre arrivée à Rome, et ne doubtions pas que vous n'y receussiez
toute sorte de favorable réception, de la part de Monseig' le card^'
Bal•berin^ que nous voyions avoir conceu une si bonne opinion de
vostre vertu et de vostre mérite. Mais à présent que nous en avons
esté asseurez par lettres de Mess" du Puy ', qui nous ont faict la faveur
' Au moment où s'ouvrait avec la pré-
sente lettre la correspondance de Peiresc et
de Holslenius , le premier avait 67 ans et le
second 3i ans.
' Francesco Barberini fut le protecteur
de Hoistenius , comme il fut le protecteur de
J.-J. Bouchard, de J.-M. Suarez, etc. Voir
les éloges que lui donne Hoistenius, dès son
arrivée h Borne, dans une lettre à Pierre Du-
puy (recueil Boissoiiade, p. 3i) : trBlandus
cardinalis noslri vultus, et vcrba suavissiniai
benevolenliae sesamo et papavere sparsa. . . 1
' Gassendi {De vita Peireskii, liv. IV,
p. 3o5) raconte ainsi (sous l'année i6a6)
le commencement des relations de son héros
avec Holslenius : (tNec reticendus Lucas
Hoistenius Hamburgensis, eruditorum ocel-
lus , qui est eliam non longe post in eandem
adscri[)tns famiiiam [la famille formée par
les amis de Peiresc], cum illius virtus Pu-
teanis commcndantibus innotuisset Peires-
kîo. ..1 Voir, de plus, le recueil Peiresc-
Dupuy, /MsjsiMi, mais surtout t. I, p. Sg,
6a, 263 (regret de n'avoir pu caresser
U6
LETTRES DE PEIRESG
[1627]
de nous mander ce qu'ils en avoient apprins par vos lettres et par
celles de Monsieur de Thou ', je n'ay pas voulu différer davantage de
m'en conjouyr avec vous, comme je faicts trez affectueusement, priant
Dieu que ce vous soit un pont et un escliellon pour passer dans un em-
ploy aussy digne que le requiert vostre érudition singulière, et tant
d'autres grandes parties qui sont en vous^. L'estroicte amitié qui est
entre vous et cez Mess" et l'honneur qu'ils me font de m'admettre au
nombre de leurs serviteurs, me donne la liberté d'en user si privement
en vostre endroict, et m'obligeoit de vous offrir de plus longue main
mon service trez humble comme je le faict à cette heure de tout mon
cœur. A quoy dez lors je n'eusse pas manqué sans l'espérance q[ue]
j'avois de le pouvoir faire icy de vive voix à vostre passage. Vous
agréerez, s'il vous plaict, ma bonne volonté et inclination toute portée
à vostre service, et quand vous m'honorerez de voz commandements,
vous me trouverez si disposé à vous servir et complaire en tout ce qui
pourra dépendre de moy que vous aurez subjet d'en faire estât comme,
Monsieur, de
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
DE Peibesc.
D'Aix, ce a sept. 1697, en haste\
Hoistenius à son passage en Provence), 970
(démarches auprès du cardinal F. Barberini
en faveur du nouvel arrivant), 359 (nou-
velles démarches), etc.
' François-Auguste de Thou voyageait
alors en Italie et se trouvait h Rome. Hoi-
stenius, dans la lettre plus haut citée, parie
ainsi à Dupuy (p. 3o) du bon accueil que
lui fit le fils du grand historien : ffRoiuam
ut veni, refecit me mirifice conspectus et
humanitas amplissimi doraini Thuani. . . n
' Les expressions du pont et de l'échelon
ne furent que de vaines figures de rhétorique.
Hoistenius obtint, il est vrai, plusieurs bé-
néfices, mais il ne put en jouir. Voir sm- les
circonstances qui l'empêchèrent de profiter
de la bonne volonté de son protecteur, une
note de M. Léon G. Pélissier {Les amis
d'Hoktenius, fascicule II, Rome, 1887,
p. 64). Hoistenius, dut se résigner à at-
tendre pendant plusieurs années un cano-
nical à Rome, la direction de la bibliothèque
Barberini, puis celle de la bibliothèque du
Vatican.
' Bibliothèque Barberini, à Rome, vol. 79 ,
pièce n° 9.
[16-27] À HOLSTENIIS. m
II
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
A mesure que je faisois fermer ma depesche de Rome on m'a ap-
porté présentement d'Avignon la lettre dont vous m'avez daigné hon-
norer du i. de ce moys', aux honnestetez de laquelle je ue sçaurois
correspondre par les effects du trez humble service que je vouldrois
bien vous rendre, non plus que par des remerciments condignes.
Oullre que la presse du passage de l'ordinaire ne me donne pas le
loisir de lisre attentivement tant de beaux compliments dont vous usez
en mon endroict. Il est vray que je n'ay pas laissé d'adjoustev un mot
de remerciment pour le regard, au bas de la lettre que je venois d'es-
crire à Ms'' le card"' Barberin, puisque vous ne trouvez pas mauvais
que je praigne part à voz obligations envers luy qui m'a souvent mandé
l'estime qu'il faict de vostre incomparable vertu dont je me conjouys
avec vous, priant Dieu que les effects de son affection vous soient aussy
utiles que les vous souhaictent voz medleurs amys, espérant que si
bien l'advis du cannonicat n'a pas reussy à ce coup, vous ne laisrez
pas d'avoir bien tost quelque chose de meilleur possible que cette
pièce là. Et qu'avant la réception de cette lettre, vous aurez eu loisir
de recouvrer plainement vostre première santé, je le vous souhaicte,
et à moy des moyens de vous tesmoigner que je suis de cœur et d'affec-
tion sincère,
Monsieur,
vostre trez humble serviteur,
DE Peiresc.
Quand vous me vouldrez faire l'iionneur de m'escrire, envoyez les-
' Nous ne possédons pas la lettre à laquelle répond ici Peiresc. — ' C'est-à-dire let lellres.
Peiresc a oubliti qu'il n'avait pas U-acë ces deux mots.
248 LETTRES DE PEIRESC [i627J
droict à la poste de Gènes, car le maistre de ladicte poste me les fera
tenir plus promtement, ou bien les envoyez à M' Aleandro '.
D'Aix, ce 39 oct. lôay^
III
MÊME ADRESSE-
Monsieur,
Ce mot sera pour me conjouyr avec vous de toute mon affection,
tant du nouveau canonicat que N. S. P. ' vous a voulu conférer à Co-
logne et de la façon obligeante dont il a usé en le faisant que j'estime
bien plus que le don mesmes*, que de la beauté et excellence de vos
beaux vers concernant les nopces de Dom Taddei ^, dont M?' le Car-
dinal m'a faict la faveur de m'envoyer vostre autographe, lequel j'ay leu
et releu beaucoup de foys avec Mons' nostre arcbevesque de cette ville*.
' Voir sur cet humaniste , outre ia publi-
cation de Fauris de Saiot-Vinccns , ddjà citée ,
]e recueil Peiresc-Dupuy (passim) et aussi
les Lettres à J.-J. Bouchard, dans notre
tome IV. Voir encore une mention d'Aleandro
(avec note de Boissonade) dans ia lettre de
Holstenius à Dupuy déjà citée, p. 3a. Voir
surtout le fascicule des Correspondants d'Hol-
stenius, par M. Léon-G. Pélissier : Aleandro
le jeune. Lettres inédites publiées avec une
introduction et des notes (Rome, 1888).
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
n° 3.
' Le pape Urbain VIII , qui n'avait rien à
refuser au protégé du cardinal neveu F. Bai^
berini.
* A rapprocher de ce vers si souvent cité
du grand Corneille :
La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne.
' bpithalamium Thadœi Barberini et Annœ .
Columnœ. Voir sur ce poème la note a de
la page ^78 du tome l du recueil Peiresc-
Dupuy (lettre du 8 janvier 1628). Cf. la
lettre de Holstenius du XI des calendes
d'octobre 1637. Dans une des notes de cette
lettre (p. 33), Boissonade rappelle que l'épi-
thalame composé par le docte humaniste
{Hendecasyllabi in nuptias T. Barberini et
A. Columnœ) parut à Rome en 1697. On
voit que le poète ne tarda pas à payer aux
Barberini sa dette de reconnaissance. 11 est
probable que le canonicat au sujet duquel
Peiresc félicite son correspondant fut la ré-
compense de l'épithalame.
° Alphonse-Louis du Plessis de Riche-
lieu , si souvent mentionné dans les quatre
premiers tomes de la corresjwndance de
Peiresc.
[1627] À HOLSTENIUS, W.)
M"' l'abbé de Foix qui l'est venu voir de la cour ' et tout ce que nous
avons de plus curieux dans noslre compagnie et dans la ville, où vous
avez esté admiré d'un chascun et prins pour un autre Barclay^ en
la doulceur et élégance de vostre style poétique, de quoy je suis gran-
dement plorieux et crois bien que Mess" du Puy ne le seront pas moings,
auxquels j'en ay fait part incontiiiant, priant Dieu qu'il vous comble
tousjours de plus en plus de ses saincles bénédictions et de toute sorte
de prosperitez et commoditez nécessaires tant pour vos belles estudes
que pour le reste de la vie humaine. Je ne doubte point que vous n'en
ayez beaucoup avec le temps Dieu aydant, mais vous n'en aurez jamais
aultant comme je vous en souhaite et comme je crois que vous en mé-
ritez. Au reste vous aurez bientost une prière de la part de Mess" du
Puy aux fins qu'il vous plaise donner quelque heure de vostre loisir
à conférer un ms. de l'Histoire de Procope du Vatican avec l'édition
d'Hœschelius, pour en faire imprimer les suppléments à Paris de l'ad-
veu de M^' le Gard[ina]l par forme de supplément ou appendice de
ladite édition de Hœsciielius'. Si mieux' vous n'aymez en faire l'édi-
tion dans Rome, afin que d'une façon ou d'autre le public ne soit pas
frustré d'une pièce de telle importance pour l'Histoire de cez siècles là.
Je m'asseure que vous vous y disposerez et j'ay esté bien aise de vous
en donner l'advis à l'advance à celle fin que vous ayez plus de loisir
d'y songer et de nous advertir de ce que vous désirerez que nous fas-
sions pour ce regard. Cependant je vous faicts une autre prière tant
de mon chef que de celuy desd. s" du Puy de vouloir regarder un vieil
exemplaire ms. du Concile de Chalcedoine* qui vous sera mis en main
par celuy à qui est adressée la lectre cy joincte, pour nous sçavoir
dire, s'il vous plaist, s'il y auroit rien de plus qu'en l'édition qui eu a
esté faicte à Rome depuis quelques années, et spécialement pour nous
' Sur N. de Lafoii , abbé de Foix , voir le des Histoires de Procope. voir le recueil
recueil Peiresc-Dupuy (t. !, passim). Peiresc-Dupuy (t. 1, p. àùo).
' Sur Jean Barclay, voir le même recueil * Voir dans le tome I du recueil Peiresc-
(I. \, passim). Dupuy divers ]>assages relatifs à ce sujet (de
' Sur David Hœschel el sur son (édition la page 181 à la page 377'!.
V. Su
250 LETTRES DE PEIRESC [1627]
donner vostre advis du temps que cet exemplaire peult avoir esté
esci'ipt. Si vous y trouvée chose qui meritast la collation entière poui*
en prendre les suppléments ou diverses leçons, je laisse à vostre disjK)-
sition d'y faire travaiUei- chez vous par quelque jeune homme de
lectres à qui je feray donner quelque recogrioissance de la main d*
M'' d'Aubery ', car je ne vouldrois pas vous avoir donné cette peine à
vous mesme, combien qu'elle vous pourra servir à autre chose puis que
j'entends que Ms'^ le Cai'd' Barberin faict faire grande recherche en
divers lieux de touts mss. de conciles grecs et latins, à quoy je tascheray
de le servir de mou |>ouvoir et crédit dont j'attends responce de divers
endroicts où j'en ay escript à mes amys. Excusez moy de tant de peine
et me commandez en revanche comme à celuy qui est et sera à jamais,
Monsieui',
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
DE Pe1R£SC.
D'Aix, ce 35 nov. 1627 '.
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
J'ay eu cez jours passez le bonheur de rencontrer un ancien MS.
grec, assez curieux pour mériter de n'estre pas supprimé, dont j'ay
creu vous debvoir donner advis. Il €sl fort gros en très beau vellin et
d'assez bonne marque, ayant afforce majuscules et tout plein de lettres
d'or, monstrant d'estre de six à sept ceiits ans. Et la relieure est bien
de 200 ans, en i'estat qu'elle est, avec quelques transpositions de
cahiers un peu importunes^. Ce sont des Eclogues ou extraicts tirez
' Sur Louis Aubery,in9crif>leur des bulles " Bibliollièque Barberini , vol. 79, pièce
apostoliques, voir les tiois (oiufls du même n° U.
recueil , passùn. Cf. Uolstenii epàtahe, ' Peiresc a décrit plusieurs lois daus sa
p. "J 7 . correspondance avec un joyeux enthousiasme
[Î627] À HOLSTENIUS. 251
de quattorze différants historiens grecs, sur le subject des actions ver-
tueuses ou vicieuses plus célèbres dans l'antiquité, à sçavoir de Josephe,
Georgius Monachus, Joannes Malela, Joannes Antiochenus, Diodorus
Siculus, Nicolaus Damascenus, Hérodote, Thucidide, Xenophon, Ar-
rianus, Dioiiysius Halicaniasseus, Polybe, Appian et Dion', dont il v
a beaucoup de fragments non imprimez jusques à présent, ou dcsquelz
se pourra je m'asseure tirer de très boinies corrections et restaurations
des lieux plus dépravez dans les éditions que nous en avons, connue
je l'ay desjà vérifié en plusieurs endroicts. Ce que j'y trouve de meilleur
est du Polybe d'où sont tirées de très bonnes pièces, dans les livres
(jue nous n'avons plus. J'estime bien aussy ce qui y est de la fin de
l'histoire romaine de Dionys[ius] Halycar[nasseus] des guerres de Pyr-
rus, jusques où Photius tesmoigne qu'il avoit continué d'oscrire bien
que nous n'en ayons rien d'imprimé au dessoubs du temps des loix
des XII. Tables. Nous y avons le commencement de celle d'Appian et
de son premier livre que ledict Photius dict estre de l'Histoire des Roys
de Rome, d'où il tire conjecture du surnom de Basilique, lequel se
trouve attribué à ladicte histoire dans ce MS. , voire continiié jusques
à la guerre illyrienne, qui est bien prez des derniers ouvrages dudicl
Appian que nous avons conservez jusques à présent, car des derniers
il n'y en a rien en ce volume. Et tousjours avons nous icy le texte
grec de quelques passages de cette guerre illyrienne dont nous n'avions
que la version latine. Ce que nous y avons aussy du commencement du
Dion Cassius, n'est pas à négliger, puis qu'il estoit totalement perdu
jusques à cette heure, et au lieu que de la fin il ne s'estoit imprimé que
l'épilorae de Xiphilen-, nous pomTons par ce MS. icy en restituer
\e maniiFcrit de Constantin Poiphyrogénète ' Jean Xipliilin , neveu du patriarche de
(voir surtout le recueil Peiresc-Dupuy Constantinopie portant le même nom et le
t. I, II et 111,/MwsiJrt), mais nulle part il ne même prénom (xi* siècle), a laissé un A brégë
l'a de'crit d'une fnçon aussi détaillée. de YHistoire romaine de Dion Cassius que
' Tous ces auteurs sont indiqués dans la Ion a joint h toutes les éditions de ce der-
Tabk alphabkique des noms de lieiu; et de mcv liislorien. VOir le Manuel du lihravc,
personnes mise J» la lin du tome 111 du re- aux articles Wo Cns.si'us et Ai/>Ai7iVu«.s(Jo«u.).
cueil Peiresc-Dupuy. On a dit par erreur que VAIn^éàe^ Xipliilin
.Ha.
252 LETTRES DE PEIRESC [1627]
plusieurs bons fragments du texte mesrne de l'autheur. Il y a par aprez
quelques cahiers tirez de l'histoire de ce Nie. Damascenus dont Au-
guste et Herode faisoient tant de cas, et dont nous avions bien peu de
chose allégué dans quelques aulheurs postérieurs. Et y a encores une
bonne pièce de ce qu'il avoil faict à part de la vie de Gesar. 11 y manque
quelques feuillets, entre lesquels est la fin de Diodorus Siculus que je
plains bien et le commencement dudict Nie. Damascenus, où je ne
double pas qu'il ne se fust trouvé de bonnes choses que nous n'avons
plus depuis de longues années. Il y manque aussy le commancement et
fin des Extraits d'Arrianus et le commancement de ceux de Dionysius
Halicarnasseus, mais je ne les plains guieres puis qu'on en a vraysem-
blablement d'ailleurs ce qui en pouvoit avoir esté extraict littéralement.
Il commence par les histoires sacrées, et puis prend celles qu'il appelle
catholiques desdicts Diodore et Nicolaus, et en suitte l'histoire grecque
d'Hérodote, Thucidide, Xenophon et Arrian, finissant par lesdicts
quattre écrivains grecs de l'histoire romaine. Des quattre premiers
nous avons le Josephe assez commun, mais des autres trois, bien que
assez modernes, je ne sçay pas qu'il y en ait i-ien d'imprimé. Le Geor-
gius Monachus commance à Abel et finit à Theoj)hile emp[ereur]. Le.
Joannes Malela m'estoil tout à iaicl incogneu, et prenant depuis les
géants vient jusques à l'empereur Anastase. Le Joannes Antiochenus
est allégué par vostre P. Gillius', et commance par Hercule, conti-
nuant seulement jusques à l'empereur Phocas. En somme j'espère qu'il
s'en tirera quelque chose de bon Dieu aydant, et vouldrois bien que
nous eussions le second volume compilé en mesme temps sur la mesme
matière, d'autres aulheurs difl'erents comme il est vraysemblable. Ge-
luy cy est cotté comme estant le premier en teste de la préface, au
a été traduit en latin par le cardinal d'Ar- ' Sur Pierre Gilles, qui lui aussi fut atta-
magnac (Paris, Robert Estienne, i55i, ché à la maison du cardinal d'Armagnac,
in-4°); le titre même indique que l'auteur voir pnssim les trois tomes du recueil Pei-
de la traduction est Guillaume Blanc, un resc-Dupuy, mais surtout le tome I, p. 187.
des secrétaires du cardinal : cum lalina in- Cf. deux notes de Boissonade dans son Hol-
terpretatione Guil. Blnnci. stenius (p. 64 et p. 72).
[1627] À HOLSTENIUS. 253
bout de laquelle on renvoyé le lecteur à un second volume. Mais il
seroit bien plus à désirer de recouvrer touts les autres volumes com-
pilez en niesme temps, sur les aultres matières, soubs lesquelles l'em-
pereur Constantin Porphyrogencte avoit voulu rcstraindre quasi toute
sorte de livres principalement d'histoire. Dont le volume des Eclogues
des Légations en faisoit une partie. Car ils sont si asseurement faicts
en mesme temps l'un et l'autre que la mesme préface que D. Hœsche-
lius a imprimée en teste desdictes Eclogues des Légations est insérée
de mot à mot en teste de ce volume icy, sans différence quelconque si
ce n'est en ce qu'au lieu du tiltre qui est énoncé en celle là [IIEPi
nPESBEIÎÎN etc.] icy est subrogé le titre de cette compilation icy
[nEPi ÀPETHS KAÎ KAKÎA^;], et au lieu qu'en celle là est cotté que
le tiltre IlEPi IlPESBEIilN est le x-wn"""^ entre les cinquante trois, soubs
lesquels le prince avoit voulu distinguer toutes ses matières, en celle ci
est faicte mention que le tiltre OEPl ÀPEÏHS KAI KAKIA2 estoit le
cinquantiesnie; pour tout le reste ce sont les mesmcs mots et les
mesmes syllabes, si ce n'est pour le rooUe des autheurs qui est mis
en suitte de ladicte préface, qui est relatif respectivement aux autheurs
d'ofi sont tirées tant les unes que les autres desdictz Eclogues ou Col-
lections. Je dressay à la pi-emiere veue de ce MS. un petit mémoire
que j'ay envoyé à M"" du Puy, des noms des autheurs et des œuvres
cottées en divers endroicts du volume, pour pouvoir prendre un peu de
jugement du contenu. J'en fis retenir une coppie par mon homme
avant qu'envoyer ma minute, telle qu'il la sçeut transcrire à la haste;
je vous l'envoyé et vous excuserez l'escrivain. Mais je vous envoyé aussy
quelques articles de chascun desdicts autheurs à part, sur lesquels
vous pourrez prendre de meilleurs fondements et recognoistre que le
compilateur ou le copiste n'a pas esté soigneux de cotter lousjours les
livres d'où sont tirez ces extraicts. Et de faict il paroit bien que plu-
sieurs desdites cottes ont esté adjoutées postérieurement, aprez la tran-
scription du texte, possible en intention de les faire en rubrique ou
lettre d'or, ce qui a depuis esté suppléé comme on a peu par succes-
sion de temps, et à bastons rompus comme il est advenu en plusieurs
254 LETTRES DE PEIRESC [t(J27}
anciens MSS. et comme on pracliquoit eucores aux premiers cssays
d'imprimerie, où l'on laissoit du blanc aux lettres capitales des libvres
et cliapitres, pour les remplir de cadeaux et eidunnneures. Or entre
les d[ites] cottes j'y en ay trouvé une douzaine qui renvoyent à d'autres
matiei-es comprinses en autres volumes que j'estime eslre de celles
dont a esté composé le susdit nombre de LUI. différentes sections,
de cez grandes compilations ordonnées par ledict Constantin empe-
reur et vraysemblableraent achevées puisque l'on estoit desjà parvenu
à la cinquantiesme en travaillant à celle cy. Hœschelius dict qu'il en
estoit pareillement cotté quelques unes au marge de son MS. des Léga-
tions, de sorte qu'entre les unes et les autres il s'en peult bien suppléer
une vingtaine. Je crois qu'il ne seroit pas inutile de les sçavoir toutes
LUI. parce que nous avons possible en divere lieux plusieui*s volumes
soubs lesdicts tiltres qui en dépendent, et qui ne sont pas tant prisez
de nous, à faulte que les noms des autlieurs d'oi!l sont tirées les pièces
particulières n'y sont pas tousjours cottez. J'eusse désiré d'apprendre
le nom de ce compilateur ou autheur de préface que ledict Hœsche-
lius nomme Theodose, et Fulvius Orsinus' Joannes Constantinopoli-
tanus, sans toutesfoys loser soubstenir trop affirmativement. Mais il •
semble qu'il ayt affecté de cacher et supprimer son nom, pour n'y
laisser paroistre que le nom de ce prince, pour l'en faire demeurer
l'autheur, ou authoriseur, comme Theodose et Justinian de leurs Codes.
Et comme aulcuns ont estimé qu'eust voulu faire l'ayeul de ce prince
icy des Basiliques, bien que Léon son successeur les eust achevées
et publiées, et que ce Constantin les eust remises en meilleure forme,
tant est que cette compilation que nous avons des autheurs geopo-
niques, qui court soubs le nom de ce mesme prince, monstre bien la
vanité qu'il se donnoit de pareilles entreprinses. Et s'il se peult par
les termes de la préface y contenue (pareillement sans expression du
nom de l'autheur), on peult conjecturer que la première pensée de ce
prince fut de restaurer la philosophie, et la Rethorique, d'où viennent
' Sur Fulvio Oi-sitii voir passiin les deux premiers tomes du recueil des Lettres de Peiresc
mur frères Dupin/.
[16-27] À HOLSTENIUS. 255
possible lesdictz assemblages d'anciens orateurs et scholiastes d'Aris-
tote, qui sont parvenus jusques à ces derniers siècles. Et qu'ayant prins
goust à cez occupations (comme il estoit en grand loisir et oysiveté,
pendant l'administra lion de Homanus Lecapcnus, qui ne laissoit quasi
que le nom d'empereur durant longues années) et s'entretenant parmy
ces livres et les gens d'estude, il voulut restaurer aussy la politique,
ainsin que raconte l'autheur de ladicte préface, et la diviser en trois
classes, de la milice, du sacerdoce, et de l'agriculture, ce qui coraprent
les trois ordres, dont il donne la préférence à la milice possible à cause
que la royaulté et souveraineté faict portion d'icelle. Or cette pièce de
l'agriculture est composée de paroles de divers autheurs qui y sont bien
souvent alléguez, et souvent obmis, possible, par deffault des co])pistes.
et possible aussy, pour n'estre réitérez quand ils dependoient de l'au-
theur mentionné au precedant chappitre, sans que le compilateur y
ayt adjousté possible que les seuls tiltres. Et Janus Cornarius' qui en
a faict la traduction dict que son MS. grec n'avoit aulcun nom d'au-
tlieur ni aulcun tiltre gênerai, et que c'est luy qui l'a donné à l'emp.
Constantin (bien qu'il prenne l'un pour l'autre) pour s'accommoder à
l'intention de l'autheur de ladicte préface. Cez trois pièces qui ont esté
imprimées soubs le nom de ce prince par Meursius, Vulcanius et Mo-
rel '\ concernant l'administration de l'empire et le desparleinent des pro-
vinces tant de l'Oriant que de l'Occidant, pourroient bien estre plus
vraysemblablement de la façon d'un empereur, attendu que le prince
y parle directement en propre persone en la préface et au commen-
cement du texte, s'adressant à son lilz pour ledict livre de l'administra-
tion de l'empire. Mais j'y ay trouvé des endroicts, où l'autheur semble
parler dudict empereur en tierce persone, desduisant ses alliances et de
son filz. Ce qui me faict craindre que l'autheur, pour flatter ce prince,
ait depuis adjousté en teste cez paroles d'adresse au filz au nom du
père, pour donner plus de crédit à l'ouvrage, sans se ressouvenir de
' Sur le mëdecin alleinaïul J. Cornarius, ' Sur les trois (*rudits P. Meui-sius,
traducteur des Géoponiques (Bâle, t538), B. Vulcauius et F. Morel, voir le recueil Pei-
voir le recueil Peiresc-Dupuy (t. I, p. iig). resc-Dupuy (t. I, p. Miç)).
256 LETTRES DE PEIRESC [1627]
corriger les autres endroicts du livre oiî il en parloit en autres termes.
Quant aux autres deux livres de Thematibus, il n'y a poinct d'adresse
particulière, comme au précédant, cequisembloit exclurre aussy facile-
ment ce prince de cette prétention d'en estre l'autheur, comme des
autres compilations, mais j'y ay neantmoings trouvé quelque endroict,
où il parle des actions de son père, qui pourroit bien me faire con-
descendre à luy laisser cette gloire qu'il a tant affectée, bien que ces
petits mots puissent facilement avoir esté accommodez à sa personne,
depuis qu'il en peult avoir faict l'adveu. Et quoyque ce puisse estre, ce
sont toujours des appartenances de la Milice qu'il avoit voulu renou-
veller et restaurer, aussy bien que l'agriculture. Voire oserois je soubs-
tenir que ces assemblages dautheurs Tactiques, qui se trouvent en
diverses bibliotbèques, et dont aulcuns ont esté imprimez peu à peu,
viennent de luy, et ce qui m'y confirme davantage, est l'affectation qui
y paroit d'y avoir inséré ce qui est soubs le nom de son père Léon et
soubs le sien propre. Et le tiltre des stratagèmes de guerre, soubs lequel
s'estoit pareillement faict des recueils tirez dez bistoriens comme il se
collige des renvoys' mis aux marges des Eclogues [tant des Légations
que de la Vertu et du Vice] n'a rien d'incompatible à tout cela, ains .
en ayde bien la conjecture jointe à ce que dict l'autbeur de la préface
des Geoponiques, qu'il avoit voulu restaurer et renouveller non seule-
ment la philosophie et la rethorique, mais aussy toutes les autres
Sciences et arts liberaulx. Et de faict on void par une autre compila-
lion ou epitome des Aliments, dont le MS. grec est conservé en la
Bibliothèque de S' Sauveur de Bologne, qu'il est pareillement attribué
au mesme Constantin. Ce qui monstre que sa curiosité estoit passée
jusques à la médecine, et possible aussy que les assemblages d'anciens
autheurs grecs de la médecine ont esté pareillement faicls de son au-
thorité, et par mesme moyen les autres semblables recueils des autheurs
de la musique, et autres sciences ou arts liberaulx, dont j'ay autreffois
veu divers volumes en la bibliothèque du s' Gio. Vincenzo Pinello ', et
Sur le grand tiibliopliile Jean-Vincent Pinelli , voir tes trois tomes du même recueil ,
passim.
[1627] À HOLSTENIUS. 257
autres. Que si je les revoyois à présent, possibley descouvrirois je d'autres
vestiges, ou adminicules cappables de confirmer davantage cette mienne
conjecture, aussytost que de la destruire. Car je ne songois pas lors à
prendre garde à cela. C'est pourquoy je vous prie d'y songer dez hors
mais quand vous en rencontrerez soit dans le Vatican, ou chez le car-
d[in]''' Colonne', ou à Florence et Venize quand vous y pourrez aller.
Et qui plus est, je pense qu'il seroit fort à propos de bien examiner dans
lesdictes bibliothèques touts les recueils de diverses pièces de mesme
matière, et de lieux communs, principalement s'il y en a soubs les
tiltres jà descouverts dudit nombre de LUI. ou autres qui y peuvent
cadrer. Car si tels recueils se trouvent composez comme ceux des Lé-
gations, et de la Vertu, des seules paroles des anciens autheurs, leur
crédit en seroit bien plus grand , et l'utilité qui s'en pourroit retirer,
par la restauration des œuvres de tant de grands personnages, dont il
vault encores mieux avoir des simples fragments et parcelles que do
n'en avoir rien. Je n'ay poinct encores veu avec ce dessein les Eclogues
qui se trouvent de S. Maximus-, soubs divers tiltres, fort approchants
de ceux qu'avoit choisy cet empereur, et mesme il y en a soubs le mesme
tdtre de Virtute et Vitio, dont vous pourriez bien vous esclaircir aux
MSS. qui en sont conservez dans le Vatican, comme j'ay autreffoys veu
sur un vieil roolle de cette Bibliothèque faict du temps de pp. Clé-
ment VII (nura" 627 de la II""" planche et 1682 de la V""^ planche).
Non que je ne croye bien que ce Maximus est plus ancien que cet em-
pereur, mais ses ouvrages pouvoient bien avoir servy de modèle, et
estre depuis employez, parmy les autres compilations faictes de l'autho-
rité de ce prince. On pourroit par mesme moyen voyr si c'est la mesme
chose qu'aulcuns attribuent à Maximus Planudes, ou si ce sont choses
différentes, et si les recueils de Planudes pourroient estre tirez de ceux
de ce Constantin. Et puis que vous y serez, je suis bien d'advis que vous
voyez aussy une apologie soubs le nom de ce mesme Porphyrogenete,
' Sur le cardinal Jérôme Colonna, voirie Planudes Maximus, selon une conjecture
recueil Peiresc-Dupuy, t. 1, p. 616. de Peiresc que l'on va trouver quelques
' Peut-être le moine grec du xiv" siècle , lignes plus loin.
T. .SS
258 LETTRES DE PEIRESC [1627]
consenrée au Vatican en la seconde planche num" 677. selon le susdict
catalogue, pour voir s'il y auroit rien qui toucliast ses œuvres, ou ce
qu'il auroit ordonné en matière de livres.
Il est meshuy temps que je finisse mes importunitez, et que je vous
prie d'excuser cette mienne proiixté (sic), avec prière de vouloir faire
part à Dom du Puy, à M' Aleandro et à M' Suarez ■ de ce que je vous
envoyé, tiré de ce MS. afin d'en avoir leur sentiment, et si vous jugez
(|ue Monseig' le Gard"' n'eust pas désagréable d'en ouyr parler je laisse
à vostre discrétion de l'en entretenir selon la commodité que vous en
trouverez, et que vous le conseilleront lesd. s" Aleandre (sic) et Sua-
rez. Sur quoy je demeureray,
Monsieur,
Tostre trez humble et affectionné serviteur,
DE Peibesc.
D'Aix, ce 3o dec. 1697, avanl veille de l'an nouveau que je vous souhaicte plu»
heureux que touls les précédants '.
J'oubliois de vwis dire que ce volume MS. est si gros et si espois,
qu'il s'en peult tirer conjecture qu'il n'y manque pas grand nombre de
feuillets, attendu que la grosseur eust esté quasi incompatible. Il faull
que je pragne le loisir de le faire descoudre par mon relieur en ma
présence, pour tascher de remestre en leur place les cahiers transpo-
sez et lors nous jugerons mieux de la perte qui se peult estre faicte.
Je vous souhaicterois bien prez de moy durant cette besoigne, comme
plus versé à recognoistre la diversité du style de tous cez autheurs, car
il n'y a point de reclame.
' Dom Ghrislqjhe Dupuy et Josepb-Ma- sur le premier (p. 3o) el sur le second
rie Suarez sont plus de cent fois eite's dans (p. 126).
nos quatre premiers volumes. Je n'ajoute " Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
ici que In mention des notes de Boissouade n° 5.
[1627]
À HOLSTENIUS.
259
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
J'av receu la vostre du 26 du passé ensemble un exemplaire de voz
beaux vers S qui m'ont fourni un nouveau subject de Irez grand con-
tentement, à relire une si excellente pièce, laquelle avoit acquis une
nouvelle grâce, par l'advantage que les caractères d'imprimerie ont sur
les copies MSS'" et par le supplément de vœux que vous y aviez ad-
jousté avec tant de bienséance. Ils ont esté fort estimez et admirez de
tout ce que nous avons de genlz doctes en ce pais icy, comm' en elTect
il ne se peult rien voir de plus noble ne de plus gentil en cette sorte
d'ouvrages. Et ne fault poinct que vous ayez aulcun regret que j'aye
veu vostre premier autographe, quelque altération que vous y ayez
depuis voulu taire par modestie ou pour autres respects quelquonques,
car je repute à bonne fortune moy d'avoir eu ce bien et en ay estimé
de tant plus un si digne fruict de vostre vertu et de vostre génie , dans
son originaire vigueur et dans sa grâce primitive. C'est pourquoy je
vous en rends mes trez humbles remerciments redoublez oultre ceux
que j'en fis dernièrement à Monseigneur le Gard"' à qui j'en ay eu la
première obligation. Nous avons icy un jeune homme nommé Remy^
dont le P. Vassan Dom Jean de S' Pol* m'avoit autrefoys faict grand
cas, lequel a faict un petit poème sur le mesme subject, en tesmoi-
gnage de la vénération qu'il porte au nom de Barberin\ Mais l'impri-
' Hendecasyllabi in nuptias Th. Barberini
et An. Columnœ.
' Voir sur Abraham Ravaud, dit Rémi
ou Reiny, qui ëtail alors chai^d h Aix de
réducation des enfants du premier prési-
dent d'Oppède, le recueil Peiresc-Dupuy,
t. I et II, pnssim. Le futur professeur nu
collège royal e'tuit Lien un jeune homme, car,
ni^ au mois de mars 1600, il n'avait alors
que vingt-six ans. Cf. une note de Bois-
sonade (p. hj).
' Voir sur le P. Jean de Vassan irnssim
les trois tomes du recueil Peiresc-Dupuy.
Cf. une note de Boissonade (p. io4).
' EpiOwlamimn Thadœi Barbei-iniet Aimœ
Columnœ. Voir sur ce poème la note a de lu
page li']8 du tome I du recueil Peiresc-Du-
puy (lettre du 8 janvier 1698). Cf. la lettre
;}3.
260 LETTRES DE PEIRESC [1627]
ineur ne luy ayant pas tenu parole, je ne crois pas qu'il puisse estre
achevé de tirer de la presse à temps, pour en envoyer par cet ordi-
naire. Il fauldra attendre le prochain. 11 admire infiniment vostre gé-
nie et vostre félicité en voz vers, et en l'expression accomplie de si
nobles conceptions et pensées comme sont les vostres, et trouve bien
des gens de son advis. Au surplus je ne puis que louer vostre soing à
restaurer le Porphyre, mais je ne pense pas- que vous puissiez persua-
der ces Mess" du S' Office de par de là d'en souffrir l'édition de là les
monts \ si ce n'estoit à Venize; encores y auroit il bien de la difficulté
à mon advis, ce qui me faict plaindre un peu. la peine et le temps que
vous y employez présentement, de crainte qu'il ne retarde de tant plus
l'edilion de voz Homélies \ laquelle ne peult estre que très bien receiie
généralement partout. Et encores celle de voz géographes que j'eslime-
rois beaucoup plus que tout le reste, principalement si vous la pouvez
orner des carthes nécessaires, sans les(|uelles il manqueroit à cet ou-
vrage ce qui y peult estre de plus agréable et de plus utile, pour con-
server la mémoire locale de ce qui se trouvera de plus digne en chasque
autheur. J'avois autres foys voulu disposer le bon homme Bertius'
d'entreprendre quelques carthes de l'antiquité, différentes selon la di-.
versité des sentiments de ceux qui ont descript le monde ou (juelque
porcion d'iceluy. Entr'autres une ou plusieurs selon la doctrine et les
suppositions de Pline, et ainsin des autres anciens aulheurs, soit pour
Strabon, Solin, Mêla, Pausanias, Stephanus, Arrianus (principale-
(le Holslenius à Peiresc du à février i6a8, sum in Porphyrio adornando, si per scru-
où (p. 47) il juge ainsi son concurrent: pulosam leligionera eorum quibus libroruin
tDu. Renimii elegautissinuim ingenium sa- examen hic commissum est, in lucem pro-
lis mirari etexosculari neque»; plaçait mihi ferre liceal.fl
inprimis facilitas carminis et nativa eie- ' Holslenius (p. 34) avait entretenu Pei-
gantia.i Voir (p. tij-li8) nne note de resc de cent homélies des pères grecs tquas
Boissouade sur Je poète Hemi oîi sont cites ingenti labore ex bibliothecarum latebris
Adrien Baillet, Ménage, l'abbé de Ma- erui».
roUes, l'abbé Goujet, Fauris de Saint-Vin- ' Sur le géograplic Pinre Berlius, voit-
cens, etc. diverses mentions dans les deux premiers
Holstenins avait dit (lettre du xr des tomes du recueil Peiresc-Dupuy. Cf. Bois-
calendes d'octobre, p. 33) : rrJam totus sonode (noie -2, p. aSi ).
[1627] À HOLSTENIUS. -261
ment pour sa mer rouge et son expédition d'Alexandre), soit pour cez
autres petits géographes grecs qui estoient dans la bibliothèque du
roy, en conservant iousjours tant que faire se pourroit la vraye figure
des terres, et rivières, et y acconiinodant seulement les noms anciens.
11 avoit desjà commancé par la carthe de ce géographe Arabe nubien,
qui luy estoit fort bien réussie, et s'amusa depuis à la traduction des
œuvres du card*' Du Perron qui interrompit ce bon dessein, auquel il
n'a jamais eu moyen depuis de se remettre, à mon grand regret'. Mais
si vous vous y pouviez resouldre vous niesmes, ce seroit bien autre
chose que tout ce qui peult venir de sa main. L'une des choses qui luy
fiicilitoient son entreprinse, estoit qu'il a fort à commandement le
crayon, ou le dessein de porlraicteure tel qui peult estre i-equis pour
la géographie. Je ne sçay si vous n'y avez poiuct prins quelque habi-
tude aussy, qui seroit un grand advancenient, mais quand cela ne se-
roit pas, tousjours y pouvez vous mieux réussir que tout autre quand
vous ne feriez qu'ordonner à un peindre. Si vous me faictes la faveur
de m'envoyer le roolle des autheurs que vous entendez comprendre en
vostre compilation, vous m'obligerez sans doubte beaucoup plus que
s'il nous fault attendre l'édition qui peult Irainer si long Iraict. Mais je
ne vouldrois pas que vous y trouvassiez de rincommodité. Quant au
Dionysius Byzantins-, je ne m'cstonne poinct que vous en laciez si
grand cas comme vous faictes, estant tel qu'on le peult juger par les
parcelles dont s'est servi P. Gillius *. Ce seroit grand dommage s'il
estoit perdu. Je feray de bon cœur tout ce qui me sera possible, pour
taschcr de le vous faire avoir s'il est en main de persone tant soit peu
traictable. J'en ay desjà escript en beaucoup de divere endroicts, et
je n'en ay rien peu apprendre sur quoy il se puisse prendre aulcun
' Les œuvres du cardinal Jac(|ues Dovy dance diplomatique (/es /Iwiff'i.We.s) du re-
DupciToii, morl le 5 8e])tembre i6i8, présentant du roi Henri IV à Rome,
lurent puhliéos en ifiaa pur sou neveu '' Sur legi'ojfrapl.eDenysde Byz.mce, voir
Jacques Duperron, (Hèipic d'Angoulênie, le recueil Poiresc-Dupuy (l. I, Il el 111.
(|ui l'ut >iii correspondant d,? Peii'esc. Los /wssj'hi.). Cf. Boissonadc, |). 3(), 46, 71, elc
trois volumes in-l'ol. coniproniienl des trait('s ^ Hol&tenius (p. 35) l'appelle wvir iu
(le Ihi'ologie, des poésies et la correspon- ounii dôctrinas geneiV' versiitissimus'!.
262 LETTRES DE PKIRESC [1627]
fondement certain. Seulement ay je sceu que le s' Bernardin de Cor-
neiilan , à présent evesque de Rhodez ', neveu de feu François de Corneil-
lan son prédécesseur immédiat- et de feu Jacques de Gorneillan^ (à
qui le card"' d'Armagnac avoit remis ladicle evesclic de Rhodez dez
l'an i56oS peu avant que ledict card"' obtint l'archevesché de Thou-
louse), est homme aulcunement curieux, et qui a de bons livres,
mesmes des Grecs MSS. et imprimez, et qu'il conserve la mémoire
dudict card"' d'Armagnac comme du bienfacteur et restaurateur de sa
maison, et tient on que les mess" de Gorneillan estoient les plus
j)roches parents, et successeui-s légitimes dudit seigneur card*', et que
leurs livres en soient venus. Si cela est, nous serons bientost esclaircis
du livre que vous desirez si ardemment, vous pouvant asseurer que je
n'y espargneray rien de tout le credict de mes amys et du mien, et
que je ne laisray pas d'ailleurs d'en faire faire exacte recherche par-
tout où je pourray m'imaginer qu'il y ait rien de pareil. Vous remer-
ciant par un million de foys de l'advis qu'il vous a pieu me donner
concernant ce Pisan qui a descript les ports de mer de la coste de l'Eu-
rope si exactement comme vous dictes depuis U ou 5oo ans^, le quel
je verray trez volontiers s'il est possible, et essayeray s'il y aura moyen
de luy faire passer la mer, comme je fis autres foys, de la Genèse MSS.
du s' Robert Gotton ^ en faveur du P. Fronton \ Mais cette nouvelle
' Ce prélat sidgea de 161 4 à i636. Voir
.sur Bernardin de Gorneillian le recueil Pei-
resc-Dupuy, t. II, p. 497, et t. III, p. aSy,
608.
* François de Gorneillian occupa le siège
de Rodez de i.58a à 161 4. Voir le recueil
Peiresc-Dupuy (t. II, p. 4a 7).
^ Jacques de Gorneillian fut évêtjue de
Hodez jusqu'au 3o août i58a.
' Voir sur rilluslre cardinal Georges
d'Armagnac le recueil Peiresc-Dupuy (t. II,
p. 4a 7, et t. lll,]iassiin.). Gf. le recueil de
Boissonade où est citée (p. 35) une note de
Fanris de Saial-Viiiceus ainsi très poliment
désigné : Vir ampliss. Faurisius. On sait que
G. d'Armagnac avait été nommé évêque de
Rodez en iSag, à l'âge de vingt-huit ans.
' Voir sur ce Pisan la page 36 du recueil
de Boissonade , tant pour le texte que pour
la note.
'' Sur l'antiquaire Robert Gotton, voir le
recueil Peiresc-Dupuy. Gf. la page qui vient
d'être citée du recueil de Boissonade.
' Sur le savant jésuite boiiielais Du Duc
(Fronton) voir le recueil Peiresc-Dupuy.
Gf. une noie de Boissonade (p. 37) qui cite
sur l'hellénisle la Vie de Peiresc par Gas-
sendi et les Mémoires (le l'abbé de Marolles.
|1G27] A HOLSTENIUS. 263
rupture de guerre m'oste l'espérance d'en pouvoir venir à bout aussy
tost comme je desirerois, et sera cause de la prière que je vous faicls
maintenant, de me vouloir envoyer quelque chose de ce que vous en
avez extraict, pour le moins la préface pour juger du nom et qualité
de l'autheur, et ce peu qui peult concerner nostre carte de France, et
tout ce qui passoit autres foys soubs le nom de Mare Piioccium (sic) '
à cause des Marseillois, depuis les bords de l'Italie jusques à ceux
d'Hespagne. Je regrette l'importunité que ce vous sera, mais si vous
l'avez agréable. M'' Aubery vous fournira de coppiste et je vous en de-
meureray à jamais redevable, avec la qualité,
Monsieur, de
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 3a dec(emhi'&] 1637'.
J'ay autres foys communiqué à Mess" du Puy et Rigault une epislre
que j'ay de Petrus Gilïius escritte d'Alep IIll. non. Apvril. 16^9. à un
de ses amys du conseil privé du Roy, qui estoit, à mon ad vis, Mathieu
de Longue-Joue evesque de Soissons lequel eust deux foys la charge
de garde des seaux de France' et [estoit] amy particulier du card'' d'Ar-
magnac. Je n'ay poinct sceu si cette lettre a jamais esté imprimée * ne
' Est-ce par inadvertanoe qae Peiresc a
ainïi nommé la mer phocdenne?
' Bibliothèque Barbeiini , vol. 79, pièceô.
On remarquera sans doute que la date de
cette lettre est la même que celle de la pré-
cédente. Peiresc aurait-il écrit deux aussi
longues lettres le môme jour? M'y aurait-il
pas une modification à introduire dans le
chiffre de la date de la présente lettre ? La
conjecture serait d'autant plus acceptable
que le premier chiffre est surchargé et que ,
par coiisé<juenl , la lecture est quelque peu
incertaine. Eu tout cas les deux lettres ap-
partiennent au mois dedéceml>re 1637.
' Mathieu de LoDguejoue fut évoque de
Soissons de février 1 5 34 à septembre 1 S57.
Il appartenait à une vieille famille parisienne
d'oîi sont sortis divers pereonnages distin-
gués. H fut garde des sceaux en i538 et,
de nouveau, en i5/i4.
' Celte curieuse lettre autobiographique
a été publiée dans le tome II (p. a33 ) du re-
cueil de P. Burmann (Sylloff. Epistolarum a
l'iris illustriliiis scriptaritm , Loyde, 1727,
in-4'). Sur Pierre Gilles considéré comme
voyageur en Orient, on peut consulter le
Voyage de Gabriel de Liiets, scignenr d'Arti-
mon, à Comtanlinopk, en Perse, en HgypU
264 LETTRES DE PEIRESC [1627]
si cez Mess" en ont retenu de coppie, auquel cas je crois bien que vous
la pourrez avoir veiie. Mais de peur qu'elle ne vous fust eschappée,
voyant comme vous estimez tout ce qui est parly de la main dudici
Gillius, j'ay estimé vous en debvoir, à tout hazard, envoyer une coppie,
à cause des particularitez qui y sont exprimées de sa pérégrination
avec l'armée de Sultan Solyman ' depuis Constantinoble jusques à
Tauris% durant laquelle il observoit curieusement les lieux plus no-
tables et plus célèbres entre les Anciens, et y appliquoit leurs au-
tboritez plus convenables. A quoy je crois bien que vous prendrez
plaisir.
Depuis avoir escript j'ay eu responce de divers endroicts d'Avignon
touchant les livres du card"' d'Armagnac, et une mauvaise nouvelle
en ce que le notaire qui a faict l'inventaire de ses meubles aprez sa
mort a dict n'avoir poinct ouy parler qu'il eust des livres, tant s'en
fault qu'il eusse de Bibliothèque formée dont il eusse peu disposer
par légat en faveur d'aulcune eglize ou d'aulcun sien parent ou do-
mestique. On cherchera curieusement ledit inventaire. Cependant
l'on me mande que l'on croid que son aumosnier nommé Jean de
Conques, archidiacre de Rhodez, à qui appartenoient ses rituels par-
droict de sa charge, aprez la mort du maistre, se saisit de tout ce
peu de livres qu'il y pouvoit avoir d'ailleurs, et l'emporta quant et
luy à Rodez, où il est mort. Et qu'il avoit un frère observantin de la
grande manche, nommé Père Gabriel de Conques, lequel en pourra
donner des nouvelles. Dont je m'enquerray icy de noz pères obser-
vantins, et vous pourrez vous en enquérir aussy là où vous estes, où
sont les correspondances de touts les pais. Cependant je feray escrire
à Rhodez par M"^ nostre Archevesque, frère du card"' de Richelieu,
el en Palestine, rédigé par Jean Cliesneau, rant, le Magnifique, etc., naquit en ligi,
publii; dans le tome I des Pièces fugitives succéda eu iSao à sonpère Sëlim T'etniou-
du marquis d'Auhais (1769, in-4°) et pu- rat en 1 566 , après un règne aussi long que
blié, de nouveau, en un volume spécial, de brillant.
nos jours , par M. Sclieler, membre de l'In- ' Tauris est une des plus importantes
stitut (Paris, librairie E. Leroux , gr. in-S"). villes de la Perse et le chef-lieu de l'Ader-
^ Soliman II, dit le Grand, le Conque- baïdjan.
[1628] À HOLSTENIUS. 265
lant à l'Ëvcsque de Rhodez que, autres plus apparents de la ville pour
taischer de voir si ledict evcsque on autre? (ici une ligne complèle-
iiifut couverte par la reliure ) que vous desirez et mesmes pour
visiter exactement les livres grecs qu'on dict estre ez mains dudict
evesque pour voir si celuy là y seroit ou quelqu'un des autres que
pou voit avoir apportez le dict Petr. Gillins, ou quelques papiers et in-
structions de sa main, espérant que s'il y a rien il liendia fort si nous
no l'arrachons.
VI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
J'adjousteray ce mot à mes précédentes qui ont attendu une semaine
entière le passage du messager ordinaire d'Avignon tant pour accom-
pagner les vers cy joincts de M' Remy qui vous honore infiniment et
vous supplie d'excuser la hardiesse d'un jeune homme de faire ce petit
essay à vostre exemple, que pour vous dire que depuis mes dernières
j'ay apprins que le feu s"" de Grimaldy, successetir du cardinal d'Ar-
magnac en l'archevesché d'Avignon et vice légat après luy ', avoit acquis
tout ce qui s'esloit trouvé de meilleur en la despouille dudit cardinal
et qu'aprez sa mort le cardinal d'Aquaviva avoit pareillement mis la
main sur les despouilles dudit Grimaldy et envoyé à Rome tout ce qu'il
y avoit trouvé de plus beau, de sorte qu'il n'y aura poinct de mal que
vous vous informiez de l'abbate Aquaviva^ ou autres ses successeurs
lesquels dépendent absolument de Ms' le cardinal Barberini pour voir
si vostre Dionysius Byzantins ne seroit poinct parvenu jusques à eux,
et mesmes pourroit on faire escrire à Gènes aux successeurs du vice
' DomiiiiqueGrimaldisuccédaeni585au les recueils biographiques (ne en i56o,omf''
cardinaid'Annagnacel siégea jusqu'en iSga. do la pourpre en 1690, mort le i5 décembre
' Bien diffc'rent de son parent le cardinal 161a), l'abbé Aquaviva n'est menlinnni'
Aquaviva, dont le nom se trouve dans tous nulle part.
V. 34
tWrttaCKIE «ATlStllC.
•266 LETTRES DE PEIRESG [1628]
légat de Griiualdy voir si de leur part ils ne l'auroienl point. Cela
n'empeschera pas que je ne fasse toute sorte d'instance du costé de
Rhodez et vous asseure (jue je remueray de tous costez tout ce dont je
me pourray adviser pour vous procurer ce contentement', sur quoy
je finis estant, Monsieur,
vostre trez humble et trez aflectionné serviteur,
DE PEinESC.
D'Aix, ce 6 janvier i6q8 '.
VII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Ce mot sera pour accompagner la lesponce que j'ay desja eue de
Monsig"' Bagni' sur ce que je luy avois escrit de votre Dyonisius By-
' Peiresc , malgré toute sa bonne volonté
si pittoresfjucinent exprimée en ce passage,
ne réussit pas à retrouver le précieux ma-
nuscrit. Boi8sonade(p. 35) constate en ces
termes l'insuccès de toutes les recherches
faites alors et depuis : wCseleruni codex ille
Dionysii, cujus sœpicule mentio fit in se-
quentihus, quo terrarum angulo delilescat,
nemo hodie novil. n Le savant critique ren-
voie sur ce point à la Bibliotheca Grœca
(t. IV, p. 6ii). Holslenius,enraunée iG3^i,
exprimait ainsi à Peiresc son découragement
et sa reconnaissance (lettre CIII, p. ^71) :
fin Dionysio Byzantio investigando nae lu
iiimium iaboris insumpsisli , et doleo jiro-
fecto me tantum molestiae importune meo
desiderio tibi exhibuisse. Nunc frustra con-
sumpta opéra, penilus periisse hune aucto-
rem cxistinio : nam eam in perquirendo di-
ligentiam adhibuisti, ut,
si acum, rVedo, quœrercs,
Acuin invenisses, si apparerot ;
( Inquil servus ille comieus. )
Tarn din
Ilominem inter viras quacrilamiis oioriuiiin :
Nain iiivenisspinus jam diu, si viveret.
Idem ego de Dionysii noslri àrâ-rAùj dixe-
rim. Quo circa rogo ut pervestigare desinas,
el quod video periisse perdilum ducas. t —
tLc manuscrit vu par Pierre Gille, ou du
moins un manuscrit tout à fait semblable,
s'est retrouvé de nos jours dans les papiers
de Minas, est entré à la Bibliothèque na-
tionale et a été publié par M. K. VVescher :
Dionysii Byzantii de liospori Navigalione quœ
supersunl. Paris, 1874, gr. in- 8° de xxxiii
et i54 pages» (Communication de M. Léo-
pold Delisle.)
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
n' 6.
' Sur le cardinal Bagni, voir les quatre
1628]
A HOLSTKNIUS,
267
zantius pour me servir d'acte de mes diligences, attendant si nous
serions plus heureux de quelque aultre costé que de celuy là, en ayant
escrit et faict escripre Monsieur nostre Archevesque ' à l'Evesque de
Hodez, ([ui est le lieu sur lequel j'ay plus d'espérance qu'en tous les
aultres, encores que j'en aye escrit à beaucoup de personnes curieuses
de bons livres, mesmes à des Presidens du parlement de Thoulouse,
conformément à ce que vous desiriez; cependant, pour vous en faire
attendre plus patiemment la rcsolulion, je vous envoyé une version an-
riene d'un petit opuscule de géographie grecque, faict du temps de
l'empereur Constantius, que vous pouviez avoir veu cy devant, mais
je crois bien que vous n'aviez pas veu le texte grec que le s' Godefroy ^
a voulu essayer de suppléer tout de nouveau à force d'esprit, non plus
que les notes qu'il y a adjoustées que je trouve bien gentilles. Je voudrois
bien que sur ce que Petrus Gillius a tiré du Dionisius Byzantins vous
eussiez moyen de le restaurer de mesme que cela, au cas que son vray
texte ne se puisse recouvrer. Je crois que vous aurez bien tost passé
vostre fantaisie sur ce livret, et après vous le pourrez présenter à
Monseig' le cardinal Barberin, qui ne sera pas marry, je m'assure, de
j)icmiers tomes de la correspondance de
Peiresc, en commençant à la pajfe 1 18 du
tome I.
' liC futur cardinal de Lyon, Alphonse
du Plessis de Riclielieu. Voir le recueil Pei-
resc-Dupuy et aussi le tome IV (passim).
'' Sur Théodore Godcfroy, voir le recueil
Peiresc-Dupuy (à partir de la page (5 du
tome I). Je dois à une aimable comraunica-
lion de M. Henri Oniont le plaisir de pai'ler
de vinii du petit houquiii de son confrère en
hellénisme. En voici le litre complet : Vêtus
orbis descriptio, Graect scriploris , sub Con-
xlanlio ci Conslanlc Impp. Nnnc pvimum , jx1.1t
Mille TrecentoH ferme annos , édita mm dii-
plici versions et nolis lacobi Gotliofredi IC.
Genevaî, ex typographia Pétri Cliouët,
M. 1)0 x\ VIII , in-8° de 4 7 pages paur le texte ,
de 4g pages pour les notes, plus i4 pages
non numérotées pour les pièces liminaires,
YEpistola dedicatoria {Clarissimo et doctimino
viro Claudio Salmatio) et les Prolegomena , et
16 pages jwur l'index du texte et 5 pages
pour l'index des notes. Dès la première page
de l'épltre dédicaloire, (Jodefroy salue Pei-
resc et les travaux qu'il promellail : trCnjus-
modi etiani veleres notitias et consularia
al) amplissiino amieissinioque nobis Ni-
colao Fabricio Peirescio Senatore Aqiiensi
cxpectamus.'" Suivent de grands compli-
ments pour Saumaise , de la vieille et presque
fraleriielle amitié duquel il se glorifie (pn)
veleri , ac prope fralerna , inler nos amicitia)
et qu'il proclame l'arbitre et l'ornement des
lettres savantes (literaiiiD) arbiler, literamm
decus).
3&.
268 LETTRES DE PEIRESC [1628]
le parcourir, et je nioyeneray de vous en faire recouvrei' un auitre
exemplaire sur lequel vous puissiez escripre et barbouiller ce que vous
voudrez. Ce qu'attendant je finiray, demeurant tousjours
voslre trez humble et Irez all'ect'" serviteur,
DE l'EinESC.
D'Aix, ce 3 febv. i6a8 '.
Monsieur,
L'indisposition qui tient mon frère dans le lict l'a constraincl de clier-
cher une auitre main pour vous escripre, et j'ay esté bien aise que ç'ayt
esté de la niiene pour me ramentevoir à voz bonnes grâces.
Val.wez.
VIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Vostre lettre du U febvrier me fut apportée par le dernier oïdinaire
d'Avignon", et je viens de recevoir présentement par un extraordinairt'
l'aultre qu'il vous a pieu m'escrire encores huict jours apros contenant
le catalogue de voz géographes grecs ^ que je n'ay encores peu voir
que superficiellement et sans le pouvoir gouster et savourer comme il
fault, mais de ce peu que j'en ay leu en courant j'en suis demeuré
tout ravy en admiration, de la grandeur, exactesse et excellence de vos
labeurs. Il fauldra le prendre plus à loisir, et voir s'il y auroit moyen
de contribuer quelque chosette de celles qui vous y peuvent duire,
tandis que nous agirons au dehors, pour la recherche de quelqu'une
des pièces que vous desirez. J'avois souvent parlé à M^"' le card"' Bai-
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce ' Voir même recueil (p. 01-82), 11" X.
Il* i4. Original. Le catalogue est divisé en trois parties, lu
Cette ieltre du h février est im[)rimëe première comprenant vingt paragraphes, la
dans le recueil de Boissonade (p. lii-bi) seconde onze, et la troisième (géographie su-
sous le n° IX. crée), quatre.
[lG-28] À HOLSTENIUS. 2(J'J
beriii de vostre grand et recommandablo travail sur cette matière des
géographes grecs, sans en avoir aultre notice que ce que M' du Puy
m'en avoit escript. Mais à cette lieure que vous m'avez daigné faire voir
un portraict si exacte de tout vostre dessein, je le feray bien plus har-
diment', et possible avec plus d'ellcct, ayant moyen d'entrer dans des
parlicularitez si notables et si importantes. Pleut à Dieu que j'eusse de
meilleurs moyens de vous y servir conlormement à vos souhaicts. Je
m'estimerois trop heureux. Au reste je loiie infiniment la pensée que
vous avez eiie de donner un petit essay si gentil et si curieux que sera
cet ager Romanus suburbanus avec les commencements de touts cez
chemins anciens qui sont si célèbres -, ne doubtant poinct que vous ne
le fassiez beaucoup plus exactement que n'avoit faict feu M"" Cluverius^
principalement si vous prenez la peine d'aller faire vous mesmes en
persone un petit voyage par tout ce pais là, pour vérifier les lieux
les plus dignes de remarque, où vous trouverez infailliblement les
preuves de tout ce qui vous pourroit estre le plus doubteux, et y pourrez
prendre des lumières, qui ne se peuvent jamais si bien espérer sans la
vue occulaire. Je vous feray parmy cela, pour mon interest particu-
lier, une prière, de vous rendre un peu plus soigneux pour l'amour de
moy, de tout ce qui pourra concerner la VIA AVRELIA laquelle se
trouve continuée dans l'Itinerarium Antonini, non seulement jusquesà
ce Forum Aurelii, qui scmbloit luy pouvoir avoir donné ce nom, mais
nommément jusques à la ville d'Arles, à travers cette province icy sous
le nom de la([uelle elle a encore conservé son propre nom du GRAND
CHEMIN A\ RELIAN , avec des marques assez curieuses du soing qu'avoil
eu Auguste, et quelques aultres de ses successeurs, de la faire reparer.
Et si par iiazard vous vous rencontriez de passer par ce forum Au-
relii, je vouldrois bien sçavoir ce que vous y pourrez remarquer de
' C'est ce que Hoislenius avait domandt! ' C'est h In page 81 que le fuUir hiblio-
avec insistance (p. 02), en i-ap|)cl:int la ibdcaire du Vatican traite cette partie de son
gloire acquise par les princes qui favori- vaste programme.
sèrent les elTorls des géographes Orlelins et ' Sur Philippe Cluvier, voir le recueil
Mereator. Peiresc-Dujiuy (1. I, p. 3io).
•270 LETTRES DE PEIRESC [1628]
plus notable, ayant ce regret 1;\, de n'y estre allé moy niesmes exprez
pour ce suhject, tandis que j'estois à Home'. Je porte fort irapaliem-
ment les longueurs de l'édition de vostre Porphyre, mais encores sera ce
beaucoup, si vous pouvez mettre cez imprimeurs en Irain d imprimer
quelque chose de bon en langue grecque afin qu'ils soient bien dressez
quand il sera question de les mettre à voz géographes qui sera un ou-
vrage de plus longue haleine. Je loue fort le choix que vous avez faict
de cez aullres petits opuscules pour les joindre h vostre Porphyre '^ sur
quoy je ne vous diray aullre chose si ce n'est que je crois bien que vous
aurez veu en passant par Lyon l'édition qui y fut faicte l'année der-
nière de cette vie de Proclus par Marinus, sur un MS. où elle estoit
insérée derrière celle de l'empcreju- Antonin le philosophe, mais je
n'ay pas regardé s'il y a rien qui mérite, ouUre ce qu'on en avoit aupa-
ravant; je vous en envoyeray un exemplaire si vous n'en avez^ Pour la
recherche du Dionysius Byzantins, mon homme oublia dernièrement
de mettre dans mon pacquet la lettre de M"" le nonce Bagny sur ce
subject, lafjuelle vous aurez maintenant avec une aullre de M' le pré-
sidant de Gaudjolas do Thoulouse ' à qui j'en avois escript, d'où l'on
me mande ({ue les Estats du pais y estoient mandez à la fin du moy»
passé, et que M"" l'Evesque de Hhodez s'y debvoit trouver; que cepen-
dant on luy auroit envoyé mes lettres et celles de M"" nostre Archevesque
' tlolstmiiiis, dans sa réponse (p. 84),
prend l'engagement suivant : itTiiin et Au-
reliain viam cenlnnicellas diligenlcr lus-
Irabo, cujus niaxima vestigia circa Urbera
supersunt. . . y
- On lit (ihid.) : rrPoi'pl)yrius meus, cum
jnm fineni spectaret, alia nova Appen Hce
a me auclus fuit , qiiam in Vaticano oodire
reperi : placel)il salleni novitate, si nullo
alio nomine.Ti
' Holstenius répond (p. 85) qu'il a eu
connaissance, pendant son voyage en h'rance,
de la Vie de Proclus , éditée à I^yon en 1 696 ,
mais que l'exemplaire dont il s'était servi
avait été |)eidu en roule. On sait que la
Vie de Proclm par son successeur ( 635 ) , le
philosophe syrien Marinus, a été réimprimée
plusieurs fois, notamment par J.-Albert Fa-
bricius (Haml)ourg, 1 700), par Boissonade
(Leipsick, 181 4), enfin dans la collection
des auteurs grecs de la librairie P'iimin Di-
dot, à la suite du Diogène Laërce.
* I.e président Jean de Cambolas fut un
des amis de Peiresc, ainsi que son fds le
chanoine François de Cambolas. Voir le
fascicule X des Coirespondanls de Pciresc,
Guillavme d'Abbniia. cnpitoul de Toulouse
(p. 8).
[1628J \ HOLSTKNIUS. 271
et aultres de noz ainys, de sort»; que s'il a le livre il l'aura sans double
peu porter quant et luy ' en allant à Thoulouse, auquel cas je ne
pense pas qu'il nous puisse eschapper. J'en avois aussy escripl à M'' de
Maussac^, qui ne l'a poincl, et ne l'a poinct veu. Quand toutes cez
ressources nous inaii(|uoronl, il lauldra en Taire escrire en Espajjne
voir si dans l'Kscurial il y en auroit rien par liazard, et en Couslan-
tinople aussy. Cou)bien que je ne doiibte pas que M"" de Thou ne vous
en ayt ouy parler, et qu'il n'en |)uisse faire la reclierche luy mesmes,
chez les plus curieux de livres. Au reste j'ay esté infiniment aise de
voir que vous n'ayez pas iniprouvé ma conjecture concernant les des-
seins de l'empereur Constantin Porpliyro(;enete\ et croys comme vous
que touts cez extraicts ou eclojjues viennent principalement de luy,
mesmes de ceux des géographes que nous a donné Hœschelius. On me
doime quelque espérance d'un aullre volume quasi comme celuy dont
je vous avois escripl. Si l'advis n'est poinct laulx, nous en serons bien-
lost esclaircis, et je vouldrois bien rencontrer chose qui tust bien
de vostrç gousl. J'escripvis à Tliollon, à M'' le command'' de Four-
bin, cap"" de la gaierc royale de France, qui a la lieulcnance de
M'' le Genei'al des galères en son absance*, pour faire retrouver voslre
bahut, et en escripvis aussy au juge de ThoUoii, pour y interposeï"
son authorité *. Ils m'ont r'escript qu'asseuremenl il fault que voz
bardes se soient perdiics ailleurs que dans la galère; vous verrez
la lettre dudict s"" commandeur. J'en avois escripl à Lyon d'où j'at-
tends la responce. Si Mons'' le card''' Spada*' faisoit ce qu'il fault, il
' C'est-à-dire arec lui, comme nous libi assentior, qiiem Gonstantiiium Por-
i'avoils dëjà vu plusieurs fois. pliyrogenelura esse recle conjicis. . . "
' L'helle'nislc magistrat Jacques-Philippe * Sur cet homme de mer, alHé de la fa-
de Baderon, sieur de iMaussac, sur lequel mille de Fabri, voir les trois loiiies du re-
on peut voirie recueil Peiresc-Dupuy eu at- cueil Peiresc-Dupuy.
tendant la notice qui lui sera consacrtîe dans ' G"(Uait le juge Chabert , mentionné dans
un des procliains fascicules des Corrcipon- Peiresc, abbé de Guùres. SupplémeiU à la no-
danls de Peiresc. lice d'Aiit. de Lantenay (p. 5i).
' Holstenius avait donnd aux conjectures ' Sur le car.linal Bernardin Spada, voir
de Peiresc celle approbiliou sans réserve le recueil Peiresc-Dupuy (l. I. passim, a
(leUre IX, p. /41-ia) : «De auclore onmino partir de la page 07).
272 LETTRES DE PEFRESC [1628]
vous debvroit faire represanter les rooUes et inventaires des coflres
et valises dont s'estoient chargez ceux auxquels il en avoit commis
la conduille, car ils auront exprimé non seulement le nombre, mais
aussy le poids de ciiasque cofTre ou balle, et les marques dont ils
estoient marquez. De cette sorte vous verriez bien aiseement si le vostre
y estoit ou non. L'Iiomme qui en avoit la charge passa en cette ville,
et me monstra ses instructions, m'estanl addressé par M' le vice légat.
Je luy donnay des lettres pour ledict s*" command"' de Fourbin, par
lesquelles je vous recommandois à luy, pensant que vous peussiez estre
de la trouppe. Et m'estant cnquis de cet homme si M' le card'' Spada
apportoit alForce livres, il me dict qu'il y en avoit afforce balles, et
mesmes deux ou trois de livres MSS. dont il me cotta certaines par-
licularitez comme les ayants veus dans la chambre de son maislre, car
il estoit un de ses vallets de chambre et monstroit d'estre grandement
jaloux de toute sorte de livres MSS. pour l'amour de sondict raaistre.
Ce qui me faict croire que s'il a laissé égarer les vostres ce n'aura pas
esté par négligence, si vous luy aviez dict ce qui estoit contenu dans
vostre coflre, et crains bien que s'il y a du mal, il n'en soit possible
coupable luy mesmes. C esloit un petit noireau, aagé d'environ ho ans.-
qui vous cognoissoit fort bien et sçavoit bien l'estime qu'il falloit faire
de vostre vertu et de vos livres, car il m'en dict tout plein de bonnes
choses. Je vouldrois avoir plus de moyen de vous bien servir en cela;
mais si de. Lyon nous n'avons quelque lumière, je ne voys guieres de
resource d'ailleurs, car puisque lors du desbarquement on a rendu
lideslement le mesme nombre des balles et colfres que l'on avoit em-
barquées sur la galère, il fault que la mauvaise foy vienne de plus
loing que Marseille ou le Marligues\ là où la galère leva le train du-
dict seigneur card'' Spada, qui sembloil vous debvoir faire meilleure
raison de ce mauvais tour.
Il me reste à me conjouyr avec vous, comme je faicts de tout mon
cœur, des bénéfices de Bremen, de Lubec et autres lieux circonvoisins
' Aujourd'hui Les Marligues. h 38 kilomètres de Marseille.
[1628] À HOLSTENIUS. 273
que N. S. P. le Pape vous a conférez si opportunément', et des grâces
et faveurs extr[aordinai]'''* que yous y avez ressenties par mesme moyen
selon ce que meritoit vostre vertu incomparable. Je prie à Dieu que
vous en jouyssiez longuement et heureusement et que ce vous soit un
commancement à quelque chose encores plus digne de vostre mérite,
et qu'après vostre réception à des canonicals vous puissiez un jour eslre
esleu par voz collègues aux meilleures prelatures pour le bien qui en
reviendra à l'Eglise et à la republique littéraire. M' Aubery m'escript
que vous lui avez remis voz extraicts de ce Portulan de Pise dont je
vous remercie très humblement et de l'espérance qu'il vous plaict nous
donner de voz Hendecasyllabes et ïambes que nous verrons trez vo-
lontiers^, M"" Remy et moy quant et quant luy^ vous demeurants infi-
niment redevables des bons offices que vous lui avez daigné rendre sur
le subject de ses vers; il est aprez à repolir une autre pièce que vous
trouverez jolie, je m'asseure. Il a une grande passion pour vostre ser-
vice aussi bien que moy qui ne seray contant que je n'aye peu rencon-
trer de quoy vous produire des effects de ma bonne volonté en vostre
endroict bien conformes à mes vœux pour vostre satisfaction, vous sup-
pliant de m'excuser si pour cette genre (sic) je ne satisfaicts mieux et
plus ponctuellement à mon debvoir, mais vous pardonnerez s'il vous
plaict à un pauvre convalescant qui fit hier une pierre aprez un long
travail de coliques rénales, estant résolu de vivre et mourir,
vostre très humble et trez afï"' serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce a mai i6a8.
J'oubliois de vous advertir que par les observations faictes à Paris
' Holstenius parle à Peiresc de ces Wné- tam proxinie hendecasyllabos cl iambos,
fiées {de canonicatu Bremensi et Lubecensï) quibus furori nescio cujus invidi raederi co-
dans la letlre IX, p. 69 et dans la lettre XI, natus suin : liisvos suppliciis remunerabor. »>
p. 8(j. Cf. la lettre XVI, p. 107, où l'on A la suite de la lettre XI on trouve (p. 89)
verra que tout ce qui avait été promis à une pièce de vers intitulée : Scorpiacum fa-
Holstenius ne lui fut pas tenu et où il em- rori hendecasyllabico.
ploie l'expression vana spe. ' C'est-à-dire ensemble.
' On lit dans la lettre IX (p. 48) : rrMit-
niPlillItllIt ilTIttlALF.
27â LETTRES DE PEIRESC [1628]
et en celte ville d'Aix du temps précis de la dernière ecclypse de lune
advenue le moys de janvier passé on a supputé la differance de la longi-
tude du méridien de Paris à ccluy de cette ville de i/i minutes, qui re-
vieimenl à trois degrez et demi, tellement que le méridien de Paris
peult passer bien prez de Thoulouse.
Et d'aultant que je ne pense pas que l'airection que vous avez à la
géographie soit restrainte à la greque, ains qu'elle est générale par
tout le monde et principalement par toute l'Europe, j'ay creu que
vous ne seriez pas marry d'avoir part de cette observation.
Et pour cet effect, en ayant adressé la lectre et supputation à M' Alean-
dro pour la faire tenir au s' Galilei', selon son adresse, je l'ay prié de
la vous (aire voir à l'advance, pour en retenir telles instructions que
vous jugerez à propos, qui pourront possible servir quelque jour, prin-
cipalement si on y en peult joindre quelques autres faictes à Rome ou
autres lieux de l'Italie.
A l'observation de Paris adsislereiit et agirent principalement le
s' Midorge thresorier de France, homme grandement exacte et versé
au\ plus nobles parties de la mathématique, le s"" des Hayes, le père
Mercene, minime, le s"" Morin et autres"^.
A celle de celte ville adsislerent le s' Joseph Gaullhier, docteur en
s'" théologie, prieur et seig' de la Valette, grand vicaire de l'archevêque
d'Aix', elles' P. Gassendi, au&sy docteur en théologie, théologal, à pré-
sent prevost de l'église cathédrale de Digne, touts deux bons astro-
nomes, s'il y en a de ce temps, et touts de mes amys que j'ay con-
vocqûez à cet essay'.
' (iassendi envoya directement à Galilée, dée, paraîtra sans doute en même temps que
le « mare 1697, le résultat des observations le présent volume.
faites ,H Aix et h Paris. Voir Bougerel. Vk ' Voir sur le ]>rieiir de In Valette le re-
de Gais«udi, p.Zi. coeil Peiresc-Dupuy cl loiile la partie du
' Tous ces personnages figurent h plu- tome IV qui contient la corres]X)n(lance de
siiHtTi reprises dans le recueil Peiresc-Dupuy Peiresc et de Gassendi,
et dans le fascicule XIX des <AnTespondnntii * Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
de Peiresc consacré an P. Mersennc, lequel n° 67.
fascicule, dont l'impression a été très retar-
[1628]
A nOLSTFîNIUS.
IX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Vous aurez avec la j)reseiite le S' Athanaze sur les Psaulmes dont
vous estiez si en peine', lequel s'est enfin retrouvé aprez une fort exacte
recherche que j'avois laict faire de vostre valize eu divers lieux tant
de ce païs que dehors jusques dans Lyon. Ce n'est pas sans quelque
merveille que ce larrecin a esté descouvert, d'aultant que comme vous
pourrez voir par la lettre que m'en escript M"" le commandeur de Four-
bin, qui a la lieutenance des galères du roy en l'absence de M' le Ge-
neral des galères, le chevalier du Garranet^, qui commandoit la galère
contine sur laquelle se fit l'embarquement du card'' Spada et de son
train avec ses bardes, avoit laict tenir conterooUe de toutes les balles
qui avoient esté chargées sur ladicte galère aux isles de Marseille et
les avoit rendues au dcsbarquemeiit soubs deiie recognoissance, trouvée
au conteroolle dudict chargement, au pied duquel le raajordomo du
card"' luy en avoit faict le récépissé et descharge en deiie forme ainsin
que vous le pourrez justitïier sur la coppie que je vous envoyé dudict
conteroolle, dont j'avois faict examiner les marques des nombres pour
recognoistre celles qui y pouvoient manquer, qui sont en nombre
' Voir les dok'ances de Holslenius dans la
leUre lX(i). 5o) et dansln teUre Xt(i). 8C).
Voir, en iwaiiclie, l'expression de sa joie et
de sa reconnaissance en face du li-ésor i-e-
trouvé (Irltre XII, p. 99). Voici comment il
remercie Peiresc : "Cni gratias niaximas
pcrpeluum debebo ob incredibilem illam
diligentiani atque solliciludineni, qua in fii-
jjilivis meis libris retrahendis usiis es, (juos
ego jam penitiis perditos ducebam. Dicere
non possum quam me inexpectatus Alliana-
sii conspectus affeccrit, ita prai gaudio sub-
saltavi quasi magnum mihi lucrum favens
Ibrlnna objecisset. . . 1 Ce qui, ajoute Holsle-
nius, augmentait encore ses regrets, c'est
que le manuscrit du Saint Atbanase lui avait
élé confié par le R. P. André Scholt et qu'il
redoutait son mécontenlement : rld enim
pessime me babebat ipiod optimus senex
And. Schollus indignabundus fidem ineam
appellaret, elc.Ti
' Ce chevalier appartenait à la maison de
Lupp^. Il ('tait seigneur de Garrané en Gas-
cogne. (Voir un volume publii' sous le titre
de Mémoires el camvnnes du chevalier de
Luppé-Garrnnc , Paris, Aubry, pelil in-4°).
35.
276 LETTRES DE PEIRESC [1628]
d'une deniy douzaine ou environ, lesquelles je pense avoir esté empor-
tées peult esire par la voye de la terre de Lyon à Gènes. Et si la vostre
estoit du nombre de celles qui sont designées audict conterooUe, vous
le pourrez vérifier, sur les mémoires qu'en doibvent avoir dressez les
ageants dudict seigneur card"' lorsqu'ils les firent toutes emballer, peser,
et marquer soit à Paris ou à Lyon. Tant est qu'elle fut voilée dans le
lemps du desbarquemeut, ou de l'embarquement des isles de Marseille,
et vraysemblablement retenue et cachée par les forçats de ladicte ga-
lère, entre l'eschelle et les chambres où l'on les rangeoit. Et l'autheur
de ce vol fut un forçat, qui n'estoit pas des ordinaires de ladicte ga-
lère, nins qui avoit esté emprunté de la galère patrone, et mis pour
renfort sur la contine, lequel au retour du voyage fut rerais sur sa
propre galère, à sçavoir la patronne, de sorte que quand on s'en
enqueroit dans la contine on en pouvoit rien apprendre. Un chetif
pacquettier' qui vend quelquefoys des livres, passant par Toullon, la
femme de ce forçat luy porta à vendre des vostres un plein demy-sain',
lequel en revendit trois pièces à un médecin de Toullon, nommé Gi-
raudi, qui est mort depuis, et quelques autres à un autre d'un village
voisin nommé Ollioles^, et estant allé à S' Maxemin*, y en vendit
quelques autres. Finalement estant retourné à Toullon, on luy en de-
manda des nouvelles, et il se trouva saisy de quelques-uns qui furent
incontinant recouvrez de ses mains. On travaille maintenant à la re-
cherche et recouvrement des autres. Mais pour en estre plus asseuré
il seroit bon que vous nous envoyassiez un roolle particulier de tout le
contenu en vostredicte valize, soit pour les livres ou papiers, ou pour
le linge et autres besoignes. Cependant j'ay envoyé sur les lieux un pe-
tit roolle des livres que j'ay en mon estude imprimez à Amsterdam de
cette petite forme afin qu'on retirast touts ceux qui se Irouveroient de
mesme sorte à peu prez. Et de faict il s'en est desjà recouvré une
^S(f. Demi-sac. ' Aiijoiii-tl'lmi Sainl-Maximin, chef-lieu
Aujourd'hui Ollioules, chef-lic-u de can- de cautou du de'parlerneiil du Var, à 1 6 kilo-
Ion du dépaileinent du Var, à 9 kilonièlros mèti-es de Brig^ioles.
de Toulon.
[1628] À HOLSTENIUS. 277
demy douzaine, à sçavoir le Jul. Gaesar, le Justin, le Val. Maximus, le
Petronius, le Silius Italiens, un nouveau Thme [sic) [Testament] grec
de Leyden, et le Pompone Mêla de Paris. Avec lesquels le libraire m'a
rendu quattre autres iu-8", à sçavoir le Josephus Hebrœus de Baslê, la
Géographie poétique de Lambertus Danîeus de Lyon, les commen-
taires de Casaubon sur le premier libvre du Polybe, de Paris, et les
essais de Montagne de Rouen 8° 16 1 7 ^ Ensemble dix carthes en taille
doulce, à sçavoir sept petites, l'une en italien de toute l'Europe, les
autres six en latin de la Grèce, Italie, Grand Bretagne, France, Es-
pagne et Mauritanie, et puis une plus grande Grèce de Sophian , le
duché de Bourgogne, et l'empire du Mogor en Anglois. Mais le princi-
pal est d'avoir sauvé le ms. de S' Athanaze, dont j'ay esté infiniment
aise pour l'amour de vous, et le serois bien davantage si nous pouvions
retrouver encore le ms. du Servius de feu M'' délia Scala, dont je fe-
ray faire une si exacte perquisition que difficilement me pourra il
eschapper'^ Je vouldrois bien estre aussi heureux en la rencontre de
vostre Dionysius Byzantins, et de quelques uns de voz autres géo-
graphes, qui fust bien à vostre goust. Si ledict Servius se peult avoir et
que la forme n'en soit pas plus grande que du S' Athanaze, je le vous
envoyeray par les ordinaires d'Avignon, soubs l'enveloppe de Monsei-
gneur le card*' Barberin; sinon je le meltray avec touls les auti'es sus-
mentionnez, et si tost que nous aurons achevé nostre perquisition,
dans l'estude du feu s' Giraudi et autres lieux, je feray un petit fagot
du tout et le vous envoyeray à Rome par mer par la première commo-
dité asseurée que j'en auray, si vous ne m'^n prescrivez autre ordre.
Au reste j'ay receu vostre despesche du k de ce moys, ensemble le
cahier de cet anonyme Pisan, que M"" Aubery m'a envoyé de vostre
part, dont je vous remercie Irez humblement, ayant prins grand plai-
' J'.-ii ju{f(? iniiliie de donner des indica- ' Holslenius avait dit (lettre IX, p. 5o) :
tions bibliographiques sur ces divei-s ou- irEronl in codem nidulo glos.<a> Servi! mss.,
vragcs que tous les t'rudils ronimissent cl (juas habueram ex bibliollieca Jos. Sc;ili-
(jui sont, d'ailleurs, tous t'nuuiéi-és dans le geri.»
Manuel du libraire.
278 LETTRES DE PEIUESC [1628
sir de voir vostre jujjement touchant le géographe du s' Godefroy, dont
je vous eusse envoyé un autre exemplaire, sans la crainte de trop
grossir le pacquet. Ce sera pour la première foys que la proportion
du pacquet me le permettra , ne pouvant assez louer vostre modestie
de vous voir parler si dignement et si honnestement d'un homme qui
s'est tant hasté de vous prévenir en cette édition , où il se peuit faire
que le droict luy ayt fourny quelque observation qui vous feust
eschappé, mais avec tout cela je ne pense pas qu'il lust en son pouvoir
de jamais vous esgaller en ceste entreprinse, quand vous n'eussiez esté
prévenu; encores crois-je que vous ne laisrez pas d'en dire de trez
belles choses aprez luy. C'est la vérité que l'essay de sa version grecque
ne luy a pas reussy comme il se promettoit, et purs que ledit Scaliger
n'a peu s'en acquitter assez exactement, il n'appartenoil pas à luv d'en
vouloir aultant faire; au moins devoit-il s'abstenir de s'en advouer
l'autheur, pour ne se charger des reproches qui lui seront inesvitables.
Ouant au livre de forma Mediterranei maris, la préface et l'indice que
vous en avez extraict, et ce que vous m'aviez escript cy devant, que
l'autheur a exprimé non seulement les souverainetez d'où dependoient
les costes de mer par luy descrittes, mais aussy les droicls maritimes .
({ui s'y exigeoient et exerçeoient, me font regretter inrmiraent que
vous ne l'ayez faict transcrire tout entier tandis que vous estiez en
Angleterre, ou que nous ne soyons en estât d'en pouvoir demander
la communication, m'asseurant que j'y aurois trouvé beaucoup de
choses de mon goust. 11 fauldra attendre que Dieu veuille faire cesser
les guerres et différants qui nous empeschent la liberté de ce com-
merce, et je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez alfectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce ag mars iôjS.
Mon frère vous rend des grâces de vostre souvenir et vous sallùe de
tout son cœur.
[1628] À HOLSTENIUS. 279
[En marge.] Depuis avoir escript, l'ordinaire d'Avignon n'estant pas
encore passé à son jour ordinaire, j'ay receu du costé de S' Maxemin
les trois livres qui y avoient esté vendus, qui sont le Suétone, le Tacite
et le Statius d'Amslcrdam. Et du costé de Toullon M'' le Juge royal de la-
dite ville m'a renvoyé ce qu'il a peu recognoistre dans la Bibliolhecjue
du feu s'' médecin Giraudi, qui sont le Longus Sophisla Gr. lat. de We-
cliel 8° et Lipsii Flores Swertii, in ai, Erlbrdiae i6i8. Mais je crains
bien que ce dernier icy ne soit pas des voslresj dont vous nous pourrez
esclaircir en nous envoyant vostre rooUe. Et n'en a t-on sceu recognoistre
aulcun autre qui peust faire le troisiesme de ceux qu'il avoit aeheptez
de vostre valize. Il fauldra chercher encores plus exactement, aprez
avoir vostre roole. Cependant j'ay un extrême regret que vostre Ser-
vius ms. ne s'y soit point trouvé. Il seroit bien de nous mander s'il
estoit escript en papier ou en parchemin, de quelle grosseur, et com-
ment il estoit relié, pour nous servir de quelque adresse en cette re-
cherche.
[Fm marge.] 11 m'est tombé en main une lettre d' /Egypte d'un ga-
lant homme de ce pais qui a esté longuement en Levant, et qui sçaict
bien des affaires de ce pais là, concernant l.i décadence de l'autlio-
rité du Grand Turc aux emboucheures de la mer Rouge; possible ne
trouverez vous pas mauvais que je vous en envoyé une coppie, qui
sera cy jointe, avec quelque exemplaire des v^rs du s' Remy, en faveur
de M"" le card"' de Richelieu, et de M' nostrc Archevesque son frère,
et contre La Rochelle'.
' Oïl trouvera ces vers dans le polit re- pages sont occupées par divei-scs pièces re-
cueil déjà cité qui est intitulé: Ahrahami lalives à la révoile et à la prise de la Ro
Remmii eloquentiœ pr^essoris et poetœ regii chelle. — Bibliothèque Barberini, vol. 79,
poemata (i6lib). Les dix-huit premières pièce n° 7 Aïs.
280 LETTRES DE PEIRESC [1628]
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Ce mot n'est que pour accompagner tout ce qui s'est peu recouvrer
de voz livres, oultre le S^ Athanase que vous avez eu par le dernier or-
dinaire soubs l'enveloppe de M?'' le card'' Barberin. Vous aurez icy
le reste, et les carthes géographiques, selon le bordereau cy joinct. En-
semble un exemplaire du géographe grec du s' Godefroy, afin de pou-
voir le présenter de ma part à M^ le card'' Barberin, si vous ne luy
avez desjà baillé l'autre que je vous avois envoyé cy devant, ou bien
pour remplacer le vostre si vous luy avez desjà présenté l'autre afin
que vous n'en demeuriez despourveu. Et par mesme moyen je crois
bien que vous agréerez la trez humble recommandation que je vous
faicts en faveur de M' Félix qui s'est si libéralement et gracieusement
offert d'estre le porteur de vosdictz livres '. 11 est proche parent du
R. P. Lorinus qui a tant escript sur la 8'"= Escritture -, lequel me l'a
trez instamment recommandé. Et s'en va de par delà, pour exercer sa.
curiosité, en la remarque des antiquitez et autres singularitez de ce
pais là, et pour acquérir quelque habitude avec les gens de lettres,
entre lesquels il ne sçauroit mieux s'adresser qu'à vous. Je m'asseure
que vous l'aimerez volontiers pour sa vertu, et pour celle dudict P. Lo-
rinus et encores pour l'amour de moy, et je vous en demeureray rede-
vable, estant tousjours.
Monsieur,
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
DE PeiRESC.
D'Aix, ce i6 avril i6a8'.
' Holstenius ( Ipltre XXI , p. 1 4 1 ) parlait ' Sur le P. Jean de Lorioi , de la compa-
ainsi. un an pins tard (ai avril 1629), gnie de Jésus, voir le tome II du recueil
dudil porteur : rCum aniicus meus Henri- Peiresc-Dupuy, p. 544-545.
rus Félix, juvenis elegans et perhumanus, ' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
ad vos redirel.. .1 n° 8.
[1628] À HOLSTENIUS. 281
XI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Vostre lettre du v may vint en son temps par le retour du dernier
ordinaire d'Avignon, parce qu'elle estoit soubs l'enveloppe du pacquet
de M»' le Gard"'. Mais la précédante du dernier mars n'eust pas une
aussy bonne adresse, car elle fut portée en Avignon oii elle courut
grande fortune d'estre perdue , et d'où elle me fut renvoyée icy par un
amy qui en eut le vent, hors de temps pour vous pouvoir faire response
lors du passage dudict dernier ordinaire d'Avignon quand il alloit en
Italie. Gela vous servira d'advis pour estre plus soigneux de les en-
voyer à quelques-uns de cez mess" de la suicte dudict seig' Gard"' qui
me font l'honneur de m'escrire plus souvent que je ne mérite, comme
soit M' Aleandro et M' Suarez, ou bien à M' Aubery, qui sçaict mes
adresses de Gennes. Et de cette sorte voz lettres viendront en temps
et lieu. Or pour respondre donc à cez deux dont il vous a pieu m'ho-
norer, je vous diray que j'ay esté trez aise que vous ayez receu le MS.
de S' Athanaze et crois qu'à cez heures icy vous aurez pareillement
receu tout le reste qui s' estoit peu saulver et recouvrer de vostre vol,
par les mains du s"" Félix d'Avignon, à qui j'en consignay le fagot dez
le jour des Rameaux. Vous y aurez trouvé cette belle carthe de l'em-
pire du Mogor dont vous estiez si en peine, de laquelle j'eusse volon-
tiers retenu une coppie si j'eusse eu loisir d'en attendre vostre permis-
sion. Mais je ne m'en voulus pas dispencer. Depuis avoir escript je
me suis advisé que ladicte carthe de l'empire du Mogor pourroit bien
estre dans les volumes des Navigations angloises de Purchas ' que
je receus cez jours passez en blanc, et de faict les ayant faict ap-
porter je l'y ay trouvée, sous le nom de THO. ROES. Je n'ay pas
eu le loisir de chercher celle de l'Amérique septentrionale, à cause
' Sur ie recueil de Samuel Purchas, voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. I, passim.
,. 36
tvrr.ivtKiE nAiio
282 LETTRES DE PEIRESC [1628]
de la confusion du livre qui n'est pas encores relié. Mais je crois bien
qu'elle y soit aussy. C'est pourquoy il ne sera pas de besoing que
vous vous mettiez en peine de me faire coppier celle dudict empire
du Mogor. L'autre carthe, que vous dictes de l'Amérique septemtrio-
nale, en Anglois, n'est poiuct passée par mes mains, car elle vous
eust esté aussy Gdelement envoyée que celles que vous aurez trou-
vées dans ledict fagot. J'en ay envoyé un second mémoire au juge de
Thollon et au s' commandeur de Fourbin qui commande aux galères,
mais ilz n'ont rien peu gaigner de plus sur cez canaille [sic) d'esclaves.
Mon frère y doibt aller faire un voyage au premier jour et moy dans
l'esté où nous entrons et y ferons tout ce qui sera possible, regrettant
infiniment vostre esluy de compas ^ cette Descriptio Danie - et voz
notes in Apollonium Rhodium ^ qui sont tant à plaindre. Pour le moings
vous pouvez vous asseurer qu'il n'y sera rien oublié. Je n'ay point en-
cor eu de responce de M' lEvesque de Khodez , dont je m'estonne fort.
Il ne se trouva pas aux Estats de Thoulouze comme il avoit faict es-
pérer, car il n'eust peu se desdire de nous escripre. Je luy avois de-
mandé le roolle de touts ses mss. grecs. Mais un honneste homme de
mes amys de ce pais là s'y en doibt aller à ce moys de juillet qui ma
promis de faire luy mesmes le roolle et de me l'envoyer incontinant. Si
le Dionyzius Byzantius n'est pery tout à faict, je ne désespère poinct
que nous ne l'ayions quelque jour Dieu aydant. Et ne vous nierai poinct
que si c'estoit par mon moyen j'en serois bien glorieux, voyant le
plaisir que ce vous seroit, et désirant passionement comme je faicts,
de vous servir à vostre goust. Quant au Stephanus de Pavie % je
n'ay poinct d'habitudes de ce costé là , autres foys j'eusse possible eu
Holstenius (lettre XII, p. 98), dans sa ' (rPrœtei- Servii Glossas, erant variœ
description des objets à lui vol^, avait si- scbedaj, in quibus erant variœ secliones et
gnalë en français «rt esiw, ajoutant: frin qua eniendaliones ex Flor. Christiani codice ad
erat circiuus summa cura faclus ad chartas Apollonium Rhodium.» {L. cit.)
delineandas. n » Sur ce manuscrit d'Etienne de By-
trErat et Daniae descriptio inter cœteros zance, trexemplar antiquissimum et multo
libros, in-8°, Francofurti édita, nusquam auctiusedito», voirla lettreXI, p. 83, etia
alias milii visa.» (Ibid.) lettre XIII, p. gS.
[1628] À HOLSTENIUS. 283
quelque moyen de ne vous y estre pas inutile ; mais depuis le decez du
s"" Septalius ' et du s' Farnesius^, qui estoient bien curieux et avoient
bien du crédit en cez quartiers là, toutes mes cognoissances y sont
mortes, ce que je regrette bien à présent pour l'amour de vous. Et
puis cette guerre est bien venue mal à propos. Je vous felicitte cepen-
dant l'heureuse rencontre des suppléments mss. pour vostre Por-
phyre^, et de celles tant du Jambliche plus ample de deux livres en-
tiers, que du Proclus et Olympiodorus in Alcibiadem Platonis*, qui
sont des thresors inestimables et bien dignes de voir le jour par voslie
entremise.
Cez déclamations Babyloniques de Jamblichus de l'Escurial merite-
roient bien aussy d'estre veues*. Vous en eussiez peu donner la charge
à quelqu'un de ceux de la suitte de M«' Monti, maintenant qu'il s'en
va nonce extraordinaire en ce pais là, ou bien le luy faire commander
à luy mesmes par M^ le Card°', car il s'en seroit tenu bien honoré.
Et en un besoing le s'' Lucas Thorius* vous y auroit volontiers servy
sur les lieux. Ce cathalogue que vous avez veu de la bibliothèque de
l'Escurial si exactement faict par Colvillus'' meriteroit bien de n'estre
' Ludovicus Scptalius est l'auteur d'un
ouvrage intitule : De ratione instituendœ et
gubemandœ famtUœ Itbri V (Milan, i6a6,
in-8°).
' S'agit-il là d'Octave Farnèse, le jeune
prince qui fut nu si prdcoce érudil et dont
on a un si cuiieux recueil sous ce titre : Quws-
liones dcjinitœ ex triplici philosophia , ralio-
nali', naturitli, morali, in Parmensi Academia
publiée triduum disputatœ ab Octavio Farnesio
seretmsimo Ranucci Parmee, Placenliœ, etc.,
ducis IVJilio (Parme, 161 3, in-fol.)?
' C'est dans la lettre X (p. 78) que cette
bonne nouvelle avait élé annonci^e à Peiresc :
(t()uibus addere possein Porphyrii prolixum
locura de Fonte mirabili apud Indos ex libre
de Styge, hactenus àvéxioTov.v
' Peiresc répond ici h ce passage de la
lettre XI (p. 88) : rrHabeo etiain Procli et
Olynipiodori uberes commentarios in I. Alci-
biadem Platonis, quibus univei-sa nioralis
philosopbia Socralica divinum in modum
expUcatur : dignissimi qui lucem adspi-
ciant. >i
' Holstenius (lettre XI, p. 88) avait dit :
rtHoc le monobo extare in Scoriacensi biblio-
theca lambliclii , Babylonici rbetoris et bis-
torici Babylonicoruni , declamationem , etc. 1
' On trouvera quelques ielti-esde Peiresc
h cet érudit espagnol dans le tome IX de la
correspondance.
' Holstenius avait écrit ceci à Peiresc
(lettre XI, p. 85) : slnHispania Uionysium
nostrum extare non arbitror : vidi enim cala-
logum Scoriacensis bibliothecae occuratis-
simum apud Davidem Colvillum , qui decen-
.36.
284 LETTRES DE PEIRESC [1628]
pas supprimé; je ferois bien volontiers la despence de le faire transcrire
s'il estoit à la disposition de quelqu'un de voz amys. Et en deffault de
cela, si vous me faictes part de ceque vous en avez extraict, jetascheray
de vous ayder en ce que je pourray pour vous donner moyen d'en
tirer quelque chose sur les origiuaulx. M' Aubery fournira les frais
nécessaires du coppiste s'il y escheoit et je me tiendray vostre obligé
de la participation de cez richesses là. Je tascheray d'apprendre et faire
vérifier ce qui se pourra de cette portion que vous demandez de la via
Aurélia ab Albintimilio ad Varum, et vous en rendray responce, vous
remerciant des ofl'res qu'il vous plaict me faire de vostre soing pour
observer ce qui se pourra des pais d'allentour de Rome par où passoit
ladicte via Aurélia K Et des beaux vers de vostre façon dont il vous a
pieu me faire part, admirant tout ce qui sort de vostre main, aussi bien
que le s' Remy, qui vous est infiniment obligé de tant de bienveillance.
J'envoye maintenant quelques autres vers de luy à Ms"" le Gard"' chez
qui vous les pourrez voir, n'ayant le loisir de les faire transcrire. 11 y en
a d'autres d'un Anonyme qui a de bonnes pensées. Sur quoy je finiray,
demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et obligé serviteur,
DE Peibesc.
D'Aix, ce 2 juin i6a8'.
niuni integrum ei prœfuit. ..d Holstenius page 85) renvoie pour GolviHe h Bandini,
reparle ainsi de Colville ( lettre XIII), p. 97 : Comment, de Vita Dont, p. xxx.
rDavid Colvillus, apud quein Scoriacensis ' Peiresc re'pond là à un passage de la
biblioihecaî catalogus extal, Taurini adliuc lettre XI (p. 84).
liaeret, dubius utruni in Hispaniam an Ro- ' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
main redeat. ..n Boissonade (note 7 de la n° 9.
[1628] À HOLSTENIUS. 285
XII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Si je me suis resjouy aux nouvelles que voz amys m'ont données de
i'amendement de vostre santé et puis de vostre guarison entière, ça bien
esté à meilleures enseignes quand j'ay receu la lettre dont vous m'avez
honoré du 28 juillet' où j'ay apprins de vous mesme les asseurances
de ce que je passionnois si ardamment et que vous commandez à re-
prendre voz entreprinses de l'édition du Porphyre, estant bien marry
que voz imprimeurs de delà s'accommodent si mal à voz intentions- et
que leur ignorance vous dcsgouste de l'édition du Proclus puisqu'il cstoit
prest à suyvrc le Porphyre, mais je suis encores plus marry de n'avoir
aulcunes nouvelles du Dyonisius Byzantius; la peste et la guerre qui
sont en Rouergue nous ont bien traversé noz desseins de ce costé là; je
ue pers pourtant pas espérance, car aprez avoir durant plus d'un an
poursuyvy de recouvrer du costé de Thoulouse le Pline appostillé de la
main de feu Pellicier, evesque de Mompclier, que M' Rigault avoit tant
d'envie de voir, lorsque j'en avois le nioings d'espérance, et à travers
les guerres du Languedoc, on l'a envoyé sans m'en adverlir à l'advance,
de sorte que je fus grandement surprins en ouvrant le fagot et y trou-
vant ce livre dedans, que j'envoyay incontinant audict s'' Rigault^. Je
prie à Dieu qu'il m'arrive bientost ainsin de vostre Dionysius Byzan-
tius; vous avez bien faict de vous asseurer de voz glosses de Servius et
notes à l'Apollonius Rhodius, car il ne s'y fault plus attendre, y ayant
employé un gentilhomme de troz bon esprit condamné aux galères
' C'est la lettre XIII (p. <)4-*)8). Ilolste- imprimeurs : ffComUem: illum [il s'agit de
nius s'y plaint de la (ièvre qui avait inler- Proclus] darem Porpliyno , nisi me lypogra-
rompu sa correspondance, ce qui pour lui phorum Iricae et iniperilia déterrèrent', ([iii
avait dlé un chagrin jiire que la maladie môme. niagno molimino niliil promovenl.-i
' Holstenius se moquait spirituellement ' Voir, sur le Pline de Guillaume Peili-
(p. 98) des grands et vains efibrts de ses cier, le recueil Peiresc-Dupuy, t. I, p. i55.
286 LETTRES DE PEIRESC [1628J
pour jeunesses, lequel a enfin descouvert, comme vous pourrez voir
par la lettre qu'il m'en escript, que l'appréhension des coups de nerf fit
jetter dans la mer tout ce qui estoit demeuré dans la galère, et que le
forçat qui avoit faict le vol est mort, de sorte qu'il n'y a plus de re-
source à mon grand regret. Il fault procurer le remplacement de cette
perte de quelque autre façon.
Je vous félicite la descouverte du Diodorus Tarsensis'; je pense qu'il
pourroit bien estre de quelque bon usage, principalement en ce qu'il
faict de la sphère d'Hipparque et autres semblables matières, si tant
est qu'il y ayt rien de plus que ce que le Ptolémée et autres astronomes
en ont conservé. On a maintenant achevé d'imprimer les tables Ru-
dolphines de Tycho Bralie par le travail de Keplerus qui y a contribué
uug grand soing et exactesse^, dont les siècles advenir se pourront
grandement prévaloir. Il a rencontré entr'autres choses une époque
pour la création du monde assez proche du calcul ordinaire oii la con-
stitution du ciel est merveilleuse selon ses supputations pour le comman-
cement des mouvements des astres en des poincts de solstice et d'aequi-
noxe aux plus grandes haulteurs en tel poinct que ne sçauroit plus
revenir de siècles infinis. Mais ce seroit bien autre chose si l'advis du
card' Biscia se trouve véritable^ et que les trois pièces dont il se vante
se puissent voir en noz jours, estimant que ce soient aultant de thresors
inestimables, chascune en son espèce, mesmes celle du Stephanus et
encores plus celle de l'Eusebe que M' Scaliger avoit pensé suppléer
avec tant de peine, mais surtout celle de Sanchoniathon où je crois
' ff Reperi tamen Diodori Tarsensis , scrip-
toris ecclesiaslici antiqui et celeberrimi,
iibros duos, quorum Suidas meniinit ioter
alla ejus opéra phiriiua. . . opus meo stu-
diorum generi aptissimum. ?! (Lettre XIII,
p. 95.)
' Voir sur les Tables Rudolphines le re-
cueil Peircsc-Dupuy, t. I, p. 409.
' Voir le recueil Peiresc-Dupuy (passim)
et le fascicule VllI des Correspondants de
Peiresc intitule : Le cardinal Biehi , évêquede
Carpentras (Marseille, i885). Holstenius
avait dit à Peiresc (lettre XIII, p. 98) :
(rlllustrissimus Cardinalis Biscia, qui cum
paucissimis ex eo ordine bona studia et amat
et promovet iiuper Suramo Pontitici retulil
trium auctonim sibi speni cerlissimam
nescio unde faclam fuisse, Xpomx&jv Eu-
sebii, ÈSr(X(ùv Stephani Byzantii , et Historise
Phœnicum Sanchoniathonis. . . »
[1628] À HOLSTENIUS. 287
qu'il se debvroit trouver d'admirables secrets de cez origines orien-
tales, voire des hébraïques, qui y serviroient bien ou directement ou
indirectement. Informez vous, je vous supplie, sogneusement des pro-
grez de cette affaire pour nous faire part de ce que vous en appren-
drez. 11 me tarde bien que vous ayez cez marmora Arundelliana^ ; j'ay
escript en Allemagne pour taschcr d'en tirer d'Angleterre, car nostre
guerre nous empesche d'en pouvoir espérer de ce costé là, ne doublant
point que ce fœdus inter Magnesios et SmyrniEOS ne soit excellant. Nous
avons afforce médailles antiques lesquelles font souvent mention de
semblables alliances et associations de cez republiques greques, prin-
cipalement de l'Asie mineur, entr'autres d'Ephese, de Smyrne et de
Pergame, mais je n'ay rien trouvé précisément de celle là de Smyrne
avec Magnesia qu'il me souvienne. Geluy qui descouvrit le premier le
marbre est fort de mes amys^ et avoit une foys commancé de faire tra-
vailler pour l'enlever et me l'apporter, mais il fut tant prié par un An-
gloys qu'il le luy céda, à mon grand préjudice, dont il s'est bien repenty
depuis^. Ce Chronicon Georgii Monachi ne peult estre que trez bon à
imprimer avec ses continuations de Theophanes et d'un autre plus
bas et la version mesme d'Anastasius ''. Il y a quelque chose de sem-
' (tExpecto nunc in dies ex Britannia îi-
beiluin iiiscriptionum aiiliquarum qiia; in
sedibus illuslrissimi coiiiitis Arundelii visun-
tur : eariim plerseque oranes Graecœ siiiit,
ex Asiœ Minoris ora niaritima in Angliam
delate , in quibus tabula ingens , continens
fœdus inter Sniyrnaeos et Magnesios quo
nionimcnto iiuliuni ad nos prelinsius ex
omni anliquitate perveiiissescribunt: titulu»
iiitcllo est, Marmora iVrundelliana.n Voir la
note de Bobsonade contenant de riches ré-
fëreiices et oîi il rappelle, d'après Gassendi,
({ue les marbres avaient ët(! Irouvés par un
agent de Peii-esc, si bien, ojouterai-je, que
les marbres d'Arundel devraient en bonne
justice s'appeler mai'bres de Peiresc. CI', le
recueil Peiresc-Dupuy (voir à la Table le
nom Arundet), et le fascicule VI des Corres-
pondants de Peiresc : Balthazar de Vins (Mar-
seiUe,i883, p. 8).
' C'était Sanson Napollon (voir les sources
indiquées en la note précédente).
' Ou a souvent raconté l'anecdote d'une
façon plus délavorable pour la loyauté an-
glaise. D'après le témoignage formel de Pei-
resc, il n'y eut donc que pression par prières
et non extorsion et violence.
* Holsteniusavaitdit (lettre XIII, p. 98):
rrlHustrissimi cardinalis [Barberini] jussu
descriptura est ex Vaticanis mcnibranis
Georgii Monachi xpovtxàv opus, et ejus con-
tinuator Theophanes, et Anasta^ii Bibliothe-
carii vereio Latina atriusque operis, tura
alia Theoplianis conlinualio. . . Opcraî pre-
288 LETTRES DE PEIRESC [1628]
blable dans la Bibliothèque du Roy, comme vous pouvez avoir veu, au
moings pour ce qui est du texte grec. Et M' Autin que vous cognoissez,
l)eau frère de M"^ Rigault, en avoit entreprins une version latine pour
la faire imprimer avec le texte grec, mais comme il est fort occupé en
sa charge et naturellement fort lent, cela n'est guieres advancé à mon
advis. Le commancement n'est qu'au temps de Pompée, et il eust bien
voulu avoir ce que Georgius Syncellus avoit reprins de plus hault pour
faire l'œuvre bien complette. J'en avois mesmes faict faire la recherche
dans l'Escurial comme le Cavalier Doni' le vous pourra tesmoigner, mais
il se trouve que l'exemplaire de l'Escurial ne commençoit pas plus hault.
Voyez, je vous supplie, si celuy là vient de plus loing ou non, et si
c'est Syncellus ou un autre George, car il y en a eu plusieurs qui ont
entrepris des ouvrages de chronologie assez pareils en quelque chose, et
soit d'une façon ou d'autre, si Mons^'' le card' Barberin veult souffrir
que l'édition s'en face à Paris, je m'asseure qu'il s'y trouvera afîorce
entrepreneurs et la commodité de la version latine de l'Anastasius, bien
que assez mal fidèle en quelques endroicts, pourroit bien faciliter cette
entreprinse. Au reste, si pour accélérer vos géographes vous avez de
besoing des volumes des Navigations du Purchas^, je vous envoyeray
le mien trez volontiers; n'en faictes pas de difficulté de l'accepter. Que
si Ms' le Gard' veult recouvrer celuy là ou autres livres de Paris, soit
par l'entremise de M'' le Nonce ou sans autre entremetteur, faictes que
j'en aye le mémoire et j'y satisferay ponctuellement comme il ordon-
nera, et s'il veult recouvrer quelque fagot ou quelque balle en les
faisant consigner soubs mon adresse chez Gramoisy libraire de Paris ^,
tium foret omnia ista junctim prodire in lu-
cem. 1 H a été question de tous ces auteurs
dans notre tome IV (Lettres à J.-J. Bou-
chard).
' Sur l'arcWoiogue Jean -Baptiste Doni
voir {passim) le recueil Peiresc-Dupuy.
^ Hoislenius (lettre XIII, p. 97) s'était
rëjoui d'apprendre que Peiresc ])ossédait cet
important recueil que lui-même avait voulu
emporter de Paris h Rome, mais, ajoute-
t-il : rExigua; sarcinse quatuor illa vasta vo-
luniina non admittebant. » Le correspondant
de Peiresc reparle du recueil de Purchas ( Na-
vigaliones anglicanas) aux pages 101, 107.
1 1 4 et ne cesse d'en réclamer l'envoi.
* Sébastien Gramoisy est fort souvent
mentionné dans les trois tomes du recueil
Peiresc-Dupuy.
[1628] À riOLSTElNIUS. 289
je les recevray par voies asseurées et les feray tousjours tenir fort fidè-
lement d'icy à Rome dont nous avons des commoditez à toutes heures.
Pour le Nonnus de Heinsius et les epistres de Scaliger, s'il y a rien
([ui vous fasse de besoing j'en ay desja envoyé là, qui ne vous seront
pas refusez, je m'asseure, si vous les demandez, mais la Grecia d'Em-
mius, je ne l'envoyay point, n'estimant pas qu'il y eusl rien que du
commun; vray est que c'est en meilleur ordre que ce que les autres en
ont faict '. J'en ay à vostre service, quand vous vouldrez, et si je trouve
commodité extraordinaire, car le volume est grosset, je le vous en-
voyeray et de bon cœur. J'oubliois de vous dire que sur mes regrets
do ce que les voyages de Purchas en Anglois ne me sont pas intelli-
gibles, on m'a envoyé de Paris une version françoise d'un petit voyage
d'un moscovite au Gattay où j'ay trouvé d'assez jolies curiositez, mais
y trouvant aussy je ne.sçay quoy d'incompatible avec tant d'autres rela-
tions de la Chine, je me rendis curieux de le faire conférer icy sur le
texte angloys par un gentilhomme ecossois qui en print la peine pour
l'amour de moy, mais il y trouva tout plein d'obmissions et de choses
mal interprétées et mal entendues, ce qui me faict bien regretter que
vous ayez esté destourné de la version de cez petites pièces que vous
aviez une foys voulu entreprendre, principalement de celle du Mogor-^
que je regrette sur toutes les autres, combien que j'entends qu'il y en
a de trez excellantes. Mais ce pauvre Purchas n'a pas peu se bien tem-
pérer de mesler en quelque endroict je ne sçay quoy de sa prétendue
religion contre la catholique dont il se seroit bien passé' et dont son
livre n'acquerra pas plus de crédit, à quoy il vous fauldi-a precautionner
((uand vous recevrez ledit livre. Il me reste à vous rendre raison des
' Holsteiiius (lettre XllI, p. 97) s't'tait gol. Voir les Lettres aux frères Dupuy, t. I
plaint de l'absence à Rome de tels et tels et 11 , passim.
recueils indisjiensnbles à ses études, ajou- ' C'est-à-dire : dont il aurait bien dû
tant qu'il attendait en vain depuis un an s'abstenir. Holstenius (lettre \IV, p. lot)
YEmmiits, YHeinsim et le Scali/rer. Voir sur raconte qu'il a connu à Londres le ministre
les trois auteurs et sur les trois ouvrages le Purchas et lui reproche de ne perdre auiune
recueil Peiresc-Dupuv {pnssim). occasion de dire du mal des catholiques, et
■ Peiresc éci-ii toujours Mo(for pour Mo- surtout des Jésuites.
V. 37
tVPKlIftlltl XATIOXAtr.
•290 LETTRES DE PËIRESC [1628]
Eclogues de Constantin Emp% sur quoy je vous diray que j'ay enfin
impttié l'original pour l'envoyer à Paris et le faire imprimer là par
quelqu'un de cez messieurs qui sont capables de telles entreprinses
selon la commodité qu'ils en pourront prendre. Si M' Grottius' y vou-
loit travailler comme ayant plus de loisir et moins de divertissement
que les autres, il s'en acquitteroit trez bien, je m'asseure^; sinon, il
fauldra voir que quelqu' autre l'entrepraigne. M' Rigauit' est si occupé
ailleurs qu'il est bien malaisé qu'il s'y astraigne. Tant y a que d'une
laçon ou d'autre on y Irouvera quelque parly; on y a depuis peu im-
primé la version latine des canons ecclésiastiques de Dionysius Exi-
guus' dont j'envoye un exemplaire présentement à Ms"^ le Gard'. Le
Solin de M"' Saulmaise est encor en arrière soub la presse*, n'y pou-
vant mettre la dernière main, tant il est fécond en ses remarques et
conceptions. M"" Rigault ne lasche pas encor du tout son Tertullian où
il y a encores quelque chose à faire®. Et je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce ait aoust i6a8 '.
' Hugo Grolius est fort souvent men-
tionué dans les trois tomes du recueil Pei-
resc-Dupuy. 11 ligure aussi plusieure fois
dans les lettres de Holstenius (p. Sa , 4o, 6o,
101, io8, ^79, 387, 463, 467). Holste-
nius fait généralement prêcher le nom
de Grotins de la flatteuse épithète amplis-
simus.
' Holstenius donne raison à Peiresc par
cette exclamation (lettre XIV, p. 101) :
"Ulinam vero interpretandi munus CI. Dn.
Grotio imponere possisli'
' De Nicolas Rigault, comme de Gro-
tius , je dirai qu'il est très souvent cite dans
le recueil Peiresc-Dupuy, comme dans le
recueil des lettres de Holstenius. Voir no-
tamment en ce dernier recueil, p. 3q , 1 o4 ,
108, 124 , 317, 3oi, 467.
' Sur Denys le Petit, voir le recueil Pei-
resc-Dupuy, 1. 1, p. 685, 701.
' Voir sur Claude de Saumaise et son
•édition de Solin plus de cent passages de la
correspondance de Peiresc et des frères Du-
p»y-
* LVdition des œuvres de TertuUien de-
vait encore se faire attendre quelques an-
nées, comme on peut le voir dans le recueil
Peiresc-Dupuy.
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
[1628] À HOLSTENIUS. 2<.)1
XIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Par les lettres que le dernier ordinaire de Rome nous a apportées
de la part de noz bons amys, M' Aleandro m'escript qu'il croyoit que
vous m'escriviez concernant vos estudes et les ouvrages que vous aviez
en main, mais il ne s'y est poinct trouvé de lectre vostre, qui servira
seulement d'avis en cas qu'elle eust esté mal adressée, car vous em-
ployez si utilement le temps à voz dignes œuvres que je ne pretendz
nullement vous en divertir pour m'escripre; M' Aubery suppléera fa-
cilement à cela et volontiers, et me fera entendre ce que vous trouverez
bon de me faire sçavoir par luy aux occasions. Il me mande qu'il
vous avoit accompagné à la vigne d'Aldobraudin pour y aller voir la
peincture antique ' et que vous y aviez remarqué certaines choses que
les peinctres n'avoient pas represantées ne entendues en les coppiant et
que vous en vouliez faire un petit discours, dont j'ay esté infiniment
aise et dont j'ay bien voulu vous prier moy mesnies pour en accélérer
l'expédition aultant que vostre commodité le permettra'^ sans retarda-
lion du cours de vos plus importants labeurs, car il me tarde fort d'ap-
prendre ce qui sera de vostre advis sur un si noble subject et de si
difficile interprétation ^.
Aprez cela je desirerois bien qu'un jour de vostre loisir vous eussiez
' Toiil le monde sait que dans une villa lion si difficile, lui qui écrivait h Peiresc
appartenant à la famille Aldobrandini et si- (p. 109) : tcQuid de tota illa piclura sen-
tu«?e à Rome sur le mont Quirinal , on con- liam paiicis significabo, quamvis ad ejus
servait des fresques antiques connues sons explicationem OEdipo non sit opus : ita res
le uom de Noces Aldohrandmes. ipsa loquitur.i Malgré sa magnifique assu-
' Holstenins promit;» Peiresc (leltreXVIl, rance, Holstenius se trompa gravement (uou
p. 109) de lui faire connaître ses idées là- leviter crr;it in explicanda insigni tabula),
dessus, dès qu'il aurait (cnniné sou travail comme s'exprime Boissouade dans une note
sur Porphyre. Le docte humaniste revient (p. 118) où il cite les meilleures iulerprë-
sur ce sujet, p. 118 et 1^7. tations de Pignoria (tG3o), de Ikeltiger
^ Holstenius ne croyait pas l'interpréta- (1-810).
37.
292 LETTRES DE PEIRESC [1628]
bien considéré et examine les figures gravées en bas relief sur un grand
vase antique d'esmail qui a voit esté autrcfoys du feu cardinal del Monte
et qui est maintenant de M^" le cardinal Barberin, qui est une des
belles pièces de toute l'antiquité, ne croyant pas que guières de gents
puissent mieux déchiffrer que vous toutes les figures qui y sont re-
présentées, ayant la cognoissance que vous avez de toute la meilleure
antiquité, mais cela n'a point de hasle et se doibt faire tout à loisir
selon que vous aurez les moyens de le voir plus d'une fois et d'y
songer.
On m'escript aussy de Rome qu'on y a veu la Notice Marmorum Ariin-
delianonim , avec des notes de M"" Seldcnus' avec qui j'avois autrefois
eu des habitudes que mon absance de Paris avoit interrompues et que
ces dernières guerres ont fait cesser entièrement. Nous avions quelque
espérance que de la foire de Francfort il en pourroit venir quelque
exemplaire, mais les bruicts de la maladie de Lyon la nous font perdre
tout à faict; mandez moy si ce fœdus Smyrnaeorum y est inséré tout au
long ou non, car ce tiltre de Notitia ou Index me faict craindre qu'on
ne se soit contenté de faire un desnombrement desdits marbres sans les
insérer tout au long. J'avois escript à Paris touchant ce que vous mô
disiez du Georgius Monachus et du Theophanes de Mons' le card'
Barberini et de leur version par continuation tant d'Anastasius Biblio-
thecarius que d'un autre du temps de l'Emp. Léon. M'' Rigault m'escript
et d'autres aussy que M'' Aultin, qui a longuement travaillé sur cet au-
theur et faict de trez rares observations en la chronologie ancienne ^
se pourroit bien resouldre d'accellerer le dessein qu'il avoit de les faire
imprimer s'il voyoit l'exemplaire de mondit seigneur Cardinal pour le
conférer avec ceux de la Bibliothèque du Roy. Si vous jugez que ce
' Sui- Jean Selden, voir le recueil Pei- sonade, qui traduit Altinum par Hautiin
rcsc-Dupuy, ;>assim. (p. 109, noie a), cite sur cet helléniste
' Sur ce docte conseiller au Cliâtelet de XOnomnMicoii de Saxius, la Bibliothèque
Paris, voir les trois tomes du recueil Pei- grecque de Fabricius,la Vie de Peiresc par
resc-Dupuy. Holstenius en parle assez Ion- Gassendi,
guement (lettre XVII, p. 109, 1 )o). Bois-
[1628] À HOLSTENIUS. 293
soit chose qu'on n'eust pas dezagreablc de par delà, nous en escririons
à mondit seigneur le Gard"' pour ayder le public à recouvrer de si
bons autheurs et moyennerons que ce soit sans le frustrer de l'hon-
neur qui luy est deub sur ce subject et sur le soing qu'il a d'obliger le
public et la mémoire de cez anciens autheurs.
J'escripts à M"" Aleandro touchant l'édition de certains fragmentz
d'une bible Aegyptienne antique dont le nis. est ez mains de M"' P" de
la Valle^; vous pourriez bien vous employer à cela et nous dire un jour
vostre advis de cette langue et des caractères dont elle est escripte. Si
parmy vos recherches de livres vous rencontrez des œuvres de Car-
dan - non imprimées, ne négligez pas, je vous prie, de voir à peu prez
ce que ce peult estre et de nous en donner un mot d'advis; j'en escripts
aussy à M"' Aleandro et vous prie d'en conférer avec luy et me tenir
tousjours,
Monsieur,
vostre trez humble et trez affectionné sei'viteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce a A sept. 1628 '.
XIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Lundy dernier M"' Dormale* arriva chez nous sain et saulve avec voz
lettres du 3 octobre^. Je le receus sinon selon le mérite singulier de sa
' Sur le voyageur Pierre délia Valle, * Sur l'humaniste Henri Dormalius, voir
voù' le recueil Peiresc-Dupuy, pa*sîm , mais le recueil Peiresc-Dupuy, t. I, p. ySo, 7^1
surtout 1. 1, p. 545. et 1. 111, p. 819 et suivantes.
' Jérôme Cardan est mentionne dans les ' Cette lettre est insért'e sous le n° XV dans
trois tomes du recueil Peiresc-Dupuy, à par- le recueil de Boissonade (p. t oa-i o4 ). Hol-
tir de la page 5i8 du tome 1. stenius y loue beaucoup la vertu et l'insigne
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce érudition du chanoine et le recommande
"° 1 1. très chaleureusement à Peiresc, "unum te
29i LETTRES DE PEIRESG [1628]
vertu et de son érudition, à tout le moings, avec le plus de tesmoi-
gnage qu'il me fut possible de ma bonne volonté, et de mon inclina-
tion toute entière à l'Iionorer et servir de tout ce qui dépendra de nioy
et des miens. Je lui ay baillé chambre céans, où il demeurera tant
qu'il luy plairra et sera traicté sans cérémonie, comme s'il estoit mon
propre frère. Vostre recommandation et celle de M' Aleandro' (quand
il n'auroit pas eu tant de recommandables qualitez comme il a de son
chef) peuvent tout sur moy et sur toute noslre maison. Les grands
bruicts de la maladie de Lyon et autres henx circonvoisins le tiennent
un peu en allarme et en grande irrésolution de ce qu'il fera, et quel
chemin il pourra prendre s'il ne trouve bon de s'arrester icy comme
je l'en prie. S'il eust preveu cet inconveniant, il n'eust bougé de Rome
de cet hyver, à quoy il n'eust rien perdu nomplus que vous, puisqu'il
vous pouvoit soulager de quelque travail , que vous ne confierez pas
possible si facilement à un autre, moings versé que luy en la routtine
des anciens MSS. Je luy ay mis en main le MS. des Eclogues de
rEmp[ereur] Constantin^, et d'abbord rencontrant les Eclogues tirées
des Chroniques de Georgius Monachus, je fus fort aize de voir qu'il y
recogneut que c'estoient vrais fragments de celuy qu'il a transcript aa
Vatican pour M?"" le card"' Baiberin, autre que celuy qui commence à
Pompée. Mais il ne se ressouvenoit plus jusques où il continue, ce-
luy cy vient jusques à Théophile empereur. Vous pourrez vérifier sur
les MSS. de delà, s'ils viennent aussy bas ou non, et me ferez faveur
de m'en advertir. 11 y rencontra hier en passant le temps un passage
qu'il croid debvoir estre de vostre goust, dont il vous escrira, je m'as-
seure. Ce meseroit un grand contentement qu'il y eust de quoy donner
la pasture à vostre curiosité, en chose qui fut digne de vous. Mais je
omnium Gallonim , et amanlissimum lilte- * Holstenius n'avait pas manque de dire
raruni, el litteratoi-um faulorem. . .t.. à Peiresc cotiihicn Dornialius était un habile
' Holstenius dit (p. loa) que Dormalius pali'ographe : crMiraberis, scio, hominis dex-
a iiisistd pour êlre recommandé à la fois par teritatem in scriptis codicibus tractaiidis,
les deux correspondants de Peiresc : "tam qua me vix queniquam ilii parem vidisse
sollicite a me atque Aleandro libi commen- memini.îi
dari petierit.D
[1G28] À IIOLSTENIUS. 295
crains bien que ce qui vous pourra avoir eschappé soit peu de chose.
S'il en veult transcrire ce qui n'est imprimé que nous sçachions, il ne
tiendra qu'à luy, car j'en ay eu la permission bien ample. Et si luy ne
le faict, je n'espère pas qu'aulcun le puisse faire en ce pais, car nous
n'y avons pas des gents entendus qui puissent vacquer à cela. Et c'est la
principale cause pour quoy l'original n'est pas encores passé à Paris,
d'aultanl qu'on avoit regret de le bazarder aux dangers dos chemins,
sans qu'il en demeurast quelque copie des principales pièces, pour v
pouvoir recourir en cas de perte de l'original. Si ce personage icy se
peult donner cette patiance, il nous obligera bien trez tous, et subsi-
diairement le public, car par ce moyen il pourra accellercr l'édition de
ce qui en sera estimé digne. Il a commencé de transcrire le plus court
qui est tiré des Chroniques de Joannes Malela, dont je n'avois pas en-
cor ouy parler, nom])lus que luy. Et si nous pouvons bien discerner
ce qui est de Nicholaus Daniascenus, j'ay bien envie de le luy faire
transcrire tandis que je le tiens. Ce qui est du Polybe et du Dion Cas-
sius est de plus longue haleine, comme aussy du Joannes Antiochenus,
qui coramance à Adam, et finit à l'empereur Anastase. Hors de ce vo-
lume là, je ne pense pas que nous luy puissions rien fournir qui vaille
en cette langue là, venant comme il faict des mères sources du Vatican
et de cez autres grandes et curieuses bibliothèques d'Italie, dont j'ay
prins grand plaisir de le faire discourir. Mais je souhaicterois bien que
le nombre y fust plus grand de persones bien amoureuses de cette
belle estude, si recommandable, et toutefois si peu cultivée en ce
siècle. Je l'ay enquis fort particulièrement de vostre santé et de voz
estudes, et comme j'ay esté trez aise d'entendre vostre guerison entière
depuis cette grande et violante maladie qui vous avait si maltraicté, j'ay
esté un peu fasché d'apprendre que vous en soyez demeuré si affoibly,
et que vous vous laissiez emporter à la passion que vous avez pour
l'estude, plus avant qu'il ne fauldroit pour voz forces, et pour le lieu
où vous estes, oi!i c'est que la température chaude faict une assez
grande dissipation d'esprits, sans y coopérer avec une estude trop ex-
cessive.
296 LETTRES DE PEIRESC [1628]
Quant à voz ouvrages, je ne double poinct que vous ne les puis-
siez mieux assortir et perfectionner en ce lieu là qu'en tout autre,
à cause de la commodité et abundance des MSS., mais les imprime-
ries y sont tellement enrouillies en matière des lettres grecques et hu-
maines, que je crois que vous aurez bien de la peine à rien tirer des
mains de cez ouvriers là, qui ne vous couste une infinité de temps dont
la perte ne peult estre qu'inestimable pour vostre regard, et pour le
public, qui a interest que vous vacquiez à la partie de l'estude la plus
noble, plus tost qu'à celle là. Mais si ne debvez vous pas pourtant vous
lasser de bien faire et de mettre en estât de voir le jour cez belles
entreprinses que vous avez en main. Et s'il est trop difficile de les faire
imprimer de par de là, il y aura bon moyen de se prévaloir des presses
de Paris, oij vous avez de bons amys qui y surveilleront volontiers pour
l'amour de vous et du ])ublic. Et sur ce, aprez vous avoir réitéré les as-
-seurances du fidèle et inviolable service que je suis résolu de rendre à
M' Dormal , je finiray demeurant.
Monsieur,
voslre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 10 novembre au soir, 1628.
[En marge.^ Si M"' d'Ormale se resoult de passer oultre en France,
je ne manqueray pas de l'accompagner de mes lettres envers tous cez
Messieurs que vous me nommez, et de leur faire voz excuses'. Au
reste vous me mandez par la lettre que M'' d'Ormale m'a rendue de
vostre part, que vous m'aviez escript peu de jours auparavant, c'est à
dire par l'ordinaire du moys de septembre, mais je n'ay pas receu vostre
' Holstenius (p. loi) chargeait Peiresc de Peiresc et des coinniissions que le voya-
de recommander Dormalius à Rigault , au geur devra faire auprès de lui. Le reste du
R. P. Vassan, etc. La lettre XV est suivie programme s'applique seulement à des sa-
d'un document intitule : Commonilorimi lutations destinées aux savants de Paris nom-
Henrico Dormalio Roma proficisceiiti(p. io5- nii^s ci-dessus el, de plus, h Grolius et au
108). Dans ces instructions il s'agit surtout P. Sirmond. !
|lf)28] À HOLSTENIUS. 297
lettre. 11 fault sçavoir à qui vous l'aviez baillée. Je n'en ay poinct eu
(le vous depuis celle du moys dejuillct.-Si vous les envoyez à M'' Aubery
ou à M' Aleandro, elles ne courront pas de fortune d'eslre esgarées
on bien les envoyer droict à Genfs [couvert par la reliure].
J'approuve grandement le soing que vous prenez pour acquérir
quelque entrée aux langues orianlales d'où dépendent les plus no-
tables origines de l'antiquité. 11 fault pour y aller de meilleur pied
que vous ayez la cognoissance dell' lllust'"° S'' Pietro délia Valle, et
que vous voyiez les livres MSS. qu'il a rapportez du Levant, et spé-
cialement les Samaritains et ^]gyptiens. M'' Aleandro et M' Le Bret
vous y serviront volontiers, et M^'' le Gard"' mesmes n'y refusera pas
je m'asseure son intervention si bosoing est".
XV
MÊMF. ADRIÎSSK.
Monsieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire de Rome ou de Gènes vostre
lettre du 3 de ce moys^; j'en avois receu d'autres précédantes du 3 oc-
tobre le lundy 3o du mesme moys d'octobre par les mains du s"" Dor-
inalius, seulement trois jours aprez le passage du dernier ordinaire,
desquelles je vous accusay la réception 3 ou A jours aprez, par voye
extraordinaire du costé de Marseille soubs adresse du s' de Gastines à
M' Aubery pour vous oster de la peine où vous eussiez peu astre concer-
nant la navigation dudict s''Dormalius qui vous escripvit aussy un mol
par mesme moyen. Je fis tout ce que je peus pour retenir céans ledict
s'' Dormalius, à tout le moings ])our cet liyver, en attendant le beau
temps. Mais il me tesmoigna tant d'envie de passer oultre que je n'osay
y résister, ne m'abeurter au contraire, à cause des bruicts de la ma-
' Ribliollièque Bnrberini, vol. 79, pièce n° la. — ' Lettre n° XVII (p. tog-i i4).
T. 38
IirKtVCtIK RtTIO^ltK
298 LETTRES DE PEIRESC [1G28|
ladie contagieuse dont noz voisins estoient desjà bien affligez et incom-
modez. De crainte qu'il n'eust subject de se plaindre de moy s'il se
trou voit engaigé icy avec nous, et que le malheur fust tel (ce que Dieu
ne veuille) que le mal arrivast jusques à nous, comme il ne scroif
pas difficile, quelques précautions que nous y puissions apporter, si
nous n'en sommes préservez par une grâce de Dieu bien spéciale. Il se
résolut donc de partir huict joui"s aprez sa veniie, et ayant sceu que
non seulement la ville de Lyon, mais beaucoup d'autres sur les che-
mins d'icy à Paris estoient infectées de la maladie, il délibéra de laisser
pour à celte heure le voyage de Paris, et de se retirer chez luy par
le chemin le plusdroict, et le plus exempt de tout soupçon de mal.
Il choisit le chemin de Sisteron pour s'ailler rendre par le Haull Daul-
phiné à Grenoble (où je le recommanday au s' président d'Expily ') en
intention de s'en aller par les païs des Suisses gaigner la rivière du
Rhin, qui le peult porter aiseement jusques bien prez de chez luy. Je
l'advertis de voir en passant .s'il pouvoit la bibliothèque de S' Gal^
et si .son chemin l'obligeoit de passer le Rho.sne à Genève, de voir le
s' Jacques Godefroy et ses MSS. et que s'il prenoit le chemin de la
Franche-Comté, il vid le s' Chifflet à Bezançon ^; il promit de vous,
escrire aussy tost qu'il seroit chez luy. Je luy avois icy mis en main le
MS. des Eclogues de Constantin Porpiiyrogenete, et eusse esté infini-
ment aise qu'il eust voulu prendre la peine d'en transcrire ce qui
n'estoit pas imprimé, dont je luy eusse volontiers baillé une honiieste
recognoissance de sa peine. Mais luy ayant faicl commencer le peu
qu'il y avoit d'eclogues tirées des chroniques de lOAN. MALELA qui
' Claude Expilly, ué à Voiron (Isère) en
décembre i56i, mort à Grenoble en juillel
1 630 , président au parlement de cette ville ,
poète, orateur, hi.storien, etc., fut un des
coiTespondanls de Peiresc. Nous le retrouve-
rons dans la série des Lettres à divers.
' On sait que la bibliolbèque de Saint-
Gall contient de très précieux manuscrits et
que c'est surtout à ce point de vue qu'elle
peut être considérée comme une des plus
belles de l'Europe.
' Sur le médecin et l'érudit Jean-Jacques
Chifflet, voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. 1,
Il et lll, passtm à partir de la page 279 du
tome I. On trouvera dans la série des Lettres
à divers la correspondance de Poiresc avec
Chifflet publiée d'après les autographes con-
servés à la bibliothèque de Besançon,
[If,i28] À HOLSTENIUS. 299
necontenoieul que trois feuillets du MS. , il en transcrivit deux feuilletz
et n'eut pas la patiance d'achever le troisiesme restant, qui fut la cause
que je n'osay pas le presser d'aultre chose quelqu'onque, et me con-
tentay de jouyi' de la doulceur de sa conversation durant ce peu de
jours qu'il s'arresta céans et de luy faire raccomler ce qu'il avoit veu
(le voz estudes et loiiahles dessains, et des plus curieux MSS. qui es-
toient passez par ses mains, principalement du Vatican, à quoy je prins
irez grand plaisir. Je m'enquis aussy particulièrement de vostre santé,
de Testât de vostre fortune, et fus bien marry d'entendre la foiblesse
qui vous estoit demeurée de vostre grande maladie, et que les bene-
lices de Lubec et de Bremen n'eussent pas esté de secours si présent
comme je me l'estois promis. Mais l'espérance qu'il me donna d'une
bonne collation de l'arclievcsque de Cologne me consola un ])(!u. Il
fauldra s'armer de patiance, et croire que le temps vaincra toutes difli-
cultez, et que l'eminance de vostre vertu et de vostre érudition parlera
incessamment pour vous, et vous fera procurer l'entretien qui vous
pourroit eslre duysable. Cependant je vous ay bien de l'obligation d*;
l'honneur que vous m'avez procuré en la cognoissance dudict s' Dor-
malius, que je prise et honore infiniment, et que je tascheray tousjours
de servir de toute mon affection ', bien marry que les appréhensions
de la contagion m'ayent osté les moyens de le mieux servir, soit icy à
son passage, ou à la cour en ce que je l'eusse trez volontiers i-ecom-
mandé à tous mes bons amys, pour luy rechercher quelque digne em-
ploy. J'y veilleray encores, si apre'z les subjects d'appi-ehension cessez,
il songeoit de se venir promener à Paris, ou icy, comme il sembloit
nous en domter quelque espérance. Je serois trop long si je pensois
vous toucher touts les poincts dont nous avons discouru ensemble,
principalement ce qui est de voz estudes, ne pouvant que vous en
loiicr liaultement, et vous animei' tant que je puis à la poursuitle
' Si Peiresc fui content de Dormalius, ce ad nie scripsil litteras sane litimanissinias .
dernier ne fut pas moins content de son quibus multuni se benevolentia; tua; oli-
hôte, comme nous l"ap[ii'end Holstenius strictum profiletur, quod hospiti et ijjniWo
(lettre XIX, p. i-m) : trDsrmalius eo die œdes aniniunique tam promte aperiieris.i
38.
300 LETTRES DE PEIRËSC [1628J
(l'iceulx. Pi'iiicipalement à ce (|uil est des géographes' (|ue j'estime ne
pouvoir eslre assez prisez. Bien serois-je d'advis que pour vous ac-
commoder à l'air du pais où vous estes, et à la profession des Patrons,
vous voulussiez mettre au jour cez belles et sa incles Homélies desSS. PP.
non encores veues, qui ne peuvent estre que trez bien et favora-
blement receucs d'un chascun, et aprez vous pourriez vous mettre
au reste. J'ay bien gouslé ce qu'il m'a dict de voz Arrianus et
Oppianus et ay veu le temps que je vous eusse bien peu servir pour
le Nemesianus'- de feu Ulysse AIdrovandi (jui estoit fort de mes amys^,
mais à cette heure mes habitudes sont bien diminuées de ce costé là.
Et puis là où tant d'autres personnes s'en meslent, je veux croire
(jue vous le desterrerez infailliblement de quelque part. Quand vous
serez en estât de les envoyer à Paris, j'en escriray volontiers à mes
amys, et crois que tout ce qu'il y a de plus curieux entre les gents
de lettres contribuera volontiers son crédit et sapaine pour faire réussir
l'édition selon vos souhaicts. Ce qu'il m'a dict encores de l'HcrmipjJUs
ou de cez deux dialogues de l'AsIronomic est. bien curieux et merile
bien de n'estre pas négligé'. Encores moings vosire carthe de l'Ager
Romanus cum viis publicis. Mais parmy tant de grands et dignes la-
beurs, n'oubliez pas je vous supplie un petit mot sur vostre advis de la
peinture antique des Nopces, qu'il me tarde bien de voir descbilVrer à
' G"est-îi-dire : eu ce (jui est des géo-
(ji'aplics , en ce (jui regarde les géographes.
' Holstenius avait dit (leltre XIV, p. i oa ) :
ff.Arrianuin et Oppianuin cdilioni paralos
hnbeo, quos Lut'^liaj excudendos iniltani,
(jiia priniuni Ntraesiaui libruni de Aucupio
Bonoriia accepfro.i Et encore (lellreXVlI,
p. iio) : ffNunc tolus suni in pervesli-
gando Nernesiani libro de Aucupio, qui
pênes Ulysscni Aldrobanduin Bononia; fuit ;
ted hactenus eum ex cubilibus in (juibus
iatct prolrabere non licuit. n Holstenius ajoute
tju il enverra ses lra\ aux manuscrits à Séb.
(Jramoisy, qui a promis de les imprimer.
' Ulysse AIdrovandi, le célèbre nalu.'a-
liste de Bologne (i5aa-i0o5), ne publia
que les quatre première tomes de l'Histoire
iwturelle qui parut à Bologne de iSg^ ii
1668 (i3 vol. in-fol.). Sur les relations de
l'eirefc avec AIdrovandi, qui eut tant a se
louer de sa gc'nérosite', vrir le récit de Gas-
sendi, h l'année lOoa {Do vita Peiresl-ii
liber primus , p. 79-73).
' Il est question dHermippus (do Her-
niippo, sive duobus Dialogis de aslronomicis
rébus) à la page 106 du Commonilorium
déjà cité.
[1629J À HOLSTENIUS. 801
vostre modo, pourvcu que ce soit sans vous iiicominoder. Et sur ce j»;
finiray pour le présent, priant Dieu pour vostre santé et prospérité
comme celuy rpii est et sera à jamais,
Monsieur,
vostre Irez luimble et trez oblifjé seivileur,
DE Phusesc.
A Aix, ce 28 novembre 1628.
J'onl)liois de vous dire que M'' Fabrot ' se sent infiniment redevable
à vostre courtoisie, pour la communication de ce beau passafje de
l'A. Celle, que vous avez si lieureusement et admirablement suppléé,
dont il fera l'bonorable mention qu'il doibt en ses Commentaires, avec
les éloges d'honneur les plus grands qu'il vous pourra i-endre, advotiant
([ue cette correction (istoit si nécessaire comme il est Irez véritable, que
l'allégation n'en vaudroit rien du tout en Testât qu'elle csloit. Je vous
remercie encores de mon chef, de la cbarité que vous avez exercée
audit s"" Fabrot qui est de mes anciens amys, et qui est bien vostni
serviteur et grand admirateur do vostre génie et de (out ce qui vient
de vostre main-.
XVI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
.l'ay esté infiniment resjouy d'une part à la réception de vos lettres
du a/t nov[embre]^ et à la première veue du dessein que vous aviez
' Sur le jurisconsulle Aniiibat Fnbrot, l'Esprit des Jouruau.v, -i-i' année, lyfî-K
voir lo iccucit Peircsc-Diipuy, où il est si p. aoa-aay. Pour donner seulement deux
souvent mentionna. exemples, mais bien frappants, de ctUr
' iîiblioibèfpio IJarbsrini, vol. 79, pièce incorrection, je dirai cpie le mot ,soM/>fo/i .i
n' 1.3. Mna cojjie de cette lettre existe au étë imprime' scabion et que le niol de rcclirf
Brilisb Muséum (Add. ms. 1 9, 97a , 1^ 7.^; a ctd imprima de manchcz.
intlifalio;) de M. Lt'on Dorez). Le document ' Dans lo recueil do Boissonade c'est la
avait éié très incorreclement publii? dans letlre XVIII (p. iiS-iiq).
302 LETTRES DE PEIRESC [1629]
faict, de l'adveu et suggestion de Monseigneur le Gaid^', de faire le
voyage d'Oriant'. Mais j'ay esté grandement surprins, et un peu mor-
tifié, voyant le terme si proche que vous preniez pour vostre parle-
ment, que mes lettres ne vous sçauroient plus trouver à Rome si vostre
voyage n'est tout à fait rompu. Et que je suis par ce moyen privé de
(oute commodité de vous y servir. Mais si par les lettres du dernier or-
dinaire que nous espérons avoir dans quinze ou vingt jours j'apprends
lien d'asseuré de ce que vous aurez voulu faire, je vous escriray en
Constantinople , et y adresseray mes lettres au s"^ Gnez ^ à qui M' de Thou
avoit eu ses adresses, et vous feray envoyer comme audict s' de Thou
des lettres de recommandation aux consuls de la nation françoise par
loutes les villes de la coste de mer oii il y en aura, avec toutes les in-
structions que je vous pourray fournir, et lettres de crédit pour vostre
besoing. Ne pouvant assez louer vostre courage et vostre charité envers
le public. Mais j'appréhende foit que vous ne vous morfondiez en ces
pérégrinations par terre, et que vous n'y rencontriez de tréz grandes
incommoditez parmy la barbarie de cez peuples. Je procureray aussy
des lettres du roy à M"' l'Ambassadeur de France ^, pour luy comman-
der de prendre soing particulier de vostre personne et de tout ce que.
vous y pourrez acquérir. Si je vous avois peu gouverner quelques jours
sur cesubject, il me semble que je vouspourrois fournir quelques petits
advis qui ne seroient pcult estre pas inutiles, pour vostre soulagement,
et pour vous faciliter les moyens de frapper d'une pierre plusieurs coups ,
non seulement en ce qui peult estre des livres MSS. mais aussy des
autres monuments de l'Antiquité, voire mesmes des médailles que
plusieurs grands et doctes personages négligent, à faulte d'un peu d'ad-
vis, d'oii il se tire d'excellentes consequances et lumières neantmoings,
' f...Nuper inter alios sermones illus- tinople. Voirie recueil Peii'esc-Dupuy, t. I,
Irissimus cardinalis serio raecuin agere cœ- p. 719.
pit de itinere in Grœciam iiislituendo, ad ' C'était alors Henri de Gournay, comte
perqidrendos libres veteres atque aiia anti- de Marchevillc, si souvent mentionné dans
quitalis monumenta.Ji (P. 1 15.) le recueil Peiresc-Dnpuy.
' Négociant marseillais établi à Gonslan-
[1629] À HOLSTENIUS. 30:{
pour cez- origines et aiitiquilez greques. Mais il est niaiaisé de Lien ex-
primer ses conceptions par la seule escritlure; il y fault la vciie t'I
communication de presance. L'importance est que vous puissiez avoir
du fonds competant pour la despance nécessaire à l'acliept dos livres
et autres singularitez que vous rencontrerez. VA pour vous redimer
plus d'une foys des forfanteries de ces canaille (stc), qui sont si mer-
cenaires et de peu de foy, vous eussiez plus de besoing de la compa-
gnie du s' d'Ormal que de celle du s"' Menestrier ', qui eust esté bon à
la suitte de M' de Thou, et qui auroit peine je m'asseure de s'astraindre
i\ la faligue à laquelle vostre humeur l'atlacheroit, oultre les autres
considérations que vous avez trez bien recogneiies. Je prie h Dieu qu'il
bénisse voz syncores intentions, et qu'il me donne le moyen de vous
l'endre quelque utile service. Je pense que ledict s' d'Ormal soit ciiez
luy longtemps y a, je n'ay poinct eu de ses nouvelles depuis son par-
temcnt. Le bruict de la contagion luy fit un peu de peur, et le fit sou-
dainement rcsouldre à passer oultre, dont je n'osay le destourner avec
la violance que j'y eusse apportée, crainte que si le mal s'approchoil
jusques à nous, il n'eust des reproches à me faire de l'avoir retenu et
fait courir fortune trop légèrement. Vous aurez eu de ses lettres par la
voye de la mer et de l'ordinaire de Gènes que je pense.
J'atlendois bien impatiemment vostre advis sur le subject de celle
peinture antique des nopces. Et avois tousjours bien jugé d'icy mesmes
que les coppistes s'estoient infailliblement abusez, en cez couronnes de
femmes, comme je l'escrivis inconlinant à M'' Menestrier. ayant esté
bien aise que vous l'ayez faict advouer à M"" Aleandro et à M"" le Gava^
de! Pozzp, croyant qu'il fera corriger la planche-. Mais tousjours ine
' Holsteiiiiis avait écrit h Peiresc(|). 117) (lobrandinis;cuicumindicasseniobservaluiu
que leur comimm ami Aiihrry lui avait cnn- a mo pictores falso coronas aiireas innlir-
seiiié de prendre pour compaff non de voyage rilms fescenninis addidisse, (pias e\ tt,)ri-
Claiide Menestrier. bus fuisse indicia non obsciira indirant, ac-
' Voici ie passage de la lettre XVllI de cessit et ipse cum Dn. Aleandro, alipic
Holslenius relatif aux nocex Aldobraudines: opinionem meam accuraliori ins|>erlion<
irDn. eques l'utcamis serio nunc cogilat d conlirniavil.»
evulganda pirtiira iila antiqua ex liortis Al-
30Zi LETTRES DE PEIRESC [1C29]
laisrez vous affamé de sçavoir voslre sentiment du subject de ladicte
peinture, et m'eussiez infiniment obligé do le mander en si peu de note
que vous eussiez voulu pour ma satisfaction particulière et pour la de-
ferance que je porteray tousjours à tous voz sentiments, et à tout ce
qui pourra venir d'une si bonne main comme je tiens estre la vostre.
Quant au livre de Thevet' ^es Isles^, c'est la vérité que je ne pense
nullement que ce puisse estre rien qui* vaille, ayant cogneu des gents
qui se mocquoicnt de hiy et luy forgeoient par passe-temps des figures
d'islesà plaisir, lesquelles il l'aisoitincontinant graver, le pauvre bonime,
comme si c'eust esté chose bien fidèlement portraicte. Voire quand il en
avoit de bonnes, on luy reprocboit que la figure n'en esloit pas bien
agréable à la veûe, et qu'elle iroit mieux d'estre plus arrondie ou plus
quarrée, ou plus triangulaire, ou pentagone, et aussytost il cbangeoit
tout, et y conformoit ses dessains innocemment, et sans considérer qu'on
se mocquoit de luy. Ce qui ayant esté descouverl fut cause que per-
sone ne voulut faire la despance de l'édition, comme je crois qu'elle
ne vauldra jamais rien, toutefoys je'ne laisray pas d'en escrire à Paris
pour essayer d'avoir une cspreuve de ses planches. Et si tost que le
courrier de Lyon se pourra rcstablir, j'y en escriray aussy pour sçavoir
ce qui s'en peult espérer et tascher de procurer le contentement k
' Andrt' Tlievel, né îi Augoiii^me en
i5o9, mourut à Paris en novembre 1690.
On s'est beaucoup occupé du voyageur et
fie l'auteur; on en a dit du bien et du mal,
mais jamais on n'a éciit sur lui luie page
aussi piquante et curieuse que celle que
Peiresc lui consacre.
^ Reproduisons ce qu'avait écrit Holste-
nius (lettre XVIII, p. u8) : trHeri sub
nocte indicabam iilustrissimo cardin:di vi-
(lisse me Pansiis apud lypograplumi ingens
volunien Andi-eœ Tbeveli quo iusulas omnes
Maris Inlerni describit, quas œre cxpresse-
rnt salis eleganter, nescio quam vere el fide-
liter; descriptio cnim ipsa fabulis ac nugis
nieris ila erat permixta, ut poelarum fig-
menta jurares, non Iiisinrici narralionem :
ut illuslrissiuii Thuani jndiriuni de bominis
vanilate verissimum esse deprebenderim.
Exlat id opus Lugduni apud btcredes Tbe-
veti una cuui labulis aîneis,quas dixi:iila-
runi exemplar videre cupercl illustrissimus
cardinalis, si pretioinipelrari posset; earuni
potissinunn quœ circa Grœciarn jacent, qua»
non paruin mibi ad instilutum protlessent :
sed vereor ut extorqueri ex illorum manibus
seorsini iwssint.i^ Boissonade, sous ce pas-
sage, a cité les lernies du très sévère juge-
ment expi-inié par le président de Thou sur
le crédule et igiioranl Tbevet.
[1629] À HOLSTENIUS. 305
Monseig'' le Gard"' puis qu'on luy a mis cela en l'esprit. Sur quoy es-
tant pressé et violante de clorre, je le faicts à mon grand regret pour
ne perdre la commodité de ce passage extraordinaire, demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peuiesc.
A Aix, ce ag janvier 1629 '.
XVII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Attendant de vous escrire plus au long par l'ordinaire, je faicts seule-
ment cez deux motz pour servir d'adresse à deux ou trois empreintes
de médailles antiques desterrées, depuis peu pour veoir si vous auriez
rencontré quelque chose qui servit à nous esclaircir de ce que ce peult
estre. Non autre. Je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 1 mars 1629 *.
XVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Avec les lettres du dernier ordinaire d'Avignon qui revint de Gènes
il ne s'en trouva aulcunc de vostre part, mais quelques jours aprez
M'' le vice légat d'Avignon m'en envoya une qu'il disoit s'estre trouvée
' Bibliotlièque Barberini, vol. 79, pièce n° i5. — ' Bibliotlièque Barberini, vol. 79,
pièce non nuine'rotëe placée entre les n" 1 5 et 1 6.
T. 39
mrRtHCRIE RITIOXALS.
306
LETTRES DE PEIRESC
I1629J
lors dans son pacquet, laquelle je pensois estre aussy fraische que les
autres que j'avois leceues de Rome par ledicl ord'^', mais je trouvay
qu'elle estoit datléc du 99 sept. ' et que c'estoit celle que vous m'aviez
accusée par M'' Donnai, laquelle je pensois estre du tout perdue. 11
lault qu'elle eust esté oubliée à Rome niesmes chez le Secret"" à qui
vous l'aviez reconnnaodée. Le principal est'^ qu'elle se soit enfin portée
jusques à nous; j'ay prins plaisir d'y voir les éloges que vous y donnez
audit s'' d'OrmaP et la relation qu'il vous plaict me faire de cez chro-
niques de Geor{jius Syncellus et de celles de cet autre Georfjiils Mo-
nachus, ensemble de ses continuateurs Tlieoplianes et les autres deux
qui le suyvenf*; c'est grand daumage que le nom de son neveu
se soit perdu. J'ay bien eu un peu de regret d'entendre que ce qu'on
vous avoit montré du Diodorus Tareensis n'aye pas respondu à la bonne
opinion qu'on en avoit conceu, mais tousjours est ce quelque conso-
lation que ce, soit ouvrage de la bonne antiquité ^ Les inscriptions du
eonte d'Arondel n'ont point encore peu paroistre en ce royaulme"; il
n'y en a point eu dans Paris asseurement, tant est rigoureusement ob-
servée l'interdiction du commerce d'Angleterre qui faict que malaisé-
ment aurons nous des exemplaires des Navigations de Purchas, si le-
traiclé de paix ne s'achève bien tost, et sans ce que vous mavez mandé
de vostre si prochain voyage du Levant, je vous aurois envoyé les
miennes, mais j'ay bien veu que si elles vous trouvoient party, elles
' C'est la leUre XIV du reciipil Boisso-
nade, écrite rf die festo Michaeiis Archangelii
(p. 98-100), c'est-à-dire le 99 septembre.
' Nous dirions en pareil cas : L'important
est.
' rrHomo simplici candore et virtule, nec
al) vdia re mjgis aversus quant ab inani
oslentatione. . . « (p. 99). Et un peu plus
loin : nQuam piimum isitii iunotuit, cœpi
opéra ejus in Graecis transcribendis uti; quo
in génère brevi adeo exercitatus evasil, ul
uuUum ego Grœcum cum ipso comparari
posse existimeni. -r ,
' Holstenius avait racont»! à Peiresc
(p. 99) , qu'ayant recommandé Dornialius au
cardinal Barbcrini, il avait obtenu que l'ha-
bile helléniste fût chargé de transcrire ces
divers auteurs.
^ Réponse h ce passage (p. 100) : (tDe
Diodoro Tarsensi spes me fefellit; neque
enim is auctor est , quod relegendo cognovi ;
nec tamen , quod proverbio dicilur, thésau-
rus carbonis. Opusculum clegans est. . . quem
perantiquum esse multis argumentis credo, r,
° Holstenius avait dit (p. 100) qu'il at-
tendait de Venise les Marmara Arundelliana.
[1629] À HOLSTENIUS. 307
courroient fortune de se perdre, et qu'aussy bien dans cette conjoncture
des préparatifs de vostre partenient, vous n'estiez pas en estât de songer
à l'édition de voz Géographes; mais si nous avons advis que vous difl'e-
riez vostre partement, je vous envoyeray trez volontiers mon exem-
plaire quand je n'en debvrois jamais recouvrer d'autre', sçacliant bien
qu'il ne sçauroit eslre mieux employé. J'ay advis du passage de M"' Dor-
malius par la Franche Comté en bonne santé; vous aurez, je m'asseure,
eu de ses nouvelles de chez lui. Voilà pour respondre à la vostre.
A quoi j'ay creu debvoir adjouster à faulte d'entretien de lil)vres qu'il
s'est trouvé depuis quelque temps en Languedoc en un lieu nommé
Murviel, MVRO VETERI par delà Mompelier, grande quantité de mé-
dailles grecques antiques de cuivre dont il m'est tombé quelques unes
en main; elles sont la plus part de la ville de Marseille; seulement y en
a il quelques autres meslées de 2 sortes, l'une où il y a d'un costé un
lyon fort golfement' faict qui est possible tout autre animal qu'un lyon,
au dessoubs duquel se lisent clairement cez letlros BHTEPPAT, comme
si c'estoit pour Besiers qui n'est pas loing de là, n'y ayant qu'une teste
ce semble de femme de l'autre costé. L'autre sorte est un peu plus
grandette et a d'un costé une teste de Mercure avec son petasus et son
caducée et au revers un tripos ^ d'Apollon avec l'inscription AOrrOC-
TAAHTOIN, lequel nom de ville m'est tout à faict incongneu, et je
vouldrois bien que vous m'en peussiez deschiiïrer quelque chose. En
un autre lieu du Languedoc, il s'est en mesme temps trouvé plusieurs
autres médailles de Marsedle sur une montaigne qui se nomme vulgai-
rement ie Mont Teuton, parmy lesquelles il s'en est rencontré plu-
sieurs fort petites et fort pareilles aux Marseilloises où est représentée
d'un costé une teste d'Apollon et de l'autre un sanglier avec les lettres
SAT. Je vouldrois bien que vous vissiez un peu si vous vous souvien-
driez d'avoir rien veu qui eut du rapport à cela en cez quartiers icy.
Je vous ay envoyé des empreintes de plomb de celles de Besiers et de
cet aultre lieu qui pourroit bien de])endre possible d'un lieu de cette
' Bien g-éntVoiix et luériloire siicriCice de la part d'un liomme qui aimait tant les livres I
— * Grossièrement. — ' Trëpied.
39.
308 LETTRES DE PEIRESC [1629]
coste icy que nous nommons vulfrairement l'Esterel prez de Lyrins ' s'il ne
se trouve chose plus certaine. Avec cez deux empreintes j'en ay adjousté
une troisième d'une médaille de mesme poids, grandeur et manière
de celles de i'Abruzzo BPETTIAN, où se lict fort bien ATKIANflN; il
fauldra voir s'il y auroit en cez quartiers là chose qui y peusl respondre ,
car de l'aller chercher en Candie la manière y estoit un peu différante
de celle de Magna Graecia; vous verrez si cela vous pourroit servir. J'en
ay deux autres où est escript ORRA , oh est représenté un Cupidon d'un
costé qui sonne de la lyre et de l'autre une teste de déesse coronnée
de myrthe, et une troisiesme plus petite où est la mesme teste de femme
et au revers une aigle ou plustost colombe volante qui porte une autre
coronne de myrthe. Or la manière est fort semblable à celles de Rome
et d'allentour, et y sont les ballottes pour marque des onces, à sçavoir
aux grandes en nombre de cinq pour le quineunx et deux à la petite
pour le sextans. Je vouldrois que cela vous fust duisable, ou quelque
une de cez pièces pour le moings. Au reste puis que nous sommes sur
les médailles, je vous veux envoyer l'inscription de trois qui seront cot-
tées au billet cy joinct dont vous pourrez voir l'empreinte de l'une ez
mains du sieur Menestrier. Je vouldrois bien avoir peu deschiffrer le-
lieu où elles peuvent avoir esté cognées-; songez y un peu, je vous sup-
plie, et m'en escrivez vostre advis à vostre loisir, tandis que je seray
attendant de vos nouvelles et que je demeureray. Monsieur,
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce a mars iGag, en hast^.
J'attends toujours si vous pourrez vous resouldre de me mander au
moings en gros ce qui vous semble de la peinclure antique; vous pour-
rez voir ce que j'escripts au s' Aleandro touchant cez prétendues co-
ronnes qui estoient si suspectes et qui semblent estre mittres de
femmes, et vouldrois bien que m'eussiez mandé vostre sentiment, sans
' Lerins. — • Frappées.
[1G29] À HOLSTENIUS. 301)
vous amuser à donner ies preuves et authoritez des anciens, pour ne
différer plus longuement d'assouvir noslre curiosité de ce costé ià. Je
vous serviray en revanche, etc. '.
XIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
J'aurois beaucoup de choses à vous escrire sur voz deux despesches
du 25 febvrier^ et aS mars^ que je seray constrainct d'abréger à mon
grand regret pour m'estre laissé desrober le temps que j'y avois des-
tiné. Le decez de M"" Aleandre ne m'a pas esté moings sensible qu'à
vous*, encores que vous y ayez esté plus intéressé en vostre fortune
temporelle, car c'esloit une amitié cultivée entre nous prez de trente
années entières, et par consequant, quasi depuis que j'avois commancé
à me recognoislre dans le monde, mais avec une délectation de ma
part, la plus grande qui se fust peu souhaiter, car son génie et son hu-
meur estoient merveilleusement à mon goust et il sembloit prendre
un plaisir nom pareil toutes et quantes foys il se presentoit occasion de
m'obliger et de me communiquer ses estudes, où il y avoit tousjours
de si belles choses à apprendre, principalement pour moy, que ce
ra'estoit un aliment nom pareil, vous asseuranl que de m'en estre veu
sevré si inopinément, ce m'a esté un coup grandement sensible et dont
je me recognoistray tant que j'auray de vie^, et le mal est que la part
' Bil)liothèque Barherini, vol. 79, pièce
11° 16. Autographe.
* La lettre du 26 février porte le 11° XIX
dans le recueil de Boissonade (p. 1 90-1 3q).
" La lettre du 28 mars est inscrite sous
le n° XX (p. 1 33-1 ^11).
' La lettre XX dëbutc ainsi : tfDe Ci.
Hieronymi Aleandri morte puto jam aliomm
literis ad le nuntiatuni fuisse, cujus inleritu
Italia maguo lumine, et universa res litera-
ria insigni ornamento orbala est; et licet
non dubitem quin gravis ea jnclura mnltis
accident, milii tamen puto omnium gravis-
simam esse, qui non solum aniico, sed unico
renmi meartim prassidio, luctuoso hoc casu
privatum me sentie, n
' A rapprocher des regrets exprimés j)ai'
Peirosc dans sa correspondance avec les
310 LETTRES DE PEÏRESC [1629]
que vous prenez en cette perte rengrege grandement ma propre dou-
leur pour l'honneur que je vous porte et la participation que je pre-
tendz en tous voz interests, jugeant bien le préjudice que vous y avez
receu et qui ne peult que durer longtemps aussy bien pour vous que
pour moy. Mais il fault nous resouldre de vouloir ce que Dieu veult,
puis qu'il n'y a pas d'autre remède à ce malheur, et attendre de sa divine
bonté le supplément tel qu'il luy plairra nous en faire; pour mon re-
gard, je me promets que vous ne trouverez pas mauvais (jue je vous
subroge en son lieu et place et que je recoure à vosire iionnesteté tout
aussy librement que j'eusse peu faire en la sienne, estant bien marry de
n'avoir les reins assez forts et de ne pouvoir pas contribuer de mon costé
rien de comparable à ce que vous pouvez fournir du vostre; mais du
moings n'y aura il jamais à désirer la bonne volonté, la sincérité et la
fidélité toute entière que vous trouverez tousjours en moy avec toute la
correspondance qui se pourra jamais attendre d'un homme de ma sorte.
Mesme envers M^' le Gard' je ne manqueray poinct de vous rendre
tous les meilleurs offices que je pourray, et desja dez le premier advis
que je receus de cette mort, je le priay instamment de vous faire mettre
en main les mémoires qu'il avoit appreslez sur le Kalendrier constan-
tinien S préjugeant que vous seul pouviez y donner la forme selon les
vœux du pauvre deiïunct et suppléer tout ce que son infirmité ne luy
avoit encores permis de vérifier à son gré. J'en feray une recharge et
croys que le gentilhomme que vostre modestie vous avoit faict nommer
pour y travailler auroit trop de peine d'en venir à bout et ne respon-
frcres Dupuy (l. Il, p. io5-io6 et p. 679-
680).
' Peiresc sYtait l>eaucoup occupé, dans
sa correspondance avec Aleandro, du mo-
nument connu sous le nom de Calendrier de
Constantin. Voir surtout les pages 68-70 du
recueil des lettres de Peiresc à r Jérôme Alean-
dro n publié par Fauris de Saint-Vincens
ou de Saint-Vincent, car les deux formes se
retrouvent en Provence et ailleurs (Pa-
ris, 1819, in-8°). llolstenius (lettre XX,
p. 1/10) signalait, parmi les manuscrits
laissés par 'Aleandro, un recueil d'observa-
tions sur ce calendrier, «explicationum Ve-
teris Kaleiidarii, de quibus sa;pe iiifer vos
sermo et litterae inlercessenmt.i 11 ajoutait:
r-Obscrvationes in Scbeilis dispei-sic latent,
ita tamen ut non magno negotio ab liomine
perito antiquitatis in ordinem redigi pos-
sint. 71
[1629] À HOLSTENIUS. 311
droit jamais à ce que vous y pouvez faire, encores que pour autres
choses je l'estime trez cappablc de se di{;nement acquitter des meilleures
entreprinses qu'on sçauroit faire, mais à celle cy il y a je ne sçay quoy
de particulier qui me semble de vostre génie plustost que du sien'.
Pour les autres diverses observations il m'en a voit faict voir icy M o ou
12 chappilres grandement curieux et m'avoit promis de m'en laisser
faire transcrire la pluspart, mais son passage fut un peu précipité^ de-
puis celte parole donnée et m'avoit donné espérance de le faire faire
dans Rome. J'en ay pourtant quelque pièce et feray instance pour faire
mettre le tout au jour si je puis de par de là si on le veult, sinon je
feray imprimer à Paris ce que j'en auray. Ses epistres ne pourront
aussy estre que trez bien receues et méritent bien de voir le jour ', et
je pense que c'est à quoy il y debvroil avoir moings à faire, attendu
que l'exactesse u'y est pas requise si grande qu'aux autres ouvrages où
il importe de traicter plus à fonds les matières qu'on entreprend, que
dans des lettres missives qui s'escrivent comme si c estoil en passant et
négligemment.
Aprez ce compliment de condoléance, il fault que je vous en rende
un autre de conjouyssance, comme si Dieu vous avoit voulu compan-
cer et reparer cette perte qui donnoit si grande attainte à la tempo-
ralité de vostre fortune, en vous ayant faict prouvoir de cette prevosté
d'Hambourg, dont je vous félicite de tout mon cœur^, priant Dieu
qu'il vous en fasse jouyr aussy paisiblement et aussy longuement que
' HolsteniiLs avait en ternies gracieux veu d'Urbain VIII s'y arrêta pour voir le sa-
posé, pour l'édition du manuscrit d'Alean- vant conseiller au parlement de Provence et
dro, la candidature de Joseph-Marie Suarès ses belles collections,
(p. i4o). Voii- sur le futur dvô(j|ie de Vai- ' Aleandro ne passa que quelques jour-
son, si souvent mentionné déjà, une note nées dans la maison de Peiresc.
de Boissonade remplie d'excellentes indica- ' frTertiura [le 3* ouvrage manuscrit
tions (p. ia6). laissé par Aleandro] Epislolarum est, quas
' On sait qu'AJeandro avait été l'hôte de amicis scripsit stylo, ut non ignoras, jwli-
Peiresc, en 1695, quand le cardinal F. Bar- tissimo.n (P. i4o.)
berini et sa suite traversèrent la Provence ' Holstenius avait donné beaucoup de
pour se readi-e à Paris. Aleandro revint à détails à Peiresc sur ce cauonicat dans la
Aix quand, au retour de la légation, le ne- lettre XIX (p. laa).
312
LETTRES DE PEIRESC
[1629]
vous le souliaictez, et qu'il fasse prospérer et réussir selon vostre mé-
rite touts vos beaux et louables desseins et pérégrinations de quelque
costé que vous les tourniez, où le public y trouvera tousjours son compte
et son advantage très grand, et n'ayez pas de regret que rien se di-
vulgue de tout ce qu'il vous plaira me confier.
Des MSS. grecs de cez Platoniciens je ne vous puis rien promettre
pour encores de si certain comme je desirerois ', parce que l'homme
à qui ils appartiennent faict un peu le rcnchery ^, et bien qu'il eust
envie de les vendre (comme il s'est enfin vérifié) s'est longuement faict
tirer l'oreille, avant que parler clair là dessus et puis pour y mettre un
prix, à quoy il s'est enfin laissé porter, mais fort excessif à mon gré^,
et pour ne vous rien celer, croyant qu'il importe aulcunement que
vous sçachiez tout ce que j'en ay peu tirer, il dict que cez libvres sont
la plus ])art escripls en papier de la propre main d'un grec naturel
homme docte qui avoit fort voyagé par les bibliothèques de la Grèce
et aulcunes de l'Espagne et Italie, nommé Avêpeas Aapfiapjos qui se
soubscrivoit emSixvpios et se disoit neantmoings estre Gandiot, soit
d'origine ou d'habitation*. Dict en oullre qu'il les achepta plus de
/lo ans y a de cet liomme à raison de (juattre francs par cahier et qu'ils-
luy revenoient à 3oo** dont il inciste à retirer son argent, qu'il voul-
droit employer à la finance d'un olfice qu'il a achepté pour un sien
filz, laquelle a esté taxée à ladicte somme de Soo^* qu'il vouldroit bien
trouver moyennant la vente de cez livres, sans toucher à ses revenus
ordinaires et sans rien divertir de son fonds. Je luy ai respondu tout
' Holstenius, en plusieurs de sos lettres,
tëmoignait le plus vif di^sir, la plus ardente
impatience de posséder ces manuscrils. Voir
notamment lettre XIX, p. i23, où il jure
devant Dieu (Deum immortalem teslor) que
leur communication serait pour lui le plus
pre'cieux des bienfaits.
" Boissonade (note de la page i a3) rap-
pelle, d'après Gassendi, que le possesseur
des manuscrits en question était le juriscon-
sulte Pacius et que Peiresc les acheta à son
ancien professeur pour les donner à Holste-
nius.
' Peiresc eut à payer fort cher le plaisir
d'obliger Holstenius en achetant pour son
correspondant les manuscrils tant convoités
par ce dernier.
* Sur le calligraphe Andréas Darmarius ,
voir le tome IH du recueil Peiresc-Uupuy,
p. 56, gi, etc.
[1029] À IIOLSTKMUS. 313
ce dont je luc suis peu adviser pour le ranger au debvoir et en rogner
tout ce que je pourray, et y feray de bon cœur toute sorte d'efforts .pour
ne les pas laisser cschapper, puisqu'ils vous peuvent estre duisahles,
au nioings quelques uns d'iceulx, et ne sera nullement de besoin^ que
vous mettiez en peine de l'argent, car nous y pourvoirons Dieu aydanl
comme il appartient au meilleur mesnage que faire se pourra, mais il
y fauldra un petit de paliance pour esviter qu'en pressant nous ne nous
lassions rançonner par gents impitoyables. J'essayeray de ne prendre
que ceux que vous aymez le mieux, mais s'il n'y a pas moyen d'avoir
les uns sans les autres, je ])rendray le tout volontiers pour vous des-
pailii- tout ce que vous en vouldrez comme de tout ce que j'auray ja-
mais à ma disposition qui vous sera entièrement desdié. Ne pouvant
voir l'heure que vous ayez mis en estât de voir le jour un si grand ou-
vrage que celuv de la restauration de cette sorte de philosophie, qui
semble la plus noble et la plus plausible de toutes.
M' Dormalius m'oblige trop de se souvenir ainsiti de moy sans que
je luy aye rendu aulcun service ne aulcun tesmoignage qui vaille de
la bonne volonté que j'eusse eu de m'en accpiiltei- en son endroict. Si
j'eusse, sceu que Dieu nous eust si bien préservé de la maladie (|ui
nous menassoit, je l'eusse violante comme les pèlerins d'Einaus, el
je ne l'eusse poinct laissé ])artir au moings de cet hjver et (|u'il
n'eust tiré tout ce qui se pouvoit prolliter de meilleur dans nostre vo-
lume d'Eclogues, mais l'espouvante estoit quasi si universelle en tout
ce pais icy et je le voyois chancelier en sorte que j'apprehendois de me
rendre coulpable de grands reproches, au moindre mal qui arriveroit
icy à l'entour, el (|ue la seule appréhension ne fust suffisante pour faire
tort à sa bonne santé el y apporter de l'alleralioii.
Il m'avoit parlé de ce nis. grec de chimie' dont je Pavois bien
aiïeclucuscmcnt remercié comme d'une matière (|ui n'a jamais esté de
iMoii goust, el ne luy en ay pas moings d'obligation (pie s'il me 1 avoil
donné el si c'esloil ([uel(|uo pièce des meilleures de toute l'antitpiité, sa
' Voir lu letlre \1\ tle llolstenius, |). i -iu.
T. 4o
llirBI«l.lllK ItTtOVitC.
314 LETTRES DE PEÏRESG [1629]
bonne volonté m'obli^jcant inniiimcnU Mais pour les inss. et médailles
de la bibliothèque de Jacobns Susius ', si on en voyoit quebjue inven-
taire ce seroit ce qui pourroit cliastouiller la curiosité et faire iiaistre
l'envie d'y entendre si on trouvoit que le recueil eust comprins des
choses de nostre goust qui sont principalement pour les médailles celles
qui sont grecques, ou autres que les simples monoycs de Rome tant
sous la republique comme l'Empire, c'est à dire qui sont coigiiées
hors de l'Italie.
Ce seroit une œuvre bien charitable et méritoire de procurer que
cez belles notes de ce pauvre Susius sur Manile, Germanicus, Horace,
Catulle, Lucrèce et autres ne se perdissent pas et veissont le jour tost
ou tard. Si vous faictes jamais de voyage de par delà, vous en viendriez
iacilement à bout, je m'asseure, si vous l'entrepreniez. Cej)endant
quand vous escrirez audit Dormalius'^ je vous prie de l'asseurer que
je suis bien son serviteur et que je vouldrois bien le luy pouvoir tes-
moigner, et que quand il nous vouidra escrire il ne fault qu'adresser
ses lettres à Paris à M"" du Puy ou bien les mettre soubs une enveloppe
air llluslrissimo Ms' Bagni noncio Apostolico in Francia, et puis les
envoyer au nonce de Cologne, par lesquelles voyes je les recevray fort
seurement, sans qu'il s'incommode en rien.
Je suis bien inarry que l'édition de voz géographes se difl'ere et
voys bien que l'espérance que vous avez conceue de cez grandes pé-
régrinations de la Grèce vous y engage insensiblement pour en pou-
voir parler plus pertinemment, mais si j'estois à vostre place, je voul-
' Sur Jacob Susius, baron de Wande- las Suys. C'est la prcinièro inexactitude, il
staek , petit-fils du célèbre bibliophile liégeois est juste de le faire observer, que nous ren-
Daniel Susius, voir le recueil Peiresc-Dupuy controns dans un recueil où les notes neuves
(t. 111, p. 33i-33Q, 382). Relevons ici une abondent.
erreur de Boissonade disant ( p. 1 53, note 3): - Dormalius, alors à Liège, avait offert
tr Agilur, ni falior, de literaria supelectile ;Yi- lous ses bons offices au sujet de l'acquisition
co/. Susii, vulgo5«^«, jesuila belga(s»c), de des trésors de la collection (De Susianis
quo cf. Sax. Onom., l. IV, p. 2o5.t Le \)ré- nuniisnialis(«i'c), libris schedisf|ue ) : ffOpe-
iioni de Jacob donne par Peiresc au descen- rani suani ofl'ert, in perquirendis et excu-
dant du collectionneur montre assez qu'il liendis omnibus.')
n'est nullement question ici du jésuite Nico-
|1(i'29] A HOLSTENIUS. 315
drois avant que d'cntrepi-endre cez voyages faire au moings une bonne
odilion du texte de touts ces petitz autlieurs assemblez en un corps,
sauf d'y adjouster par aprez vos notes et [dus grandes observations à
vostre retour afin (pie cependant le public tinst lousjours ce beau gaige de
vostre favorable main, ce qu'aulcun autre ne sçauroit faire comme vous.
J'ay prins plaisir de voir ce qu'il vous plaict remarquer de Besiers'
et ne faicls difficulté qu'à souffrir la diphtongue aprez la première
lettre B où vostre subrogation du A pour A estoit si bien séante, car si
la médaille peult avoir quelque prérogative sur l'escritture des libvres,
il y fauldroit de nécessité un H, et quand Pline parle des vins de
BETEHRA - il semble compiendre ceux qu'on appelle aujourd'huy vins
de Fiontignan qui sont fort célèbres et se recueillent fort prez de
Rosiers^, et n'employé qu'un E simple en la seconde lettre ou première
voyelle de ce mot.
Ne trouvez pas estrange le Berginen oppidum d'Avienus inter Rlio-
dani ostia', car dans l'isle de Camargue entre les deux principaux bras
et embouscheures du Rhosne, il y avoit autresfoys un village qu'on
tient avoir esté ruiné du temps des Gotlis nommé Orgon, et y a en-
core un eslang qui porte ce mesme nom d'estang d'Orgon, et qui est
ainsin qualifié dans les anciens tillres de 3oo ans en ça qui peult bien
estre cet Ugernum castrum Arelatensium de Greg[oire] de Tours et de
Cyprien, car celuy qu'on appelle aujourd'huy Orgon sur la rivière de
Durance est bien plus loing d'Arles et est du diocèse d'Avignon, à une
lieue seulement de la ville de Cavaillon^. Ërnaginum est chose toute
différante*^ que je prendrois pour un lieu qui a nom aujourd'huy Ey-
' Voirlaictti'eXXde Holstcnius,p. i3G, •' Chef-lieu de canton de r<iiTondisseinent
1.3 7. d'Orange.
'■' Livre IV, ciiapitre 6. ° Peiresc combat ici le sentiment de Hol-
' Fronlignan est un cbet'-licu du dt'par- sienins (}ui avait écrit (p. )38) : frBerginen
toment do i'Héraull, sur l'étang de Maguc- laiiien non dubilo pronuntiare Cerginum vel
lone,à s!o kilomètres de Montpellier. Ernaginuni esse, vulgo Orgon. 1 Voir sur
' Sur les 0/w w«n(/«)<p de Feslus Avie- Orffon le recueil Peiresc- Dupuy, t. Il,
nus et sur Berginen oppidum, voir la p. li;!.
lettre XX de Holslenius, p. 187 et i38.
lio.
316 LETTRES DE PEIIIESC [10-29]
ragues prez de Tarascon en allant à Avignon, où il y a d'excellents
vins'. Miramas est nn village d'impoiiance sur la rive de l'Eslang de
Martigues sur une colline perrée j)ar dcssoubz comme celle d'entre
Naples et Pozzuolo par les anciens. Je vonidrois avoir examiné tout ce
([u'Avienus escripl de celte coste en votre présence; possible y trouve-
rions nous quelque rime sinon toute la raison que nous vouldrions. Il
y a prez d'Arles un estang et un quartier nommé de Trebon, qui vien-
droit possible à ce Trebala "; quand les ruines ont esté si grandes en un
|)aïs, il n'est pas inconveniant que la mémoire de plusieurs clioses se
confonde.
Quand j'avois rapporté l'inscription ATKIANilN à la Candie, c'estoit
sur ce que j'avois autresfoys veu ce me sendjle dans le Clément Alexan-
drin de cez peuples qui sacrifioicnt des hommes à Juppiter, mais je me
pourrois estre aequivocqué et n'ay pas maintenant le loisir de m'en
esclaircir, et j'ay tant esprouvé que la ressemblance des monnoyes el
de leur manière itiduict souvent le voisinage des villes qui ies ont
battues, mesmes quand c'est soubs des simboles pareils, que tost ou
tard ce voisinage sest vérifié et tiens pour certain <|ue cela se trou-
vera de cez peuples icy qui sont de la Magna Grœcia ou de la Sicile. ,
où les mœurs et reglemens estoient fort convenables et propor-
tionnez les uns aux autres en ce temps là. Il y fauldra songer plus à
loisir, car d'induire facilement des faultes dans cez pièces publiques,
si ce n'est lorsqu'elles sont manifestement faictes de golfe et ignorante
main d'ouvrier, je ne pense pas qu'il soit trop à propos-^; je faicts cette
exception parce que l'ignorance de l'ouvrier paroissant en une chose
se trouve souvent suyvre en l'autre, mais en celles qui sont d'excellente
main, comme celle cy, je me double que cela ne puisse pas avoir lieu
' Commune des Bouciies-du-Rhùiie , ai- ' (lu admirera la sagesse éclairëe de Pei-
rondissemrnt d'Arles, oanlon de Cliàteati- resc opposant le respect des textrs antiques
TJf'ni'i'd. aux procédi's rôvolulionnaires de certains
Holstenius (p. i38) avait mentionné critiques qui veulent tout modilicr el ne font
le Trnbalœ paludcm , dont il est question dans que tout bouleverser,
quelques anciennes éditions d'Avienus.
|1G29] .\ IIOLSTKNILS. ;'.17
si facileinonl. Pour lo nom d'OlUiV ne doublez point ({u'il ne se doive
iaj)))orler à quelque lieu ', comme quand on licl en pareilles médailles
liOMA, et trouverez enfin que c'est dans l'Ilalie, cl que ce n'est pas
loinjj de Rome, cl possible bien prez de ce PAISTUM- d'où j'ay des
médailles assez pareilles à celles là.
Mais vous m'avez grandement obligé de l'advis de ce lieu de la I^\-
die qui porloil le nom de THMENOT 0TPAI qui m'esloil escliappé
dans Pausanias\ et suis bien marry que la presse du temps m'em-
pescbe de l'aller voir présentement comme j'eusse voulu, avant que
vous respondre sur ce subject. 11 fauldra le remettre à une autre
foys, seulement vous diray je que j'ay aflorce médailles de la mesme
contrée de l'Asie mineur et de la Lydie en particulier, qui sont de la
mesme mam'ere que ctlles d'où sont tirées les inscriptions que je vous
avois envoyées, en deux desquelles est représentée la déesse Home
et en la troisiesme d'un costé Castor et PoUnx et de l'autre une lest»;
du fondateur de ladite ville que l'on pourroit prendre pour Hercule.
si nous n'avions une infinité d'images de ces premiers beros qui res-
semblent entièrement à Hercule; enlr' autres j'ay une médaille de
lIPIIINEiiN NEQK d'un costé de laquelle est représentée l'image d'Ion
((}ui a donné le nom à l'ionie), si sendjjable à Hercule comme si elle
avoit esté faictc pour luy mesme, avec linscriplion lOxN KTICTACl,
ce qui me faict juger que celle de la médaille de Temenotbyre, où
est la seule qualité de KTICTAC sans le nom propre à l'entour d'un
visage fort semblable à Hercule, soit de ce Temenus qui se disoit issu
de luy.
Joubliois de vous remercier de l'advis que vous me donnez du pas-
sage par la Toscane de cet Anglois qui est au comte d'Arundel. qui
promet de donner au public cez beaux livres MSS. qu'il a recouvrez
' Orra pst une ville de Calabr>>. Mionnel ' Pwsluni, «ujoimtliui Pesi«, sur la côlo
classe parmi les monnaies incertaines d'ila- de la Lucauie, célèlire par ses ruines el par
lie les lirouzes d'Orra. Ces iiioiiriaies sonl ca- ses rosiers.
rarU'riséos par une tète d'Apollon iainvo ,'i ^ Attic, c. 35, ,S 0. Voir la leUre \\
droite et un Amour debout jouant delà lyri'. de Holsloniiis, p. i38.
318 LETTRES DE PEIRESC [1629]
en Levant ' ; si vous en recouvrez l'indice, vous m'obligerez bien de m'en
faire envoyer une coppie, comme je verrois volontiers une coppie de
ce que le s' Patricius Junius^ vous avoit escript par cy devant des
autres mss. qu'il avoit desja envoyez de Grèce. Le copiste de M"^ Au-
bery pourra vous soulager de la peine de le faire transcrire, et si vous
avez un jour l'indice aussy de ceux de ce dernier ambassadeur an-
glois retourné de Constantinople, je pense qu'il y aura de bien bonnes
choses.
Un ancien conseiller de N''" Parlement qui a eu de trez bonnes cu-
riositez de libvres m'a asseuré avoir parlé à un personnage digne de foy
qui asseuroit d'avoir veu quelque part dans cette Grèce, gueres loing
du mont Athos, un fort gros volume de Polybe fort bien conservé et
plusieurs décades du Tite Live. Cez mess[ieurs] d'Angleterre font une
grande honte à tout le reste de l'Europe plus civilisée qu'eux au cen-
tuple, de prendre le soing d'aller chercher si curieusement cez rares
thresors de l'antiquité.
Il me resteroit à vous entretenir sur le subject de la peinture antique
sur lequel je trouve voz sentiments beaucoup meilleurs et plus ])lau-
sibles que touls autres que j'eusse encor ouv dire, et ne vouldrois pas
vous avoir faict perdre du temps contre vostre inclination à les rédiger
par escript, mais puisque le pauvre s"" Aleandro qui s'en estoit chargé
ne s'en peult plus acquitter, je ne vois pas que vous vous en puissiez
descharger sur aulcun aultre, et vous obligerez bien le public quant et
moy.
' ffScriptum fuisse nuper ad me ex He- peile Guillaume Pettee et cile sur lui celle
(ruria transiisse istliac Angluin iliuni qucra anecdote de Colomiés : rj'ai appris que
cornes Arundelius in Graeciam anle qua- Pettœus, chapelain du comle d'Arundel,
driennilun miserai, onustum mullis bonis ayant fait plusieurs voyages en Grèce et en
libris aliisque prœclaris antiquilatis monu- Italie, pour en apporter à son maître quan-
mentis, quibus producendis sedulo se ope- titë de raretés, il en fut si mal récompensé
rara impendere velle afTirmarat. i Holstenius ({u'il mourut de déplaisir, n
ajoute (p. 199) qu'il a connu en Angleterre ' Sur Patririus Junius, bibliothécaire du
ce voyageur: tromnium bonarum literarurn roi d'Angleterre, voir le recueil Peiresc-Du-
egregie peritumii. Voir, au bas de cette puy (t. I, p. 181, 908). Cf. noies de Bois-
page 129, une note de Boissonade qui i'ap- sonade (p. 8 et 1 29).
[1G29] .\ HOLSTENIUS. 319
Vous ne ine dictes rien du vase d'esmail antique ' lequel mérite
hien aussy.de passer par vostre examen, et puis que le s' Doni en a
la îjarde, il ne fault pas doubler que vous ne le puissiez voir quand
vous vouldrez, estant bien certain que vous ferez plaisir singulier à
M^ le Gard' de l'esclaircir de ce qui se peult jufjer d'un si digne ou-
vrage.
Sur (uioy je finiray en vous baisant trez humblement les mains et
demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur.
DE Peiresc.
A Aix, ce 97 avril tôag*.
Je plains bien le desadvantagc que vous aurez quand M"" d'Aubery
se resouldra de partir de Rome pour .s'en retourner chez luy^, mais en
ce cas je vous conseille de subroger en son lieu et place M' de Bon-
naire, beau frère de feu M' Barclay, lequel est grandement vertueux et
officieux et vous pourra grandement servir, et vous pourrez vous ou-
vrir et confier à luy au.ssi librement qu'à tout autre que vous sçauriez
choisira Le R. P. Doni an Puy le Chartreux sera volontiers l'entre-
metteur de cette correspondance; je luy en escripts un mol et audit
sieur de Bonnaire, lequel vous ira volontiers offrir tout ce qu'il pourra
de sa part et se tiendra grandement honoré i|ue vous agréiez la re-
cherche qu'il vous en fera.
11 s'est desterré depuis peu en ce pais icy une inscription en marbre
' Le vase possédé par le cardinal Barl)C- coiiipagnie d'Aubery : rrAccedil iiunc, tpiiid
rini et dont Peiresc s'est occupé dans une aniini dolorcm tiilissimi auiici morle cou-
leKre précédente. Iractum non ])arura auget Aubry nostii
'' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce difccssus; ila ut vilani ipsnni et L'rbis an-
n" 17. laïque delicias graves inihi fuluras credani.
' Holstenius, après avoir décrit la dou- in tanla ainicorum orbilate.!"
leur que lui causait la mort d'Aloandro * Au sujet du sieur de Bonnaire. voir
(p. 1 3^1), ajoutait que pour condjle déniai- le recueil l'eiresc-Dupuy , t. I, Il et III,
lieup il allait aussi ('Ive privé de la douce pas.iim.
320 LETTRES DE PEIUESC [1029]
dont j'ay trouvé le fra[)[nient bien extravagant, et c'est grand dommage
qn'elle ne soit entière; en voicy les j)aroles :
BORISTENES ALANVS C.4ÎSAREVS VEREDVS
PER M()\0]{ PALVDES ET TVMVLOS ETRVSCOS
VOLARE QVI SOLERAT PA.XNOMCOS I\ APROS
MÎC VLLVS IXSEQVENTEM DE '
J'ay envoyé coppier les lectres niesmes sur les lieux afin de voir si la
ligure des caractères nouspourroit ayder à devinera peu prez le temps,
et ne manqueray pas de vous en faire part aussy tost que je les auray,
comme jo seray bien aise que vous m'en disiez un jonr vostre advis.
Mais il s'en est descouvert une antre bien plus importante et qui
seroit bien plus utile au public si elle se pouvoit achever de bien lisre
toute entière et dont vous ferez bien vostre proiïict; c'est l'inscription
mentionnée dans Pline des trophées des Alpes dont il s'est trouvé de
trez beaux fragmentz où sont les vrais noms primitifs de tous cez
|»euples des Alpes qui avoient lors esté subjuguez à rcnq)ire Romain,
entre lesquels est faicte expresse mention CATVHIGVM, MED\ LIO-
RVM, VEAMINORVM (?) et autres en la mcsme forme et orlograplie.
de Pline, mais il y en a d'autres grandement diversifiez et bien j)ius
convenables aux noms vulgaires qui se sont continuez en certains lieux
comme ABANATILM que j'estime pouvoir bien quadrer avec un gros
bourg de nos montagne^j qui se nomme ANNAVT ou ANNOT ^, auprez
duquel il y a encor un chasteau célèbre nommé le PLGET DES DE-
NIERS ' et dans les vieilles pancartes PVGETVM DANATRIORVM.
' Cietlc inscription a été bi' n soiixcnt ro- Le même liislorien n'indique pas (hivantiigi-
produite. On la retrouve dans la K»e <fc Pe»- YALanalium, objet de la part de Peiresc
rcsc par Gassendi (livre m, à Tannée 1 6a 9 , d'un raj)procliement téméraire. Dans les
^). ;ioi), ent')urée do ciirieiisi's oliservutions. vieux (cxles. la ville élail apjieiée (M^tnim
' Annol est un clief-lieu de canton du de Auol.
ilépartoineiil des Basses-Alpes. La l'ornic ' Pug.'t-Tliénirrs est un clief-lieu d'arron-
Aiinaut donnée par Peiresc n'est pas indi- dissemenl des Alpes-Marilinies. A-l-on ja-
quée par le chanoine Feraud [Histoire ei mais vu ailleurs l'emploi du mot Deniers
géographie des Basses-Alpes, p. a83-987). pour Tlivniers?
[1629] À HOLSTENIUS. 321
Un de mes amys m'ayant escript de la cour tandis qu'elle estoit à
Suse qu'il y avoit un grand arc triomphal avec le nom d'Auguste et
afforce escritture, je jugeay que ce pourroit cstrc ladicte inscription de
Pline que je le priay de conférer dessus, et se trouva véritable, bien
qu'il y ayt prou de diversité. Elle commence par cez motz transposez
en cette sorte icy
IMP C./ESARI AVGVSTO UIVI F PONTJFICI MAXIMO TRIBVNICIA
POTESTATE XV IMP XVII
Je leur ai envoyé des lunettes de Drebels ' pour s'asseurer mieux de
touts cez noms gentilz de cez peuples gaulois et aussy tost ne manque-
ray point de vous en faire part.
Il y a afforce figures dans les frises pour des sacrifices dei sue ove
laurilia de fort goffe manière au prix du siècle et de la bonne archi-
tecture de toute la fabrique dont vous aurez aussy part des desseins et
griffonenients tels qui se pourront avoir, pour en dire vostre rastellée
à vostre tour si bon vous semble. Mais cela meriteroit que vous pris-
siez la peine d'aller passer par là si vous faictes jamais de voyage en
vostre païs, car vous y trouveriez des merveilles.
J'estime que cez sacrifices pourroient avoir quelque rapport avec
ceux que les decemvirs disoient avoir trouvé dans les livres sybillins,
estre requis et nécessaire qu'on les fit sur les confins des Gaulois,
toutes et quantes foys on leur debvoit faire la guerre.
XX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je ne veux pas laisser passer cette commodité sans vous baiser les
mains et me conjouyr avec vous des bonnes nouvelles de l'arrivée de
' Sur Cornélius Drebels, voir trois mentions dans le recueil Peiresc-Diipuy (t. I, 11,
et III).
V Al
IVPeiaEMC NlTIOHâLt.
322 LETTRES DE PEIRESC [1629]
M' de Thou en Sicile avec lequel je veux croire que vous aurez formé
absolument vostre résolution si vous ferez le voyajjc d'Orient ou non,
dont je seray bien ayse d'estre adverty un peu à l'advauce, si faire se
peult, pour y contribuer de ma part tout ce qui jiourra dépendre de
moy au cas qu'ayez choisy l'affirmative, car je doubte un peu de cela,
et n'oserois vous avoir conseillé de vous aller bazarder aux mesmes
dangers que M"" de Thou y a courus et possible plus grands, comme il
vous y fauldra faire plus grand sesjour. Au reste le bon P. Dom du Puy'
m'a fait teste d'une nouvelle inscription que vous avez descouverte à la
vigne du Card[in]''' Sforza que nous attendrons fout à loisir^. Mais j'ay
esté marry d'entendre les longueurs auxquelles se trouve engagé vostre
Porphyre, ce qui me faict insister tousjours davantage au premier advis
que je vous avois cy devant tesmoigné pour l'édition des autres bonnes
pièces que vous avez ramassées avec tant de soing et de travail pour
en ayder le public et mesme pour cet Oppian et autres que vous faisiez
estât de joindre ensemble et que vous me disiez vouloir envover h
Paris où c'est sans doubte que l'édition s'en fera beaucoup meilleure
et plus belle et sans tant languir, y ayant de si galants hommes qui re-
puteront à grand heur de vous y servir et d'en prendre aultant de.
soing que si c'estoit pour leurs propres œuvres. Je m'imagine que vous
prendrez la commodité du passage de M"' de Thou pour envoyer ce
précieux thresor à Paris, et quand tout ne se trouveroit pas bien prest
et m'en veuilliez par aprcz faire l'adresse icy, tout ira fort seurement
et n'y devez avoir aulcun regret. Cependant si l'affaire tire plus long
traict, il me taide tant de sçavoii" ce que c'est de l'autlicur qui a esrrit
de canibus Gallicis et venatione Gallorum, que je vous supplie de me
mander succintement en quel temps a esté escript ce traicté, s'il y a
rien qui monstre que les chiens eussent esté parmy les Gaulois tenus
en quelque respect et en vénération, soit comme signes militaires ou
dépendances de leurs deilez, aussy bien que d'autres animaulx et que
noz liz et autres choses, ou si vous en avez rien observé ailleurs, vous
Le chartreux Christophe Diipuy déjà mentionné plus haut. — ' Voir sur le cardinal
Sforza le recueil Peiresc-Dupuy (t. III, p. 687).
[1629] A HOLSTENIUS. 323
me ferez plaisir de me le cotter à vostre loisir et de me commander en
revanche plus librement que vous ne faictes. J'attends encore la res-
ponse de l'homme des MSS. grecs sur l'offre que je luy avois faicte de
5oo livres pour tout le contenu en son roolle ', comme je vous dis der-
nièrement, et ne pense pas queladicte responce puisse meshuy gueres
tarder; et feray tout ce que je pourray pour vous procurer en cela
tout le contentement et satisfaction que me sera possible et demeureray à
jamais,
Monsieur,
vostre trez humble et affectueux serviteur,
DE Peiresc.
Avant que clorre j'ay eu responce de l'homme des MSS. lequel fait
bien le renchery et])rend quasi au poinct d'honneur de rien rabbaltre
des 3oo ccuz qu'il a demandez de cez vingt pièces de livres. 11 le faull
laisser ronger son li-ain tant soit peu, cependant je luy ay envoyé of-
frir 9,0 0 ecuz.
A Aix, ce 17 iiiay i6ag'.
XXI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Le passage de rord[inaire] que nous attendions l'autre jour fut in-
terrompu par le voyage extraord[inai]re d'un officier d'Avignon qui
passa par icy sans que j'en fusse adverty, de sorte que mes lettres
sont demeurées jusques à présent que j'estime querordin[ai]re passera
indubitablement. Cependant le sieur Félix est arrivé sain et sauve qui
m'a rendu vostre lettre du 2 1 avril toute i-emplie de vostie accoustumée
' Ce rôle .1 été imprimi* dans le recueil Boissonade (p. i3o-i3i) sous le titre d7»rfftr
librorum manuscriplorum Grœcoriim, — ^ Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce n° 19.
32i LETTRES DE PEIRESC [1629]
courtoisie ', et m'a entretenu quasi tout un jour du bon estât de cette
cour là et des gents de lettres qui y sont, mais particulièrement de ce
qui touche vostre personne, à la santé de laquelle nous avons laict
quelque petit brindes - et du patron '. Il s'en est allé en Avignon fort
gay et en espérance de retourner à Rome à ce moys de septembre.
J'ay veu ce que vous avez coté au bas de vostre lettre concernant la
médaille ATKTANON, et loué" grandement vostre conjecture et sup-
plément du T pour un I dans vostre Proclus, mais pour la médaille,
aprez avoir reveu l'original qui se trouve fort net et fort distinct à i'en-
droict oii est ce I fort cslogné de l'orle, et sans apparance quelquonque
de la barre qui eust deub faire le T, de manière que je ne puis me per-
suader d'y lire ATKTANiîN, au contraire ayant reveu les médailles
pareilles que j'ay en bon nombre avec l'inscription BPETTIiîN je me
confirme tousjours davantage dans ma première imagination que ce
doibt estre quelque ville dépendante de cez peuples de l'Abruzzo dont
le nom s'est possible perdu par succession de temps. Il fauldroit exa-
miner si ce ne pourroit pas estre plustost celte ville que Dion lib. XIX,
page 711, de l'édition d'Estienne, appelle AOTKEIAN et qu'il disoit
estre fort célèbre en ce lieux là de l'Apouille, où les Romains vou-
lurent faire une colonie pour ne perdre le pais. Car je ne pense pas
que l'obmission de l'O micron et de l'E psilon en ces deux diplitongues
puisse estre considérable, puisque promiscuement les anciens met-
toient l'T pour l'OT et l'I pour l'E!. Et qui sçait que tout cela ne
puisse encores appartenir à cez peuples lucains si célèbres en cette
contrée, puisque c'estoit parmy eux que les Rructions firent leurs pre-
mières assemblées ou retraictes et où ils formèrent leur primitive re-
publique au rapport dudit Diodore, au livre XVI page 5i8. Je m'en
rapporteray tousjours à ce qu'il vous plaira en déterminer, comme en
ayant plus de cognoisçance que moy.
' Lettre XXI (p. i4i-i4.3) déjà citée. * Holsleniiis avait fiit (p. 162) : rNunc
' On a reconnu le mot si souvent em- iiiud addo, pro illo ATklANiîN videri ie-
ployé dans les banquets des féiibres. gendum ATKTANÛN , cum marge satis de-
' Le cardinal F. Barberini. tritus sit, et i illud brevius reliquis literis.n
[1629] À iïOLSTENIUS. 325
Je viens de recevoir de Marseille vostre portraict que M' Perdreau a
desployé', dont je vous suis bien redevable, et le tiendray parmi ce
que j'ay de plus cher, avec ceux du Pape^, de feu M'' Barclay, de
M' Groitius, de feu M' de la Scala et autres qui m'ont faict l'honneur
de m'advouer pour leur serviteur, et d'agréer ma petite dévotion ^. Je
vous cscrivis dernièrement la descouverte de ce fragment de l'epitaphe
du clieval d'Hadrian, BORVSTENES, dont le commencement que nous
avons est un peu plus correct que tout ce que feu mess" Pithou et
Casaubon" et M'' Saulmaise en avoient donné. J'apprens qu'il s'est
trouvé en mesme temps un grand morceau de colonne canellée à la
corinthienne, à laquelle pouvoit estre pendue la table de marbre où
sont gravez les six ou sept premiers vers qui se sont conservez. J'at-
tends au premier jour la commodité d'envoyer prendre l'un et l'autre
sur les lieux oij il a esté desterré pour le conserver céans en vérifica-
tion de ce qu'en escript Dion qui semble descrire et l'epigramme et la
colonne. Il fault dire que ce cheval luy mourut lors des voyages qu'il
fit dans les Gaules soit en l'année li de son Empire, quand il passa
oultre jusques en la grand Bretagne, soit en l'an 6'='""' quand il fit
bastir la basilique de Nismes, auxquels temps se trouvent battues ses
médailles avec l'inscription ADVENTVI AVG. GALLlyE.
Le 3o may'.
' Sur ic peintre Perdreau , voir le recueil les lettres aux frères Dupuy, 1. 1 , p. 44 , 45 .
Peiresc-Dupuy, t. II, p. aa4, et t. III, 5o-52.
p. i5o, i6a. ' Gassendi(Iiv. IV, p. 33i, 33a)acilé.
* Pciresc possédait le beau portrait d'Ur- au sujet de i'épitaphe, Pierre Pithou et Cn-
liain VIII par Simon Vouet. saubon.
' Sur les portrails d'hommes célèbres '' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
dont Peiresc avait forme une galerie, voir n° aa.
326 LETTRES DE PEIRESC [1629]
XXII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je receus hier par voye cxtraordijiaire de Gènes une lettre vostre
bien fraische du 26 may' en responce de ia mienne du 27 avril, et
fus un peu lionteux de l'equivocque qu'il y a eu entre nous sur la taxe
des mss. grecs que vous avez creu n'estre qu'à 3 00 libvres ou cent
escus, et toutefoys je pensoys vous avoir escript que l'homme à qui ils
appartiennent^ disoit en avoir payé 3oott[écus] qui sont 900 livres,
.le ne l'aurois pas laissé recognoistre au prix de cent escus, car en efTect
la première ofTre que je luy envoyay faire fut de 5oo libvres de toutes
les 20 pièces qu'il y a ou environ, et depuis les ayant luy refusées, je
luy ay olFert 200 escus par un homme à qui j'ai mesme donné charge,
s'il void de pouvoir lier marché et s'en saisir sur le champ, d'y ba-
zarder jusques à cent pistoles qui n'est pas guieres moings que ce qu'il
avoit demandé. F^e mal est qu'il prend quasi au poinct d'honneur que
j'aye rien voulu retrancher de s;i première demande, en sorte qu'il-
semble qu'il veuille faire à croire qu'il ne veultplus rien vendre à aulcun
prix, mais quoy qu'il die, j'estime qu'il les vendra, veuille il ou non
tost ou tard, et que ce ne sonl que cérémonies et artifices d'un homme
qui me veult rançonner, encores qu'il m'aye d'ailleurs de grandes et
signalées obligations. Ses enfans sont tous bandez contre luy en ma
faveur, sçaichants ce que j'ay faict pour eux et pour luy^ Mais il y
fault un peu de patiance, aullrement il fauldra se laisser rançonner.
Laissez moy, je vous supplie, faire la guerre à l'ceuil et ne vous
mettez poinct en peine de l'argent, car la partie est toute preste dans
' Lettre placée sous le n" XXII dans le Pacius oublier tout ce que sa famille et lui
recueil Boissonade (p. 1 43-1 60). devaient à la bonté' de Peiresc. Mais Pacius
' !Nous avons déjà vu que c'était le célèbre était alors bien âgé et peut-être n'avail-il plus
jurisconsulte Pacius. la plénitude de son bon sens. Connnie l'en-
Onestatlristé de voir un homme comme fance.la vieillesse est souvent irresponsable.
[1629] À HOLSTIÎNIUS. 327
une bource où je la mis dez la première offre que je luy envoyay l'aire,
et puisqu'elle y est destinée, je ne la divertiray poinct à autre eniploy.
Je loue M' de Thoulouse ' de vous avoir offert son recueil des an-
ciens autlieurs grecs des choses célestes *, mais il n'y debvoit pas mettre
ce me semble d'autre condition que de vous faire chose agréable, ayant
les moyens qu'il a, et le désir qu'il monstre avoir d'ayder le public
dont il avoit si belle occasion, en vous donnant de quoy entreprendre
l'édition de ce rare recueil d'anciens autheurs'. Ce luy estoit, ce me
semble, assez d'honneur que vous les voulussiez tenir de sa main, sans
vous mettre en peine d'en chercher d'autres de son goust pour ne rien
faire sans retour et recompance aultant et possible plus précieux que
ce qu'il vous offre.
Je rabbats un peu de la bonne ophiion que j'avois conceue de son
zelle aux bonnes lettres qui se doivent traicter avec plus d'humanité et
de courtoisie, principalement entre gents de cette sorte*. Tant est que
j'ay esté bien aise d'apprendre par là le beau dessein que vous avez en-
core de ce costé là de donner un jour conjoinctement touts cez au-
tlieurs grecs desphœnomenes et autres dépendances des choses célestes
qui n'ont jamais esté donnez bien assortizs.
Nous sommes si mal pourveus icy de livres grecs que ce sera
grande merveille si nous y trouvons par hazard l'Isagoge de Geminus\
Toutefoys je feray chercher soigneusement, principalement chez un
' G't^tait Charles de Montchnl si souvent
menlionné dans nos qualre premiers vo-
lumes. Au sujet de cet trEximius ille Tolo-
salum aniistcsï) , voir une note oîi Boissonade
(p. 77) cite sur le pri'lal h Vie de Pciresc
de Gassendi, le recueil de Burmann (t. III,
p. 690), le discx)urs de Medon sur la mort
de Pierre Dupuy (|). i3G) et lo Lo)i{fue-
ruatia (t. Il, p. 7).
' Peiresc répond ici Ji un long' passage de
la lettre XXII de Holslenius(p. i5o-i5i).
' (]es auteurs sont énuuiérds [)ar llolsle-
nius (p. 5o) : on y remarque Kuclide, Aris-
lanpie, Autolycus, Pediasimus, Herun,
Tlieon, elc.
' Il faut d'autant plus louer le zèle désin-
f('TCSs<? de Peiresc que, comme on le voit,
celle belle flamme brillait moins de sou
temps, même dans les âmes qui seniblnienl
devoir être les plus généreuses.
' Holslenius avait dit (p. i5i) : rNunc
(n rogo, si Gemini anliqui Grajci scriploiis
VAaaywyri els ta i^xivàixsvix apud vos extet .
ut prece vel prelio milii alicunde pares.
Nullnm hic in Urhe extat cxcmplar. . . »
328 LETTRES DE PEIRESC [1629]
homme de qualité de mes amys qui à tout le inoings le nous prestera,
s'il se trouve entre les siens, en cas qu'il fit difficulté de s'en priver
tout à faict à cause qu'il a un fort bel assortiment de livres de ma-
thématiques grecs et latins et arabes ou traduits de l'arabe. Et si je le
puis avoir, je le vous feray tenir incontinent.
Je vous félicite les correspondances de Naples et les espérances qu'on
vous donne d'y trouver le Stephanus de Urbibus et autres pièces de
vostre goust^ Si vous y faictes le voyage, enquerez vous s'il ne seroit
rien demeuré ez mains des héritiers del Duca dell Accerenza et du
feu s' Gio. Vincenzo Pinello de sa belle bibliothèque MSS.
Je vous remercie trez humblement de la part qu'il vous plaict me
faire de cez fragments de lettres de Paganinus Gaudencius* et Patri-
cius Junius' concernant les mss. d'Oriant et le passage de cet honneste
homme qui en a faict les recherches* et trouve bien estrange que
M' Seldenus ayt faict l'édition de cez Marmara Arundelliana , sans
rendre l'honneur qui estoit deub à celuy qui les avoit arraché des
mains des barbares avec tant de sollicitude et de dangers^. Maintenant
' Réponse k ce passage de la lettre XXII Le fragment de la lettre de Paganinus est
(p. iSa) : (fNuper fausto omine niihi ami- reproduit dans le reoueil de Boissonade.
oitia contracta fuit per lileras cum tribus (p. 160).
Napolitains primoribus eruditonim ejus re- ' Le fragment de la lettre écrite le 1 o fé-
gni, et forte solis, Fabio Golumna, Bartho- vrier 1629 (et non 16Q7) par le bibliotbé-
lomaeo Carruciolo, et Pelro La Seina; et caire du roi Jacques à Holstcnius e^;t repi-o-
nunc frequens mihi islhuc literarum com- duit à la page 161 du même recueil,
mercium est, nec erit sine aliquo meorum Holstenius accompagne l'envoi des deux
studiorum fructu. ..t Holstenius ajoute que fragments (p. 161) de cet aimable compli-
Pierre La Seine lui a parlé d'une bihiio- ment renouvelé d'Horace : irVale, decus et
thèque que quelque; moines gardent comme praesidium noslrum. ■n
des dragons (draconum instar occupant) et ' Cet honneste homme est le cbapeiain
où l'on conserve des manuscrits d'Etienne déjà mentionné du comte d'Arundel,Pellœu8
de Byzance, de Jamblique et de Porpbyre. ou Pettee.
C'était l'ancienne collection de Janus Par- ^ Encore un exemple d'improbité scienti-
rhasius. tique donné par un illustre énidit! Encore
' Sur le professeur de Pise Paganinus Gau- une déloyale application du Sic vos non
dentius, Boissonade cite (p. i53, note 6) vobis ! On voit combien Peiresc reste tou-
Sax. Onom. (t. IV, p. 879), Niceron jours le défenseur délicat du bon droit et
/t. XXXI), Burman. Syllog. (t.lll, p. 58i ). des justes causes.
[1629] À HOLSTENIUS. 329
que la paix d'Angleterre est publiée, avec le restahlissement du com-
merce, je crois que nous en pourrons avoir de plus particulières nou-
velles, et que nous aurons ce livret à nostre tour et que M' Boswel'
n'aura plus d'excuse et de prétexte de silence. On attend le comte
d'Emby, ambassadeur extr[aordinai]rc, autre loutel'oys que le bcau-
frere de Bukingan'-*, et pour ambassadeur ord[inai jre un nommé VVaclit,
employé autrefoys par ledit Bukingan vers les Suisses. M' d'Elbœul'^ y
en va ambassadeur exlr[aordinaire] de la part du Roy, et M"' de Chas-
teauneuf' pour conseil.
Je vous remercie cncores trez affectueusement ensemble Mons' Dor-
malius du soing qu'il se donne des instructions particulières de la
bibliothèque et autres curiositez de feu Susius, et voudrois bien
le pouvoir servir en revanche. J'ay prins grand plaisir d'entendre que
vous ayez l'inscription de l'arc de Suse, non sans beaucoup de regret
que vous n'ayez eu le temps et le loisir de l'examiner de plus prez sur
les lieux, car sans doubte personne du monde ne pouvoit mieux res-
taurer que vous tout ce qui y pouvoit estre demeuré des vestiges de
cez anciens noms propres gaulois. Je ra'estonne un peu de ce que vous
dictes n'avoir peu lisre que les deux premières lignes, car de qualire
qu'il y en a, ce dict on, la première et la troisiesme sont fort lisibles,
mais la seconde et la dernière sont de fort difiicile lecture; j'en ailen-
dois le résultat du dernier effort qui s'y est faict avec des eschelles,
mais je ne l'ay pas encore receu. Et si ce que vous en aviez prins ne
s'est perdu dans voz tablettes, conmie le griffonement des figures de
l'enceinte dudit arc, je serois bien aise qu'il vous pleut m'en envoyer
la coppie pour voir si vous aurez deschiffré quelque chose de plus que
ce que nous en avons eu et que nous en espérons encores.
' Sur ce Boswel, secrétaire du cbance- cesc-Dupuy, à pnilir de h page f>t?> du
lier d'Angleterre, voir le recueil Peii-esc- tome [.
Dupuy (t. 1, p. ao, ai, etc.). * Sur Charles de TAubespiue, marquis
' Sur les deux homonymes, voir le re- de CliAteauneuf, voir les trois tomes du re-
cueil Peiresc-Dupuy (t. II , p. 6f)5). cueil Peii-esc-Dupiiy, à partir de la page i ()<)
' Sur Charles deljorraine, duc d'Elbeuf, du tome I.
voir [passim) les trois tomes du recueil Pei-
T. ia
i«rni«Eiiit K,Tion«Lt.
330 LETTRES DE PEIRESC [1629]
An reste, ce n'est pas sans fondement que M' Cluverius avoit creu
que l'inscription de Pline se deubt rapporter au lieu de la Torbia aux
Alpes Maritimes • puisqu'il portoit autrefoys le nom de Trophœa ^u-
{justi , car on m'a asseuré qu'il y a là auprez des vieilles mazures qui
pouvoient bien en avoir esté les restes sans s'arrester à ce qui en a esté
faict en «ez derniers temps. Et je ne vois pas qu'il y ayt poinct d'incon-
veniant de dire que pour les victoires d'Auguste contre cez peuples
il ayt esté posé des trophées en divers lieux, comme il a esté faict pour
d'autres chefs d'armées, puisque mesmes cez victoires avoient esté
gaignées à diverses venues. Et de faict c'est environ l'an r. g. 729 que
Dion rapporte les 1*" décrets du sénat romain en faveur d'Auguste
portant qu'en remplacement des honneurs de triomphe qu il avoit re-
fusé, on luy esleveroit aux Alpes non pas simplement des trophées,
mais un arc qui porteroit ses trophées a^'ts TjSOTatofpojSo? , ce dict il,
ce qui convient merveilleusement bien à ce monument que vous avez
veu sur lequel vraysemblablement pouvoient estre posez lesdits tro-
phées, et toutefoys il obtint plusieurs autres victoires contre cez peuples
ou autres que les premiers subjuguez et fort longues années aprez.
Aussy l'année de la tribanicia potestas de ce prince cottée en cet arc est.
plus d'une quinzaine d'années aprez la date de Dion, de sorte que l'oc-
casion des dernières victoires ou conquestes donnant subject à de nou-
veaux trophées pouvoit bien avoir aussy donné subject d'adjouster aux
plus anciens des inscriptions plus amples que les premières, ou pos-
sible de mettre des inscriptions en des lieux où il n'en avoit poinct estt;
mis du commancement. Une chose voudrois je bien sçavoir de vous,
puisque vous avez esté sur les lieux, si vous ne recogneustes poinct
aulcun vestige d'inscription de l'aultre fassade du mesme arc, car sou-
vent ils les contin noient d'un costé à l'aultre, et mesmes les repetoient
aulcunes foys, afin que ce qui se pouvoit effacer d'un costé se peust
suppléer de l'autre.
Cez vestiges castrorum Doniitiarà et des temples Jovis Latialis et
' Peiresc répond ici à ce qui lui avait élé écrit (p. i56) par Holst€nius toucLanl l'opi-
nion de Ph. Clavier [Ital. Antiq., p. 65).
[1629] A HOLSTENIUS. 331
Dianse Nemorensis sont bien notables et meriteroieut que cez princes
là en fissent tirer les desseings selon les règles de l'architecture ', car il
y a tousjours de trez belles choses à observer. Cette inscription DIANE
NEMORENSI VEST^. est bien digne d'estre conservée ^ et j'attendray
impatiemment le discours que vous me promettez sur cela de M»' Az-
zolino^; celles de cez deux libertés d'Auguste sont aussy bien gentiles,
ensemble celle de Minerve du temps de Septimus Severus ou plustost
d'Antoninus Magnus, car je penserois que la neufviesrae parolle pourroit
bien estre (FIL) au lieu de (ET) si on y regardoit de bien prez. Il y a
quelque chose en la dernière ligne que je n'entends pas bien et que
je vouldrois bien que vous m'eussiez interprété quelque jour à vostre
loisir.
Pour lapeincture du païsage antique, je seray bien aise de la voir en
son temps; j'escriray à M"' de Bonnaire d'y envoyer un peinctre sans
vous charger, car vous n'avez pas de besoing de perdre le temps à cela;
on n'avoit pas creu, ce semble, que les anciens se fussent beaucoup
soussiez de telle sorte de peincture. 11 fauldroit demeurer d'accord si
la fabrique du mur et la manière de peinture est de bonne antiquité
ou non. Quant à l'autre peinture, je cognois M'' Pignoria de longue main
depuis 3o ans entiers S et crois bien que ce qu'il fera sera tousjours fort
' Holslenius (p. 167) avait raconté à
Peiresc la découverte faite par Laurent Azzo-
lini, secrétaire d'Urbain VllI ffet vir om-
nis antiquitatis peritissimus!i, à Nemi, rrin
liorto qui ad Frangipanes, nobiles Ro-
nianos, pertinetu, des ruines d'un temple
consacré à Diane chasseresse, et p. i58 la
découverte faite par ic cavalier del Pozzo
d'un temple de Jupiter sur le mont Alban
et d'un camp de Domilien dans In propriété
de l'aul Panizzi , non loin de celle du j)rince
Sabelli.
' Cette inscription , à laquelle Holstenius
applique l'épithète elegantissima , est repro-
iluile en entier p. 167.
' Azolinus fut évêque de Narni et mourut
euiGSa.Boissonade cite sur ce poète archéo-
logue les Apes urbanœ d'Allatius et la Pinaco-
theca de Nicius Erythraeus. Holslenius avait
dit (p. 1 58): ffDissertatiunculam elegantem
proxime mittara, qua illustrissùnus Azo-
linus loci situm el hanc inscriptionem illus-
trât. »
* Gassendi (liv. I, p. 71) place en 160a
le commencement dos relations de son héros
avec Pignoria. Holslenius avait, dit (p. iSg) :
«De picturayafii^A/w [noces Aidobrandines ]
oxpectamus in dies Laurenlii Pignorii copio-
sam declarationera , quam rogatu Dn. Etjui-
lis (le cavalier del Pozzo) suscepit. ..«
33'2 LETTRES DE PEIRESC [1629]
bon, mais je ne pense pas qu'il puisse fournir en celte matière ce que
vous y fourniriez à seule force de menmioire sans voir voz livres quoy
que vous puisse faire dire vostre modestie nom pareille en cela aussy
bien qu'en toutes les excuses qu'il vous |)laict me faire sur le subject
de vostre subrogation à donner la dernière main aux œuvres de feu
M"" Aleaudro, dont je plains tousjours plus la perte que nous y avons
faicte, et ne me promets poinct de consolation pareille à celle que
j'auray si j'entends que mes vœux ayent esté accomplis de ce costé là,
ne vous pouvant assez dignement remercier de voz honnestes et obli-
geantes offres et demeurant à jamais.
Monsieur,
vostre trez liumble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 8 juin lôag'.
XXIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Depuis avoir escript la lettre cy joincte j'ay receu lettre de i'amy à
qui j'avois commis la négociation des MSS. grecs, que mon offre de
()oo libvres ou 200 escus n'a pas esté acceptée, mais quelle n'a pas
aussy esté rejectée si rudement que la précédante de 5oo livres. 11 a
trouvé le personage- fort oultré (à ce qu'il vouloit faire paroistre) de
c€ que j'avois osé rabbattrc quelque cbose de sa demande, comme si
j'avois desrogé à la confiance que j'eusse deub prendre en luy, et laisser
les choses à sa discrétion absolue. 11 se fit tenir long temps à ne pas
vouloir vendre pour aulcun pi'ix, pour se venger du mespris ou de lof-
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce charmant le récit qui va suivre? Peiresc se
n° 21. montre ici, coinnie souvent, un très agre'ible
■ On sait qu'il s'agit de Pacius. Ai-je causeur,
bewin de faire remarquer combien est vif et
[1G29] À HOLSTENIUS. 333
fance qu'il disoit avoir receu de ma part. Ce qui lui donna matière à
de bonnes remonstranccs et à luy r'amentevoir les anciennes obli[;a-
tioiis qu'il m'avoit luy et tous les siens, et l'honneur et respect que je
luy avois loiisjours rendu, ce qui esloit bien esloifjné de le vouloir ol-
lancei', attendu niesmcs que la lettre que je luy en avois escrilte estoit
en termes assez lionnestes, pour s'en contenter, et mériter toute autre
sorte d'interprétation bénigne. En considération desquelles obligations
il luv demanda qu'au moings il luy engageast sa parole de me laisser
la preferance des[dictz] livres en cas de vente, ce qui luy fut non seule-
ment octroyé, mais qu'il n'en traicteroit avec persone autre que moy,
ne voulant pas estre mescognoissant de mes bons offices. Enfin, aj)rez
l'avoir laissé dormir dessus, et luy avoir faict cognoistre que c'estoit à
tort qu'il prenoit son prétexte de rompre le traicté commancé, il le
disposa à remettre sur la négociation interrompue, et luy oflrit de se
faire arbitre entre luy et moy pour accorder et partager si besoing es-
toit le différant-, afin qu'il ne fust pas dict qu'il n'eust voulu rabbattre
du tout rien de sa première demande pour l'amour d'un amy, ne qu'il
se fust aussy laissé porter à ravaller aussy bas que j'avois pensé. Il ne
luy voulut pas entièrement lasclier la parole, incistant à sa discrétion
laquelle fut aussy tost acceptée de la part de celuy qui parloit pour
moy, de façon que nous voilà dedans grâces à. Dieu. Et aujourd'imy
mesme j'euvoye les cent pistoles à ce mien amy, et voyant l'ardeur avec
laquelle il vous plaict m'en escrire, de peur d'encourir ce reproclie.
que par quelque bazard cette commodité vous eschappast d'avoir ce que
vous en vouliez, et que vous estimiez vous pouvoir estre duis.ible, et si
utile au public, et de peur qu'à faulte d'accellerer l'affaire, iln'arrivast
(pielque euq)escliement, qui y peust apporter de l'obstacle, mesmes
avec cez bruicts de maladie qui interrom])t le connnerce, car les livres
sont en Daupliiné \ j'escrips à ce mien amy que s'il y trouve la
' À Valence où Pacius psi-a les dernières vei-s dôUiils dans la |tlaquclU' intilulée : Jules
années de sa vie et où il mourut en i635, Pucius de B^ri/fu. Compte rendu du mémoire
ùgé do (jualro-vinjjt-cinq ans. Voir sur le de M. Ch. Rctilloul avec uddilion d- docii-
séjour du vieux professeur en Dauphin^ di- menls inédits (Paris, i883, passim).
334 LETTRES DE PEIRESC [1629]
moindre (iifficuité du monde, qu'il ne s'amuse plus à rien rabbattre,
et qu'il supplée la partie jusques aux 900 livres ou 3oo [escus] de la
première demande, et qu'il s'en saisisse inconlinant, pour me les faire
tenir le plus tost qu'il pourra. D'aultant que je ne laisray pas, raesmes
à ce prix là, d'y trouver mon compte, et d'en demeurer hors de tout
regret. Car desjà le premier article des deux volumes des constitutions
ecclésiastiques, qui est hors de vostre goust, est tellement du mien que
je l'estime à cent bons escus d'or, et ne le vouldrois pas avoir laissé
eschapper à quelque chose de plus que cela, si je l'avois trouvé à
vendre au plus prolTond de l'Orient, et courir le risque de le perdre par
les chemins'. Je n'estime pas moins le Pollvx, ayant apprins que de
l'imprimé il n'y en a en ce volume MS. que les deux premiers libvres,
et que tout le restant du MS. , qui est bien deux tiers du volume, n'est
poinct dans l'imprimé. Il y aura possible quelque opuscule entremeslé
qui ne sera pas de PoHux, ou possible de quelque autre Pollux que
celluy que nous avions, mais pour peu qu'il y enaye, oultre l'imprimé,
ou que (si c'est un autre Pollux) il soit de bon siècle, je n'y plaindrai
partie de cent escuz d'or ou cinquante pistoles^, de sorte qu'en cezdeux
articles touts seuls j'estimerois tousjours mon argent bien employé.
Que si l'amy est obligé de suppléer le restant jusques à l'entière somme
de 900 livres, quand il n'y auroit que les Geoponiques, le Balsamon
et le Pholius', lesquels deux derniers quoyque imprimez peuvent servir
comme de suitte et d'assortiment aux autres volumes de constitutions
grecques ecclésiastiques, ensemble l'histoire de Chalcondyle '', je ne les
estimerois pas gueres moings que le surplus de l'argent qui se pourroit
adjouster aux cent pistoles. Ce qui ne sera possible pas nécessaire, au
moings si le vendeur a tant soit peu de remors de consciance et de
' Constituttmes Eccksiasticee variée (in- ques figurent à l'article 6 (^eroni's aZ/orum-
foiio). que Geotnetrica , in-foi.), le Balsamon (/n
' Dans le Catalogue ëditô par Boissonade canones et in Nomoeanonem Pholii) a l'ar-
(p. i3i) et dëjà cité, le PoHux est indi- licle 9 et à l'article 3 (in-fol.), le Photius
que (article 19) comme étant de format {Excerpta ex Pholio poetica) a l'article ta
in-i». . (in-4').
^ En ce même Catalogue, les Gëoponi- * CWconrf^te //wtorw( article 1 8, in-i°).
[1G29] À HOLSTENIUS. 335
mémoire de mes bienfaicts. Enfin je trouve par ce moyen qu'en toute
façon, tous voz Platoniciens passent gratis par dessus le marché, et ne
me coustent rien. C'est pour quoy il fault que vous trouviez bon que je
les vous donne, comme je le faict de Irez bon cœur ', vous suppliant de
les recevoir en gré. sans vous mettre en peine d'aulcun rembource-
ment, car je ne le souffrirois. Et pleust à Dieu que je peusse rencontrer
quelque chose de meilleur et plus digne de vous, qui vous seroit en
mesme temps desdié, et présenté en pur don encores plus volontiers.
Que si pour accommoder M' de Tlioulouse, vous croyez qu'il y ayt rien
du reste qui vous puisse servir, afin d'arracher cet aurum a Barbaris-.
ne faictes pas de dilïiculté je vous supplie d'en disposer absolument,
et puisqu'il n'y a pas des pièces des SS. Pères que ce peu qui est der-
rière le volume d'Hermias, collé 20, de S. Grégoire de Nazianze', je
me despartiray encores fort facilement du Balsamon et du Photius,
si vous estimez qu'ils puissent eslre de son goust. Voire j'ay recouvré
par bazard cez jours icy trois petits volumes in-A" MSS. en bon gros
papier, dont vous aurez le rooUe cy joinct, ensemble quelques petits
cahiers ou feuilles volantes (dont le caractère grec est bien beau) que
je vous offre pareillement, soit que vous estimiez qu'il y ait rien de
vostre usage ou bien de celuy de M' de .Tlioulouse, pour vous ayder
à grossir vostre Antidore, afin de tirer tant plus tost de sa main ce
bean recueil de Mathématiciens, estimant que les U libvres du S. (Cyrille
non inqjrimez que vous lui offrez si libéralement vallent mieux et
doibvent beaucoup plus estre par luy estimez en la condition où il se
trouve, que tout ce qu'il vous a offert. Pour le Polyaenus", je vous ay
desjà escript ce me semble que j'en ay un autre exemplaire MS. Vous
en pourrez disposer de tous deux. Il me reste à vous dire que tandis
que nous attendrons de recouvrer cez libvres, je vouldrois bien que
' La génërosité a-t-elle jamais éié plus ' L'article 90 du Catalogue est aiii.<i
ingt'nieuse et Pciresc n'esl-il pas maîlre daus rt'digt! : Henniœ philosophonim Irritio, et
l'art délicat de parer un bienfait? Nazianzeni carmina (in-'i°).
' Ij\ inëtaphore est peu flatteuse pour * Les Polymni sUatagemala sont inscrit*
M'' de Montcbal, mais elle est en latin. sous le n" 17 du Catalogue (format in-/»*).
336 LETTRES DE PEIRESC [1629]
vous m'eussiez mandé comment vous desirez que je les vous fasse
tenir, puisque vous ne trouvez pas à propos que cela soit divulgué. Car
si l'adresse ne s'en faict à M»' le Gard"', les Douaniers les traicterout mal ,
et possible les inquisiteurs encores pix, attendu qu'en matière de livres
tout passe par leurs mains si le respect delli Padroni ne les ar-
reste. J'avois songé de les adresser à M' de Bonnaire, et neantmoings
faire tousjours l'adresse extérieure au dardf' pour exclurre les Doua-
niers et censeurs, et pour cascher vostre nom soubs celuy dudict s"" de
Bonnaire, qui ne fairoit pas de difficulté de le vous prester, je m'as-
seure, et à moy par mesme moyen. Mais je crains encores que le Gard"'
ne veuille sçavoir de luy ce que ce peult estre. Vous y pourrez songer
et vous en entendre avec luy, et puis me mander ce que vous trou-
verez plus à propos l'un et l'aultre. Au reste par mesme moyen je
pourray vous faire tenir mon Purchas si vous voulez, car à cette heure
que le commerce d'Angleterre est restably, il ne nous en manquera
pas. Etd'aullant qu'il est relié à ma mode, avec mon chiffre ordinaire,
je prendray occasion , si vous voulez, pour vous escrire que je vous preste
quehjues uns des livres de mon estude, non seulement de ceux qui ne
se peuvent pas trouver facilement, ne tenir là sans dispance, comme .
est celuy de Purchas, qui est grandement subject à censure (et pour
lequel en un besoing vous pourriez vous munir à l'advance d'une par-
ticulière permission et licence du P. Maestro di Sacro Palazzo , ou bien
du grand Pénitencier pour le, faire venir), mais aussy des autres sur
lesquels vous avez à travailler dans vosti'e esludë avec plus de liberté
et de repos qu'il n'y en a dans la Bibliothèque vaticane, et avec moings
de divertissement (encores qu'il y en ayt à foyson de par delà de toutes
les sortes), dont je vous pourrois accommoder. Par ce moyen, quand le
tout passeroit devant les ieulx de Ms' le Gard"' et quand il sçauroit que
le tout vous est adressé, il semble que vous seriez tousjours hors d'at-
teinte et de regret qu'on ne les vous peust demander, car encores qu'ils
soient effectuellement vostres, comme ils le sont dez maintenant, ils
pourroient neantmoings tousjours passer pour miens parmy cez gentslà.
Et qui plus est, possible que cela leur feroit dessiller les yeux et re-
1 16-29] À HOLSTKNIUS. 337
cognoistre combien est {jiaiide vostre modestie, de n'avoir pas osé
disposer avec ia liberté que peuvent prétendre les gents de lettres et
de si eininante érudition que la vostre, des libvres du Vatican, et qu'il
ne vous manque pas du crédit et d'amys pour en faire venir de bien
loing pour vostre usage, et seulement pour un peu plus de commo-
dité vostre. Cela les debvoit obliger à commander que dcz hors mais
vous eussiez la disposition plus libre de ce que vous trouveriez à vostre
goust dans le Vatican. Que s'ils avoient quelques restes de delïiance
sur ce qui peult toucher les matières ecclésiastiques, qui sont si ja-
louses, pour le moings des autres professions de philosophie, mathe-
mathiques et autres matières de la plus haute antiquité, ils de]>-
vroient bien y aller plus gayement et avec moings de regret, car sans
mentir je porte avec une grande impatiance que vous trouviez tant
soit peu de difficulté à l'accez de cette librairie, et à la lecture de ce
qui y peut estre de convenable à vostre grand génie. La patiance est
un des puissans moyens que vous puissiez avoir, pour surmonter toutes
cez diffîcultez et pour faire paroistre vostre bonne foy, sincei'ité et can-
deur nompareille, et pour gaigner le cœur de touts ceux qui auront
i'hoimeur de vous cognoistre, voire de ceux mesmes qui se pourroient
d'abbord estre laissez emporter à quelque mouvement d'envie ou de
jalousie, s'il y en a '. C'est ce que je désire avec grande passion. Et que
vous me teniez pour celuy que je vous suis, c'est à dire.
Monsieur, pour
vostre trez humble et (rez obligé serviteur, et plus fidèle amy,
DE Peiresc.
A Aix, ce 8 juing /O'ap '.
Mandez moy promtement vostre résolution sur cette maniei-e d'adres-
ser ou autre que vous pourriez mieux aymer choisir, afin que je ne
diffère pas de vous servir à souhait. Et pour les libvres imprimez, qui
l)euvent vous faire besoing du jour à la journée, u'espaignez pas ceux
' Ce ^'tl 1/ en a. est un chef-du'uvrp de cliarilé. — * Bil)liotliè((no Barberini, vol. 79,
|>ii>ce n" aa.
T. &3
tllP>IHIIil« KATIOUJkLI.
338 LETTRES DE PEIRESC [1629]
de feu M' Barclay, qui en a je m'asseure assez bon assortiment, ne
doublant pas que M' son fils et Mad* sa vefve' et M' de Boniiaire ne
reçoivent à trez grande faveur, que vous les envoyiez quérir à toutes
heures chez vous, et que vous en disposiez absolument. J'en toucheray
un mot à M' de Bonnaire afin que de ce costé là il prévienne vostre
demande et qu'il les vous offre, comme je me donne le crédit et la
liberté de les vous offrir à l'advance de leur part, tant je suis asseuré
de leur bienveillance.
XXIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
n est bon besoing d'avoir estudié comme vous avez faicl en la bonne
philosophie, pour estre préparé à la constance et patiance telle qu'iè
fault avoir dans les obstacles qui se rencontrent aux affaires les plus fa-
vorables. Nous avions vaincu des difficultez nompareilles, et lié le
marché des libvres MSS. , l'argent envoyé, toutes choses prestes à en •
faire faire l'expédition, quand par un malheur nompareil, la maladie
contagieuse parut dans la ville de Valance où ils estoienl, et que le
commerce luy fut incontinant interdict de toutes parts. Je voulus faire
bazarder des gents pour aller prendre la cassette aux portes de la
ville, mais tout cela fut en vain. Mon frère s'en alla jusques au S' Es-
prit d'oîi il envoya homme exprez pour la retirer, mais il n'y eut pas
de moyen d'y disposer le bon homme qui en est saisy, lequel avoit
d'autres considérations, disoit-il, à nous incogneùes. Depuis, le mal
s'est augmenté dans cette ville là, il est mesines mort un garçon dans
la maison dont est question, dont je ne sçay pas la qualité de la mala-
die, ce qui m'empescha de m'opiniastrer davantage pour le présent.
Et le pix est que le mal contagieux s'est espandu à Orange, et mainte-
' Sur la veuve et sur le fils de Jean Barclay, voir le recueil Peiresc-Dupuy, passim.
[16-29] À HOLSTENIUS. 339
liant est saulté en cette province en la ville d'Arles; voire il y a eu du
mal en cette ville icy en un certain coing que l'on a purgé le plus
exactement et le plus promptement qu'il a esté possible, et Dieu
mercy, hors des premières suittes qu'il y eust durant deux jours, il
n'y en a plus eu durant les quattre derniers jours touts entiers. Mais
])ourtant l'aliarme en a esté si grosse, qu'il est sorti de la ville i5 ou
90 mille personesla pluspart femmes, petits enfans et serviteurs, pour
se tenir aux champs et interrompre la communication, qui pourroit
donner de la matière à la suitte du mal. La Cour est pourtant encores
séante, et tant qu'on demeurera en cet estât, elle ne bougera pas.
Mais si le mal regrilloil ' quelque part, elle sortira pour aller tenir sa
séance en quelque autre lieu moings populeux. Pour moy je faicts estai
d'aller passer Dieu aydant l'automne aux champs à dix lieues d'icy oii
j'auray plus de loisir d'escrire à mes amys, si le passage des lettres se
peult conserver, soit par mer ou par terre, mais je crois bien que si le
mal faisoit du progrez, la voye de Lyon soubs l'adresse du s"' Jacquet,
s"" de Fetan, intendant des postes du royaume^, seroit la plus certahie,
parceque de là icy, les lettres viendront soubs les enveloppes du pac-
quet du Roy, qui passe partout, et le s"" de Fetan est assez de mes
amys, pour en user ainsin. Ou bien il fauldra les faire venir soubs les
enveloppes du vice-legat, d'où il les fauldra par aprez recouvrer comme
MOUS pourrons.
Cependant nous voilà bien frustrez de nos espérances et vous et
moy, dont j'ay esté si mortifié que je ne le vous sçaurois exprimer.
Toute la consolation qui me demeure, est que l'air de Valance n'est
pas susceptible de si grand venim que celuy de ce pais, et que l'on
n'estime pas que la maladie y puisse faire tant de ravage. J'ay escript
' Voir sur cette expression provençale lieux et de personnes du i-ecueii Peiresc-
qui signKie germer de nouveau, repousser, Dupny, j'ai eu tort de d(?doubler cet inten-
les coirections et additions mises à la lin dant des postes et de lui consacrer deux ar-
du tome m du recueil Peiresc-Dupuy, tides, un sous le nom de Fetan, un autre
p. 73o. sous le nom de Jacquel.
Dans la Table alpluibèlique des noms de
1,3.
:ViO LETTRES DE PEIRESC [1G29]
plusieuis foys pour faire lo^er cette cassette de bonne heure en lieu
où elle ne courut pas de fortune, sans en avoir eu de responce. J'es-
père pourtant que le mal ne s'acharnera pas là comme ailleurs, et que
le froid venant, il y aura Dieu aydant quelque moyen de la recouvrer.
Je suis quasi plus en peine de cette ville icy, car si le mal s'v attachoit,
il seroit beaucoup pire, et de beaucoup plus longue purgation'. Mais
tout est en la main de Dieu, et ne se peult faire aulcun dessein qui
vaille tant que nous serons en cez allarmes. Non sans un extrême re-
gret de ma part, comme je m'asseure qu'il y en aura du vostre. Quant
il plaira à sa divine bonté de faire cesser la cause, je ne perdray pas
un moment de temps, estant eschaudé comme je suis, et picqué de
me voir descheu du plus grand plaisir que je peusse avoir au monde,
qui estoit de vous rendre un service si agréable, comme vous tesmoi-
gniez que fust celuy là. Au surplus il fault pour rompre ce fascheux
discours que je vous dise que durant un petit voyage que je suis allé
faire cez jours passez vers le Roy, je prins grand plaisir à revoir les an-
tiquitez de Nismes, et encores plus à y gouverner comme je fis le
s' Samuel Petit ^, professeur en prétendue pseudotheologie^, natif de
Genève \ mais filz d'un Parisien, homme d'environ /io ans, qui avoit
une trez belle bibliothèque laquelle il avoit bien bouquinée de|)uis
12 ans qu'il avoit esté confiné dans ce collège, n'ayant nul goust à
cette prétendue profession au prix des belles lettres, dont il est bien
méritant, car il a fait un Irez beau travail sur le Martial, sur l'Athe-
née, et sur le Plante, où il a traduict et fort heureusement interprété
' Pour remède , guérUon. nistère pastoral à Genève; mais, au com-
' Le voyage à Nîmes et la visite à Sa- mencement du règne de Henri IV, Samuel I
muel Petit ont été déjà mentionnés dans le revint en France et dirigea l'église réformée
recueil Peiresc-Dupuy. de Saint-Ambroise. C'est dans celte petite
( ' On remarquera le mot appliijué par ville des Gévennes qu'il vit naître, le 9 5 dé-
Peiresc ii l'enseignement calviniste de Sa- ccmbre iSg'i, Samuel II. Voir la notice bio-
muel Pelit. graphique de M. Georges Alaurin en tête
' Peiresc se trompait : le grand - pèi-e des Lettres de Samuel Petit à Peiresc ( fasci-
(François) et le père (Samuel) du proies- cule XIV des Correspondants de Peiresc,
seur de Nîmes exercèrent pendant plusieurs Nîmes, 1887), p. 1 1 .
années (après la Saint-Bartbélemy) le mi-
|i029] À HOLSTENIUS. 341
tout le Punique, dans la correspondance et liaison des discours latins
qui sont devant et derrière, et des noms propres qui y sont entre-
meslez, dont il rend de bonnes raisons, et conformes aux règles et
principes de cez langues orientales, dont le Punique estoit dérivé. Il a
mesme faict des notes bien curieuses sur le Compute des Samaritains
que Scaliger a donné, oii il a descouvert des clioses non cogneiies par
Scaliger. Et a faict de bonnes observations sur la meilleure chrono-
logie '. Je luy fis voir Marmora Arundelliana que j'avois receu de Paris
en partant d'icy pour la Cour, et l'avois emporté dans mes coffres, dont
il fut ravy. 11 avoit eu du débris de la Bibliothèque Palatine un MS.
de Georg. Syncellus, avec le Theophanes, escript de la main de cet
Andréas Darmarius que vous sçavez, lequel je retiray. Mais le Syncel-
lus ne commence pas plus iiault que de Jule César et Pompée, et finit
à Aurelian, puis le Theophanes prend la suitle au premier an de
Diocletian, et finit au 9" an de Michel et de Theophilacte son filz. Je
serois bien aise de sçavoir où commance le premier des continuateurs
dudil Theophanes, et le second aussy, et oi!l ils finissent, et si la te-
neur de l'un et de l'autre desdiz continuateurs est guieres grande, car
je tascherois de la faire transcrire du Vatican, ou du MS. de M^ le
Card"'. Or j'ay conféré cez eclogues de Georgius Monachus que j'avois,
qui ne sont pas asseurement de celuy cy, et doivent estre comme di-
soit M"" Dormal de cet autre Georgius qu'il a pareillement transcript.
Je parlay dudit s'' Petit à M?' le Garde des seaux ^, et à M' le Surin-
tendant^ qui en parla aussy tost à Ms' le Card"'* et luy fis promettre
d'aller faire un voyage à Paris à cette automne, où il mettra incontinant
soubs la presse trois libvres qu'il a tous presls de ses observations sur
l'Athenée, et j'espère qu'on le pourra bien arrester là. Il entreprendra
' Sur les divers Iravaux t^uiuiîri's [)ai- lettre où il raconte son voyage h Nlniesi
Peiresc, voir la notice de M. G. Maurin qui (t. H, p. t'SIt).
rësunie et complète toutes les notices an- ' Michel de Marillac.
t<^rieures. GC. les lettres à Peiresc insdrdos ' Antoine Goillier-Ruztî, marquis d'E!-
dans le XI V° fascicule cl aussi les Lettres de liai.
Peiresc aux frères Dupiiy, notamment la * Le cardinal Armand de Richelieu
WI LETTRES DE PEIKESC [1629]
tosl aprez le Piaule et cependant je lu y ay conseillé de donner à pari
ce qu'il a faict sur cez Puniques, estimant que l'un et 1 autre seront
trezbien receus. Au reste c'est un agneau de la plus modeste et plus
doulce humeur du monde'. Quand nous nous en revenions, nous pas-
sasniespar Arles où j'acheptay une grosse bague d'or antique fraische-
ment deslerrée sur laquelle est représenté un visage de fort goffe ma-
nière avec cette inscription autour + ÏEGLA SEGELLA, le tout dans
une placque d'or environnée de certains enrichissements de feuillages
et goderons dans la vuidange desquels est cscript + TECLA VIVAT
DEO CVM MARITO SUO^ Et tout au dessoubs de la partie opposite
du cercle de ladite bague y a encores une petite ovale dans laquelle
sont cez lettres rRATE j sur quoy je vous supplie de me mander vostre
advis'. J'ay un vieulx seel de bronze antique en forme du tituhis des
Anciens, attaché sur un anneau de mcsme matière, dans lequel tiltie
se lisent cez lettres en relief mises à contresens, pour estre imprimées à
J'ay encor deux petites cornioles quarrées qui ont
droict
SAVIV
oaa VI
autres foys esté enchâssées en quelques pareilles bagues sur lesquelles
sont espargnées de relief en lettres du bas siècle cez inscriptions
en l'une, en l'autre ^mame ^^ ^" ''ï 6'"^*^^' ^^^^ troisiesme en
BONAM
VITAM
' Celle comparaison de Vagneau est jus-
lilice par les dloges que donnenl tous les
contemporains au pacifique caraclère de Sa-
muel Petit. Holsteniua (lettre XXIV,
p. 167) dit : rrQuaî de Samuelis Petit inge-
nio ac laboribus uuntias, lubeus cogiiovi.
Hominem nou vulgarem esse satis apparet
in eo quod arcana et paueissime trita stu-
dia seclelur. Laudo consiliuni quod Lule-
tiam eum pertraxeris, hoc est in lucem
florentissimi regni et ihealruni cruditiorum
liorainum, et rogo ut seJulo allabores ne
praeclarae cogitationes in tôt auctores diutius
lateanl."
' Cf. la lettre du a8 juillet 1629 à Pierre
Dupuy (t. II, p. 189).
' Holstenius (p. 170) donne avec de
grands développements la consultation de-
niandt'e : itVenio ad explicationem anuuii
nuptialis, quam tu adeo copiose et erudite
persequeris, ut quid addere amplius debeam
vix perspiciam, nisi id forsan quod de sep-
tentrionalibus linguis scire aves. Lubens
enira conjecturam tuam probo, voces illas
non Latinas, sed Gothicas esse, vei cujus-
cunique tandem hyperburea; dialecti.i Sui-
vent (p. 171-173) divers détails philo-
logiques.
[1629] À FIOLSTE.NIUS. 343
figure exagone sur laquelle est gravé un croissant de lune, et sur les
pans ou facettes de l'exagone est escript S|ER| VA|FI|DE[iVf. En toutes
les trois les lettres sont blanches espargui^es de relief sur le champ de
la corniole pour repnisenter le mesme effect de la sardonix indica de
Pline, dont l'aspect est fort agréable h la veiie, et semble que le relief
des lettres de cez pierres ainsin affecté ne soit possible pas sans quelque
occasion, autre possible que la differance des couleurs de la pierre. Or
comme il semble que cette grosse bague d'or, qui est du poids de l'once
à peu prez, estoit l'annulus pronubus, puisque ce vœu qui est escript
à l'entour y a tant de rapport, j'estime que toutes cez autres pièces
pouvoient avoir esté employées à mesme usage, et crois que celuy qui
souhaitte BONAM VITAM, ressent aultant du christianisme que l'aultre
où est escript VI VAS IN DEO, encor qu'il n'y ait point de croix, ce
qui me faict juger qu'ils soient l'un et l'aulre plus anciens que celuv
d'or. Dans Grutherus y a une inscription pag. w.Lvm. n" 6 qui
semble se rapporter plustost aux vœux aprez la mort, A la vie future,
REGINA VIBAS IN NOMINE ZESV. Mais j'ay pourtant peine de croire
que touts cez autres là ne se rapportent à cette présente vie et que ce
ne soient des bagues d'espousailles aussy bien les unes que les autres.
Mais je m'en rapporleray pourtant à vostre advis; que si ceste conjec-
ture se peult saulver, je vouldrois que vous eussiez examiné cez lettres
qui sont dans l'ovale RA TE, lesquelles d'abbord j'eusse volontiers
rapporté au nom du mary pour faire RAV = ou RHAGENIVS, mais,
puisqu'il est question de conjectures, il fanlt que je vous en baille une
bien extravagante, pour voir si vous en pourriez prendre occasion
d'en fonder de meilleures, et si ce pourroit estre ARRA GENIALIS, car
puisque le changement de l'V en E au mot de SEO, ainsin d'autres
ont escript SOVEIS pour SVIS, montre que le latin de cette inscription
estoit corrompu, et s'il se peult ainsin parier vulgarisé selon l'usage
du pais à peu prez où nous disons encores en vieil roman provençal
StEVE pour SIENE, ou SVA, où nous avons retenu l'intervention de
l'E, je ne sçay si par mesme corruption vulgaire, mesme en ce siècle
de la fin de l'empire d'Occident dans le gothisme ou du commence-
Ma Ll'TTRES DE PEIKESC [1629]
ment de la première race de noz roys (auquel temps je tiens que cette
bague ait esté forgée et gravée) on n'auroitpoiiict abusivement retran-
ché la première syllabe du mot ARHA, conmie on dit aujourd'huy,
TONI pour AINTONI et si ce ne seroit poinct un vice des nations sep-
temtrionales, qui rendent quasi toutes sortes de mots monosyllabes,
ainsin que j'ay veu prattiquer en Angleterre, oii ils disent ou pro-
noncent ce semble PIT, NIC, FIR (?) pour Pierre, Nicolas, François,
et autres semblables, encores qu'ils y accumulent diverses consonantes,
mangeans ou elidans toutes les voyelles, hors d'une seulle qui de-
meure comme principale et plus fortement prononcée que toutes les
autres, comme quand les Allemands disent Hans pour Joannes, auquel
cas ce pourroit estre quelque abbus introduit ou par les Goths ou par
les Bourguignons qui s'estoient emparez de la ville d'Arles, ou par les
François qui les en chassèrent, et possible par les reliques gauloises
demeurées parmy les Romains habituez en cez pais icy. Et qu'il ne
soit ainsin au livre de las siete partidas le i. tit'. 28. part. 7. ils appol-
loicnt en vieil castillan RAPEZ ce qu'ils appellent aujourd'huy l'ARREO
y ADORNO de una persona, y appostura de casa, y criados. ils ap-
pellent aussy ARREAR pour adornar y engalanar de arras las joyas.
que el desposado da a la desposada. Ce qui a sa manifeste origine au
mot ancien de ARRABO, qui se trouve si approchant de l'oriental ou
chaldee Hbara pour despondere, qu'il ne seroit pas inconveniant qu'ilz
fussent dérivez l'un de l'autre, parmy cez transmigrations de peuples
qui sont passez d'Oriant en Ponant, Qui plus est, j'apprends de gents
versez en hébreu et en cez langues orientales, où je n'entends rien,
que la première syllabe de ce mol HARRAB pour spondere, ne s'escript
que par une lettre gutturale Ain, qui ne faicl pas voyelle formellement,
ains seulement haspiration gutturale, et qu'en effect le mot se pro-
nonce quasi comme monosyllabe, cette première syllabe AR n'ayant
esté adjoutée [que] par les peuples grecs et latins dont le language
esloit plus addoulcy. De sorte que si dans vos langues septemtrionales
il y avoit i-ien d'approchant à ce mot de RAY, en ce sens là, il pourroit
bien tant plus tost avoir tiré sa source de cez origines orientales, vous
[1629] À HOLSTENIUS. 3âr,
vous en pourrez esclaircir si vous voulez '. Tout ce que j'en vouldrois
inférer, seroit l'ancien usaige d'Espagne qui pouvoit tenir du gothique,
aussy bien que nostrc bague d'or, d'avoir supprime la première syllabe;
du mot ARRA ou ARRABO. Et qu'il ne seroit pas incompatible qu»;
cette syllabe RA gravée en cesle bague fust mise pour RAV ou ARRABO ,
et par mesme moyen la suivante TE pour GEINIALIS comme on disoit
LECTVS, ou THORVS GENIALIS. Voire ne sçay je s'il seroit trop hors
de propos, si de ce mot ARRABO, ou RABO, ou RAV ne se seroit
poinct formé enfin, celuy qui est au jourd'huy si vulgaire entre nous
en vieil et moderne' language roman provençal RAVBO, en italien
ROBBA, en françois ROBBE, en bespagnol ROPA et RAFEZ, pour si-
gnifier proprement les vestements et par extension toute sorte d'ameu-
blement. Car je n'en ay poinct ouy tirer l'etymologie d'aulcune ori-
gine qui ait tant soil peu de vraysemblance. Vous y songerez s'il vous
plaict et m'en direz vostre advis tout à loisir. Estimant que la cognois-
sance que vous avez des langues septemtrionales vous en fera parler
bien plus affirmativement. Vous suppliant de le faire sans cérémonie
et de me pardonner cette extravagance. Surtout il faut examiner si
toutes cez inscriptions cliresliennes apparliendroient poinct à des
vœux funéraires aussy bien qu'à des nuptiaux, et comment toutes cez
choses se pourroient saulver en ce sens là, aussy bien qu'en l'aultre
qui semble plus plausible, et dépendre aulcunement de ce NVBAT IN
DOMINO de Tertuilian et autres. Je suis un peu trop pressé mainte-
nant pour voir des livres sur cela, et ne sçay comme j'ay peu desrober
assez de temps pour vous escrire toutes cez badineries dont je vous
supplie me vouloir excuser, et imputer cette liberté à la confiance qu'il
vous plaict me donner.
' Ili)lstenius répond ainsi sur ce point liiiin ; uniie spoliare vel praidas agere vel
particulier (p. 179) : irVox provincialis lalrociniuin exeicere RAVBE.N, et nostris
RAVBO, ilal. ROBBA, Hisp. ROPA, non ab ROVEN, el fur vel ialro RAVBER : el tiinr
An-abonc, vel alia Lulina voce descendit, Ibitasse Itali, qtiibu.s ROBliA signilical ves-
sed a (iermanica RAVB, vel ROVlî, vel ut tem, utunlur voce spogliare pro exuere
Saxones pronunciamus ROF, hoc est spo- vestes. 1
V. '•'•
U& LETTRES DE PEIRESC [1629|
Quant à ce que vous désiriez du Psellus ', je l'eusse mis originelle-
ment dans ce pacquet icy, car le volume n'est qu'in-8°, et n'est pas
trop gros pour cela , sans l'appréhension que j'ay eiie que le soubçon
du mal qu'il y a eu en celte ville ne le lit passer par le vinaigre. Il est
escript en papier de Damas lissé, par quelque Grec naturel qui escri-
voit fort bien.
Cette petite exposition sur les dogmes des Assyriens est fort succiule;
c'est pourquoy la coppie en a esté bien tost faicte que je vous envoyé,
n'ayant peu ciiercher l'édition, que je pensois trouver derrière cez
Oracula sibyllina, avec les Cbaldaiques du mesm'e Psellus, car il y a
longtemps que je ne l'avois veu, et ne l'y trouvant pas je ne sçavois
plus ofj le chercher, au moings dans la presse où je me suis rencontré,
qui empesche quelque foys de discerner ce qu'on void, et qu'on touche.
Mais pour la Psychogonie, toutes les figures mathématiques y sont
fort nettement represantées, je les ay faict coppier pour les joindre icy,
attendant le restablissement de la liberté et seurté du commerce pour
vous en envoyer l'original. Bien marry d'avoir si peu de moyen de
vous tesmoigner ma bonne volonté et sincérité. Cependant je vous féli-
cite les nouvelles habitudes que vous avez acquises avec le Peutinge-'
rus Augustaiius '^ et ne refuseray pas la coppie de ses catalogues sçai-
chant que sa bibliothèque est excellente, et quand il n'y auroit que
cette table géographique itinéraire qui en porte le nom, bien qu'aul-
cuns l'ayent voulu nommer Theodosiane, j'estime que c'est tousjours
un thresorineztimable\
' Holslenius avait parlé de Michel PsoUus
et de son trailë de la situation, (igure cl
grandeur de la terre, dans la lettre X (p. 53).
11 reparle encore de cet écrivain , au sujet
d'un autre traité, dans la lettre XXIV
(p. 17^) : ffSuperest ut pro Pselli opuscule
tibi gratins quam inaxinias agam : puto id
(Tx,éhov edituni esse fuin Expositione iu
Oracula : tanti tamen erat curiositatis meœ
sitim restinguere. 71
' Nous n'avons pas la lelli'e où Holsle-
nius mentionnait ses réceutes relations avec
un descendant de l'antiquaire Conrad Peu-
linger (d'Augsbourg).
' On sait que la Table dite Peulingeriana
ou Theodosiana allait être publiée par Con-
rad Peutinger, quand survitit la mort de cet
érudit (1547), et quelle ne vit le jour
qu'en 1698.
|16'i9] À HOLSTENIUS. 347
Je vous félicite neantinoinjrs au centuple de tout cela de l'arrivée de
M'' de Thou que je crois estre maintenant à Rome ou qui ne tardera
pas d'y arriver, de qui vous apprendrez du Levant d'autres merveilles
que tout ce que vous en aviez conceu. Que s'il est en vostre cour, je
vous supplie de le sallucr et embrasser de ma part d'anssy bon cœur
que je me suis desvoué absolument et à l'un et à l'autre.
Sur qnoy je finis precipitament, pour avoir consumé et perdu trop
de temps à vous compter mes resveries et nyaiseries, priant Dieu qu'il
vous conserve en parfaicte santé, et qu'il nous délivre de l'apprehen- •
sion de la maladie et nous donne les moyens de vous servir à souhaict
comme,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur, et plus fidèle amy,
DE Peiresc.
À Aix, ce 6 aoust au soir iGag '.
XXV
MÊME ADRESSE.
Monsieur.
Ce petit mot à la desrobée sera seulement pour vous dire que nous
sommes en bonne santé grâces à Dieu, nonobstant les allarmes et
soubçons de maladie qui ont taict tant descrier nostre ville où Dieu
mercy le mal n'a pas faict de progrez considérable, mais nous appré-
hendons un peu ce deconrs de lune avec la foulle de peuple qui y est
revenu des champs pour fouyr la soldatesque que l'on y a laict venir
par une grande inhumanité, mais Dieu aura pitié des gentz de bien et
exhaulcera leurs prières s'il luy plaict. Au reste, je relombay l'autre
jour bien heureusement sur un endroict de nostre Piaule que j'avois
bien oublié longtemps y a oii il tesmoigne dez son temps l'usage abusif
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce n° -ih.
Ai.
U8 LETTRES DE PEIRESC [1630]
de retrancher la première syllabe du mot ARRABO disant in Trucul..
act. 5 scène 2, [St. Tene hoc lihi HABONEM habeto, inecum ut hanc
noctem sies. As. Perii HABONEIVI, quain esse dicani hanc belhiam?
Quin tu ARRABONEM dicis. St. AR facio lucri ut Prœnestinis CONIA
est GICONIA], tout ainsy qu'on void dans le Plutarque de Fluminibus
qu'on souloit dire anciennement SPANIA pour HISPANIA tout de
mesmes qu'au vulgaire italien d'aiijourd'huy.
Je seray bien aise que vous daigniez m'en dire vostre advis à vostre
commodité ensemble sur le restant de mes conjectures sur ce subject
et qu'il vous plaise me tenir tousjours comme je vous en supplie de
tout mon cœur,
Monsieur, pour
vostre Irez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
À Aix, ce XI sept, en hasle 1699 '.
XXVI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je croyois bien que durant vostre grand voyage^, il seroit malaisé
que vous eussiez de mes lettres, nomplus que nous des vostres^, mais
je n'a vois pas laissé de vous escrire quelque foys, par la voye ordinaire
de Gènes et de Rome, d'où il y a voit plus de moyen de vous en faire
les adresses. Dieu sçaict si elles seront passées jusques à vous, ne seule-
ment jusques à Rome, car on nous dict qu'il en est bien demeuré en
arrière \ Celle cy ne sera que pour vous dire que mon frère s'en va
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce Sextiis te abfuisse scieriai, nunc ubi loco-
11° 35. riim degas nesciain. 1
* Voyage en Allemagne et en Pologne. ' Toutes les lettres écrites par Peiresc à
' Holsteuius (lettre XXV, du 5 décembre Holstenius entre le 1 1 septembre 1629 et
1C29, p. 176) s'était déjà excusé de son si- le 1 a mai i63o furent perdues poui" son cor-
lence: frdiuturnosilenlioignosce.cumAquis respondant et sont perdues pour nous.
I1G301 À HOLSTENIUS. 3/i9
l'aire un voyage vers la Cour qui est à Lyon, et qu'il taschera on toutes
les façons du monde de me faire apporter en venant la caisse de livres
que vous sçavez\ laquelle estoit demeurée accrochée l'esté dernier pai'
la maladie du pais de Dauphiné, oii la santé va beaucoup mieux à
présent Dieu mercy. Et sitost que nous aurons des nouvelles de vostre
retour à Rome, nous vous ferons tenir tout ce qui vous pourra estre
duisable. Je vous avois escript la rencontre que j'avois faicte d'un Tri-
pos d'Apollon '^ sur lequel je vouldrois bien voir vostre advis. J'en ay
faict une recharge à Dom du Puy, qui vous en priera de ma part, et si
la lettre que je vous escrivois s'estoit esgarée, vous monstrera ce que
je luy en ay escript^, afin que m'en puissiez plus commodément dire
voz sentiments, en quoy vous m'obligerez beaucoup, et n'estant la pré-
sente à aultres fins je demeureray.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Boisgency, prez de ToUon, ce is may i63o\
XXVll
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je viens d'apprendre avec un extresme plaisir vostre retour à Rome
par une lettre de M' du Puy de Paris du 16 de ce moys à qui Doni
' La caisse coiileiiantlosmaiiuscrilsjfrecs lellre du ôddceinbrc iGaç), disait (p. 177 1:
de Paciiis. fcQuid(juid nianuscriploruin habeo apud
' Hcureiiseineiit que ce que l'eiresc avait R. P. Dom Du Puy deposui, ut si ijuid lui-
écrit sur le fameux Iri'pied se retrouve dans inanius milii in itinere conlingal, Luteliam
les Lettres aux frères Diipuij et aussi dans ad aniicos mitlanlui', quorum opéra iucem
une dissertation iniprinide au siècle dernier. aspicerc ali([uando possint, nam Romae uiiiii
Voir le recueil Peirese-Dupuy, I, II, p. 907- pra;ter j)erpeluum carcerem sperare licel.»
ai 1.
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
' Holslcuius, eu un post-scriptuni delà n° 'Ai.
350 LETTRES DE PEIRESG [1630]
Cristofle son frerc l'avoit escript du 16 juin, dont je me conjouy avec vous
de tout mon cœui*', car j'en estois on grand peine sur les bruicLs qui
avoient couru de la maladie des pais d'où vous venez. Il me tardoit de
vous pouvoir donner advis qu'enfin nous avons recouvré quelque peu
de restablissement de commerce avec Paris, Lyon et aulcuns de nos
voisins, et en mesme temps j'ay envoyé prendre vos mss. platoniques"^
touts lesquelz sont arrivez icy sains et sauves et n'y attendront que
l'ordre que vous me vouldrez prescrire pour les vous faire tenir, et si
vous voulez j'y joindray mon exemplaire des Navigations de Purchas
que j'apportay en sortant d'Aix oxprez pour cet effect. La plus part de
cez mss. ont esté do cet Andréa Darmarius dont vous aviez tant ouy
parler, et sont touts en gros papier, fort bien conservez, et s'v en est
trouvé un volume de plus qui avoit esté obmis au roolle que nous en
avions veu, qui est assez gros in fol. et contient 6 libvres du Proclus e»s
Ttfv WXarwvos ^eoXoytCLV. Je vouldrois que ce fust chose plus digne de
vostre curiosité et avoir de meilleur moyen de vous rendre de meilleur
service.
Au reste nous avons presantemenl icy chez nous en nostre petit
hermitage'' Monsieur de Marcheville, destiné ambassadeur par le •
Roy en Constanlinople, où il faict estât de s'acheminer au commen-
cement de novembre prochain; il a ouy parler de vous, et de vosire
eminente doctrine et pieté, et desireroit avec une passion extrême
de vous pouvoir mener en Gonstantinople et m'a fort conjuré de
vous en escrire et de vous en supplier, comme je faict trez instam-
ment, au cas que vous jugiez que M^ le Gard' Barberin l'avt ainsin
agréable .su\vant les ouvertures que s'en estoient cv devant faictes. Je
luy ay dict le regret que vous pourriez avoir de l'édition de plusieurs
belles pièces que vous aviez en main, et l'emploi que vous pouviez
Holstenius raconla son voyage à Peiresc ' Les manuscrits de Pacius si gënëreu-
fians nne lettre du 9 1 juin 1 63o (n" XXVIII) sèment donnés à Holstenius par Peiresc.
qui débute ainsi : rPoslquani salvus et in- ' Nous avons déjà vu que ce prétendu
columis a. d. Kiil. Jnnii ad Urbem redii , petil ermitage était une fort belle maison de
confecto Sarmatico itiaere. . . » campagne.
[1(330] À HOLSTENIUS. 351
avoir à RoDie el (;a voz cartiers d'AHeiuagiie, mais cette occasion cy
est si opportune que je ne vois quasi pas que vous vous en puissiez
desdirc, car vous y esparjjnerez les principaux frais de vostre voyage,
et y serez puissamment adsisté par mondit s'' l'Ambassadeur de toute
sorte d'authorité et de favorable recommandation. Il m'a dict que si
vous vous y résolvez il vous donnera vostre rendez vous à Malte pour
vous y prendre en passant, si vous estimez cela meilleur ou plus com-
mode que de vous en venir icy le trouver pour vous y embarquer quant
et luy au 2 novembre procbain, auquel jour le Roy luy a prescript de
se tenir prest à faire voille; il m'a dict de plus qu'il fera porter une
imprimerie pour vous servir d'entretien si vous vouliez faire quelque
sesjour en Constantinople, et y faire tirer au net ce que vous vouldrez
envoyer reimprimer plus copieusement à Paris ou ailleurs. Mais ce que
j'y trouve de plus considérable est qu'il faict estât d'aller pour l'amour
d'un lionnne de lettres connue vous en personne avec des galères du
grand seigneur ou autrement pour aller visiter et faire fouiller dans
les ruines d'AlIienes et autres lieux plus célèbres de la Grèce, et sur-
tout dans la bibliollieque du Mont Athos, ne voulant rien espargner
pour la descouverte et acquisition des bons livres et autres notables
singularilez et monuments de l'Antiquité. Il faict mesmes estât de passer
en Terre Saincte et de voir en passant par l'Asie Mineur tout ce qui
s'y pourra recognoistre de plus reconnnandable. Voyez si ce party se
peult lionnestement refuser. Il ne vous astraindra poinct à plus de
sesjour que vous ne vouldrez, et vous donnera toutes sortes de bonnes
adresses et supports pour voyager par tout le Levant oh vous vouldrez.
Donnez moy bien losl advis de la resolution que vous y prendrez, afin
que j'en puisse tenir adverty ledit s' Ambassadeur, et si trouvez bon de
luy en escrire un mot, il sera encores meilleur, quand mesmes vous ne
feriez pas maintenant le voyage quant et luy, afin que cela vous puisse
tousjours servir à l'advenir, si voz alfaires vous permetloient de l'aller
trouver là pendant le temps de son ambassade. Si j'avois à vous don-
ner quelque conseil avec la liberté d'y conserver mes interests, je
vouldrois bien que vous optassiez l'alternative de venir vous embarquer
352 LETTRES DE PEIRESC [1G30]
icy quant et luy aux fins que je vous y peusse un peu gouverner en
passant et vous tesmoigner de vive voix que je suis et seray à jamais
inviolablement,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obeyssant serviteur,
DE Peibesc.
A Boisgency, ce 97 juill. i63o, en grande hasle à la desrobëe.
Je vous debvrois bien de plus longs discours sur l'exceilance de vostre
labeur sur vostre Porphyre, mais je ne puis pour le presant abuser de
la desbonnereté de ce seigneur qui m'a donné ce peu de temps poui'
vous inviter de sa part à cette belle et utile pérégrination; il nous
fauldra suppléer à la première commodité; cependant faictes mes trez
humbles recommandations à Dom du Puy '.
xxvin
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Nous avions attendu bien impatiemment de voz nouvelles durant
prez d'une année; enfin nous receumes la semaine passée vostre des-
pesche du 2 1 juin avec un indicible contentement, voyant le subjeci
que vous aviez de demeurer satisfaict de vostre voyage de Pologne, et
surtout de la favorable réception que vous y avoit faicte l'Empereur-,
et de celles des Roys de Hongrie, de Pologne^ et autres princes, dont
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce quam efliuxit; duas ferme intégras horas
n° 27. me de piiblicis pnvatisque rébus ioquentem
' Ferdinand II, ne' en 1678, devint roi audivil, et favoreni acgratiam suam prom-
de Hongrie en 1618, et mourut en 1637. tissimam addixit in promovendis negotiis
Holstenius (lettre XXVIII, p. 186) raconte studiisque meis, quam iibenter deinde prae-
avec le plus reconnaissant enthousiasme son slitit. n
entrevueavec l'Empereur: rrCaesarenihil mi- ^ Sigismond III, élu roi de Pologne en
tins, benignius, ac clementius natura un- »587, mourut en 1637.
[1630] À IIOLSTKNHJS. 353
je vous félicite fie tout mon cœur, et voudrois hieu (jue vous peussiez
vous en prévaloir A bon essiant quelque jour. J'ay prins {jrand plaisir
encores de voir ce qu'il vous a pieu me cotter des livres curieux que
vous avex trouvez en cez belles bibliothèques', et particulièrement de
la description ancienne de la Candie^, de la Toj)ograp]iic Chrestienne*
et de ce Pentateuque Samaritain de la Bibliothèque inq)eriale^ et en-
cores plus des habitudes que vous y avez prinses et que vous m'avez
voulu si favorablement procurer avec le s' Tenguagelius que je prixseray
tousjouis inliniment'', par le moyen duquel je vouidrois bien que nous
poussions avoir un peu de monstre, ou de coppie, quand ce ne seroitque
d'une ligne ou deux de ce texte samaritain pour en voir le caractère et
l'antiquité à peu prez et pour vérifier si ce n'est que le seul hebraique,
ou s'il y auroit quelque version auprez soit arabique ou syriaque ou vul-
gaire samaritaine. Et si nous le pouvions servir en revanche en quelque
curiosité de son goust, nous le ferions trez volontiers et je m'asseurc ([ue
vous neferezpasdifiiculté del'enasseurer, conimeje vousen supplie liez
humblement. Ayant esté bien marry d'entendre que ce gentillionnnc soit
tant incommodé du vertige et de la vieillesse et que cela l'empesche
de donner au public tant de belles et rares observations qu'il a faictes*.
' Holstenius (leUro XXVIII, p. i84)
avait spiriluelleinent dit : itRoina Venetias
adituriis , Floivntiam , lîononiain , Ferrariam-
quo tiaiisii. Istliic Meiliceam bibliolhecani
avidissiino inspexi oculo , sed ut canis e Nilo
fufjieiis tanluiTi libavi qiio sitim accende-
rem potins (piain sedareni.i
* rtDuos laiiieii maxime èirtaijiiovs codi-
ces nolavi, alteruiu qnidein Latioum, quo
(Ireta; Dnscriplio continetiir, additis etiam
iocorum singidorum topograpliicis delinea-
lionibus , auclnris sane uon indilifjentis quem
ante (piinfjentos hoscc anuos scripsisse exis-
timo...^(l'. 18/1-18.5.)
' ff . . .altenim veroGrœcum, scriplum
utiniiiiimim anto uc vol dcc annos, cni titu-
iiis \pi<7Tfxvixr) Toiroypoiipia.r, Holstenius
donne (p. i85) une analyse intéressant
de ce manuscrit.
' « Potci'it ille plurinia libi respondere de
Bibliis Sainaritanis, quorum et ipseexemplar
in Caîsaris bibliolheca babel. •>(!'. 188;)
' Voir (p. 186-188) un grand t'Iofje de
Tenffuagtilius auquel Holstenius donne de
Vhuinanissimiis, de. \'eriidili.islmiis, etc. l,e
recueil de Boissonade contient une autre
mention du nom de ce savant conservateur
de la bibliollièque de Vienne (p. a 19). Voir
aussi (p. 199) une lettre h lui adressée pr
le reconnaissant visiteur.
* irOinnes codices leg'it, expendit et nola-
vitdili(fentissime;sedobsenectutenlin[frueii-
teni , et verliginis morbuni quo alHigilur,
uihil ipse publico parare poleet.i (P. 187.)
354 LETTRES DE PEIRESC [1G30]
Mais je loue bien son dessein d'y employer et subroger le s' Schikar-
diis de Tubinge, de qui j ay faict trez grand cas depuis que j'ay veu
ses Roys de Perse et ses curieuses observations qu'il y a joinctes ^ qui
me font attendre avec une grande impatiance les autres parties qu'il
nous promet de ses mss. «t de ses observations. Je suis bien aise que le
R. P. Corderius- repraigne les erres du feu P. Fronton Ducœus pour
l'édition des SS. pères Grecs, et qu'il ayt commancé d'en mettre soubs
la presse'; il le fault exhorter à cela le plus que vous pourrez pour
ne pas laisser périr de si beaux ouvrages. Quant à voz mss., ils sont
touts prests, et si M.S' le Gard' de Bagni passe par icy, comme on le
nous faict espérer, je les feray joindre à ses coffres. Mais j'ay pourtant un
grand scrupule sur ce que je vous escrivis derniei-ement du voyage de
Gonstantinople dont je vouldrois bien avoir voslre resolution , ayant
peine de me persuader que vous vous puissiez desdire de cette cour-
vée et que vous ne trouviez des hoimestes moyens de disposer vostre
cher patron à le vous permettre, puisqu'il y avoit desja tesmoigné tant
d'inclination par cy devant. Mons' Gassendi , qui estoit à Paris trez bien
logé, a obtenu la mesme permission de son patron* pour ne perdre
une si belle commodité et s'en va fourny comme il fault de grands
instruments de mathématiques faire de belles observations célestes et
terrestres, avec promesse que luy a faicte M"^ le Comte de Marcheville
de l'envoyer en Alexandrie pour aller examiner et faire la comparai-
' ffld sedulo allaboral, ut Scliickardiim,
ppofessorem Tubingensem , ad Gœsaris au-
lam pertrahat, cujus iibrum de Jure Regni
apud HebrsEos, et Genealogiam Regum Per-
siae le vidisse non dubilo.n (P. 187.) Voir
sur Schickard, au bas de cette page 187, la
note n° 5 de Boissonade.
' tr Amicitiain quoque inii cum R. P. Gor-
derio Belga, S. J. tlieologo, viro humanis-
simo, et Groecarum Jiterarum peritissimo.
111e et Ducaei et Gretseri induslriam in SS.
Patruin scriplis publicandis superabit. . . t
Boissonade cite sur le P. Balthasar Cor-
dier d'Anvers (1 092-1 65o) VOnomastkon de
Saxius (t. IV, p. 375). Pour moi. je citerai
sur ce docte religieux l'article de la nouvelle
édition de la Bibliothèque de la Compagnie
de Jésus, par le P. G. Soinmervogel (t. Il,
1891, p. iâ38-i/i43).
' (rJam eniin aiiquot voluinina comnien-
tariorum in S. Scripturam conversa pênes
se babet et Pbiloponi doctissimus coramen-
tarius «spi Koo-f/OTroi/as ad principium Ge-
neseos prœlo jam excuditur. 1
* François Luillier, maître des comptes,
logeait chez lui Gassendi depuis l'année » 6 a 4 .
[1630] À HOLSTENIUS. 355
son de ce qu'il y pourra observer avec ce que Ptolemée en a laissé par
escript afin de pouvoir tirer de plus exactes consequances de ce qui s'y
trouvera de contorniité ou de differance, car c'est un homme des plus
curieux et des plus exactes qui se soient encores meslez de ces sciences là.
Il avoit une extrême passion que vous fussiez de la partie pour vous
y suivre et servir de tout son pouvoir, et s'est engagé à ce voyage croyant
que vous ne vous en peussiez pas honneslement excusera Mais si ne
fault il point tant regarder à l'interest du public qui le requerroit ain-
sin que vous ne considériez le vostre particulier en la conjoncture
où vous pouvez estre d'establir votre fortune. C'est pourquoy je ne
vouldrois pas vous avoir exhorté à chose qui vous y deubst nuire ou
estre dezagreable à vostre bon patron. Seulement vouldrois je estre
asseuré de la resolution que vous y aurez prinse, puisque vous aviez
prins temps à délibérer et méditer avant que nous respondre là des-
sus à ce que m'escript M'' de Bonnaire du 3i aoust, en me donnant
advis qu'il vous avoit rendu mes lettres du 27 juillet. Car je vouldrois
sçavoir si mes vœux pourroient estre accomplis, auquel cas vous feriez
le voyage et opteriez vostre embarquement en cez quartiers icy plus
tost qu'à Malte ou ailleurs pour me combler de bonheur et nous donner
moyen de vous voir et embrasser icy et de vous consigner de plus prez
tout ce qui peult estre à nostre disposition de vostre usage et parti-
culièrement pour vous ouvrir le cœur aultant qu'il nous seroit possible
et vous faire cognoistre qu'encores que nous ne puissions estre dignes
de l'honneur que vous nous avez daigné despartir de vostre cordiale
affection, ne avoir de quoy vous l'endre le cenliesme de ce qui seroit
de nostre debvoir, à tout le moings n'y manquons nous poinct de la
correspondance qui peult dépendre de nostre bonne volonté et de
nostre petit pouvoir.
Cependant je vous envoyé le roole de louts cez mesmes niss. grecs
la pluspart de vostre Andréas Darmarius dont vous aviez desja veu le
desnombrement et l'ay faict prendre sur les propres tiltres des libvres
' On sait que Gassendi n'alla pas plus en Orient que Hol«tenius.
45.
356 LETTRES DE PEÎRESC [1630]
ot y adjouster quelques niols du texte pour mieux recojjnoistre que ce
peult estie au vray. Pour le Pollux, il y en a une partie comme je vous
avois (lesja dict qui est transcrille sur le Pollux que nous avions desja
de longue main; l'autre partie est d'un autre Pollux chrestien qui n'est
ce que nous nous estions imaginez non plus que l'Histoire de vostre
Dexippe de Bologne '. Il me resteroit à vous dire quelque chose du tre-
pié dont vous ne me parlez qu'à demi bouche ^, mais un peu de com-
pagnie qui vient d'entrer céans m'oblige à clorre pour. reprendre si je
puis à ce soir ou demain la plume, et cependant vous aseeurer que je
suis et seray à jamais,
Monsieur,
voslre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
•A Bea^gency, ce 1 3 octobre 1 63o '.
XXIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je vous avois escript bien amplement 'et possible bien ennuyeuse-
ment pour -vous -cez jours passez, croyant que mes lectres peussent
aller sur la galère qui est allée à Livorne, mais nous fusmes frustrez
de noz espérances, car elle anticipa son d'epart de trois jours plustost
que l'assignation, et ceux qui s'y debvoient embarquer et nous avoieni
promis de passer par icy et y prendre noz despesches, suy virent un
autre chemin bien à. la haste sans nous en pouvoir faire advertir assez
à temps. Vous les recevrez donc par cette voye et par mesnie moyen
' ÇDexippi Historia, et nescio quae alia -{jodum effigies, qu» passira per Urliem cer-
quae Gesnerus isthie extare refert, falso li- imnturin sbtuis antiqui», diligentiiisinspi-
liilo spem nieam eluserunt. . . r (P. i85.) ciani.. . sed de liis coinmodiiis videbinius
' Holslenius avait ditseulementcesquatre i)erotium.i
mots sur un sujet qui tenait tant au cœur ' Bibiiollièquc Barberini, vol. ycj, piéri-
de Peiresc (p. i84) : rrTuni vcrn alias tri- n' -^8.
[1G30] À HOLSTENIUS. 357
je vous accuseray la réception de trois de voz lettres, l'une qui estoit
la plus fraische du dernier septembre ' j)ar M' le baron de Meslay - et
trois jours aprez les deux précédantes venues par Gènes du vu et xxvu
du mesme moys^, en responeo desquelles je ne vous puis dire si ce
n'est que je suis bien aise d'avoir jugé que vostre goust estoit de faire
le voyage do Gonstantinople, espérant que si bien vous ne pouviez estre
presl pour suyvre M»"" l'Ambassadeur vous trouverez bientost les
moyens de l'aller voir là, estimant qu'il est trez raisonnable de bien
aiïermir vostre fortune, puisque Dieu la vous a envoyée, avant que
vous engaiger à une si longue absanee qui ne se peult expédier en si
peu de jours, car vous trouverez bien là de «la matière à exercer vostre
bel esprit, si vous y estes une foys, «t crois que vous y arriverez tous-
jours bien à temps, en quel temps que vous y puissiez acheminer,
tandis que M'' le comte de Marcheville y sera. Lequel perciste tous-
jours, à ce qu'on m'escript, de partir en novembre, mais je me double
qu'il luy fauldra dilFerer encores plus qu'il n'avoit creu, et vo\ddrois
bien apprendre entre cy et là que voz affaires feussent en seurfé. Je
vous envoyerois homme exprez de par delà |K)ur ne perdre l'advantage
de vous voir icy avant vosire partement. Toutefoys nous avons main-
tenant un fort honneste homme de marchand qui a envoyé ouvrir une
maison en Constantinople soubs son nom où il faict estât d'envoyer
des navires exprez pour son compte pour le moings cinq ou six ioys
l'an '', ce qui nous donnera grande commodité d'avoir de voz nouvelles
quand vous y serez et de vous envoyer de par deçà tout ce que vous
en pourrez désirer qui soit à nostre pouvoir. Cependant parce que je
ne pense pas que M' l'Ambassadeur ayt possible songé à la nécessité
d'avoir un peindre, voyez, je vous prie, si vous en trouveriez quelqu'un
' C'est la lellre XXXU (p. ao3-9o5). lagne, voir le i-ecueil Pciresc-Dupiiy, I. l,
Holsteniiis lui aussi s'excnsp, \lès les pre- -p. 908, et t. 111. p. 9()5.
niières lignes, do la prolixité de sa précé- ' La lellre du 7 septembre est la lettn;
dente lettre. En cela les deux oorrespon- XXX (p. 196-aoo), et la lellre du 37 sep-
daiits ne devaient rien l'un à l'autre. lembre rst la lellre XXXI (p. .oao-QfrS).
' Stu- Achille-Auguste de Tliou, baron de * Il s'agit du nt^gocianl uinrseillais (iuez
Meslay, conseiller au parlement de Bre- déjà mentionné.
358 LETTRES DE PEIRESC [1630]
dans Rome qui voulust faire ce voyage et que vous jugeassiez capable
de bien desseigner et les païsages el les fabriques et les figures an-
tiques et en un besoing faictes le un peu exercer à portraire et des-
seigner quelque architecture ancienne avec ses vrayes dimensions, A
quoy ils ne s'arrestent pas communément, et puis nous tasclierons de
le faire agréer à mondit seigneur l'Ambassadeur, et au pis aller, quand
il se seroit pourveu d'ailleurs, jeferay desdommager celuy là du temps
qu'il auroit employé à cette estude particulière, et faictes le par même
moyen exercer à desseigner des médailles antiques et prendre bien la
ressemblance des visages qui y sont et des fragments de figures et bas
reliefs, car cela ne luy sera pas inutile, quoy qu'il devienne. En un
besoing luy trouverions nous possible quelque autre gentil employ, si
celuy là nous manquoit. Je suis un peu pressé de cette commodité
précipitée; c'est pourquoy vous m'excuserez si je ne vous responds
plus ponctuellement pour à cette heure; ce sera pour la première com-
modité Dieu aydant; seulement vous diray je que le P. Petavius' a
faict imprimer un troisiesme volume in fol. à la suitte des deux pre-
miers de Doctrina temporum, qu'il a intitulé URANOLOGION sive
sysfema variorum authorum qui de sphaera ac sideribus eorumque-
molibus graece commentati sunt, sunt autem :
Gemini ) . , . . ,
. ™ \ Isagoge ad Arati phœnomena.
AcHiLLis Iatu ) " ° '■
HippARCHi libri très ad Aratum.
Ptolemaei de Apparentiis.
Theodobi Gazae .... de Mensibus.
Maximi.
IsAACi Argvri dupplex )
ni • computi.
b. André* Ureiensis. . ) '■
Et y a plusieurs autres petits fragments et buict libvres de disserta-
tions du mesme Petavius en toutes cez matières^, de sorte que vous
i' Sur le P. Denis Petau voir les tomes II , dans la Bibliothèque des écrivains de la Com-
IV du recueil Peiresc-Diipuy, ;)a.ss«Vn. pagnie de Jésus (édition in-fol., t. II,
' Voir le titre complet de VUranologion col. 1898).
[1630] À HOLSTENIUS. 359
n'aurez plus tant de peine à chercher le Geminus'. M' Grottius m'a
envoyé les fragments de Nicolaus Damascenus mis en bon ordre avec
sa version; ils mériteront bien à mon advis d'estre imprimez '^ Je suis
contrainct de clorre à mon grand regret, ne désespérant pas encores
qu'il ne puisse arriver beaucoup de clioses qui vous donnent du loisir
de mettre bon ordre à voz affaires [etj de vous laisser encores voir icy
conformément à nos vœux avec lesquels je demeure,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé et aff[ection]né serviteur,
i)E Peiresc.
A Boysgency, ce a 6 oct. i63o en grande haste'.
XXX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Ce mot à la haste n'est que pour vous dire que je vous ay ample-
ment escript par le P. Toussaint Bot. des Miin'mes party d'ici di-
manche passé, en responco de plusieurs lettres venues tout à un coup,
et pour vous dire que nous n'avons pas de nouvelles que M' le comte
de Marcheville presse tant son voyage de Constantinople, comme il
avoit creu, car nous voyla desja dans le moys de novembre sans qu'il
paroisse et sans que les navires pour son passage soient encores prests.
Ce qui vous donnera tousjours tant plus de temps pour mettre ordre à
voz affaires, dont je n'ay pas voulu manquer de vous tenir adverty. Je
pense que c'est la maladie du Roy qui a tenu en suspens toute la
cour\ et qui l'a retardé jusques à cette heui'e, mais on en a, Dieu
mercy, de meilleures nouvelles que cez jours passez, et espérons que
' Voir le recueil Peiresc-Dupuy, t. II, ' Bibliothèque Barberiiii. vol. 79, pièce
p. joti. n* 99.
^ Sui- le Nicolas de Damas de Grolius, * Louis XIII était tombé dnngereufie-
voir le recueil Peiresc-Dupuy, 1. Il, p. 700. nienl malade à Lyon le aa septembre.
360 LETTRES DE PEIRESC [1630]
Dieu le conservera pour le bien de son estât et soulagement de ses
peuples. le n'ay pas sccu non plus que le navire que ledit s' de Mar-
clieville avoit despesclié de Toullon en Constanlinople à l'advance soit
encores de retour, et possible attend il cela,- s'il n'a eu responce de
ses despescbes par Venize. Tout cela ne nuira pas au temps qui vous
laict de besoing, et je vouldrois bien qu'il prinst de nouvelles assigna-
tions d'embarquement si reculées que nous eussions encores moyens
de vous tenir et gouverner icy et de vous y pouvoir dire du meilleur
de mon cœur que je suis de toute mon affection.
Monsieur,
vostre trez liumblc et obligé serviteur,
DE Pkiresc.
Boysgency prez Tollon , 7 novembre 1 63oi
Je vous supplie de faire mes trez humbles recommandations à
Doui CristoHe du Puy; je n'eus point de vos lettres par ceux de la suitte
de M"' le Nonce K
XXXI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Encores que je ne double point qu'ayant la cognoissance que vous
avez de M' Bouchard"^ et la passion qu'il a pour les bonnes lettres vous
' Bibliothèque Barberiiii, vol. 79, pièce
n" 3o.
' Holsleiiiiis accuse re'ceplion à Peiresc
(lettre XXXIV, p* 2i3) des livres et des
letlres apportes par J.-J. Bouchard et dont
il s't'tait entretenu avec son patron (rnostro
cardinale» : trNain ubi de tuis iileris libris-
que per Bucliaidiuni allalis agereinus, etc. s
Voir sur Boucliard, qui tient déjà tant de
j)lace dans nos quatre premiers volumes, et
surtout dans le quatrième , une note de
Boissonado (p. -ai 3) oîi sont cités Gas-
sendi, Vigneul Marville, Balzac, etc. Dans la
lettre XXXV (p. 217), Holstenius parle
ainsi de Bouchard : n-insigui eruditione ju-
venis , et Parisiis mihi paulo ante discessum
Bigaltii comnicndafione notus. Ego lubens
hospili carissimo praestiti, quod amicitiae
[1630] À HOLSTRNIUS. 361
ne soyez tout porté à luy rendre toute sorte de bons offices, et de ser-
vice qui vous sera possible , et qu'il ne doibve avoir plus de crédit que
moy en vostre endroict, si ne puis je manquer de joindre mes trez
humbles prières aux siennes pour implorer la continuation de vostre
bienveuillance en son endroict, puisqu'il l'a désiré , et que mess" du Puy
me l'ordonnent ainsin. C'est pourquoy je crois que vous m'excuserez
facilement s'il y a en cela de ma faulte et que vous ne trouverez pas
mauvais que je me rende participant aux faveurs et obligations que
vous luy daignerez desparlir et procurer de pardelà, dont je me tien-
dray grandement vostre redevable. Il s'en va en resolution de bien
travailler à la visite des bons MSS. grecs s'il luy est loisible, et d'y
exercer la bonne main qu'il a, pour en transcrire quelque chose de
bien rare. M'' Rigault m'ayant asseuré que depuis M' Angelo Vergetio '
il ne s'est poinct veu à Paris de plus délicate main que la sienne à
transcrire du beau grec. Je luy ay faict voir voz MSS. et l'en eusse
chargé fort volontiers pour les vous faire conduire, n'eust esté l'ordre
que vous m'avez donné par voz dernières lettres, de les reserver pour
le passage de M'' l'Ambassadeur^, afin que vous les trouviez sur les
lieux, quand vous vous y pourrez acheminer. Lequel n'est possible
pas encores si prest à partir bien qu'il perciste à dire qu'il veult s'en
aller à la fin de ce moys, comme vous dira le présent porteur, attendu
que son prédécesseur demande terme jusques au moys de mars^ pour
estre prest à partir de Constantinople et à luy faire place. Dont je ne
serois pas marry, pour vous donner tant plus de temps à mettre l'ordre
qui est requis à voz affaires particulières, et à venir prendre icy vostre
embarquement, qui seroit l'accomplissement de l'un de mes plus grands
souhaicts, et auquel je m'attends encores bien fort Dieu aydant. Je vous
ay escript en responce de 3 ou U de voz dernières lettres venues par
pristinœ, cjiiodvirlutiel (loctriniE,{juod luis iiy, où sont cités en assez grand nombre
aiioriinique ellicacissiniis commendatioiiibus des témoignages anciens et nouveaux,
negare non polerain.n * I^e comte de Marcheville.
' Sur le failigraplie Ange Vergèce, voir ' Nous avons déjà vu que celait Plii-
ie recueil Peiresc-Dupuy. l. UI, p. tiiù- lippe de Harlay, comte de Cëzy.
362 LETTRES DE PEIRESC [1631J
Gènes et par M' de Melay et me suis servy tant de la mesme voye de
Gènes, que du passage du P. Toussains Bot des Minimes, duquel je
suis un peu en peine, ayant apprins depuis son départ les dillicultez
que l'on faict de laisser aborder en Italie des religieux et serois bien
f'asché de le voir revenir sans vous avoir faict rendre mes lettres. Au
reste l'on me faict espérer dans peu de jours le recouvrement de
quelques bons MSS. grecs du costé du Levant. 11 me tardera de les
voir arriver, et de vous pouvoir faire sçavoir ce que ce sera avant que
vous vous en alliez de ce costé là. Et encores plus d'avoir quelque
digne moyen de vous servir et de vous tesmoigner de combien bon
cœur je suis,
Monsieur,
vostre trez bumble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Boisgency, ce 1 5 nov. 1 63o '.
XXXII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Le mesme jour que j'altendois céans Monseigneur le cardinal
de Bagny, on m'apporta de Brignole les lettres de vostre part du
tS""" febvrier, dont s'estoit chargé M' de Breton, et le jour devant
j'avois eu du mesme costé de Brignole vostre lettre du lendemain que
M"' le chevalier de Bourlemon y avoit laissées (sic) pour me faire tenir.
Je fus infiniment aise d'y apprendre le bon estât de vostre santé, et que
vous fussiez si bien en l'esprit de l'eminentissime Gard*' Patron et que
la veiie de l'indice des livres arabes de Golius eust donné matière de
remettre sur le tapis vostre voyage par la Grèce ^. Dont je ne man-
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce a reverendissimo domino Puteano liabui.
u°3i. et cardinaii nostro exhibui iegendiini.r
' trindicem librorum Arabiconim Golii (Lettre XXXV, p. 219.)
[1631] À HOLSTENIUS. 363
(jueray poiact d'escrire à son Kmiiiaiice pour ayder à promouvoir s'il
est possible un si ioiiabie el si recommandable dessein. Le retardement
(le la partance de l'Ambassadeur ne devant nullement vous empescher
de le resouldre, puis qu'au contraire, cela favorise le désir tant de
mondict seigneur le Cardinal que le vostre, et les interests que vous
avez de voir FalTaire de vostre bénéfice vuidée et bien eslablie avant
que vou^ vous embarquiez. Car il ne lault nullement doubler que
M"' le marquis de Marcheville ne face le voyage encores qu'il ait esté
constraiiict de le différer, tant par le reculement de M' de Cesi, que
par les brouilleries de la Cour, qui ont succédé à la maladie du Roy,
et qui l'ont retenu, voulust il ou non.
M' Suarez ne m'a poinct envoyé les observations du s' Âliacius sur
cette belle inscription que vous aviez descouverte dans ce vieil MS.
du Vatican ', laquelle je seray tousjours trez aise de voir, quand il sera
loisible, en attendant que vous nous puissiez doimer un jour et au pu-
blic l'aulheur entier. Je me suis infiniment resjouy de l'arrivée de M' de
Fontenay Bouchard en bonne sauté de pardelà, et qu'il se soit si bien
prévalu de voz bons et salutaires conseils comme il me mande, par
une signne lettre, où il se loiie grandement de vostre favorable adsis-
tance et en faict grand capital^, non sans cause trez légitime, et se
loue bien aussy de l'accueil de M.s' le Cardinal^, estant bien marry que
je ne le chargea [sic) des MSS. platoniques, comme j'eusse faict trez
volontiers, sans l'incertitude où j'estois de vostre voyage à Constanti-
Jiople, craignant qu'ils ne tombassent en mauvaises njains s'ils arrivoient
là à contretemps, lorsque vous pourriez estre parly. Et de faict, suy-
vant les ordres précédants, si M"" de Marcheville fusse passé je les eusse
' rrPtolomiBi rogis iuscriptionein a Leone chard à Peiresc qu'il m'ait été possible de
Allatio cditam Suarcsius haud dubio ad te retrouver est datde de trRonie, ce 18 février
mittil.îi (Lettr>' XXXV, p. ai8.) Voir sur ce 1633».
rrmonumenliini Adulilanum Ptoleuia;! Ever* ' » Emiaenlissimus noster cardinaliR
getœ Gr. et Lai. editiim Uouiœ an. iG3i n sumniopere ejus coiigressu fuit delectatus,
une noie de Boissonade ( p. 218). et curani me libcrrimum et suas et Vati-
' Nous ne possédons pas la iellre ici canœ bibliolhocœ usum obtulit, etc.»
uientionm'o. La première des lettres de Bou- (Lettre XXXV, p. 217.)
&6.
36/1 LETTRES DE PEIRESC [1631]
faict embarquer dans son navire pour vous estre gardez jusques à
vostre arrivée en Conslantinople. Mais puisque vous avez tant de re-
gret de ne les avoir eus dans Rome durant cez retardements de vostre
départ, je n'ay garde de manquer de les vous envoyer, sur la galère
qui porte niondict seigneur le cardinal de Bagny, auxquels j'av joinct
quelques aultres pièces venues d'ailleurs et les cartes postiimes de la
géographie ancienne du pauvre deffunct M'' Bertius, lesquelles il avoit
entreprinses à ma persuasion, mais vous les ferez bien mieux, si vous
voulez, et y joindrez, si vous me voulez croire, celles de la géographie
de Strabon et aultres aulheurs anciens selon leurs sentiments. J'y ay
joinct aussy les pérégrinations et voyages de Purchas, afin qu'il ne
tienne poinct à cela que vous ne puissiez travailler plus commodément
sur la géographie ancienne de cet Orient et aultres contrées mieux
descrittes dans les recueils dudict Purchas que dans les aultres au-
theurs du temps. J'avoy une foys eu quelque scrupule de le vous «n-
voyer, tant à cause des considérations que je vous en avois touchées,
que de crainte que n'en eussiez desjà faict venir, parmy les livres que
vous printes en Allemagne i\ vostre retour de Pologne. Mais puisque ne
m'en avez rien touché de particulier en voz lettres, jay creu que n'en,
debviez pas avoir rencontré à vostre chemin , ou que les troubles et
interruptions du commerce pour la maladie de l'Allemagne et de l'Italie
vous en pouvoient avoir empesché, et qu'il valoit mieux vous envoyer
mon exemplaire par une si bonne commodité. Auquel j'avois faict
adjousler du papier blanc pour y faire transcrire la version de quelques
chosettes des plus curieuses, que j'avois faict commoncer, et sur le dos
j'avois faict laisser du vuide, pour cotter quelques mots des princi-
pales pièces y contenues, pour espargner la peine de les feuilletter
tous quand on veult avoir recours à quelque particularité. Estimant
que vous vous serez muny à l'advance d'une permission de l'inquisi-
teur particulière pour avoir la faculté de tenir ledict livre, afin que
persone n'y puisse trouver à redire, si l'on en vouloit faire la censure.
J'ay eu un peu de regret de ne pas trouver dans ma layette l'une
des liasses de voz lettres où debvoit estre celle que m'aviez escriple
[1631] À HOLSTENIUS. 365
autres foys concernant ia forme de l'adresse que vous entendiez que je
tiuse pour vous faire tenir touts cez libvres, de laquelle adresse il ne
m'est pas maintenant souvenu , et vous supplie de m'excuser de ce man-
quement, et de trouver bon qu'au deffault de cela, j'en fasse l'adresse
telle que je pourray à vous mesmes, soubs une recommandation trez
instante que j'en feray à M»"' le cardinal de Baj^ny, m'asseurant qu'il
en prendra un soin fort particulier pour l'amour de vous et de vostre
sureminante vertu, me resolvant mesmes de luy déclarer le contenu
et importance desdiz livres, et en un besoing, de les luy faire voir avant
que clorre la caisse, à celle fin que cela serve à luy en faire prendre
plus de soing, et à vous donner un peu plus de crédit, quand il verra
que de si loing on vous envoyé de cez pièces, pour vous donner plus de
commodité de les voir et digérer qu'il ne s'en peult honnestement
prendre dans le Vatican. Espérant que cela ne vous sera pas inutile
Dieu aydant, selon la créance et l'authorité que ce grand prélat peu!
acquérir avec le temps dans la cour de Rome. Ce qui me donnera tant
plus d'occasion de l'entretenir de vos estudes et de vostre mérite nom-
pareil, encores qu'il en soit bien adverty d'ailleurs. Vous aurez icy l'in-
ventaire du contenu en ladicte caisse, et y trouverez tout ce que vous
aviez marqué sur le premier rolle qu'en aviez veu, mesmes le Pollux
pour raison duquel je vouldrois bien vous supplier de prendre la peine,
quelque jour de vostre loisir, d'en distinguer, et ranger à part, tout ce
qui y pourroit desfaillir, et m'en dire vostre advis. Herwartius' eji al-
lègue quelque passage et en devoit avoir veu sans doubte quelque
aultre exemplaire, vraysemblablement en la Bibliothèque de Bavière
ou en celles de l'Empereur, ou du Palatin, s'il ne l'avoit luy mesmes
dans la sienne, de quoy il ne vous est pas dilficile de vous esclaircir, et
possible ne seroit il pas inutile tout à faict de vous enquérir et de
voir s'il ne s'en trouveroit pas d'aultre exemplaire dans le Vatican entre
ceux du Palatin, et en cez aultres Bibliothèques, voire de mettre ce
second Pollux en estât d'estre un jour imprimé, si vous l'en jugez
' Sur J.-Fréil. Heiwarl, (ils du cliancelier de Bavière, voir le recueil i'eircsc-Dupiiy,
l. l,p. 43i.
366 LETTRES DE PEIRESC [1631]
digne. Je sçauray volontiers ce que vous pourriez trouver à proffiter
dans ce volume de l'HERON et aultres géomètres. Vous trouverez aussy
dans la mesme caisse non seulement l'exemplaire du Polyœnus in li°
qui avoit esté à ce Darmarius, mais encores un aultre in fol" que j'avois
recouvré à Paris, afin que si vous trouvez occasion de vous servir de
l'un, l'aultre ne vous manque pas, dans lequel il y a aussy quelques
apostilles, et diverses leçons. Et vouldrois bien avoir quelque chose
plus digne de vous. J'y a y encores faict mettre cez aultres petits MSS.
dont je vous avois faict offre, de quelques opuscules de SS. Pères pour
adjouster à ceux que -vous destiniez à M' de Thoulouse, pour ses As-
tronomes', et plus tost que ce sien recueil vous eschappe, je serois
d'advis que vous lui offrissiez ce second PoUux qui est chrestien, aprez
toutefoys que vous en aurez retenu une copie bien coUationnée, si ce
n'est que jugeassiez qu'il se contentast de la coppie pour reserver
l'exemplaire ou autographe de Darmarius. Afin de le réduire au poinct
de ne se pouvoir desdire de vous accomoder de ses Astronomes. Sinon,
au cas que cet autheur (je veux dire ce Pollux chrestien) ne fust de
vostre usage ou de vostre goust, je ne serois pas marry de le recou-
vrer un jour, aprez qu'en aurez retiré ce que trouverez bon d'en rete-
nir, soit pour vous, ou pour ledit sieur Archevesque de Thoulouse,
croyant que vous trouverez plus facilement la commodité de le faire
transcrire là que moy icy, où je l'eusse faict faire si j'en eusse trouvé le
moyen, mais nous n'y avons persone qui s'en peusse acquitter comme
il fault, et puis je seray bien aise en toute façon qu'il passe par vostre
examen, pour ranger et recognoistre ce qui y est et ce qui y peult
manquer. Dans le petit volume du Psellus sur la Psychogonie de Platon,
il y a deux aultres opuscules derrière, de cez oracles assyriens qui sont
des dépendances de ce qui fut aultres foys imprimé derrière les
oracles sibyllins d'Opsopœus à Paris in 8" '^, dont je vouldrois bien sça-
voir de vous ce que vous en avez aultres foys rencontré parmy voz re-
' C'est-h-dire eu échange do ses manu- p. 870) divers renseignements sur les deux
scrits relatifs à l'astronomie grecque. éditions de Paris (lôgg, in-8° et 1607,
" Voir dans le Manuel du libraire (t. V. in-8°).
11631] À HOLSTENIUS. 367
cherches et parmy ce que on en peult avoir réservé dans la Bibliothèque
Vaticane et aullres de ce pais là, sans toute foys vous en mettre guieres
en peine, car ce n'est pas chose qui touche guieres avant ma curiosité,
et dont je ne vous faicts mention que par la rencontre d'en avoir veu
quelque chose dans le petit volume de Psellus et par ce que tout cela
se trouve tiré de voz Platoniciens que je vouldrois bien voir un jour
desbrouillé des obscuritcz Platoniques. Mais tout à voslre loisir, car
rien ne presse, et tout ce qu'il vous plairra m'en toucher viendra assez
à temps. Pour respondre maintenant au reste de voz lettres, puisque
la routte que M^ le cardinal de Bagny a prinse du costé de Toulon
au lieu de passer droict icy, comme c'estoit son chemin, m'en donne un
peu plus de loisir que je n'en pensois avoir aujourd'huy, je vous diray
que si vous avez attendu avec impatiance les MSS. platoniques vous
ne m'avez pas mis en moings d'impatiance attendant cette grande epistre
que vous me promettez concernant vostre advis sur le Trepié, et me
tardera grandement que vous ayez peu desrobcr le temps à ce requis
pour y pouvoir satisfaire, en quoy je regrette certainement vostre peine
et voz divertissements de meilleures et plus solides estudes, mais
puisque vous y avez voulu penser pour l'amour de moy, je seray bien
aise d'en voir un jour vostre advis, et me promets qu'au retour de cez
galères nous pourrions bien le recevoir. Ce que vous me cottez du des-
sein d'un trepié du card"' Borghese^ me donne bien encorcs davan-
tage d'impatiance, m'imaginant que ce pourroit estre quelque chose
de pareil ou plus considérable que celuy du s'' cavalier Gualdo* et que
le mien. C'est pourquoy nous l'attendrons en bonne dévotion.
M"' Suarez m'escript que le s'' Meneslrier m'envoyoit des desseins de
divers Trepiez, mais je n'ay point receu de ses lettres à ce coup ne
par le s' Bourlemont qui aj)porta de celles de U«' le Cardinal et des
' (îNunc ad lolumillud api)araluinnihil * Surl'urclidologucetcoUectionneurFrai»-
mihi defuit piœter Buiffosiani liipodis dosi- cesco Gualdi, voir le recueil Peiresc-Dupiiy
gaationem, quam cum aliis nonmillis ad (t. II, p. a33). Voir sur le trépied de
te niittere cupiobam i (Ixîllre XXXV, Gualdi le recueil de Boissonadc (p. «83,
p. ai6.) a3a).
368 LETTRES DE PEIRESC {1631]
vostres, ne par M' de Breton, qui m'a encores apporté des vostres et
du s' de Fontenay Bouchard. Estant bien niarry que son chemin ne
Tayt poinct amené par icy, comme je m'y attendois; car j'eusse esté in-
finiment aise d'apprendre de sa bouche de voz nouvelles plus particu-
lières, puisque vous me dictes qu'il vous a rendu de si bons offices de
par delà. Ledit s'' Suarez m'escript avoir veu un traicté des Trepiez
du s" Alexandre de Grandis ', dont je n'avois pas ouy parler, et voul-
drois bien le voir s'il se trouve à vendre, ou à transcrire, au cas qu'il
se trouve de peu de contenance. Il ne me parle poinct de l'inscription
de Ptolemée que j'eusse bien voulu voir, au moings en son texte, en
attendant voz notes, car je ne pense pas que le s' AUatio puisse avoir
satisfaict absolument à ce que nous pouvons et debvons attendre de
vostre main sur cela et spécialement sur cez noms de peuples du sein
Arabique, et d'à l'entdur de la rivière du Nile. Estant bien contant
qu'ayez trouvé une si jolie pièce à joindre à vostre recueil des géo-
graphes grecs, et espérant que vous en rencontrerez tous les jours de
plus beaux, pour le rendre tant plus accomply^. Quant au Pentateuque
samaritain de la Bibliothèque impériale, vous m'obligez trop d'avoir
eu le soing que vous vous estes donné d'en envoyer demander un eschan-
tillon pour l'amour de moy. J'en attends en peu de jours encores un
exemplaire qu'on m'asseure estre bien ancien et bien complet. Et
vouldrois bien encores avoir un peu d'eschantillon de celuy du Vati-
can, s'il est loisible, seulement pour juger de la forme du caractère; il
y a esté mis depuis peu. Cependant j'ay esté bien fier d'apprendre non
seulement par voz lettres et par celles de M' de Fontenay Bouchard,
mais aussy par celles mesmes de M^"^ le card"' Barberin, le favorable
accueil qu'il avoit daigné faire audit s' de Fontenay et les honnestes et
' Holstenius donne à Grandis un prénom dicopleuste, dans la leUre XXXV, p. 9i5-
différent (leUre XXXVIII, p. aSa): "Hiero- 216. Comment un helléniste tel que Bois-
nymi de Grandis librum de Tripode vidi sonade a-t-ii oublié (note 3 de la page 918)
una cum Claudio Meneslrier. " de mentionner l'édition de la Topographie
' Voir les détails donnés par Holstenius chrétienne donnée en 1707 par un helléniste
sur le très ancien manuscrit du Vatican con- tel que Dom B. do Montfaucon?
tenant la relation de voyage de Gosmus in-
[1631] À HOLSTENIllS. 369
obligeantes offres qu'il liiy avoit laictes de sa bibliothèque et de celle
du Vatican, dont je l'a vois supplié avec instance, espérant qu'avec le
temps, vous y acquerrez toute l'entrée et le crédit que mérite vostre
singulière vertu et vostre candeur et sincérité. Mais s'il plaict à Dieu
que vous Cassiez vostre voyage d'Oriant heureusement, et que vous en
puissiez rapporter ce que je m'asseure que vous en retirerez, et que
persone ne sçauroit recognoistre comme vous, je ne doubte poinct que
vous n'en rapportiez encores plus de créance aussy dans la Cour de
Home, comme pévr tout ie reste de la Chrestienté, avec une plaine
disposition de tout ce que vous désirerez d'en retirer etque vous jugerez
digne d'en voir le jour.
Sur quoy je finiray en vous suppliant de pardonner le mauvais ordre
de cette mienne lettre, faicte ou brochée à bastons interrompus, parmy
une infinité de divertissements que me donne le soing d'envoyer sçavoir
des nouvelles asseurées du chemin que pouvoit tenir M^"" le car-
dinal de Bagny, lequel je ne manqueray pas d'aller voir demain Dieu
aydaiit la part où il sera, s'il ne revient icy luy mesmes, comme il m'en
a taict donner quelque espérance, et demeure,
Monsieur;
vostre trez humble et trez obeyssant serviteur,
DE Peiresc.
A Boysgency, ce i4 mars i63i'.
Depuis avoir escript M«' \(î card'"' de Bagni s'est donné la peine de
revenir de Toullon icy, et d'y prendre la patiance durant deux ou trois
jours, s'estant fort courtoisement offert de vous faire seurement tenir
la cassette des MSS. Platoniciens, lesquels il voulut voir, et monstra
me sçavoir bon gré de les vous communiquer avec cette mienne liberté.
Je luy dicts que ce n'estoit que pour vous donner moyen de les voir et
examiner plus commodément chez vous, et pour vous espargner les
incommoditez qu'il y avoit d'en aller voir dans le Vatican, ce qu'il
' BiLliulhèque Barberini, vol. 79, pièce n° 3'J.
T- A7
«PKlUkttl IITIOVILI .
370 LETTRES DE PEIRESC [1631]
trouva fort bien et fort à propos. II a conceu une grande opinion de
voslre rare érudition , et j'y ay contribué ce que j'ay peu , aussy bien (jue
M"" Naudé qui est son anflgnoste^ lequel vous y [a] rendu en ma pré-
sence niesmcs de si bons offices, que vous estes obligé de luy en sça-
voir du gré. Et je vous supplie de le luy tesmoigner, et de vouloir ou-
blier pour l'amour de raoy tout ce qui vous pourroit estre resté de
scrupule, des manquements que ledict s' Naudé pouvoit avoir commis
aullresfoys envers vous, dont il est desplaisant à la mort, et désire de
vous servir avec tant de fidèle dévotion que vous aurez subject de l'ad-
vouer pour vostre serviteur comme je crois fermement qu'il le sera. Et
(|ue pour l'amour de moy vous oublierez tout le passé, et l'aymerez à
l'advenir comme je vous en supplie et conjure de tout mon cœur. Je
luy ay donné quelques petits advis pour la façon de vivre en cour de
Rome, lesquels il a prins ce semble en fort bonne part, et je m'en suis
donné la liberté à la prière et recommandation de Mess" du Puy et
Gassendy de Paris. Croyant qu'il sera encores plus aise d'en recevoir
de vostre part, et qu'il s'y conformera en tout et par tout comme il me
l'a solennellement promis. Et je vous supplie de luy en donner aussy
librement que vous feriez à moy mesme. Ce qui me faict ressouvenir,
de vous faire encores une supplication de vouloir vous disposer, pro
majori bono, à donner quelque petite démonstration de bienveuiilance
à M'' Suarez, lequel certainement m'a souvent escript de vous en termes
si honorables et si obligeants, que vous estes aulcunement tenu à luy
en rendre quelque tesmoignage de gratitude. Et sur moy faictes le har-
diment, o&aat me promett/re qu'il taschera de s'en rendre digne en vous
servant avec toute sorte de passion, au moings plus qu'il n'a encores
pu vous tesmoigner. Nous prenons aulcunes foys des conjectures, qui
peuvent estre plus ou moings asseurées, et il importe grandement de ne
pas monstrer tousjours de s' estre apperceu de ce niesmes qui pour-
roit estre faict à dessain de nous nuire.
[En marge.] Excusez-moi pour l'houncur de Dieu de cette liberté,
' Nous avons trouvé l'expression anngnoste (pour leclem-) dans te tome I du recnrit de»
Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, p. 139.
[1fi31] À HOLSTENIUS. 371
et. me croyez iiiviolablernent vostre sans reserve. Les livres que je vous
envoyé sont absolument et irrévocablement vostres, mais de peur que
vous ne fussiez pressé de les donner à d'aullres, je vous ay escript une
lettre pour vostre descharge, laquelle vous pourrez montrer, si bon
vous semble, pour faire apparoir que lesdicts livres ne sont pas si abso-
lument à vostre disposition, et comme si vous estiez" obligé de les
rendre tost ou tard, à quoy je ne songe nullement neantmoings, ains
vous en faicts le présent et le don pur et simple et de bon cœur et
présuppose que vous l'ayez jà accepté [^quelques mois cachés par
k, reliure\.
Ce 18 mars i63i.
XXXIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Cette lettre sera pour accompagner la cassette de livres tant grecs
MSS. que aultres lesquels j'ay bien voulu vous envoyer par une si bonne
et si seure commodité que celle du passage de Monseig"' l'eminentissinie
card"' de Bagni. Lequel de sa grâce m'a offert d'en faire prendre le
soing qu'il faut, pour les faire bien conserver et seurement remettre
entre voz mains, désirant que vous y trouviez de quoy bien ayder voz
louables desseins sur la philosophie platonique, et l'édition de voz an-
ciens géographes, pour raison de quoy j'y ay faict joindre les voyages
et relations angloises du Purchas, afin qu'ils vous servent à mieux
comprendre l'intention de cez vieux géographes grecs qui ont descript
les païs d'Oriant, qui se trouvent si joliment représentez en cez in-
structions angloises. Et lorsque lesdicts livres ne vous serviront plus
de rien, ma petite estude se trouvera bien honorée d'en recouvrer ce
que vous trouverez bon d'y faire remettre, et encores plus si vous y
avez apostille quelque petite note de vostre main. Que si j'estois si
heureux de recevoir certaine quantité d'aultres bons libvres MSS.
47.
372 LETTRES DE PEIRESC [1631]
grecs, dont on m'a faict feste, et dont on m'a donné de grandes espé-
rances, je seray encores plus aise de vous en faire part s'il s'y trouve
rien de plus digne de vous. Mais quoy que c'en soit, je reputerav tous-
jours à grand honneur que ceux-ci vous ayent peu servir à quelque
petit usage, quand ce ne seroit que pour empescher, et vous des-
charger des ihcommoditez qu'il y a de par delà, pour aller estu-
dier dans le Vatican, et pour y lisre des libvres de si longue haleine
qu'estoient cez Platoniciens. La balle de ladicte caisse est faicte en
sorte qu'elle semble estre à preuve • de la mouilleure si elle ne tombe
tout à faict dans la mer, comme fit le coffre de M"" de Thon ^. Il me
tardera d'entendre que vous l'ayez receiie et qu'en soyez demeuré
satisfaict comme je le souhaicte, et qu'il vous plaise me commander
en aultre chose et disposer de moy aussy librement que vous le pouvez
faire ,
Monsieur, de
vostre trez humble et trez obligé serviteur et plus fidèle amy,
DE Peiresc.
A Boysg-ency, ce 19 mars i63i '.
La balle est marquée de mon chiffre ordinaire*.
' Pour à l'épreuve. * C'est le chiffre que Peiresc faisait repro-
* Gel accident préoccupa beaucoup un . , , . duire sur les belles reliures de sa
amateur tel que Peiresc et il en est souvent
question dans sa correspondance.
bibliothèque et qui , aux yeux des
coileclionneurs, est à la fois un
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce précieux ornement et une précieuse ga-
n" 33. rantie.
[1631] À HOLSTENIUS. 37:5
XXXIV
MÉMK ADRESSE.
Monsieur,
Enfin vostre cassette des libvres grecs platoniciens MSS. et autres
l'ut hier embarquée sur la galère qui porte M»'' le card'' de Bagni, et
logée dans la chambre où il lit mettre ses bardes plus précieuses. Elle
est deuemenl emballée premièrement avec de la toille cirée, puis avec
de la paille et de la cerpillierc. Je l'avois faict marquer de mon ciiill'i c
ordinaire composé d'un double ^^ O. N. K. et on y fit adjouster icy
les armoiries de mondict seigneur le cardinal de Bagni, et m'a-t-on
voulu dire qu'on y a voit escript mon nom tout entier, Mons' Naudé.
l'un des secrétaires de Ms' le Gard"' susdict, |)romit en ma présence k
S. Em™ qu'il en prendroit le soing, pour la faire bien ranger dans la
chambre de la galère, en lieu qui ne coure aucun risque de niouil-
leure, et poin' la faire porter avec ce que mondict seigneur aura de
plus précieux, pour lavons faire consigner en main propre, avec le
duplicata que je luy ay faict donner d'une lettre que je vous avois es-
cripte sur ce subject, et laquelle devoil accompagner ladicte caisse, où
vous trouverez non seulement lesdicts MSS. platoniques et aultres que
vous aviez desirez, ou que je vous avois ofl'ers, mais aussy les 5 vo-
lumes de Purchas et la géographie antique du pauvre Berlius. La galère
a faict voille cejourd'huy au poinct du jour avec un temps fort favo-
rable et tel que les mariniers tiennent qu'elle pourra avoir gaigné
Moui'gucs ^ à ce soir. Dieu les veuille bien conduire. J'ay pareillement
baillé audict seigneur Card»' un pacquet de lettres adressé à l'eminen-
lissime seigneur card»' Barberin, lequel ils m'ont promis envoyer d<;
Cività Vecchia à Rome par la poste sans attendre que leur quarantaine
soit expirée comme il fauldra pour le l'este; il y a un pacquet [tour
vous que mon homme enferma sans y ])enscr soubs l'envelop))e de
' La capitale de la principauté do Monaco.
374 LETTRES DE PEIRESC [1631J
M'' de Bonnaire, laquelle est aprez dans le pacquet dudict s' card''
Barberin. Si celle cy vous arrive plus tost, vous pourrez prendre le
soing de le faire demander et y trouverez une response assez ample à
voz dernières lettres el une lettre à part, escripte sur le subjecl desdicts
MSS. pour vostre descliarge, et pour tous bons respects. J'escripts
aussy par raesme moyen à M"^ de Fontenay-Bouchard, à qui j'ay rendu
tous les bons offices que j'ay peu , tant par escript en rcspondant au-
dict seigneur card*' Barberin que de vive voix envers ledict seigneur
cardinal de Bagni. Je n'ay poinct oublié non seulement d'escrire aux
meilleurs termes que j'ay peu à mondict seigneur le card'' Barberin
pour l'induire h vous laisser faire plus tost que plus tard le vovage
de Gonstantinople. Mais j'ay l'aict comprendre au card"' de Bagny'
l'importance d'iceluy, et qu'd y debvoit travailler de son costé comme
il m'a promis de le faire pour y faire resouldre ledict s' card** Bar-
berin selon voz vœux. Au reste ayant apprins ce qui s'estoit passé
entre vous et ledit s' Naudé, je luy ay remonstré tout ce que j'ay creu
estre à propos, pour le porter à vous rendre toute sorte d'effects d'une
entière fidélité et deferaiice filiale, comme il me l'a promis. Je vous
supplie que de vostre costé, il vous plaise le traicter comme un
bomme qui veult absolument dépendre de vostre favorable protec-
tion, et vous rendre toute sorte d'obeyssance, voire jusques à l'aveugle
quand il seroit de besoing. Et ayant sceu qu'il y avoit eu je ne sçay
quelle petite froideur entre vous et M' Suarez-, j'en ay pareillement
escript audit s' Suarez sur de grandes protestations qu'il me faisoit
de ses inclinations à vostre service et à vostre bien, et pense que s'il
y avoit eu aulcun scrupule quelque ce puisse estre. il se réduira abso-
lument à toutes voz volontez, comme je vous supplie trez liumblement
de vostre part, à toute deferance, pour 1 amour de moy, aussy bien que
pour la bienveuillance que luy tesmoigne vostre commun patron, et
Peiresc, à trois lignes de distance, ('cril ^ C'était pliis nnxme petite froideur et,
Bagiiy ou Bdffiii. Dans d'autres lettres on loin de s'améliorer, les relations enlre les
ti-ouve également tantôt l'une et tantôt l'autre deux érudits devinrent de pins en plus mau-
forme. vaises.
[1631] A HOLSTENIUS. 375
pour sa particiliiere veiiu, et pour l'honneur qu'il porte aux lettres.
Excusez raoy de cette liberté, je vous supplie, et la prenez en bonne
part de la candeur et sincérité de celuy qui est et sera inviolablcmenl,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Pkiresc.
À Toullon, le 9 3 mars i63i.
[En marge.] Je n'avois peu escrire de Boysgency au bon P. Doni du
Puy, ne au s"" Gio. Ba. Dony, mais je le feis hier au soir aprez rend)ar-
quementet mes lettres furent portées dans la galère, et laissées au cap-
pitaine de ladicte galère, le a' de la Garde, qui se chargea de les con-
signer au frère dudict s' Doni, ou bien aux s" Naudé, et La Tour, ou
aultres de nostre cognoissance auxquels on les pourra faire demander'.
XXXV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Nous n'avons poinct eu le bien de voir icy le prebstre Flanian qui
s'estoit chargé de voz lettres, nomplus que voz lettres mesmes. Et avons
esté en grande peine durant trois moys touts entiers qui se sont es-
coullez depuis les premières lettres que je receus de la part de M^ le
card'' Bagny du lo. niay, aprez son entrée à Rome, sans que sou
Emin'^'' ne le s'' Naudé, ne aultre qnelquonque se fusse ad visé de m'ad-
vertir que la caisse de voz MSS. vous eust esté rendue. EnBn le s"" Doni
m'a renvoyé d'Avignon les depesches qu'il avoit daigné prendre pour
moy, entre lesquelles je trouvay hier la vostre du 9 juillet qui m'a
osté de cette paine ^ et m'a grandement resjouy de voir la satisfaction
s
' Bibliothèque Barberini, vol. 79 , pièce sonade (p. Q-i3-933). Holslenius y dit (juil
h" 34. a tUjh remorcii! Poiresc de l'envoi des iiia-
• C'est ia iellre XXXVIM du recueil Bois- uuscrits plnloiiicions : «Manuscriptos l'iato-
376 LETTRES DE PEIRESC [1631]
que vous avez trouvée en aulcuns desdicls MSS. encor que la plusprl
ne soient pas en leur entier, ains plustost abrégez et tronquez dune
partie du discours des autheurs. Mais si les bibliothèques d'Italie ne
vous en ])cuvent fournir des exemplaires plus amples et plus accom-
plis, tousjours vauldra t'il mieux avoir cez recueils que de n en avoii-
rien, principalement ceux qui pourront estre choixsis par des autheurs
bien judicieux, comme vous en advoiiez quelques uns, et entr'aultres
l'Herennius, quoyque bien moderne au prix de l'opinion qu'on en avoit
eiie communément '. Et puis que vous avez daigné prendre la peine
d'en tirer la moelle de quelques chappitres qu'il vous plaict me pro-
mettre, je vous auray une singulière obligation de la comliiunication
qu'il vous plairra m'en faire à vostre conmiodité, à laquelle je voul-
drois bien que vous eussiez joinct un peu d'abrégé de ce que le Didv-
mus a escript de la comparaison du pied Romain au iUolemaique et
des aultres mesures-, pourveu que ce ne soit qu'à vostre loisir car cela
n'a poinct de haste. Nous n'avons poinct veu de pardeça l'édition
qu'Egnatiiis a faicte à Florence de vostre Damian Crissœen, soubs le
nom d'Heliodore Larissœn, nomplus que celle de Lindeuibrogius, et
ne suis pas marry qu'ayez descouvert son vray nom et la source de •
l'équivoque ^ Mais je suis bien plus aise qu'ayez trouvé quelque ])etit
supplément à adjouster à l'édition du Codiims du P. Gretzer^ et que
nicos caeterosqiie libres illis adjunctos salvos
rt iiicoluines in\ me pervenisse jain duduiii
scripsi , et gnilias agere conalus sum verbis .
quiB et niuneris et beneficii magniludo, et
gratissima anirni mei voluntas tum dictabat. ^
La lettre dont parle ainsi Holstenius n'a pas
étë conservée.
' T Herennii Metaphysica tota legi. Est sane
libelius magni pretii , et insigne compendium
platonicae tbeologiae. . . Errant qui auctoreni
Herfrinium Pbilonem satis antiquiim philo-
sophum credunl; nam bic noster jjost Pro-
clum et Damascium scripsit. . . i (P. aaS.)
ffDidymi Opuseuhun de b'gnis tenuis-
simuin est; sunt enim [fragmenta] majoris
operis : non contemnenda sunt tamen quae
de Romano et Ptoiemaico pede, de cubito
Regio, aiiisqiie mensuris, eaiumque inter se
comparatione babenlur.'- (P. 297.)
•* ffCapiln Optica eadeni proi-sus sunt
quae sub Heliodori Larissaei nomine Graece
et Latine publicavit olim Egnatius Dantes,
Magni Helruria? Ducis matliematicus , quœ-
que Lindebrogius noster, suppresso Egnatii
nomine, Haniburgi tanquam inedila rur-
sum protulit." (P. 227.)
* (rCodini exemplar multo integrius est
elilo, et non solum Grelseriana supple-
[1631] À HOLSTENIUS. 377
l'Olympiodore tel qu'il est vous ayt oncores peu fournir quelque bonne
adresse pour votre Porphyre', et que vous ayez estimé digne de voir le
jour le fragment d'Anatolius^ et les géométriques d'Héron', mais
puisque M' de Thoulouse en a un aultre exemplaire, qui doit sans
double estre meilleur, avec les collations qu'en avoit vraysemblablement
faictes ce Josephus Aurea sur divers MSS. '', il le fault avoir en quelque
façon. Et j'en ay desjà donné une attainte à M"" de Thoulouse, en fai-
sant une rocharge à M"' de Rhodez pour le Dionvsius Bysantin. Quant
au Pollux, il estoit à propos que vous le vissiez pour esclaircir mieux
l'imposture^. Nous n'avons pas encores veu l'édition du s"' Allatius de
son Eustathius sur l'Hexameron. J'escriray à Lyon pour l'avoir si tost
(jue le commerce y sera un peu plus libre qu'il n'est encores. Au
reste vous m'avez faict plaisir de me dire que vous ayez desjà dressé
voz tables sur voz petits géographes et que le pauvre feu M' Cluvcrius
eusse dessein d'entreprendre celles de Strabon*^, mais il falloit que
la postérité vous en eusse l'obligation à vous quelque jour à la suitte
inenla bal)et, sed et alia longe plurima qiia;
ex Vaticano cotlice describere stalueram :
hujus codicis usu inihi laboris fit coinpen-
dium.îi (P. 338.)
' irOlympiodoruin quoque in Pliaedoneni
propemoduni jani absolvi; neque id opus
integrum , sed ex prolixioribus conimentariis
excerpliim. . . plurima ex hoc opère ad Por-
phyrii iliustrandas excerpsi. . . 1 (P. saç).)
' fAnalolii fcifymentum de niallicinaticis
scientiis liaïui ineiegans est : quod eommodo
loco a me proferetur. " (P. 397.)
' "•HiTonis geoinelrica mido et iiimis fes-
tinante oalamo sciipta sunt. . . iî (P. 326.)
' rExtant eadem apud ill. archiepisco-
|)iim Thnlosiitem desrripta Grajce et Latine
manu Josepbi Auriaj, insignis matbematici,
qui editioneni ejus quoque opusculi medi-
tflbatur.r (P. 936.) Boissonade cite seule-
ment sur le mathëmaticien napolitain J. Aii-
ri.i (p. i5o, note 3) Sax. Onom. t. IV,
p. i5.
' flulius Pollux Pbysicaî iliius Historiaj
auclor librarioruni sive. imperilia sive in)-
postura vocatur. Sunt enim excerpta ex
Eustatbio \n\Eiariftspov], qui nuper [1 639]
Lugduni opéra Leonis Allatii prodiit, alque
oadeni illa Gedrenus, et Michael Glycas
(juoque, sœculi iliius barbari more, insua^
Historias transcrijisere : ita hic vere carho
pro thesauro est." (P. 9 95.).
" ffSlrahonis tabulas meditnhatur Cluve-
rius : iis onitn, lancpiani anima et spirilii,
suminus auctor hactenus destituitur. Sed
majoris id otii, neque inter curiee et auia
occupntioncs teniere suscipiendum. Geogra-
phis meis singulis Grœcis suas adjungam
tabulas, Marciano. Scytaci, Hannoni, Ar-
riano. Dionysio, et aliis; quarum ego jam
nonnullas confectas habeo.i) (P. aSa.)
IHPBIMEntt XAtlOlJklt.
378
LETTRES DE PEIRESC
[1631]
de voz dicts géographes et des aultres principaux autheurs, car pour
celles du bon homme Bertius, il y a quelque chose à désirer, qui
ne vous seroit pas eschappée à vous '. C'estoit pour l'amour de moy
qu'il avoit dressé la carte sur la géographie arabe du Nubiensis et
j'en ay son autographe au net qu'il me voulut donner, et que je voulois
faire imprimer à Paris, sans qu'il ayma mieux attendre une aultre
édition de Nubiensis. Si elle vous peult servir de rien je vous la en-
voyeray, quand vous vouldrez^. J'approuve grandement vostre dessein
des autheurs anciens des voyages de long cours, en un volume à part,
et de la suitte des modernes qui seroit admirable si vous en faisiez le
choix nécessaire, et que l'édition s'en fist à Paris comme vous dictes,
ou bien aux païs bas'. J'avois eu la curiosité de faire un extraict des
pièces contenues aux volumes de Purchas, et la version de quelques
pièces particulières que j'ay en françois par devers moy; si vous les vou-
lez je vous les envoyeray aussy. Le s' Menestrier m'a bien prorais de
m'envoyer le dessein de son CKAOION antique*, mais il n'en a rien
faict, nomplus que des mesures et proportions du trépied du cavalier
Gualdo^ car pour le modelle que ledict s' chevallier en a promis je
ne m'y attends guieres, veu les grands divertissements qu'il a d'ail-
leurs, et si vous attendez cela pour me dire voz sentiments de mon
trepié il le nous fauldra bien attendre longtemps. Cependant j'ay esté
' ffPro Berlii Tabulis gratias ago, et
lauflo jiidiciuin tuuin de tabidis ad aucto-
ruin mentem conficiendis : [nam] qui siii-
gula in unum congerunt, luonstra et chinie-
ras conQant.i (P. aSi.)
■ (rSed ut ad Bertiuni redeam, inemiiii
milii visain olim in ipsius Museo tabuiam
Geographiae Nidbieusi secundum climata ac-
commodatam , quam in lucem protrahi pu-
bliée interesse exisliuio. " (P. aSa.)
' ttPro|)osui aliain operis formani : scili-
cet, uno voluniine oinnes antiquorum terra
marique peregrinatioues ederentur, quœ
sane ingens volumeu conGceret; deinde ex
Ratnusio. Purchasio, aliisque recentiorum
navigationes et ilinera aliquot toniis subjun-
gereotur. Millnm alias delinealara operis
formain , quod nullibi rectius conflari et ex-
cudi posset quam Lutetiae. « (P. 9.3i.)
' ff Menestrierus, ni fallor, horologii an-
tiqui deiineationem mittet, quod nupor emi-
nentissinii cardinalis nostri museo illatum
est. Ego simul ac vidi , veterum scaphium. . . r
(P. a33.)
' frDeTripode in dies differo, cum Gual-
diis eques expressam complicabilis sui tri-
podis figuram se raissurum promitlat. . . i
(P. a3a.)
[1631] À HOLSTENIUS. 379
infiniment aise de l'advis que vous rne donnez du marbre où est repré-
sentée ia destruction du temple de Delpiies, et que la figure du tré-
pied qui s'y void ayt tant de rapport avec le mien petit ^ S'il y a
moyen d'en avoir un peu de grifl'onement, ce me sera un grand plaisir.
Mais le comble seroit si vous pouviez desrober un peu de temps pour
me dire voz sentiments sur les propositions que je vous en ay l'aictes.
Il me reste à vous dire que les remerciements qu'il vous plaict me faire
de voz MSS. me font rougir, sçacbant bien qu'ils ne le vallent pas et
que c'est un excez de vostre honnesteté qui vous les faict ainsin prix-
ser. Je vouldrois qu'ils fussent plus dignes de vous au centuple, et y en
pouvoir adjouster d'aultres, qui en vallussent la peine, comme je n'en
suis pas tout à faict hors d'espérance. Mais pour l'honneur de Dieu ne
me parlez plus de remboursement de chose que je vous ay desjà dict
avoir eu gratis pardessus le marché de ce que j'ay retenu pour moy. El
ne vous mettez poinct en peine de m'en rien r'envoyer, car comme vous
sçavez je n'affectois que ce Pollux qui n'en vault pas le seing, puisque
c'est si peu de chose. Je seray trop payé et trop satisfaict quand vous
aurez accepté ce peu que je vous ay envoyé aussy librement que de
bon cœur je le vous ay desdié. Ne pouvant assez loiier Dieu avec vous
d'entendre que cette doctrine platonique vous ayt porté dans l'estude
de celle des SS. Pères, et que l'une et l'aultre vous ayent si insensible-
ment ramené au giron de l'église catholique ^ Ce qui augmente gran-
dement ma consolation d'avoir eu à ma disposition chose qui fust ainsin
de vostre principal goust, et plus important au repos de vostre es-
prit, sans lequel vous n'eussiez peu vac<juer comme vous avez faict et
' ffNiiper pulcliemnius repertus est lapis
in qiio Delpliici lempli a Gailis excisi liisto-
ria ceniitur, ubi inter alia tripodis figura
luaj siaiilJinia.li (P. oSa.)
' fCuni enim a Bessarione, Sleucbo,
aliisquc Plotonis ductrinaiu SS. Palruni scrip
tis confirmari viderem, totum me Latiuis
GrsBcisquo uperibus legendis dedi, quibiis
illicontcmpiativaui el uiygticaui quoque tbeo-
logiani pertractant, qua in I)euui animas
excitatur. Atque ita factum est, ut SS. Pa-
truni divinam ac soiidam philosophandi ra-
tionem toto animo adiuirarer, et mox inscius
l'ernie iu catholici» ecclesiœ gremio me coii-
stitutum cernereia : quod sibi quoque usa
venisse D. .\uguslinuR ia Confessioniltus
testiitur, ' (P. a a 4.)
68,
380 LETTRES DE PEIRESC [1631]
ferez encores à l'estude ne en tirer le fruict que vous en tirerez Dieu
aydant. Cependant vous avez laissé partir M'' le conte de Marclieviile
pour son ambassade de Gonstantinople pour laquelle il fist voile des
isles de Marseille le ao juillet, avec un temps fort favorable et qui
l'aura porté à Malte dans 4. ou 5. jours. M' Gassendi n'a pas esté
de la partie comme il a voit promis, ayant remis de l'aler trouver
l'année procliaine. On nous a asseuré que dans le serrail de Gonstan-
tinople les Turcs ont eu le soing de conserver entière la Bibliothèque
des Empereurs grecs, telle qu'elle estoit lors de la prinse de la ville et
d'y en adjouster plusieurs aultres de temps en temps, et entre aultres
choses, qu'il y a des livres en caractères majuscules de prodigieuse
grandeur, et avec grande multiplicité de colomnes en une seule page,
qui m'a iaict soubçonner que ce ne fussent les Octaplcs ou Hexaples,
et ce que j'ay principalement recommandé à un religieux qui faict
le voyage, et à luy mesmes, pour en sçavoir des nouvelles au vray,
mais le meilleur y manque quand vous n'y estes pas, qui d'un coup
d'œuil auriez recogneu tout ce qu'il y peult avoir de bon. J'ay regret
que n'ayez faict ce voyage et crains que M»"" l'emin"" Gard"' Patron
n'en ayt bien du regret un jour aussy. Je luy en escriray encor un mot'.
Et suis constraint de finir pour ne prendre une nouvelle feuille vous
priant de m'aymer tousjours,
Monsieur, comme
vostre trez humble et trez obeyssant serviteur,
DE Peiresc.
A Boisgeiicy, ce 29 aoust i63i.
J'oubliois de vous dire que le s' du Pont, qui m'apporta une de voz
lettres, s'arresta icy pendant les grandes challeurs, et faict estât de re-
prendre le chemin de chez luy à cette automne aux premières fraischeurs.
Je l'ay servy et serviray pour l'amour de vous en tout ce qui me sera
possible, et ne luy manquera rien pour son voyage. Il a grandement
melioré sa voix et son chant depuis qu'il est icy, et y a prins plaisir
de s'exercer sur diverses sortes de musiques jusques à de la Tur-
[1631] X HOLSTENIUS. 381
fjuesque dont il a trouvé icy des airs, qui ont reuscy exceilanls sur sa
guitarre, ce qu'on n'eusse pas attendu d'un pais si barbare. Nous
n'avons pas veu icy M'' Hartwic qui m'envoya de Tolon vostre lettre
avec ses excuses. Je vous remercie de vostre advis sur l'antiquité du
Terence, du Virgile, et de cet nutlieur chrestien allégué par Photius
où je suis bien aise qu'ayez trouvé [cinq ou six inols caclm par la re-
/tWe] de cez païs et navigations de la mer rouge ; j'en vcrrois bien vo-
lontiers trois ou ({uattre mots pour juger de l'antiquité du caractère,
à vostre loisir et non aultrement'.
XXXVI
M\>ME ADRESSE.
Monsieur,
Je vous avois escript dernièrement en respoiice de voz dernières,
lesquelles n'estant peu partir plustost vous les aurez avec la présente
que j'y ay voulu adjouster, pour vous conjurer encor un coup, et vous
réitérer la trez humble prière que je vous avois laicte, lors du passage
du card'' Bagny, de vouloir condescendre à une bonne reconcilia-
tion avec M'' Suarez lequel m'a tesmoigné par sa responce à ce que je
luy en avois escript en mesme temps, qu'il ne désire rien tant que de
vous servir, et tasclier de mériter l'honneur de voz bonnes {jiaces, et
qu'il croiil rermoment (|ue ceux qui luy peuvent rendre des mauvais
offices en vostre endroict, le font à trez mauvais dessein en intention
de meliorer leur fortune par la ruine de la vostre s'ils pouvoient et de
la sienne tout ensemble. Il fault que vous trouviez bon que voz amys
communs procurent de vous faire entrevoir un jour chez Oom du Puy,
où vous puissiez accepter les nouvelles offres de son service et luy don-
ner quelque sorte de satisfaction. Je pense que cela vous importe plus
que vous ne sçauriez croire, quand ce ne seroit que pour ne laisser
' Bibliollièquc Barberiiii, vol. 7y, ii" a 4.
382 LETTRES DE PEIRESC [1631J
paroistre qu'il y ayt du mal entendu entre vous et un aultre qui a
l'honneur d'approcher du Gard"' voslre commun patron de si prez
comme il faict, Faictes cela ])Our l'amour de moy, Monsieur, je vous en
supplie et d'en vouloir croire le bon P. Dom du Puy et M' de Bon-
naire qui pourra traicter vostre entreveiie, m'asseurant que vous m'en
sçaurez bon gré quelque jour, et que le temps vous fera facilement
regaigner les volontez et inclinations de celuy que vous n'avez pas creu
vostre amy, quand ainsin seroit qu'il ne l'eust pas esté, pour peu de
tesmoignage que vous donniez de l'estimer en quelque façon. A quoy
je vous tiens obligé, quelques defTaults (jue vous y ayez peu trouver
au contraire, puisque vostre commun patron monstre d'en faire cas en
quelque chose. 11 ne vous en peult revenir que du bien, car quand vous
ne lu y auriez pas regaigné le cœur (comme je crois pourtant que vous
ferez'), tousjours l'empescheriez vous de vous oser rendre des mau-
vais offices quand il le pourroit. Si vous luy monstrez seulement quelque
petit eschantillon de vostre estude et de voz observations, vous l'enga-
gerez incontinant à tout ce que vous vouldrez. 11 est bien bon aulcunes
ioys de se tenir sur ses gardes, et de ne se confier pas à toute sorte
de geuts, mais il n'est pas bien bon aussy de laisser recognoistre de la
desfiance et de la froideur avec ceux qui nous peuvent nuyre, et vaull
mieux relascher quelque chose, pourveu que l'advantage nous demeure
de faire noz afl'aires, ce que pratiquent les Espagnols aujourd'huy
avec tant de favorable succez, en despit de Dieu et du monde.
C'est une raison d'estat qui a plus de lieu aux affaires des particu-
liers qu'aux publiques, et à laquelle on a plus de nécessité de songer
au lieu oîi vous estes qu'en tout aultre du monde. C'est pourquo\ vous
me debvez excuser si je m'en mets en peine pour vostre bien dont je
' G'ëtait une grande illusion. Suarez conseils du plus conciliant des homhties
n'aima jamais HoUtenius, qui jamais ne (recueil Eloissonade, p. aSg-aig). HoUte-
l'aima non plus, et tous les efforts du bon nius revient encore sur ce sujet dans l«
Peiresc échouèrent contre une résistance lettre suivante (p. aiy-aoo). Voir surtout
qui fut aussi forte d'un côte que de l'autre. plus loin la dernière lettre de Peiresc à
Voir la réponse de Holstenius aux affectueux Holstenius.
[1631] À HOLSTENIUS. 383
suis auitant et plus jaloux que du mien propre. Mons' Naudé vous
pourra dire ce que je luy en dicts icy avec liberté, de vive voix'. Et je
crois qu'il en esprouve desjà les effects.
M' de Marillac, cy devant garde des sceaux de France, deiïeroit à
Mk' le r^rd*' de Richelieu, non seulement tout ce qui s'estoit faict
aullresfoys en cas pareil, mais beaucoup davantage, et y trouvoit si
bien son compte qu'il avoit faict son frère mareschal de France, et es-
toit en estât de monter tousjoiirs plus hault, s'il eust eu patiance de
continuer tousjours les mesmes defferances. Mais dez qu'il a voulu en-
trer en competance et marchander tant soit peu, on ne le voulut plus
seconder, de quoy il s'apperceut bien tost, et pensant chercher aultre
support, se vil incontinant ruiné à platte couture ^ Ceux qui approchent
des maistres ont quelque participation de leurs prérogatives, qui couvre
tout ce qu'il y pourroit avoir à redire, et se prevallent de la conduitte
du mesme génie qu'il ne faut jamais heurter sans extrême et inesvi-
table nécessité. C'est pourquoy il ne fault faire aulcune difficulté de
fleschir, ne se lasser jamais de les honnorer et servir si on peult, car
en ce faisant on oblige encores le maistre voulust il ou non, lequel
recognoist fost^u tard que c'est plus pour l'amour de luy que l'on le
faict que pour lamour de l'aultre, et pour suyvre en cela son juge-
ment, puis qu'il en a voulu faire estime; quand ce ne seroit qu'un
chien, un cheval, ou aultre animal aymé par le maistre, on ne luy
sçauroit trop faire de caresses, à plus forte raison une personne, qui
a tousjours quelque chose de recommandable, quand ce ne seroit
qu'une bonne volonté d'apprendre. Or les choses estants aujourd'huy
arrivées à ce poinct, que cet homme a creu qu'il y eust en vous
quelque aversion pour luy, et quelque froideur, puisque vous ne luy
' Otiniid Gabriel Nandé, se rendant de lendemain de la Journée des dupes (i i no-
Paris k Rome, en compagnie du cordinal vemlire i63o) et emprisonnt' à Caen, d'où
deBagni, s'arrêta chez l'eiresc à ikigentier. on le Iransft'ra d'abord h Lisieux, ensuite à
Voirie fascicule Xlll des Correspondants de Ghâteaudun, ville où il ailuihuourir quelques
Peiresc , p. a. mois après (7 août 1 63a ). Peiresc avait donc
' Michel de Marillac avait été destitué le bien raison de le montrer rMiWà/>/(i<«cou(Hr«.
38A LETTRES DE PEIRESC [1631]
communiquiez rien de voz curiositez, il fault de nécessité luy guarir
celte opinion, par quelque petite ])rotestalion contraire, et quelque
petite commmunication de choses que vous puissiez juger de son goust
comme il vous sera trez facile, et vous ne sçauriez croire le bien qui
vous en peut revenir; de ce que si vous le négligiez maintenant, vous
en feriez une ofTance toute formelle, et possible un ennemy juré, que
la passion pourroit emporter à des mauvais offices tout ouvertement,
ce qui se doibf prévenir et esviter sur toutes choses, par ce qu'on en
vient aulcunes foys par les justes ressentiments de deffance ou de re-
vanche à de telles extremitez que le maistre est constrainct de les
séparer, et se priver de l'un, à quoy il n'est pas bon de réduire son
maistre quand on le peult esviter. Excusez je vous supplie cette mienne
liberté, et ne l'imputez qu'à la dévotion que je vous porte, et au désir
que j'aurois de vous servir tous deux si je pouvois, comme ayant bien
de l'obligation à tous les deux, sans préjudice toutefoys de la prédilec-
tion qui est toute de voslre costé comme c'est la raison et le devoir
principal. Mais les grandes obligations que je vous ay ne peuvent pas
empescher que je ne recognoisse par mesme moyen les aultres biens
quoyque beaucoup moindres que je luy puis avoir à luy. C'est pourquoy
vous ne dehvez pas trouver mauvais que sans diminution du service que
je vous doibs à vous, je tasche comme je faicts de le servir luy aussy à
proportion de ce qu'il peult avoir mérité envers moy, mais principale-
ment pour la considération de son maistre, et de la part qu'il a en ses
bonnes grâces. Sans m'enquerir à quel filtre il les a acquises et les con-
serve encores. Voire quand il les auroit perdues, j'aurois peine de
despouiller mon inclination une foys conceiie de l'honnorer et servir,
pour ne faire ce tort au choix que le maistre en pouvoit avoir faict une
foys, et au mien propre. Ce que j'ay aultre foys practiqué en la per-
sonne d'un personnage vertueux que j'avois fort aymé, nommé Honoré
Gaultier, prieur de la Valette, né mon vassal en ma terre de Rians', de
:' S'agit-iHà de (juelque parent de JoHcph Gaultier lui-même, qui recevrait ici par
Gaultier, aussi prieur de la Valette, et né inadvertance un prénom différent du sien?
aussi dans la terre de Rians? ou de Joseph Quoi qu'il en soit, ce que l'on sait du mathé-
[1631] À HOLSTENIUS. 385
qui je receus de trez mauvais offices tout ouvertement et à grand tort,
et neantmoings je ne luy eu rendis jamais la pareille, et bien qu'il s'es-
loignast de moy tant qu'il pouvoit par remors de consciance, ne croyant
pas que je luy peusse pardonner ses offances, je ne laissay pourtant d«
l'honnorer tousjours tant que je peus et de le servir voulust il ou non,
en sorte qu'il fut eu fin constraint de revenir à son debvoir, et je faicts
encores grand capital de son amitié, et encores plus de son bel esprit',
et de ce qu'il y a de louable en luy, ne me voulant souvenir en façon
du monde de ce qu'il y a eu d'inhumain, ou de brutal, pour luy don-
ner un nom plus convenable, à l'action dont j'avois à me plaindre, de
([uoy je suis demeuré grandement consolé et satisfaict en moy mesmes.
Ce que je vous ay voulu desduire ainsin au long afin que vous ne me
puissiez pas reprocher que je vous conseille des choses que je n'aye
pas prattiqué, car je suis homme comme un aultre, humani a me nil
alienum puto'-. Mais on se resoult quand on veult à des choses bien
plus difficiles que tout cela, et principalement quant on a tant gouslé
et pénétré celte ancienne philosophie que vous avez tant admirée aux
saincts Perjss, aussy bien qu'en ses autheurs*. Je ne pense pas qu'il
y ayt de répugnance humaine qui ne soit vaincue aussy tost qu'on y
a pensé. Promettez moy je vous supplie d'en tirer cet essay à ce coup
de vostre bonté, et de vouloir oublier pour l'honneur de Dieu et
pour l'amour d'un vostre fidèle serviteur et franc amy tout le mauvais
traictement que vous pourriez avoir receu de cet homme, et de vouloir
entreprendre de l'obliger à l'advenir comme vous pouvez, voulust il ou
non. Que si vous avez envie de l'en punir, vous le ferez plus sensible-
ment mille foys de cette sorte là, et luy donnerez plus de mortification
maticien et nstronome par les révélations de ' On a reconnu la fameuse citation de
Peiresc ( voir dans notre tome IV les Lettres ïérence (Heautontimorumenos , acte I , scène i .
rt GrtssenA) prouve que si les Gaultier étaient vers 95) : irHomo sum; humani nihil a me
vertueux, ils étaient encore plus bizarres. alienum puto.»
' Le bel esprit désigne-t-il l'iiomme si ' Allusion à ce que Holsleniiis avait écrit
distingué qui brilla également comme sa- h Peiresc (recueil de Boissonade, p. aa'i):
vant et comme administrateur du diocèse trAdmodum adluic adolesccns Platonicœphi-
d'Aix sous trois archevêques successifs? losophiœgiistumaliquem liaurirecœpi.elc.i
IVFItlIlItlS SATIOKAte.
386 LETTRES DE PEIRESC [1632]
et de remors de consciance en l'obligeant et faisant cognoistre à un
chascun vostre dessein de l'obliger, que si vous luy faisiez du mal
dont il pourroit avoir moyen de se vanger. Je me promets que vous
ne me vouldrez pas esconduire de cette supplication trcz humble que
je vous faicts pour l'amour de vous mesmes et de celuy que vous avez
choisy pour vostre patron, et que vous m'en excuserez comme je vous
en supplie et conjure de tout mon cœur, m'asseurant que le bon Dom
du Puy et M' de Bonnaire vous feront la mesme prière en plus forts
termes que moy et que vous vous laisrez vaincre à eux et vous porte-
rez encores plus avant que nous ne vous sçaurions demander, et à cet
effect, je vous supplie de leur communiquer à tous deux cette mienne
lettre, pour leur en mettre le marché à la main tant plus librement, et
en cette confiance je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obeyssant serviteur,
DE Peiresg.
A Boysgency, ce a octobre i63i.
Je vous recommande de tout mon cœur M' d'Arène qui vous rendra
la présente, mon intime amy ^
XXXVII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Depuis celles que je vous escripvis dernièrement par la voye de
Marseille, sur l'advis qui me fut donné que la malle du sieur Menes-
trier avoit esté peschée et voilée entre les pescheurs, qui estoient tous
gens de gallere *, j'en envoyay faire plainte à Monsieur le General des
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce Peiresc qu'il avait confié des lettres pour lui
11° 36. à Menestrier : irQuod quominus œgrc feratn
' Holstenius (lettre du i octobre 1689, Daufragium fecit, quo roeee etiam iiterae
p. 287 du recueil de Boissonade) annonce à haud dubio periissenl. »
[1632] À HOLSTENIUS. 387
gaileres, lequel en feit mettre deux à la chaisne, qui rendirent leurs
portions de ce vol, n'ayant point esté possible de rien retirer des
aultres, mais entre ce qui fut rendu par cette canaille, s'est trouvée
de bonne fortune ceste médaille de la ville de Sardes, dont je croiois
que vous eussiez pris mémoire, mais d'aultant que j'ay appris depuis
dudicl sieur Menestrier que vous ne l'aviez veiie qu'en passant, et
qu'il s'estoit chargé de vous eu envoyer luy mesme l'inscription (at-
tendu qu'il ne l'avoit recouvrée que sur le point de son parlement et
aprez avoir enfermé tout son cabinet et aultres bardes qu'il laissoit de
pardeià, qui fut la cause qu'il la voulut emporter quant et luy), je
n'ay pas deub manquer de vous en envoyer l'inscription puisque le
s' Menestrier m'a laissé la médaille, oit. il m'a semblé de pouvoir lisre
du costé de ceste teste de femme voilée que vous y avez veu MHTPO-
riOAIG . GAPAIC . ACIAC . ATAIAC . EAAAAOG . A . Et au revers A
l'entour de ce ravissement de Proserpine Eni.COTA.EPMOOIAOT.
A.APX. Et par dessoubz CAPAIANiiN .B.NEOKOPftlN . La ques-
tion est de pouvoir déterminer le temps que ceste médaille a esté coi-
gnée, puisqu'il ne s'y voit point de nom d'empereur, car oultre qu'il se
cognoistbiea à la manière, qu'elle n'est pas si antique qu'on la puisse
prendre pour estre du temps de la liberté de la Grèce, auparavant
l'empire Romain, le nombre qui y est cotté de la seconde restauration
dç ceste ville empesche d'en pouvoir reculer l'antiquité plus hault que
du temps de Garacalla, soubz lequel plusieurs médailles ont esté bat-
tues en la mesme ville, comme du temps de sa première restauration.
Or Adolphus Occo faict mention d'une médaille de Gordian troisiesme
battue en la mesme ville soubz un Julius Sulpitius Hermophilus, qui
pourroit bien estre le mesme qui se trouve nommé dans la médaille
dont est question. Et le mesme autbeur en adjouste encores une de
l'empereur Pbilippe battue en la mesme ville avec un Hercule trais-
nant le Cerbère sans aulcune expression de la qualité ou dignité de
métropole. Ce qui me iaict conjecturer que la susdicte médaille de Gor-
dian et celle dont est question pourroient bien estre battues toutes
deux en une mesme année sous la hiérarchie de ce mesme Sulpitius
49-
388 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Hermophilus tant sur la fin de l'empire de Gordian qu'au commence-
ment de l'empire de Philippe qui lui succéda immédiatement. Lequel
revenant d'Orient et passant par l'Asie Mineure, pourroit bien avoir
conféré à ceste ville de Sardes la prérogative de métropole, dont est
faicte mention en ceste médaille, avant que la première année de la
hiérarchie d'Hcrmophilus fust expirée. Laquelle conjecture semble se
pouvoir encores aulcunement fortiflier par la physionomie et ressem-
blance de ce visage de femme qui est mis en ceste médaille pour repré-
senter celluy de la statue, figure, ou génie de la ville de Sardes, lequel
ressemble entièrement l'impératrice, Marcia Otlacilia Severa, femme
dudict empereur Philippe, estant certain et veriffié par une infinité de
pareilz exemples, que les images des Dieux et Déesses, qui se forgeoient
pendant l'Empire, avoient tousjours je ne sçay quelz Iraictz de ressem-
blance avec le visage de l'Empereur, qui estoit lors régnant, ou de sa
femme, tant estoit grande l'adulation de cez peuples, qui affecloient
par ce moyen de faire paroislre leurs Princes, pareniz des Dieux, et
leurs Dieux et déesses semblables à leurs Princes et Princesses. Ce
que j'ay veu practiqué particulièrement aux médailles de l'Orient, et
surtout en celles de la ville d'Anlioche, dans lesquelles le visage du
génie de ladicte ville ressemble parfaictement, tantost Néron, tantost
Vespasien, tantost Adrian, et tantost d'aultres princes avec l'Empire
desquelz concourt le nombre des années de l'aire (sic), ou supputation
Antiochene, dont je vous pourray un jour envoyer des empreintes, si
vous en doubtez, et si vous voulez voir la vérification. Que si vous
trouvez d'aultres difiicultez à ceste conjecture vous me ferez grand
plaisir de me les mander, et je m'en rapportcray tousjours tiez vo-
lontiers à voz bons advis. Je n'ay pas icy maintenant mes livres et par-
ticulièrement les notices des églises d'Orient pourvoir quelles estoient
les deppendances et le ressort de la ville de Sardes. Mais il me
semble d'avoir veu quelques médailles de Yalerian ou de Gallien,
battues en la mesme ville, soubz le gouvernement d'un certain parti-
culier dont j'ay oublié le nom. Bien me souvient il qu'il prenoit la
qualité d'Asiarque, ne me pouvant pas ressouvenir si la ville estoit
[163-2] À HOLSTENIUS. 389
qualifliée métropole ou non. Il est vray que cez dignitez et préroga-
tives ont esté souvent transférées de lieu à aullre ou communiquées à
des villes que l'on soubztrayoit par ce moyen de la deppendance des
aultres, selon l'arbitrage des princes, comme les papes font aujour-
d'huy des archevesques et primatz telz que bon leur semble, sur quoy
vous me pourrez dire sans doubte de meilleures choses que nous ne
sçaurions avoir de toute autre part, et m'obligerez infiniement de m'en
escripre vostre advis à vostre commodité, et encores plus de me com-
mander plus librement que vous ne faictes et de me traict^r en ce
faisant.
Monsieur, comme
vostre trez bumble et Irez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
De Boisgeucy, ce xi' aoust i63-j '.
XXXVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Depuis celle que je vous escrivis par le dernier ordinaire i ayant
inesperement trouvé un jour le moyen de desrober et employer ime
coupple d'heures dans mon estudc, ce que je n'avois encores peu faire
depuis mon retour à la ville, je voulus voir ce que le Marcellus V. 1.
ex magu. olFicior. Theodosii sen. avoit inséré en teste de son libvre de
Medicamenlis concernant les poids et les mesures des anciens, tant se-
lon les usages et supputations des Latins et particulièrement du Pline,
que des Grecs : dont il a affecté d'en rapporter le desnombrement en
leur propre langue, oultre sa traduction latine de ce qu'il en avoit
tiré d'Hippocrate. Ce qui m'a fourny tout |)lein de bonne matière pour
' Bibliothèque Barlierini, vol. 79, ]>it!ce n° 87 (avec simple signature). C'est dans la
lettre XXXIX, p. aiy, qu'il fat rapidement ri'pondu par Holstenius à la question sur la
luddaillc de la ville de Sardes.
390 LETTRES DE PEIllESC [1632]
m'exercer en l'examen et reclierche de cez belles curiosilez, et m'a
faict souhaicter avec grande passion la rencontre de quelque vieux
MS. de cet autheur pour me bien asseurer de ses primitives inten-
tions, ce que nous en a communiqué le bonhomme Janus Cornarius'
de son MS. se trouvant un peu mal correct à mon advis, pour s'y
arrester absolument. C'est pourquoy je vouldroys bien que s'il s'en
trouvoil là quelques autres exemplaires soit dans la Vaticane, ou dans
les autres Bibliothèques visibles, il vous pleust de m'en extraire (prout
jacet dans les originaulx) tout ce peu qu'il y a sur ce subject qui ne
consiste qu'en deux pages d'un feuillet à peu prez, afin que je peusse
y asseoir mes petites conjectures et conceptions avec moings de scru-
pule ou de regret que je ne puis faire sur cette seule édition de Cor-
narus de l'an i536, à Basle in-fol" par Froben^. Surtout je desirerois
avoir de vostre main au moings les trois ou quattre lignes qui con-
cernent les troys sortes de mesures qu'il veult distinguer par les noms
de Olyscion, Cotylos, et Cotylus triunciarius, et plus bas concernant
son Cyathus qu'il veult estre la huictiesme du sestier, et la cueiller
qu'il restrainct à une demy dragme, aussy bien que la cheme à une
seule dragme, ou à trois scrupules, tant au texte grec qu'en sa version
latine, d'où j'estime qu'il se puisse tirer des notices irez rares s'il y a
moyen de restaurer en son entier les vrayes paroles de l'autheur tant
grecques que latines, et en exclurre toutes erreurs ou équivoques des
coppistes. Estimant que ce GOTYLVS TRIVNGIARIVS soit asseure-
ment ce vase dont je vous avoys prié de rechercher le propre nom,
qui contient de la liqueur correspondante au poids des troys onces ou
des xxui dragmes sur quoy les anciens avoient réglé la contenance du
cyathe au poids de dix dragmes, contenant par ce moyen deux cyathes
' Dans toute la partie qui subsiste de la einpiricis, physicis ac rationalibus liber ante
correspondance de L. Holstenius avec Pei- mille ae ducentos plus minus annos scriptus ,
resc, il n'est nulle pari question du ma- jam primum in lucem emerffeiis et suœ inte-
nuscrit de Marcellus. Encore donc une lettre gritali plerisque locis restitulus, per Janum
perdue! Comarium medicum physicvm Northusen.
' Marcelli viri illustrii, de medicamentis {M\e , ex ojiciua Frobeniana , i536, in-fol.)
[1632] À H0LSTENIU5. • 391
et quattre dragraes qui est six dragmes moings que le quartarius des
troys cyathes entiers, et quattre dragmes de plus que le sextans mensu-
ral, ou le double cyalhe, ou plustost que le tiers de l'hemine ordi-
naire, auquel tiers neantmoings il sembloit que cet autheur le vou-
lusse restraindre. C'est pourquoy-il fault tascher de s'asseurer s'il n'y a
poinct de faulte, et de diverse leçon eu quelque aultre MS. concer-
nant ce tiers, car s'il y a de l'équivoque ou de la faulte, il semble
qu'elle doibve estre plus tost on ce mot là qu'au reste puisque le mot
triunciarius semble estre moings susceptible d'altération ou de rapport
à aulcun supplément qui y puisse manquer, comme en l'aultre chef il
pourroit manquer au texte la mention du nombre de quattre dragmes
oultre le tiers de l'hemine, pour l'accomplissement des trois onces. Que
si dans les MSS. il ne se trouve constamment rien de plus ou de
moings qui puisse favoriser la conjecture de ce supplément, il fauldra
examiner si l'autheur n'a poinct voulu parler de l'hemine des Grecs
plus tost que de la romaine, laquelle cstoit sans double plus grosse
que la romaine, et selon ce mesme autheur icy la dilFerance n'estoit
pas moindre d'un tiers de la petite ou d'un quart de la grosse par des-
sus la contenance de la romaine, selon la supputation greque qu'il
en faict aux articles tant du EÉGTHG que de la KOïTAH, italique,
alexandrine et greque. Auquel cas le tiers de l'hemine conliendroit
non seulement les deux cyathes du tiers de la cotyle romaine, mais
six dragmes et | de plus, en quoy il excederoit les troys onces de deux
dragmes et j. Ce qui approche bien en quelque façon du calcul du
précédant article de la mesure que c'est [sic) autheur nomme COTY-
LOS sans adjouster l'epithete taxative de TRIVNCIARIVS, quMid il
luy faict contenir deux cyathes et six cueillers, car en ce qu'il luy
faict comprendre quattre onces, il y a de l'incompatibilité, d'aultant
que si cela estoit, sa contenance scroit non de deux cyathes et six cueil-
lers comme il l'explique, ains de troys cyathes entiers et de deux
dragmes, ce qui me faict doubler que ces doux articles n'appartiennent
à une seule sorte de mesure appellée COTYLOS, ou COTYLVS
TRIVNCIARIVS de la vrave contenance de deux cyathes et quattre
392 LETTRES DE PEiRESC [1632]
dragmes qui font les Iroys onces, et que ce qu'on a adjouslé du tiers
de l'hemine se doibve rapporter à ce qu'il en approche de si prez que
l'excez de deux dragmes et j n'en semble pas considérable. Je sçay bien
que d'aultres ont voulu croire que la dillerance des Fnesures de la co-
lyle grecque à la romaine ne fusse pas de plus d'une neufviesme por-
tion, nomplus que la proportion de l'huille au vin, auquel cas il s'en
lauldroit quasi deux dragmes sur le tiers de l'hemine, que les trois
onces n'y fussent entières. Mais j'estime que l'opinion de ceux là n'aye
pas des fondements bien recepvables et admissibles. C'est pourquoy il
fault recourir ailleurs et examiner si ce n'est pas pour cela que cet
autheur faict son cyatbe non pas la xn"" du sestier ou la sixsiesme de
l'hemine comme les Romains, ains la huictiesme du sestier, qui seroit
toUerable si le mot de sestier est employé abusivement pour l'hemine,
ou pour le mot du DEMY SESTIEU, car en ce cas cette huictiesme
portion de l'hemine reviendroit à la juste mesure de l'hemine romaine
augmentée d'un tiers d'icelle, ou d'un quart du total assemblé, tout de
mesmcs qu'aux aultres supputations greques de la contenance des dif-
férantes sortes de sestier et d'hemine tant des Grecs que des Romains
et Alexandrins. Ce qui a bien besoing d'estre esclaircy aussy bien que-
ce qu'il adjouste de la portion dixiesme eu esgard au poids des dragmes
au lieu que tous les aultres autheurs, et luy mesmes de l'authorité do
Pline, reduict le cyathe au poids de x dragmes, lequel il augmente
neantmoings tout à la fin de ses supputations grecques jusques au poids
de xu dragmes pour la contenance de l'huille, et de quattre scrupules
de plus pour celle du vin. en quoy il ne s'accorde à guieres d'aultres
que je sçaiche. Enfin cela a grand besoin d'estre exactement esplusché
par vous, par la collation des MSS. non seulement de cet autheur s il
s'en trouve, mais aussy des aultres anciens qui ont traicté la mesme
matière, et particulièrement des MSS. du Galien, et du Cleopatras et
aultres qui ont faict mention du META MTCTRON, reduict à la mesme
contenance des troys onces, qui est fort vraysemblable, puisque le
moindre mystrum est restrainct aux six dragmes, qui est justement le
quart des troys onces. Mais il ne fault pas oublier de bien examiner par
|1032| À HOLSTENIUS. 393
mesnio moyen sui' lesdicls MSS. ce qu'il y peult avoir sur les articles
de la clieme restraincte à la drafjme, et principalement du cochlear
retrainct (stc) à la demy dragme, ce qui feroil bien cesser les aultres
questions que je vous avoys faictes aultres foys sur le passage du Fan-
nius, et méritera bien une disquisition plus particulière. Sur quoy at-
tendant qu'il vous plaise me faire un jour entendre voz sentiments,
aprez vous avoir réitéré les asseurances de mon trez bumble et fidèle
semcc,je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a dec. 1689.
Si Monsieur de Fontenay Bouchard est revenu de Naples il s'em-
ployera volontiers pour l'amour de moy à la recherche et collation de
cez MSS. de Ponderibus et Mensuris, si vous luy voulez communiquer
cotte mienne lettre comme je vous en [)rie '.
XXXIX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Jenvoye à Me"^ l'Ein""' Gard"' Barborin deux volumes d'observations
du s"" Samuel Petit, dont plusieurs regardent la chronologie ancieiuie
où vous pourriez bien en rencontrer quoiqu'une de vostre goust. Il y en
a deux aultres de Pliilippus Lansbergius'^ dont l'un de l'uranometrie
a esté bien estimé généralement, mais nous avons icy un Provençal
nommé Joseph Gaulthier^, grand astronome, qui y a trouvé quasi aul-
' Bibliothèque Barberini. vol. 70, pièce note 2), ouire Gassendi, les Jugemens des
n" 33. savant d'Adrien Baillet (t. VII. p. 166) el
' Sur Van linnsborfjlio, déjà souvent inen- les Mémoires de Paquet,
tionné par Peiresc, Boissonade cite ( p. aSi , ^ On voit qu'ici Peiresc donne au r grand
00
394 LETTRES DE PEIRESC [1632J
tant à redire comme luy en a voit trouvé sur Kepler, Tychon, Goper-
niciisi, et sur le Ptoleraée encor, dont il a fort heureusement rencontré
le supplément nécessaire pour accomplir ses démonstrations comme
plusieurs aultres grands secrets de l'astronomie. J'ay donc prié S. Em"
de vous l'aire voir lesdicts livres \ et l'ay par mesme moyen suppliée
d'agréer que nous puissions faire voir à ce personage et aultres curieux
de par deçà quelque dessein bien exactement faict, ou quelque mo-
delle de son scaphium antique, dont nous n'avons pas sçeu recognoistre
l'usage sur le griffonement que le s' Menestrier m'en apporta l'esté
passé, à quoy je vous supplie de vouloir contribuer aussy de vostre
part ce que vous pourrez, vous asseurant que nous y contribuerons
toute la correspondance qui pourra dépendre de nous. Depuis les der-
nières depesches que je vous avoys faictes de Boysgency, il m'a fallu
revenir à la ville, et y ay heureusement rencontré une pièce antique,
en laquelle j'ay trouvé de quoy suppléer tout ce qui manquoit à ma
pille pour les mesures qui estoient moindres, et au dessoubs de la
cueiller ou ligula. Car j'y ay trouvé la mesme cyane et la mesme
cueiller de ma pile, et de plus la demy cueiller, le quart, et la vingt-
quattriesme portion de la ligula, qui peuvent respondre aux propor- •
tions et subdivisions des poids qui sont depuis lesextans et l'once, à la
demy once, au sicilicus ou quart de l'once, et au scrupule ou xxini''
de l'once. Et j'ay en mesme temps trouvé afforce petites cueillers et
aultres pièces détachées, qui respondent aux mesmes mesures et pro-
portions, entre lesquelles s'en trouve de plus d'une sorte qui faict la
astronome 1 son téritable prénom et que ce
n'est donc |)as probablement de ce Gaultier
qu'il s'agissait dans la lettre où Peiresc men-
tionne le mauvais caractère de son vassal et
se réjouit d'avoir enfin apprivois*^ ce sauvage
bel esprit.
' Holsteuius (lettre XL, p. 204) dit :
T Vidi Guallerii Observationes ad Lansbergii
Uranometriam et quantum potui eminen-
tissimo cardinali nostro commendavi. Ibi tum
uliiissima se obtulit occasio, ut de ejusdem
Lansbergii libro de Motu terra» agerem.»
Holstenius parie ensuite du divin ouvrage de
Galilée [divinum illiid Galilœi opus), de sa
captivité; il lou,e l'excellent vieillard {opti-
mum senem), il déclare que nul ne voit sans
indignation ce qui se passe ; il ajoute qu'on
attribue toute cette tempête à la baine ja-
louse d'un moine, offensé de ce que Galilée
est proclamé le prince des mathémalicieDS.
[1632] À HOLSTENIUS. 395
liuictiesme portion de la cueiller, el qui peult respoadre à la dragnie
ou à la huictiesmo partie du poids de l'ouce, pour accomplir les assor-
timents des mesures à la grecque, puis qu'elle se trouve obmise dans
l'assortiment des Romains. De quoy j'ay creu vous deLvoir donner ad-
vis au cas qu'ayez voulu examiner le faict des mesures antiques en tra-
duisant le MS. d'Héron', en suittc de la prière que je vous en avois
taicte. Il y a longtemps que je suis affamé de vos nouvelles et me pro-
mets que M"" d'Arène nous en apportera sans doubte comme M"' le Ca-
valier del Pozzo et M' Suarez me promettent par cette voye là afforce
desseins de bas reliefs antiques parniy lesquels ils me promettent ai-
force trépieds, et particulièrement tout ce qui est peint aux environs
de celuv du mosaïque de S' Antoine que nous attendrons en bonne
dévotion. Et qu'il vous plaise nous lioimorer de vos consmandements
aussy bien que de la continuation de vostre amititi, comme.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteui-,
DE Peiresc.
A Aix. ce 2 2 oclohre t63a.
Monsieur Suarès s'est plaint à mon frère de ce que vous ne luy aviez
rien communiqué de ce que je vous avoys mandé, sur 1« trépied de
S' Antoine dont il ra'avoit envoyé le premier dessein, encores que je
vous eusse supplié de le faire et que mon frère luy eusse mandé que
vous le feriez, de quoy je ne vous sçauroys dissimuler que j'ay esté fort
marry, de crainte que cela ne vous dorme de nouvelles occasions de
froideur ou jalousie réciproque , laquelle puisse estre nuisible et à l'un
et à l'aultre, auprez du commun patron. Pour l'honneur de Dieu, Mon-
' Hëron d'Alexandrie est souvent nien- tenir ses confrère» de l'Acadtfniie des inscrip-
tionnd dans le recueil Boissonade, plus sou- tiens et belles-lettres de la i-écente d<<cou-
vent même <(ue ne l'indique Yliidex rertim verte dune traduction arabe d'une œuvre
et kotiiimm. Voir p. i3i, aaG, ai5, ii;©. perdue de Hi'roii, d'où il résulte que le cé-
— Au moment même où je corrige cette ièbre mathématicien d'Alexandrie a vëcu
épreuve, un de nos i)lus savants orienta- apriVs, el non pas, comme on l'a cru long-
listes, M. Glermont-Ganneaii , vient d'enti-e- temps, avant Jésus-Christ.
5o.
396 LETTRES DE PEIRESC [1632]
sieur, Ijiictes effort contre toutes les repujjnauces que vous y pourriez
rencontrer de vostre naturel, et quand niesme l'homme s'en seroit
rendu indigne je vous supplie ne laissez pas de luy tesmoigner quelque
confiance pour Tanioui- de moy, afin de vous remettre bien ensemble
s'il y avoit rien de destraqué. Estant bien asseurc qu'au bout du compte
vous vous en trouvei-ez bien et m'en sçaurez bon gré '.
XL
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Depuis avoir achevé ce matin de vous escrire ma lettre cy joincle,
considérant de plus prez le calcul de Marcellus qui règle selon les
Grecs le poids du cyathe à une once et demy pour l'huille et y ad-
jouste quattre scrupules pour la proportion plus pesante du vin, ce
qui en reduiroit la proportion du temps plus ancien à celuy de l'em-
pire occidental de x à xn, j'ay creu de vous pouvoir encores dire sur
ce subject qu'il n'y manqueroit pas de la probabilité et (jue l'authorité.
du Pline et de Fannius ou autres plus anciens n'auroit pas grande in-
compatibilité, supposant que le calcul de Pline dépendisse du temps
qu'il ne falloit pas plus de sept deniers à l'once auquel les dragmes
attiques estoient pareillement plus fortes que sur la fin de la repu-
blique d'Athènes ou soubs les Romains, d'aultant que x deniei-s ou
\ dragmes de ce vieulx temps de sept à l'once ne pesoient pas gueres
moins que les douze de huict à l'once, et par ce moyen les deux cyathes
du sextans ou du tiers de la cotyle romaine feroient les xxnu dragmes
des troys onces du plus grand mystrum et du cotyles Iriunciarius, à
quoy toutes ces petites subdivisions des moindres mesures tant de la
cheme que de la cuiller auroient beaucoup plus facilement du rapport
qu'il ne se peult comprendre en rctejiant la supputation du cyathe à
Bibliothèque Barberiai , vol. 79 , pièce n° 4o.
[1C33] À HOLSTEMUS. 397
X dfafjnies, ce qui doiiiioroit du bransle bien grand pour la descou-
verte et détermination de ce qu'il y a de plus abstrus ou de plus dilli-
cile disquisition en l'observation des poids et mesures. Car il ne man-
queroit pas de moyen de sauver les 4 dragmes surabondantes oultre
les deux cyatbes entiers de ce Kotylus Triunciarius ou cotyloc de deux
cyatbes et vi cuillers dans nostre Marcellus, en les imputant au tiers
de la cotyle des Grecs plus tost que celle des Romains. Enfin il fault
que ce soient les vieils MSS. qui fassent tomber la balance en la desci-
sion de cette question, s'il s'en trouve, comme aussy la comparaison
des MSS., s'il s'en rencontroit tant du Fannius que des autres autheurs
de Ponderibus et Mensuris, et peult eslre bien que nostre Héron nous
en pourroit bien csclaircir aussy tost que tout autre'. Je vous supplye
donques de m'en faire transcrire ce que vous croirez y pouvoir ser-
vir et de me tenir tousjours,
Monsieur,
vostre trez liumble et trez affectionné serviteur,
DK Peiresc.
À Aix, ce a X""' lOSa '-.
XLI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
La grande estime que font d'une si eminante vertu que la vostre,
messieurs Hugon, et Videl, l'un premier aulmosnier et l'aultre pre-
mier secrétaire de l'Ambassade de Monseigneur le duc de Grequy ', et
' Peiresc dit «osfre/ieroM parce que c'était ' L'abbé Hugon et Louis Videl sont
un des inauusciits qu'il avait eu le plaisir mentionnés dans une lettre de J.-J. Bou-
de donner h Holstenius. Nostre de'signe à chanl, du 16 juillet i633 (fascicule III des
la l'ois l'ancien et le nouveau possesseur. Correspoiidanit de Peiresc, p. ia-i3). On
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce sait que Videl (né à Briançon en iSgS,
n° 39. On lit au dos : Raccornandala a la mort h Grenoble en 167») a laissé deux
gentilezza del 111"° S»' G' del Pozzo. ouvrages duu genre très différent, mais qui
398 LETTRES DE PEIRESC [1633]
le grand désir qu'ils m'ont lesmoigné l'un et l'aultre d'acquérir l'hon-
neur de vostre cognoisçance et de voz bonnes grâces, par toute sorte
de services et de redevances qu'ils pourront vous rendre, m'ont en-
gaigé à les accompagner de cette petite lettre d'adresse, pour servir à
anticiper vostre commune entreveûe et vous dire à l'advance ce que
vous recognoistrez bientost en eux de plus louable et recommandable,
de tant de rares parties de profonde doctrine et d'honnesteté qui les
font admirer et passionement aymer de touts ceux qu'ils approchent,
et qui me font espérer que vous ne me sçaurez pas moings bon gré
qu'eux, de la hardiesse que je prends de m'ingerer de cette entremise,
puisque desjà ils m'ont daigné faire l'hoimour de m'advoiier pour leur
serviteur et que vous m'avez donné tant de favorables tesmoignages de
me tenir aussy, comme je vous supplie de faire encores, et de me com-
mander tousjours librement en qualité,
Monsieur, de
vostre trez humble et trez obeyssant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 9 niay i633 '.
XLII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
La grande passion que Monsieur de Boisseu* m'a tesraoignée pour
vostre service et la grande estime qu'il faict de vostre vertu et de vostre
sont égaieraent recherchés, un roman inti- ' Denys de Saivaiiig, seigneur de Bois-
tulé : Le Mêlante, amoureuses aventures du sieu, est mentioimé, comme l'abbd Hugon
tetnps (Paris, i6ai, in-8°), et un ouvrage et Louis Videl, ses comjiagnous de voyage,
très sërieusement composé : Histoire de la dans la lettre de Bouchard, du i6 jaillel
vie du conestable de Lesdiguières (Paris, 1 63 3, qui vient d'être citée. Voir sur ce pre-
i638, in-foi.). mier président de la Chambre des comptes
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce du Daupliiné les noies 1 et 3 de la page 12
n° 4 1 • du fascicule III des Correspondants de Peirese.
[1633] À HOLSTENIUS. 399
rare doctrine m'ont obligé de vous en donner advis, ensemble de ce
qu'il m'a faict paroistre en luy des grandes qualitcz de noblesse, d'éru-
dition, et d'honnesteté, qui le rendent si recommandable à touts ceux
qui ont le bien de le voir, et que vous y recognoistrez bien tost, à sa
première veiie, et encores mieux à ce coup d'essay, qu'il s'en va faire
devant un si grand pape, et une si auguste compagnie, pour un si
grand Roy, et pour un si digne seigneur \ dont il me tardera bien
d'apprendre des nouvelles, pour participer à ce plaisir, comme je pré-
tends l'aire à toutes les faveurs qu'il recevra de vostre bonté. Je vous
supplie de l'avoir agréable, et de me conserver quelque part en l'hon-
neur de voz bonnes grâces comme.
Monsieur, à
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce i3 may i633'.
XLin
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
La venue de cez princes de Mercueur^ du Martigues* nous avoit
amené M' de Malemaison Perrot% de qui nous avions apprins de bien
' Boissieii clail charjifô do liaranfpier le
pape Urbain VIII de la partdu roi Louis XIII ,
en prdsence de l'ainbassadeur de France h
Rome, Ifi duc de Gràjui, et de (oute la
cour romaine. On assure (jue le jeune ora-
teur s'acquitta de sa mission à merveille
(aS juillet iC33), môme au jugement des
Italiens qui, selon la pi(juante observation
de Bouchard, itpoui' l'ordinaire méprisent
tout ce qui vient de delà les Monts i.
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
n" 4a.
' Sur le duc de Mercœur (fds de C(5sar
de Vendôme) voir le tome II du recueil Pei-
resc-Dupuy, p. 5a5.
' Sur le prince de Martigues, frère du
duc de Mercœur, voir la même page.
' Christophe Perret de la Malemaison
fut nommé conseiller au parlement de Paris
en août iSgy. Voir un de ses bons mois
dans les Historiettes de Tallemant des Iléaux
(t. VII, p. SaS). Peut-être s'agit-il ici de
son fils Charles qui fut prévôt des marchands
eu i64i, et qui avait été reçu conseiller
400 LETTRES DE PEIRESC [1633]
agréables nouvelles de vostre santé, mais huict jours aprez nous
eusmes le bien de voir et gouverner un jour ou deux M'Bodier' qui
nous resjouyt bien davantage par l'exacte relation qu'il nous fit de Testai
de voz estudes et par les lellies qu'il me rendit de vostre part du
h octobre et 7 may, accompagnées de tout plein de curieux desseins
de trépieds et des cahiers de Ponderibus d'Eusebe ^, de cette édition
florentine des chappiires d'optique de nostre Damian filz d'Heliodore
Grissaeen^ et de ce Pbilon Byzantin* que vous avez prins la peine de
traduire si élégamment et si proprement, où nous avons apprins de
Irez belles curiositez que nous ignorions, et particulièrement sur les
incrustations de cez pyramides d'Aegypte dont il ne reste plus aujour-
d'iiuy que la plus grosso masse intérieure et le noyeau de la mesme
pierre des obelysques taillée sur les lieux. J'ay prins grand plaisir aussy
d'y voir le progrez de l'ouvrage de ce prodigieux colosse de Rhodes,
que vous avez exprimé en termes si bien appropriez, comme en tout le
surplus des discours de cet autheur, qu'il ne se peult rien voir de
mieux. C'est daumage de la defl'ectuosité du dernier ou septiesme
chappitre el de la suitle du 6""" ou penulliesme, où il eust faict beau
voir la description de ce temple d'Ephese pour la comparer à ce peu
au parlemenl de Paris en 1682. Charles
figure aussi dans les Historiettes ( t. III , p. gâ).
Voir sur lui la note de P. Paris (p. 99).
' Sur ce personnage, voir le recueil Pei-
resc-Dupuy, t. 11, p. 532-534, 543,
59a.
' r Adjunxi etiani Eusebii Pampbiii
Excerpta , deproinpta ex velustissimis mem-
branis bibl. Valicanae, scriptis anle octin-
gentos hosce annns.r ( Lellre XXXIX,
p. 2^5.)
' Holstonius (leUre XXXVIII, p 2J7)
mentionne les Capitii optica de Damieii de
Lariss?, ajoutant: rEadem prorsussunlqiiœ
sub Helio Jori Larissaei noniine graece el latine
publicavit dira Egnalius Dantes, Magni Ho-
truriœ Ducis mathematicus. n Boissonade,
au sujet de cet ouvrage, renvoie à la Biblio-
thèque grecque de Fabricius ( t. VIII , p. 1 2 8 ).
Voir encore la lellre XXXIX, p. 248 et la
nouvelle noie de Boissonade {ibid.).
* rMitto Philonis Byzantii opuscuiuin
de Spectacuiis mundi, cujus versioneni lati-
nam diligenter abs te legi atque e.\])endi
inprimis cupio.» (P. 266.) Boissonade sous
ce passage nous apprend (note 4) que la
version tant loutie par Peiresc est inëdite et
qu"on en a seulement publié un chapitre,
le sixième, relatif au leniple de Diine à
Ephèse, inséré par Meneslrier dans Symbo-
licœ Dianœ Ephesiœ Statua. Voir Fabricius ,
liibl. ffrecqiie , t. IV. p. 232.
[1633] À HOLSTENIUS. 401
qui en reste dans les médailles du pais. Vous nous y faictes espérer
un Iraicté vostre de Tripode que nous attendrons en bonne dévotion ' ;
cependant je vous faicts mille très humbles actions de grâces de tant
de belles choses qu'il vous a pieu me communiquer dont je me tiens
infiniment redebvable à vostre honnesteté et à la confiance avec quoy
vous avez daigné m'ouvrir vostre cœur^, vous suppliant trez humble-
ment de croire que si je ne suis assez digne de cet honneur et de cette
faveur, à faulte de mérite et d'assez de crédit pour vous dignement
servir, vous ne le pourriez départir à personne qui vous fusse plus
desvouée que moy, ne qui ayt plus de bonne volonté de vous servir
sans reserve quelquonque de tout ce qui est en ma puissance. Et pleust
à Dieu que je m'en peusse acquitter à souhaict, car vous auriez bien-
tost la jouyssance de tout ce que mérite une si sureminante vertu,
])robiié et cognoisçance des bonnes lettres que la vostre.
J'escripts à M^' l'Em""^ Gard"' Patron sur l'entreprinse de cette im-
primerie greque où il peult faire des merveilles si vous vous en meslez
et contribueray tousjouis de toute mon affection à vostre service tout
mon foible crédit, regrettant de n'en avoir un peu plus pour l'amour
do vous seulement, car pour tout le reste je ne m'en pêne gueres, nom
plus que pour moy mesmes, ne respirant plus meshuy qu'un peu de
repos. J'estime que vous avez trouvé le vray chemin qu'il vous falloit
tenir, pour tirer les advantages plus convenables que vous vous pou-
viez promettre en cette cour là^, quand vous vous estes résolu d'y esta-
blir vostre demeure et vostre fortune sans plus méditer de retour en
vostre pati'ie, d'aultant que cela seul vous pouvoit reculer de toute
' rtDe tripode tuo fuse ad te scribam in
ti'aciaUi meo <le Tripode, quem absolvere
ante discessuin domini Larena non polui;
intérim figuras aliquas tripodum accipies,
doiiec cœtcros dcpiiifji curem.» Ce sont là
les ff desseins de trépieds» dont il est ques-
tion dans les premières lignes de la lettre
de Peircsc. Le traité promis par Holstenius
sur le Trépied n'a jamais paru.
' Au sujet de l'inimitié existaut entre
Suarez et lui-mênio. Peii-esc répond ici aux
pages 289 à 9/1Q déjà citées.
' Peiresc répond ici k »m passage de la
lettre XXXIX où Holstenius lui avait fait
ses confidences au sujet de sa situation
en la cour romaine (ut ingénue animi
mei consilia in ginum tuum offundam , etc. ,
p. a38).
5i
402 LETTRES DE PEIRESG [1633]
sorte d'ctiiploy en offices perpétuels et de la commiiiiication mcsmes des
livres plus rares et plus curieusement tenus. Je vouldroys bien que
t'evesché de Vaison qni a vacqué en ce païs de deçà de la collation de
N. S. P. et disposition de l'Eminentissime Cardinal son neveu (qui est
tort à la bienséance de ce personnage d'Avignon) eust esté remplie de
sa personne pour l'amour de vous et de luy, afin que cela le nous
r'amenast plus tosl en cez parties icy' où nous aurions plus de moyen
de le servir à soubaict selon son mérite et selon nos vœux; si cela
n'estoit, ce sera en autre meilleure occasion quand il plairra à Dieu.
Cependant je loue grandement la bonne disposition où vous estes de
luy rendre touts les bons offices qu'il pourroit désirer de vous,esti-
niJint qu'il f'eroit grande gloire si vous daigniez lui communiquer seu-
lement quelque ecliantillon de voz observations selon les occurrances
qui s'en peuvent présenter, quand ce ne seroit que sur le subject des
lettres que je luy escripts d'aulcunes foys, comme j'avois faict derniè-
rement concernant certaines particularitez que je l'avois prié de vous
faire voir de ma part pour en apprendre vostre advis, y ayant tousjours
un grand advantage à bien faire à un chascun, et' quasi plus de gloire
(juand c'est sans espoir de retour que lorsqu'on s'en pcult promettre
(piclquc digne correspondance. Il y a parfoys du mai entendu que le
temps guarit lorsqu'on y pense le nioings, comme j'espcre qu'il ad-
viendra s'il y en avoit eu en cecy, et que vous me sçaurez un jour bon
gré de la hardiesse que j'ay prins de m'en entremettre en qualité de
vostre serviteur. Au reste vous pouvez vous asseurer que je n'oublieray
rien en la recherche du Denis Byzantin- attendant de jour à autre le
retour de celuy qui a porté mes dernières lettres à M' i'Evesque de
Rhodez avec des eaux de fleur d'oz-ange et autres galanteries du païs
pour m'insinuer en quelque façon en ses bonnes grâces et exto[r]quer
■ Joseph - Marie Suarès fut nommé ^ irNuiic siiperest ni suinmas tibi gratias
ëvêque de Vaison le 8 juin i633; il fut agara, quod editioiiemGeograpboruniGree-
sacré ii Rome ic 9 août suivant; il ne prit coram la m obnixe promovere studeas : nihil
personnellement possession de sou e'vécbé enim a te praîtormissum video qui Diornsii
que le 99 df'eembre iG3/i. Bysantii pervesliges. . . 1 (P. aio.)
^1633] À HOLSTENIUS. A03
cette faveur do luy pour l'amour de vous et du public. Et qui sçait (jue
nous ne l'ayons pas d'ailleurs parmy quelques caisses des mss. grecs
en vellin que j'attends d'heure à autre du mesoie lieu d'où j'avois tiré
le volume des Eclojjues de Constantin Porphyro^jenete? J'avois eu de
la Bibliothèque du Hoy une coppie de cet opuscule d'Héron de Pon-
deribus et niensuris, n'ayant pas trouvé dans voslre pacquet celuy
que vous m'escrivez y avoir joinct, qui sera demeuré sur vostre table,
par inadvertance de celuy qui en a cachette l'enveloppe. Mais j'ay
escript à Paris pour faire transcrire la mcsme chose sur l'exemplaire
de M' de Thoulouse qui sera vraysemblablcment plus correct comme
vous dictes". J'ay eu de la mesme Bibliothèque du Roy la coppie de
XII ou XV autheurs sur cette matière, tant anonymes que cogneus,
mais d'anltant que les originaulx ne sont qu'en papier et ne sont pas
anciens, ils ne sont pas de telle considération que l'exemplaire de vostre
Eusebe du cardinal Sirlet'^. J'attends les vacances de noslre Parle-
ment pour vacquer à cet examen d'oii je me promets quehjue fruict
(jui seioit beaucoup plus grand s'il se trouvoit quelque bon ms. du
Marcellus. Il ne sera pas de besoing de vous mettre en peine de m'en-
voyer l'Eustathius in Hexameron que j'ay eu de Lyon oii il avoit esté
imprimé; je ne vous en ay pas pourtant moings d'obligation que si je
l'avoys eu de vostre main, l'interruption du commerce advenue par
la peste de ces pais de par deçà ayant reculé tout le commerce des
livres durant quelques années, dont nous sommes grâces à Dieu bien
([uittes à présent. Le mot EAAAAOC , au bout de l'inscription du mé-
daillon de Sardes, est si nettement escript qu'il ne se peult revocquer
en doubte^; il fault seulement voir par quel moyen il se peult saulver,
' itHeronis geomeirica malo et nimis exemplari tibi describantur.» (P. a/i5."* Voir
foslinanlfi calarao scripta sunt. . . Extant sur Joseph d'Auria le recueil Peiresc-Dupu)
pademapud ill. archiepiscopimi Tholosalem (II, 53i).
descripta Grsece et Latine manu Josephi ' Sur Guillaume Sirlel, bibliothécaire du
Auriae, insignis matliematici , qui editio- Vatican, voir le recueil Peiresc-Dupuy ( il ,
netn ejus quoque opusculi meditabatur. n 53i).
(P. 926). — tfSed facileab Archiep. Tholo- ' n- Sed de postremailla voce [EAAAAOC]
sate irapelrabis , ut ex correctiore Auriaî subdubitabani : oequc euim video cur Sar-
5i.
iOA LETTRES DE PEIRESC [1633]
si l'on n'auroit point voulu l'adjouster pour différence du païs de
Lydie habité par des Grecs en l'Asie Mineure d'avec les autres païs
qui ont porté le mesme nom de Lydie habitez par d'autres nations et
oii la langue greque n'estoit pas en usage comme à Sardes, Plutarque
mesmes faisant mention des Grecs asiatiques aux Apophth. gr. Ou bien si
l'Empereur Philippe lors vivant n'auroit point voulu donner cette spé-
ciale prérogative à la ville de Sardes, en recognoissance de quelque
flatterie insigne des peuples d'allentour.
J'ay prins grand plaisir de voir ce que vous me mandez de voz
couppes d'argent qui entrent les unes dans les autres ' et dont les bor-
deures sont intérieurement dorées et descouvertes. Gar ce sont des
continuations bien evidantes de l'usage ancien de colles qu'on appoloit
cvmbibae^ comme les miennes. Ce sera un bien digne travail que celuy
de voz tables d'Italie^ où je ne doubte poinct que vous n'ayez eu de
grandes lumières par dessus tout ce que feu Cluverius et les autres en
avoient peu pénétrer devant vous, tesmoing l'inscription que vous
dictes avoir esté si mal entendue par luy*. Il nous tardera bien que
vous les veuilliez laisser mettre au jour soit par Elzevir ou par autre,
et si cela debvoit traisner trop loing, nous verrions bien volontiers ce--
(lis Grœciœ melropoliin vocemus; nisi id
velit, eain urbem non solum Asialicarum,
sed et Grœcarum eivilatum omnium princi-
])atum oblinuisse. B (P. 2/17.)
' Voir le récit de Holstenius (p. 366),
assurant que l'usage de semblables coupes
est fi'équent en Allemagne et apprenant à
son ami qu'il eu a acheté deux à Vai-sovie
chez l'orfèvre de la cour, et qu'il s'en servit
en son voyage. Cf. la noie de Boissonade
renvoyant à la Vie de Peiresc par Gassendi.
' Virgile a employé le mot cijmbium et
on trouve dans Pline le mot njmbula.
. ' Itinéraire d'Antonin , table de Peutin-
ger et autres documents relatifs à la géo-
graphie de l'Italie ancienne. Voir les curieux
détails donnés par Holstenius sur ses projets ,
sur ses recherches, sur le commencement
d'exécution de son travail. (P. 2/19-aû/i.)
' Holstenius arrange assez mal son de-
vancier : rNam cum Cluverii descriptionem
ad examen revocare cœpi , deprehendi quam
plurima quœ minus accurale ab ipso obser-
vata fuerunti (p. aia). — ^In hac vinex-
plicanda [la voie Aurélieune], prœter Anto-
ninum et Tabulam, insigneni mihi operani
prœstitit vêtus inscriptio quaiii Cluverius in
fine operis affert p. i-jgG, quam Cluverius
ineptissimam vocat, sane injuria, cum sen-
sum ejus mentemque nunquam perspexe-
rit" (p. 264). Boissonade rappelle (p. 962,
note 2) que los observations de Holstenius
sur l'ouvrage de Cluvier rfposlhunio partu
lucem videront Romœ an. i666t:.
[1633] X HOLSTEIVIUS. 405
pendant ce que vous avez observé de noslre VIA AURELIA jusques en
ce pais icy. Je vouldrois bien apprendre aussy de vous le temps à peu
prez que vivoit vostre Pliilon Byzantin des vu miracles du monde.
J'ay bien de l'obligation ù M"" Bouchard aussy bien qu'à vous du
soiujT qu'il luy plaict apporter à la recherche dans la Valicane de cez
autheurs de Ponderibus', que je ne laisroys pas de prixser quand
niesmes ce ne seroit que le Beda ou le Denietrius Alabaldus et autres
pareils, pourveu que les exemplaires fussent bien anciens et que les
notes et les nombres y fussent plus corrects que dans les communes
éditions. De ce gros volume dont vous me parlez de Golotius- je ne
vouldroys que les essays ou cxperiances qu'il pourroit avoir faicles en
l'examen du poids ou contenance des vases ou modillons antiques,
pour voir s'il y auroil rien veu qui me fust incogneu, et spécialement
s'il avoit rien observe sur le congius Farnesien, oultre ce que le Pe-
tus par le Villalpandus' en a escript, je dicts pour l'examen de la con-
' trDe ponderibus et mensuris cœpi per-
quirere in Vaticaiu bibliollicca uiia cum
Bucharlo iioslro , «pii se liac de re diligen-
ter seriplurumpromisit. Quidquid iiactenus
vidiinus sacroruin auctoriiin fuit, Bedai, ni
fallor, aut ejus sœculi. Ubi Bucharlo coni-
inodum fuerit, diiigentius omnia excatie-
inus» (p. a55). Cf. le fascicule III des
Correspondants de Peiresc, où l'on Irouve
divers passages relatifs aux recherches faites
pour le grand curieux par Holstenius et
Bouchard. Voir notamment les lettres du
18 février i633, du iC juillet if).33, du
u lévrier iG3/i, etc. (p. 11, i8so, 27).
' ffExtat inter alia magnum volumen
coilectaneorum de ponderibus et mensuris
cujus Collotii, qui phirinios et gravissimos
Budœi, Agricohc, Giareani, ah'orumquc
errores se correcturnm speravit... se;! totuni
volumen est riulis vidiffestn/jiie moles , ex ([uo
diflicultpr aliquid erui j)oterit, quo tua stu-
dia juventur. 11 Sur Ange Gulocci, évèque
de Nocera, mort en i545 , que ne connais-
sait pas Holstenius (son cujiis (f(iuivaut à
notre un certain), voir une noie du fasci-
cule lit df s Correspondants de Peiresc ( p . 1 9 )
où sont citds Moréri et Ginguenë. Cf. une
note de Boissonade (p. aSo, n' h) où sont
citds Gassendi sur Peiresc et La Monnoye
sur YAnli-Bfiillet de Mënage.
' Lucas Pœtus était un savant romain,
antiquaire et juriste, mort en sa ville na-
tale, à l'âge de 69 ans. en i58i. Sou trait»'
De mensuris et ponderibus Romanis et Grœcis
(Venise, Aide, 1673, petit in-f, et ausfi
in-A°) a été réimprimé dans le tome \l du
Thésaurus Antiquil. lîotnan. de Grœvius. Ia'
P. Vilialpando, de la Compagnie de Jésus,
a achevé le Commentaire sur Eiécliicl (Ex--
plamitioncs in Etecliielem, Rome, irqC-
iGo'i, 3 vol. iu-f") commence' par le
P. Prado, do la même compagnie. Voir Ma-
nuel du libraire, t. IV, col. 85a. Au tome III
de c co.nunenlaire (p. 3ôo) on lit: -.Vmhi
/i06 LETTRES DE PEIRESC [1633]
lenaiice actuelle, et s'il a veu et examiné des autres vases de mesure
/incienne, principalement de ceux qui portoient des inscriptions rela-
tives à leur mesure et contenance.
Monsieur Gassendy s'est trouvé icy chez nous tout à propos pour y
recevoir vostre lettre de raa main et pour gouverner quant et moy
M' Bodier; il pensoit vous respondre présentement, mais M' l'Evesque
de Digne son prélat l'a envoyé sommer avec tant d'instance et de presse
de l'aller voir à son retour de Venize qu'il n'a peu se desdire de partir,
mais il m'a promis de travailler au calcul que vous désirez^ et de vous
faire responce de chez luy incontinant. Cependant il m'a chargé de
vous salluer de sa part, comme je faicts trez humblement. 11 a esté
céans environ un mois ou cinq semaines où nous avons bien eu du
plaisir en sa conversation. 11 commance à songer à bon essiant au
voyage de Gonstantinople pour se trouver en Jherusalem à Pasques
prochaines et y faire l'observation de l'ecclypse du moys de mars, afin
qu'elle serve à en régler la longitude et distance de cez païs de deçà.
11 a faicl de belles observations encores icy mesmes de son Mercure et
d'autres astres qui pourront ung jour servir à en bien régler le cours.
Nous avons bien plaint le pauvre Galilée que l'on nous a voulu dire
estre debtenu prisonnier^ au préjudice de bons et valables sauf con-
duits et des déclarations réitérées qu'il avoit faictes aux officiers du
Saint Office, de ne vouloir escrire que ce qu'ils auroient approuvé,
comme ils l'avoient faict. Vous ne sçauriez croire comme cela esclatte
partout et comme on trouve estrange sa persécution, puisque c'est à
ceux qui avoient esté commis à la lecture de son livre qu'il eust fallu
certe quippiciin statui possil de Romanis
ponderibus quo eorum ratio habeatur.n A
la colonne 2 de cette m<*me page, en man-
chette, on renvoie à l'ouvrage de Lucas
Pœtus : Lié. de antiq. liquid. et arid. mensuris.
Peiresc, dans sa phrase elliptique, a voulu
dire : ce que le Pae!as, cité par le Villal-
pandus , eu a escript.
' h<} iiost-scriptuin de la lettre XL (p. 969)
est ainsi conçu: Trlnclusas literas, nisi grave
est , ad Gassendum , et ad me indc respon-
snra ciu-a. Kt, si tanti fuerit, Cbronologica
a me proposita lege. »
' Nouvelle preuve de la confonnit<? des
sentiments des deux amis à IVgard de Ga-
lilée. On admirera la généreuse liberté des
jugements de Peiresc tempérée par tant de
sagesse.
[1633] À HOLSTENIUS. 407
s'en prendre, s'il y pouvoit cschoir, plutosl qu'à lui. Je pense <[ue cez
percs peuvent aller à bonne foy, mais ils auront de la peine à le per-
suader au monde, sur quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez himilde et Irez obligé serviteur,
i)K Peuiesc.
À Aix, ce 9 juin iG33 '.
Si vous avez commodité de m'escrire par voye de Gènes, vous y
pourrez adresser vos depcscbes ail. 111" s' Horatio Fredy qui les rece-
vra volontiers et, me les fera tenir seurement, ou bien les remettra à
Rome ez mains de M'' Guillaume des Piotz qui s'en chargera pareille-
ment de bon cœur et me les envoyera soit par Gènes ou par Marseille.
En voulant fermer cette despesche on m'a apporté la bonne nou-
velle de l'arrivée du navire S' Esprit dans le port de Marseille avec
deux caisses des plus grandes remplies de livres grecs mss. en vellin,
en nombre d'une cinquantaine, où Ton me faict espérer de rencontrer
de bonnes pièces dont vous aurez vostre part en son temps comme de
raison, mais la grosseur des caisses les ayant faict mettre dans l'es-
tive je suis contrainct d'attendre deux jours pour laisser descharger
le navire de ce qui est dessus mes caisses. Geluy qui m'a faict le bon
office d'enqiloyer mon argent à celte marchandise est si heureux qu'il
m'a cy devant envoyé des pièces toutes telles que je les avoys propo-
sées bien qu'il n'y eusse aulcune apparance d'espérer de les rencon-
trer. Entr'autre ce livre en vray papyrus escript en caractères hiéro-
glyphes, comme ceux des obélisques, ce qui me veult on faire à croire
qu'il y debvroit avoir quelque chose du tout hors du commun. Ce»
deux ou troys jours de dellay me seront des années d'impatiance.
L'édition qu'a faict à Oxfort vostre Patricius Junius de l'epistrc dé-
mentis ad Gorinthios tirée d'un exemplaire escript par une Tecla au
temps du Concile de Nicée dont parloient Irenée et autres ancieits
pères, me faict concevoir lousjours meilleure espérance de maconqueste.
' Bîbliolhècpie tinrljeriiii , vol. 79, pièce 11° 'i3.
508 LETTRES DE PEIRESC [1633]
el pourveu qu'il s'y trouve quelque bonne pièce de voslre goust, je
seray trop contant et satisfaict. J'avois oublié de vous envoyer une
lettre de M'' l'Arcbevesque de Toulouse sur le subject de son ins. des
aulheurs astronomiques, mais il s'estoit équivoque, car ce n'est pas à
M'' Rigault ains à un autre dont j'ay oublié maintenant le nom qui se
promettoit d'avoir de vous en revanche quelque pièce de S' Cyrille
dont il faict l'édition maintenant. A qui je la feray tenir, si vous me
l'adressez, pour retirer de luy par mesme moyen Itdit ms. astronomique;
cependant je n'ay pas laissé de luy faire demander coppie des chajipitres
d'Héron de Ponderibus et mensuris sur vostre indication.
XLIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je vous escrivis par le dernier ordinaire de Gènes. J'ay depuis eu
les lettres de Thoulouse par lesquelles on me mande que M' l'Evesque
de Rhodez avoit invité M' l'Arcbevesque de Thoulouse de l'aller voir
pour luy monstrer tous les vieux MSS. qu'il a du feu card"' d'Ar-
maignac, et luy remettre en main le Denys Byzantin s'il s'y trouve pour
me le faire tenir, et me promet-on un Inventaire de tous lesdicts MSS.
que j'attends impatiamment pour l'amour de vous.
J'ay depuis receu mes deux caisses des MSS. grecs du Levant, dont
l'une s'est trouvée mouillée et plusieurs volumes quasi pourris, pour
avoir esté logée trop proffond dans le navire. Mon libraire est aprez
pour en saulver ce peu qui se pourra proffitter. Dans l'aultre j'ay eu
quelques volumes de S' Jean Chrysoslome, S' Grégoire de Nazianze, et
aultres Pères. Il y a entr'aultres une pièce de S' Clément Alexandrin, de
ce riche qui se peult saulver, alléguée par Eusebe et par Photius ^ Il y a
' A rapprocher de la lettre GXV du ici les notes qui accompagnent la lettre h
tome II du recueil Peiresc-Dupuy (p. 538 et Dupuy du i3 juin iC33. La présente
suiv.). Natui"eliement je ne redonne pas lettre est un diminutif de celle que Peireec
[1633] À HOLSTENIUS. A09
quelques volumes du Metaphraste, plusieurs livres rituels, à l'usage
des Eglises grecques, et deux volumes eritr'aultres qui sont eu majus-
cule et d'une bien vénérable antiquité. Il y a une Iliade d'Homère avec
des scholies interlineaires escrites en rubri([ue, et des marginales,
dont plusieurs articles portent en leste le nom de vostre Porphyre, ce
qui me faisoit soubçonner que ce peussent estre celles de vostre Pro-
clus, encores qu'il n'y soit pas nommé. Ce volume quasi seul n'est es-
cript qu'en gros papier de Damas. II y a un Orphée avec une suittc
du Proclus Lycius mentionnée dans lo Gesner, que je n'avois pas veu,
et plusieurs aultres pièces, de mesme subject et manière. Il y a une
pièce d'Asterius, sur S' Phocas. Mais la plus part des volumes n'ont
poinct de commancema,nt ne de fin, ce qui donne bien de l'incommo-
dité et du retardement à l'examen de ce qu'ils pouvoient contenir.
La vie de S* Chrysostome par le Georgius n'y est pas obmise. Cez
canons Ecclesiai Orientalis dont parle M' Juste!, y sont avec les canons
Ecclesiœ Alricanœ qu'il en a tirés.
La presse de nostre parlement ne me permet pas de les esplucher
exactement, c'est pourquoy vous m'excuserez si je ne vous en rends
meilleur compte. Et si je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DB Peiresc.
A Aix, ce 16 juin i655'.
J'ay esté infiniment aise de la promotion de M"" Suarez à l'evesché
de Vayson '^, et veux espérer qu'à vostre tour on se souviendra de vous
et de vostre sureminante vertu, qui ne sera jamais si tost ne si digne-
ment comme je le vous souhaicte, et comme vous le méritez.
dcrivit à son ami de Paris trois jours (episcopatum allquem in vestra Proviiicia
auparavant. ambit, atjue hoc palam prœ sefert, quoties in
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce sermone meulio iticidit), lui parle ainsi
n° !ili. (p. 48o)(le sa promotion à IVpiscopat : fDe
' Holslenius, (pii avait parlt? h son cor- Suaresii nostri promotione tecuni gamleo.
respondant (p. 469) du vif ddsir qu'avait Nescio quando uovus ille paslor ad gregein
Suarès d'être nomme' évêque en Provence suuni sit disressurus. . . n
V. as
mVUVSUB lATIOIAlt.
410 LETTRES DE PEIRESC [1633]
XLV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Selon l'advis que vous m'aviez donné, concernant l'Héron de Pori-
deribus et Mensuris que vous estimiez eslre plus correct en l'exemplaire
de M"" l'Archevesque de Thoulouse, j'escrivis à Paris pour m'en faire
transcrire ce chappitre, et s'adressa t'on au s' Aubert, qui estoit saisy
du volume de M"' de Thoulouse, et qui est maintenant sur l'edilion
du S* Cyrille. Mais il a respondii que dans le volume qu'il a dud.
s'' de Thoulouse des Astronomes, il n'y a rien dHeron, comme vous
pourrez voir par le billet de sa main que l'on m'a envoyé, ce qui me
faict juger que vous aurez veu ce fragment dans quelqu'autre des vo-
lumes MSS. que led. s' de Thoulouse vous communiqua en raesme
temps que celuy desdicts Astronomes, dont je vous prie de vous re-
mettre en mémoire, ou bien si ce ne seroit poinct ailleurs que vous
auriez veu cette pièce. Au reste vous verrez la grâce que cez Mess" se
promettent de vostre courtoisie, et de vostre charité envers le public,"
sçavoir est que vous ne ferez pas de difficulté de leur communiquer les
deux libvres de S' Cyrille sur S' Jean, qui leur manquent en l'édition
qu'ils ont entreprinse des œuvres de cet aulheur, dont vous m'aviez
escript aultres foys vouloir accommoder M"" de Thoulouse. Vous ne le
sçauriez pas faire en conjoncture plus opportune puis qu'ils pourront
tenir un si digne rang en cette belle édition, dont le public ne vous
sera pas moins redevable que si vous les faisiez imprimer vous mesmes
à part, et je croys bien qu'on ne manquera pas de vous en laisser
l'honneur qui vous y sera deub ^ Et qu'il faudra que cez Astronomes
retombent par mesme moyen entre voz mains, selon le dessein que
vous y aviez faict dez lors pour une espèce d'eschange. Je vous en au-
' Cefiilseulementl'annœsuivanlequeles lamdiu desideratum, quod liona fidoacdili-
prières si jjiessanles de Peiresc purent être genlia curari publiée inlercst, qiuini unicuin
exaucées : «Mitto Graeeum exenipiar Cyrilli liocexemplar in llalia extet.r (P. iya.)
[1633] À HOLSTENIUS. SU
ray de mon chef une particulière oblifjation, pour l'interest que je
prends en l'honneur de la France, et pour la proll'ession que je laicts
d'estre serviteur de M"^ de Thoulouse, et la considération que je dois
à la prière dud. s'' Aubert et encores plus de Mess" du Puy, qui
m'en ont faict instance pour luy. Je m'asseure que vous ne nous
en esconduirez pas comme je vous en supplie trez humblement,
et le plus tost sera le meilleur afin de ne pas retarder l'édition des
œuvres de ce grand sainct. Et sur ce, estant un peu pressé, je finiray
demeurant.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix , ce dera. juin 1 633.
Je n'ay pas receu le livret que ce gentilhomme disoit me vouloir
envoyer, et veulx croire qu'il prendra la commodité du retour de quel-
qu'un de ceux de la suitte de M' le duc de Crequy K
XLVI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Tandis que vous nous laissez en l'attente de voz responces aux lettres
donti}e vous importunons que trop souvent^, nous ne laissons pas de
nous prévaloir de toutes les occasions que nous pouvons, pour vous
servir en la recherche que vous avez désirée de nous, de vostre Denys
Byzantin. Gonnne vous verrez par les lettres que je vous envoyé tant
de l'un des moynes de mon abbayie que je fis passer exprez à Rhodez
pour ce subject, que du s"' Sabatier, prieur de Calmont*, de qui
' Bihliolbèque Barberini, vol. 79, pièce luis responsum debeo, quod paulo longius
n" 45. dilatum luia vice nunc solvam. ..»
* Holstonius commence ainsi la lettre cm ' Aujourd'bui commune du camion de
du recueiide Boissonade(p. 468): ^Tribus Naillou.x (Haute-Garonne). Au moment où
5a.
412 LETTRES DE PEIRESC [1633]
M"" l'Evesque de Rhodez se voulut servir, |M)ur celte perquisition. Où
vous pourrez voir que ce pauvre autheur ne s'est poinct trouvé men-
tionné dans les inventaires des livres du card"' d'Arinaignar es années
1 56i et 1 569. Et qu'on ne l'a pas sceu trouver aussy entre les volumes
grecs qui avoient esté mis à part pour ce subject, dont je suis bien
marry pour l'amour de vous, et me double fort que ce ne soient là les
livres que ce card*' avoit acquis en ce temps là qu'il estoit encor
evesque de Rhodez comme je pense, ou bien fraiscbement pourveu
de l'archevesché de Thoulouze, où estant obligé de se transporter, et
laissant son nepveu pour successeur en l'evesché de Rhodez, ses livres
lui furent vraysemblablemenl laissez par inventaire, sans qu'ils ayent
jamais esté depuis relirez. Et possible sans qu'on y ayt adjouslé ceux
qu'il pou voit avoir acquis depuis lors, ne par mesme moyen ceux du
pauvre Gillius qu'il ne pouvoit avoir recouvrez qu'aprez ses voyages de
Rome. Toutefoys il s'en fauWra mieux informer, et vous jugerez bien
par les dattes du temps des voyages de Pelrus Gillius en Levant et de
l'édition de son Bosphorus, et de son decez (car je n'ay pas maintenant
le loisir de l'examiner), si l'antériorité ou postériorité des dattes vous
peult faire juger que le Denys Byzantin fust parmy les livres de cez
inventaires ou non. J'ay neantmoings faict une recharge, pour avoir
coppie de tout l'inventaire des MSS. tant grecs que latins, pour voir
si par la conformité des matières on pourroit juger que le Denys fust
comprins en quelque volume où il ne fust pas au premier rang, pour
en faire article en l'inventaire. Et afin aussy de voir s'il y auroit quelque
aultre pièce de vostre gousl, et spécialement quelqu'une que l'on ju-
geasl avoir appartenu audict Gillius, com'il en apporta quelque nombre
en revenant de la Grèce. I^e procez de ce pais là, qui est renvoyé en
nostre parlement, nous en fera vraysera!)lablement apprendre de plus
particulières nouvelles, si un coup nous avons icy un député de ce
chappitre là ou de M"' l'Evesque. J'ay grand regret que mes soings
j'écris cette note vient de paraître une excel- G. Barrière-Fiavy, correspondant de ia So-
iente monographie intitulée: La AflroHMie </e ciélé nationale des antiquaires de France.
CalnwHl en Lfln^îWoc, notice liistorique par Toulouse, Ed. Privât, 189.3, jjr. in-8°.
[1633] À HOLSTENIUS. 413
vous soient inutiles en cette occasion. Mais il semble que le cœur me
dict qu'il se descouvrira enfin de quelque costé, j)our vostre conten-
tement, et ne tiendra pas c'i moy que je n'y face ce que je pourray.
Cependant je ne manqueray pas de vous renvoyer par la première
commodité d'amy, et possible par la voye de la poste, vostre Pliilo By-
zantins', où j'ay prins plaisir de voir principalement ce qu'il dict des
pyramides d'^Egypte, et des précieuses incrustations d'icelles, ce que
j'ay neantmoings peine à persuader à ceux qui ont esté sur les lieux,
qui ne croient pas qu'il y ait eu aulcune incrustation par dessus de si
gros quartiers de pierre que ceux qui y sont entassez les uns sur les
aultres, estimant que ce soit un traict d'ampliation de Rhéteur, pour
se donner carrière, sans avoir esté sur les lieux. Mais moy au contraire
je me liens au sens littéral, et ne me puis imaginer qu'on eusse trouvé
si estrange l'entassement de cez grosses pierres si rudes et grossières,
pour en faire un si grand miracle, et pense que ce n'estoit que le
noyeau, pour y appuyer les aultres pierres plus précieuses, et mieux
ajustées et distinguées par différentes couleurs. Et possible que la trop
grande haulteur d'un escallier à aultre, qu'un homme ne sçauroit
enjamber, se reparoit en insérant entre l'un et Taultre un moindre es-
callier mittoyen pour servir de plus forte ligature, et tenir mieux en
devoir cez incrustations plus précieuses. Et pour faciliter l'accez et la
montée aussy bien que la descente bien à l'aise, sans obliger à saulter,
ou grimper, comm' il eust fallu d'un degré à aultre. N'estant pas mer-
veilleux qu'il ne reste plus rien de telles incrustations, qui peuvent
avoir esté arrachées pour en orner et enrichir d'aultres fabriques dans
le mesme païs ou aultres plus loingtains, comm' il se practiquoyt an-
ciennement aprez les changements des dynasties. Je seray bien aise
d'en apprendre vostre advis quand vous en aurez la commodité-. Au
' trPhilonisByzanliiopusculumrecepi... ' "De Marmorea Pyramiilura incriisUt-
(iaudeo lameii et scriptum ipsuni et ver- lione curiosa sane ohservalio tua est; con-
sioncmmeamaccuralissiiBiluijudiciiconsii- joclura aulem verissiina niihi vitlelur qiia
rani susliiiuisse,ita ut non vere«rjam public lapides postea sublatos et in aliuni usuiii
DnuiiunToculiseamexponere.i (P. 4G8.) coaversos suspicaiis : niwis eniju sccurus.
ù\à LETTRES DE PEIRESC [1C33]
reste M"" l'Archevesque de Thoulouse m'escript de son abbayie de
S' Aman du 9 du passé, que le traicté de Ponderibus d'Héron n'est
pas véritablement dans le volume que vous luy aviez demandé, et qu'il
a laissé à M"^ Rigaut ou à M"" Aubert pour le vous faire tenir, ou à tout
le moings une coppie bien et soigneusement iaicte, dont ledict s' Au-
bert se chargea. Mais qu'il a plusieurs volumes des œuvres d'fleron,
parmy lesquelles le traicté que je luy demande se pourra trouver si
vous l'y avez veu, car il ne s'en est rien perdu depuis qu'il les a, mais
que le tout est à Thoulouse dans ses coffres où l'on fut constraint de
les serrer au passage du roy ; que quand il sera sur les lieux il m'offre
tout ce qui est à sa disposition. 11 me mande encores qu'il manie main-
tenant le volume des historiens ecclésiastiques grecs, dans lequel il a
restitué plus de deux mille passages, qu'il y faict quelques observations
dessus en revoyant ce qu'il y avoit aultresfois observé. El m'invite à
luy donner advis s'il y a rien qui luy peust servir à cet estude. Voyez
si vous n'y pourriez rien contribuer de vostre part, comme je ne double
nullement que vous ne le puissiez, car vous l'obligeriez grandement à
vous servir de la merce (sac) en revanche. Je pense bien qu'il ne lar-
dera pas de retourner en cour.
M'' de Valoys m'escript de Paris qu'il va mettre soubs la presse toutes
les œuvres du Libanius que les libraires veullent reimprimer, et ma prié
de luy faire obtenir de la bibliothèque d'Auspourg une quinzaine de
pièces qu'il y en a oultre les éditions précédantes, dont je suis venu à
bout plus heureusement que je ne pensoys, par l'entremise d'un gen-
tilhomme de mes amys, qui l'a faicl ordonner par les surintendants de
la Bibliothèque, ot commander au s' Elias Ehingerus Bibliothécaire'.
Il me mande à cette heure qu'il a sceu que dans le Vatican il y a
i564 epistres du mesme autheur lesquelles il vouldroit bien y joindre,
ne dicani supinus, auctor ille fiiisset, si tara ajoute : <rCf. omnino L/etronnius in doctissi-
clara in re tara turpiter errasset, etc.Ti mis de Dicuilo disquisilionibus, p. loa seq. 1
(P. 669.) Boissonade rappelle dans ce pas- ' Sur Elie Ebinger voir le recueil Peiresc-
sage que le traité De VII miraculù se trouve Dupuy, t. II et III , passim.
in Thés. Gronoviano, I. VIII, p. aaSg, et
[1633] À IIOLSTENIUS. 415
dont j'cscriray un mot à Ms' le card*' Barberin, afin que l'édition soit
bien complottc, et si vous avez descouvert quelque aultre pièce je vous
prie de m'en donner advys, et adsistance pour les recouvrer. Et me
commander en revanche comme,
Monsieur,
vostre trez humble et trez oblijjé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 7 seplein]>re 1 633 '.
XLVII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je prendray la commodité d'im livre large que j'envoye à l'Ëm. Sei-
gneur Card"' Barberin d'y joindre vostre Philon Byzantin que j'ay veu
avec grand plaisir et touts ceux auxquels je l'ay monstre icy, tant de
gents de lett resque de gents qui ont veu touts ces pais du Levant et
spécialement les Pyramides d'^Egypte où ils ont bien de la peine de con-
cevoir de la conqialibilité de ce qui s'y void de mazures avec la des-
cription qu'en laict cet autheur, mais pour moy j'ayme mieux suyvre le
sens littéral et me persuade que les pyramides plus grandes qui restent
auprez du Grand Cayre ne sont que les noyeaux où estoieiit appli-
quées les incrustations de diverses couleurs de marbres ou autres
pierres plus précieuses dont parle vostre Philon, et d'aultant que la
liaulteur de chascun degré desdictes pyramides est trop haulte pour
estre enjambée humainement, je tiens qu'il y avoit d'autres degrez
entre deux qui servoient de liaison et qui lenoient en debvoir (ouïes
cez incrustations. Et l'ayant ainsin cscript à Mess" Du Puy et faict dire
par des persoimes que j'a vois veues icy revenants d'/Egypte, ils avoient
tesmoigné d'estre de mon advis'\ mais M"" de Thou y a faict de la dif-
' Bibliothèque lkrl)crini, vol. 79, pièce 11" 'i(i. — ' l'eiresc juMjuh ce passage a n'pt'ië
ce qu'il avait déjà (icrit le 7 du môme mois.
416 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ficuUé, sur ce qu'il en a veu sur les lieux ' et a esté cause que d'autres
ont mieux aymé croire que ce Philon n'en parloit qu'avec des amplia-
tions de rhéteur sans avoir esté sur les lieux , ne tesmoignant pas d'estre
tesmoing oculaire, dont je me rapporte à ceux qui s'y cogiioissent plus
que moy. Cependant je vous en remercie de tout mon cœur, ne vous
])ouvant exprimer le contentement et la délectation que j'ay prinse à la
lecture de cez belles descriptions et surtout à celle des Pyramides et à
celle du Colosse de Rhodes et de la manière de le forger qui m'estoit
quasi inimaginable sans cela, ayant admiré la bonté et propreté des
termes dont vous avez usé en vostre version de chose si inusitée. C'est
grand dommage que l'œuvre ne soit entière. Nous avons icy mainte-
nant M' Samuel Petit qui y a prins un trez agréable divertissement et
qui a de grandes passions à vostre service et pour admirer vostre vertu
et singulière érudition*. J'ay veu le bordereau des petits fragments de
Ponderibus et Mensuris que vous avez pris la peine de rechercher
dans la Valicane avec M' de Fontenay-Bouchard qui me l'a envoyé tant
de vostre part que de la sienne et vous en remercie trez humblement
l'un et l'autre; je vous supplie de trouver bon qu'il m'en fasse trans-
crire ce qui sera loisible, car je faicts proffict de petites choseltes qui
ne semblent pas quelquefois valloir la peine d'estre recueillies. Je vous
envoyé deux petits fragments d'un volume grec que j'ay sans commen-
cement ni fin et sans distinction de livres ne de chappitres qui contient
certaines scholies sur S. Mathieu pour voir si vous pourriez rencontrer
le nom de son autheur par la comparaison de ces deux passages avec
' Nous avons déjà vu dans les lettres aux
frères Dupuy que François-Auguste de Thou
avait fait un assez long séjour en Orient et
qu'il avait consigne dans une série de lettres
ses intéressantes impressions de voyage, par-
ticulièrement en ce qui concerne l'Egypte.
' Holstenius ripostait (p. 470) aux flat-
teuses appréciations de Samuel Petit par ces
non moins flatteuses appréciations : ftSam.
Petitum, ex quo Miscellanea et Varias Lec-
tionesejus vidi, summopere ajsliniare cœpi.
Habet iUe magnam profundae eruditionis
copiam, et judicio edecumato valet, quod
ego omnis doctrinae condimenlum , imo vi-
tani et animam judico. Hactenus tamen
morosissiini nostri censores neulrum opus,
nescio quamob causam, publico usui fruen-
dum permittere voluerunt, ita fit ut nulla
in Italiam exeniplaria inferantur.s
[1633] À HOLSTENIUS. 417
ce qui s'en Iroiivo au Vatican soit dans les recueils de ces Cathenaî Pa-
Irum, oij chascun est nommé à part, soit en volume séparé comme
celuy cy. Le libvre est ecript de 600 ans, ce semble. J'ay choisy des
lieux oi!i il y a des mots plus extraordinaires pour voir si cela facilite-
roit la rencontre de son autlieur, et vous supplie de faire estât de mon
service et de me commander plus librement et plus souvent que vous
ne faictes comme.
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 3 2 sept. i633'.
XLVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Depuis la despesche que je vous ay faict dernièrement, j'ay receu
une lettre de M'' l'Evesque de Rhodez que j'ay creu vous devoir en-
voyer pour vous faire voir l'espérance qu'il me laisse de la communi-
cation du catalogue de ses livres MSS. et je croy qu'il y satisfera à ce
coup sans doubte attendu qu'il a un grand procez d'envoyé en ce Par-
lement où il recherche de faire commettre toutes ses causes, s'estant
mal trouvé de la rigueur du Parlement de Thoulouse; si cela aydoit le
public à tirer de ses mains quelque bonne pièce, à quelque chose mal-
heur seroit bon, je n'en laisray pas eschapper les occasions si je puys
pour l'amour de vous. Et ayant sceu la nouvelle invention d'imprimer
avec la force de l'eau à Grotta Ferrata, je n'ay pas voulu manquer de
prendre l'occasion de raffraischir la mémoire de l'Em""^ card' Barbe-
rin de l'establissement d'une imprimerie grecque, ainsy que je feray
volontiers en toutes les occurrances que je pourray avoir de luy en
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce n° 47.
»• 53
il8 LETTRES DE PEIRESC [1634]
reparler, et le feroys incessamment si je ne craignoys de luy rompre
la teste trop importunement, estant nécessaire de laisser faire quel-
que chose au temps aprez avoir frappé un coup pour laisser faire
quelque opération. Et n'estant la présente à autres fins, je demeu-
rera y,
Monsieur,
vostre trez humble et trez oblige serviteur,
DB Peiresc.
A Aix, ce 6 octobre i633 '.
XLIX
xMÊME ADRESSE.
Monsieur,
Ce mot sera pour vous remercier comme je doibts trez affectueu-
sement du soin que vous avez prins de présenter le P. Sacqui à S. Em"
et l'assister de vostre faveur et recommandation dont je vous suis bien
redevable ^ et des tesraoignages que vous y avez adjouslez de la con--
tinuation de l'honneur de vostre bienveuillance en mon endroict, que je
suis bien marry de ne pouvoir mériter. M' du Puy m'escript de Paris
du 27 d'avril que le MS. des astronomes de M' l'Archevesque de Thou-
louse est achevé de transcrire, et qu'il me l'envoyera par le s' Moreau,
de façon que nous ne pourrons pas meshuy tarder de le recevoir et de
le vous faire tenir. Il m'avoit auparadvant adverty que M' Aubert avoit
voulu prendre la peine de tracer ou tirer luy mesmes toutes les figures
de sa propre main, de sorte qu'elles seront tout aussy exactement des-
seignées que celles de l'original. Il attend en grande impatiance cez
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce minutes de l'Inguimbertine , notamment re-
n" 48. gislre II, fol. ig-Si et registi-e VI, fol. aog.
' Le P. Sacqui ou Sacquy ne figure pas Ce dernier registre ne contient qu'une lettre
dans les lettres de Holstenius à Peiresc, mais de Peiresc au religieux, tandis que le re-
on le retrouve souvent dans les registres des gistre II en contient quinze.
[163/1] À HOLSTENIUS. 419
deux iibvrcs du S. Cyrille sur S^ Jean que vous nous aviez faict espérer,
n'ayant plus rien que cela qui puisse relarder la closlure de l'edi-
lion des œuvres de ce grand sainct, car il a enfin receu la coppie
que l'on avoit faict extraire en la bibliothèque d'Auspourg des aultres
pièces du niesmeautheur non imprimées, dont la balle où elles estoient
eschappa miraculeusement de la main des soldats qui pillèrent toutes
les aultres balles de la foire de Strasbourg il y a quelques moys, dans
laquelle on m'envoyoit une nouvelle édition plus ample du catalogue
de ladicte Bibliothèque, lequel j'ay chargé M' Lumaga de remettre à
M"" du Puy, pour en prendre la veiie, avant que me l'envoyer icy. Je
pense que vous l'aurez desjà veu de par delà, le commerce d'Auspourg
à Venise estant restably long temps y a. Nous avons icy depuis deux
inoys le bon M' Gassend, qui faict tousjours de belles observations, et
dans le ciel et ailleurs. Il a commancé de mettre au net sa philosophie
d'Epicure, avec laquelle il traicte celles de cez aultres anciens philo-
sophes grecs, d'une manière bien agréable, et tiens que vous prendrez
grand plaisir de voir son ouvrage. Il a mis tout en leste, une apologie
pour Epicure en huict libvres, pour monstrer le tort qu'ont eu ceux
qui hiy ont imputé les vices, qu'il avoit en tant d'horreur'. Nous avons
faict cez jours passez des experiances importantes sur l'anatomie des
ieulx de divers animaulx, tant quadrupèdes et terrestres que mari-
times, asçavoir bœufs, moutons, chevreaulx, tons, lamies et aultres
gros poissons, en touts lesquels nous avons trouvé que la nature a
pourveu la coroide ou Nuée [sic) d'une qualité qui luy donne un lustre
métallique, soit d'or, ou d'argent, ou d'aultre meta! cappable d'imiter
excellemment l'effect des miroirs dans le fond de la concavité de l'œuil,
opposée à l'ouverture par où y entrent les espèces des images qui sont
dehors. Et que comme la rotondité et convexité de l'humeur crystallin,
et petitesse du trou |)ar où s'introduisent lesdictes images dans l'œuil,
renverse nécessairement lesdictes images c'en dessus dessoubs, aussy
' Nul ne fut plus sobre et plus ciiastr que rtSputation n'a él^ moins mdrit(<e que celle <|ui
le philosophe en qui on a personnitii! l'intem- ii él6 surtout faite au hëros de Gassendi pai'
pérance et l'inipudicité, et jamais mauvaise le mot d'Horace : Epicuri de grtge porcm.
53.
420 LETTRES DE PEIRESC [1634]
ce miroir qu'elles rencontrent au fonds de l'œuil de figure concave les
redresse naturellement et les réfléchit et renvoyé toutes droictes dans
le crystallin, dont nous avons faict voir l'effect tout apparant à M' Gas-
send et aultres curieux, principalement dans l'œuil d'un poisson lainie
du poids de quattre quintaulx, duquel ayants tiré les humours crvs-
tallin et vitrée, et y présentants une chandelle allumée, nous v en
vismes incontinant le portraict fort distinctement painct dans sa con-
cavité, mais en situation renversée, la poincte de la flamme en bas. Et
qui plus est, à mesure que l'on mouvoit la chandelle, nous distinguions
fort bien que l'image renversée dudict miroir sembloit sortir du fonds
et s'advancer jusques au devant de l'ouverture de l'œuil que nous avions
aggrandie et environ jusques à l'endroict delà situation du crystallin,
qui est un efl"ect ordinaire dans les bons miroirs concaves que j'ay
éprouvé souvent avec lesquels non seulement la chaleur de la flamme
d'une chandelle allumée se réfléchit avec sa lumière et semble sortir
hors du miroir, jusques à certaine distance proportionnée à la gran-
deur du globe sur lequel est travaillé ce miroir, mais aussy la froideur
d'une pelotte de nege se réfléchit avec la blancheur de son image fort
sensiblement quand elle touche le visage ou les mains de quelqu'un des.
assistans. Or puisque l'image de nostre chandelle allumée se voyoit
renversée dans ce miroir concave naturel, si elle eust passé à travers
un crystallin convexe cappable de la renverser, il eust fallu qu'elle s'v
fusse veiie toute droicte, par un second renversement ou redressement
nécessaire des images. Qui est ce que le pauvre Keplerus n'avoit peu
imaginer, nomplus que le P. Scheiner et Plempius ', à faulte d'avoir
prins garde à ce vray miroir et lustre métallique du fond des ieulx,
qui doibt nécessairement faire l'efl'ect contraire du renversement que
laict la convexité du crystallin, quand elle y est interposée. Lorsque
M' le nonce Bolognetti passa en cette ville-, il voulut venir céans, et
' Tous ces personnages ont été dëjàmen- ' Sur le nonce Georges Bologneti et sur
tionnés dans les tomes prt'cédents, nolam- son séjour à Aix, voir le tome lit du recueil
menl dans \e lome l\ {Lettres à Gassendi et des Lettres de Peiresc aux frères Diipuy,
de Gassendi). p. 99-96, i56.
[t63/i] \ HOLSTENIUS. 421
ayant trouvé sur la table de mon cabinet des miroirs concaves et con-
vexes et des crystaliins naturels de divers ieulx qui y estoient de-
meurez de nos cxperianccs faictes peu de jours auparavant, voulut
sçavoir ce que c'estoit, et voir quelque preuve de celte qualité en ap-
parance de lustre métallique, laquelle nous luy fismes voir dans le
fonds d'un œuil de chevreau, à faulte d'aultrc animal. Et parce qu'il me
dict qu'il en vouloit mander des nouvelles à l'Em""' Gard"' patron, je
luy en ay touché un mot en passant dans ma lettre, et m'en suis un
peu plus estendu parlant à vous, h celle fin que vous puissiez ayder à
faire comprendre ce que nous en avons touché à S. Em"*. Car cez
grands personages ont bien recogneu que par nécessité les imagos en-
troient renversées dans nostre œuil, mais n'ont pas sceu imaginer com-
ment elles se pouvoient redresser puisque nous les voyons droictes.
Sur quoy j'avoys eu longtenq)s y a cette imagination que ce debvoit
estre un effect de la concavité de la coroide, et que l'humidité du vitrée
et l'obscurité du lieu debvoit rendre l'elfect du miroir concave, dont
nous avons enfin trouvé la vérification par effect, qui a respondu à
mon imagination. Toutefois il y peult encor avoir d'aultres considéra-
tions à faire de la concurrance de deux images d'un mesrae object tant
dans le corps concave que dans le convexe diaphane, l'une en droicte
situation et l'aultre renversée, dont l'une est aulcunesfoys comme in-
visible bien qu'elle y soit actuellement, et d'aultres foys bien visible, et
au contraire, selon les diverses distances de l'object. Mais ce seroit un
trop long discours pour le presant, que nous remettrons à une aullre
foys; cependant je vous prieray d'y songer et m'en dire vostre advis à
vostre conmiodité, et de me tenir tousjours.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE PEinRSC.
k Aix, ce 5 inay t63â '.
Bibliollièque Btrborini, vol. 79, pièce 11° ^g.
422 LETTRES DE PEIRESC [1634]
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je receus dernièrement dans un fagot de M' de Bonnaire, parmv
des livres venus de la part du R. P. dom Du Puy et aultres arays, les
deux libvres de S' Cyrille que M"' Aubert attendoit si impatiemment
pour son édition, où je recogneux bien que l'addresse qui estoit en
teste à M' l'Archevesque de Thoulouse estoit de vostre main encores
qu'il n'y eusse poinct de lettre vostre ne pour luy ne pour moy. Et
quasi en un mesme temps je receus dans un aultre fagot de livres de
Paris de la part de Mess" du Puy la coppie des Astronomes grecs, que
M' Aubert avoit faict transcrire sur le MS. dudict s"^ Archevesque de
Thoulouse, sans aulcune lettre aussy, de la part desdictz s" Archevesque
et Aubert. Mais M' du Puy m'escrivoit que celte coppie avoit esté
faicte par l'homme dudict s' Aubert et que ledict s' Aubert l'avoit col-
lationnée, et y avoit voulu faire toutes les figures de sa propre main,
avec un si grand soing, qu'il n'y falloit avoir aulcun regret. J'envovay
vostre S' Cyrille par le premier courrier qui s'en alla en cour, et l'ad-
dressay audict s"^ du Puy avec un mot de lettre que je fis audict s' Au-
bert, à celle fin que si cela pou voit accélérer l'édition de son S* Cyrille
il n'y eusse plus de retardement, et luy accusay la réception de sa
coppie du MS. des Astronomes, le remerciant de la peine qu'il y avoit
prinse sans vouloir soufl'rir que je fisse payer le coppiste, comme je
l'avoys ordonné, à ceux qui ont soing de mes petites affaires à Paris.
J'en attends la responce dans la fin de cette semaine, mais je n espère
pas de l'avoir à temps avant le passage de cet ordinaire d'Avignon à
Gènes qui est attendu à ce soir ou demain au matin, le courrier de
Lyon n'arrivant que le sammedy. Que si je la reçoys et qu'il y ayt
quelque chose qui vaille la peine de vous en tenir adverty, je vous en
escriray par la voye de Lyon pour ne pas attendre un moys entiei-
l'aultre suyvant ordinaire d'Avignon.
[1634] À HOLSTENIUS. 423
Cependant je n'ay pas deub différer davanta[i[c de vous accuser ia
réception tant de l'un que de l'aultre de cez livres MSS. et de vous
dire la dilifjence dont j'ay us(! pour faire tenir vostre S' Cyrille où il
falloit, dont j'ay faict advortir M"" de Thoulousc, bien marry de ne vous
pouvoir envoyer aussy promptement vostre MS. d'Astronomes parce
qu'il est un peu gros par la voye de l'ordinaire d'Avignon, qui va à
pied d'icy à Gènes et par le courrier de Gènes à Rome, attendant la
commodité de quelque amy, qui s'en puisse charger, ou de quelque
barque, par laquelle je le puisse envoyer à droicture à Rome, ou pour
le moings à Cività Veccliia aux s" Egidio et Gio. Batl. Rossi, soubs
l'addi'esse desquels j'ay commancé à l'aire tenir quelque livre à S. Em"*
croyant bien que vous n'estes pas si pressé de le recevoir, conim' estoit
M' Aubert de celuy que vous et raoy lui avions faict espérer. Car si je
pensoys que vous en eussiez de l'impaliance je me dispenseroys de le
joindre à quelque aultre libvre de l'eminentissime Cardinal patron et
tascheray de tant flatter le messager d'Avignon, que je l'en feroys
charger. Mais h voir le contenu en ce volume je n'y trouve pas chose
que vous ne receviez, je m'asseure, aussy volontiers dans deux moys
que dans deux semaines, puisque vous n'avez rien soubs la presse de
cette matière là. Au reste j'ay ad vis que M'' de Valloys a achevé l'édi-
tion de ce qu'il a trouvé bon de publier de mon MS. d'eclogues de
Polybe, Nie. Damascenus et auUros, dont j'attends quelques exem-
plaires qui sont en chemin de Paris icy, mais ils ne peuvent venir que
lentement à mon grand regret et par les roulliers. Aussy tost que je
les auray je ne manqucray pas d'en envoyer à S. Em** et y en aura un
pour vous, Monsicui', à qui je doibs bien encores des remercinients
trez humbles de ce que vous avez daigné despartir à ma prière, pour
l'édition du S' Cyrille, bien que certainement vous n'eussiez guieres
de subject de contentement de la part de ce prélat qui s'estoit si mal
souvenu de ses offres et promesses ^ Mais vous avez mieux aymé con-
sidérer l'interest du public, en quoy je loiie grandement vostre pru-
' L'archevêque de Toulouse, Clinrlcs de Moutchal.
hV\ LETTRES DE PEIRESC [1634]
dance et modération, et m'en tiens de tant plus vostre obligé pour la
part que j'y prends, vous rendant encores mille grâces de la version
latine de l'Aiistarque samien' que M' de Bonnaire m'a envoyée de
vostre part dont je faisois la recherche pour le bon homme M"^ Schickard
vostre ancien amy ^, ayant veu dans sa response au Mercurius in sole
de M"" Gassend, qu'il ne sçavoit pas seulement si cet aulheur estoit plus
in rerum natura ou non. En ayant moy faict transcrire, pour l'amour
de luy, le texte grec dans la Bibliothèque du Roy, que je faicts estât
de luy envoyer au premier jour avec vostre livre de la version latine de
Pezaro^, soubs vostre bon plaisir, ayant neantmoings retenu coppie du
texte grec par devers moy, laquelle je vous eusse envoyée trez volon-
tiers, avec les aultres Astronomes de M'' Aubert, si j'eusse creu que ne
l'eussiez desjà prinse ou du Vatican, ou possible de la mesme biblio-
thèque du Roy, où je l'ay faict prendre. Que si ne l'aviez, advertissez
m'en et je la vous envoyerai incontinant, désireux de vous pouvoir un
jour rendre quelque digne service, et que vous me veuilliez advoiier
tousjours,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 29 juin i634 *.
' Sur Aristarque de Samos, voir le ' CeUe version latine, avec copimen-
lome III du recueil Peiresc-Dupuy, p. ao taires, imprimée à Pesaro (1672, in-i"),
et suiv. Cf. le tome IV, Lettres à Gassendi. était l'œuvre de Frédéric Commandinus
' Voir les regrets exprimés, deux ans (d'Urbin).
plus tard, par Holstenius au sujet de la * Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
mort de Schickard (lettre du 6 septembre n° 5o.
i636, p. aôf)).
[163/i] A HOLSTENIUS.
MÊME ADRESSE.
Moiisictir,
Je fus si malheureux lorsque j'envoyai i'Alzaron ' à rEin"™ Gard"'
patron, et que je luy Gs faire l'addresse d'un ballot de livres pour di-
vers amys, que le petit fagot de vostre MS. grec des Astronomes et
d'un exemplaire que je vous avoys destiné des Eclogues de Poiybe de-
meura en arrière sans que personne s'en apperceust que longtemps
ciproz le partement de la barque, de façon qu'il a fallu attendre jus(|ues
à cette heure, et le mal est que la veniie des galères de Gènes pour
apporter les soyes de Messine, avoit faict courir le bruict que celles
du Pape ne venoient plus, et avoient ronq)u leur voyage; ce fut comme
je pense un artifice de marchands pour mieux vendre leurs soyes,
dans cette opinion, de sorte qu'elles ont bien surprins le monde en
arrivant, et qui pix est, nous avons aussy tost sceu qu'elles partoient,
comme leur grrivée, mais par bon heur le temps ne leur est pas trop
favorable, ains un peu contraire, ce qui me faict espérer que vostre
petit fagot que j'envoye demain à Marseille, y pourra arriver à temps
pour y estre embarqué, et j'en feray l'addresse à S. Em'''' pour luy servir
de bon passeport. Cependant je vous prie de m'entretenir tousjours en
l'honneur de voz bonnes grâces, et m'employer plus librement que
vous ne faictes. Le R. P. Dom du Puy m'avoit mandé que vous m'aviez
escript et j'avoys eu appréhension que voz lettres se fussent esgarées.
mais parles dex'nieres de M' de Bonnaire, il m'escript d'avoir apprins
de vostre bouche que vous aviez encore chez vous des lettres com-
mancées pour moy ou escriptes ja longtemps y a, ce qui m'a osté de
peine pour ce regard. Et il fault que je vous en oste vous aussy par
inesme moyen, et que je vous descharge tout à faict du soing de m'es-
crire, voyant bien qu'il ne peult que vous desrobber trop de temps,
' Co quadrupède est souvent mchlionné dans les letti-es de Peiresc aux frères Dupu) . Nous
le retrouverons dans les lettres à Thomas d'Arcos, î» Claude de Saumaise, etc.
T. 54
nriiKKmii ■âno«tu.
Sâé LETTRES DE PEIRESG [1634]
vous estant si court et si cher, et ne pouvant estre plus mal employé
qu'à m'escrire, car de moy vous ne sçauriez apprendre que des vétilles
et importunitez dont le divertissement ne m'est pas bien pardonable,
sçaichant comme je faicts avec quelle utilité vous employez le temps
que vous pouvez desrober aux occupations inesvitables de la cour ro-
maine. C'est pourquoy ne vous en mettez dcshorsmais plus en peine
pour mon regard, et croyez qu'il me sulïira tousjours d'a])prendre par
qui que ce soit de voz amys, que je ne sois pas descheu de l'honneur
de vôz bonnes grâces et que vous me tenez toujours pour vostre servi-
teur Comme je le suis et seray inviolablemant tout le temps de ma vie,
quoy qui puisse arriver, et voulussiez vous ou non. Que si je puis rece-
voir quelques libvres du Levant dont on me donne encores quelque
espérance, lors je me dispcnceray d'interrompre voz bonnes occupa-
lions, pour vous en offrir la disposition, comme de tout ce qui sera
jamais en ma puissance, vous y aurez aultant et plus de part que moy,
estant de tout mon cœur.
Monsieur,
vostre trez hupble et Irez obéissant serviteur,
DE Peibesc.
A Aix, ce i 6 oct. i6.84.
Je viens de recevoir ({uelques libvres de Paris entre lesquels ayant
trouvé un exemplaire en grand papier des Eclogues du Polybe j'ay in-
continant faict despacquetter vostre fagot, pour le changer contre celuy
que je vous avoys faict relier, qui n'estoit qu'en petit papier, ayant jugé
que vous aymeriez mieux le grand pour y escrire plus commodément
s'il y escheoit, estant marry de n'avoir eu loisir de le faire relier '.
' Bibliotlièrjue Barberini, vol. 79, pièce ii' 01 .
[163.'i] À HOLSTENILS. 427
LU
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Le renom de voslre rare sçavoir en toute sorte de bonnes lettres, el
(le la grande bonté de vostre naturel, a faict que le s' Rarnery Malian,
médecin de Remiremont en Lorraine ', qui avoit contracté quelques
petites habitudes avec moy, a désiré en s'en allant à Rome, non seule-
ment de vous aller faire des offres de son service, mais de s'y soubs-
mettre actuellement, et de vous donner toutes les preuves à luy pos-
sibles de sa fidélité et de sa devolion si vous avez agréable de l'admettre
chez vous, où il se resouldi'oil à touts les offices possibles pour mériter
quelque part en l'honneur de voz bonnes grâces, et qu'il vous pleust
luy'donner quelques adresses, pour pouvoir acquérir quelques notices
de la langue grecque, à quoy je m'asseure que vous luy pouvez fournir
plus de secours, en deux mots une foys le moys, qu'il- ne sçauroit tirer
de tout aultre par des leçons journalières et continuées des années
entières.
11 a desjà une grande cognoissance des Plantes, et un grand désir
d'en ac(juerir un peu dans la géographie praticque et si vous vou-
liez entreprendre des pérégrinations aux environs de Rome cojnme
vous aviez aultresfoys desseigné, il vous y accompagne roit et serviroit
de si bon courage que vous n'auriez pas, je m'asseure, de regret de
luy avoir octroyé cette preferance, en vostre service. Et j'oseroys loe
rendre en quelque façon sa caullion de toute sorte de bonne volonté et
fidélité; vous verrez si vous y trouverez les fondements que vous pour-
riez désirer, et je seray bien aise d'avoir esté médiateur de cette cor-
respondance, si Dieu a permis qu'elle sorte ù effect selon ses vœux.
En toute façon je m'asseure que vous ne serez pas marry qu'il aye le
' Voir au sujet de ce pereonnage le lonie IV des Lettres de Peirexc. Le docteui- Maliaii
a'est [ifis une seule fois nommé dans le recueil des teUres de Peircsc h Holstenius qui a été
publié par Boissunade.
5/1.
428 LETTRES DE PEIRESC [163«i]
bien de vous approcher quelque foys, s'il ne peult faire mieuix , comme
je vous en supplie et de me tenir tousjours,
Monsieur,
voslre irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a4 octobre i63/i '.
LUI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Ëscrivant à l'em""" card'' Barberin en faveur du H. P. Hippolyle Sa-
vi{»non de Gènes-, sur un bref apostolique, à luy souhaiclé el procuré
de la part de bon nombre de genis d'honneur, de mérite fort relevé,
de cez quartiers là, et entr' aultres du s"" Marc Anf Paoli que vous avez
veu en vostre cour, l'on a désiré que je vous en fisse un mot d'adresse
et de recommandation, au cas que vous trouviez à propos de iuy rendre
quelque bon office auprez du Gard"' patron, pour l'amour de touts cez-
Mess" et de moy encores, s'il m'est loisible d'y intervenir parmv des
])ersonages de ce qualibre. Je vous supplie donques. Monsieur, de vou-
loir bien coopérer à noz vœux en cela, el croire que je tiendray à sin-
gulière faveur tout ce que vous daignerez faire pour luy, soit auprez
de S. Em'=- ou des officiers qui en debvront faire l'expédition. Et vous
rendray en revanche tout le service trez humble qu'il vous plairra tirer
de moy comme.
Monsieur, de
vostre trez humble et trez affectionné serviteur,
nE Peiresc.
A Aix , ce 1 7 dec[embre] i G3i '.
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce n" Sa. — ' Ce religieux ne figure pas parmi
les correspondants de Peiresc. — ' Bibliothèque Barberini, vol 79, pièce n" .iS.
[163i]
A HOLSTENIUS.
429
LIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Trouvant la bonne commodité du passage de M' Bouche ', je ne l'ay
pas deub laisser escliapper, puisqu'on me l'a permis, de vous envoyer
le catalogue, que vous aviez désiré de voir, des livres de la bibliothèque
du feu card*' d'Armaignac qui sont eiicor en estât à Rodez ^. Od vous
pourrez voir que le Dcnys Byzantin n'a jamais esté du nombre, à mon
grand regret, et qu'il n'y a plus gueres de resource, encor que le gen-
tilhomme qui me l'a remis de la part de M' l'Evesque deHIiodez m'ait
asseuré qu'd y a encores liuict ou dix gros volumes grecs MSS. non
inventoriez ne cottcz, dont il m'a promis faire l'inventaire luy mesmes
à son retour. J'y ay veu nommé un Joanncs Gilliiis promoteur de Tours
qui estoit vraysemblablement do la parenté de Petrus Gillius et qui
pourroit avoir recueilly quelque chose de sa succession s'il luy avoil
survescu. C'est pourquoy j'en envoyeray demander des nouvelles à
Tours, afin que si le Denys Byzantin avoit passé jusques là, on l'y
puisse vcndiqucr chez les héritiers des uns ou des aultres s'il est pos-
sible. Nous attendons icy l'em"" Gard"' de Lyon dans dix ou douze
jours, et dict on que M' de Chastelliers, cy devant evesque d'Agen et à
présent nommé à l'evesché d'Alby '*, doibt estre de la partie ; je le
prieray fort instamment à son passage de faire faire exacte perquisi-
tion dans la bibliothèque du feu s"" Alfonce d'Elbene, evesque d'Albx \
' li s'a(;il là d'Honoré Bouche, l'excellent
historien de la Provence, déjà mentionné
dans noire tome IV. Nons trouverons un
peu plus loin réiojje de cet ami de Peiresc
et de Gassendi.
' J'ai déjà annoncé (recueil Peiresc-Du-
puy ) que j'ai l'inlenliou de pulilier ce cata-
logue d'après une co])ie conservée dans la
bibliothèque d'Inj^iiiinb"rt, h C.arpenlras.
' Ce personnage ne figure pas sous ce
nom sur la liste des évêques d'Agen. Pei-
rcsc a sans nul doule voulu parler do tîas-
panl de Daillon, qui occupa le siège d'Agen
de ]63i à iG35, et qui devint évàpie
d'Albi le SI 6 octobre de cette dernièiT
année.
* Alphonse I" d'Elbène occupa le siège
d'Albi de i588 h 1608.
430 LETTRES DE PEIUESC [1634]
qui fut laissée en depos aux Jésuites d'Alby cez années dernières, pour
la garder à l'evesque d'Elbene destitué depuis peu', dont le neveu
doibt aussy venir, pour l'evesché d'Agen que M' de Chasteliers luy re-
met ^ et je le prieray aussy d'y interposer son authorité, en tant qu'il
pourra, car Petrus Gillius estant de cette ville d'Alby y pourroit bien
avoir laissé quelque héritier de qui le s"^ All'once d'Elbene eust retiré
cez livres dont il avoit bon nez^ pour ne les pas laisser eschapper s'il
y avoit peu mettre les mains dessus. En tout cas nous verrons l'inven-
taire, et possible y trouverons nous quelque pièce curieuse pour nous
consoler, et suppléer aulcunement la perte de ce Denys Byzantin, s'il
est tout à faict perdu, dont j'ay grande peur. Cependant je vous sup-
plie d'agréer que le s' Bouche vous salliie trez humblement de ma
part, et qu'il vous porte mes compliments et continuation de vœux
pour la prospérité du nouvel an et d'un si bon nombre d'aultres à la
suitte, qui vous puisse combler d'honneurs, de moyens, et de conten-
tements. Il est fort honneste homme et fort modeste, et bien qu'il soit
en réputation de doctrine entre ceux du païs, de la profession de la
Théologie scholastiquc, il ne s'en présume pourtant pas beaucoup, et
n'en vault pas moings aussy. 11 est fort de mes amys et de toute nostre ,
mayson, et si vous pouvez l'adsister et favoriser en quelque chose de
pardelà, auprès de l'em"'' Gard"' patron, ou des aultres de sa cour,
auxquels je ne puis escrire présentement en sa faveur comme j'eusse
faict trez volontiers, je vous en auray particulière obligation, et vous
serviray de tout mon cœur comme,
Monsieur,
voslre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 25 dec[embre] i634'.
' AlphonseIId'Elbènesuccéda,en i6o3, A rapprocher de l'emuncte «arts d'Ho-
à Alphonse I", et, comme s'exprime Pei- race (satire 1).
resc, fut destitué en i635. '' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
^ Ce neveu, Barthélémy d'Elbene, gou- n° 5/i.
verna le diocèse d'Agen de i636 ii i663.
1163^^1
A HOLSTENIL^.
àZ\
LV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Jo vous escrivys cez jours passez en si grande haste en vous envoyant
par M"' Bouche, prevost de S' Jaume, le catalogue des Livres de la Bi-
biiolliequo du dclTunct cardinal d'Armaignac que j'oubliay d'y faire
joindre la lettre mesmes de M' l'Evesque de Rhodez qui l'accompa-
gnoit, et de vous prier, comme je faictz à cette heure, de le vouloir
faire voir à M'Doni qui en avoit tesrnoigné tout plein de désir, et puis
me le renvoyer, s'il vous plaict, quand en aurez priiis les instructions
que vous trouverez à propoz, lorsqu'on rencontrerez quelque commo-
dité asseurée, afin que je le puisse rendre à M' de Rhodez, h «jui j'ay
faict grande instance tout de nouveau pour faire inventorier les vo-
lumes grecs qui ne le sont pas, cl nous en envoyer le roole au plus tosl.
J'ouliliay aussy de vous demander si vous n'auriez pas de notice de ce
Christophorus qui a transcript tout plein de bons livres grecs et latins
de ladicte bibliothèque ^ comme vous eustes de cet Andréas Darma-
rius''^ qui avoit escript ceux que je vous envoyai les années dernières,
' Sur le calligraphe allemand Chrisloplie
Auor, voir Léopold Delisle , Cabinet des ma-
nuscrils, 1. 1, p. i5A. Cliristoplio copia pour
Georges (rArmagiiac, a Rome, do i54i à
i548, une quarantaine de manuscrits grecs
et quelques manuscrits latins qui sont con-
servas aujourd'liui à la Bibliothèque natio-
nale. Les souscriptions h la fin Je ses copies
sont toutes sur le môme modèle. M. H. Oiiiont
a bien voulu m'envoyerun/nc-sïmi/e lire du
manuscrit grec igSC {Théodore Mclocliite),
p. fiSa , de la suscription (de l'aonée liltà)
ici reproduite :
ToûTo tffapèv ffviToyfia, . . . reeopylov
ToO kpfieviâxov . . . àvaXùifiTLai , x*'P' ^^
xai ^lAoTTor/a Xpi<r7o^<)pou toû Àê^pov,
FepfiavoO . . .
On lit à la fin du ms. latin 677 : ^Manu
et labore Christopliori Auveri Rutbciiae
srriptus liber reverendissimo et illustris-
simo domino cardinal! d'Annai{;;-naco. i I^
ms. latiu 6866 parait ôlre du uirme co-
piste. — Armand Gigongne avait recueilli
un (rEncliiridion oralionum» ëcril ii Rome,
en i5i3, pour le cardinal Georges d'Ar-
magnac, probablement par Cliristoplie
Auer.
' Voir sur A. Darmarius, déjii reucouli-ë
plus haut, le tome 111 du recueil l'eiresc-
l)u|)uy, |>. /it6.
432 LETTRES DE PEIRESC [1635]
pour sçavoir s'il estoit grec de nation comme l'autre, ou de quel lieu,
et s'il n'avoit poinct aussy de son chef mérité quelque chose du public,
sur quoy attendant de voz nouvelles, je demeureray.
Monsieur,
voslre Irez humble et irez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce a8 dec[embre] i634.
LV[
MÈMR ADRESSE.
Monsieur,
Enfin nous avons eu de voz nouvelles passées de Rome en Liège et
apportées icy par M'' Dormalius vostre bon amy ', à qui je me sens in-
finiment redevable de l'honneur de son souvenir, et de la laveur qu'il
vous a faict de prendre sa routte par icy, à quoy vous avez assez con-
tribué, pour m'obliger de vous en rendre comme je taicts mes trez
humbles actions de grâces, bien marry de n'avoir de quoy luy fournir
de l'entretien digne de son mérite. Mais ce ne sera poinct -^ faulte de
bonne volonté, ne pour espargner rien qui puisse dépendre de moy et
des miens. Il se promettoit bien de trouver icy de voz lettres, mais il
n'y a nulle apparance de vous divertir de voz meilleures estudes pour
perdre du temps à escrire à ceulx qui vous sont dezvoiiez inviolable-
ment, et qui ayment mieux apprendre que vous continuiez d'estudier
et ayder au public, qu'à des simples persones particulières. S'il m'en
croid, puis que la saison est si advancée, il laisra passer les grandes
challeurs icy avant de prendre la routte d'Italie. Cependant on verra
' Sur le sëjour de Dormalius chez Pei- 19 juin où l'arrivdede l'helli^nisle estjoyeu-
resc, voir divers détailsdans le lorae III des sèment annoncée (p. 33i), la leUre du
Lettres aux frères Dupuy, passim. Voir no- 96 juin où Peiresc menliooiie la prolonga-
laniment la lettre du 5 juin i635, où il est tion du séjour de son iiôte (p. 33/j), la
question de l'impatience avec laquelle Dor- lettre du 10 juillet, où l'on apprend son dé-
nialius était attendu (p. 323), la lettre du part pour Rome (p. 343), etc.
[1635J À HOLSTENIUS. 433
si cette nouvelle rupture de la liberté du commerce, pourroit prendre
du tempérament'. Mais il appréhende que les choses ne se brouillent
davantage, et vouloit s'embarquer dez aujourd'huy pour Malte pluslost
que de différer, ce que je n'ay pas voulu soulliir. Nous n'aurons de
i5. jours la commodité de l'ordinaire d'Avignon à Gènes. C'est pour-
quoy je me sers de cet extraordinaire du costé d'Antibe, pour Gènes,
au cas que mes lettres puissent passer, et demeure lousjours,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
Je vous prie de faire tenir les lettres cy jointes à leur adresse pour
l'amour de moy, n'ayant pas le temps d'escrire à M"" l'Ill"" Cav. dcl Pozzo,
ne à M"" de Bonnaire ne à aullre, (it ne pouvant relarder ce porteur.
Ne perdez plus, je vous supplie, l'occasion de faire observer par
quelque persone bien versée en mathématique la prochaine ecclipse
de lune du 28. aoust prochain, car elle pourra grandement servir à
déterminer les distances et longitudes de Rome et des aultres lieux oii
elle pourra estre observée en mesme temps, mais ne le négligez pas, je
vous supplie. Monsieur^.
LVII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
11 ne me seroil pas bien séant de laisser partir M' Dormalius sans
l'accompagner de deux lignes, pour soubscrire aux compliments quil
' Pour adoiictsmnent. moilië de juin i635. Ijï lettre suivante
' Bibliotliè<iue Barberini, vol. 79, pièce montre qu'elle est en tout cas antiVicure au
u° 56. La lettre n'est pasdatt'e, mais d'après ag de ce mois, jour où Dormalius prit
les renseignements qu'elle nous fournil sur congd de son hôte.
Dormalius, on voit qu'elle est de la seconde
T. 9^
tarkiviMi stTto^ftit.
434 LETTRES DE PEIRESG [1635]
vous fera de vive voix en mon nom, vous ayant escript à l'advance
i5 jours y a pour vous donner advis de son arrivée en bonne santé,
et pour me conjouyr des espérances que le public peult prendre de
vostre commune intervention en l'imprimerie que l'on veult mettre sus
de tant de bons livres grecs. Il vous porte un feuillet ou deux d'un
des anciens pères de la Grèce sur S' Mathieu, qui n'a poinct de com-
mancement\ et qui meriteroit bien de recouvrer son nom si vous le
lui pouviez rendre par la conferance desdictes feuilles avec ce que vous
trouverez sur cette matière dans la Bibliothèque Vaticane ^. Je ne suis
marry que de ne l'avoir peu faire sesjourner icy jusques à ce que les
chaleurs fussent passées, craignant que sa santé ne s'altère par les che-
mins principalement s'il arrivoit jusques à Rome en si mauvaise sai-
son, mais s'il me croid, il s'arrestera en Italie et n'arrivei'a à Rome
qu'en automne. Tenez moy tousjours,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
À Aix, ce ag juin en haste i635 '.
LVIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Aprez longues années de cessation, que j'ay tousjours benignement
nterpretée selon mon debvoir \ comme provenant des meilleures occu-
' «De fragmento Graeco in Matthaeum iiciles in exhibendo custodes illise preebeant;
inquiram, etputo me pervestigaturum auc- tum vero jam non semel experlus est Bo-
lorem...i (P. iyo.) chardus nosler, etiam ubi luo Domine petiit. »
' trVellem ut paulo liberior Vaticanorum (P. iyo.)
codicum inspiciendorum atque evolvendo- ' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
rum facultas nobis concederetur, prassertim n" 5 7.
ubi per multos codices circuuivolitandum. * L'expression longues années est-elle une
Neque tu ignorare potes quam duros ac dif- amicale exagération ? Peiresc a-t-il voulu
|1636J À HOLSTENIUS. â35
pations de voz dignes estudes, qui ne debvoient pas eslre interrom-
pues sans bien légitime occasion, tout d'un coup ce dernier ordinaire
de Gènes m'a apporté trois depesclies vostres du ii febvrier i63â,
2 may et 7 juin derniers' accompagnées de divers cahiers et extraicts
bien curieux, tant des recherches épicuriennes pour M"" Gassend, qui
vous en remercie de tout son cœur, et vous escrira s'il peult par cet
ordinaire mesmes, et de celles du Libanius pour M"" Godefroy, à qui je
les envoyeray à la première commodité, et qui vous en sçaura , je m'as-
seure, le bon gré qu'elles méritent, que de celles de Ponderibus d'Hé-
ron ^ et aultres dont je vous rends les plus humbles actions de grâces
que je peus, ayant prins grand plaisir de les voir, comme plus correctes
de beaucoup que les aultres coppies que j'en avoys eues d'aulcunes.
Ensemble de l'advis du volume de M''rArchevesque de Thoulouse reveu
et tourné par Joseph Doria lequel j'ay desja demandé^, et si je le puis
recouvrer je vous en auray l'obligation principale, et de tout le fruict
que j'en pourray tirer. Pour respondre com' il seroit requis à toutes
voz belles et doctes lettres, il fauldroit bien plus de cappacité et de
temps que je n'en puis fournir mesmes à cette heure que je me trouve
tort surchargé d'importunes occupations; je vous diray pourtant ce
que je pourray, et commançant par la plus vieille qui estoit demeurée
montrer ainsi à son correspondant combien
le temps lui avait paru long pendant l'inter-
ruption de leur correspondance? En réalité
l'interruption dura une année seulement , de
la fin de juin i635 au commencement de
juillet i63G. Dans une lettre à Jacques Du-
puy, du 2 4 juin i636, Peirescdit(p. 5o8):
itj'avoys esté deux années sans lettres de
M' Holsleuius.n Là l'eri-eui- est moins forte,
mais elle n'est pas volontaire, et a [)our
cause non la politesse, mais la mémoire de
Peiresc.
' J'ai eu tort de dire (recueil des Lettres
(le Peiresc aux frères Dupuy, t. III, ]>. Sog,
note 1 ) que dans le recueil de Boisso-
nade on ne trouve aucune leUre de fé-
vrier i634, et qu'il manque au recueil les
trois lettres reçues à la fois par Peiresc.
La lettre CIII rejetée à la fin du volume
(p. 468-48a) et qui m'avait échappé est
ainsi datée : rrRonia;, postridie idus Fe-
bniarii m dc xsxiv. »
' «Magis proderunt. ni fallor, Heronis
excerpta qua; mitto. n (P. ^70.)
' ftSi quid tamen bonas fiiigis in hisce
latere existimaveris, habebis integriôra
omnia ab iilusl. arcbiepiscopo Tholosate, in
cujus bibliotbeca exemplar optimum me
vidisse memini, cum Latina versione Jos.
Auriae, iiaratum edilioni.» (P. à^o.)
55.
436 LETTRES DE PEIRESC [1636]
en arrière vrayseniblablement dez le temps que nous receusmes de
vostre part le S' Cyrille, je vous doibs de bien particuliers remerci-
ments, de ce qu'il vous a pieu m'escrire concernant l'ouvraigc de
Philon Byzantin, et de son siècle ', ayant prins grand plaisir de voir
que vous n'improuviez pas ma conjecture des incrustations des pyra-
mides d'Egypte ^, quoy que M'Rigault et cez aultres esprits plus déli-
cats que le mien ne se puissent pas persuader que ce soit chose pos-
sible à faulte d'avoir veu, comme vous et moy, les vieilles mazures
antiques oiî l'on trouve mille choses pareilles plus difficiles que cela.
Si vous rencontrez rien de cez fragments sur S' Mathieu, vous m'obli-
gerez de m'en faire part. Je m'esloniie que l'on n'ayt encores sceu com-
prendre combien il importe au public que vous ayiez toute liberté
d'accez et de communication de cez beaux livres anciens MSS. qui
courent fortune de périr au moindre accidant, si vous ne les en garan-
tissez à l'advance '. Je me sents vostre obligé en mon particullier des
bonnes relations que vous me faictes du labeur de M' Petit qui vous
est bien desvoué; je luy ay faict sçavoir l'obligation qu'il vous en a et
qu'il doibt avoir et lesmoigner toute sa vie'. J'ay donné depuis peu
des ordres nouveaux, pour faire achever l'indice des MSS. grecs de.
la bibliothèque du card"' d'Armaignac, et vous en feray part en son
temps. Estant bien marry que j'oubliay de demander à M' l'Archevesque
de Thoulouse son MS. de Theon; ce sera à sa réplique Dieu aydant,
car je ne sçaurois assez louer le grand dessein que vouz avez sur cez
anciens philosophes et me tardera que vous ayiez achevé vostre Jam-
blique et qu'il puisse voir le jour \ Ce que vous me mandez du S' Cy-
' Voir tout le commencement (p. 468)
(le la lettre GUI du recueil Boissonade, déjà
citée.
' Voir lettre cm, p. iGg.
' C'est la réponse aux plaintes exprimées
par Holstenius et citées dans une note de la
lettre qui précède celle-ci.
* Ces relations (pour appréciations) ont
été rappelées dans une note précédente.
' trNihil mihi gratius aut studiis meis
commodius accidere poterit. ( Les livres de
Theon sur les passages relatifs aux mathé-
matiques dans le Timée de Platon.) Nunc
enim totus sum in iamblicbo , ad cujus diOi-
cileni et abstrusam doclrinam eruendam
hujusmodi manu ductione in primis egeo.
Si obtinuero , una cum Iamblicbo euni pro-
ducam.» (P. iya.)
[1636] À IIOLSTENIUS. 437
riHe meriloit bien d'eslre sceu, mais je n'en abuseray pas'. Nous avons
admiré vostre description de la nouvelle invention de l'imprimerie
de vostre F™ Contini ^, laquelle meriteroit bien d'cstre embrassée
et exécutée plus ardemment qu'on ne faict\ Et la despence n'y pa-
roislroict pas moings que celle des 20 mille livres envoyées en poste à
Ravenne pour le secours de ceux qui avoient perdu de leurs facultez
en l'inondation dont parlent noz gazettes. Mais nous avons bien plus
admiré la magnanimité de vostre couraige à entreprendre la graveurc
des poinçons d'ung assortiment de characteres Latins, et quant et quant
des Grecs que vous avez desja tant advancez. Continuez seulement ce
que vous pourrez''. Enfin il fauldra que cez princes dessillent leurs
ieulx, et achèvent ce que vous avez si noblement commancé.
Quiqueran n'a que du jargon sans substance, je plains le temps que
vous y avez perdu ^. Je m'estonne bien du peu de foy du s' de Bocssieu,
' Voir le rc'cit de llolstenius aux pages /172
à lx']!\. Ce rt'cit, auquel sont iiiôlds divers
personnagces, nolamment le jt'suile Jo.-B. Jat-
linus, se termine par ces liffnes qui expliquent
la promesse de discrdtion faite par Poiresc :
frHabes hisloriam Gyrilli liberali, unde fa-
cile judicabis haudquaquam evulganduni
quomodo in nianus nostras pervenerit, ne
fabulam nos faciant.!! (P. 1*']^.)
' ffAuctor fuit juvenis Romanus, niecha-
nicus insig-nis, Franc. Continus.» (P. ^77.)
■^ Voir les pages hj^ et suivantes. Holste-
nius paHe de cette invention avec un grand
enthousiasme : ffl)e novo typographia; in-
venlo, ubi pneluni non vi brachii huniani,
sed aquœ beneficio movetur, non habeo quod
seribam , quum novum illud artificium si-
mul natuni at(pie neglectum fuerit. . . Ipsum
vero hoc artificium sive typographie» artis
compendium laie est, ut post ipsam artem
inventani, vix quidquam rei literariic ulilius
excogitatum fuerit.» (P. 476.)
' «Ego quum emin. cardinalem nostrum
summo favore hoc ncgotium complecii vi-
derem, suggessi de novis lypis formandis,
atque ultro hoc negotium in me suscepi.
Atque haclenus mea pecunia unum charac-
terem Latinum incidenduin curavi, cujus
spécimen hisce adjunctum videbis. Nunc
totus sum in charactere Grœco Regio imi-
tando , quo Rob. Stephanus Philonem , Hen-
ricus Platonem, aliosque auctores Grajcos
edidere. ?i (P. I77.)
' itAvide nuper vestratem illum Quinque-
ranum De laudibus provinciœ , percurri; sed
profecto Kdivàs fi èittiràXaios scriptor est et
parum me juvit.i (P. 479.) Sur Pierre
Quiqueran de Beaujeu, voir tous nos grands
recueils biographiques et bibliographiques
et surtout, parmi ces derniers, la biblio-
thèque historique de la France et le Manuel
du libraire. Le titre complet du petit poème
si peu prise par Hoistenius et par Peiresc
est celui-ci : De laudibus Provinci(e libri Ires ,
et de advcntu Annibatis in adoertam ripant
Arelalentis agri, hexametri eenlum (Paris,
438 LETTRES DE PEIRESC [1636]
et lui feray faire des honnestes reproches de son trop long retardement
à vous rendre voz epistres de Bessarion et aultres pièces, et le feray
seraondre de nous communiquer son Satyrus, pour vous en faire part
incontinant avec offre de voz notes sur son Ibis d'Ovide ^
Sur vostre aultre despesche du 2. may dernier j'ay à me conjouyr
avec vous, comme je le faicts de trez bon cœur, et à vous remercier
tout ensemble des bonnes nouvelles que vous me donnez des rares
descouvertes que vous avez faictes de tant de belles antiquitez parmy
voz pérégrinations d'à l'entour de Rome, principalement pour les re-
liques et vestiges de cez grandes voyes Appienne, Lavicane, Aurelie
et aultres^, et des diverticules qui alloient de l'une en l'aultre^. Ne
pouvant assez louer vostre diligence et exactesse arrivée jusques à les
faire mesurer avec une decempeda *, dont vous me feriez bien plaisir
i55i, petit in-fol.). Ce poème a eu plusieurs
éditions et a été traduit en français par Fran-
çois de Glaret, archidiacre d'Arles, sous ce
litre : La Provence louée par feu Pierre Qui-
queran, distinguée en trois livres (Lyon,
161 6, petit in-8°).
' trMulta quoque observata habeo de viis
inalpinis, qua3 in Galliam vestrara ducunl,
de quibus prolixa liiccumDion. Boëssio egi,
qui Chrislianissimi Régis orator hue cum
Grequio venit: vix enim quemquani iilorum
locorum magis gnarum me vidisse memini. . .
Sed ad Boëssium redeo. Is, ut liberrime me
librisque meis utebatur, inter aHa opuscula
quœ legenda a me impelravit, Pletlionis et
Bessarionis epislolas et opuscula quaedam
platonica sibi petiit, quœ in Angha ex Régis
bibliotheca olim descripseram. Ea autem
petiit, quod aUud sibi in Galliis exemplar
esse diceret; sed ante discessura haudqua-
quam mihi restituit. . . 1 (P. 'tyg.)
' (rEgo nunc totus sum in antiquis Ro-
manorum Viis pervestigandis , eamque ob
causam maximam agri suburbicarii partem
obequitavi. Vix dicere possim quam multa
post Gluverium et Bergerium restent quee
longe exactiorem diligentiam rerjuii-unt. Pos-
sem tibi largani observationum copiam pro-
ponere circa Vias Flaminiam , Glodiam , Cas-
siara cl Amerinam. . . » ( P. iyS. ) Voir encore
sur le même sujet les pages igo à 492.
^ C'est-à-dire embranchements, petites
lignes. Mot dérivé non du latin diverliculum ,
qui n'existe pas, mais de deverliculum. Notre
meilleur dictionnaire, celui que nous devons
à MM. Darmestetcr, Halzfeld et Thomas,
donne de diverticule cette définition : endroit
écarté, chemin écarté. La façon dont Peiresc
emploie le mot montre qu'il faut donner un
autre sens à diverticule, le sens déjà donné
à deverticulum par les anciens quand ils di-
saient deverticulum Jluminis , pour bras ou
branche d'un fleuve.
' Perche de dix pieds. Holstenius avait
dit (p. 491 ) : tfVias antiquas earumque di-
vertigia non lustravi tantum, sed decempeda
dimetiendas cui-avi , et tabulis accurate de-
pictas exprimi. Haec prœludia sunt operis
integri, quod nunc molior de Viis publicis
et anliquilatibus Agri Suburbicarii n
[1636] A nOLSTENIUS. 439
de m'envoyer le résultat que vous avez peu recueillir soit de la jus-
tesse de la mesure, ou de ce qu'il y manquera, ou qu'il y aura eu de
trop en divers lieux. Sur quoy j'ay un advis à vous donner si vous
passez par Terracina \ en allant à Naples, où il seroit bien nécessaire
que vous eussiez faict un petit voyai^e. C'est que la via Appia passoil
sur le bord de la mer contre des rochers qui eurent de besoing d'estre
escarpez, ce qui fut faict avec tant de punctualité, qu'en l'endroit où
le travail avoit esté plus grand, et où le rocher tranché estoit le plus
haut, les anciens y ont laissé des marques de la mesure de dix en dix
pieds, avec les notes numérales de dix en dix, dont j'avoys retenu la
mesure de l'ung de cez intervalles de la decempeda d'un chiffre à
l'aultre, mais comme c'estoit avec de la fisselle subjecte à s'allonger et
raccourcir, je ne vouldroys maintenant en garantir la proportion bien
exacte, et seroys d'advis, si vous repassez par là, d'en reprendre la me-
sure plus formelle sur un listeau de boys, sur lequel vous puissiez
marquer les dix pieds antiques bien exactement afin d'en faire la com-
paraison avec celuy du marbre Colotien, et avec les aultres de bronze
qui se trouvent en divers cabinelz de Rome. Si vous faisiez ce voyage,
n'oubliez pas de voir je vous supplie en passant une vieille inscription
donnée par l'Appian et les aultres qui est affichée aux murailles du
clocher de Gori, entre Terracine et Gayette-, pour y remarquer et
prendre empreinte si faire se pouvoit de quelques paroles pour juger
par la figure des caractères de l'antiquité de ce monument, et surtout
l'empreinte des notes numérales du 6, pour le millénaire, et du ^
pour le cinquantainaire. Gruterus la met en la pag. dcccxcvi . i o. Et puis-
que vous serez à Gayette, il seroit bon de ne pas négliger la contenance
d'un grand vase de marbre antique lequel est dans l'église, où est
représentée une trez belle fable au dehors. Et si l'on en pouvoit sçavoir
la juste cappacité , elle nous fourniroit possible quelque notable mesure
ancienne du païs où l'ouvraige a esté faict, dont le nom de l'autheur y
' Terracine, sur la mer Tyrrhdnienne, ' Ce nom de Gayette dési([ne la ville de
h l'extrémild sud-est des marais Ponlins, Gaëlc, sur la MëditerraiiMc, à 70 kilomètres
b 80 kilomètres^ de Rome. de Naples.
liàO LETTRES DE PEIRESC [1G36]
est gravé. Ce qui me faict souvenir qu'il y en a tout plein d'aultres
dans Rome à S'' Gecilia, et à 8*° Apostolo et ailleurs, qui meriteroient
bien d'estre aussy mesurez, si vous pouviez vous en donner la patience.
Il y a des arbres plantez, mais pour les faire vivre, il leur fault an-
nuellement tondre la barbe en saison, il fauldroit espier ce temps que
les arbres sont hors desdictz vases pour les faire remplir d'eau me-
surée, à quelle mesure que ce soit, pourveu que nous eussions aprez
ie vase qui y auroit esté versé diverses foys, avec un aultre moindre
vase ne contenant que ce qu'il y auroit eu de plus que le nombre des
justes mesures du précédant vase qui y auroit esté vuidé aultant de
foys qu'il y estoit peu entrer tout entier. Voire si vous alliez jusques à
Naples, il ne fauldroit pas négliger de voir et faire mesurer exactement
et desseigner un trépied de marbre antique qui est dans l'église de
S. Maria Ritonda (sic), que Gesare Cappacio a faict portraire dans ses
antiquilez de Naples, quoyque grossièrement, car je le tiens une bien
rare et curieuse pièce, et en sçauroys bien volontiers la mesure de la
juste contenance et capacité du bassin. Vous ne voulez pas croire que
les rels qui y paroissent au bas, comme en la peinture antique du vieil
trépied de S' Antoine de Rome, soit la cortine d'Apollon, mais possible
l'advoiierez vous quelque jour si j'avois le moyen de vous en entretenir
plus à loisir. Pour donques revenir à voz pérégrinations, je me resjouys
bien fort de ce qu'avez trouvé à corriger ou suppléer tant au bon Clu-
verius et au pauvre Berger, qu'à autres, et des belles œuvres qu'avez
rencontrées en divers lieux de tant de braves hommes, ensemble des
vieilles chartes qui vous sont passées par les mains, ne doubtant nulle-
ment qu'il n'y ayt de grands thresors, dont vous ayderez un jour le
public. Vostre recueil des vies des papes ne peult reuscir que trez beau '
et vouldroys bien y pouvoir contribuer chose digne de la délicatesse de
vostre hault goust, mais je n'ay que de cez petits indices dont je vous
' ^Nunc totus siim in coUigendis vitis post tanlam messem ? Ego vero niessein in-
Ponlificiim Romanorum. Tu vei-o post Ciac- tegram et iutaclani superesse existimo. . . i
conium, Panvinium, Platinam, Pontificum (P. igS.)
vilas coiligis ! inquies. Ecquod spiciiegiuni
16361
X HOLSTENIUS.
Ml
avoys aultresfoys parlé, lesquels je m'asseure que vous avez desja, si-
non je vous les envoyeray trez volontiers.
L'Anaslase avoil grand besoing de passer par les mains d'ung per-
sonage de vostre rare érudition', (l'est pourquoy je ne puis que vous
exhorter à l'entreprendre et à l'achever, mais je crains que n'en trou-
viez pas des exein])laircs assez corrects. Vous sçavez qu'il y en a un à
Paris de bien bonne note, mais je ne sçay si tout seroit lolleré par
ceux qui se font peur de leur ombre. J'ay esté ravy de voir la bonne
opinion que vous avez conceu du travail de ce bon P. Athanase Kircher,
lequel je pense qu'il ne fault pas négliger entièrement ^ mais je ne
sçay s'il aura peu attaiudre à l'intention primitive de cez autheurs ou
sculpteurs d'hiéroglyphiques. Je l'avoys souvent sommé de voir s'il
pourroit appliquer l'interprétation rapportée par Ammian à ce qui se
trouve gravé sur la pièce par luy alléguée. Car s'il advoiie que cela
soit impossible, comme il estdiflicile de le dissimuler, je ne sçay quelles
asseurances il nous peult donner du reste, si ce n'est que les anciens
ayants souvent affecté des doubles ententes en leurs ouvrages, eussent
peu mesler quelque chose de la sienne parniy celle de l'autheur d'Am-
mian. Il fauldra demeurer en suspens en attendant comment il aura
induit les antlioritez de vostre Jamblique et icelles marié avec celles de
son Barachias ^.
' irQuum Einin. Cardiiialis iiosler, pro
raaxinio erga studia rcclesiastira aiïrctu,
saepius de Auaslasio Bil>liolliecario mecuin
iocjuerelur, el de aucloris, si non optinii,
sanc utilissirai et plane necessarii, conqiie-
rfitur obscuritale, cœpi mirari cur lot docti
viri, qui sacratn liane anliqiiitaletii Irac-
larunt, centones polius consuere, aut no-
\uin pauniiin de suo detexere, quam vete-
rem liane purjiuram reslaurare el illusliare
inaluerint.» (P. igS.)
' rtPalnsKii'cherig'i'anunntica .Egypliaea
nunc siib prasio sudal ; quin imo IVijjcl vé-
rins dixerim , ob solitam lypographorum lar-
ditatem, praesertira in novo hoc el incofjnito
hactenus shidionim {jenere. Sane œterno
sibi bénéficie orbeni terrarum dovinciel ob
depulsas tandem palpabiles illas ^gypli le-
nebras. . . Vidi quoe de bieroglyphira ."Egyp-
tiorum docirina conimentalur, nec salis
mirari possnm felix ingenii acumen , quod
natiira ipsa ad haec studia linxit. « (P. 4f(5.)
' Sur le Barachias du P. Kircher voir,
dan» le recueil Peiresc-Dupuy, presque
toutes les pages où le savant jt'suile est
mentionn(', notamment les pages 488,
634, 63 1 du tome II et 77, 586, 600,
6o5, 681 du tome III.
&ii2
LETTRES DE PEIRESC
[1636]
Ce que vous m'escrivez de ce vieil exemplaire de l'evaugile en Chal-
daïque de 3oo ans seulement aprez nostre seigneur me faict estonner
et meriteroit bien qu'il s'en peusse voir quelques lignes bien exacte-
ment contretirées, pour faire la comparaison du charactere de ce
temps là avec l'aultre moings ancien ^ Il me tardera que vous ayez
veu cez deux testes de libvres MSS. où est cette Histoire vEgyptiaque'.
Ce que vous adjoustez de ce volume MS. des prophètes, où sont les
astérisques de Symmachus, Aquila et Theodotion ^, m'a faict ressouvenir
d'un petit volume in-8° qui ne contenoit que les xu petits prophètes,
ce me semble ; je l'ay veu plus de 2 o ans y a ez mains du bon P. Fronton
le Duc, qui le tenoit de la main du card'^' de la Rochefoucault*, où
estoit (sîc) cottez au marge touts cez obeles et astérisques, et sur la fin
y estoit faicle mention qu'il avoit esté prins Te [sic) propre exemplaire
de la main d'Origene. Possible est ce le mesme, qui pourroit estre
tombé ez mains de l'Em""^ Card"' Patron. Je seray bien ayse d'en estre
par vous esclaircy, car si c'est le mesme, il fauldroit les assembler et
conférer, pour en tirer du fruict de la conformité ou differance.
Cette histoire lombarde d'Herchempertus meriteroit bien de voir le
jour en son temps ^; j'en feray la semonce à son Em" et de tout le.
' ftObtulit nudius tertius mercalor qui-
dam Maronita Eniin. Gardinali nostro codi-
cem Evangeliorum Chaldaïcura adeo vene-
randœ vetustatis ut cum Virgilio Valicano
conferri posse omnino existimeni. Codex
scriptus estliteris majusculis, circa Irecente-
simuin Christi aruiuni, Babyloiiia;, in Meso-
potaïuia, ut in cake annotatum iegitur.»
(P. 495-496.)
' cfAttuiit idem [le marchand maronite
mentionné dans la note précédente] ex
Oiiente duas cistas librorum S) riacorum et
Arabicorum, quas ex Liburno Pisanoruni
portu quotidie expeclat. Inter alios codices
Historiam Jîgyptiacam vetustam esse ait,
quam P. Kircherus afllictim una niecura
expectat.» (P. igô.)
' Sur Aquila, Syramaque et Theodotion,
voirie recueil Peiresc-Dupuy, t. III, p. 609.
On trouve à la page 276 du recueil Bois-
sonade le passage de la lettre de Holstenius
auquel se réfère ici Peiresc.
' Sur le cardinal François de la Rochefou-
cauld , grand aumônier de France , abbé de
Sainte-Geneviève , ancien ministre d'État , etc. ,
voir les trois volumes du recueil Peiresc-Du-
puy.
^ (fDum liberius emin. CardinaUs nos-
(ri bibliothecam versare cœpi, multos de-
prehendi praeclaros codices MSS. antehac
non satis notos ; inter Latinos quidem ,
historiam Longobardicam Herchemperti ,
monachi casinensis , inter Grsecos vero ... 1
(P. 5oo).
[1636] A HOLSTENIUS. 443
surplus de cez belles pièces de sa librerie, vous asseurant que je n'ou-
blieray pas de loiier et faire valloir com'il fault l'establissement de sa
nouvelle académie pour l'exercice des lettres grecques, qui seule
peult restaurer en son ancien lustre la réputation dos estudes et des
belles lettres (jui avoient tant (leury aullres l'oys dans Rome *. Trez vo-
lontiers vous envoyeray je mon exemplaire d'Orphée MS. et ne seray
marry que de ce qu'il n'est plus ancien et de plus d'authorité; ce sera
par la première commodité d'amy Dieu aydant^. M' de Saumaise n'au-
roit garde de s'amuser à des lectures publiques de la qualité et pro-
fession qu'il est, principalement ayant une si belle condition au lieu et
place de feu M' de la Scala, où il en est exempt. Car tout ce travail
qui s'y faict reuscit à néant, et consume bien du temps mieux em-
ployé en d'aullres plus nobles et plus dignes estudes'. Touts ses amys
travaillent à le faire arrester; je ne sçay si nous en pourrons venir à
bouct, je ne m'y espargne pas asseurement. Je suis bien ayse que vous
ayez peu voir là une de cez sphères à la mode de Copcrnicus de la nou-
velle invention d'Amsterdam \ et que l'on aye peu le souffrir de par-
' (rQuumque ipse [le cardinal Fr. Barbe-
rini] nunc scrio sludia Gra;ca tractel, meo
potissimum consilio, academiam linguae
(îraecae oxercitiis et Grœcanicis ecclesiœ an-
liquitalibiis pertractandis inslituit : quibus
quuin ipse IVequens inlersit, vehementer
omnium ingénia ad base stiidia excolenda
excitât. 1 (P. IgS.) Cf. sur l'Académie Basi-
lienoe fondée dans le monastère de Saint-
Basile le 3 juin i635 la page 268 (lettre
XLUI) et la note n° a de Boissonade (ibid.).
' (f Manuscripta ipsa Orphœi Argonaulica
cuni editis coiituii ; sed parura labor pro-
fuit.» (P. 979.) — ffOrpbei Argonautica
accurato studio correxi, sed ex conjectura
lantum , et coilatioiie ApoUonii et Valerii
Flacci. Mirum quod mendis liber illc scateal.
Memiui le monuisse GrEecum exemplar MS.
px Oriente ad te perlatum : proinde meum
ad te niittam librum, ut, nisi grave fucrit,
cura scriplo codice contendas, si forte bons
notiB sil et conjecturas meas juvare possit 1
(P.5oi.)
' irElzevirius nihil ad nos novi ex Belgio
detulit. Videntur et hic Musœ inler armorum
strcpitum oblicuisse. Nuntiant tamen Or-
dines Ullrajeclinos novam instiluisse Acade-
miam, et magnis slipendiis evocasse viros
dodos. Putanl et Ileiiisium facile addiictum
iri, ut, relicto Lugduno, eo commigret :
nescio cnim quid simultatum inter ipsum
et Salmasium esse videtur. Em. Cardinali»
uoster in Italiani ipsum libenter evocari
curaret ad primariam professionem Bono-
niensem, qua olim Sigonius functus est 11
(P. 5oo.)
* ffVidimus heri una [avec le mathéma-
ticien Gaspar. Berti ] novam sphœram Coper-
56.
AU LETTRES DE PEIRESC [1636|
delà, car il seroit à désirer que ccz bonnes gents qui se mesient de la
censure peussent en goustcr la facilité et vraysemblance, commii
iauldra tost ou tard qu'ils s'accoustument à tollerer, quelque répu-
gnance qu'ils y trouvent, comme firent aultres foys ceux qui trou-
voient si estranges les propositions de la vérité des Antipodes, lesquels
n'avoient pas moings de raison de trouver incompatible que ceulx qui
avoient leurs pieds directement opposez aux nostres se peussent tenir
debout sans tomber dans le fonds du ciel qui passe par dessoubs nous.
Et toutefoys les voyages des Indes ont guary noz fauices apparances
et imaginations de ce costé là. Je vous sçay bon gré d'avoir procuré
au s"" Gaspar Bei'ti ' sa part du plaisir à voir cette pièce, et encores plus
du courage que vous luy donnez de faire des observations des éclipses
dont il lireroit bien d'aultres advantages que des simples méditations
des escripts et conceptions daultruy en matière de cez admirables no-
tices que nous donnent les bonnes matbematiques. Confirmez le, je
vous supplie, en cette bonne humeur, et à mettre en prattique les belles
inventions qu'il a à dresser des instruments propres à telles opéra-
tions. Je l'avoys prié d'observer la haulteur du soleil, à ce dernier sol-
stice, et vouldroys bien qu'il l'eusse faict, car j'en avoys prié d'aultres
amys ailleurs jusques au Cayre en Egypte, pour en faire la compa-
raison principalement avec celle que je fis faire à Marseille cez jours
passez par M"" Gassend^, avec un instrument de peu de fraiz qui avoit
neantmoings 18 canes de diamettre, dont le style estoit divisé en prez
de nouante mille parties perceptibles, pour en faire la comparaison
avec l'observation de Pythœas Marseilloys du siècle vraysemblable-
nioianaui ex Hollandia ad Urbeni allatam.
non sine adniiratione et slugulari volujitale,
ol) magiiain liypolhesium facilitateni et sini-
])licilaleni. Censores nostri nihil cpjidquani
diflicullatis nioverunt in usu ejus perniit-
tendo, contra omnium opinionem. ji (P. ^96. )
Holstenius (p. ^96) avait fait à son
correspondant un grand éloge de G. Berli ,
son ami : ^Vir peritissiraus rerum matliema-
ticaruni . . . , in matheniaticis insiriinientis
conficiendis exquisitissimus : et quum nemo
sit , qui non singulareni miretur doclrinam ,
lum voro niodestiam i|)sius iniranlur om-
nium maxime... liomo plane faclus ad ge-
nium et gustnni tuura, si qua porro in re
ejus oj)era uti volueris.i
^ Voir Vie de Gassendi par Bougerei,
p. 166-167.
(1()36] À HOLSTKNIUS. 445
ment d'Alexandre '. Or nostre machine fut commancée et achevée dans
moings d'un demy jour. Vous en verrez un jour la description et le
résultai, de ce qui s'en pourra collitjer de bon, pendant quoy, les plus
experts mariniers nous vindrent faire de grandes plaintes de ce que
leurs cartes marines estoient faultives, et les obligeoient de donner un
quart de vent hors de la routte, de Malte en Candie, et deux quarts
de vent de Candie en Gypre, aultrement ils se trouvoient hors de leur
vray chemin, dont ils n'avoient peu rendre aulcune raison, attendu
que de Marseille en Sicile ils n'avoient que faire de practiquer cette
irrégularité, et qu'au retour du Levant ils se trouvoient quasi en la
mesme peine, leur rouUine depuis 3 ou /loo ans n'ayant trouvé aultre
remède que cela à tels inconveniants. Mais ils furent bien estonnez
quand nous leur disraes que l'observation faicte à raa prière le nioys
d'aoust dernier tant à Rome et Naples qu'icy ne nous donnoit aulcune"
variation incompatible aux cartes, mais que celles d'Alep et du Cayre
nous donnoient une erreur de 2 ou 3oo lieues moings que les cartes
ne présupposent, de sorte qu'il falloit de nécessité que leur boussole leur
donnast en partant de Malte pour le moings un quart de difl'erance
du lieu de leur routte en Candie si l'espace n'esloil si long que leui's
cartes le font d'un quart, et consequamment deux quarts de Candie en
Cypre, si la distance y est moindre de plus d'un tiers, comme d'aultres
mariniers nous advoiierent avoir observé plus de 5oo milles de moings
qu'on ne presupposoit, quoyque grossièrement et neantmoings troz
apparamment. J'auroys beaucoup de choses à vous dire sur le restant
de voz lettres; mais oullre que je suis un peu las d'escrire à ce coup,
il fault que je vous fasse encore une prière de faire quehjue petit
poème pour l'amour de moy s'il ne vous est incommode, à la loiiange de
la mémoire du feu bon homme Guill. Schikard-, lequel vous honoroit
' Le cëlèbre nstronome voyageur vivait occasii niiiiiuin quantum Germanis nosti'»
au commoncemoul du iv' siècle avant J.-C. {leperiit, quam belloruni ralaïuitale-t ail
' trlla privatus hic dolor [la douleur de vastitatern et barliariem fernio rcdejje-
la |)erle de Pierre t^asene] raeraoriara doc- runt. s ( Lettre Xl^lll, du 6 septembre t636,
tissimi Schickardi refricuit, cujus miserrimo p. -jOç).)
446 LETTRES DE PEIRESC [1636]
et prixsoit infiniment aussy bien que vous luy, et estoit sans mentir l'un
des plus grands génies de tout le siècle. Il m'aymoit si tendrement que
vous ne me sçauriez obliger en plus sensible occasion qu'en faisant quel-
que chose pour luy à celte heure que touts les plus curieux de l'Eu-
rope sont invitez de faire quelque chose en sa louange ^ M' Dormalius
me fera aussy la faveur s'il luy plaict de ne s'y pas espargner, et je
vous seray infiniment redevable à touts deux 2. Je traictoys de le faire
venir en France et croys que je l'y eusse attiré indubitablement s'il
n'eust esté sitost surprins de la mort. Vous avez veu ses livres De Jure
Régis et son Tarie des Roys de Perse ^ et son epistre à M' Gassend
sur son Mercurius in Sole, que j'ay envoyée aultres foys à l'Em. Gard*'
Patron, où j'ay trouvé tant de marques de son bon natui-el à faire va-
loir le travail de nostre compatriotte M' Gassend, que je me trouvay
engaigé à son service entièrement et depuis ay receu des lettres de luy
les plus obligeantes et les plus remplies de belle érudition qui se puis-
sent voir, aussy bien que les vostres. Mais si vous devez faire quelque
chose pour luy, je vous supplie que ce soit le plus tost que vous pourrez
afin que son frère le puisse faire insérer en un recueil qui se doibt
bientost mettre sous la presse. Et mon obligation vous en sera d'aul-
tant plus grande, ce qu'attendant je demeureray.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 9 juillet i636.
Si le présent courrier ne trouve le pacquet trop gros, je le chargeray
du MS. de cet Orphée, soubs l'addresse et enveloppe de S. Em<^^ et en
ce cas luy feray oster les vieilles couvertures de boys pour en diminuer
rrTu vero quod obitum ejus raagno le possiin cjuo tibi moretn geram , eodemque
doioris sensu teligisse oslendis, quodque Dormalium nostrum cohorlabor. d (L. cit.)
memoriam ejus aliorum encomiis perenni- ' trVivet enim in doctorutn hominum
tati asserere tantopere sludes, pro aiTectu animis dum litlerœ erunl, ob insignes illos
tuo inveterato erga iiUeras facis.» (L. cit.) quos de Hebrseorum et Persarura Antiqui-
rrVidebo tamen num quid procudere tatibns edidit libres. n (i. cit.)
[1G36] À HOLSTENIUS. 447
le volume et le poids. J'oublioys encore de vous dire que nosfre obser-
vation du solstice à Marseille par M" Gassend nous faict désirer plus
ardemment que devant de voir s'il est possible, non seulement iin des-
sein fort exacte, mais un modcHe de la juste grandeur de ce scaphium
antique dont vous m'aviez aultres foys parb-, que le s' Menestrier avoil
eu le bien de donner à S. Em"'*, car nous vouldrions voir quelle jus-
tesse, ou irrégularité il y peult avoir pour juger de la certitude des
observations qui s'y pouvoient faire, des proportions de l'ombre du So-
leil durant l'année. Car cette sorte d'instrument estoit en usage fort
fréquent anciennement, et estoit neantmoings subject à de grandes er-
reurs. J'escripts à M"" de Bonnaire de fournir les fraiz de ce modèle.
J'oubliois encores de vous dire sur l'inscription que Me' l'Em"* Gard*'
Patron m'a envoyée de cette VESTA de Bacchus, que vous trouverez
dans le volume MS. de mes Argonautes et hymnes d'Orphée, entre les
hymnes d'Homère qui y sont inserez, celuy qu'il dédie à une Vesta
sans laquelle il ne vouloit pas que les banquets eussent de bon com-
mancement ne de fin, à laquelle il faict servir du vin emmielé. Et peu
auparavant y a un aultre petit poème à Vesla d'Apollon Pylhien, qui
pourroiL bien avoir du rapport au serpent qui embrasse la colonne, et
aux mystères de l'année et du cercle annuel du Soleil, supposant que
la Vesta représente originairement la Terre et Diane Mammosa ou la
Nature, et que les qualitez d'Apollon et de Sarapis ne soient pas in-
compatibles avec celles de Bacchus, comme le tout se trouve si souvent
meslé, et quasi inséparable dans les mystères plus abstrus de la my-
thologie /Egyptienne, et autres qui en avoient tiré leur source et dé-
pendance. Vous en pourrez toucher un mot si le trouvez bon î\ Son Em"
car je n'avoys pas eu le loisir de m'estendre sur ce serpent quand je
l'en remerciav.
Je feray chercher un exemplaire MS. de l'histoire d'Anna Gomnena
pour en avoir le premier libvre plus complet que l'édition d'Hœsche-
lius s'il est possible ^
' Bi))lionièque Barberini, vol. 79, pièce n° 58.
448 LETTRES DE PEIRESC [1636J
LIX
MONSIEUR, MONSIEUR HOLSTEMUS,
GARDE DE I,.\ BIBLIOTHEQUE DE L'EMIÎSEMTISSIME CARDINAL BARBEBIN.
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire de Gènes, avec les lettres de
S. Eni., et de l'ill"* caval. del Pozzo du 5 juillet, les vostres du /i juin,
où vous m'avez grandement resjouy par l'agréable nouvelle de la charge
que S. Em. vous avoit enfin conférée de sa bibliothèque', où vous aurez
mieux de quoy vous plairre et vous occuper à souhaict que ceux qui
l'avoient tenue devant vous, qui regrettoient les occasions de se trou-
ver à la cour quand ils estoient obligez de tenir pied parmv les livres,
dont je ne veux pas manquer de me conjouyr avec S. Ein" et l'en féli-
citer et remercier tout ensemble, pour la part que je prends à ses ad-
vantages et aux vostres^, ne doublant pas qu'il ne s'en prevaille beau-
coup plus qu'il n'eust jamais faict avec quelque aultre qu'il y eustsceu
employer qui fust moings desvoiié aux livres que vous. Je l'avois
desja félicité de sa nouvelle Académie Basilienne, et suis bien ayse
d'apprendre que vous y fassiez des actions publiques cappables de la
mettre en la réputation qu'elle mérite, pour remettre en règne l'estude
des lettres grecques, sans lequel tout le reste est si défectueux ^ Et
quand il se feroit quelque chose de semblable pour les langues orien-
tales il ne seroit pas gueres moings bon, ne de moindre utilité, car il
se pert de bien belles choses cachées dans les livres escripts en cez
langues. Et m'estonne que la corbeille des livres MSS. arabes et sy-
' f-Magmira raihi prislini tui afieclus ar- occasione studia niea eminenlissimo cardi-
guinenlum prœbuere iiterae luœ, quibus de nali iiosiro comniendaveris. s (i. cit.)
bil)lioll)ec:e riira mihi corainissa adeo ob- ' rBasilianae Acaderaiœ spécimen proxime
nixegratularis.îi (IjetlreXIillId(îjhcitée,dii ad le milUim, disserlationes duas a me
G septembre i636, p. a68.) ad conciiiiim Nicœnum illuslrandum insti-
' (rllliid vero longe maximum crit bu- tufas." (£. cit.)
manilalis luœ erga me benefîcium , fi bac
[1636J A HOLSTENIUS. 449
riaqucs iiieUe tant de temps à venir de Pise à liome'. Je loae voz
charitables otiices envers ce bon inaronito Abraham pour le l'aire
subroger à Victor Schiala^, et seroit à désirer que les gents de cette
profession trouvassent tousjours de l'employ proportionné à leur ta-
lent^. Je verray volontiers le roole desdictz livres MSS. arabes*, et
vouidrois bien qu'il s'y en trouvast quelqu'un bien digne de voir le
jour, et que l'imprimerie de par delà fust aussy facile en cez langues
comme la chose le meriteroit; tant est que je ne pense pas que ce
nombre de volumes n'en contienne quelqu'un de bien rare, et que la
bibliothèque de S. Em"* n'en soit bien enrichie, vous suppliant de
croire que quand vous jugerez que j'y puisse contribuer quelque chose
pour les assortiments nécessaires ou aultrement, vous me pouvez com-
mander en toute liberté, et croire que puisque pour vostre particulier,
je n'ay jamais rien espargné de ce qui pouvoit estre à ma disposition,
comme je le fcray tousjours pour l'amour de vous, à plus forte raison
le doibs je faire pour l'em""" Gard"' nostre commun patron et de vous et
de iiioy, qui me comble journellement de tant d'honneur et de bien-
faicts, sans se lasser jamais de m' obliger, et moy et mes amys, ne d'ex-
cuser la frequance de mes importunitez. Il fera beau voir celte nou-
velle édition des œuvres de S. S'" on vostre nouveau charactere. Je
vouidrois que vous eussiez peu la faire faire enrichie de rubrique à la
mode du IMiœdrus de M'' Rigault\ comme j'en avois faict commancer
* rrExpecliiiiius in dies singulos Pisis cis-
tam opliinis MSS. AraLicis et Syriacis refer-
lain quuin bibliolhecte cminent. Cardinalis
iiostri D. Abrahamus Maronita , cui Arabicai
linguas leclionciii in scbola Romana abbatis
ViclorisScialœ niorle vacanlem [)rocuravi...i
(Lettre GIX, du i juin i636,p. 5oi.)
' Sur Victor Scialac, voir le recueil Pei-
resc-Dupuy (t. I, p. 699; t. III, p. 18,
' Holstenius (p. 5o4) loue fort le savoir
d'Abrahain d(5jà mentionné dans une auU'e
lettre à Holstenius.
' ffUbi libri illi ad nos pervenerint, cu-
rabo ad te indicem. ul xotvài Épfx^ gau-
deas.n (P. 5o4.)
' Il ne s'agit pas là de la première édi-
tion : rr Fabularum .Esopiarum libri V. Nie.
Rigaltius recensuit et notis illustravit» (Pa-
ris, A. I)n)uarl, iSgg, pet. in-ia), mais
bien de l'édition de 1617, Paris, R. Es-
ticnne, in-4°. Le Manuel du libraire rap-
iwlle que cette dernière édition, qui a péri
dans un incendie en 1774, est exécutée en
noir et roug«. — M. Léopold Delisk veut
bien me faire remarquer ceci : ce n'est pas
57
450 LETTRES DE PEIRESC [1636]
une feuille à Paris à la première édition que j'y en fis faire ', mais la
desbausclie et absence du principal ouvrier qui en avoit prins le soing,
nous constraignit de l'abandonner el de faire l'impression sans ru-
brique^. Si je trouve de cette feuille je vous en envoyeray quelque
espreuve pour monstre, car cez libraires de delà qui impriment cez
beaux bréviaires en rubrique, debvroicnt bien pour jouyr de la conti-
nuation de leurs privilèges estre chargez de cette édition des poèmes,
avec la mesme rubrique, ce qui ne leur seroit pas à grande charge,
comme ceux des Bréviaires de Paris ont esté chargez de l'édition du
Dictionnaire arménien. 11 me tardera de voir quelque jour cette belle
grande epistre de l'evesque Guevara de Teano sur les antiquitez de la
Champagne^, et vostre responce sur les difTicultez que vous trouvez
en la suitle de la voye Latine*, mais encorcs plus vostre ouvraige ex
professo de viis publicis\ et vostre recueil de Vilis Pontilicum**. Si vous
m'envoyez le roolle de ce que vous avez assemblé, je chercheray de
l'i'dilion qui a péri dans un incendie , mais le
manuscrit de Saint-Rémi de Reims, dont les
variantes étaient relevées dans cette édition.
' Si l'on connaît peu l'édition dont parle
ici Peiresc (le Manuel du libraire ne la men-
tionne pas, quoique rarissime), on connaît
encore moins l'édition annoncée par Holste-
nius. Boissonade a imj)riraé cette note déses-
pérée (p. 271 ) : irlllam non vidi, nec mihi
e catalogisinnoluit.i Pourtant le fait est en-
core attesté par Gabriel Naudé (fascicule XIII
des Correspondants de Peiresc, lettre du
ao septembre i636, p. 90 : «Les poésies
du pape sont de nouveau soubs la presse."
' tDc poematum Summi Pontificis nova
«ditione colore rubro interstinguenda quod
raones. grata forlassis novitate placuisset,
si ea hic u(eremur typographnrum indus-
tria et peritia quœ Belgis et GaHis vestris
suppetit. Niliil enim deformius videri dicive
potest iibris illis ecclesiasticis, qui duplici
colore hic apud nos excudunlur, ita sub pal-
lido et fugiente niinio languentes, ut oculo-
rnm aciem éludant. Sane in ipsa editione,
ut quam emendatissima prodeat, summa a
me adhibetur cura. 1 (P. ayi.)
' G'est-à-dire de la Canipanie. Voici le
passage de la lettre de Holstenius (du h juin
i6.36) auquel répond Peiresc: fKgo, bac
ipsa septimana, ab illusti". de Guevara,
Teanensium episcopo, epislolam prolixam,
sive librum potius inlegrum accepi, de an-
tiquitalibns Gampauiie , quœ cis Vulturnium
lluvium est; ubi meis aaspiciis mulla anli-
quitatis vestigia et nionumenta nulli hacte-
nus mortaliura niemorata eruiti (p. 5o.3).
Gf. lettre du 6 septembre i636, p. 273.
' irSed necdum plane inter nos conveuit
de aliquot locorum situ, et Latinœ viaeductu
a Teano Gapuani usque ... 1
' irHarum disquisitionum fructum vide-
bis in opère de viis pablicis, quod paro. 1
(P. 5o/i.)
" Il en a été déjà question plus haut.
[1636] À HOLSTIÎNIUS. 451
bon cœur si j'y pourroys adjoustcr rien de plus, pour voslre satisfac-
tion, n'ayant rien qui ne soit à vostre service comme je le vous ay desja
professé plus d'une foys. Je n'ay pas yeu le petit traicté des pétrifica-
tions que vous dictes avoir esté mis au jour par l'ilh" caval. Gualdi ',
et ne le refuseray pas de vostre main, et feray venir les Oraisons et
riJlpian, Juiian, etc., de M''Godefroy^ qui est certainement un trez
honneste homme, lequel j'ay veu aultres foys en estât, que peu de
chose l'auroit attiré au giron de l'église. Encores ne sçay je s'il seroit du
tout impossible, au cas que nous le peussions ester de là où il est en le
transférant à Valance, au lieu de feu M' Pacius, où c'est qu'il seroit en
liberté de faire ce qu'y ht ledict s"' Pacius pour sa conversion à mon
instance; il faudroit y disposer M'' l'Evesque de Valence' qui y a le plus
grand inlerest et crédit. Et du reste j'oserois bien me promettre ])|us
que d'aultres. Cependant je luy feray sçavoir voz bonnes inclinations
pour luy, en luy env^oyant voz notes sur son oraison de Templis*, et le
sonderay sur cela tout doulcemenl. J'ay prins grand plaisir d'apprendre
par vous que S. Em'''' soit si bien intentionnée en son endroict et qu'on
aye loiié sa modération en des rencontres où il eust peu monstrer de
l'aigreur s'il eust esté de si mauvaise humeur que d'aultres*. Je suis
bien aise que M'' Slegel vostre compatriote se soit mis si avant dans
' ftMittercin, emin. cardinalis jussu, * trEgit ctiani [le cai-dinal Barherini]
iiescio qiuiin disscMlatimiciilam (le aquis saîpcnuincro inecuin de Jac. Golliofredo
aliisqtie relus in lapidmn duratis , mû G\\a\- J. C. Geiievensi, cujus ingenio et doc-
dus oqnos, qui odidit, jani ante ad le eu- tiina oppido quam deleCUilur. Orationes
rassel.i (P. 5o5.) illas politicas miper a te Iransiuis'sas s«e-
" (fNactiis sum superioribus diehus pius legit, ut et Libaoii Oralioiiem ;>ro
exemi>lar Oiationuni l.ilianii quas Gotho- TempUs, in qua nounulla iiiter legen-
freduB edidil, iii quibus et illa /)ro lemplis, duin observavi, ([uœ alias ad le inilUuu.
de qua nuper scripsi [voir la lettre GIX, ut, si editionem ilerel, eniendare possit-
p. 5oo]. Ipsius autcni Gothofredi Oraliones (P. 5oo.)
politicœ, Ulpidims, Jutitmus et Acliaica de- ' «tliiuin. canliaalis noster ingeiiio et
sideranlur, ((uibus sane invitus careo.» doclrina viri illius sunuuopere dtlecla-
(P. 5o4.) lur, ijui utinaiu, ut iii iileris, sic etiain in
' Cliarles-Jacqiios de Gelas de I^beron sacris bonas pmles sequcrelur! Inleiim
occupa le siège de Valence pendant vingt laudaudn et fovenda Uoniini» ramlestia. «
annëe8( 1694-1 054). (P. 5o4.)
57.
452 LETTRES DE PEIRESC [1636]
les lettres grecques et que vous le gouverniez comme vous faictes ^ J'ay
grand regret qu'il m'eschappa sans que je peusse jouir de sa conver-
sation plus d'une demy heure à la desrobée. Il avoit laissé icy le s'Mal-
jan qui est depuis decedc de ptysis au grand regret de ses aniys, et
ne double pas que luy ne le regrette bien encores. Je vous prie de le
salliier de ma part et l'asseurer de mon service. Vous ne me dictes
rien de M' Dormalius, j'en suis en peine et vous supplie de luy faire
mes humbles recommandations, et de M"" Gassend qui vous vouloit
escrire, mais on le vient quérir en diligence pour affaire pressante de
son église, et crains bien qu'il n'en aye pas le temps à son grand re-
gret et au mien. Au reste je me resjouys que le pauvre M' Bouchard
soit cschappé de la forte potion qu'il avoit prinse- et qu'il aye tempéré
quelque chose de son humeur, comme aussy le s"" Léo Aliatius', ne
vous pouvant dissimuler que je prends un plaisir extrême de voir
cesser toutes matières de malentendu entre gents qui peuvent touts
contribuer quelque chose au service du public, quoyque les uns ne
puissent faire olfice que de pionniers lorsque les aultres font office de
bons soldats et de cappitaines, estant besoing d'avoir des uns et des
aultres pour la nécessité de la société humaine'. Excusez ma liberté,-
je vous supplie, Monsieur, je ne sçaurois estre aultre, et suis bien as-
seuré que vous ne m'en aymerez pas moings comme je vous en con-
jure, et que vous y trouverez plus de quiétude d'esprit et consequam-
ment plus d'acquestz et de service de la part de ceux mesmes qui
' ■'Slftgelius. civis meus, rt ipse huma-
nilntem tuam experlus, nunc in Lirbe coni-
inoratur, œslatera hic transitiirus, qiiain
Grœcis libris destinavit. ti (P. 5o3.)
^ ffBuchardus noster niidius lertius elio-
boruru sumsit, propinaule Burdelotio , credo
ul alrœ loliginis [Seiche olficinale] succum,
•juo niiuiiiiii illi spleii tuinet, expectoraret :
eed paruni abruil quin iHe recta ab Anticyris
Elysios adiret campos. Dubilo lanien num po-
tentissimi reniedii usus mordacissimos atri
Imnioris sales ininiierit.i (P. 5o4-5o5.) Ce
demi-empoisonnement de Bouchard par l'el-
lébore n'a pas été indiqué par ses biographes.
' Rien, dans le recueil de Boissonade , ne
se rapporte à celte ])lirasc sur l'humeur de
Bouciiard et sur l'humeur d'Allatius. 11 faut
en conclure que tous les documents n'ont
pas été reproduits in extenso.
* Peiresc , le gi-and ennemi des disputes
entre savants, jetait ici, comme il va s'en
excuser, une pierre dans le jardin de Holsle-
nius dont Vhumeur, comme on ne l'ignore
pas , laissait beaucoup à désirer.
[lG3fi] À HOLSTENIUS. 453
auroient eu de la jalousie de vostre sureminanle vertu par dessus la
leur, sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et Irez obéissant serviteur,
DE PEinESC.
À Aix, ce dernier juillet i636.
J'attends au prochain ordinaire quelques vers de vostre façon et de
M" Dormalius sur les mérites de feu M' Schikard.
[JÇn marge.] M' Gassend a grand regret de ne vous pouvoir escrire,
et de n'avoir pas en main la lettre qu'il avoit receiie de vostre pari,
pour satisfaire à ce que vous desiriez de luy, et si vous trouviez bon
d'escrire une seconde foys le petit mémoire de ce que vous desirez je
le luy feray tenir, craignant que vostre lettre ne luy ayt esté soubs-
traicte par malheur, et qu'il ne tarde trop à vous complairre.
J'ay depuis receu la responce de Paris de M^Riganlt et de M' du Puy
que dans la hihliotheque du roy il ne s'est rien trouvé de l'histoire de
Anna Gomnena, ce que M" de Saulmaise m'a confirmé, et qu'on feroit
ailleurs toutes les perquisitions possibles. Je suis marry de n'avoir esté
plus heureux en cela pour vostre service.
Si vous avez rencontré au Vatican ou ailleurs le texte grec du ca-
lendrier de Ptolemée dont la traduction latine de Nie. Leonicus a esté
insérée par le P. Potau en son volume Uranologion, page 9a, je se-
rois bien aise de l'apprendre [et] qu'il vous pleusse me marquer et
transcrire spécialement les raoys de mars, de juin, de septembre et
de décembre, et janvier encores s'il ne vous estoit trop incommode,
ou pour le moings les jours précis des jEquinoxes et solstices, et en-
trées du soleil aux signes dti Zodiaque.
Et si vous avez trouvé d'aultre vieil kalendrier où cez poincts cardi-
naulx soient marquez en lieu extraordinaire, vous m'obligerez de m en
faire part'.
' Bibliollièquc Barlirrini, vol. 79. pièce n° 59.
hU
LETTRES DE PEIRESC
[1636]
LX
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
J'ay receu avec un singulier plaisir vostre lettre du 6 du passé , ac-
compagnée de la chanson de cet ancien Franc" Barberini', la monstre
de ce vieil charactere syriaque-, et un exemplaire du Prodromus du
R. P. Athanase Kirche^^ ensemble la vie de S"' Pulcheria dont je suis
infiniment redevable à la munificence de l'em™* Gard*' patron^ et con-
sequament à vostre courtoisie, et vous en rends les plus humbles re-
merciments que je peus, comme de tant d'aultres curieuses recherches
dont il vous plaict me faire part, et surtout de la favorable promesse
que vous me faictes de m'envoyer des complaintes de voz muses sur la
perte du vénérable bon homme le s' Guill. Schikard, et d'y en faire
joindre de celles de M' Dormalius qui me demande un delay fondé
sur l'opiniâtreté de sa fiebvre, en quoy je trouve qu'il a grande raison,
et que j'aurois grand tort de le faire presser, estant juste d'attendre
qu'il aye recouvré plus de forces qu'il n'en a présentement, mais •
quand vous le jugerez en eslat d'y songer je vous supplie de l'en faire
souvenir, et d'esviter que la longueur de temps n'en efface la mémoire.
Car les bonnes choses quoyque tardives sont tousjours les bien venues.
Seulement vous prieray je que ce soit sans retardation des vostres
' irlnsigne carmen Francisci de Barbe-
rino repertum fuit, quod emin. cardinalis
jussu ex duobus MSS. codicibus excerptum
et eniendatuin literis hisce adjunxi, ut ex
hoc specimine auctoris illius et sœculi quo
vixit genium gustumque perepicias. r,
(Lottre XLIII, p. 973.) Voir{ibtd.) la note 3
de Boissonade.
* w Adjunxi exemplum et spécimen scrip-
turae Syriacae codicis vetustissimi quod nu-
peris tuis petisti.» (Lettre XLIII, p. 270.)
' trAccipies intérim Prodromum Copti-
cum P. Kircheri, quem einiti. cardinalis
jussu mitto adhue a prailo calentem, ita ut
me compingeudi quidem spatiuni fuerit.
Nihil ego a muitis annis in hoc studiorum
génère doctius prodiisse exislimo . . . ti
(P.Q69.)
* tfHabes etiam S. Pulcherias vilam a fa-
miliari quodam carchnaiis nostri scriptam,
et quidem ipsius cardinalis jussu, ut Colum-
nenscs moniales nobiles vitae religiosae
exemplum in nobihssima femina conspice-
reni.r. (P. 270.)
[163GJ
A IIOLSTEMUS.
455
que nous attendons fort impalianient, et nous promettons que vous ne
vouldrez pas diiïerer sans nécessité, comme je vous en supplie et con-
jure, et d'en vouloir desrobcr le temps le plus tost que vous pourrez,
si jà faict n'a esté. Me sentant bien l'ort vostre ohlijjé de la parti-
cipation (jue vous daifjncz prendre en la mort desrobéc de ce [jrand
homme. Gomme je ne doibs pas manquer de me condouloir avec vous
de celle du feu s"' P. de la Sena, de qui le public se pouvoit promettre
de si dignes fruicts, et de si recommandables labeurs'. Bien marry
qu'il n'ayt à tout le moings peu faire achever l'édition de son Cleombro-
tus'- sur un subject si peregrin' et cez deux dissertations que vous
alléguez de luy sur le style des lx\ interprètes. Mais je m'ose pro-
mettre qu'en donnant vostre spécimen de l'Académie Basiliennc sur le
concile de Nice vous lui rendrez ce bon office d'y faire joindre celles-là,
et possible de faire par mesme moyen continuer et achever l'édition de
celle dudict Gleombrotus, ou de iis qui aqua suffocati moriuntur. 11 me
tardera d'apprendre que vous ayiez retrouvé les liasses des Schedes
et mémoires de feu M' Aleandro concernant le vieil kalendrier* et cez
fastes de Constantius fdz de Constantin, et du pape Liberius, et en-
cores plus que l'envie vous ayl prins d'en reprendre les errements,
pour en achever les commentaires qui seroient certainement bien
dignes du labeur d'un homme de vostre sorte, y ayant de trez nobles
' itEl alias duas [disserlaliones] viri cla-
rissimi et doclissimi IVtri Lasciia le. Neapo-
iitaiii de stylo et lingua Ileilciiistica [ Biblio-
rainj interpretum; quem virum, omnis
doctrina; et liunianitatis idinam , ante (juatri-
duuni fata nobis hic magiio cuin doiorc om-
nium bonorum siiblraxerunt.i (P. a 68.)
' (tSed quod prœcipue in ejus obitu
dolendum est, reliquit scmipoi-rectam sub
typograpbicorum ])rœlo dissertatioiiem omni
eruditione conditam, do iis (pii aqua suffo-
cati moriuntur : cuj us operis editioni ipso
inunorluus est.i (P. aGij.) Boissonado rap-
pelle (note 1 ) que celte dissertation panlt à
Home en 1687 sous le titro de Cleombroliu
et il renvoie à la Vie de Peiresc parGassendi
(p. aoa).
' De peregrinus, e'tranger, c'est-à-dire
étrmige.
* itCalcndariura iUud velaslum Du.
Aleandrojam olim transmissum emin. cardi-
nnlisjussu pcnfuiram, el quid(]uid ipse im-
peraverit ad te perscribam. Soie enim a
Dno. Snaresio opus illud in nescio quem
fasciculum conjectum, cum tnagno Ali'an-
dri comnientario , quem quouiinus ad uni
biiicum perduxcril, mors prœpedivil -
(P. 37..)
/,56 LETTRES DE PEIRESC [1636]
notices à prendre, aultant que d'aultre monuments [sic) de l'antiquité
qui se soit de long temps desterré. Il vous pourroit insensiblement en-
gager au travail que vous méditez sur les vies des Papes, car je ne
sçay si vous aurez rien rencontré de plus ancien pour ce recueil, ne
sur quoy il se trouve de plus belles cboses à examiner. Je n'oublieray
pas l'espérance que vous me donnez de me faire part un jour de quelque
chose de ce beau traicté que M"' l'Evesque de Theano vous a faict cou-
cher par escript de Agro Falerno et Faustiano et des aultres apparte-
nances de vostre Via Appia \ et des aultres grandes voyes antiques ro-
maines. Vous priant de me mander si vous n'y dictes rien de ce qui
passoit plus oultre et jusques à la Grèce et au Levant. Car ce sont
des dépendances de voz petits géographes grecs. J'ay receu de la Syrie
quelques inscriptions d'entre les villes de Sidone et de Tyrus où les
empereurs Severe et Antonin s'estoient délectez de reparer les che-
mins, eu consequance des soings que Severus avoit prins de restaurer
la ville de Tyrus et d'y faire imposer son nom de famille qui se void
en quelques médailles COL. SEPTLMIA TYRO METROP. aprez quoy
son filz voulut faire tailler quelques rochers au bord de la mer sur l'em-
bouscheure du fleuve Lycus-, oiî il s'est conservé des belles reliques
d'inscriptions gravées sur le roc auprez d'une grande figure d'un chien
renversée dans la mer, dont l'air corrosif en a consumé la plus part,
mais encores y appert il qu'il avoit afl"ecté de faire nommer cette voye
AINTONINIA de son nom particulier. J'ay creu que vous ne seriez pas
marry de la voir et vous envoyé une coppie à tout hasard' si ne l'avez
eue d'ailleurs, car cela a bien du rapport avec le dénombrement que
faict Ulpian des colonies italiques entre lesquelles il attribue à Severus
celle de Tyrus, aussy bien que le S. G. Paulus en la loy i et la dernière
au Digeste du tiltre de Gensibus, oii c'est que le mesme Ulpian prend
occasion de rendre un grand éloge d'honneur à la ville de Tyrus sa pa-
' fflll. Dno. Theanensi prolixe nuper ' Aujoui'd'hui le Narh-el-Kelh.
respondi , et accurate traclavi de agio Fa- ' On trouvera cette copie à la fin de la
Icrno et Faustiano ex Plinii descriptioue. i présente lettre, en noie.
(P. 372.)
[1636] X HOLSTENIUS. 457
trie originaire, laquelle il ([ualific Nobiiis regio série sœculorum anli-
quissima, armipotens, l'œderis quod cuni Romanis percussit tenacis-
sima. Quant à voz suppléments de l'Anccdota de Procopc que vous
avez tirez de l'Ambrosiennc et vous en félicite', c'est, je m'asseure, du
MS, qu'en avoit feu M"' le Vinc. Pinclli d'oii j'avois tiré cez deux pas-
sages que l'Allemanni avoit obmis volontairement concernant les salle-
tez de cette infâme princesse; si vous avez eu rien de plus, vous m'obli-
gerez de m'en faire part, s'il vous plaict, selon la prière que je vous en
avois faicte par mes dernières lettres, car de m'attendie à voir l'édition
d'Elzevir, en ce siècle si mal propre à telles entreprinses, je ne sçay si je
vivray tant comm' il fauldroit, pour l'attendre, y ayant desja 3o bonnes
années que M"' Heinsius promet cette édition sans en avoir rien faict
voir^. Je me promects cette petite faveur de vous pour ma particulière
satisfaction , et pour les inclinations que j'ay à cet autheur. Je suis
bien marry que vous n'ayiez rien trouvé en mon pauvre Orphée MS.
qui valiust la peine de vostre collation, je l'avois bien preveu, mais
vous eussiez eu de la peine à le croire sans le voir vous mesmes'. J'ay
bien de la peine à me persuader que le charactcre syriaque arrondy
que le bon maronite Abraham a prins la peine de transcrire sur son
évangile MS. * soit d'une si haultc antiquité comm' il dict de 3oo ans
aprez J. Christ et le croirois beaucoup raoings ancien, mais je ne luy
suis pas moings redevable de la peine et bonne volonté^. Je m'eslonne
qu'entre ses livres arabiques, il n'ayt rencontré quelque plus grand
nombre de bons livres. Ce chronique ^Egyptien pourtant peult bien
' frlmpetravi nuper ex Ainlirosiana Mo- cuiii odilis conluli, sed paruni ialwr pro-
(iiolanensiuin l>il)liot)icca, opéra aiiiici , siip- fuit, ita passim conspirât oum Aldino exein-
l>leii)entiim principii [ÀvexMrsov] seii Ar- plnri iii erronim consensum. " (P. a?»-)
fanao Historiœ Procopii, ([uod in Alenianni ' ffIpseAl)ialianiusMaronila sua manu ve-
edilione variis lacunis excusum faîdaluinque terem scriplurain dilifjontissinic est imilalus.
iaspioitur. i (P. 378.) Gharaclerem hune [eslrangtielum] sive rolou-
' Meiusius ne publia jamais l'édition de dnm ab ipsis vocari non ignoras.» (P. 370.)
Procope depuis si longtemps annoncée. Il ' La lettre XLIIl sernil-ellc incomplète-
u aclipva pas et n'entreprit niL'nie |)as bien ment publiée? Jo n'y vois rien an sujel de la
d'autres travaux promis. liante «H/iyM/Ve'atlribui'epar Abraliam Ecliel-
' tManuscripta ista Orpliœi Argonaulica lensis à son manuscrit.
T. 58
458 LETTRES DE PEIRESG [1636]
consoler l'acquéreur, car il s'en peult sans double tirer de trez bonnes
choses, et puis qu'il est en mains du bon P. Kircher, il le fauldroit
faire traduire et donner à la suitte de son lexicon des Kophtes\ dont
je ne manqueray pas de faire toutes les instances que je pourray à
l'Em"^ Gard''' patron. Vous me ferez plaisir de m'cnvoyer un catalogue
desdicts livres arabes quels qu'ils soient, et spécialement s'il n'y auroit
pas un volume des epistres de S' Paul en arabe et cophte, ou en arabe
seulement, mais de la version des Kophtes. Ce que vous me dictes du
passage de cet autheur anonyme de la prédication de l'évangile dans
la Chine, seroit bien bon à voir quand il vous plairra encores que
l'advis n'en ayt pas esté donné à temps au R. P. Kircher pour l'insé-
rer dans son Prodromus-. Où certainement ce bon père n'a pas peu
faict, d'ebauscher co qu'il a peu en des matières si peu cogneiies,
et méritera tousjours qu'on luy en sçaiche bien du gré tost ou tard.
Car il ouvrira le chemin à d'autres d'y suppléer comme vous pour-
rez faire de ce passage, mille aultres bonnes choses qui luy sont
eschappées. Ce que je vous disois du mesurage de cez grands vases ne
seroit pas si difficile comme vous l'imaginez si je ne me trompe \ Car
cez frates de sant Apostolo et ceux de S'" Cécile de Transtevere et.
les aultres qui y tiennent des arbres plantez n'en sçauroient avoir du
contentement qu'ils n'obligent leurs jardiniers d'en tirer annuellement
la motte de terre avec lesdicts arbres pour leur faire la barbe et tondre
les racines qui touchent le corps du vase , aultrement l'arbre se r'abou-
grit, et meurt tost ou tard, de sorte que pour quelque teston les jardi-
' itSed omnium vero praestantissimum
est Chronicon jEgyptium a principio rerum
usque ad S. Ludovici expeditionem Pelu-
siensem. De hoc codice diligenter ad te scribet
P. Kircherus, qui eura accepit, et summo-
pere deprœdicat. n (P. 271.)
' tf Ipse P. Kircherus promisit se missu-
nmi tibi exemplar inscriptionis Sinensis
quam lioc libro explicat. Vellein significas-
set mihi maturius quae de Evangelii prsedi-
catione apud Sinas dissent, chapitre 11. ^
(P. ayo.)
' rrMensuras vasorum quas petis exglo-
rare admodum difficile futurum existimo,
quod piaillas cxtirparc, et terram qua op-
pleta sunt egei'ere necessum sit, quod do-
minis nolentibus et sine pubiica auctoritate
ficri vix poteril , ut quidem Romae vivitur. »
(P. 273.)
[1636] À HOLSTENIUS. &59
niers qui en praignenl le soirig seroient bien aises de vous faire ad-
vertir à la saison de faire leur tonture, et lors vous pourriez faire
l'examen de la mesure de leur contenance, avec quelque vase quel que
ce soit, que je puisse retenir et avoir en son temps pour en faire exa-
miner icy la proportion ensemble d'un moindre vase qui puisse con-
tenir le surplus de l'eau qui y sera entrée pardessus les mesures justes
réitérées du vase dont on se sera servi pour la grosse mesure du total.
Que si cela vous est encores trop malaisé, il leur faudroit mettre en
teste quelque aultre frate qui ne les laisse pas en repos; il ne fault que
le P. Thimothée Reinier des Minimes, ou aultre qui ayt tant soit peu
do curiosité, car ils seront bien aises de vous soulager d'aultant, et re-
mueront ciel et terre avant qu'ils n'en viennent à bout, et quand ils
auront adjusté toutes choses ils vous en advcrtiront pour vous y trou-
ver si vous l'avez agréable, et tenir le conterolle principal du mesu-
rage. Il fauldroit pour essai commancer s'il vous plaict de ce vase de
terre cuitte que vous dictes estre dans les jardins du Vatican qui con-
tient sur son bord la note numérale des moindres mesures qu'il y fal-
loit pour le remplir ' et faire acliepter pour cet effect une des mesures
pubbques modernes bien adjustée, et bien marquée, dont vous puis-
siez vous servir, pour y en verser aultant de foys la contenance
coinm' elle y pourra demeurer entière, el du surplus vous en ferez le
mesurage avec quelque petit vase pareillement des mesures publiques
plus petites, pour en mesurer ce qu'il y aura de trop à remplir oultre
les justes mesures jà employées. Et vous m'envoyerez par aprez les
mcsmes vases dont vous vous serez servy. Si aprez cela vous pouviez
prendre le loisir de mesurer quelques uns de ceux de la vigne de Lu-
dovisio*, il seroit encores bien meilleur, et à cet exemple, vous pour-
riez enfin venir à bout de ceux de marbre de S' Apostolo et de S" Cé-
cile. Gez bons pères vous soulageront d'une bonne partie de la courvée
si vous voulez, et M"" de Ronnaire fournira l'argent pour l'achept des
' ffEt allerius quod in horto Vaticano cxtnt, ubi labro superiori conjjiorum sive ampho-
rarum numerus inscriplus conspicitur. n (P. 373.) — ' "I" horlis Ludovisianis'<. dit Holsh;-
nius (p. âya.)
M.
460 LETTRES DE PEIRESC [1636]
vases nécessaires à ce mesurage «rrands et petits et pour ies salaires
des jardiniers et aultres qui y vouldrout coopérer. Que si M' Slegel
n'estoit encores party ' pour son voyage de Naples, il feroit bien volon-
tiers, je m'asseure, l'examen de celuy de Gayetle qui est dans l'église
s'il n'en a esté tiré, et qui consequament sera plus facile à mesurer,
aussy bien que l'eau Benoictier de l'église de S*" Maria Rotonda de
Naples, faict en forme de Trépied. Et je le feray fort soigneusement
rembourcer des fraiz qu'il y ernployera pour l'amour de moy, estant
bien marry qu'il ne se laissa gouverner icy quelques jours à son pas-
sage, car je luy eusse donné de la tablatlure d'importance pour son
voyage de Naples et de Sicile de l'humeur dont il est, et dont il eusse
bien faict son proffit. Il prendroit bien volontiers aussy la peine, je
m'asseure, passant à Terracine, de vérifier la mesure de la Decempeda
gravée sur le roc au bord de la mer, et passant à Cori de voir l'in-
scription antique oii sont les notes numérales dont est faicte mention
au Grutberus pag. dcccxcvi. lo. sur lesquels je voudrois bien avoir
faict plaquer du papier mouillé au moings sur la première ligne pour
juger de l'antiquité du charactere. M' Menestrier vous dira et audict
s' Slegel comment cela se pratique fort facilement, m'ayant envoyé
comme cela les empreintes de l'inscription de Duillius, et de quelques
autres, et s'il la pouvoit faire prendre avec du piastre mesmes je la
payerois bien plus volontiers. J'oublioys de vous dire que si pour le
mesurage de ce dolium de terre cuitte du Vatican vous trouviez de
la difficulté, il ne fault qu'en dire un mot de ma part à l'Em"* Gard''
Patron qui le fera incontinant commander et pareillement aux supé-
rieurs de S' Apostolo et de S'*" Gecile pour faire cesser touts ob-
stacles.
J'oublioys aussy de vous dire concernant ce Francesco da Barbe-
rino mis entre les plus anciens poètes vulgaires toscans, que ce fut
M' l'Evesque de Vaison Suarez qui ui'escrivit que Pétrarque en faisoit
mention et des habitudes qu'il avoit contractées avec noz poètes pro-
•' (rSlegelius civis meus adhuc Roraœ coinmoratiir : ubi aestus noxii remiserint, Neapolim
cxcurret.i (P. 97 3.)
[1C36] A HOLSTRNTUS. 461
vençaulx, où je n'en ay pas rencontré de mention expresse', y ayant
fort longtemps que je ne les ay visitez, mais j'en feray faire exacte re-
cherche à la première commodité Dieu aydant, n'ayant rien tant à cœur
que de pouvoir rendre quelque service à cette grande maison^, et con-
tribuer quelque chosétte qui peusse dépendre de moy, à sa recomman-
dation, je vous supplie d'en asseurer son Em'=« et me tenir tousjours.
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 2 octobre i63G\
' ttCum vero alias monueris emin. nos- VIAS ET MILIARIA
irum patronum auctoris illius noscio quam PEUQ-VENIDIVMRVF-FVM
'. ... ' UG-.AVGGPRPR.PRAE
memoriam extare m scriptis poetarum vcs- siDEM • PROVI.NC • SYR!Â?
Iralium, quos provinciales viiigo appellant, PHOENIC- RENOVAVERv'nT
afllicliin desiderat ut qiiidquid viri iiiiiis <ï> Il «
inemoria! illuslranda; ex poelis illis aliisque "
conquirere potcris, id quam primum sug- ,^ ^.^ «.lumna j.aU SyJonem.
gerere non graveris." (P. ayS.)
' (fPraîstabis sane rem longe gratissimam ET VIAS ET IMPERIVM
eminentissimo cardinali , si quid lucis ex te- PROVINCIAE SVRIAE
, . .... T, , . f ■!■ Il I I RENOVAVIT
nebris illis Barherinaj lannluc illuslrantlaB
erueris. " (P. ayS.)
' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce VENIDEVM RVFFVM
n° 60. — Voici les inscriptions envoyées
par Peiresc h son corres[)ondant et qui sont
copiées sur deux feuilles sans numéro pla- In mpc nàsa jmla (luvium Lycum vulgo Nabqveu
cées entre les pièces GG et 67 : """ ^»"8»" '•"""'"'' "»"""' '^^"'"^ ""•'" '^""'"
* coiossus dejectus iii marc jacol.
In coluuina iapidca ad viam Antonianam ii. miliari IMP'CAES'M'AVREMVS
aSidoneTyrum, iGag. ANTONINVS PIVS FEUX .AVGVSTVS
IMPERATORES PARTHMAXBRITMAX- GERMMAX-
CAESARES MONTIBVS IMMI.NENTIBV.S
L-SEPTIM5VSSAE LIGO FLVMhSl • CAESIS --=
VERVS-PIVSPffîl = VIAM DELATAVIT
TINAX- AVG-ARA
BtCVS : ADIABENIC ANTONIMAM SVAM
PARTHICVS-MAXI
MVSTRIBVNICIAË •
poTEsr-vi-iMPXi-cos-n- "''''<^" "»" '""k* '" ■""p*-
PROCOSPP- ' INVICTE IMPER-ANTONINI
ET M-AVREL-ANTONl HK FELIX AVG-
NVSAVGFIUVSEIVS MVLTIS ANNIS IMPERET
A62
LETTRES DE PEIRESC
[1636]
LXI
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je vous accuseray seulement la réception de vostre dernière du
U d'oct. ' et vous prieray d'accuser à M"^ Dormalius la sienne du i",
ne luy pouvant escrire ne à M' Bouchard ne auitres de mes amys
comme je pensois, estant contrainct de monter en carrosse dans une
heure pour aller au devant de M' nostre Premier Présidant nouveau''.
Seulement je vous remercie des soings que vous me promettez pour la
collation des passages de Josephe sur les MSS. pour l'amour de
M"' Petit qui vous en sera bien obligé quant et moy ', espérant qu'à cez
heures que vous serez au Vatican, vous pourrez en avoir plus de
commodité que devant et que possible le prochain ordinaire nous en
apportera ce que vous en aurez tiré, vous suppliant de vous en sou-
venir et des vers pour M' Schikard. Je vous envoyé un exemplaire de
l'Ammian de M'' Valois*, mais si S. Em** n'avoit encores receu le sien
je luy mande qu'il retienne le vostre et que vous vous remplacerez
sur le sien, et puis qu'il avoit les deux volumes des Historiens de
' La lettre du h octobre 1 636 manque au
i-ecueil de Boissonade. Les lettres qui se rap-
prochent le plus de cette date sont celles de
septembre et de ddcembre de la même an-
née (p. a68 et 974).
' Joseph du Bernet dont il a été si sou-
vent question dans les volumes précédents.
' (tLoca illa Josephi a Petito indicata nec-
dum ad codices mss. conferre licuit. Sed
nunc molestissimis exsolutus curis, sedulo
perquiram omuia quse studia ejus adju-
vare poterunt, mittamque ad te proximo
cursore quidquid hoc adminicidi fuerit."
(Lettre XLIV, p. ayi.) — itJosephi Loca
ciun tribus velustis et probis codicibus con-
tuli; puto duos adhuc alios reperiri, quos
prima occasione inspiciam : sed quantum
quidem hactenus observavi , veteres isti libri
parum sane ab edito exemplari variant, ut
vix operœ pretium sit contulisse ; tum vero
uterque ille Josephi locus integerrimus mihi
videtur, ut nulla egeat medicorum opéra. . . '■
(Lettre XLV, p. aSS.)
' irAmmianum ab Valesio recentatum
avido lubentique anime lustravi : sed nul-
lum adhuc aiiud exemplar ad nos periatum ,
praeter ilhid quod postremis tuis adjunctum
misisti, aiterum, quod Emin. Cardinaii te
jam antemisisse significas, necdumcompa-
ruit, uti nec Francici Scriplores a Querce-
tuno editi.i (P. 274.)
[163C] A HOLSTENIUS. «,63
France de M' Du Chesne, qu'il vous remette celuy que je luy envovois
pour elle, ou qu'il choisisse le meilleur des deux. Il y a aussy uirlib-
vret des plantes de Canada, s'il est de vostre goust'; sinon sera t'il
mieux de celuy du s' Naudé ou de son patron ^ si vous trouvez boa
de le luy despartir. Je loue fort le dessein que vous avez eu d'employer
le s' Arcadius^ en la version de l'histoire d'Anna Gomnena. Il le faull
adsister en cela, et le bon P. Athanase Kircher en celle de son Gelal-
dinus, et de son Barachias; j'en escripts à son gênerai, pour l'y ayder,
et pour avoir des observations célestes de ses missionnaires de loing-
taings pais. Aydez nous y je vous prie en ce que vous pourrez et à faire
souvenir S. Em"' d'en parler audict P. General. Au reste l'exemplaire
que vous m'envoyastes du Prodromus m'a esté enlevé par mes amys
de tout ce pais qui l'ont voulu dévorer en divers endroicts en sorte que
je ne l'ay quasi peu voir que bien superGciellement, et en attendoys
([uelque aultre de la part de l'autheur, mais un de mes amys, qui est
venu de Rome depuis peu, m'a asseuré que le pauvre homme n'en
avoit eu que pour en présenter ;\ fort peu de gentz, et qu'il n'en avoit
pas seulement pour luy, et que vous aviez eu commandement de re-
tirer toute l'édition, dont j'ay esté un peu estonné, et pense que vous
devez procurer qu'on luy en desparte quelque nombre d'exemplaires
pour en faire part à ses particuliers amys". Je pense qu'il s'en vendroit
' (rCanadensiuni plantarum hisloriani
eminentissimo ineo palrono reliqui , ut Am-
mianum eo facilius mihi impetrem , ubi al-
leruni exemplar allatuiti fuerit.» (P. 976.)
' Le cardinal Bagni.
' Arcadiiis n'esl pas une seule fois men-
tionne dans le recueil de Boissonade, ce qui
prouve une fois de plus que si nous n'avons
pas toutes les lettres deHolstenius à Peiresc,
comme l'a constate le savant éditeur de ce
recueil (Hinc patet non omnes nos liabere
liolstenii ad Peiresciiini opistolas, p. 976,
note 3 ) , nous n'avons pas dans toute ieu r in-
tégrité quelques-unes îles lettres imprimées.
' ffProdromi exemplaria trecenla P. Kir-
cherus a me accepit, prasler ea quœ jam
an te amicis obtulerat, nec puto cum de mea
in se voluntate conqueri posse : forte morain
segre tidit, sed coniponenda erant et dige-
renda folia ab imperitis nostris typograpbis
pessirae confusa, et nullo ordine ad biblio-
thecam Emin. Gardinaiis |)crlata. Detlisscm
adbuc unam alteramve ceiituriam. si res
mei fuisset arbitrii ac juris. Sed et ego
homo suni aliense polestali subditus , et scio
cum quibus œconomorum ingeniis lucter. *
(P. 976.)
464 LETTRES DE PEIRESC [1636]
facilement quelque nombre d'exemplaires en ce royaulme ; pour moy,
j'en achepteroys volontiers une demy douzaine pour de mes amys. Et
s'il s'en baille à vendre, je vous prie d'en advertir M"^ de Bonnaire que
je prieray de m'en faire achepter, avec un exemplaire de la Roma
Sotteranea', que je veux envoyer <i M'' Rubens. Ayant envoyé au P. Sir-
mont l'un de ceux que l'Eni. Gard^' Patron m'avoit envoyez, dont il ne
m'a pas seulement accusé la réception, au lieu de me faire part de
quelqu'une de ses observations sur iceluy, comme je me le promettoys.
Je suis constrainct de finir et vous supplie de me commander en re-
vanche comme,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Aix , ce 5 novembre 1 636 '.
LXII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Je vous escrivis hier si à la haste en partant d'Aix que j'oubliois de
vous dire que je desireroys qu'il vous pleust m'envoyer deux ou troys
exemplaires de vostre Porphyre pour en pouvoir faire part aux amys
qui m'en demandent avec instance, n'en estant poinct venu d'autre
deçà les Monts que celuy que l'Em. Gard"' m'envoya avant qu'il fusl
achevé d'imprimer', lequel a tant faict de chemin passant d'une main
à l'autre de ceux qui l'ont voulu voir qu'enfin il s'est perdu, de sorte
que je n*en ay plus, si vous ne m'en envoyez. Je vous faicts ce mot au
liazard pour estre joinct à Aix à mon paquet, s'il y peult arriver à
' Le monumental ouvrage d'Ant. Bosio ' Bibliothèque Barberini, vol. 79, pièce
(Rome, i63a, grand in-fol.) a été déjà n° ht.
souvent mentionné dans les précédents vo- ' Nous avons vu que ie Porphyre l'ut pu-
luraes. bliéen i().3o.
[I037J A HOLSTENIUS. 465
temps avant l'arrivée et passaçre de l'ordinaire d'Avignon et vous prie
me tenir en voz bonnes {jraces comme,
Monsieur,
vostre trez humble et irez obligé serviteur,
DE Peiresc.
Kn Arles, ce 6 nov. i630'.
LXIII
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
J'ay enfin receu avec voz deux dernières du 7 mars* les vers et
le bordereau des autheurs d'astronomie et de philosophie platoni-
cienne ou pythagorique attendus en si bonne dévotion, dont je vous
remercie trez humblement, et dont je tascheray d'user avec la discré-
tion requise Dieu aydant. Bien marry que la petite plainte que je vous
avois faicte de vostre silence, ayc mal rencontré, puis qu'au lieu de
vous surprendre en quelque tort qui y peult donner de légitime
prétexte au contraire je nie suis trouvé moy mesme dans le tort, en
une conjoncture où vous aviez de si justes excuses et si méritoires
descharges envers touts mes amys et serviteurs, tandis que vous travail-
liez si utilement à la conversion d'un si {jrand prince qui vous a si
bien reusry, ;\ la gloire de Dieu, à l'homieur de ce pontificat, et des
Km""" patrons, et à l'advantage du public'. Priant Dieu que voz peines
en soient meritoiremenf recogneiies eii ce monde et en l'aultre. El
cependant je vous en félicite de tout mon cœur, et vous crie mercy
d'avoir osé trouver à redire ;"» la dilalion de voz bons offices. Vous re-
' Bibliotli.Bai'berini.vol. 79, pièceu" Aa. sdvdrants efforts que Holslenius raiiiciiH le
' Cette lellre porte dans le recueil (le BniV prince luthérien dans le giron de l'Hjjlisi'
sonade le II* 4 Cri occupe les pages 083 à a ()8. catiiolicjue. Voir divers dncumeiils relnlif-
' C'est dans les deux premières pagos do à celle cvnversion . et nutaniuionl un nir-
la lettre XLVI qu'on trouve le rt'cit de la moire r«kligd par le convertisseur, dans le
conversion de Fn'derio, landffrave de Hesse. fascicule IV des Amis d'IIolsteHmt . |)ar
Ce ne fut qu'au boul de trois mois de pcr- M. Léou-C. IVIissier (p. 3o6-3i6).
». jg
i66 LETTRES DE PEIRESC [1637]
merciant Irez humblement de l'excez de l'honnestelé avec quoy vous
avez daigné prendre en bonne part la surcharge de mes importunitez ,
et me combler d'obligation en mesme temps, par la participation de
tant de curiositez notables, jà faicte ou promise, tant pour mes amys
que pour moy, oultre les bons offices que vous me rendiez à mon desceu .
en la distribution de toutes mes lettres à mes amys, dont j'eusse
faict grand scrupule de vous endosser le soing, m'estant imaginé que
vostre temps estoit trop précieux pour le divertir de tant de grandes
et généreuses pensées, pour s'amuser à commander cez vétilles à un
serviteur, et j'estois bien aise aussy de cacher voz lettres à la curiosité
des commis de la secreterie [sic), et m'asseurer qu'elles vous eussent
esté rendues de la main propre de quelqu'un de cez aultres messieurs
qui monstroient d'eslre si bien aises de vous y servir. Mais puis qu'ainsin
est que vous avez si souvent prévenu la prière que je vous en eusse
deub faire à l'advance, et que vous y prenez plaisir et me l'ordonnez,
je le feray donc ainsin meshuy, à la charge pourtant que vous ne vous
en mettrez poinct en plus grande peine de m'escripre que quand vous
aurez quelque chose à me commander, et suffira qu'il vous plaise d'en-
voyer par quelqu'un de voz domestiques les lettres que j'adresseray à ■
cez messieurs joinctes aux vostres, sous l'enveloppe de S. Em'='= laquelle
m'en avoit dernièrement touché encor un mot elle mesme dans ses
lettres, lequel je n'avoys pas si bien compris comme je faicts à cette
heure que vous m'en avez parlé avec tant de franchise, et de courtoisie.
Or pour respondre maintenant aux principaux chefs de vostre
despesche, je commanceray par ce qui concerne les Basiliques dont
M' l'Evesque de Vaison m'avois [sic) laissé la charge et quelques in-
structions, avec une lettre pour Thoulouse, mais il s'attendoit de m'en
escripre et faire escripre plus amplement de Rome à son arrivée, dont
nous n'attendions pas la resolution que par le prochain ordinaire d'icy
à i5 jours ^ Mais puis que S. Em'^" m'a envoyé la lettre de crédit re-
formée, je pourray conmiancer de reprendre les errements du traicté,
' Voir sur celle affaire des Basiliques les pages a84 et a85 de la lellre XLVI de Holste-
nius.
(1637] À HOLSTENIUS. 467
et d'escripre à ce bon père qui l'avoit entreprins, ayant cependant es-
cript au s' Lumaga de Lyon, pour voir quel moyen il fauldra tenir
pour acquitter cette partie. Car comme M' de Vaison m'a dict qu'il ne
s'est parlé en façon du monde en toute cette négociation, du nom de
MP'l'Em. Gard"' Barberin, ains seulement du sien particulier, je crain-
droys bien que de le mettre en evidance avant qu'estre nanty des
livres, il ne se rencontrast de nouvelles difficultez, d'appréhension que
la sortie de ce thresor hors du royaulme ne l'ust traversée et qu'on ne
voulust courir sur le marché; c'est pourquoy j'ay escript à M' Lumaga
pour sçavoir s'il ne feroit pas une l'escription nouvelle en recevant
celle là soubscripte de moy, pour faire acquitter la partie par mon
ordre ou de M' de Vaison sans parler de S. Em""* de peur de nous
mettre nous raesmes un pied devant l'aultre qui nous peusse faire
cheoir, et descheoir de l'espérance ou de la jouyssance d'un bien
qu'il semble qu'on tienne desjà. Dont je seray bien aise aussy que vous
teniez advertie S. Eni. pour me garantir de tout reproche de ce costé là.
Je vois aussy que la lettre est conceiie en termes de looo escus au
soleil, comme si c'estoit en espèces d'or qui doubleroient quasi la val-
leur ancienne reduicte en libvres, dont il sera bon d'estre esclaircy
par M' l'Evesque de Vaison à son arrivée. Cependant je loue bien
vostre addresse à faire approuver à S. Em. le traicté, nonobstant qu'il
se trouve que cez volumes ayent esté transcripls puis que tousjours
est ce un original, auquel on peult avoir recours en tout temps comme
aux Pandectes Florentines, qui n'ont pas diminué leur crédit et leur
prix pour avoir esté si souvent transcriptes et imprimées, et je croys
bien qu'on ne pourra pas facilement nous surprendre ou supposer des
volumes qui ne soient les anciens en vellin de 5 ou 6oo ans. Mais
pour les feuillets, je crains bien qu'il n'y puisse avoir quelques pe-
tites imperfections en divers lieux, (jue les uns ont voulu altrihuer
à (stc) mauvaise foy de Cujas, ce que je ne croiroys jamais •, et d'aultres
' Peiresc avait bien raison de ne pas celle solle accusation le grand juriscou-
vouloir croire h la culpabilil*^ de Cujas. suite dans la priTace de son édition des
Anniba! Fabrot a très bien disculpé de Basiliques.
59.
468 LETTRES DE PEIRESC [1637J
à la simpiicité des petits entants qui tranchent les cadeaux et enlumi-
nures quant ils rencontrent des livres qui en sont enrichys'.
Quant à la coppie qui en a esté faicte, je vous promets bien que
je feray toutes les instances possibles de la retirer, s'il est possible do
l'avoir pour de l'argent, soit du niaistre des originaulx, ou de celuy
qui les a transcripts que j'ay depuis apprins se nommer M' Le Febvre
et s'estre retiré à Orléans sa patrie depuis quelques années où il a ob-
tenu à la dispute une régence en droict-, ayant esté précepteur de
M' le baron de S' Jorry^ quelques années, et possédé paisiblement les
bonnes grâces de M"' de la Goste lors professeur à Thoulouse des prin-
cipaux et plus renommez, pour la sciance du pur droict et des bonnes
lettres. Mais avant que presser l'un ou l'aultre de tout cela, si j'en es-
toys creu, je vouldroys estre nanty des originaulx de cez volumes, crai-
gnant tousjours mille rencontres inopinées, qui nous peuvent faire
tomber cette proye d«s mains, pour peu qu'il se trouve d'occasion de
différer la condusion et exécution de ce traicté; que si je voys qu'il
n'y ayt plus d'espérance à recouvrer les coppies aussy bien que les ori-
ginaux, je tascheray de faire mettre la clause de garentie qu'elles ne
s'imprimeront pas de quelques années, si faire se peult, et si la chose
depand de M"^ de S' Jory, je croys fermement de l'obtenir de sa cour-
toisie, parce qu'elle est du debvoir. Vous m'avez bien mis la pulce à
l'oreille de cet exemplaire du texte grec d'Henoch sur quoy vous me
dictes que M'' Grottius a travaillé, à qui j'en escriray S pour en sçavoir
ce qui s'en peult espérer, vous remerciant bien affectueusement de
' C'est l'oxplication pioposée par Fabrot : ' C'était un descendant de Pierre du Faiir
trJe croirais plutôt qu'avant que ces livres de Saint-Jorry, premier président du parle-
vinssent entre les mains de Cujas , ou après ment de Toulouse. Voir sur les Saint-Jorry
sa mort, ils sont tombés entre les mains de et les Basiliques, la Correspondance de Pei-
quelqucs enfants; à leur âge on aime les resc avec /eVôme ^Ife'flHf/re, publiée par Fauris
papiers forts et les parchemins; ils auront de Saint-Vincens, p. 17-1 S.
fait des coupures sur le bord, n ' rfDe libro Ilciioch plurimum tibi gra-
' Je n'ai rien trouvé sur ce personnage, lulor: versiotantofaciliorerit.quod Graecum
même en demandant secours à un érudit ejus libri exemplar adhuc supersit, in quo
d'Orléans qui connaît le mieux du monde Dn. Grolius, si rectememini, se laborasse
l'histoire littéraire de sa ville natale. aliquando aflirmabat.» (P. 287.)
[1G37J A HOLSTENIUS. 469
l'advis. Je luy escripray par mesme moyen de ses observations sur le
Josephe, pour voir s'il n'auroit pas dezagreable de les communiquer au
sieur Petit ou au public sur l'occasion de l'édition qui se va faire de cet
autheur. Je luy avoys cscript pour le Procope et en attends sa responce.
J'escriray à M"" l'Archevesque de Thoulouse pour avoir les commen-
cements des livres de son Theon, et le prier de le faire porter (pianl
et luy à Paris au cas qu'on eust de besoing d'en tirer de plus grands
suppléments'.
Et suis merveilleusement aise d'avoir veu la relation qu'il vous a
pieu me faire de ce vieux MS. des prophètes, marry que les grands n'y
aient les astérisques et diverses leçons qui sont aux XII plus petits'''. Il
fauldra faire diligence de conférer l'exemplaire des XII petits du Gard"'
de la Rochefoucauld que le feu P. Fronton a gardé longuement aultres
foys', lors mesmes que je luy avois faict venir la Genèse MS. ([ue vous
avez veiie à feu M'' Robert Cotton, à qui le feu roy de la Grand Bre-
tagne l'avoit baillé, en don ou en garde, avec une infinité de vieilles
chartes originelles des principaux monastères de son royaulme *. Il
seroit à désirer certainement que l'édition du texte grec de la Bible
fusse plus favorisée, et qu'on esvitast la prévention de la part du
s' Patricius Junius^, qui n'y fera pas moins que Priceus*, avec le se-
cours de ce vieil exemplaire d'où il a tiré l'epistre de S' Clément. C'est
' TQuiii potius lioc âge ul exemplar siiuin
Luletiani scrum déférât, ut, si quid iiide
transcribenduin l'uorit, in promptu sup-
pelat.» (P. q8().)
' Voir beaucoup de détails sur ce nia-
nuseril, trexenipiar iilud vetiistissimum'n ,
apporté de Grèce tra Neopliyto Riiodiiio, sa-
cerdoteCypriot à la page a 90 (lettre XLVI).
■^ itSalis al) cxeinplari Hnpisfocaldaeo dis-
tinclum cxislirnavi.» (Ibid.)
* ffCodicem ilhini non Régi», sed Got-
tonianœ Inhliotlieciu , qui librnra Gcnesis
coinpleclitur, saîpius vidi, et ipsius Fron-
tonis lestinionium jiropria cjus manu scrip-
tum in fronte libri legi, quo antiquitali et
praîstanliœ ejus insigne testimonium |)er-
hibet.»(P. 993.)
' Boissonade traduit ainsi ce nom (p. 8,
note a) : tVulgo Yonge, ul scribil H. Spel-
mann , aut potius Young. « Go bibliotliiHiairp
du roi d'Angleterre est très souvent men-
tionné dans les lettres de Holstenius, notani-
niont page 398, où il est ap|)olé svir doc-
tissinius et accuratissimus'>.
' Jean Priée ou du Prit. Voir sur cet
humaniste de Ixmdrcs le recueil des Lrt-
Ires de Peiretc aux frères Dupuy, t. lU.
passim.
470 LETTRES DE PEIRESC [1637]
grand pitié que la jalousie de noz maistres moynes nous laisse enlever
cet honneur sur la moustache de tant de braves hommes qui y ont
desja travaillé, et faict de si grands progrez comme vous avez faict, et
ce bon P. Lanselius'. L'édition du Theodoreth achevée, il y fauldra
venir veuille t'on ou non, aprez laquelle si le P. Lanselius avoit de
quoy reparer deux mille passages, il en trouvera le double, et le
R. P. Vincenzo Richardi qui a si utilement travaillé sur le MS. du
Vatican ^.
Je vous félicite l'usage et possession des nouveaux MSS. venus de
Florence à S. Em'=% mesmes de cet Mlïan de Animalibus^, que M' de
Saulmaise a conféré durant deux moys de sesjour qu'il a faict à
Dieppe sur un MS. de la bibliothèque du roy qui y fut envoyé exprez,
par compassion de le voir en Iranze de ne ])ouvoir esviter oisivetté, sur
ce qu'il en avoit rencontré un aultre exemplaire sur les lieux, et qu'il
avoit désiré de moy un gros MS. de Animalibus, qu'il veult faire mettre
ensemble soubs la presse. Je l'en advertiray pour se prevalloir au
besoing de la confcrance de quelque passage des plus dellabrez. Ce
voUume des anciens médecins en charactere lombard pourra bien
fournir quelque bonne pièce, et je vous ay bien de l'obligation d'avoir
incontinant pensé à moy, pour les fragments qui s'y trouvent de Ponde-
ribus et Mensuris, que vous m'obligerez bien de me faire transcrire
exactement s'il est loisible, puis qu'il vous plaict vous y offrir de vosire
grâce si courtoisement ". Je n'ay poinct veu ce Lexicon matliematicum
' Ce docte religieux est ainsi mentionné
par Holstenius, p. 292 : trLanselius, ejus-
dem Societatis Iheoiogus pereruditus, bis
mille loca ex SS. Patrum scriptis se anno-
tasse scripsil, quibus editio Romana a LXX
vera interpretatione discrcpat." Boissonade
ne cite sur Lanselius que VOtwnt. de Saxius
(t. IV, p. 25). On trouvera un article com-
plet sur Pierre Lansselius (1579-1682)
dans ie tome I\^ de la Bibliothèque de la Com-
pagnie de Jésus par le P. Carlos Sommer-
vogel (1878, col. 1494-1496).
' rrSed ut ad Biblicas observationes re-
deam, vivil bic in Urbo Vincentius Iticliardi ,
clericus regularis , vir probus et beoe doc-
tus Sacras et Graecas lileras , etc. 1 (P. 298.)
Boissonade renvoie b ÏOnoin. de Saxius
(t.IV, p. 3ii).
' irFuit iuter eosdem opus /Eliani Grae-
cum de Animalibus scriptum manu cleganti,
quod non sine fructu cum edito conferri
possel.» (P. 397.)
' ffAnte triduum varii MS. codices Fio-
renlia ob eminentissimuui nosli'um Patrc-
[1637]
À HOLSTENIUS.
471
de Conra. Dasipodius, ne consequament l'édition qui y est de l'Héron,
où sont obmises cez petites notes des poids et mesures, et le feray
chercher où. je pourray'.
Je m'estonnc que M' Bouchard n'ayt pas receu le mémoire de
M*" Vallois pour les epistres de Libanius qu'il avoit désirées, ne m' es-
tant poinct apperceu qu'il se soit perdu aulcune de mes despesches
d'icy à Rome de longues années^, et fauldroit que son pacquet par-
ticulier se fusse esgaré, en secretarie, comme aultres foys, en des-
mesnageant de Morttevallo (?) ou du Vatican, et possible que mon
iiomme eust manqué de l'enfermer soubs mon enveloppe et qu'il se
fust confondu parray d'aultres papiers, comme il est advenu aussy quel-
quefoys; je luy escriray pour voir de le refaire; cependant, pour ne pas
perdre de temps, je pense que quand M"' Dormalius' l'entreprendroil
tout, la perte n'en seroit pas bien grande, de ce que M' Valloys peult
avoir desjà, et possible moings correctement. Je luy en avois escript
en ce sens dez le pi'ecedant ordinaire.
Mais je m'estonne bien encores plus, que vous n'ayiez pas trouvé
dans la Bibliotiieque de l'Em. Gard*' patron quelque vieux MS. d'au-
theurs militaires, parce que ung temps y a il m'en avoit esté faict
grande feste particulière, non pas certainement des grecs, mais des
latins". Ce que j'avoys négligé, n'estimant pas lors qu'il s'en peusse
nuin perlati fiiere, in cjuibus priecipuus
mihi videtur codex f^ongobardicus varioruin
mediconira antiquoruiii, notas sane opliraae,
cujus indicem qiiain primum conficiam, et
videbo num alicujus inomenti sint quae de
Ponderibus et Monsuris eodem voluinine
continentur, quœ in tui gratiani transcribam
diligeiiter.»! (P. agô.)
' «rHeronis aiitem Geodesia Grœcc et
Latine ferme tola édita est a Conrado Dasy-
podio, Aiifcntorati, in-8°, cum Lexico Ma-
thematico ejusdem auctoris ; sed et illic
capita illa de mensiiris et ponderibus desidc-
ranlui-.T, (P. a 8 G.)
' irDe Libanii Epistolis ex Vaticana bi-
bliotheca transcribendis neque mihi neque
Buchardo, ut quidem ipse ait, hactenus
quidquam scripsisti. . . 1 (P. 'JgS.)
' (tUbi numerum earam quas petit Vale-
sius transmiseris, Dormalius nosler o|)erani
suam libenter tibi pra-stabit. <■ (P. agS.)
' itDe indice Scriplorum Militarinm ex
Vaticana bibliolheca haud ila Sicile tibi mos
grri potcrit, cum nec niibi nec Buchardo
indices evolvcre liceat, neque subadjuva
bibliolheca;, qui canis .Esopici instar alios
lani morose arcet, huic ojicri suflicil; illi
enim emineiitissimus Cardinalis hoc nego-
472 LETTRES DE PEIRESC [I637|
tirer tant de fruict comme je penseroys à cette lieure qu'il seroit pos-
sible. La seule inscription de mon cbettif MS. du Vegece qualifié
COMES ECCOLII ou bien ATYLII, qu'un aultre MS. qualifie COMES
CONSTANTINOPOLITAN m'ayant faict juger qu'ils ont voulu dire
cornes SCOLAE ou SCOLAR, et possible de quelque lieu particulier
de la ville de Constantinople où se faisoient les exercices des escoles
de la milice, qui peust avoir encore plus de rapport à ce dont les
vestiges se trouvent en mon MS. se trouvant une novelle de Tlieodose
et de Ventinian [sic), de Scolaribus comitibus scolarum, lit. XXVIII
des novelles de Tbeodose, au Code Theodosian, sur les prérogatives
que tels officiers avoient sur les sénateurs et aultres qui professoient
la milice, laquelle est publiée du consulat de Gyrus, qui est bien
proche de celuy qu'escripvoit Vegece les règles et maximes militaires
en ce païs là. Si vous avez là des vieux MSS. du Code Theodosian, vous
m'obligeriez bien de conférer cette novelle, et m'envoyer les diverses
leçons s'il y en a aulcune, et par occasion si l'edict d'autorisation du
roy Alaric y estoit je vous prie de le faire conférer aussy, et sur tout
s'il y a aulcun edict ou note de confirmation de Chalesmagne (sic), ou
d'aultre de noz roys des Gaulles, en teste de ce Code Theodosian.
Mais quelque difficulté que vous rencontriez en la liberté de chercher
les indices du Vatican, je vous supplie de ne vous en point lasser,
jusques à ce que vous ayiez trouvé ce qu'il y peult avoir du Vegece,
et aultres autheurs MSS. grecs ou latins de la milice, pour en avoir le
bordereau un peu exacte, et l'extraict des filtres de Vegece, et de la
conclusion de ses œuvres.
J'en escriray plus tost, si besoing est, à l'Em. Gard*' S. Onophrio, à
.qui l'Em. Card^' patron m'esA'ipt avoir renoncé la charge de Biblio-
thécaire et au custode Giustiniano ' encore, vous suppliant me faire
lium comniisil; dabo tRmen operani ul ' Ou Jusliniano. Voici ce qu'en disait
quain primum indiculus conficiatur. In bi- Holslenius dans la lettre XL (p. 967) :
l)liotheca cardinalis nostri niliil , quod obsev- rNam qui nunc bibliotheca» prseest Hora-
varim , antiquorum scriptorum de hac arte tins Justinianus omnia alia intelligit potius
evtal. 1 (P. 996.) et curât qiiani vetcres libres. ^^ Cf. la note
[1637] À HOLSTKNIUS. 473
escrire le mémoire de leurs tiltres et (jualitez de l'un et de l'aultre
pour cet elTect, et des soubscustodes aussy, pour ne rien obmettre
si le trouvez à propos.
Nous attendrons les diverses leçons que vous nous promettez du
.losephe pour M'' Petit avec voz observations, à vostre commodité:
cependant son ouvraige s'advance fort, et j'ose bien vous respondre
qu'il prendra en trez bonne part tout ce qui viendra de vous.
Le bruict arrivé Iraiscbement d'Avignon, qu'à cez Pasques il vient
un nouveau vicclegat M^"^ Sforza, nous faict espérer que par cette voyc
vous nous ferez tenir les exemplaires que vous me promettez de vostre
Porphyre. Que si la commodité vous en [estoit] eschappée, je vous
prie de les envoyer (et toute aultre chose que vous aurez pour moy
de trop grand volume pour les courriers de Gènes) chez les"' Guillaume
Despiots, qui a journellement des commoditez d'envoyer toute sorte
de fagots, à Marseille à droiclure, ou par ses correspondances de Li-
vorne et de Gènes; aultreraent les aimées toutes entières vous eschap-
peront comme au s"" Menestrier et à Mess" le Gavai, del Pozzo et de
Bonnairo, avant que des mariniers de Provence vous aillent chercher
les uns ne lés aultres au palais, pour vous semondre de se charger de la
voiture que vous aurez à me faire tenir.
J'ay prins grand plaisir de voir ce que vous avez desjà r'assembh"
du Porphyre et escriray pour voir s'il s'y pourroit rien suppléer. Mais
si j'esloys cappable de vous donner aulcun conseil ou si j'avois assez
de credict sur vous, je vous demanderoys volontiers en grâce (qui esl
bien plus que de le vous conseiller) de vouloir remettre le soing dune
belle édition à Mess" les Elzevirs, non seulement de ce que vous avez
inqjrimé à Rome de Porphyre, mais tout ce que vous avez recueilly de
])lus de ce grand personagc, qui se feroit en si beau charactere, si
correltement, et si honnorablement, (jue vous n'auriez aulcun subjoct
(Jo Boissonade ([iii cite divers auteurs sur notre tome IV, qui cite nolamnieut Brp-
ce bibliothécaire détesté de Bouchard et quigny ^«ns 'e tome XLIH (p. 988) des
de Naudé, comme nous avons eu pré- Mémoires de VAcadémie des hiscriptions et
cédeuiment l'occasion de le l'appeler en bellfs-letir:».
T. 60
474 LETTRES DE PEIRESC [1637J
d'y rien regretter et tosl ou tard m'en sçauriez bon gré, je m'asseure,
n'y ayant persone dans l'Europe qui s'en puisse acquitter si noblement
et si dignement que cez Messieurs là, n'en desplaise à noz libraires de
Paris, qui ne sçauroient de long temps rien faire qui vaille, ne qui
soit comparable à la besoigne de Leyden. J'en attendray vostre res-
ponce un peu plus catliegorique, s'il vous piaict, que devant. Et si
tandis qu'on pourroit travaillera refaire le volume jà imprimé à Rome,
et que vous serez en queste des aultres assortiments et secours que
vous pouvez espérer, vous voulez laisser faire aussy quelque aultre de
cez bons autheurs grecs dont vous avez faict feste audict s*" Louys El-
zevir, en luy faisant voir coumie vous me dictes les coppies toutes
prestes à mettre soubz la presse, vous verrez bien tost ce que cez
Mess" sçavent faire'. Quant aux Platoniciens et aultres, je vouldroys
bien voir que vostre entreprinse de les donner au public peusse réussir,
et pense que si vous commandez par le Jamblique, il seroit trez bien
receu, et entreprins avec vigueur. Cependant je verroys bien volon-
tiers s'U estoit loisible ce 6*^ libvre, qui comprend un commentaire sui-
l'arithmétique de Nicomachus et ce que vous avez du Nicomachus
Gerasinus sur l'arithmétique de Pythagore, que je vous renvoyerav
fidèlement et bien tost.
Au reste je ne pense j>as qu'il fallust négliger cez versions quoy que
bien ineptes du Jamblique de la vie et secte de Pythagore, puis qu'en
cez matières si délicates on peult proffiter des moindres vestiges du
inonde qui nous restent de cez ouvrages plus qu'humains, que l'anti-
quité nous a tant enviez.
Je crains bien de ne pouvoir pas escrire de cet ordinaire concernaiit
le discours du s'\. No[gue]ra de la langue Hespagnole^, n'ayant encore
î, irAuctores illosGrœcos in commonitorio linguœ scriploribus, Du. Vincenlii Noguei-œ,
Liidovici EIzevirii a me nolatos ipse apud cum inea manu describeie cogei'er, supe-
me vidit édition! ferme omnes jam paralos. riori cursore mittere non potui. Auctoreni
Porphyrii omnia opuscula collecta habeo.fl tibi nolum esse exislirao, virum sane Im-
(P. 294.) manissimum etquicuui prfBcipua nobililale
ffEpistolicain dissertationem de liuguu summam eruditionem conjunxit. Judiciimi
veleri Hispanoruni , ol de prtecipuis ejui; liomini summum et exquisitissimum . om-
|1637] À HOLSTENIUS. /iT.")
sceu prendre le temps de le lire attentivement comme je le désire, et
comme je pense qu'il le mérite. Et finiray pour ce coup mes importu-
nitez accumulées trop à foule, que je vous supplie me pardonner, et
me commander tant plus librement en revanche comme.
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur.
DE Peiresc.
A Aix, ce 9 avril 1687.
J'oublioys de vous accuser la réception des deux exemplaires de la
dernière édition des vers de N. S. le Pape in-^" puis que c'est vous
qui me les^avez adressez de la part de S. Em"'. Je le faicts donques
le plus humblement que je puis, en ayant envoyé l'un à Mp' le Chan-
cellier de France^, et l'auitre à Mess""' du Puy, ayant réservé pour mov
l'un des aultres que j'avoys cy devant rcceus.
Je pense qu'une édition in fol" conmie celle des vers du Chancelier
de l'Hospital seroit bien plus belle que toutes les aultres'. Voire l'ou-
vrage meriteroit bien une édition in fol° en grand charactere comme
celle des vers de feu M' Servin, qui estoit si grosse qu'il n'y falloit
pas do lunettes pour qui que ce fust pour la lisre*, et vous assure
nium lingiiarutn porilia accurata ad mira- où l'on a[)prend qu'à la fin de l'anniM; prd-
ciduni usqiie. . . b (P. 397.) — Voici un c^denle, au moment où les poèmes du pape
autre bel t'ioge de Nojjuera h la page ^99 : Urbain VIII allaient être nu's sous presse.
rrDegit hic in Urbe Vinc. Noguera , no- les caractères du Vatican déplurent telle-
bilis Lusitonus, vir summe doctus. . . Ni- ment h Sa Saintett', (ju'il fallut h grands
liil vidi huiiianius, niliil suavius hoc ho- frais s'en procurer d'autres.
mine...i Voir (p. 097) une note de ' Pierre Si'guier (!fait chancelier depuis
Boissonade sur ce correspondant de Peiresc i'annde i635. On sait que c'était \m parent
qu'il appelle Nogueyra et au sujet duquel et (pie ce fut un protecteur de Peiresc.
il cite divers auteurs, notamment Bouchard ' Mich. llospilalii epistolarum »eu ser-
et Gassendi. moiium libri VI (Paris, Maui. Pâtisson.
' tt Intérim, eminenlissimi cardinalis 1 585, petit in-fol.). Trois personuag(>s cé-
jussu, milto duo exemplaria poemalum lèbres soignèrent ceUc magnifique édition :
Sununi pontificis, correcfa jnm diligentiiis.n Guy du Faur de Pibrar. Scévole de Sainle-
[?. 388.) Voir encore sur celte édition des Marthe et J.-Aug. de Thnu.
premiers mois de l'année 1637 la page 978 * L'auteur du Manuel du libmire n'a pas
60.
/i76 LETTRES DE PEIRESC [1637J
que les vers en paroissoient bien plus beaux et plus élégants qu'ils
n'estoient.
Je ne toucheray qu'un mot des Basiliques à S. Em"et à M"" l'Evesquc
(le Vaison, et me rapporteray pour l'un et pour l'aultre à ce que je
vous en escripts plus au long, dont je vous supplie de leur faire part
pour ma descharge envers l'un et l'aultre, et pour leur soulagement
aussy, bien raarry que vous en ayiez la courvée plus grande, mais vous
ne la plaignez pas en cez sortes de négociations ^
LXIV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
C'est une bien grande surabondance d'honnesteté que la voslre ,
puisque sans avoir receu de mes lettres par le dernier ordinaire, vous
n'avez pas laissé, non seulement de m'escrire, mais de me combler de
la participation de tant de belles pièces et de vostre façon, et de vostre
curiosité, que je ne vous en sçaurois jamais rendre d'assez dignes
actions de grâces, mais vous ne laisrez pas d'accepter, s'il vous plaict.
telles que je puis les vous faire du plus profond de mon cœur, me
recognoissant vostre obligé jusques au dernier poinct, et désirant le
vous faire mieux paroistre à l'advenir par les effects de ma gratitude
et de la vénération que je porte à l'eminance de vostre vertu si j'en
puis trouver plus de moyens que je n'en ay eu cy devant. J'ay donc
receu le cahier des passages du Josephe conférez sur les deux MS. du
Vatican et de la Palatine, que j'ay incontinant envoyez à Paris à M' Pe-
tit, lequel s'y estoit acheminé depuis peu, m'asseurant qu'il s'advouera
connu cette pièce imprimée en si gros ca- ' Bibliothèque Rarbprini, volume 79,
ractères et qui est extraordinaireinent rare, pièce n° 63. — On trouve une copie <le
mais il mentionne une autre plaquette de cette lettre dans le volume 5,17a du fonds
Louis Servin, en prose celle-là : Plaidoijé français, nouvelles acquisitions, fol. 77 v°
de Monsieur Servin, advocat gênerai du à 79 v".
Roy, etc. ( 1 699 , petit in-fol. de 1 a pages).
[1G37] .\ HOLSTKNIUS. /i77
bien vostre obligé de ce labeur et le sera bien davantage si vous
trouvez la commodité de luy faire entendre voz sentiments, ou les
motifs pour lesquels vous ne vouldriez pas vous despartir de l'édition
de Basic ', pour suyvre ses conjectures, comme vous me les faictes
espérer, mais je crains que le temps ne vous soit trop court, si vous
faictes le voyage de Malte et de Sicile, où je seray bien aise que vous
ailliez desterrer mille bons livres qui y sont, je m'asseure, comme
ensevclys parmy des gents qui ne font guières de profession d'estudo.
estimant que le public se pourra bien prevalloir" de vostre second
voyage en ce pais là, et que vous n'en reviendrez pas sans de trez
ricbes despouilles, de ce que les ministres des derniers empereurs
grecs, qui y avoient esté recogneus, y pouvoient avoir faict porter,
oultre ce qui y pouvoit estre demeuré du plus vieux temps. Et j)our
cet eflecl je loiie grandement le sesjour que vous y voulez faire tout
cet esté, où il ne vous manquera pas de lieux IVaiz et salubres, pour y
passer les clialleurs, à la visite de cez bons libvres. Mais je ne seroys
pas d'advis que vous reveniez sans vous estre donné la peine d'aller
voir cez montagnes de sel qui y sont en quelques endroicts, celles où
se trouvent tant de scbeletes de géants et celle mesmes qu'on dict estre
toute farcie de dents d'elepliant ou d'ivoire fossile, entassé confusé-
ment, pour voir s'il y a parmy aulcuns coquillages, ou aultres marques
evidantes que ce peussent avoir esté des dents ou ossements de monstres
marins comme cez glossopetrae - dont les montaignes de Malte sont
toutes farcyes; surtout pour les géants, voyez, je vous en supplie, si
vous n'en pourriez poinct voir des oz, non cncores arrachez des lieux
mesmes où ils se desteri'ent, pour pouvoir juger s'ils sont ou s'ils ont
esté environnez d'aulcune fabrique de main humaine ou non pour
leur tombe ou s'ils ont affecté simplement des cavernes, qui aultres
foys puissent avoir esté soubz les ondes, comme noz montaignes garnyes
' GVsl l'àliliou priiiceps donnée |)af toire naturelle de Pline, où il signifie
J. Froben en i544 (in-fo). de près de (1. WWll, cli. x, S 5()) : pierre précieuse
mille pages). qui i-esscniMc !i la langue de Ihomme.
' Peiresc avait Irouvé le mot dans 17/is-
478
LETTRES DE PEIHESC
[1637]
de coquillafjes, et aultres animaux ou fruicts marins. El si ce ne pou-
voient poiiict avoir esté de cez veaux marins de ia grosse race cetlacée ',
les quels ont une teste bien approchante de l'humaine pour les os et
mesmes des bras et aislerons, garnis d'ossements quasi pareils à ceux
des os des mains et des pieds humains, et s'en trouve de si gros en
Palestine, qu'ils ne se peuvent avoir qu'à coup de canon comme des
baleines. Quant au Q. Gurtius que vous avez veu en Angleterre, j'en
ay donné l'advis à M"' de Vauzelas^, pour l'envoyer transcrire et m'as-
seure qu'il s'en pourra bien prévaloir, et ne manquera pas de vous en
tesmoigner le bon gré qui vous en est deub, et son obligation particu-
lière, à laquelle je prends toute la part que je doibs,et vous en suis
trez redevable, ne doubtant pas que puis que la suitte de l'histoire \ est
toute entière, il n'y ayt bien moyen de restaurer sinon le vray texte de
l'autheur qui s'est perdu, au moings la substance principale de ce qui
y maquoit.
L'attestatoire de ce médecin D. Gio. Gonçales, sur la production
prodigieuse d'un prunellier dans la poitrine de ce berger espagnol', est
bien remarquable et nous fera bien impaliament attendre le libvre
entier qu'il en promet; je ne manqueray pas de faire les remeiciments'
trez humbles à l'Em""" Gard'' Patron puis que c'est de son ordre que
vous me l'avez envoyée, et ne laisse pas de vous en demeurer bien
obligé, et de vostre soing encores de m'envoyer le bordereau de la
qualité des deux MSS. de S. Em" concernant l'Almageste de Ptolemée
traduict de l'arabe en latin. J'ay envoyé à M' l'Archevesque de Thou-
' Les auteurs du Dictionnaire gcnérnl
de la langue française constatent que Cot-
grave, Furelière, Trévoux et l'Académie
( 1 769 ) écrivent celacèe.
' Claude Favre de Vaugelas , né à Mexi-
mieux (Ain) le 6 janvier i585, mourut h
Paris, le 26 février i65o. Sa traduction de
Quinte-Gurce parut en i653 (in-4°, Paris,
Aug. Courbé). On raconte que l'académicien
travailla pendant trente ans — ce qui est
peut-être exagéré — ii celte traduction plus
élégante que fidèlf. La mention faite par
Peiresc prouve du moins que M. de Vauie-
las (comme on prononçait son nom) s'occu-
pait de son auteur favori treize ans avant
de mourir.
' Il a été déjà plusieurs fois question,
dans la correspondance de Peiresc, de cette
curiosilé d'histoire naturelle, notamment
dans la correspondance avec Gassendi.
[1637] À HOLSTENIUS. 479
louse vostre mémoire de ce que vous avez eu la bibliotiicque de
S. Eni" du Theon de Locis Mathemal'" Platouis, et l'ay conjuré de
mettre dans ses coffres son MS. du mesnie autheur, pour en faire
transcrire à Paris ce qu'il y pourroit avoir de plus. Mais je crains que
mes lettres ne l'ayent pas sceu joindre avant son parlement de ïhou-
louse d'où il debvoit partir après Pasques, et en attends impatiament
la responce, n'ayant pas ozé pour ce mesnie subject lui envoyer dez
à cette beure voz belles actions académiques ', que je ne fusse asseuré
du lieu où elles pussent parvenir, en intention de les luy adresser aussy
tost que je sçauray son arrivée en cour.
Je vous remercie trez buniblement des bons oUices que vous m'avez
rendus auprez de l'ill"" marquis Justinian^, et de la faveur que vous
m'avez faicte de recevoir en si bonne part les lettres que je vous ay
escriptes par M'' l'Evesque de Vaison.
Je n'ay pas encor receu voslre fagot de livres consigné à patron
Gaultier, mais je ne vous en suis pas moings redevable et desjà il est
arrivé à Marseille, d'où je l'attends à ce soir ou demain Dieu aydant,
et espère vous en accuser encore la réception avant le passage de l'or-
dinaire d'Avignon à Gènes que nous attendons demain au matin selon
son ordinaire.
Les mémoires au reste qu'il vous a pieu ni'envoyer des aullieurs do
l'art militaire grecs et latins des Bibliothèques Vaticane, Palatine et
de S. Em"'<^ seront bien agréables à M' de Saumaise, à qui je les i'eray
tenir par la première commodité, avec mon Vegece MS. qu'il m'a de-
mandé, et je croys bien qu'il ne verra pas moings volontiers les parti-
culières observations et diverses leçons que vous avez recueillies ties
MSS. du Vegece que vous avez veu en Angleterre, et spécialement sur
le tiltre et qualitez du livre et de l'autheur, dont j'ay prins grand plaisir
de voir ((ue vous ayiez rencontré là, au MS. du Vatican colté a,i ().}. la
mesme datte des Consulats qui estoit icy en l'un de ceu\ que nous
' l^ dissertations destinées à être lues ' Quelque parent peut-être du {jarde de
dans l' Acadt^mie basilienne fondtSe par le la bibliothèque du Vatican qui a été nonuui-
cardinal Vr. BajLcrini. dans la pri<e<'dente lettre.
/i80 LETTRES DE PEIRESC [1637]
avons. Mais vous avez oublié de nous marquer l'antiquité de l'escripture
de ce volume, ce qui me faict juger que vous n'avez pas daigné voir
vous mesmes le volume et vous en estes rapporté à la lov et diligence
de ceux qui en ont faict la perquisition, vous contentant de voir les
grecs seulement, comm' ils sont les priucipaulx. Toutefoys je vous diray
bien qu'en regardant de plus prez à cez tiltres ou qualitez de Vegecc,
voyant que M' de Saumaise ne m'en avoit rien mandé, comme je m'y
estoys attendu, je luy voulus déclarer mes petites conjectures, et si je
ne me trompe je vous en dicts encores quelque chose par le premier
ordinaire à quoy je ne trouve pas que convienne mal ce que vous nous
jnarquez du volume '1,697, ^^''' Y ^^^ qualifié [comitis sacri] et du
5,957 [comitis sacrum] pour revenir à celle de ma pensée [comitis
scolae ou scolarum], sur quoy j'attendray en bonne dévotion voz senti-
ments à vostre commodité, et voz observations, si dans les bibliothèques
de Sicile vous y en trouvez quelque aultre exemplaire de meilleure
note que touts ceux qui vous sont passez par les mains. J'envoyeray
donc à M' de Saumaise ce que vous aviez destiné au s' P. Scriverius',
car j'estime que M'' de Saumaise vouldra donner un grand recueil de
touts les autheurs militaires grecs et latins, dont le Vcgece debvra estre
des principaux. 11 m'escrivit l'aultre jour qu'ayant rencontré dans les
notes de Lindembrogius^ sur l'Ammian Marcellin une citation d'Urbi-
cius' p. i3o, qu'il dict avoir eu de la bibliothèque de Florence, il
y trouva de quoy bien corriger une pareille induction dans le texte du
Mauricius et lire CIAENTIO MANAATA KOMnAETE NON BOC
TOTPBETIC, puis que Léon l'a depuis i-endu en termes grecs, au lieu
du simple caractère qui y avoit esté employé sans changer les termes
latins. Or je vouldroys bien sçavoir si ce passage se trouve dans l'opus-
cule d'Urbicius, qui est inséré au 169. volume de la bibliothèque de
' Sur Pierre Scriverius (Sctiryver), voir ' Sur Frédéric liindenibroge voir une
le recueil Peiresc-Dupuy, tomes 1 et II, pas- note du recueil Peiresc-Dupuy (t. 1, p. 187).
xim. Cet humaniste est plusieurs fois nien- ' Cel auteur est nommé deux fois dans
tionné dans les lettres de Holstenius( p. 39, le recueil Peiresc-Dupuy (t. Ul, p. 683,
aÔQ, a65). 690).
|1637] \ HOLSTKNIUS. 481
S. Em" et aux trois volumes du Vatican que vous cottez par les nombres
102, 2 20 et 1,1 6 6. Ou bien si ce ne seroit poinct en un plus grand
ouvrage du mesme autheur, qui fusse plus entier et plus complet ou
plus ample à Florence, auquel cas nous ferions instance d'en avoir la
coppio entière, si Lindembrogius ne l'a desjà transcripte luy mesnies,
dont on luy a escript, pour la communiquer. C'est pour quoy je vous
supplie d'examiner cela, si cette lettre vous trouve encor à Rome avant
vostre passage en Sicile. Sinon je vous prie d'adviser quand vous verrez
cez aultres bibliothèques Siciliennes, s'il y auroit rien en cette matière
de plus formel, et surtout de cet Urbicius que M'' de Saumaise estime
grandement, pour nous en procurer tout ce qui se pourra avoir. Je
feray fort soigneusement rembourcer touts les fraiz des coppistes, et
vous obligerez grandement le ])ublic. Mais il ne fault pas négliger ce
que vous trouverez d'Africanus dont nous avons les 8 premiers livres
et attendions la suitte d'un lieu dont les effets ne respondent pas aux
paroles. Je vouldroys bien sçavoir si ce volume de S. Eni'^" cotté 169,
que vous dictes estre de 5oo ans, et avoirles suppléments des lacunes
de Meursius, contient le Iroisiesme libvre de Mauricius entier, et de
quelle contenance à peu prez est le texte qui y est de l'Africanus',
s'il n'y a distinction quelquonque de livres ou de chappitres, et en
avoir quelques commencements par ci par là, ou quelques clauses
finales, pour juger si la pièce est fort imparfaicte ou non. Car l'autheur
n'est pas des pires et si ce volume ostoit en aultres mains de persones
qui n'en lussent pas jalouses, la communication n'en seroit pas, je m'as-
seure , inutile au public , y en ayant un , quasi pareil , bien antique aussy,
dans la bibliothèque du roy, dont il s'est tiré de trez bonnes choses,
dont le public se prevauldra bien. Pour ce qui est des Basiliques, celuy
h qui je m'estois adressé à Thoulouse selon les ordres qu'on m'avoil icy
' Africauus et Meursius sont plusieurs Mauritius Tiberius, tut^ par le rdvollé Pho-
fois mentioiinds dans le recueil Peiresc- cas en l'an 609. Il laissa douze livres sur
Dupuy. Maurilius n'y figure pas; son nom l'Art militaire qui ont élo pul>li<îs avec tra-
est (5g-alement absent du recueil Boisso- duction latine par J. Sclieffer (Upsal,
nade. Ce n'est rien moins qu'un empcreui', i664).
T. 61
A82 LETTRES DE PEIRESG [1637]
laissé', ne m'a poinct faict de responce, Miais le marchand de Lyon à
qui estoit adressée la lettre de crédit m'a respondu que les ordres es-
toient révoquez, et qu'il ne pouvoit plus payer la partie. Et d'ailleurs
mon frère qui est à Paris m'escript qu'ayant apprins qu'on les avoit
exposées en vente à 5,ooo libvres, il avoit tiré parole qu'on n'en par-
leroit à persone sans avoir ma responce, et qu'il y raanquoit cinq ou
six feuillets en l'un des volumes, et que des cahiers estoient fort effacez
de l'antiquité, à ce que l'avoit asseuré celuy qui iuy en avoit donné
l'advis. Je crains bien que l'on ne nous veuille rançonner de nouveau,
si Dieu ne nous ayde, tandis que les choses ont esté différées.
Il me resteroit de vous entretenir sur voz exercitations académiques,
mais il y fauldroit un peu plus de temps que je n'en ay présentement
pour vous dire comme elles ont esté admirées icy, de tout ce que nous
y avons de plus curieux des bonnes lettres, et des antiquitez ecclésias-
tiques où vous avez un merveilleux génie, et croys bien que M' l'Arche-
vesque de Thoulouse et touts aultres qui les verront en seront gran-
dement bien édifiez. Excusez moy, je vous supplie, pour le presant et
me tenez tousjours,
Monsieur, pour
vostre trez humble et trez obéissant serviteur,
DK Peiresc.
A Aix, ce 7 raay 1687'.
' Le mot eeluy indique un religieux , l'oiids français , nouvelles acquisitions. Nous
comme on le voit dans la lettre suivante. n'avons pas la lettre de Holstenius à laquelle
' Bibliothèque Barberini , volume 79 , répond ici Peiresc , ni celle que Holste-
pièce n° 64. — On en trouve une copie nius dut lui écrire en réponse h la présente
dans le volume 5,17a (fol. 80-81) du lettre.
[1637] À HOLSTENIUS, 483
LXV
MÊME ADRESSE.
Monsieur,
Selon ce que vous m'avez cscript au commencement du nioys passé
par commandement de rEm™<'Card'»' patron, concernant les Basiliques,
j'ay faict une recharge à Thoulouse, à ce bon père à qui M' de Vaison
m'a voit adressé, et ay recommandé mes lettres à un de mes amys de
cette ville qui est sur les lieux (ne m'estant osé conGer à des Tholosains
de crainte des jalousies domestiques) pour aller rendre ma lettre en
main propre, et en tirer la responce que j'attendray impatiament. Ce-
pendant j'ay mis ordre du costé d'Orléans pour faire sonder celuy qui
les avoit transcriptes, et tascher de luy faire mettre en vente sa coppie,
et de l'enlever incontinant si faire scpeult, sans le laisser recognoistre,
de peur de laisser eschapper cette proye, qui peult saulver tant de
temps et d'impatiance à attendre que d'aultres le fassent.
Mais cez marchands n'ont poinct encores mis ordre à tenir prests
les 1 ,000 liv. si besoing estoit, tant ils sont formalistes pour ne dire scru-
puleux oultre mesure, puisque ce n'estoit pas en vertu du premier
ordre adressé à M"" de Vaison qu'ils le dévoient, mais en vertu d'un
second tout nouveau adressé i\ moy, de sorte qu'il en fauldra sans doubte
un aultre qui soit faict h leur mode et je ne sçay si la perte du temps
n'aura poinct nuy à ce louable dessein, puisqu'on les avoit exposées en
vente ailleurs, et si la bonne fortune ne les eust faict tomber entre mes
mains je crains bien que d'aultres possible en eussent abusé et prins
des advantages que nous n'eussions pas facilement surmontez. Vous aurez
veu ce que c'est par ma depesche du précédant ordinaire et la lettre
que mon frère de Vallavez m'avoit cscript sur ce subject laquelle j'en-
voyay à Son Em™.
Nous n'avons poinct eu le bien de voir icy le s' Thobias Aldinus ' qui
' Thobias Aldinus et Thomas Gamerarius ne iigureot ni dans le recueil Boissonade, ni
dans le recueil Peiresc-Dupuy.
6t.
q
i84 LETTRES DE PEIRESC [1637]
ne s'embarqua pas avec le s" Thomas Camerarius, et n'avons pas con-
sequament veu vostre essay d'observation sur les prophéties d'Hozée,
qui viendront vraysemblablement par quelqu'un de la suittc du nou-
veau vicelegat d'Avignon que l'on attend en bref. L'on m'escrivoit aussy
|ue vous m'envoyiez le Cleombrot du feu s' P° délia Seina , par la mesme
voye, que nous attendrons en bonne dévotion avec la continuation de
voz bonnes grâces. Je n'ay pas encor eu de responce de M"' Grottius
concernant les révélations d'Henoch, et ne croys pas noraplus que vous
qu'il en aye veu aultre chose que ce que vous me dictes, que feu
M' Scaliger avoit tiré du Syncellus ou du Cedrenus. Je luy avois escript
en faveur du s' Petit, pour luy faire communiquer ses observations sur
le Josephe. Et M' Petit m'escript de Paris du 21 may', qu'il luy avoit
rendu ma lettre et en avoit esté fort favorablement receu-, mais qu'il
l'avoit asseuré de n'avoir jamais eu de dessein de travailler sur cet au-
theur et n'avoit pas faict dessus aulcune observation considérable, que
trez volontiei-s il luy eust communiqué tout ce qu'il eust observé, pour
l'honneur qu'il porte à sa vertu, et pour l'amour de moy. Il m'accuse
la réception de voz diverses leçons sur le Josephe dont il se tient gran-
dement vostre obligé, et ne manquera pas de vous remercier comm' il'
doibt, mais il partoit pour Alençon, fort pressé. Il vouldroit bien que
vous l'obligeassiez de luy cotter les faultcs qu'avez rencontrées en ses
escripts sur ce subject, car il seroit bien aise de se conformer à vostre
advis en tout ce qu'il pourroit et de vous en rendre grâces publiques
et privées, et toutle sorte de tesmoignages de sa gratitude. Il adjouste
que Seldenus a faict réimprimer son traicté de Jure successionis He-
breorum in-fol" avec deiix livres de plus de successione Pontificum qui
seront vraysemblablement meilleurs que tout le reste. M'' de Saumaise
m'escript qu'on le force d'escrire del!suris,où il veult monstrer encores
' Celle lettre de Samuel Petit ne nous a ' Groliusct Petit avaient dëjà eu eu jG34
probablement pas élé conservée. La dernière <les relations épistolaires. Voir, dans le fasci-
en date de celles qui ont élé publiées dans cule qui vient d'être cité, la note a de la
le fascicule XIV des Correspondants de Peiresc page 56.
(Nîmes, 1887) est du lo mars 1637.
[I637J À HOLSÏENIUS. 485
quelque cliose non si triviale , mais le Lindcmbrogius l'a mis hors de luy,
en luy escrivant d'avoir veu en la bibliothèque de Florence un gros vo-
lume grec MS. des autheurs grecs tactiques entre lesquels est l'Urbicius
tout entier divisé en douze livres, accompagné de l'Asclepiodotus ', de
l'Arrian et aultres dont il avoit faict des petites collections qu'il luy a
communiquées, et qui luy ont meu la salive en sorte qu'il vouldroit bien
estrc assez jeune pour y venir faire un voyage exprez. S'il y a moyeu
de luy faire avoir coppie de tout cet Urbicius et de tout cet Arriaims,
il y fault faire summum de potentia. J'en escriray à S. Em", mais quelque
persone de lettres fera possible mieux cela moyennant de l'argent s'il y
en a sur les lieux de vostre cognoisçance et sans faire jouer cez grands
ressorts, qui parfoys embarrassent les voyes plus qu'ils ne peuvent se-
courir. Je vous envoyé la responce que m'a faict M"^ l'Archevesque de
Thoulouse sur la conferance de son MS. du Theon avec vostre mé-
moire, estant bien marry qu'il ne s'y soit rien trouvé digne de vous,
et que je n'aye de meilleurs moyens de vous faire paroistre à quel tiltre
je suis,
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obéissant serviteur,
DE Peiresc.
A Ah, ce 3 juin 1687 ^
' llolstenius écrit (en langue italienne) catalogue destiné au Synlagma de Gabriel
à Doni, le 18 janvier i64a (p. 3i3) qu'il Naudé.
n'avait rien trouvé de cet auteur touchant les ' Bibliothèque Barberini, volume 79,
choses militaires, quand il fit un catalogue pièce n° 65.
des écrivains qui avaient traité de la tactique ,
486
LETTRES DE PEIRESC
11637]
LXVI
À MONSIEUR HOLSTENIUS,
GARDE DB LA BIBLIOTHEQUE DE L'EMINENTISSIMB SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME '.
Monsieur,
J'ay receu des mains de M' de Vaison quelques lettres et instruc-
tions concernant son traicté des Basi[li]ques, qu'il désire continuer par
' Bibliothèque Barberini, volume 79,
pièce n° 66, non datée. Entre les deux
feuillets de cette lettre se trouve une demi-
feuille de l'écriture de Peiresc dont suit la
copie et qui est un fragment d'une autre
lettre relative à la mésintelligence existant
entre Holstenius et Suarez :
f Je ne double pas que vous n'ayez un
Irez grand subject de vous plaindre de son
Immeur trop jalouse et trop haultaine, mais
si nous n'exercions jamais noz bons offices
qu'envers des persones bien dignes, nous
n'y aurions pas tant de mérite envers Dieu ,
qui faict du bien aux meschants , comme le
soleil leur communique sa lumière aussy
bien qu'aux bons. J'ay rencontré en diverses
persones aulcunes foys , de trez grandes mes-
cognoisçances et n'ay pourtant pas laissé
de coatiniier de leur bien faire quand je l'ay
peu, ce qui m'a réussi merveilleusenieat
bien en d'aulcuns, qui ont esté consli-aincts,
bien que un peu tard , de recognoistre leur
faulte, et d'en veôir crier mercy, en ayant
raesmes tiré de Irez bonnes revanches
d'aulcuns. Je ne considère jamais ce qu'il y
a de blasmable en une persone quand il
est question de luy faire du bien , ains s'il
y auroit rien de recommandable , comme
quand les Italiens disent qu'il faut cueillir
la rose et laisser l'espine. 11 fault blasmer
ce qu'il y a de blasmable et tascher de le
couvrir tant qu'il est possible, et qu'il n'est
pas nécessaire de le faire aultrement. Je
trouve que comme c'est une espèce de par-
ticipation aux actions divines que de faire
plaisir et des bons offices à quelqu'un, ce
n'en est pas une moings digne que de par-
donner h ceux qui par infirmité ou aveu-
glement s'oublient de leur debvoir envers
nous, estant certain que si tous ceux qui
manquent à leur debvoir envers Dieu
cognoissoient la grandeur divine, et l'cnor- '
mité de leur faulte , ils s'en abstiendroient .
et ne manqueroient poinct d'admirer et vé-
nérer la divinité ainsin qu'il appartient;
c'est pourquoy cette ignorance et aveugle-
ment leur sert de quelque excuse, cappabie
de faire cesser tout subject de regret, du
bien qu'ils en reçoivent. Il s'en peult dire de
mesmes de ceux qui ne cognoissant pas la
vertu et le mérite de quelques persones , et
n'estants pas cappables d'en faire l'estime
qui y escheoit, manquent de les révérer
com' ils debvroient. J'ay peult estre, sans
comjjaraison , aultant et plus de subject que
vous. Monsieur, de me plaindre de tout
plein de mauvais desportements de l'homme
dont est question si je me vouloys amuser
à les examiner, et comparer aux services
que je luy ay rendus. Mais je n'ay garde
[1637] À HOLSTENIUS. 487
mon entremise ', ce que je n'ay garde de refuser. Mais il désire m'eu
envoyer un nouvel ordre de S. Em" plus précis par le premier ordi-
naire. Il se loue fort de la bonté de vostre naturel, dont il m'a tant
dict de bien, que j'ay esté constrainct d'en prendre occasion de
l'exhorter à vivre deshormais plus paisiblement et librement avec vous
que par le passé, à quoy je l'ay trouvé fort disposé, et vous conseille
d'en user de mesmes, et vous niocqucr de ceulx qui abusent souvent
de la paliance de ceux qui les escouttent, pour se prévaloir de pe-
d'y penser, et ne me suis jamais rcpenly
d'avoir faict du bien à aulcun quelque in-
gratitude que j'y aie rencontré, l'ayant
prins par forme de mortification et cliasti-
ment de mes propres infirraitez en aultres
choses. Comme ceux qui , par forme de pé-
nitence, vont espouscr une légitime femme
dans les ordeures d'un bordel , et ne laissent
pas d'y trouver du repos et de la consola-
lion bien souvent, par une spéciale provi-
dance divine, quelque horreur qu'ils ayent
eiie aultres foys de ceux qui portoient cornes.
Comme s'il y aVoit plus de mérite à espouser
une femme de mauvaise vie qu'une femme
de bien , et par quelque sorte de consequance
aussy plus de mérite à faire du bien à des
gens indignes qu'à ceulx qui le mentent le
mieux. Ce seroit par oii je le vouldroys
prendre en son endroict , si j'estoys en vostre
place, car je sçay bien que vostre vertu est
montée à un si liault poiuct qu'elle est du
tout hors d'attainte, à luy et à touts aultres ,
et <{u'il n'y a rien h. craindre pour vous de
sa part qui puisse eslrc considérable. Mais
les hommes et les animauix les plus forts et
les plus vigoureux ne; laissent pas de rece-
voir de l'incommodité importune, de ceux
qui sont les moindres et les plus foibles,
jusques aux moindres pulces, dont les pic-
queures et persécutions ne laissent pas de
les inquietler; c'est pourquoy quand il y a
moyen de s'en garantir, la chose en mérite
le soing, et qu'on se rachepte de cette in-
commodité par quelque peine et prévoyance ,
de celles qui ne sont pas de trop de cous-
tauge. Vous suppliant trez humblement de
croire que ce que je vous en ay escript n'a
pas esté h la sollicitation de.persone, ain»
de mon seul mouvement, dez que j'eus pres-
senty qu'il y avoit quelque froideur, oa
aversion, et esloignement entre vous. Dési-
rant que vous daignassiez suppléer de vostre
bonté ce qui pouvoil manquer à son debvoir,
comme font les pères et les maistres envers
leurs enfauts ou vallets, pour le constraindre
malgré luy, comme je faicts, non seulement
de s'abstenir des mauvais offices et plcqueui-es
de pulces, mais de vous en rendre des bous,
voulust il ou non. Je n'y prétends aultre in-
terest quelquonque que comme vostre servi-
teur pour vous descharger de cet objecl, et
de cette incommodité pour petite qu'elle
puisse estre. Pardonez ma liberté , je vous
supplie. Monsieur. 1!
' Le mot a été écrit ainsi : Basiques. H
s'agit de Notitia Basillcorum ( 1 687, in-fol. ).
Cette notice sur le fameux cours de droit
romain en langue gi-ecque a été réimpri-
mée h Leipsick, en i8o4, in-8*, avec les
remarques crili(jues d'un érudit alle-
mand (recensuit et observationibus nuxil
C. D. Polh).
488 LETTRES DE PEIRESC À HOLSTENIUS. [1637]
tits advantages, indignes le plus souvent de venir aux oreilles des
grands.
La sciance de ce personage est si vénérable, au prix des aultres de
sa voilée et de son pais, qu'on ne la sçauroit trop chèrement payer.
Sur quoy je m'asseure que vous ne manquerez do rien et seray à
jamais.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obéissant serviteui-.
DE Pbiresc.
LETTRES DE PEIRESC
À CLAUDE MENESTKIEIl
ET
LETTRES DE CLAUDE MENESTRIER À PEIRESC.
— 3*tt-
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER DE BESANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je vous ay bien de l'obligation de la souvenance que vous avez eue
de moy et du soing que vous avez pris de me faire venir parniy les
bardes du P. Renault, Minime ', le livre que vous aviez retiré des mains
de Mons"" Aleandre. Je ne l'ay pas encor receu et ne suis pour l'avoir de
long temps à cause que les bardes de ce bon père ne sont point encor
arrivées et que j'ay esté contrainct de partir pour aller faire un grand
voyage^, pendant lequel il ne seroit pas aisé de faire transporter liors
de Paris aucune sorte de bardes à cause de la maladie qui va tousjours
continuant', mais je ne vous en suis pas moins redevable que si je
l'avois desjà receu. A ce qlie je puis voir, le marcbé que vous aviez faicl
' Ce relig-ieux , dont le nom a élé l'crit ' I^ |>esle sévissait à Paris depuis i (j 1 9
quelquefois Itaymnid, est mentionné dans le ( (juillaunie Pote! : Discours des maladies épi-
recueil Peiresc-Dupuy ((. II, j). 58o, 63o; dcmiques ou contaffieiixes advenuex à Paris.
I. III, p. 378). i6a3, iii-8*; Kmile Kt«boui», Étude Awto-
' Le voyage de Paris en Provence par Or- rique et critique sur In peste , ï'»ni . 1888,
It^ans, Tours, lioi-deaux et Toulouse. in-8°, etc.).
T. 6»
/,90 LETTRES DE PEIRESC [1623]
du Pescenius' avec M' d'Aubré^ n'aura pas tenu, puisque M'' Joly^ en
a receu icy un que je pense estre le mesme, et semble qu'il n'attendoil
que cela pour clocre son marche de tout son cabinet avec M"" de Fonte-
nay* pour le prix de mille escus. Il est vray que l'on dict que c'a esté
sans toucher argent et que M"" Joly a mieux aymé en faire une debte.
Je suis bien aise que vous ayiez eu la permission de cez Messieurs les
curieux de Naples de prendre coppie de leurs plus rares Médailles
gl-ecques. C'est la vérité que j'estime ce recueil là , et que si vous vous
résolviez de m'en accommoder soit en faisant faire des empraintes ou
bien des coppies des desseins, si ce ne sont que des desseins, vous
m'obligeriez, et M' Eschinard ^ vous payeroit tout ce que M' Méandre en
ordonneroit, au jugement duquel je m'en remets volontiers. Quant à
vos médailles qui ne sont ])oint dans l'Occo ", si j'en voyois les empraintes
' Médaille du général romain Pesceiinius
Niger qui fut gouverneur de Syrie el qui ,
vaincu par Septime Sévère, fut tu(' par ses
propres soldats, près de Cyzique,en igû.
' Sans doute le maître des requêtes d'Au-
bray dont il est si souvent question dans les
volumes précédents. D'Aubray, qui séjourna
longtemps à Rome, était-il un collectionneur
de médailles antiques ? Son nom ne figure pas
dans le Dictionnaire des amateurs français au
leii' siècle {Paris, i884, gr. in-8°).
' Joly n'a pas été oublié par M. Kdouard
BonnalTé qui (page 1 46 du Dictionnaire déjà
cité) rappelle, d'après une lettre de Peiresc
à Aleandro, du i4 août lôaS, que notre
archéologue avait eu grande envie du cabinet
de Joly, notamment de la collection des poids
antiques; il avait vivement pressé Joly de lui
céder celte dernière collection, mais Taffaire
ne put pas s'arranger.
' François Olivier de Foutenay, abbé de
Saiat-Quentiii de Beauvais, né en loBi ,
mort en i636, était un pelil-lils du chan-
celier Olivier el il fut enterré auprès de lui
à Saint-Gérmain-l'Auxerrois. M. Bonnall'é
{Dictionnaire, p. 110) cite un intéressant
passage de Sauvai sur ce très original collec-
tionneur qui, dit-il, |X)rla si loin la connais-
sance des médailles tpie pas un curieux ne
lui put élre comparé, cr M' de Fontenay 01-
livier» a élé plusieurs fois mentionné dans
le recueil Peiresc-Dupuy, notamment t. I,
p. 5o8 , 697. C'est par erreur qu'il a été dit
(en cette dernière page , note q ) que ce i>er-
sonnage ne figure pas dans le Dictionnaire de
M' Bonnaffé. L'éditeur des Lettres de Peiresc
aux frères Dupuy n\ivail pas songé à iden-
lilier Olivier de Fontenay et Fontenay-Lieuvillv
( Lieuuille est une mauvaise leclui-e du nom
Olivier).
' Eschinaiti avait un emploi dans les
bureaux de l'Ambassade française de Rome.
Il s'occupait des affaires de Peiresc. Ce der-
niei' lui a écrit plus d'une centaine de lettres
du 99 juin 1 61 6 nu 3 octobre i63i)qui sont
conservées on minutes à l'Inguimbertine de
Carpentras (registre III, fol. 3ii-35a).
" L'Occo {Imperatoruin romanorum numis-
|162âl A CLAUDE MENESTRIER. 491
ou au moins un rooHe, et ensemble le prix auquel vous les tenez, pos-
sible auriez vous trouvé celuy que vous cherchez. 11 ne tiendra qu'à
vous de m'en faire sçavoir voslre intention, et je demeurcray,
Monsieur,
vostre trez affectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Orléans', ce 19 aoust i6a3''.
fl
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Ayant receu la vostre du mois d'aoust passé je vous fis responce et
envoya ma Ictre à Paris à Monsieur Auberi par laquelle je vous man-
dois selon le contenu de la vostre que je vous pourois servir de desseins
que desiriés des médailles non donnés ni nommés d'aulcuns Aulteurs
tant grecqs que latines de l'Empire, mais la difficulté est à les dessi-
gner ce trouvant peut de gens à Rome qui soint propres à ce faire et
l'on m'a demandé deux Jules par pièce; s'ilz vous plaisent je vous en
mata, Anvers, Plnntin, 1579, in-4°) dlait.
alors pour les numismates ce qu'est au-
jourd'hui pour les bibliophiles le Manuel du
libraire. On (lisait : telle médaille manque à
rOcco , comme nous disons : tel livre manque
au Brunet.
' On ne lit que ...ans , le couteau du re^
lieur ayant coupé le commencement du nom.
La lettre écrite d'Orléans à Menestrier est
mentionnée dans les Petits mémoires de Pei-
resc (Anvers, 1 889 , p. 34). Tout l'itinéraire
de Peiresc (d'Etampes, 19 août, à Aix,
i" octobre) est indiqué dans le carnet de
correspondance qiic j'ai publié sous un litre
si alléchant qu'il est un peu décevant.
* Bibliothèque de l'École de médecine de
Montpellier, vol. H 371, fol. a5. original.
Une copie en est conservée à la Méjanes
d'Aix , collection Peiresc , registre 'VII , f 1 o5.
Au moment oii couunencèrent les relations
épistolaires entre les deux archéologues, Pei
resc avait 43 ans; la date |)récise de la nais
sance de Menestrier n'est pas connue, mais
il devait être un peu plus jeune que son cor-
respondant. Gassendi (liv. III, p. aj^) ne
donne pas de détails sur leur liaison , se con-
tentant de dire que son héros rendit certains
services, en i6aa-iCa3, à divers savants,
particulièrement ^Claudio Menetrio Vesun-
tino, rei anliquarite studioso'<.
6*.
/i92 LETTRES DE PEIRESG [162i]
accommoderay jusques à deux cent toutes rares. Il vous pkira m'en
mander vostre volonté n'ayant faict à personne cest offre. J'en ay en
cuivre de l'Empire soixante non nommées parOcco et entre aultres j'ay
une femme fort rare non nommée de moyenne grandeur ayant cesle
inscription OOTAOTIAN II.... GEB et un temple auec deux figures.
La médaille est fort conservée; il n'y a que ce peu de letre que je ne
pux lire. J'en ay refusé dix escus. Il vous plaira m'en rescrire vostre
volonté ne faisant suyte [sic) que d'une suylte moyenne'. Des aultres
j'en faict part à mes amys. J'ay semblablement une aultre de FL. CON.
NEPOTIANVS PF. AVG. pour revers VRBS ROMA. J'ay apprins de
Monsieur Aleandrc que desiriés recouvrer les desseins des poids et me-
sures antiques. J'en ay recouvré quelcuns desquels je vous envoyé les
desseins et par le premier ordinaire il vous en envoyra d'aultres lesquels
je n'ay finy de dessigner. Si désirés quelques desseins des choses rares
du Pasqualini^ il vous plaira m'en advertircar j'ay cest faueur du Car-
dinal Bon Gompagno que de les veoir quand je veus lequel en est pos-
sesseur pour le presant, désirant avoir ce bon heur que de vous pouvoir
servir et tesmogner que suis et seray,
Monsieur,
vostre très humble et affectionné seruiteur,
Cl. Menktrie'.
A Rome, ce 19 apvril 1624 '.
Monsieur Ghiflet est tousjours en Flandre^; il me faict par [sic) par
' Je suppose que Menestrier a voulu dire : tionneurs qui . pour se procurer le réciproque
ne faisant compte que d'une suytle moyenne. plaisir de s'instruire par la vue même des
' L'antiquaire Ldlio Paschalini fut un objets, ne craignaient pas de faire voyager
des premiers amis de Peiresc (voir Gas- si loin leurs fragiles trésors,
sendi, livre I, à l'année 1600, p. 89). Le ' Dans toutes ses lettres l'antiquaire écrit
registre gSSg du fonds français contient ainsi son nom, mais maigre cette signature
])hisieurs leltres écrites à Peiresc par Lélio constante , laissons à ce nom la forme que lui
Paschalini. On va trouver un peu plus loin donnent Peiresc et tous les contemporains,
(lettre XV) des détails sur les anlicailles ' Bibliothèque nationale, fonds français,
que se communiquaient, de Rome à Aix et vol. gSii, fol. aoo.
d'Aix à Rome, les deux fervenU collée- ' Sur le docteur Jean-Jacques Chifllel,
[1624] À CLAUDE MENESTRIER. 493
touts les ordinaires de ses nouvelles et faict imprimer son de linteis
sepulchralibus salvatoris'.
III
\ MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Par ma dernière letre je vous promit de vous envoyer les desseins
de certains vases et mesures antiques lesquels j'ay copié fidèlement d'un
manuscript; je vous prie les recevoir de bon cœur. Je vous donna advis
de certaines médailles qu'cstoint en ma puissance desquelz je vous ac-
commoderois si c'estoint choses de vostre curiosité ne cherchant aultre
que de perfectioner une suitte moyenne. Ces jours passés j'ay descou-
vert un Apollonius Tyanaeus grand comme un médaillon fort conservé
et de bon maistre ayant une quadrige pour revers, duquel l'on prétend
2 5 escus ^; si cest chose qui vous duise je feray en sorte de vous le faire
avoir; si désirés quelques aultres choses de pardeça me le faisant à
sçavoir je ne mancqueray d'i apporter toute diligence désirant avoir
ce bonheur que d'estre à jamais,
Monsieur,
vostre plus humble et affectioné serviteur,
Cl. Menetbie.
A Rome, ce a/i may i6a4'.
compatriote et ami de Menestrier, voir le du latin de Jacques (ihilflet , par A. D. G. P
recueil Peiresc-Dupuy, jBrtisim. (Paris, j63i , in-S").
' Ce Iraitd fut mis eu franç^iis quelques ' Les mâlailies du thaumaturge Apollo-
aunëes plus tard sous ce litre si bizarre en iiius de Tyane sont d'une grande rareté,
sa première partie : Hierotoitie de J. C, ou ' Bibliothèque nationale, fonds français.
discours des saints suaires, extrait et traduit vol, 96 44, fol. 197.
/i94 LETTRES DE PEIRESC [16-24]
IV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Celle cy sera pour vous faire de seconds remercimens des seconds
desseins que vous m'avez envoyez, des vases et mesures antiques que
j'ay veus encores plus volontiers que les premiers, parce que j'y en ay
trouvé deux qui n'estoient pas aux miens. J'avois bien jugé dez la pre-
mière foys que cela venoit de quelque livre ou recueil faict autres foys,
car je crois que vous n'eussiez pas obmis de cotter les noms de ceux
chez qui se trouvoient cez belles singularitez. S'il s'en trouve encore
quelqu'une en lieu de cognoissance je vous prie de m'en advertir et en
toute façon, si vous pouvez sçavoir le nom de celuy qui avoit faict le
livre MS. d'où vous avez tiré les dicts desseins vous me ferez plaisir de
m'en donner ad vis. Quant à TAppoUonius Tyanœus, si j'en voyois l'em-
preinte, possible que j'y entendrois, mais sans la voir, il est mal aisé,
parce que j'en ay desja vu de mesme, lequel n'est pas assez bien con-
servé partout, et quant il est question de payer chèrement, il fault que
la beauté et conservation fasse la plus part du marché et du surhaulse-
ment de prix, autrement les plus belles médailles et les plus rares
perdent les trois quarts de leur prix si elles ne sont bien conservées.
Si vous rencontriez quelque bel Homère je le prendrois volontiers
encores que j'en aye plusieurs de diverses sortes. Mais je n'en veux
pas, s'il n'est extrêmement bien net et bien conservé. Sur quoy je
finiray me remettant à la dernière lettre que je vous ay escritte, et
demeurant,
Monsieur,
vostre trez aflectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce Q juillet i6ai.
[102/i| À CLAUDE MENESTIUER. 495
Vostre P, Raynaud minime a receu ses hardes long temps y a et ne
m'a poinct encores voulu faire de raison du livre que vous luy aviez
baillé pour me rendre, encores qu'on l'en aye fort sollicité de ma part
dans Paris. [Dites*] luy en un mot*.
V
k MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
J'ay différé à faire responce aux vostres attandu que j'esperois vous
pouvoir faire atenir en bref une quantité des desseins des médailles
non donnés que désirés et auifant de celles en argent pressés' pour
veoir en quel manière vous plairon davantage et à cest effect j'ay
prins buict escus de monoye de Rome de Monsieur Eschinard pour
faire Ijattre de l'argent et pour payer le peintre lequel travaille pour
vous espérant par le prochain ordinaire vous les faire atenir. Vous de-
siriés veoir le FL . GON . NEPOTIANVS. Je vous l'envoy pour lequel j'ay
desboursé trois escus. Quant à l'Appollonius il est grand comme un
médaillon crotoniale le plus conservé qu'il est possible de dire. Du coslé
de la teste il y a au revers un quadrige. De mesme conservation est
Apuleius et de mesme grandeur el de bonne manière ayant au revei"s un
soldat au devant d'un pourlal ou bastiement sur lequel il y a trois testes .
le soldat faisant une action semblable à Œdipe parlant à la sphinge.
Si les désirés touts deux il y aura moyen vous en faire à faire (sic) le
service, car celuy qui les a entre les mains n'est pas un homme né-
cessiteux. 11 desiroit en avoir vingt cinq escus de l'un, n)ais je pense
qu'on les pouroit avoir pour vingt la pièce. Les desseins des vases et
mesures que je vous ay envoyé sont tirez d'un manuscrit jadis de Ful-
vio Orsino. S'il me vient par les mains un beau Ilomere je ne man-
' Le mot diten a élé eiilevë par une décliirure. — ' Bil)liotliè«iiie de Tlicole de minle-
cine de MoiilpcUier, vol. H ay» , fol. aô. — ' Par \h Meneslrier entendait les empreintes
de médailles.
496 LETTRES DE PEIRESC [162iJ
queray pas vous l'achepter désirant avoir le moyen vous pouvoir tes-
moigner que je suis,
Monsieur,
vostre plus humble et affectionné serviteur,
Cl. Menetrie.
A Rome, ce a 6 Julef i6a4 '.
Monsieur, ma curiosité ne s'est pas seulement estandue aux médailles
et graveures antiques, mais aussi des choses naturelles : c'est le sub-
ject que je vous prie s'il y a moyen de recouvrer par delà un morceau
de coral rouche marquette de noir (tel que j'en ay veu une pièce au
cabinet d'un notaire fort curieux qu'avés à Aix)^ de me l'achepler et
me mander le prix à envoyer et en recompense je vous faire tenir
quelques médailles dignes de vous.
VI
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du 26 juillet, ensemble la médaille que vous y
aviez enclose de FL.POP.NEPOTIANUS que j'ay veu bien volontiers,
el vous en remercie par un million de foys, en ayant trouvé et jugé
par là que vous mesnagez bien l'argent de voz amys, dont je me revan-
cheray volontiers quand je pourray. Cepandant j'ay recouvré la branche
de corail rouge tachettée de noir que vous desiriez. C'est la mesme
que vous aviez veiie. L'homme qui la vous avoit monslrée s'est un peu
' Bibliothèque nationale, fonds français, de corail ii"est pas mentionné, c'est que,
vol. 90^4 , fol. 1 78. comme nous le verrons plus loiii (lettre VI ) ,
' Boniface Boriilly. Si dans l'inventaire il passa , grâce à l'intenentioii de Peiresc ,
de la collection (fascicule XVIII des Corres- dans la collection de Menestrier.
pomlants de Peiresc, p. ag-ôi), le morceau
[162^] À CLAUDE MENESTRIER. A97
fait tirer l'oreille parce que l'on luy en avoit faict cas'. Je ne sçay si
ce n'estoit poinct vous mesmes'*. Tant y a que je ne la luy pouvois ar-
racher, mais il s'est enfin rendu. Il mouroit d'envie d'avoir de moy
certaines pièces qu'il n'eust jamais eues s'il n'eust lasché celle là. Je
vouldrois bien vous rendre de meilleur service, et si vous me man-
dez en quoy consiste vostre curiosité pour le regard du coral (sic) en
particulier, j'y pourray contribuer possible un peu plus qu'un autre,
parce que j'ay eu la curiosité d'en aller voir la pesche en personc, et y
remarquay des choses notables qui n'ont poinct esté touchées, ne co-
gneûes par les Naturalistes ^.
Je trouvay encore dans vostre lettre une empreinte de cire molle
d'une graveure où se voyent quelques vases de mesures, avec la Ro-
maine, l'empreinte s'est gastée en pressant le pacquet des lettres par
les chemins, parce que la cire estoil molle. Je veux croire que vous
m'en envoyerez quoique empreinte de souffre, ou de plomb, pour la
pouvoir mieux considérer.
Voilà tout ce que je vous puis dire pour le présent, si ce n'est que
si l'ordinaire de Gènes ne se veult charger de la boitte où est le corail
je la vous envoieray par le cordelier qui part demain et qui arrivera
de par delà peu de jours aprez l'ordinaire, et sur ce je demeureray,
Monsieur,
vostre irez affectionné serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce *.
' Le post-scriptum de la lettre précd-
dente nous a ddjà appris que le collection-
neur qui se faisait ainsi tirer l'oreille u'dtait
autre que Boniface Borrilly.
' Peiresc avait devine juste : c'était cer-
tainement l'admiration que laissa voir Me-
neslrier pour celle branche de corail qui
rendit Boriilly si exigeant.
' Voir ce que raconte Gassendi , à Tannée
i6a4 (liv. IV, p. agi), des recherches
faites sur la nature du corail par Pei-
resc dans la Méditerranée, aux environs do
Toulon.
' La date est rongée par l'usure du pa-
pier, mais comme celte lettre répond h
de celle Menestrier du a6 juillet i6a4,
et que Menestrier y répond le 3o dé-
cembre suivant, nous pouvons l'attribuer
sûrement h l'été ou h rautomne de la même
année.
63
^98 LETTRES DE PEIRESC [1624]
Quand voz empreintes seront prestes ou autrement quand vous
aurez quelque chose à ra'envoyer (oultre les lettres missives qui se
mettent à la poste), pour trouver des commoditez extraordinaires vous
pouvez vous adresser à M' de Bonnaire, frère de Mad" de Barclay, qui
est de mes intimes amys, et qui sçait plus aisément les commoditez
des arays qui viennent de par deçà et qui sera bien aise de vous ayder
à m'obliger en tout ce qu'il pourra'.
VII
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Le sesjour que j'ay faict hors de Rome tant à Naples qu'ailleurs a
causé que je n'ay faict responce à la vostre en vous remerciant un mil-
lion de fois de la diligence et peine qu'avez heu pour mon subject tou-
chant la branche de coural rouge marqueté de noir. Il vous plaira
excuser ma trop grande curiosité en abusant de vostre patience,
mais ayant mis beaucoup de chose [sic) naturelles- ensemble pour
accompagner les antiques, j'ay faict plusieurs voyages par l'Italie pour
rechercher toutes sortes de pierres tant pretieuses estravagantes que
naturelles. Sçachant vostre dessein touchant les poids antiques j'ay
procuré en assembler quelcuns lesquels je vous envoyé non qu'ils soient
considérables, mais il vous plaira les accepter de bon cœur attandant
que chose digne de vous me vienne par les mains. Pour accompagnei'
les six poids je vous envoyé jusques à une trentaine de plombs tirés des
médailles antiques qui me sont venus par les mains. Ayant faict une
diligence à ramasser tous les plombs antiques que je pourois treuver à
celle fin d'en tirer quelque érudition je les treuve si différents que je
' Bibliothèque de l'École de médecine de fort à désirer tant au point de vue de la
Montpellier, ms. H 371, fol. 36. clarté qu'au point de vue de la correction, a
' Menestrier, dont le style, comme on l'a voulu dire: ayant niis beaucoup de temps à
déjà remarqué dès la première lettre, laisse rassembler des curiosités d'histoire naturelle.
[1626] À CLAUDE MKNESTRIER. 499
n'en sçaurois que resouldre en ayant mis ensemble jusques à deux
cents : j'en ay choisy six differens vous priant m'en donner quelque
lumière. Si en désirés davantage, je ne manqueray vous les envoyer.
J'ay faict semblablement un recueil de certaines médailles eslrava-
gantes et difficiles à interpréter comme est celle dont je vous en envoyé
une antique et un plomb de l'aultre que je me reserve conserver. Delà
mesme grandeur j'en ay deux aultres; on l'une il y a un labarum et au
revers une victoire cheminant, en l'aultre semblablemetitle labarum et
aiu^eus Mars gradivus, toutes deux sans letres. Ayant prins conseil de
Monsieur Bonnaire, j'ay différé au premier courrier pour estre plus as-
seuré à vous envoyer la pierre avec les vases de mesure et la romaine,
ensemble des desseins que j'ay tiré en argent battus de certaines mé-
dailles gre[ques] et quelques desseins faicts à la main. J'ay marqué au
plus juste qu'il m'a esté possible les deux pieds romains tirés de celuy là
du cardinal Boricompagno et de celuy du s' Cavaliero Gualdi' luy
m'ayant prié les marquer pour estre plus asseuré. Si jugés que je vous
puisse servir en quelque recherche ou curiosité par deçà, je vous prie
me commander et cognoistrez que suis et seray à jamais,
Monsieur,
vostre plus humble et affectionné serviteur,
Cl. Menetrie.
A Rome, ce 3o décembre 1696 '.
VIII
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Sur l'espoir que j'avois de ne faire si longue demeure en Italie j'ay
tousjours différé de vous faire part de ce que c'est trouvé de plus rai'e
' Voir sur l'archéologue-coUeclionneur le chevalier Francesco Gunidi, de Himirti, le
recueil Peiresc-Dupuy, t. 11, p. 233. — ' Bibliothèque nationale, fonds français, vol. gS'iâ .
fol. 179.
63.
500 LETTRES DE PEIRESC [1626]
pendant mon sesjour à Rome ayant tousjours heu cest volonté de vous
veoir en m'en retournent et vous communiquer ce que j'aurois de plus
curieux; voyant que la fortune n'a secondé mon dessein j'ay prins
l'hardiesse vous addresser ces deux lignes pour vous donner advis que
ces jours passés l'on a reveu les médailles de l'eut le cardinal Farnese '
là ou on a veu des merveilles et en grand nombre entre aultre un mé-
daillon de toute perfection de Pescennius ayant pour revers une pro-
vince comme la déesse Ceres, un Olho avec S* G* restitué de Tito
hors de tout soubson-. Le sig"" Ludovico Gompagno^ a esté plus d'un
mois à reveoir les médailles et l'on tient que Fulvio Orsino ne les avoit
jamais veues du tout, car les siennes sont d'appart. Il y a quelque
temps que je vous fis asçavoir que je taschois de mettre ensemble
toutes les médailles de colonies que je pourois recouvrer. Je suis arrivé
pour le presaiit jusques à une centinaire*" toutes de l'Empire entre
lesquelles il y a plusieurs Empereurs rares comme Jul. Caesar avec la
col. des Ghorintiens, Néron avec un pont, Galba avec un temple,
Macrin Gol. Hispal. Diadumenian. Tyro Merro (?) avec un Hercule,
Hostilian avec la teste Cybele, Marc Agrippa avec un trophée, iËmilian
avec provinc. DAGIA. J'ay quasi la suytte jusques à Gallien de mé-
dailles non donnés exceptés Laelius Pescennius; j'ay Pertinax d'ar-
gent avec Liberatis civibus figura stans dextra tesseram sinistra cornu
copias fort conservé. Did. Julian. Glod. Albin. Les deux Gordian Afr. et
Pap. J'ay de plus quasi touts les postérieurs non donnés ayant confronté
avec Occon. J'ay mis de plus ensemble jusques à deux cents médailles
grecques de l'Empire entre lesquelles il y a un Hadrien et une aultre
d'Antin[ous] ayant quasi un mesme revers de Deus Lunus; pour la cu-
riosité je vous en envoyé les desseins^. Les colonies que j'ay desseignés
' Voir sur le cardinal Farnèse le recueil lettres suivantes le nom de ce personnage
Peiresc-Dupuy, t. II , p. 3oi. qui ne se contentait pas de recueillir des
* Menestrier a soin de constater que la objets antiques, mais qui en faisait un petit
médaille est kors de tout soupçon, parce que commerce,
beaucoup d'Ollion ne sont pas de bon aloi. ' Pour centaine.
' Nous retrouverons souvent dans les '' Ces dessins sont au folio 181.
[1626] À CLAUDE MRNESTRIER. 501
outre celles desquelles j'ay les médailles passeront cent. Si je sçavois
vos desseins et que j'heusse quelque chose qui vous puisse servir je
vous servirois volontiers. Monsieur Aleaudro demeura dernièrement
trois ou quatre heures en ma chamhre pour considérer mes {jraveures
et soulphres en ayant quantité. Vous serés desja infourmé de la mort
du cardinal Ste Suzanne lequel plusieurs fois m'avoit parlé de vous'
et lequel estoit Bibliothécaire; laquelle place aura le cardinal Barbe-
rin, après lequel deces mourut le sig' Nicolas Alemani (juardian de la
Bibliothèque^ et quinze iours après trespassa le jeune homme qu'estoit
soubs ledit sieur Nicolas lequel avoit charge en ladicle bibliothèque de
un scriptoriat de la langue latine; or plusieurs amys m'ont conseillé
de procurer ladite place de ce jeusne homme; ayant le cardinal Barbe-
rin à conférer Testât du custode et de son home, m'imaginant que
peut estre Monseigneur le Légat passera à Marseille et qu'aurés ce bon
heur de le veoir come avés tousjours faict en ces aultres voyages, j'ay
prins l'hardiesse vous supplier si tel estoit vostre bon plaisir de me
tant obliger que de me recommander audit seigneur Cardinal et al
sig*^ cava"" de! Pozzo lequel me faict cest honneur que de m'aymer.
Excusés moy si j'ay prins tant d'hardiesse de vous supplier d'une telle
faveur, je vous prie, en eschange me commandés et me treuverés et
tout ce que j'ay de rare à vostre service et demeureray à perpétuité.
Monsieur,
vostre très humble et affectionné serviteur,
Cl. Menestrie,
A Rome, ce h septembre 1626'.
' Ce fut un des amis et correspondants du recueil Peiresc-Dupuy, p. »oi et sui-
de Peiresc. Voir les trois volumes du recueil vantes.
Peiresc-Dupuy, passim. ' Bibliothèque nationale, fonds français,
' Sur Nicole Aiemanni, voir le tome I vol. ^bMt, fol. 180.
502 LETTRES DE PEIRESC [1627]
IX
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
11 y a desja longtemps que j'esperois vous faire part de ce qui se
retreuve à Rome, mais j'attendois la responce d'une que je confia à
deux jeunes hommes de Langres qui s'embarquèrent à Rome pour
Marseille par laquelle je vous remerciois la faveur qu'il vous pleut me
faire en escrivant pour mon subject au cardinal Barberin, laquelle je
[ne] luy ay encore délivré attendant quelque bonne occasion, car l'oflice
de la Bibliothèque estoit ja conféré. Par la mienne je vous envoyois
la liste de mes colonies et aussy desirois sçavoir en quoy consistoit
principalement vostre curiosité s'il se presantoit quelque chose pour
achepter K Par ceste je vous envoyé un Tiran lequel j'espère qu'aurés
à cher ayant l'inscription M. Aur. Julianus D. F. Aug. et pour le revers
Pannoniae pour lequel j'ay payé deux escus lesquels m'a rendus Mon-
sieur Aubry ^. Par la première comodite que ledit Monsieur Aubry vous
envoyra une caisse je vous envoyrai quelques petites curieuses (sic)^^
la plupart grecques et entre autres un médaillon d'argent d'Alexandre
Severe à celle fin que selon icelle je puisse sçavoir ce qui sera de
vostre volonté, ayant désir vous servir et tesmoigner que suis et seray
à jamais,
Monsieur,
vostre plus humble et affectioné serviteur,
Cl. Menestrie.
Rome, ce 26 janvier 1637.
' Peiresc aurait pu répoudre que sa eu- ' Meneslrier, qui était l'homme du inonde
riosilé s'appliquait à tout, qu'elle était uni- qui écrivait avecle plus de négligence, comme
verselle et infinie. je l'ai déjà noté, et comme on ne s'en aper-
' G'est-à-dire Aubery. Voir sur cet in- cevra que trop jusqu'à la fin, avait oublié le
scripteur des bulles apostoliques le recueil mot médailles, comme plus haut il avait
Peiresc-Dupuy, passim. oublié le mot ne.
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 503
Monsieur, il vous plaira in'excuser si je ne vous escript plus ample-
ment estant pressé Monsieur Aubry de faire son pacquet'.
À MONSIEUR DE PEfRESC.
Monsitîur,
11 y a quinze jours que je voue envoya un M. Aur. Julianus avec un
mot de letre seulement estant pressé du temps; par icelle je vous es-
crivois que dans la première commodité qui se presanteroit que je ne
mancquerois vous faire tenir quelque chose de curieux pour sçavoir en
quoy principalement est cnclinée vostre volonté. Je ne vous ay envoyé
aulcunes medalles latines de l'empire croyant qu'ayés une suytte par-
faitte et complie, aultre qu'un medallon d'argent bas d'Alexandi-e
Severe avec trois figures au revers et l'inscription yEquitas Aug. pour
lequel j'ay desboursé V 5 de monoye romaine '^ Je vous escriray par-
ticulièrement le prix de ce que j'ay payé les medalles que je vous en-
voyé à celle fin que puissiés juger si je les ay tropt payé et suyvant
vostre advis je me comporleray. La medalle du Taie ? avec ceste in-
scription : QVI LVDlT ARRAM- DET- QVOD- SATIS- SIT de laquelle
je vous traitta estant à Paris ^ je i'avois pour unique, mais il y a quel-
ques deux mois que par bon liazard m'en tomba une du tout sem-
blable laquelle je paya 5 testons. J'ay vu plusieurs de ces asfragalles
de cuivre; j'en ay un d'ametiste for beau se confrontant aux fastes (jui
sont représentés dans la medalle. Puis un Gomniodus grec avec une
couronne et des poinctes eminentes au revers en ayant une couronne
semblable dans une medalle d'Hadrian grec et veu une aultre dans
' BiH. iint. , fonds fr. , vol. (i5W J' t8a. avaient (Hi' prt*cédées de quelques entrevues.
' G'est-h-dire cinq écus. Ce fut sans doute en se rendant de Paris à
' On voit que Menestrir avait fait la con- Rome par la Provence, que Menestrier,
naissance do IViresc pendant le sdjour de ce s'arrêtant à Aix on l'absonco de Peiresc, vil
dernier à Paris. Les relations tSpistolaires le cabinet do B. Borrilly.
50/1 LETTRES DE PEIRESC [1627]
Auguste. J'ay veu une aultre sorte de couronne en Jeux différentes
medalles dans le cabinet du cardinal Boncompagno ayant sept testes
eminentes alentour de la couronne et les courdons en bas pour la lier.
Le Coramodus n'est pas conservé, mais pour la curiosité j'ay jugé que
peut estre l'auriés à cher; pour iceluy j'ay payé 2 testons. 11 y a un Marc
Aurele grec fort courieux avec une figure à cheval. 8 Jul. Geta grec avec
un fleuve. 3 testons. Une lex Salonina grande fort conservé et un beau
révère. De même Vespas. et Tit. grec avec un fleuve au revers. 5. Jul.
Un roy avec un ornement en teste comme d'une thiare à letre inco-
gneiie, 1 teston. Une médaille de province fort belle avec l'inscription
de AHMOC BAGTNACAN, au revers un fleuve, laquelle j'ay adjoinct
pour sçavoir si aurès à plaisir d'avoir quelque province par la récep-
tion de ces medalles; j'espère que me ferés la faveur de me donner
une note de ce que désirés à celle fin que venant occasion que je
vous puis servir. Avec les medalles je vous envoyé jusques à dix ou
douze petits plombs antiques de grandeur des medalles d'argent en
ayant mis ensemble tous ceux que j'ay peu recouvrer à Rome qu'ar-
riveront à cent cinquante. Je vous supplie comme les aurés considérés
que de m'honorer tant que de me faire participant de vostre advis et
si en désirés d'avantage je vous en envoyray d'aultres. Vous treuverés
avec iceux une petite medalle de bronze ayant d'un costé une coronne
dans laquelle sont escriptes ces trois lettres A . P . P . et de l'aultre costé
il y a comme un sceptre sur lequel il y a une petite teste. En reguar-
dant ces plombs antiques j'en ay treuvé un lequel a d'un costé ' une
ape^ arme du pape^ et de l'aultre deux fourmis. J'en ay encore une
aultre ayant comme la précédente une ape et au revers une saute-
relle. Dans la caisse que Monsieur Aubery vous envoyé vous y verrez
des médailles représentant l'ape donnés dernièrement en lumière par
' Menestrier a écrit : du costé. ' Avec ces lettres :
' Vapis, abeille. On sait que les aliégo- OJAC HPOCnAAYPINK U^i
riques abeilles d'Urbain VIII furent l'occa- C'est ainsi cpie nous croyons pouvoir lire
sion d'une foule de pièces de vers italiennes la légende entourant une abeille sur le cro-
el latines. quis que Menestrier a tracé de son plomb.
[1627] \ CLAUDE MENESTRIER. 505
un Flamand. Depuis ce temps la j'en ay recouvert une aultrc ayant
d'un costc un cerf couclié et de l'aullre une ape avec ces letres. Lundy
dernier passé je présenta un anneau d'or antique ayant une courna-
line dans laquelle estoit gravé une ape de cette forme \ici un dessin
représentant une abeille avec tête humaine^ d'excellente manière (re-
présentant l'arme et la divise' ou impressa* du Pape) à Monsieur le
cardinal Barhcrin laquelle il lieut fort à cher et me dit qu'il vouloil
que moy mesme je la présentasse au pape l'ayant accompagné d'une
couple d'epigrammes. Avec cette mesme commodité je luy presanta
la letre de laquelle il vous avoit pleut me favoriser à celle (in que ve-
nant quelque occasion de vacance par vostre faveur je puisse estre
pourveu. Je luy fis aussy avoir un petit discours que j'ay mis ensemble
sur une petite statuette d'Harpocrate de marbre noir d'vEgypte repré-
sentant soubs une mesme figure d'Arpocrate le soleil ayant sept rayons
eu teste, Bacrhe^ pour la couronne de lier\ Mercure par les talares •''
aux pieds, Cupidon par les aisles et pharetre" dépendant de son col
ime bulle et ayant aux pieds un oyseau et pour enrichir ce peu de
discours je l'ay orné de diverses figures dudit Harpocrate de bronze,
plusieurs graveures et jusques à quarante medalles du mesme. J'es-
père y insérer plus de cent medalles tant d'Isis, d'Osiris que d'Anubis
lesquelles ne sont point esté données, desquelles j'ay ma bonne part
des originaux.
J'avois une petite medalle de Trajan fort conservé'' laquelle avoit
j)onr revers dans une couronne uor.) laquelle inscription je treuvois
difficile, mais peut de jours' j'en ay recouvré une aultre de la mesme
grandeur d'IIadrian ayant hIï^ au revers. J'ay mis ensemble quantité
' Dft i'itaiien (/(l'isa, devise. ' Talonnières, brodequins nvoe dos ailos,
' L'italien !m/)resrt signifie emblème. de/n/«m,cequieslrelalifàlachevilled«j>ie<i.
' Bacchus. * Carquois, de pharttra.
' Sic pour Iten-c. Menestrier é.ttih peut- ' Menostrier nVmi)loic prescjne jamais lo
être le «eu! de son temps à ëcrii-e le niol féminin des participes.
lierre avec cette abréviation. ' Menestrier a oublié d'ajouter : <iprè».
T. 64
506 LETTRES DE PEIRESC [16-27]
de petites medalles fort curieuses. Je vous envoyé succinctement une
note des medalles des colonies et municipes que j'ay mis ensemble
])remierement :
Jul. moyen avec Aug. avec le nom du II VIR- et CORIN.
Auguste avec un labyrinthe et autres, 4 ou 5.
TIB. M- m- ILERGA VONIA DERT. Un navire avec les veilles.
Un uutre ABDERA. Temple avec 4 colones. U ou 5 autres.
CyESAR autres municipes.
Claudius col. A-A. PAT 'XXII. Trois signes militaires.
NERO. EX CONSEl OCISl, Un taureau.
NERO. EX CONSE. Edifice comme aqueduc(|ue.
Un autre avec Bellerofon.
GALRA- un AN- AGRIPPA II VIR. Un temple fort conservé.
VITELLIUS petit avec S G ; il n'est pas de colon.
VESPASANTIOGHIA avec le génie d'Antioche.
TITUS petit avec ind. capt. différent des aultres.
DOMIT. GLIGOR. chimera.
Un aultre avec le Pégase.
Trajan figure sur une basse.
Hadrian jusques au nombre de six.
Anton.-Pius. Temple dans lequel est assis Mercure.
M.-Aurcl. jusques à g.
L. Verus 3.
Gommodus 5.
Severus i.
Garacal 6.
Geta li.
Macrin teste de Jove Gapit.
Diadum. Tyrus Métro. Hercules.
Elagab. GOL. IVL* Gass. sup. Ammon.
S. Alex. 9.
Maxiraus. COL. IVL. Aug. PELEA.
Gord. Pius GOL. ELP . PT. Deux fleuves fort beaux et puis U aultres.
Philip. GOL -DAMAS, avec a aultreô.
Philip. ANTIOGH- GOL. 3 signes militaires.
Hostiliano QUINTO • COL • AUREL. Caput turrit.
yEmilian. PROVINGIA DAGIA.
|1627| A CLAUDE MENESTIUEK. 507
TREb. Gall. AEL municip. lupa a. Gulty ',
Valeri tyro METRO de Tyro deux différentes et une de PTOL.
SABINA Aug. col. L-IVL-GOR.
C0R2- SALON ÏYRO.
M -AGRIPPA avec un trophée H VIR PRA.
Somme, 88 pièces.
Je vous spécifie seulement les noms des Empereurs desquels j'ay des
medalles de colonies; j'ay mis Vilellius et Titus encore qu'ils ne soient
de colonies, mais à cause qu'ils ne sont ordinaires. Il y en a aulcuns
conservés et aultres non, car les médailles des colonies pour la plus
part sont assez mai traitté. Pendant que Monsieur Joly estoit en vie'
plusieurs fois il m'en a offert 8 jules de l'une, mais je n'estois en vo-
lonté de m'en défaire; neantmoings s'il y a quelque chose qui vous duissc
ou en partie ou le tout est à vostre service. Dans la caisse que vous
addresse Monsieur Aubery avec son advis je y ay mis une inscription
de bronze antique laquelle nous payasmes douze escus de Rome. Je
vous l'envoyé sans sçavoir si ce seroit pièce de vostre curiosité; si par
hazard elle ne vous plaist et que ne la desiriez je vous supplieray me la
conserver jusques à ce que j'aye ce bonheur que de passer auprès de
vous et icy je rendray l'argent à Monsieur Aubery ou aultant de me-
dalles; le semblable je di aussy de toutes les medalles que je vous envoyé;
n'estant à vostre satisfaction je les rechangcray contre d'aultres ou gra-
veures antiques. L'on ne Ireuve pas beaucoup à presanl à Rome de-
puis un edict qui fut publié que touts les cavateurs '^ et recbercheurs
ayent de manifester au commis de la chambre tout ce qu'ils treuveront
qui passent la valeur [mots effacés) escus soubs peine de cinquante escus
et la corde. Aulcuns ayant vendus des medalles sans les manifester sont
estes chastiés; les aultres crainant la peine ne veullent plus fouyr la
' F^ mot cully est de lecture douteuse. ' Il s'agit ici du collectionneur nientiouué
■ Peut-être COL. Toute cette liste est bien dans les premières lettres de Peiresc à Me-
douteuse. L'emploi irri^ifidier des capitales neslrier.
et l'absence de ponctuation en augmentent * De carator, qui creuse.
encore l'obscuritë.
64.
508 LETTRES DE PEIRESC [1627]
terre pour rechercher des antiquités comme ils faissoiiit il y a quelque
temps; neantmoings le peut qui s'en treuve j'en ay tousjours ma pari;
si désirés quelque chose de par deçà faictes le moy seulement sçavoir
et ne manqueray d'y amploier toute diligence pour vous donner quelque
chose de hien, me disant à jamais,
Monsieur,
vostre très humhle et très affeclioné serviteur.
Cl. Mknetrie.
A Rome, ce i3 febvrier 1627 '.
Xi
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Je n'ay poinct réceu la lettre que vous dictes m'avoir escripte par
deux jeunes hommes de Langres, ne par consequant le roolle de voz
colonies. Bien ay-je receu celle du 26 janvier que vous aviez baillée jV
M"" Aubery, ensemble la médaille de M. AVR IVLIANVS dont je vous
lemercie Irez affectueusement vous asseurant que vous m'avez faict
plaisir, et que vous l'eussiez faict bien plus grand si vous y eussiez ad-
jousté ce médaillon que vous dictes d'Alexandre Severe d'argent, ou
pour le moings si vous me l'eussiez descripl un peu plus particulière-
ment, pour sçavoir s'U y a de revers qui soit autre que l'aigle qui se
void communément à la plus part de ces médailles impériales d'argent
plus grosses que les communes, et si l'inscription est autre que du
iiHMAPX ESOTCIAC. Que s'il vous estoit eschappée des mains avant
l'arrivée de la présente, envoyez nous en au moings une empreinte car
je ne doubte pas que vous n'en ayez retenu quelqu'une. Et quand vous
serez de loisir, faictes nous un petit roolle de tous les tyrans que vous
' Bibliothèque nationale, fonds français, vol. tjô^i, fol. i83.
[1627] À CLAUDE MENESTIUKR. 509
avez veus acluellemenl, et de touts ceux dont il se peult avoir des mé-
dailles ou des empreintes. Mais quand vous aurez quelque chose en
estât de me pouvoir estre envoyée, ne vous amusez poinct à en attendre
d'autres pour les faire venir ensemble ne à attendre de commodité de
barque. Remettez les seulement à M' Aubery, qui trouvera bien le moyen
de me les faire tenir seurement par la poste mesmes, en les faisant bien
garrotter dans des boittes pour ne se pouvoir céder ou frustrer par les
chemins, et les consignant à part des lettres pour n'en payer le port (jue
à tant la libvre, comme je soulois faire souvent quand j'estois en Italie.
Et sur ce après vous avoir remercié de rechef de vostre affection, je
finiray en vous asseurant de la mienne, et que je suis de tout mon
cœur.
Monsieur,
voslre Irez allectionné serviteur,
BE Peiresc.
D'Aix, ce 1 (j ' febvrier 1627 '.
xu
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Je receus dernièrement vostre lettre du i3 febvrier par un mei>sager
qui passoit oultre d'Avignon à Gènes si precipitament, qu'il ne me donna
loisir que d'escrire un mot à M' d'Aubery, sans avoir moyen de lisre
seulement vostre lettre, nomplus que plusieurs autres qui esloienl ve-
nues ensemble dont je me contentay de voir seulement les signatures
et les dattes. Mais je ne laissay pas pourtant de jettcr les yeux sur le
papier oh vous aviez transcripl l'inscription de la table de bronze, la-
quelle à ce premier aspect me sembla certainement bien belle comme
' Bibliothèque de Tlicole de médecine de MonliMîllier, ms. Il 371 , fol. 117.
510 LETTRES DE PEIRESC [1627]
il fault advoiier qu'elle l'est. Mais sitost que ce messager fut party, je
me voulus asseurer d'une mémoire confuse que j'avois d'avoir veu
quelque chose de semblable dans les inscriptions de Grutberus ', où je
trouvay qu'elle estoit toute entière de mol à mot, sans qu'il y eust une
seule syllabe ne lettre à dire. Ce qui diminua grandement le plaisir
que m'avoit apporté cette nouvelle et quelques jours aprez je receus la
cassette, et quand je vis la table mesmes de bronze, je me trouvay en-
cores un petit peu plus mortifié, voyant combien l'ouvrage en est gros-
sier, eu esgard à un acte publique faict aux despans et par une am-
bassade expresse d'une ville toute entière, la couronne qui est dessus
estant si mal moullée qu'on ne sçauroit dire de quoy elle pouvoit estre.
Tant y a que je vous suis tousjours redevable de vostre bonne volonté
et la pièce peult tousjours servir d'un bon meuble de cabinet. Mais
])uisqu'elle a esté une foys publiée comme desterrée à Rome soubs
Pie IIII l'an i56i au jardin du monastère de S. Stepliano Ritondo, et
rangée dans le cabinet d'Acliilles Maffœus ^ avec quattre autres quasi de
mesme temps faictes à mesmes fins, en faveur du mesmes Q. ARADIVS
PROCVLVS, par quattre autres villes aflricaines comme celle là, à sça-
voir des colonies de Zama ^ HADRVMETVM ', THAEMTTM et du mu-
nicipium CIVILITAN\ M, il ne se peult plus guieres apprendre de cette
pièce icy, qui la puisse rendre beaucoup recommandable au moings à
proportion de ce qu'elle eust esté, si c'eust esté une pièce nouvellement
desterrée, laquelle de soy portoit assez de petites formules et curiositez
bien genliles et capables de la tenir en quelque prix et en quelque es-
time, si on l'eust peu donner au jour le premier. Je vous en parle avec
cette liberté, puisque vous me faictes grande instance à ce que j'en use
ainsin avec vous.
' Le Corpus inscriptionum de iean Gvuler ' Aujourd'hui Zouarim, ville delà Nu-
(Heidelberg-, i6o3, in-folio) a été déjà iiiidie, h 3o kil. deTagaste.
souvent mentionné dans celte correspon- '' Adrumète, ou mieux Hadi'umèle, à
dance. i3o kil. de Cartbage, était la capitale de
Le cabinet d'Achille Maffci était un la Dyzacène. Près de ses ruines s'élève une
des plus célèbres de tous les cabioeLs de des villes les plus prospères de la Tunisie,
Piome. Soussa.
|IC271 A CLAUDE MKNESTRrRR. 511
Quant aux médailles, celle que vous appeliez du talc est bien de
mon goust, et je n'y plains nullement l'argent qui y a esté employé,
mais je l'estimerois davantage si vous n'y eussiez point touché du tout,
pour ayder comme vous avez faict les lettres de la fin de quelques mots.
J'eusse beaucoup mieux aymé avoir la peine de les deviner moymesmes,
ou de les suppléer par les moindres vestiges, que d'avoir enfoncé le
champ de la médaille pour y espairgner du relief aux dites lettres. Je
l'estimerois le double sans cela. Mais lousjours la tiens-je à singulière
laveur et ne vous dis cela, que pour vous servir d'advis à l'advenir que
j'estime les medaglie «cr^ùu ' beaucoup plus sans comparaison que celles
qui sont tant soyt peu aidées, soubz prétexte de les nettoyer. Car je
les vouldrois, si besoing estoit, faire nettoyer moy mespfies en ma pré-
sence pour ne pas laisser advancer le stecco, ou la pietra verde plu»
avant que ce (|ue je permettrois sans y laisser toucher par burin pour
quelque occasion que ce peult estre.
Le médaillon que vous dictes d'argent d'Alexandre, est bien une belle
pièce à mon advis. Plusieurs de mes amis qui croient s'y cognoistre
veullent opiniastrer qu'il soit moderne et mouUé, mais je crois qu'ils se
trompent evidamment et que la pièce est antique. 11 est vray qu'elle a
esté fort mal traictée non seulement du tanq)s, mais possible de l'artifice
des hommes, et j'ay grande peine à me persuader qu'elle ayt jamais esté
faicle pour une pièce d'argent. Car si bien en ce temps là desja l'argent
estoit r'abbayddé, toulefoys les monnoyes qui s'en trouvent, non seu-
lement des ordinaires romaines, mais des grecques plus grosses au triple
et quaddruple ne sont pas de si mauvaise matière. Voire je doubte s'il
y a rien d'argent qui soit allié avec le corps de la médaille, car l'ayant
faict picquer d'un coup de poinçon sur le bord, il me semble que le de-
dans est plus rougeastre ou jaunastre que blanc, et les orfèvres ne
tiennent pas qu'il y ait de l'argent franc, ains plustost quelque blan-
chiment ou teinture. Une chose ay-je bien vérifiée indubitablement (et
c'est ce qui seul peult garentir la pièce antique), c'est qu'elle a perdue
' Mëdailles vierges.
512 LETTRES DE PEIRESC [1627]
et s'est despouillée d'une superficie de toutz costez de l'espoisseur de
plus qu'une feuille de papier, soit qu'on l'ait mise dans quelque eau
forte ou dans quelque vinaigre, ou bien qu'elle se soit rencontrée dans
quelque terrain corrosif, comme il n'en manque pas autour de Rome,
et pour preuve de cela, il est resté quelques fragments de la dicte peau
ou superficie, tant du costé de la teste, au bas du chinon du col, et
dans le champ, entre les liens de la couronne, que du costé du revers
dans le champ entre les figures, et entre quelques lettres de l'inscrip-
tion , que au plus bas sous les pieds des dictes figures. Ce recognoissant
apparemment que ce qui reste de la dicte peau retient encores quelques
vestiges du poliment primitif que pouvoit avbir laissé le coing, car tout
le reste qui est pelle ou despouillé est demeuré si grenelle, qu'il n'y a
vestige quelquonque de cogneure, ains plustost imite en quelque façon
le grain de la moulleure et du sable, comme il le fauldroit juger tel,
sans ce qui reste de la primitive peau où le coing avoit imprimé ses
marques. Et qui plus est, touts les vestiges de la dicte peau sont si
jaulnes, que je tiens que la pièce aye esté dorée, soit par les anciens
ou parles modernes, ce qui peult bien avoir contribué à luy faire perdre
sa peau, si feau avec quoy y a esté appliqué l'or estoit trop forte et
trop corrosive , et possible qu'avant que la dorer, l'a-t-on voulu blan-
chir par quelque teinture, possible à nous incogneiie, comme il est
certain que les anciens en avoient qui faisoient du cuivre blanc sans qu'il
eust aulcune qualité d'argent, ne d'estain, et le blanc ou teinture ne
laissoit pas de pénétrer bien avant dans le corps du metail , mieux que
font noz orfeuvres quand ils argentent. Ce qui me confirme en cette opi-
nion, que la pièce fut antique, est que le bord semble fort naturel et
tel que le peult avoir laissé, dans son air, la force de la cogneure agis-
sant sur le plat. Mais cela se peult contrefaire, de sorte que cela seul
ne m'eust pas emporté à l'afTirmative. Tant y a que vous voyez que je
faicts bien ce que vous avez voulu, c'est à dire je vous parle bien avec
grande liberté, et Dieu sçaicl si cette pièce avoit jamais esté examinée
si exactement que cela. Je seray bien aise que vous m'en disiez vostre
advis avec la mesme liberté. Et surtout, je vous prie, ne vous imaginez
[1627] À CLAUDE ME.XKSTRIKH. 513
pas que je sois porté eu cela d'aulcun dessaiii de vous despriser voslnr
niarcliaudise, car je vous déclare que je n'y plains nullement le pri\
que vous en avez faict bailler de cinq escus, attendu que le seul plaisir
que j'ay prins de l'espluscher, et d'y trouver cez fondements, et en ga-
rentir l'antitpiité, contre l'advis de noz anti([uaires, vault j)lu8 que les
cinq escus et le double, et puis au bout du compte c'est tousjoui-s une
belle médaille, et qui peult tenir ranjj entre les grandes et les belles,
car le relief et la manière eu est noble. Mais de le tenir pour médaillon
d'argent, c'est ce que je n'oserois pas faire, veu que pour médaillon, la
grandeur n'est pas jusques à ce poinct qu'il fauldroit pour excéder la
grandeur des médailles grandes. Et pour la matière d'argent, oullrc
que les orfeuvres n'en sont pas d'accord, et qu'il n'a comparaison quel-
quonque avec toutes les autres pièces d'argent du mesme prince, non
seulement des latines, mais des grecques, je n'y trouve d'ailleurs aul-
cun rapport avec la proportion que debvroit avoir avec les autres mon-
noyes courantes de ce tenq)s là à peu prez, car il fauldroit que ce fusl
ou le double des grecques plus grosses, ou le quadrupple des petites,
ou bien redoubler ce quadrupple des latines, mais il n'y a rien d'ap-
])rocliant à cette proportion de poids, non plus qu'à celle de l'alloy, ne
à la forme. Tellement qu'il fault conclure que c'ait esté une belle grande
médaille de cuivre, teinte et dorée, pour tenir rang possible au lieu
d'une pierre précieuse, comme on faisoit anciennement de beaucoup
d'autres, dont j'en ay quelques unes et connue estoient tenues cez pe-
tites medaillettes de cuivre encbainées bien que grossièrement que vous
me monstrastes à Paris, et que je prendrois encores volontiers, si vous
ne vous en estes desfaict depuis lors, comme il pourroit estre, puisque
vous me monstrastes en mesme temps vostre Astragale d'ametliysle
que vous me dictes maintenant avoir encores, et lequel j'achepte-
rois pareillement volontiers si le prix en est modéré, pour le joindre
à trois autres que j'ay l'un de Corniole, l'aultre d'Agathe, et le Iroi-
siesme de Clirystal antiques, où celluy d'améthyste ne seroit pas mal
apparié.
Venant donc aux autres médailles que vous m'avez envoyées, et spe-
G5
5U LETTRES DE PEIRESC [1627|
cialement les Grecques, je vous diray que quand ii y a quelque chose
à apprendre je prends plaisir d'en avoir, et bien que je ne veuille pas
négliger jusques aux plus mal conservées, faut qu'il y reste quelques
vestiges cappables de donner quelque lumière, si est-ce que quand les
inscriptions ne se peuvent commodément lisre, j'en tiens le prix gran-
dement diminué et r'avallé de tout quasi en tout. Et quand les lettres
sont retouchées ou reparées avec le burin ou autrement, tant s'en fault
que j'en fasse cas, qu'au contraire elles me font mal à veue, attendu
que la pluspart du temps ceux qui se meslent de ce mestier, ne pou-
vants pas sçavoir le fonds de l'histoire et de l'antiquité, prennent quasi
tousjours des equivocques et font desbesveiies intollerables , par exemple
vous avez laict quelque cas d'une médaille à deux testes que vous dictes
estre de Vespasian et de Tite, parce qu'il y a un fleuve au revers. Et
ce qui faict que je ne la prise pas tant est qu'on l'a reparée en sorte
qu'on y a refaict touts les deux profiles des visages, et au lieu d'un
Titus au costé où vous croyez qu'il sera on en a faict quasi un Domi-
tian, ou plustost on a corrompu le visage de Domitian pour en faire un
Titus, et au lieu d'un Titus qui y pouvoit estre de l'autre part, on en
a faict un Vespasian, et a-t-on rebarbouillé encores les lettres en sorte '
qu'on ne sçauroit plus lier les vestiges qui y restent par aulcunes con-
jectures de mise sans estre desmenty par les faulx coups de burin, sans
lesquels possible y lisrois-je le nom de Tite d'un costé, et celuy de Do-
mitian de l'autre. Et au revers, si le nom du fleuve ou de la ville se
pouvoient lisre, j'en ferois estime, mais ne se pouvant deschifl"rer, c'est
un desplaisir de voir un fleuve sans sçavoir dire quel il estoit.
Vostre Geta me plaict un peu davantage bien qu'il soit esfacé, at-
tendu que l'art n'y a rien altéré, que la conjecture me demeure libre
pour conjecturer hardiment ce qui y pouvoit estre, et y on rechercher
quelques vestiges. Mais à la diflerence du prix que vous y mettez, eu
esgard aux autres, je vois que vous avez plus considéré la teste que le
revers, à cause que Geta Narba n'est pas si commun, mais c'est ce que
je ne considère guieres pour ma curiosité, car je n'y regarde guieres
que l'histoire, et ce qui y peult servir. C'est pourquoy je ne m'amuse
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 515
pas à faire des suiltes impériales de médailles grecques, ne de colonies,
ains je les range selon l'histoire.
Pour le regard du Marc Aurele, celuy qui en a nettoyé la teste a cslr
bien discret à mon gré, et n'y a rien gasté, mais au revers, parce qu'il
ne le sçavoit pas deviner, encores y a-t-il corrompu quelque chose et
des lettres et de la figure, ce qui faict que je ne la puis priser h l'esgal
de ce que je ferois, s'il n'y eust pas louché si avant.
Quant à celle de Conmiode, elle a esté si mal traictée que c'est pitié
et n'y est resté guieres de vestiges par lesquelles on puisse distinguer
({uelle sorte de couronne c'estoit, car les rayons que vous y trouvez
sont bien clairsemez, et bien mal rangez, pour en tirer grande instruc-
tion, et qui pis est l'inscription reduicte en bien mauvais estât pour la
lisre, comme il fauldroil; tant y a que vous m'avez faict plaisir de me
l'envoyer, et m'en feriez encores davantage si vous m'envoyiez celle que
vous dictes avoir de l'Hadrian avec une pareille couronne, aflin d'es-
sayer si par l'une nous pourrions ayder ou suppléer les deffaults de
l'autre, ou pour le moings qu'il vous pleust nous en envoyer une em-
preinte de plomb, et si aviez l'empreinte de celle que dictes avoir veu
d'Auguste avec une semblable couronne, je la verrois aussy fort volon-
tiers, pour avoir de quoy appuyer les conjectures qui s'y pourroient
faire, lesquelles vont à vauleau, quand on n'a qu'une seulle pièce si
mal conservée et si corrompue de l'antiquité, oii l'on peult quelques
foys imaginer d'aussy diflerentes figures sur un mesme corps que dans
les niies.
J'ay veu volontiers cette pièce barbare bien que les lettres soient in-
cogneiies, et de cette sorte là, j'en prendray volontiers tant qu'il s'en
trouvera à vendre.
Cette médaille grecque avec l'inscription AHMOC, est de celles qui
tombent dans ma curiosité, mais je plains la perte de l'inscription du
revers, où il a esté touché peu, mais encores y a t'il porté quoique
préjudice. Gez ouvriers prepareurs de médailles ne debvroienl jamais
toucher aux grecques, qui leur sont moings cogneues et moings fami-
lières que les latines.
65.
51G LETTRES DE PEIRESC [16-27|
Reste encores la Salonine où il n'y a rien d'extraordinaire pour une
médaille grecque, et si bien elle est grossière cela n'est pas mal com-
patible avec son siècle.
Touchant la médaille du Labaruni que \oiis aviez mise dans vostre
lettre, j'en avois une avec le niesme Labarum et une Victoire au revers,
de sorte que la vostre ne s'accoupple pas mal avec la mienne. J'avois
pareillement une de cez medaillettes avec le sceptre d'un costé, et la
couronne et lettres de l'autre, oultre la semblable que vous m'aviez
envoyé l'année précédente, et pense avoir une centaine de petites mé-
dailles latines de cuivre battues depuis Auguste jusques à Hadrian, dont
la pluspart appartiennent aux Empereurs, et sont un peu plus malai-
sées à deschifîrer que les ordinaires des autres grandeurs qu'on appelle
petites, mezzanes et grandes. Et souvent si bien les noms des enqje-
reurs y sont, leurs images n'y sont pas estant ains des Dieux et des
Déesses, ou des autres choses appartenantes aux deitcz. 11 y en a parniy
(juelques unes , comme cez vostres deux , et une douzaine d'autres sortes ,
bien malaisées à deschilîrer. Je ne les ay jamais bien exactement exa-
minées. Mais en rangeant, s'il plaict à Dieu, mes antiques à cet esté,
et r'assemblant celles qui doivent estre ensemble, nous verrons si nous
en pourrions tirer quelque l'ruict et quelque sens.
Pour les medaillettes de plomb, j'en avois a])porlé de Rome une cin-
(juantaiue où il y en a de plus ou moings extravagantes, mais je ne les
ay pas peu trouver maintenant à ma main, pour les comparer avec les
vostres. Je vouldrois avoir veu les i 5o que vous dictes avoir recueillies,
pour chercher si de tout cela et de toutes les miennes, il ne se lireroit
poinct quelque lumière, pour juger à quel usage elles peuvent avoir
esté i'aictes, car l'extravagance y est si grande en plusieurs, qu il est
lort malaisé de les réduire soubs aulcune règle. Toutes foys il ne lault
désespérer de rien, et je vous remercie bien fort de la douzaine que
vous m'avez envoyée maintenant, dont je ne vous diray pas mon advis
que je n'aye retrouvé le fagot des miennes, entre lesquelles j'en avois
mesmes aulcunes aussy larges que les médailles ordinaires, mezzanes
et plus.
[1627] À CLAUDE MRNRSTRIKR. 517
J'oiihliois (le vous dire, k propos de ces petites romaines de enivre,
que si vous en rencontrez une bien nette, de celles rju'Ant. Augustinus
a mises dans son premier Dialogue*, où il y a deux braaselets et un
laurier, je l'achepteray volontiers, à prix nioderé, car celles que j'av
sont un peu mal conservées. J'en ay une avec l'inscription MIÎTAR.
DELM. mais il n'y a poinct de nom d'empereur et me ferez plaisir de
m'envoycr empreinte des vostres deux où est le MET. NOR. et le ME-
TA H. DELM. avec les noms de Trajan et d'Hadrian , si ce n'est que vous
venilliez [vous] desl'aire <i prix médiocre des originaulx, auquel cas je
les achepterois. Sinon je me contenteray des empreintes.
Pour en venir à voz colonies, j'eusse bien mieux aynié voir un roolle
pièce pai- pièce, avec les inscriptions desdictes colonies, pour mieux
juger de ce que peult importer le recueil, car je ne considère pas la
suitte des images des empereurs qui y sont représentez, comme ce qui
est do riiistoire particulière des dictes colonies. Tant y a que je verrois
volontiers ou les empreintes ou les originaulx des colonies de TYHO
et de COL. TROAS et de COL. AER. CAIMTOLINA, de COL. FL.
NEAPOLIS grecque ou latine, de COL. LI. COR. et spécialement
<le celle (|iïe vous mettez toute la première en vostre roolle de Jule
moyen, avec Auguste et CORIN. et celle (jue vous mettez la dernière
de M. AGRIPPA.
Au surplus povir les médailles grecques on de colonies généralement,
je prends plaisir do recueillir toutes celles de Marc Aurele et d'Alexandre
Severe, qui sont des plus ordinaires, car elles ne sont pas rares comme
des autres empereurs qui ont moings vescu. Et oultre ce, toutes les
médailles grecques où sont représentées des Montagnes, de queltjue
(!nq)ereur et grandeur que ce soit, comme aussy de celles de BYZAN-
TIVM, et particulièrement -de celles qui ont des fuseaux. Et finale-
ment de cez médailles soit de cuivre ou d'argent, qui ont des caractères
' Dùiloffos du medallas, inscrkiones ij rKspagne (ses SOTijsflpvragwi de droit retn-
(itnw uiiliirucdadex. Ex biblintheca Anl. Au- plissent dix voluincsin-fol.), naquit h Sara-
(fiislini. {Tnrrajjona, 1S87, in-/r.) Anl. <;osseen 1 SiG, fut i-vt^iiup de l,<'rida,aiTlio-
Auguslin , un dos plus Itfconds énidits de vé(iue de Tarragone et mourut eu t bSC>.
518 LETTRES DE PEIRESC [1627]
Samaritains, excepté cez sicles letradragmes (?) tels que celuy qu'a mis
Ant. Augustinus, dont j'en ay plusieurs.
Voilà maintenant pour vous dire en gros ce qui touche ma curiosité
de tout ce que vous m'avez demandé. J'oubliois de vous dire que j'ay
quelques médailles avec la couronne de Testes et quelque dessein de
figure antique couronnée de cette sorte. Si M?"" le cardinal Buoncom-
pagni estoit homme qui voulust bailler empreinte des deux médailles
qu'il a avec telles couronnes, il y auroit moyen de luy rendre re-
vanche.
Il ne me reste plus pour satisfaire à toute vostre lettre qu'il me sou-
vienne si ce n'est que je vous félicite des beaux présents que vous avez
faicts à Ms' le cardinal Barberin. Je vouldrois qu'ils vous vallussent
quelque chose de bon, principalement vostre discoui-s sur la figure
d'Harpocrates, de laquelle je [recevrois] volontiers le dessein, atten-
dant que vous mettiez vostre discours au jour. Je pense avoir plus de
2 0 figures difîerentes du dict Arpocrates et de bien différante antiquité.
Il feroit bon voir un petit rolle des figures dudict Arpocrates que vous
alléguez en vostre libvre, si vous y marquiez les differances de l'une à
l'aultre, sur quoy je finis demeurant,
Monsieur,
vostre trez affectionné serviteur.
DE Peiresc
D'Aix, ce dernier mars 1697 '.
XIII
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Avant que faire responce à la vostre par laquelle accussés avoir
receu le M. A. IVLIANVS je me croyois tant faire auprès des antiquaires
' Bibliothèque de l'Kcole de médecine de Montpellier, ms. H 271 , fol. 28.
[1627] À CLAUDE MENESTUIER. 519
qui 6ont à Rome que de tirer une copie de touts le» Tyrans
qu'ilz ont dans leurs cabinets comme desirez, ce que je n'ay peut
obtenir, s' Ludovico Compagne estant malade, un aultre nommé
Gotifredi estant hors de la ville, lequel m'a asseuré en avoir six ou
sept hors ceulx que sçavés estre ordinaire; par le prochain ordi-
naire je ne mancqueray vous les faire tenir. Je tira dernièrement d'un
cabinet une petite medalle de la forme des Cornelia Salonina grecques
que l'on treuve ordinairement me croyant estre icelle du premier
abbord, mais la considérant j'apperceul qu'elle avoit le visage plus
rond et qu'il y avoit moings de letre lesquelles disent C-ElITIMrA
(si je ne me trompe) ZHNOBIA C6B. La parole OBIA C6B. estant
fort claire ayant au revers l'espérance avec L* E*. Je ne sçay si ce
pouroit estre Zenobia n'en ayant jamais veu aulcuries médailles. Sça-
'chant qu'avez goust es médailles Grecques je choisis dernièrement
entre des médailles apportées de Naples six assez curieuses pour le
prix de sept escus y ayant un Néron avec Poppœa Grec non comme
l'ordinaire, mais une teste sur l'aullre et au revers une teste femine
turrite disant BEAN PiiMHN puis AOMITIA CEBASTH. au revers
une Diane efese' et deux rangs de letre toutes deux moyennes et assez
conservé, une Julia Domna lOTAIA C6BASTH ayant au révère une
femme comme Gybeles turrita appuyant la main droilte sur un
^ Lyon et haussant sa robe de la gauche et letres
.i^°V KAPlieûN , une aultre lOTAIA ATrOTCTA d'ar-
^J^^^^^^^-^ gent bas de la grandeur d'une pièce de dix solz
I' =^ ayant une aigle et l'inscription comme d'un Em-
pereur DHMAPX eZOTCIAG. Un Commodus avec
A ce révère et Caracalla crotonié ^ avec la merque
o
a:
vie d'argent ^ ayant au revers une figure dans un
lectisterne comme de Néron, mais celle icy a escript en bas REGINA.
Je desirerois fort sçavoir ce qui seroit de vostre délectation à celle fin
' On a reconiui, malgré Ifi Iraveslissemonl, Diane (rKphèse. — ' C"est-à-<lire de (ifo-
toiie, croloniala.
520 LETTRES DE PEIRESC [16'i7]
que venant occasion je vous puisse servir avec aullant d'alTeclion que
je me dis à perpétuité,
j\Ionsieur,
voslrc très humble et afl'eclionné serviteur,
Cl. Me.nethie.
A Rome, ce 7 avril «607 '.
Depuis ceste escriple j ay descouverl trois médailles curieuses des-
quelles je vous envoyé les desseins. Le premier est un Antonin de la
grandeur d'un médaillon, verd beau et conservé. Le second Comode
semblablenient verd et conservé et de bon maistre; l'aultre est un mé-
daillon d'Antonin Pie lequel n'est si conservé que les deux premiers
desquelles on désire avoir douze escus de monoye. Si désirés les avoir,
je tascheray incontinant les achepter et Monsieur Aubery vous les fera
tenir.
XIV
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Il me desplaict fort que les médailles et l'inscription de bronze que
je vous envoya ne sont esté entièrement de voslre contantement comme
metesmognés parla vostre, entre aultres la médaille grande d'Alexandre
Severe appelle et tenue à Rome pour médaillon, n'ayant le S. G. comme
les médailles ordinaires; pendant que ladite médaille a esté en vente
dans Rome personne n'a jamais doublé de son antiquité, ce que plusieurs
pouvoint faire à cause que cest hyver passé l'on en treuva trois de mesme
grandeurs et revers dudit Alexandre en nettoyant les cloacques autour
de la Rotonde, l'un desquels a esté vendus aux Gotifredi huict escus
et l'aultre qu'est quasi tout consommé, est entre les mains d'un nommé
' Bibliothèque nationale, fonds français, gS/ii, fol. 191.
[1C-27J À CLAUDE MENESTIUI^FJ. 521
Hierosrne ([ui rcnottc ' les médailles à la consolalioii <;l par celle qu'il
a entre les mains l'on recognoit que ce n'est pas seulement la su-
perficie qui soit blanche, mais encore le dedans du mctail comme
de ccsfe ligue basse de laquelle sont forgées toutes les médailles
d'Alexandre jusques à Gallien. Quant à celle du Talc ou astragale de la
sorte que je l'acliepta de Ludovico Conqiagne je l'ay tousjours conservée
sans y avoir rien touché; celle qui m'est venue par les mains est encore
pire; pour vosire satisfaction si la désirés je ne mancqueray vous l'en-
voyer et choisirez celle qui vous plaira le plus. Voyant que pour ac-
compagner les trois astragales qu'avez desirez le mien d'ametiste, m'en
estant venus un de paste de mesme couleur, je n'ay voulu mancquer
m'en priver (si bien je me souvien je le paya 5 ou 6 Jules. J'ay un
poid en ayant un passant de part h l'autre; si le désirés je vous le feray
tenir ^) encore que plusieurs fois je sois esté impouiluné de m'en def-
faire, mais tout ce (jue j'ay parmy mes curiosités je vous prie de les
demander franchement que pour le prix qu'elles me coustcnt je vous
en serviray fort volontiers en recompense de la faveur qu'il vous pleut
me tesmoigner par celle que je délivra au cardinal Barberin encore
que l'office fusse desja conféré et desirerois fort avoir le moyen vous
en pouvoir gratifier si mes moyens le permettoint, mais dès le temps que
j'heu ce bonheur de vous veoir à Paris j'ay faict des grands frais pour
m'entretenir à Rome en espoir d'avoir quelque bénéfice et nonobstant
la longueur du temps je n'ay rien pourchassé; que si j'avois et ob-
tenois quelques clioses par deçà incontinant je m'embarquerois pour
passer plus à l'aisse mes curiosités en France là où les pouriez exami-
ner et choisir ce qui seroit de vostre contanlement. J'ay accepté du
s' Ludovico Compagne la médaille donné par Ant. Augustin laquelle
est fort bien conservé pour le prix de huict Jules. Je luy ay presanlé
aultres huict Jules de la médaille de Trajau avec MET. NOR. laquelle
il ne m'a voulu délivrer moings de quatre testons. Je vous envoyé la
mieime qu'est un Hadrian lequel me couste deux escus. L'aullrc avec
' Nettoie. — ' Ce qui est entre parenthèses est en renvoi ù ta marge.
T. 66
522 LETTRES DE PEIRESC [1627]
METAL. DELM. je croy qu'elle soit semblable à celle que me dittes avoir
n'ayant aultre au revers qu'une teste d'un Mars et l'aultre costé une
curasse. A ce propos il me monstra un petit Trajan ayant pour revers
une figure et inscription semblable à celle que je vous envoie DARDA-
NlCi. La mienne au lieu de Trajan ayant ROMA laquelle j'ay payé
2 Jules. J'ay prins aussy auprès d'un revandeur de médailles ceste icy
jointe avec letres incogneues pour le prix d'un teston. Ce mesme en a
encore deux ou trois, mais avec differens characteres. J'ay bien quantité
de médailles extravaguantes lesquels je n'ose vous envoyer craynant
qu'elles ne soint de vostre délectation. J'avois prolongé de vous escrire
espérant d'avoir les imprants des Tyrans qu'ont les sig" Golifredi , ce
que je n'ay encore peu obtenir d'eux; par le procbain je vous escriray
plus amplement et vous envoyray les inscriptions de divers plombs des-
quels je ne retreuve les originaulx et aussy une copie de ma figure
d'Harpocrate en ayant jusques à quinze médailles designés et pour les
accompagner je y adjoinct jusques à cent médailles de Serapis, Isis et
Anubis et diverses graveures non donnés. J'accepta dernièrement d'un
cabinet de Naples pour 5 escus un médaillon de forme crotoniate ayant
la teste si ordinaire d'Invicta Roma ', mais elle me semblable (sic) extraorr
dinaire de grandeur comme verrez par ce dessein accompagnée d'une
de Gonstantinopolis ayant au revers VICTORIA AVG. represantant une
victoire assise couronnée comme Antiochia tenant un rameau d'olive
de la droite et un cornu copias de la gauche fort conservé et virge. Je
vous supplie m'excuser si je vous ay escript la presante en presse n'ayant
respondus à la vostre comme mon debvoir m'oblige; attendant l'ordi-
naire suyvant je me diray à jamais,
Monsieur,
vostre très humble et affectionné serviteur,
Cl. Menetiue.
A Rome, ce 5 may 1627.
Je me retreuvois encore les petites médailles enchaînées, lesquelles
' A la marge Menestrier a dessiné tant bien que mal un homme luttant contre une bête
féroce. Ce dessin ne nous a pas paru mériter l'honneur d'être reproduit.
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 523
je vous supplie accepter de bon cœur me desplaisaiit qu'elles ne
soint davantage. Le cardinal Sacrati en avoit une chesne de plus de
soixante '
XV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire d'Avignon voz deux despesches
du 7 avril et U may, ensemble les quattre petites medaillettes joincles
à la dernière. Et peu de jours aprez je receus par un bon liermile de
cez quartiers icy les autres six médailles grecques mentionntk'S en
vostre première lettre dont je vous remercie trez aftectueusement. J'ay
prins plaisir à celle de Néron avec Poppee, mais j'en eusse bien prin.s
davantage, si la seconde moitié de l'inscription du revers se fust peu
lisre, pour sçavoir le lieu ofi la pièce est battue, car il est bien cer-
tain que c'est en quelque lieu où l'on tenoit Rome au rang des Dieux
tutelaires. Et c'est tout le principal fruict qui s'en pouvoit tirer, ne se
pouvant pas dire, comme des médailles Romaines, que ce fussent
pièces battues par ordre de l'Empereur ou du Sénat Romain. Cette Do-
mitia a estce fort gastée par l'ouvrier qui l'a nettoyée ; je l'eusse mieux
aymée sans nettoyer, et eusse bien plus commodément leu l'inscription
du revers, que l'on a tellement corrompue avec le burin, qu'il est
malaisé de la suppléer. Celle du Commode avec l'aultel seroit encores
bien meilleure si elle fust demeurée vergine, comme on dict, car on
ne luy eust pas effacé, comme on a faict, la datte de l'année de l'em-
pire dudict Commode laquelle estoit dans le champ de l'aultel. Cette
inscription AHMAPX'EEOVCIAC, au revers de Julia Domma, regarde
la republique Antiochene, où la médaille est battue, et non la qualité
' Bibliothèque nationale, fonds français, qS^/), foi. 189.
66.
5-2/1 LETTRES DE PEIRESC [16-27]
(le iiinperatiice. Car en ce temps là loutles les médailles d'Antioche
de ce metail et grandeur (comme d ; plusieurs autres grandeurs et de
simple cuyvre) portoienl la marque ou aulliorité du Senatus Consultum
et du Tribun populaire. J'en ay grand nombre de cette sorte de divers
empereurs et impératrices, avec la mesnie inscription, et souvent se
contenloient [trois mots non déchiffrés^ S. C. et A. E.
L'autre Jalia de cuivre me plaict davantage pour estre vci-gine.
Aussy n'ay-je poinct eu de peine d'en suppléer l'inscription. Pour la
Grotoniatc de Caracalla (selon que vous la baptisez), elle est bien
fruste ou usée, et l'inscription du revers est imperfetle, car il s'en void
d'autres avec mesme revers, qui ont l'inscription toute entière, sçavoir
est 0LA^^1PIA REGINA. C'est pourquoy de cette médaille là, je n'en
eusse pas tant faict de cas, et pour toutes cez six médailles, estants les
cinq petites et retouchées aulcunes comme elles sont, et les autres im-
perfectes ou usées. Je vous sçay neantmoings fort bon gré de tant de
bonne volonté que vous me tesmoignez, mcsnics des petites médailles
dont vous vous estes privé pour l'amour de moy, entr'antres de ce
MET. NOR. qui estoit fort à mon gré. Et ne ferois pas didiculté de
payer le quantum du Trajan de M'' Lnd° Compagni qui a la mesme.
inscription, parce que cela est des deppendances de mon recueil de
Ponderibus. M' Aubery vous baillera les h testons pour la prendre, s'il
vous plaict.
Quand vous m'aviez cotté vostre médaille avec l'inscription r"^!»!')
vous l'aviez rangée en deux lignes comme celle que m'avez envoyée
du (koS) ce qui me faisoit juger que c'estoit chose différante des autres
([ue j'ay, où l'inscription METAL DELM est à l'entour d'un corcellet.
C'est pourquoy je la vous avoys demandée, car j'ayme cez differances
de symboles soubs mesme inscription.
Pour celle de ROMA et DARDANICI , j'en ay une pareille , mais il
importe peu; si le Trajan de M"' Lud" Compagni avec mesme inscription
DARDANICI est à vendre pour deux ou trois testons, je m'y laisrois
aller, mais non pas davantage, parce que je ne suis pas bien asseuré
[1027] A CLAUDE MENRSTRIER. 525
([ue ce soit dépendance de mon recueil comme les autres. Celle dii
TRIVMP de M'' Gompaffiii estoit bien à mon gré, je vous en remercie,
comme aussi de l'autre qui a ces lettres extravagantes, laquelle n'est
que de cez Espagnoles qui sont assez communes, et qui ne sont pas
comme les Orientales, toiles que celle que m'aviez envoyée l'autre fovs
et que je vous demandois, mais il n'y a pas de danger, car il s'en
Irouve h boisseaux.
Quant aux trois pièces de la escus, je pourrois bien [ici ligne ojfa-
rrh, ml urée par Peiresc^ sçavoir celle d'Antonin, avecle Temple sur un
mont, et celle de Commode avec un cbarriot, dont j'en a y de semblables
d'autres enq)ereurs. Mais pour le grand médaillon d'Antonin Pie, avec
une simple figure de Juppiter sans inscription d'où il se puisse ap-
prendre de nouveau, je plaindrois liuict escus si ce n'estoit que j'eusse
besoing d'en faire présenta quelque amy qui en eust fantaisie, de ceux
qui aiment plus la maestria que la doctrine.
L'autre dessin du médaillon contornito, de ROM A INVICTA, avec
la REl'ARATIO MVNERIS, et la médaille de Constantinopolis touche-
roient bien aucunement ma curiosité, mais j'aymerois mieux me coii-
lenter d'une empreinte de plomb de cliascunc. Tant y a qu'en toute
façon vous me feriez bien plaisir de me l'envoyer, car si me mandez de
la vous rendre et restituer, je le feray fort fidèlement comme j'ay faict
une infinité de foys, à feu Me'' Lelio Pasquaiini, qui m'envoyoit les ori-
ginaulx de ses plus extravagantes anticailles, et je luy envoyois dos
miennes que nous nous r'envoyions respectivement par aprez, y ayant
certaines choses qui ne se discernent pas sur les empreintes comme
sur les originaulx, et s'il y a moyen d'avoir des empreintes des Tyrans
tant dudict s"" Ludovico Compagni que dell. sign. Godifredi, vous
m'obligerez, et en ung besoin M' d'Aubery les on pourroit j)rier de ma
part pour fournir les fraiz de la moulleure. Je tasclieray de mon re-
vancher en leur endroict.
Quant au médaillon d'Alexandre Severe, il estoit fort à propos de
^ sçavoir ce que vous me mandez qu'il s'en soit trouvé trois tout d'un
coup, et cela meritoit d'examiner s'il y a apparence qu'ils fussent touts
526 LETTRES DE PEIRESC [1627]
trois venus d'un mesme coing. C'est pourquoy je verrois volontiers
l'empreinte de celuy que vous dictes avoir esté achepté 8 escus par le
s'' Godifredi, pour voir si la superficie s'y est mieux conservée qu'au
mien. Et si le troisiesme que vous dictes estre en main de ce s"" Hiero-
nymo che i*enetta le medaglie, est à vendre à prix modéré, je l'achep-
terois volontiers pour en faire la comparaison, puisque vous dictes que
ce qu'il y a de rouillé ou rongé par le temps sert à recognoistre la
qualité du metail et de son alloy. Ou bien s'il le vouloit confier, je le
luy renvoyerois fidèlement, aprez l'avoir veu, si ce n'est qu'il y mette
un prix que j'estime pouvoir donner sans regret. J'en dirois volontiers
de mesmes de vostre seconde médaille du Talc, dont j'accepte l'offre
qu'il vous plaict m'en faire, c'est-à-dire je seray trez aise de la voir, et
d'en comparer l'inscription à celle que je tiens de vostre main, à cause
de ce qui s'y trouve des vestiges du burin , et puis je la vous renvoyeray
soigneusement si ce n'est que je la puisse retenir de vostre bon gré
pour faire que l'une confirme ce qu'il y peult avoir de suspect en
l'autre pour le regard de la supposition des lettres une pour autre,
car de l'antiquité de la pièce je n'en ay pas doubté. Et serois bien aise
d'entendre si M' Lud° Compagni n'en a poinct quelqu'une semblable,
qui soit bien vierge et bien conservée.
Il me reste à vous remercier comme je faicts trez affectueusement
du petit Astragale d'Amethiste, dont je ne vouldrois pas que vous eussiez
regret de vous estre privé, et vous asseure que pour ne vous en priver,
je me contenterois facilement de celuy de Paste antique tombé nou-
vellement entre voz mains, parce qu'il m'assortiroit tousjours le nombre
de quattre pièces de différentes couleurs, pour en jouer ensemblement
comme faisoient les anciens, et si vous en recouvrez d'autres de
quelque matière que ce soit (si ce n'est de cuivre, car j'en ay bon
nombre), me ferez plaisir de les achepter pour moy, et d'en prendre
vostre rembourcement de M"" d'Aubery. Tant y a que de quelque façon
que vous fassiez, je ne suis pas résolu d'accepter celui d'Amethiste,
que vous ne receviez par mesme moyen dudict sieur d'Aubery le rem-
bourcement de tout ce qu'il vous couste. Pour le poids antique, oi!l
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 527
vous dictes qu'il y a un astragale qui passe d'un coslé de la médaille
à l'autre, j'en ay un du poids d'une once, de cuyvre. Si le vostre est
])areil, je n'en ay pas de besoing, mais s'il estoit d'autre grandeur ou
de plus grand poids, je ne serois pas [éloigné de l'accepter]'.
11 vous fault encores des remerciments de ce petit chesnon de me-
daillettes de cuyvre, dont il fault bien que vous receviez pareillement
vostre payement de M"' d'Aubery, avant qu'il me les envoyé de par deçà.
Je n'entends nullement que vous me fassiez des présents, et encores
moings que vous mettiez en ligne de compte les recommandations qut-
j'ay faictes pour vous, car je ne l'ay faict que par amitié et pour l'es-
time en laquelle je tiens vostre vertu et louable curiosité, marry de
n'avoir plus de crédit pour assouvir ce qui seroit de voz souhaicts pour
vous voir logé quelque part selon vostre génie. Que si vous vous con-
tentiez de quelque médiocre bénéfice en ce pais icy, possible y au-
roit il quelque moyen de vous contenter. Mais il fauldroit sçavoir de
quelle nature vous vouldriez qu'il fust, à sçavoir si pour avoir cure d'ame
vous en seriez moings satisfaict, de quel revenu vous vous contenteriez
(ju'il fust, car nous avons des amys qui en confèrent quelques foys.
J'ay bien quelques collations de mon abbaye, mais elles ne sont qu'en
Guienne. En tout cas mandez moy vostre volonté et si y entendez,
escrivez moy vostre nom, surnom, aage, qualitez et cappacitez néces-
saires, car s'il arrivoit quelque vacance nous verrions de vous faire
remplir. Et puis ce qui est bon à prendre est bon à rendre s'il n'agrée.
Sur quoy attendant vostre résolution je finis en demeurant.
Monsieur,
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
D'Aix, ce 3 juin 1627.
M' Aubcry me mande que vous luy aviez parlé d'une autre table
d'yErain escripte. Je m'imagine que ce soit de celles qui furent trouvées
' Je rétablis entre crochets le sens de trois ou quatre mots qui avaient élé ratura par
Peiresc et qu'il n'avait pas song-d à remplacer.
528 LETTRES DE PEIRESC [1027]
ensemblement avec la mienne, et par conséquent que l'inscription
s'en trouvera dans le livre de Gruterus. C'est pourqnoy je seroys bien
aise que vous m'eussiez mandé laquelle c'est de celles de Grutherus,
et si elle n'y estoit pas, comme il se pourroit faire, envoyez m'en
l'inscription entière, et me mandez si les médailles enchaînées du
(eu cardinal Sacrati estoient de mesme grandeur et de mesme siècle
que les vostres, ou si vous vous souviendriez de quelle qualité elles
estoient'.
XVI
À MONSIEUR m PEIUKSC.
Monsieur,
J'esperois avoir tant de bien et de faveur des Signori Gotifredi et de
Lud"^" Compagni que d'avoir ce que desiriez d'eux mentionné par les
voslres , c'est asçavoir une copie des Tyrans qu'ils ont. Les Gotifredi
m'ont asseuré d'en avoir jusques à cinq ou six oultre les communs; je
n'ay tant peu faire auprès d'eux que d'en avoir une veiie, estant si soup-'
sonueux qu'ils n'ont jamais monstre leurs medalles à personne qui fut
en Rome, allegant qu'ils ne les monstreront que lorsqu'ils auront l'hon-
neur d'avoir le plus beau cabinet de Rome; ils ont ja achepté six ou
sept estudes ^. Tout ce que j'ay peu auprès d'eux est une veùe de la
chesne de medalles de feu le cardinal Sacrati avec occasion de con-
fronter la mienne en laquelle il y a plus de soixante médailles et entie
chascun chaisnon une boucle de la grosseur et largeur de la médaille
fort bien façonné. Elle commence par Gallien et y sont comprins plu-
sieurs empereurs du bas Empire sans ordre. Je suis esté plusieurs
fois chez le* s' Ludovico pour veoir les siennes lequel est fort difficile
de treuver au logis, estant faict extraordinaire. Je le pria de les mettre
' Biljiiothèque de l'Écoie de médecine de livres, de manuscrits et d'objets anti-
de Montpellier, ms. H 271, fol. .Sa. ques, était une estude.
' Dans le sens de collections. Un cabinet ' Meneslrier a écril : du sieur Ludovico.
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 529
sur soy ja que ' je ne ie treuvois jamais au logis. Il me fit veoir
un M. Marcius lequel n'est légitime et puis quelques aultres ordi-
naires comme Martinianus, Vetranio, Nepotiano. Il a bien fort beau le
Domit. Domitiaims avec le génie de la fourme des Maximians. Je luy
ay oflert de la petite médaille de Trajan ayant une figure en pied
et lettres DARDANICI comme m'aviez escrit, jusques à trois testons,
laquelle il n'a voulut délivrer. De la mesme grandeur j'ay plusieurs
Empereurs comme Auguste, Tibère et Claude tous trois avec le revers
de Rom. et Aug. Le Gai. et le INeron sont ordinaires. Un Galba avec
un temple et le nom d'Agrippa. II vir. Le Vitelle^ avec le SC. Vespasiaii.
Une palme et pour revers l'aspergile ', la patere et le litue* et SC. Ves-
pasian avec le caducée et cest inscription de la teste IMP • VESP • AVG.
Au revers VESP-POINTRP- sans le SC. Le Tite semblablement petit
levant la teste comme Alexandre au revers une palme et la figure plo-
rante avec P^ft ou quelque chose semblable et le SC et IVD.CAP. Le
Domitian CAES • AVG • F. Au revers le caducée comme Vespas. et letres
DOMIT • COS . II sans SC ayant la leste comme le Vesp. Nerva. Il n'y
a point de teste. Trajan avec un Hercules en majesté comme en
argent et le S C. Hadrian avec une proue de navire et le S C. Le
mesme avec ^ comme en Néron et Trajan. Une aultre avec
une lyre. Une autre avec une aigle. Trois signes militaires. Antonin
avec un caducée et la clave** croisse et S C. et quelques aultres ordi-
naires. J'ay voulu vous spécifier ces petites medalles de ce coup ayant
taché d'accomplir une petite suytle ce que je pense ne puis faire que
jusques à Pertinax. Selon que desirez veoir l'aultre médaille de l'aslra-
galle que je m'estois réservé, je n'ay voulu mancquer vous l'envoyer
telle que je l'ay accepté la médaille de ceste couronne avec des
pointes quoyque fruste pour confronter avec celles que je vous fis
' C'est-à-dire : puisque. ' Ici deux mots de lecture si difficile que
' Singulière traduction du nom Vilelltus. je n'ose les reproduire dans le texte {Cér.
' Ce que nous appelons i'aspersoir. Quinq.) et que je me dtkide à les remplacer
' De lituus, bâton augurai courW par le prudeunnenl par des {)oinl8.
baut. ' Massue.
67
530 LETTRES DE PEIRESC [1627]
atenir. Celle que je vous avois mentioné semblant qu'elle veulle dire
CEPTIMIA ZHNOBIA CEB. Si je ne me trompe l'on Ireuve plusieurs
Col. Sal. de la mesme forme; mais le né aquilin et les letres OBIA
fort distinctes m'a doné à juger le contraire, me remettant du tout à
vostre goust et entière cognoissance. Une teste avec characteres in-
cogneus. J'av pessé le poids avec l'astragalle que je vous avois mandé
lequel pesé une once manque une quarte. Si je sçavois vous aggreer,
je ne manquerois vous le faire tenir. Parmy une quantité de medalles
consulaires j'en treuva deux lesquelles je paya qualres Jules, jugeant
pouvoir estre de vostre curiosité l'une ayant un astragalle; et de la
mesme famille et mesme marque j'en vis plus de quarante, avec toutes
des différantes marques. J'en treuva deux avec des abeilles lesquelles
je donna à Monsegneur le card' Barberin. L'aultre m'a semblé curieuse
ayant une balance avec son pied, bien [que] l'on ne la voye entière-
ment. Si je jugeois avoir quelque aultre chose de vostre curiosité, je ne
manquerois vous l'envoyer. Mes colonies sont arrivé à présent à cent
<]uinze ; il y a plus de six mois que je fais toute diligence auprès du
s' Ludovico pour en avoir trois ou quatre qu'il a, entre aultres un Ma-
crin grand avec COL. Hispal., mais je ne le puis joindre. Je vous eusse*
ja envoyé un inventaire plus exacte que celuy que je vous envoya il y
a quelque temps, mais ayant tousjours heu espoir si j'estois pourveu
de quelque chose m'en passer par delà, là où auriez la commodité de
veoir et considérer les originaulx. J'ay vou la responce que Monsegneur
le cardinal Barberin se degna vous faire en ma faveur touchant la
Vaticane, mais peut estre que vivront plus que moy ceux qui ont les
offices d'icelle et pour moy je ne puis plus beaucoup icy séjourné pour
le grand frais estant à mes despends. Je vous remercie fort haultement
l'offre qu'il vous a pleut de me faire touchant le bon désir qu'aviez de
me procurer quelques bénéfices en vos chartiers; ce me seroit tropl
d'honneur que de vous pouvoir rendre quelques services par delà.
Mais il y a une difficulté laquelle n'est pas petite moy estant né soubs
une aultre courone ', encore que ma mère soit de France et y ayons
' La couronne d'Espagne.
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 531
encore son bien pour le presant el que Monsieur ie baron de S' Georges
appelle Mardouin de Clermont gendre de Madame de Montgias gou-
vernante jadis des Enl'anls de France ' soit mon seigneur temporel et
que mes parents encore pour le presant iuy rendent service lorsque
ledit seigneur est à la court ou en Anjou; neantmoings estant Bour-
guignon Contois je ne croy pouvoir obtenir bénéfice en la France, ce
que j'heusse receu à grandissime faveur, mais il lault avoir patience.
J'ay desja demande plusieurs choses par deçà et n'ay peu rien obtenir
au Conté. Je vis tousjours en espérance que Monseg' le Cardinal me
favoriseray et que j'auray le moyen en passant vous faire veoir el offrir
le peu de raretés que j'ay tout ce qui sera de vostre volonté et en
estant à jamais,
Monsieur,
vostre plus humble^ et plus obéissant serviteur.
Cl. Menestrie.
A Rome, 19 juillet 16:17'.
XVII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 1 9 juillet, dans une despesche de M' d'Au-
bery, ensemble les six médailles qui y cstoient joincles, vous remerciant
par un million de foys de tant de marques de vostre cordiale bien-
veUlanceen mon endroit, dont j'ay regret de tant tardera me revanclier
comme je desirerois selon vostre mérite, si je ie pou vois, ou au moins
selon mon petit pouvoir, à quoy je vous prie de croire que je ne man-
' La baroiiniede Monlglas ou Monglat (car sa fille, Jeanne de Harini, marii^e à Hanlouin
oa trouve les deux formes), dans la Brie de Cleruionl, seijfueur de Sainl-lieoi-ges.
(Seine-el-Maine), fut éngée en maniuisal ' Menestrier a («crit deux foi» le mol
en faveur de Robert de Harlai, baron de humble.
Monlglas. À la mort de celui-ci le mai-quisnl ' BibliotluM|ue nalionale, fonds français,
fut contirmë (décembre 1637) en laveur de 9544, fol. 187.
O7
532 LETTRES DE PEIRESC [1627]
queray poinct, l'occasion s'en présentant. Et pour la difficulté que vous
faictes sur vostre naisçance hors de ce Royaulme, elle seroit bien tost
Vuidée. Enquerez vous de M"" Barclay ^ et il vous dira que je luy fis
expédier ses lettres de naturalité, et pour vous il seroit beaucoup plus
facile principalement si c'estoit pour ce pais, car j'obtiendrois fort faci-
lement des lettres de naturalité pour vous, et y mettant l'adresse en
ce paï?, je les vous ferois vérifier bien plus facilement qu'à Paris, et
aprez elles ne laisroient pas de vous servir pour tout le Royaulme. En
un besoing sans bouger de Rome, vous en pourriez bien tenir quelqu'un
[c'est-àr-dire quelque bénéfice] de ceux de Bretaigne ou ailleurs, avec
un peu de faveur comme M"' Barclay. Mandez moy si le trouvez bon, et
puis me laissez faire le reste. Gela ne vous sçauroit pas nuire à mon
advis, et peult servir quelque jour. Mais en ce cas envoyez moy vostre
nom, vostre naisçance, le nom de voz père et mère, et leur naisçance,
vostre aage et un peu de mémoire de voz facultez, telles qu'elles sont
et ne vous sousciez d'autre chose. Si vous avez des ordres, mandez moy
jusques oïl vous avez esté promeu. En un besoing nous aurons icy la
vérification de la Chambre des Comptes sans que vous y veniez perso-
nellement, car ils ne sont pas si difficiles en cela que ceux de Paris et
j'ay mon frère qui y est premier président-, et tant d'autres parents
et bons amys que j'en auray tout ce que je vouldrois en justice dans la-
quelle je trouve que vostre affaire est trez asseurement.
Venant au surplus de vostre lettre, je trouve certainement un peu
estrange la procédure de Mess" les Godifredi, mais il fault laisser un
chascun dans son humeur, et se contenter de ce qu'on en peult avoir;
si pour le moins ils vous disoient les noms des Tyrans qu'ils ont, ce
seroit quelque chose pour juger s'il y en auroit aulcun qui fut plus
extraordinaire que le commun.
Je vous remercie de la relation que m'avez faicte de la chaine du Car-
dinal Sacrati et avois creu que c'eust esté quelque chose de meilleur siècle.
Pour le s' Ludovico Compagni, il tesmoignoit autres foys d'estre de
' L'abbé Barclay, fils du poète romancier. — ' Henri de Seguir.m.
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 533
mes amys, el m'a cscript quelque foys^ S'il mettoit prix à son Domi-
tius Domitianus, el qu'il fust à quelque raison, je l'acheplerois. Parlez
iuy en de ma part et m'en escrivez la responce.
Quant à vostre petite suitte, je trouve cela assez curieux, et je pense
en avoir un grand nombre, bien que sans avoir affecté d'en faire aul-
cune suilte. Mais je vouldrois bien que m'eussiez faict voir ce petit
Titus, avec le revers TVD. GAPT.car j'ay quelque chose d'approchant
et je n'ay pas bien sceu discerner pour n'estrc pas bien net. Au reste
je vous ay bien de l'obligation des médailles que m'avés envoyées, tant
des deux d'argent, dont il vous a pieu souffrir que Mons' d'Aubery vous
aye r'embourcé, comme j'ay prins plaisir de voir cet Astragale (que je
n'avois pas autres foys recogneu pour tel en autres pièces quasi pareilles)
et cette balance ou qui se peult benignenlent interpréter pour telle,
comme des quattre de cuivre, lesquelles je pensois vous renvoyer par
cet ordinaire, mais je n'ay pas eu le loisir de chercher deux ou trois
pièces que j'y voulois comparer et j'ay bien creu que pour un ordinaire
plustost ou plus tard, vous ne le trouveriez pas mauvais de moy. Car
elles ne tarderont pas de vous eslre fidellement rendues. Et si je trouve
ce que j'ay sur ce subject, possible ne serez vous pas marry d'eti ap-
prendre la conferance. Cependant, pour la couronne, elle semble fort
celle du Commode, dont vous m'avez cy devant accommodé, et c'est
grand dommage que l'inscription en soit si effacée comme elle est. Celle
des caractères incogneus est fort bigearre, et bien que de goffe main
ne mérite pas d'estre négligée nom plus que toutes celles où vous trou-
verez des caractères extraordinaires. Il s'en trouve souvent là de celles
qui ont des caractères Samaritains, comme les Sicles. Quand vous en
rencontrerez, vous me ferez plaisir singulier de me les retenir, s'il vous
plaict.
Celle des Astragales a quelque chose de meilleur que l'autre sem-
blable, principalement en ce qu'elle est vergine, mais l'autre a aussy
quelque advantage en ce qu'elle semble de Métal Corinlhicn, ce qui
' On ne liouve aucune lettre de Liulovico Gonipag;ni dans les recueils d'Aix et de Caqwn-
tras. Les mêmes recueils ne contiennent aucune lettre de Peiresc b ce colleclionaeur.
53i LETTRES DE PEIRESC [1627]
peult aussy servir pour conjecturer à peu prez le temps que l'une et
l'aiiltre peuvent avoir esté battues, car l'usage de ce métal n'a pas duré
trop long temps dans Rome. Et pour celle de vostre ZHNOBIA c'est la
vérité que la faulte ou manquement d'un 6 au mot de CEIITIMIA pour
CEIITEIMIA pourroit ayder l'ombrage, avec ce peu qu'il y a de
brouillé, ce semble, aux trois premières lettres ZHN. Et sur la pre-
mière veiie, il me revint en mémoire une médaille de mesme manière
qui estoit autres foys passée par les mains [sic pour : mes mains] d'6T-
CEBIA, femme de Constantin. Mais l'ayant bien considérée je ne pense
pas que ce soit la mesme, et ne vouldrois pas opiniastrer que ce ne
puisse estre véritablement une Zenobia. C'est pourquoy vous m'avez
faict un singulier plaisir de trouver bon que j'en eusse la veiie, aussy
je vous en remercie bien fort et espère de n'en demeurer pas ingrat.
Au reste je me suis apperceu que les deux médailles consulaires
d'argent ont esté reblanchies d'une façon que tenoit feu M^"' Lelio Pas-
qualini en la pluspart des siennes, et que je practiquerois volontiers
en aulcunes qui sont trop couvertes d'ordeure et de saletté, et vous
prie de vous enquérir comment se faict ce blanchiment sans qu'il y
demeure rien de la farine ou couleur de piastre qui y demeure au blan-
chiment commun des orfèvres , et de m'en donner advis à vostre pre-
mière commodité.
Reste le faict de voz colonies, sur quoy je vous prie de vous mettre
un jour à en faire un inventaire pour l'amour de moy, estimant que
vous l'aurez faict dans moins d'une journée, puisqu'il n'y eu a que cent
et quinze. Cela n'empeschera pas que vous n'y adjoustiez du jour à la
journée celles du s"" Ludov" Compagni et autres et que nous ne voyions,
un jour, les oi'iginaulx, si vous passez par icy. Je me promets cette fa-
veur de vous, et que vous nous ferez voir cette petite médaille deTite,
et je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre bien humble et affectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce a6 aoust 1627.
[1627] À CLAUDE MENESTIUER. 535
J'oubliois de vous remercier de l'offre de vostre petit poids avec
l'Astragale. C'est la vérité que j'en ay un pareil, mais comme le temps
a beaucoup diminué de leur qualité durant tant de siècles, je ne suis
pas marry d'en avoir plusieurs d'une mesme sorte, ains j'y prends plaisir
pour en faire la comparaison, principalement quand la pièce en est [inot
surchargé et illmble^. C'est pourquoy soit pour celuy là ou pour autres,
vous me ferez plaisir de m'ontretenir ce qui vous en viendra à la nie-
moire. Que s'il s'en trouvoit quelqu'un avec la brebis, je le payerois
plus chèrement que tous les autres'.
XVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIËR,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du dernier de septembre ensemble les deux
médailles de Titus et de Commodus que M"' Aubery y avoit jointes dont
je vous ay bien de l'obligation, et pour responce je vous diray que
j'ay envoyé en Cour le mémoire pour obtenir voz lettres de naturalité,
dont j'espore favorable responce au premier jour. Le voyage du Rov
pourra reculer plusieurs expéditions pour quelques jours ^ mais je
crois bien que M?"" le G[arde] d[es] seaux ne tardera pas d'arriver
auprez de sa persone-^, et le Conseil de suyvre bientost, et incon-
tinant nous aurons Dieu aydant vostre afl'aire, et possible encora<î
plustost. Cependant vous pourrez préparer une procuration en blanc
pour en vostre nom faire présenter en ce parlement et Cour des
comtes les lettres qu'il plaiira au Roy vous octroyer, et en requé-
rir la vérification, et spécialement pour jurer en vostre ame de voz
moyens, et envoyer coppie authentique de voz lettres de clericalure
' Bibliotlièqup de i'Kcole de médecine de Montpellier, mis. H '171, fol. 34. — ' Louis XIIJ
était arrivé devant La Rochelle le 1 si octobre. — ' Miclrel de Marillac était garde des sceaux
depuis le i"juin 16a 6.
536 LETTRES DE PEIRESC [1627]
pour les faire enregistrer aux Insinuations, afin de vous habiliter aux
bénéfices.
Quant aux médailles, puisque le s'' Lud. Gompagno faict tant le ren-
chery de son Domitius Domitianus, il le luy fault laisser. Il est vray
qu'il m'en a autres foys envoyé une empreinte, dont je luy ay de l'obli-
gation. Quand je voyois qu'il vous vendoit de ses pièces, je croyois
qu'il ne fit pas plus de difficulté de vendre les unes que les autres.
Si vous faictes le voyage de Naples, enquerez vous que sont deve-
nues les médailles du feu s"' Pietro Ant° Guiberti autres foys vicaire
gênerai du cardinal d'Aquaviva, archevesque dudict Naples. Il a voit un
Domitius Domitianus meilleur à mon gré que celuy du s' Lud. Gom-
pagno. Vous essayerez si vous le pourriez arracher des mains des hé-
ritiers à quelque prix toUerable.
Ce que vous me dictes du FL. NEPOTIANVS GONSTANTINVS AVB.
n'est pas à mespriser. Si la médaille n'est à vendre, voyez que nous en
ayions une empreinte à vostre commodité.
J'admire l'humeur de ces Mess" Godefridi de s'estre faicts tant prier
pour vous monstrer si peu de chose. Toutefoys je ne sçay si ce n'est
pas par mesgarde que vous avez escript NIGRIAAO pour NIGRINIANO,'
car l'un seroit bien différent de l'aultre, et meriteroit d'cstre plus es-
timé de beaucoup , le Nigrinianus estant fort commun , et l'autre m'estant
du tout incogneu. J'ay prins plaisir au dessein de la médaille de Sep-
timus Severus avec la couronne Rayonnéc, et en eusse bien prins da-
vantage, s'il y eut eu moyen d'en avoir l'empreinte pour deschiffrer
l'inscription, laquelle est si corrompue sur le dessein que le meilleur y
est du tout inexplicable.
J'ay veu fort volontiers vostre Gomraode avec la teste du Lunus et
sa thiare estoilée, en quoy vous avez bien rencontré pour mon goust.
Car toutes ccz thiares me plaisent, mais principalement celles qui sont
plattes par dessus plus que les rondes et que les poinctùes. C'est dom-
mage que le Titus ne soit un peu plus net comme vous dictes, mais
encores le trouve je bien gentil.
M"^ Aubery ne m'a pas envoyé le poids de l'Astragale, mais je ne laisse
[1627] À CLAUDE MENESTRIER. 887
pas de vous en estre aussy obligé que si je l'avois receu. 11 est trop gros
pour mettre dans une lettre. Mais soit que vous recouvriez les h co-
lonies que vous pourchassiez ou non, qu'il ne tienne poinct à cela, je
vous prie , que nous ne voyions un inventaire exacte de tout ce que
vous avez de cette nature.
Si vous trouvez Ms' le cardinal Boncompagno en bonne disposition
de vous laisser prendre quelques empreintes, n'oubliez pas celles de
caractères barbares, et principalement où il y aura des thiares et dia-
dèmes et cherchez si vous n'y rencontreriez poinct une petite médaille
de cuivre de moyenne grandeur fort nette ayant son vernix fort verd et
conservé, oii estoit l'image d'un Roy et l'inscription BA2IAET2
KOT'*"E. Elle estoit mince et je vous cotte cette qualité, d'aullant qu'il
s'en trouve quantité qui ont de pareils noms de Roys, mais fort es-
poisses, fort goffes et fort confuses. Et celle là estoit de bonne main. Je
vouldrois bien en avoir une empreinte si faire se pouvoit, et en aurois
bien de l'obligation à ce grand cardinal s'il daignoit m'en faire la grâce,
aussy bien que des empreintes des couronnes ornées de Testes, en
revanche de quoy je luy pourrois fournir quelque chose de ce mesme
subject qui ne seroit possible pas hors de son goust.
Je suis estonné qu'on ayt laissé perdre là l'invention de blanchir ou
nettoyer les médailles d'argent si proprement comme faisoit le feu
sieur Pasqualin. Je crois que l'invention ou la façon se trouveroit par
escript entre les mémoires du feu s"' Lelio Pasqualini, et que si ledict
seigneur Cardinal la faisoit demander à son héritier, on la luy com-
muniqueroit. Ce sera dommage si on la laisse perdre tout à faict.
J'ay entendu volontiers que les deux médailles consulaires que m'avez
envoyées soient venues du cabinet du feu s' Natalitio Benedetti. Je voul-
drois bien sçavoir en quelles mains est tombé tout son cabinet et vous
remercie de l'usage de la limaille d'acier.
J'ay peine de croire que le Dragon qu'avez donné à Mf le cardinal
Barberin soit véritablement un serpent aislé. Je vous prie de m'en faire
un peu de descrij)tion exacte à vostre loisir.
Il me reste à vous dire que si M' de Thou persiste en son dessein
,. «8
i]irKiiit.ait «AtMiAU.
538 LETTRES DE PEIBESG [1628]
de voyage du Levant, et qu'il ne soit encores en chemin, vous debvriez
practiquer de l'accompagner, car vous y descouvririez des merveilles,
avec la cognoissance que vous avez de l'antiquité, soit en médailles
grecques ou de colonies et estrangeres, soit en graveures et inscriptions
antiques, et y acquerriez de grandes cognoissances de cez pais qui ont
esté autres foys les délices du monde. Songez y et y employez M' d'Au-
bery si en avez le courage, et m'envoyez vostre procuration, car nous
ne laisrons pas ponr cela de songer à vostre naturalité et à voz affaires
si l'occasion s'en présente. Sur quoy je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre bien humble et affectionné serviteur,
DE Peiresc.
D'Aix, ce a8 octobre 1637 '.
XIX
À MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 12 d'avril par un extraordinaire d'Avi-
gnon, et ay esté infiniment aise d'apprendre vostre heureux retour du
voyage de Naples oii je ne pensois pas que vous deussiez l'aire si peu
de sesjour. Mais je crois bien que vous n'avez pas voulu laisser revenir
le sieur Quarteron sans vous, puisqu'il avoit, je m'asseure, besoing de
vous dans Rome, avant que d'en partir. Je vous remercie trez allec-
tueusement du soing que vous avez eu de me faire tomber en main la
médaille d'Alexandre Severe d'argent bien que mal traictée de l'anti-
quité (pour ayder à la garantie de l'autre pareille, qui sembloit un
peu doubteuse). Ensemble les autres quattre ou cinq médailles et le
poids antique marqué d'argent, que M"' Aubery me mande avoir receu
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 971 , fol. 38.
[16-28] À CLAUDE MENESTRIER. 539
de vous, et m'avoir envoyé le tout par un marinier de Marseille qui
n'est pas ericores arriv<'\ Mais je ne laisse pas de vous en demeurer
tousjours auitant redevable que si j'avois desja receu le tout. Je ne
suis marry que de ce que vous n'avez eu ])atiance d'attendre que le
cardinal Boncompagno eust faict creuser et fouiller soigneusement le
lieu où s'est descouvert d'Agathe vers Pozzuolo', croyant fermement
qu'il s'y trouvera quelque fragment de peincture antique, ou de bas
reliefs de stuccho^et autres beaux ouvrages du bon temps, comme j'y
en ay trouvé en quelques lieux lorsque j'y fus, et possible bon nombre
de belles médailles et pierreries ou graveures antiques, vases, statues
et autres singularitez. Cela mérite d'y retourner exprez, et je vous con-
seille de le faire plus tost que plus tard, de peur qu'il n'arrive aprez
d'autres occasions qui vous en ostent la commodité, soit par absence
dudict seigneur Cardinal ou par obligation vostre de faire quelqiie
autre voyage ailleurs. Je vouldroys bien que la recommandation du-
dict seigneur Cardinal envers le cardinal Barberin vous fnst assez efVi-
cace et utile, pour vous faire obtenir quelque bonne pièce et cappable
de vous donner de l'entretien honorable. Et me confie tant en la bonté
divine que d'un costé ou d'autre quelque chose pourra vaquer qui soit
à vostre bienséance.
Quant à voz lettres de naturalité, elles ne nous peuvent pas man-
quer avec l'ayde de Dieu, mais jusques icy [il y] a^ eu tout plein de
malheur en l'expédition qui en a esté retardée, avec beaucoup de regret
de ma part, car il vacqua, cez jours passez, une petite pièce qui eusse
peult estre bien esté vostre faict, si toutes choses eussent esté bien dis-
posées de vostre part. Le malheur est procédé principalement de ce
que depuis quelque temps l'Inlante avoit faict didiculté de laisser na-
turalizer des Françoys dans les pais de son obéissance, pour y pouvoir
posséder des bénéfices, quoyque cela eust esté ainsin réciproquement
practiqué de tout temps. De sorte qu'en revanche de ceste- diflRcolté
nouvellement introduicte de la part de l'Infante, on a priTïs résolution
' Pouzzoles, à 10 kil. de Naples. — ' Stuc. — * Petite d<feliirupe du papirr.
68.
540 LETTRES DE PEIRESC [1628]
au conseil du Roy de refuser dezhorsniais lettres de naturalité avec la
clause de pouvoir tenir bénéfices en France, à tous les subjects des
Païs bas. Et soubs ce prétexte voz lettres furent refusées au seau , lors-
qu'elles eurent esté reformées en termes de déclaration, comme je
vous avois cy devant faict entendre. Mais depuis ayant faict agir mes
amys en Cour, on fit trouver bon à M^ le Garde des seaulx de vous
excepter vous de cette rigueur, attendu que le Roy vous avoit octroyé
cette grâce avant que ledict règlement rigoureux eust esté faict. Et
neantmoings ledict seigneur Garde des seaux trouva encore depuis un
autre prétexte pour ne pas seller vos dictes lettres lorsqu'elles luy
furent présentées au dernier seau qu'il tint à Paris avant que retourner
à la Rochelle, à cause qu'on luy avoit dict que vous estiez maintenant
à Rome et non encores en France. Mais on me mande que dans peu
de jours on les luy représentera avec asseurance que vous estes dans
le Royaulme et nous ne laisrons pas de vous faire obtenir d'autres lettres
du Roy (qui ne passeront pas par cez mains là) pour vous dispencer
de la residance en ce Royaulme pour quelque temps, comme si vous
estiez là par commandement du Roy et pour son service. Il fauldra
avoir encor un peu de patiance. Tant y a qu'il a esté résolu au conseil
du Roy que voz lettres seroient sellées avec la clause pour pouvoir
tenir des bénéfices en France. Seulement ledict seigneur Garde des
seaux dict qu'il vouloit attendre que vous fussiez venu de Rome et
lors il les selleroit. Ce qu'on repoursuyvra maintenant au camp de
la Rochelle.
Cependant taschez de faire un peu de cognoissance avec quelques-uns
des Provençaulx qui sont à Rome, soit d'Avignon ou de Provence, Re-
ligieux ou Séculiers, dont il y a tousjours bon nombre, aux fins qu'il
s'en puisse trouver icy quelques-uns qui puissent estre tesmoings en
l'information qui se fera icy touchant vostre bonne vie et mœurs, pour
la vérification de voz lettres sitost qu'elles seront venues. Et tousjours
fauldra il une procuration vostre pour requérir ladicte vérification, et
jurer en vostre ame, sur la qualité des moyens et facultez que vous
pouvez avoir à peu prez par devers vous, et puis nous pourvoyrons
[1628] À CLAUDE MENESTHIER. 541
bien au reste. Et quand vous vous resouldrez de venir faire une pro-
menade jusques icy, il vous sera fort aisé de le faire et à peu de fraiz
sur les barques des Martegaulx ou Marseillois qui sont d'ordinaire à
Porto S ou à Rome mesmes.
Gez jours passez, le sieur Prieur de Revilladc d'Avignon s'embarqua
à Porto le sammedy sainct, à 22 heures [sic), et arriva à Marseille
sain et saulve le lundy de Pasques à heure de Vespres. Et si vous ve-
nez icy, vous trouverez tousjours retraicte céans, où vous aurez une
chambre et tout ce qui vous sera nécessaire, tant qu'il vous plairra, sans
qu'il vous faille entrer en aulcune despance.
Au surplus je suis en de grands arrérages de remerciments envers
vous de tant de belles singularitez que vous m'avez faict tenir par
M' d'Aubery, et dont vous m'avez non seulement baillé la preferance
sur les autres qui les eussent peu tirer de voz mains, mais sur vous
mesmes, dont je suis bien résolu de me revancher en vostre endroict
de bonne sorte, ou je ne pourray, ne me tenant pas pour quitte en
vostre endroict pour le remboursement que vous vous en estes laissé
faire par ledict sieur d'Aubery, principalement pour cette pièce que
vous appeliez du Tallc quoyque double, d'aultant que l'une me semble
servir de beaucoup pour la recommandation de l'autre. Si la première
se fust trouvée vierge, elle eust peu suflire pour satisfaire à mes con-
jectures, mais ayant esté retouchée, il y avoit beaucoup à redire, et la
seconde n'est pas telle qu'elle peust si bien quadrer auxdictes conjec-
tures comme la première, mais en revanche elle sert de plaine garantie
de l'antiquité de la première et toutes deux ensemble font l'opération
qui s'y pouvoit désirer à mon gré.
L'autre médaille qui vint conjoinctement avec celle-cy n'estoit pas
moings curieuse. C'est pourquoy vous m'avez bien obligé de me la
vouloir despartir si libéralement, ensemble celle du petit Titus, le
Commode avec la teste de Lunus, l'Antonin avec le Juppiter assis ac-
compagné d'une figure couchée et les autres médailles avec des carac-
' BoiM-{î siliui il 18 kilomèlres sud-oucsl de Rome, sur la rive droite du Tibre, près de
son cniboucimre.
542 LETTRES DE PEIRESC [1628]
teres estrangers, principalement cez Thiares et coiffeures si extra-
vagantes, comme aussy les poids quarrez et principalement celuy de la
demy livre, et si de cette forme quarrée, avec les marques d'argent,
il s'en trouvoit quelqu'un du poids de la livre entière, je le payerois
volontiers et des plus petits jusqucs à la sixiesme partie de l'once , comme
j'en ay veu autresfoys bien souvent lorsque je n'en estois pas si curieux
comme à présent. Je vous félicite l'acquisition des petites médailles
grecques de l'empire que vous avez faicte à vostre voyage de Naples.
C'est une marchandise où l'on ne sçauroit estre mauvais marchant, car
la petitesse faict que le prix en est modéré, et on ne laisse pas d'y trouver
bien souvent des revers ou inscriptions aussy curieuses qu'aux grandes.
J'aurois bien à vous entretenir sur vostre précédante despesche, à la-
quelle j'ay tant différé de respondre. Je voulois pour cet effect revoir les
médailles que j'ay en assez bon nombre de GDL. TYRO. METROP. etc.,
mais j'ay esté longtemps sans trouver le loisir de les chercher et quand
je les ay cherchées en leur vraye place, j'ay trouvé que je les en avois
tirées autresfoys pour en faire des empreintes et ne les avois pas re-
mises en place, de sorte que j'auray bien de la peine à remettre la main
dessus. Il y en avoit tout plein de semblables à aulcunes des voslres
que vous avez desseignées, et autres différantes qui neantmoings eussent
peu servir à l'esclaircissement des vostres selon ce que vous désiriez.
Mais il ni'a fsUu souffrir cette mortification. Cependant cela a esté cause
du long retardement de ma responce sur ce subjecl, dont je vous prie
me vouloir excuser.
Pour les trois premières que vous dictes avoir tirées sur les desseins
d'^Eneas Viens', j'estimerois bien la troisiesme où vous marquez cer-
tains caractères sur les deux colonnes qui sont deçà et de là de l'Olivier.
Car cez caractères pourroienl donner de l'exercice à ma curiosité. Mais
l'inscription TYRIORVM ne m'agrée pas, et crains fort qu'iEneas Vicus
n'ayt mal leu les lettres qui pouvoient estre sur cette médaille, aussy
bien que.surla première. Celle que vous marquez la lo"" de Valerian
' Sur Enea Vico, le célèbre antiquaire du xvi* siècle, voirie recueil Peiiesc-Dupuy. I. I,
p. 434.
[1628] À CLAUDE MENESTRIER. 543
entre les vostres, où est le raesme Arbre entre les colonnes, est fort de
mon goust, et si celle que Monseigneur le cardinal Barberin a eiie
trouvée en la Vigne de son palais, est toute pareille à la vostre, comme
il semble qu'elle doibve estre à vostre discours, je vous payerois fort
volontiers la vostre si estiez en estât de m'en octroyer la preferance.
Sinon je me contenteray bien d'une empreinte, ensemble de celle que
vous marquez la 7'"*' du mesme Valerian, où est l'Aigle, avec l'escritteau
par dessus. Et si nous pouvions voir l'original, possible trouverions nous
le moyen de deschiffrer ledict escritteau. Que si vous vous mettez à en
faire des empreintes , vous m'obligeriez encores davantage si vous y met-
tiez toutes celles de ladicte Colonie de Tyrus, pour m'en envoyer des
empreintes de toutes, mesmes d'une autre de Diadumenian, qui n'est
pas représentée en voz desseins, laquelle j'ay trouvée exprimée dans
le roolle gênerai de voz colonies avec l'Hercule sacrifiant et la SALO-
NINA avec la Pourpre, mais principalement desirerois je l'empreinte
de celle d'Olacilia cotlée 4, où vous marquez les noms deTYUO et de
SIAON ensemble.
Je n'ay pas veu ce livre des Antiquitez de Gades en espagnol ', et s'il
s'en trouvoit là à vendre, vous me feriez un singulier plaisir d'en donner
advis à M"" Aubery, afin qu'il me l'acheptast. Au moings vous prie je de
m'en envoyer le tiltre et lieu de l'édition, afin que j'en envoyé demander
en Espagne.
La balance ployante est bien gentile, et mérite désire conservée
soigneusement. Et sur ce je suis constraint de finir pour ce coup, vous
' Peiresc écrivait à PietTe Dupuy, un mois
plus tard (9 juin ifiaS) : fil y a un aultre
livre de médailles que je n'ay jamais veu el
que je verrois bien volonliei's si par kazard
il en arrivoit de par de la sur le» antiquitez
de la ville de Gades en Hespagne , oîi j'en ay
demandé sans en pouvoir recouvrer.») On
connaît deux ouvrages anciens sur les anti-
({niU^s de («idix, l'un de 1610 : Grandetas
y antiffueiladeg de Li kta y ciudad de Cadti
par J. B. Suarez de Salaiar, clianoine de Ca-
dix; l'autre : Hùtoiia y uHliguedades de Cadit
par le dominicain Thomas de Lima. I>e8 ex-
cellents bibliographes, Antonio, d'une part.
Quetif et Kcliard, d'aulre pnH. n'indiquent
pas la date de ce dernier ouvrage. Serait-ce
celui dont Peiresc entretenait ses correspon-
dants? 11 n'est pas probable qu'il n'rlamât
le livre du chanoine Suarez do Salazar publit'
depuis dix-huit ans.
544 LETTRES DE PEIRESC [1628]
asseurant de la continuation de mes bonnes et sincères intentions pour
voslre service et demeureray,
Monsieur,
vostre, etc.
D'Aix, ce h may 1698 '.
XX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Par le dernier ordinaire d'Avignon je receus vostre lettre du 6 may,
et sammedy dernier je receus les petits fagots que M"" d'Aubery m'avoit
envoyez par mer avec les bardes de M'' le vicomte de Fourrières où
je trouvay les six médailles et un petit poids que vous luy aviez remis
à vostre retour de Naples moyennant vostre rembourcenient de ce peu
que vous y aviez fourny pour l'amour de moy. En quoy vous m'avez
grandement obligé, vous advoiiant ingénument que vous avez bien ren-
contré mon goust au choix de toutes cez petites pièces si extravagantes ,
mesmes en cette grosse médaille d'Alexandre Severe quoyquc mal traic-
tée, non seulement de la rouille, mais aussy des burins de celuy qui
l'a nettoyée. Car je l'eusse estimée beaucoup plus toute pucelle et avec
sa rouille entière. Mais elle ne laisse pas d'opérer ce que je desirois,
car puisqu'elle paroit tousjours indubitablement antique, elle peult
servir de garantie de l'antiquité de l'autre précédante que vous m'aviez
envoyée cy devant, qui est ce dont nous pouvions estre en peine. Et
si par hazard , il vous en passoit par les mains d'autres à peu prez pa-
reilles du mesme metail soit dudict empereur ou autres, et soit de pa-
reille grandeur, ou autre plus ou moings grande, pourveu qu'elle ex-
cède la façon commune des deniers romains de ce temps là, mesmes
' Bibliothèque de l'École de médecine de Moîitpellier, ms. H 271, fol. ho.
[1628] À CLAUDE MENESTRIER. 545
s'il s'en trouvoit de plus petites que les deniers d'argent ordirinir«»s du
mesme empereur, vous m'obligerez infiniment de me les accaparer et
faire achepter encores qu'elles fussent aultant et plus gastées ou rouil-
lées que celle cy, quelques revers ou inscriptions qu'elles puissent
avoir. Et si pareillement il se rencontroit de médaille d'or du mesme
empereur Alexandre, de grandeur ou petitesse de poids extraordinaire,
je les acheplerois irez volontiers et je m'asseure que M' d'Aubery vous
fournira librement ce qui y sera nécessaire.
Ce petit poids quarré escript en lettre d'argent m'a estt^' fort agréable,
et je vous prie de ne rien laisser eschapper de semblable quand vous
en rencontrerez, La médaille avec ce nombre XLïï, me semble fort extra-
vagante. J'en ay autresfoys veu grande quantité dans Rome qui ont
d'autres nombres différants placez comme celle là dans une couronne
de laurier ou de myrthe, et de l'autre costé y a voit des figures fort bi-
gearres, sans y avoir jamais trouvé chose qui peust faire juger du
temps. Si ce n'est qu'aulcunes a voient le visage d'Auguste et d'autres
celuy de Tibère sans aulcune inscription. Mais celle cy a une figure
qui sembleroit à l'habit estre d'un sieele bien bas, n'estoit qu'elle est
mise dans une couronne, qui ressent une plus grande antiquité. J'au-
rois volontiers des empreintes de toutes celles qui se pourront trouver
avec de tels nombres, afin de pouvoir essayer par la conferance des
unes aux autres de deviner à peu prez ce que ce pouvoit nstre.
La médaille de Trajan avec la teste de veau et les lettres capitales
sera possible de quelque colonie et semble bien bigearre, mais il y en
a une autre encores plus bigearre, avec des lettres latines assez
malaisées à interpréter. Celle de l'Escrevice avec des caractères puniques
ou autrement extraordinaires est assez curieuse. Mais l'autre grossette
où est le palmier et autrçs caractères eslranges est entièrement de mon
goust. J'en avois une semblable, mais elles sont toutes deux si mal coi-
gnées qu'il n'y a pas moyen de restaurer litiscription entière de tous
les deux costez sans le secours de quelque autre semblable. C'est
pourquoy, si vous en pouviez rencontrer quelqu'autre et m'en procu-
rer ou l'acquisition ou la veue, ou bien l'empreinte, vous me feriei
MPMSti't BirMSMK.
546 LETTRES DE PEIRESC [1628]
un singulier plaisir. Je vous supplie d'en faire exacte recherche chez
les curieux de par delà, et m'excHser de la peine que je vous donne.
Reste maintenant à respondre à vostre dernière lettre, et ce faisant
vous dire que ce n'est pas le cardinal de Berule qui demandoitles des-
seins des sicles, ains un autre Père de sa congrégation de l'Oratoire,
qui est sur le poinct de se resouldre à faire imprimer une Bible en ca-
ractère samaritain oii il se vouloit servir des caractères desdicts sicles'.
Mais ce n'est pas ouvrage qui soit encores si prest, et ne sçay si je ne
me resouldray poinct moy mesmes de donner ce que j'ay en cette ma-
tière qui consiste en plus de cinquante pièces entre lesquelles il s'en
trouvera bien quelques unes assez curieuses. C'est pourquoy vous me
ferez grande faveur de m'ayder à avoir tout ce qui se trouvera de cette
nature, sinon les originaulx, au moings les empreintes. Si on ne pou-
voit avoir cez empreintes, encor y aura il quelque soulagement à voir
les desseins. Et seray bien aise que vous m'envoyiez coppie des desseins
qu'avez baillez à M' Aleaiidro, pour voir s'il y auroit rien qui m'eust
eschappé. Et aprez si nous avons icy quelque bon graveur en taille
doulce nous verrons s'il seroit à propos de faire graver tout ce mien re-
cueil. Et à la suitte de cela quelques autres curiositez des dépendances
de cette sorte d'antiquitez^. Si vous ne pouvez envoyer par mesme
moyen une empreinte de la médaille d'Heraclius que vous avez nou-
vellement recouvrée avec l'inscription INDIGTIONE.. («te), je vous en
seray bien redevable. Mais en ce cas je vous supplie d'avoir soing que
l'empreinte soit bien nette, principalement en l'endroict de la fin de
l'inscription du revers, afin de pouvoir donner quelque jugement des
nombres qui y pouvoient estre cottez.
Quant au sieur Garteron, nous ne l'avons poinct veu en cez quar-
tiers icy, et quand bien luy se laisroit voir, je ne pense pas que nous
peussions avoir la veiie de ce qu'il emporte, principalement des marbres
qui seront emballez et s'en iront de Marseille à Lyon sans passer en
' Il s'agit du P. Jean-Baptiste Morin si ' Le projet dont il est ici question, comme
souvent mentionné dans les trois volumes tant d'autres beaux projets de Peiresc, ne fut
du recueil Peiresc-Dupuy. jamais réalisé.
[1628] À CLAUDE MENESTRIER. Ul
cette ville. Mais de ce qu'il pourra avoir achepté en chemin , possible
nous pourroit-il monstrer ([uelque choselte principalement des mé-
dailles oi!i je ne vouldrois avoir veu que les grecques, dont j'eusse bien
creu qu'il eust deub faire meilleure provision que ce que vous me
mandez. Cependant je vous remercie bien fort à l'advance de la petite
lunette propre à considérer les graveures diaphanes que vous me pro-
mettez par le prochain et tasciieray de me revancher en quelque fa-
çon de vostre courtoisie en mon endroit, estant de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre, etc.
DE Peiresc.
D'Aix, ce i"jain i6a8'.
Geluy qui s'est chargé de voz lettres de naturalité est allé en (ïour
et passe par Thoulouse pour affaires du Roy. Je crois qu'à son arrivée
il vous fera expédier. Il me tarde bien que cela soit faict.
XXI
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du 2 5 may, et suis attendant la lunette que
vous y aviez joincte pour examiner des graveures antiques, estimant
que M' d'Aubery ne l'a pas osé bazarder par la poste, de crainte qu'elle
ne fust cassée; j'en ay pourtant receu d'autres de différente sorte par
la poste, fort bien conditionnées dans des petites boittes fortes et bien
garnies de cotton. Ce pendant je vous en remercie de tout mon cœur
et ne vous en demeure pas moings redevable que si elle estoit arrivée à
bon port. J'avois autres foys employé à cet usage des petites lunettes
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 371, fol. 63.
69.
5il8 LETTRES DE PÉIRESC [1628]
qui servent à regarder des petits animaulx, ce qui ne m'avoit pas mal
reuscy, mais je m'imagine que la vostre (comme faicte exprez pour
cela) aura d'autresplus grandes commoditez et aizances que celles que
nous avions desja et produira de bien meilleurs et plus agréables
effects.
Bien ay-je receu la médaille avec l'inscription ASSORV et CRYSAS
dont je vous remercie de irez bon cœur. J'en avois autres foys veu une
pareille entre les mains de feu Vincenzo délia Porta à Naples, frère
aisné de Gio Bapt.', parmy un grand recueil de trez rares antiquitez
qu'il avoit, et en avois mesmes prins une empreinte de son adveu, et
se trouve peinte dans le Paruta-, et mentionnée en divers autres au-
theurs. Mais je n'ay pas laissé de la voir trez volontiers et vous en sçay
trez bon gré, comme aussy des empreintes que vous me promettez des
médailles de Tyro, ayant esté bien marry que i'advis qui vous avoit
r'amené de Naples soudainement n'ayt reuscy à vostre advantage et
(ju'il se soit trouvé un ajutante di camara qui l'ayt emporté par dessus
vous. Il fault avoir patiance puisque vous avez tant faict, sans perdre
courage, et espérer que vostre heure viendra un jour.
Quant à voz lettres de naturalité, jay grand regret d'en voir si-
longuement retarder l'expédition, mais celuy qui en avoit la principale
charge et qui estoit allé faire un voyage pour le Roy à Thoulouse en
devoit partir le 1 5 de ce moys pour se rendre à la Cour, où je crois
qu'il soit à cette heure et qu'il les fera enfin sceller Dieu aydant. Aussy
bien nous auroient elles esté quasi inutiles jusques à présent à faulte
de vostre procuration, laquelle il est bon que vous envoyiez le plustost
que pourrez pour jurer en l'ame de vous constituant vSur ce qui peult
estre de voz facultez, où il n'est pas de besoing que vous exprimiez les
' Jean-Baptiste Porta, né en i5io, mort ou littéraires. Plusieurs, comme Peiresc,
en 1 6 1 5 , est le célèljre auteur des traités De ont appelé les deux frères Délia Porta,
humana jihysiognomonia libri IV (i586, in- ' L'antiquaire Filip. Paruta est l'auteur
(o\.) et De Moffiœ naturalis sive de miracuUs de La Sicilia descriUa con medagUe (Pa-
rerum naturatium libri XX (iSSg, in-fol.) lerme, i6ia, in-fol.). Paruta mourut e«i
et de divers autres ouvrages scientifiques 1629.
[16-28] À CLAUDE MENESTRIER. 549
biens qui sont au pouvoir de vostre père, nompius que les bénéfices,
si en avez, attendu que ce n'est pas chose sur laquelle puysse escheoir
le droict d'Aubayne, au cas que fussiez decedé en France sans estre
naturalizé. Il suffit de faire exprimer à peu prez en gros la valleur de
ce peu de facultez avec lesquelles vous entendriez venir en France, si
vous vous y vouliez retirer, sans dire si c'est en tableaux, en antiquitez,
ne autrement, aiiis seulement à peu prez des facultez pour 2 ou
3oo livres, comme vous dictes.
Je suis bien aise qu'ayez faict cognoissance avec le P. Maximilian
Provincial, et sera bon qu'en fassiez aussy un peu avec quelque autre
dupais, s'il y en a de par delà, dont M' Suarez d'Avignon, qui est
chez le cardinal Barberin, vous pourra advertir, et procurer la co-
gnoissance, afin que nous en ayions tousjours quelqu'un de par deçà,
qui puisse servir de tesmoing en cas de besoing. Sur quoy je finis de-
meurant.
Monsieur,
vostre bien humble et affectionné serviteur,
DE Peibesc.
D'Ais, ce af) juin i6a8 '.
XXII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Je receus par le P. Provincial des Cordeliers la boitte que vous luy
aviez consignée, oix je trouvay la petite lunette bien conditionnée,
mais je n'en ay encore peu faire la preuve^. Je vous en remercie neant-
moings de tout mon cœur, et encores plus des medaillettes de cuivre
«jui accompagnoient vostre lettre du 2» du passé, dont celle qui n'a
' Bibliothèque de l'École de médecine de Moiilpellier, iiis. H 971, fol. 45. — ' Pour
épreuve.
550 LETTRES DE PEIRESC [1628]
qu'un nombre au revers m'a bien [agréé]', et m'a faict désirer d'en
avoir d'autres, aultant que vous en trouverez, s'il vous plaict de me
ies reserver, quoy qu'elles contiennent. Mais celle d'Eraclius m'a bien
donné la torture sans en pouvoir tirer de construction qui vaille, et
où il y ayt aulcun moyen de s'arrester. J'ay en quelque coing de mon
cabinet un plein sac de médailles de cuivre venues de Levant entre
lesquelles il me semble comme en songe d'en avoir veu quelqu'une
semblable à peu prez, que je chercheray durant ce qui nous reste de
grands jours, pour voir s'il y auroit moyen que l'une peut ayder à trou-
ver certainement l'inscription qui y peult avoir esté mise en toutes les
deux.
Quant au médaillon d'argent de Gordien 111™% c'est la vérité que je
le trouve bien cher à 26 livres sans le voir, car aulcunes foys la veùe
augmente aulcunement l'estimation, comme au contraire elle peult la
diminuer quelque foys. Rien n'est capable de m'y embarquer comme
vostre advis si vous le jugez bien asseurement antique, et en ce cas je
vouldrois bien que vous eussiez tasché d'en faire ou tirer la meilleure
condition que vous pourriez avec le sieur Gabrieli. M' d'Aubery four-
nira à ce qui sera nécessaire, et que vous ordonnerez pour ce regard.-
Quant aux sicles, je m'estonne bien que vous ayez tant de peine à
trouver un ouvrier qui sçaiche mouller voz sicles, et celuy que
M' Aleandro m'escript vous avoir remis en main du cabinet de M^ le
cardinal Barberin , car il semble que toute sorte de gents s'en meslent
assez. Mais les orfèvres mesmes ne s'y amusent guieres. Et ont entr'eux
des compagnons qui ne font autre chose que leur apprester de la be-
soigne de mouUeure.
J'ay advis de l'arrivée en Cour de celuy qui s'estoit chargé de vostre
naturalité, mais il n'estoit pas encores quasi desbotté. J'espère au pre-
mier jour avoir vostre expédition en bonne forme et de nous prévaloir
du tesmoignage du R. P. Provincial des Gordeliers. Mais tousjours au-
rons nous alfairede vostre procuration, laquelle vous pourriez envoyer,
' Mot caché par une déchirure du papier.
[1628] À CLAUDE MENESTRIER. 551
ce me semble, pour gaigner aultant de temps, afin que nous puissions
faire procéder à la vérification de voz lettres à mesure qu'elles arrive-
ront, et les vous envoyer toutes vérifiées et exécutées de par deçà.
Pleut à Dieu que j'eusse moyen d'y joindre quelque bon bénéfice en
mesnie temps, qui meritast de vous arrester en ce Royaulnie, plustost
que chez vous, pour vous faire cognoistre que je suis et seray à ja-
mais,
Monsieur,
vostre, etc.
DE Peiresc.
D'Aix, ce 27 juillet 1628 '.
XXIII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du xi aoust avec les petits dessaiiigs que m'avez
envoyez tant de la médaille de Kartago, que je trouve bien jolie,
croyant d'en avoir une qui est bien approchante de celle là, que de cez
autres deux que vous appelez sicles, dont je vous remercie trez affec-
tueusement. J'en ay trois pareilles à celle de .M' le chevalier Gualdo.
mais comme elles sont toutes assez mal cognées, il y a quelque lettre
qui n'est pas si nette qu'il fauldroit. C'est pourquoy l'empreinte de
celle dudict sieur Gualdo pourroit peult estre ayder à la suppléer. H
est assez de mes bons seigneurs et amys pour ne me la pas reffuser.
Quant à celle d'argent de M»' le cardinal Barberin, il n'y a que la
grandeur et grosseur plus ou moings grande qui y puisse ostre de
quelque considération; si elle est des plus grosses qui pèsent environ
quattre dragmes, ce n'est rien qui soit hors du commun, mais si elle
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ras. H 971, fol. k-j.
552 LETTRES DE PEIRESC [1628]
est du demy poids, ou du quart, elle pourroit servir, et en ce cas, il
en fauldroit prendre une empreinte et le contrepoids aussy séparément.
Ne pouvant me persuader que la difiiculté soit si grande à trouver des
nioulieurs de médailles. Je crois bien que pour le faire si parfaictement
bien, qu'il n'y manque rien, il seroit possible difficile de trouver des
ouvriers qui en eussent la patiance, et mesmes pour le faire en or,
argent, ou cuyvre. Mais je me contenteray du plomb. Et quand bien il
y aura quelques grains de sable, je ne m'en soucieray guieres,pourveu
principalement que les inscriptions se puissent bien lisre, et bien dis-
tinguer ces caractères extraordinaires. Pluslost faictes le vous mesmes
avec de l'argille ou terre grasse, en y versant dessus du souffre fondu,
incontinent qu'elle aura esté empreinte sur la médaille. Car autrement
elle se rappetisseroit. Et bien que l'argille soit froide et le .souffre
cliauld, les empreintes ne se fout pas pour cela moins bien. Que si
n'en avez la patience, faictes y jetter des creux de piastre, et me les
envoyez dans une boitte, car ils ne se rappetissent poinct, et je feray
bien jetter icy dessus, ou du plomb, ou du souffre. M"' Aubery me fera
la faveur de faire fournir ce qui sera nécessaire pour le sculpteur qui
fera lesdicts fraix de piastre, et en un besoing. M' Melan le graveur',
en fera trouver tant qu'on vouldra, pour l'amour de moy. Vous sçau-
rez de ses nouvelles chez M' de Bonnaire, beau-frère de M"" Barclay.
Je me promets que vous me ferez cette faveur, et que plustost vous ne
m'esconduirie/i pas de me prester les originaux de voz médailles de
Tyre [sic), que je vous renvoyeray puncluelement selon vostre ordre
aprez en avoir retenu des empreintes. Je suis marry de vous donner
cette peine, mais j'espere avoir un jour moyen de m'en revancber et
de le faire Dieu aydant en sorte que vous me puissiez recognoistre.
Monsieur, pour
vostre trez affectionné serviteur et meilleur amy,
DE Peiresc.
A Boisgency, ce 26 septembre 1638.
' Sur Claude Mellan, voir le tome I du recueil Peiresc-Dupiiy (p. 5i, au ). Voir aussi
dans notre tome IV, les lettres à Gassendi, passim.
[1628] À CLAUDE MENESTRIER. 553
Celuy qui s'esloit chargé de vostre naturalit/î, et qui est fraischement
guary d'une longue et extrême maladie pour laquelle on l'avoit saigné
xnii foys m'escript de l'armée du 3 aoust, que M' le Beauclerc, secré-
taire d'Estat, avoit parlé de vostre affaire à M»' le Garde des seaux,
qui luy avoit faict fort favorable responce. Je crois que nous ne tarde-
rons plus guieres de l'avoir'.
XXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME*.
Monsieur,
Vostre despesche du a a octobre est arrivée saine et sauve avec les
cinq médailles de Tyrus, que j'ay faict mouller en plomb, afin de vous
renvoyer voz originaulx par la première commodité asseurée; si elles
fussent venues huict jours plus tost, je les eusse envoyées par le filz de
feu M'' Mangot^ qui passa par icy avec un filz de M' Pasquier*. Mais il
se présentera quelque anltre Dieu aydant, et plustost je les envoyeray
par la poste bien empacquettées, pour esviter qu'elles ne se gastent.
Je receus par l'ordinaire ce petit poids marqué d'argent dans une lettre
de M' Aubery du 3 novembre où il dict l'avoir eu de vostre main, dont
je vous rends mes remercimentz trez affectueux. Marry de voir accu-
muler voz bons offices en mon endroict sans que je puisse user de la
revanche que je desirerois. Mais je ne désespère pas de m'en acquiter
mieux un jour, Dieu aydant, si les occasions s'en peuvent présenter.
' Bibliothèque de l'École de inëdeciae Suisse, premier pi-^ideiit du pnrlemeiil de
de Montpellier, ms. H Q71, fol. 48. Bordeaux, secrélaire d'Etal, garde des
* (.auprès de l'adresse, en un coin:) sceaux (3o novembre 1616).
tfAvec deux lettres patentes en parchemin ' S'a{jit-il \h du fils du célèbre avocat
sellées et un autre parchemin, ensemble Térudil Ktienne Pasquier (mort le 3o août
cinq médailles de cuivre. " 1 6 1 5 ) et ce fils serait-il celui dont M. Louis
' Clniiile Manjjot, seigneur de Villar- Audiat s'est occupé dans un intéressant
ceau, fut successivement ambassadeur en yolamc spécial : Nieolcu Pasquter ?
V. 7*
554 LETTRES DE PEIRESC [1628]
Au reste voz lettres de naturalité ont enfin esté sellées et fort ho-
norablement expédiées par Monseign"" le Garde des seaux de Marillac.
cfui s'est daigné déférer à la bonne relation que je luy avois faict de
voz mérites. La clause pour tenir bénéfices y est, soubs la restrinclioii
à la rente de huit cents livres dont j'ay esté marry, mais fussions nous
à la peine de vous en faire conférer un encores meilleur que cela , car
le remède y est bien aisé. Il y a encores une condition d'avoir un bref
apostolique, pour la disposition des bénéfices qui vous pourroient estre
conférez nonobstant qu'ils vinssent à vacquer en cour de Rome, ce qui
ne vous sera pas difficile à obtenir. Cette clause des bénéfices a esté
cause de l'adresse qui y est non seulement à la Chambre des comptes,
mais aussy au Parlement, où nous ferons poursuyvre la vérification et
enregistration cette semaine Dieu aydant, et en ferions de mesmes
par devant Mess"^ des conqjtes, si nous avions la procuration que je
vous avois si souvent demandée. Vous avez eu un peu de tort de ne me,
l'envoyer. 11 fauldra faire comme nous pourrons en aftendant que vous
nous la fassiez tenir le plus tost que vous pourrez. Cependant je vous
en envoyé une coppie attestée. Et ne trouvez pas mauvaises les paroles
de la narrative concernant vostre retraicte en cette province, car M^"^ le '
Garde des seaux ne la vonloit poinct seller si on ne luy eust dict que
vous estiez non seulement en chemin pour y venir, mais que vous y
estiez meshuy arrivé. Gela ne nuira |)ourtant poinct à vostre droict, nom-
plus que les clauses ordinaires qu'on met aux bulles de dispance de
consommations de mariages entre parents, bien que non adveniies.
Quant à voz médailles de Tyre, j'eusse faict quelque cas de celle de
l'Aigle : plus que des autres, si les lettres qui monstrent avoir esté gra--
vées dans l'aultel se feussent peu lisre, mais il n'a pas esté en nmn
pouvoir de les deschiflrer. Celle de Salonina seroit bien gentile aussy.
si elle n'eust esté bescognée, c'est-à-dire passée soubs le coing par
deux diverses foys, sans bien rcmboitler la première empreinte, ce qui
faict qu'on ne sçauroit discerner, comme il seroit nécessaire, la figure
qui y est représentée au revers ne ce qu'elle tient en l'une et l'autre
main. Les autres trois n'ont rien d'extraordinaire. Celles que j'eusse
[1628] À CLAUDE MENESTRIEH. 655
veiies le plus volontiers cusseiil eslé celle de l'arbre de Valerian et celle
où est le nom de XIAO, d'Otacilia et colle du Serjjenl de Treb. Gailu8.
Mais j'aymerois bien encore» mieux voir i'orifrinal ou l'empreinte de
celle de Marc-Aurele, que vous avez porlraicte des desseins d'yEneas
Vicus du sieur Hieronymo de Grandis, et à faulte de l'empreinte vous
me feriez bien plaisir de m'en envoyer un dessein au net bien exacte
tant de la teste que du revers, pour voir si c'est de Marc Aurele le Philo-
sophe ou de Garacalla, ou bien d'Eliogabale, <'t fauldroit estrc un
peu exacte à la représentation des colonnes et des feuilles de l'arbre',
s'il y en paroit aulcunes, surtout des lettres gravées sur lesdictes
colonnes.
Pour le regard de voz autres colonies dont il vous plaict m'offrir la
communication, vous m'obligez beaucoup, et je ne refuserois pas d'en
voir quelques unesde celles que vous jugerez les plus bigearresel extra-
ordinaires et des pais orientauix, plustost que des autres. Mais de
celles de Grèce aussy je seray toujours bien aise d'en voir quelqu'une,
niesmes celle de Corinthe de Jules Gesar. Sur quoy, aprez vous avoir
fclicité la rencontre de vostre Arpocrates-que vous dictes eslre si excel-
lent, et souhaicté tousjours de plus heureuses rencontres non seule-
ment en antiquailles, mais en quelque bon et utile bénéfice, je finiray,
vous asseurant de la contiimation de mon service et cordiale alfection,
comme.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 26 noveinl)re 1638.
Depuis avoir escript, voz lettres de naturalité ont esté iverifiées et
enregistrées au Parlement comme vous verrez par l'arresl sur ce ex-^
pedié, et par les lettres exécutoires dudict arrest cnregistré-es en la
petite Ghancellerie du Roy establie pour cette Province, où j'ny faict
par mesme moyen expédier un vidimé de voz lettres patentes deùe-
' On voit ptir ce reproche discret (ino Poiresc n'était pas très content de l'exactitude et
de la netteté des dessins de son correspondant.
70.
556 LETTRES DE PEIRESG [1629]
ment scellé, pour vous en servir de par delà, au cas que l'on vous y
voulust conférer quelque bénéfice de ce Royaulme, car la vérification
du Parlement vous suffiroit pour pouvoir légitimement accepter des
bénéfices. Mais pour disposer de voz biens si vous en aviez en France,
il fault avoir la vérification de la Chambre des comptes, ce que nous
ne sçaurions avoir sans la procuration que je vous avois demandée.
Envoyez nous donc en diligence ladicte procuration , que j'eusse bien
mieux aymé que le certificat de M' Suarez, lequel ne sert à rien, car
en France on ne croid qu'aux tesmoings jurez et non aux attestations.
Ce 3o novembre t6a8.
Je me suis résolu de vous renvoyer présentement voz cinq médailles
puisque le volume de voz lettres patentes peult aulcunement com-
pancer le poids, sans attendre aultre commodité de passage d'amys
qui ne seront pas plus seures que celle cy '.
XXV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Vous estes plus heureux que vous ne pensez. Je n'esperois poinct
que voz lettres de naturalité peussent estre vérifiées en la Chambre
des comptes, sans que nous eussions la procuration que je vous avois
si souvent demandée. Encores falloit il y attendre grande faveur pour
estre dispancé de la présentation personelle. Mais les affaires du Roy
l'ont porté à y faire faire une vérification d'autres lettres de naturalité
d'un autre personage d'importance avec mandement exprez de le dis-
pancer de toutes formalitez, de sorte qu'à la faveur de celles là Mess"
' Bibliothèque de rKooie de mëdeciae de Monlj>e11ier, ras. H ayi, fol. 5i.
[1629J À CLAUDE MENESTRIER. 557
des Comptes à ma prière vous ont faict la mesn)e grâce, et se sont con-
tentez de mon serment de moy et ont passé oultre à la vérification et
enregislralion de voz dictes lettres patentes dez le 22 décembre si ho-
norablement et si libéralement, qu'ils ne vous taxèrent qu'à dix francs
de finance, et six francs d'espices, ce qui eust monté pour le moings
quarante ou cinquante escus sans la spéciale grâce qu'on vous a voulu
faire, ne s'estant jamais veu dans leurs registres une moindre taxe de
finance de trente francs à tout le moings. De quoy j'ay esté bien aise
pour l'amour de vous. Et veux croire que ce bonheur ne sera pas seul,
et qu'elles ne vous seront pas infructueuses quelque jour. Dieu aydant.
soit là, soit icy. J'ay donc faict enregistrer le tout aux archives du Roy,
et retiré l'original de voz lettres que je vous envoyé ensemble l'extraict
de l'arrest de la Chambre des comptes, aprez quoy il ne vous reste
plus aulcune autre formalité que d'avoir un brief du pape, tel qu'il est
énoncé dans lesdictes lettres, ce qui vous sera fort facile, et M' de
Bonnaire, qui en a obtenu un semblable pour M' Barclay, son neveu,
vous donnera les adresses à ce nécessaires. A cette heure, au lieu de
la procuration que je vous avois demandée, il en fault une aultrc, pour
accepter les bénéfices qui vous pourroient estre conférez en cette pro-
vince, et pour en prendre possession actuelle et pour affermer, car
aultrement nous ne vous pourrions pas servir bien à propos, attendu
la longueur du temps qui se perdroit entre la collation et la mise en
possession, dans lequel d'autres pourroient impetrer et prévenir vostre
mise de possession, laquelle desrogeroit grandement à vostre droict. Je
vouidrois vous y avoir desja peu servir aussy utilement que vous le
méritez et vous asseure que j'y veuilleray (^sic) soigneusement, pour
n'en pas laisser peixlre d'occasion. Car je vois bien que sans cela il n'y
a pas d'espérance de vous attirer icy. Ce qu'attendant je finiray, de-
meurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix,ce a 5 janvier 1629'.
' Bibliollièque do Tlicoie de inédecine de Montpellier, m8. H 371, fol. 67.
558 LETTRES DE PEIRESC [1629]
XXVI
À iMONSIKUR, MOîNSIFiUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du 6 janvier, ensemble les six petites médailles
y contenues fort bien conditionnées, dont je reprendray quelque em-
preinte pour les vous renvoyer par aprez, vous remerciant trez affec-
tueusement de la faveur qu'il vous a pieu m'en faire.
J'ay esté bien aise que l'expédition de voz lettres de naturalité vous
aye donné de la satisfaction. Vous aurez à cez heures icy, je m'asseure,
eu l'original des lettres patentes du Roy, dont vous aviez receu le vidimé,
le tout ayant esté envoyé soubz l'enveloppe de Monseigneur le Cardinal
pour le faire passer plus seurement, et le volume en estoit tel qu'il
estoit raisonable de faire sçavoir ce que c'estoit à mondict seigneur le
Cardinal et par mesme moyen se prévaloir de l'occasion de renouveller
la recommandation de vostre persone et de vostre dévotion en son en-
droit. Je serois bien plus aise si cela pouvoit opérer coniorniemont à voz
souhaictz, pour vous faire obtenir quelque grâce digne de vostre mérite
et de voz labeurs. Je trouve bien gentile celte curiosité dont vous ra'es-
crivez, et l'exactesse avec quoy vous avez observé et examiné cez co-
quilles fossiles de Monte Mario ', et me ferez plaisir de m'en envoyer un
peu de la monstre tant des plus petites collées sur du papier, pour servir
d'object aux petites lunettes, que des autres moins menues et capables
d'estre distinguées sans lunettes. Voire ne seroispas marry se présentant
l'occasion de la venue de quelque cassette, que m'envoyassiez quelques
unes des plus grandes bien accommodées dans une forte boitte, afin
qu'elles ne se cassent par les chemins. Mais je vouldrois les voir toutes
pucelles, comme on dict des médailles non ritocche"^, c'est à dire toutes
closes et enveloppées de leur argille naturelle, pour avoir le plaisir de
' Voilà parmi les lettres perdues de Menestrier une de celles qu'il faut le plus regretter!
— ' Non retouchées. '
[1629] À CLAUDE MENKSTlilKH. 559
les en desvelopper, et de voir, en les ouvrant, en quelle disposition
y sont cez plus menues que vous y avez trouvées, et juger si c'est jwr
hazard qu'elles y sont entrées, ou bien si elles y pourroient avoir esté
coiiceues et escloses, ou dévorées par l'animal qui se norrissoit dans
les dictes grosses coquilles.
Je verray aussy volontiers vostre discours sur cela quand l'aurez mis
au net, et M' Aubery le fera transcrire sans (pie vous y consumiez vostre
temps à le coppier vous mesmes, pour ne vous divertir de meilleures
occupations. Et puis je vous en diray mon sentiment, car j'ay bien
autresloys observé des choses sur ce subject qui y pourroient servir,
et ay un grand recueil de toute sorte de coquillages et pétrifications'.
N'oubliez pas de marquer, en passant, à quelle distance de la mer à-
peu prez est situé ce Monte Mario et à (|uelle distance de Home. Et,
s'il estoit possible, à peu prez à quelle liaulteur de la montaigne se
trouvent cez coquilles fossiles, et quel eu peult estre rexliaulcement au
dessus du niveau de la mer, et si c'est à l'asjjcct de la mer ou non.
Tout cela pouvant estre de quelque usage sans rechercher les origines
et les causes, pour s'ayder à en descouvrir la manière de chemin que
la Nature y peult avoir tenu.
Au reste je vous félicite l'acquisition des cent graveures que vous
avez acquises des restes du cabinet du feu sieur Natalicio, et vouldrois
que les eussiez eiies toutes, car il y en avoit plusieurs dignes de quehjue
remarque, dont je n'estois pas tant curieux lorsqu'il me les monstroit,
luy en ayant mesmes despurty plusieurs de cette nature à peu prez des
miennes qui estoient plus de son goust que du mien en ce temps là,'
en revanche de l'amitié qu'il me tesmoignoit'^ dont je vouldrois bien
avoir retenu des empreintes qui m'eussent possible esté de quelque
' Gassendi consacre plusieurs pages à une seule Ibis |)ar Gassendi. Mai» on retrouve
l'exposition des idées et des recLcrches de son nom (N. Benedelli) parmi les corres-
son h(M-os sur les pierres, coquilles, pcitri- pondants dont les letti-es sont conservées,
fiçations, olc. (liv. IV, à l'année i63o, dans le fonds français de la Uibliothètjucna-
p. .345-354). lionale (n" i/yli-i . fol. i 6<j il i54).
* Cet auii de Peiresc n'est pas mentionné
560 LETTRES DE PEIRESC [1629]
usage à l'interprétation d'autres choses qui me sont depuis tombées en
main. Enlr'aulres deux ou trois, où il y avoit comme une bource ren-
versée, accompagnée de diverses figures et lettres grecques représentées
sur la pierre ^Ematite qui semble du plomb. Et une Calcédoine de la
grosseur d'une noisette, où y avoit d'un eosté cette figure ordinaire
armée, à pieds de serpent, avec l'inscription 0O60N, ce me semble,
et quelques autres lettres au doz et une grande corniole blanche où il
y avoit certaines figures de goffe main fort bigearres en nombre de
trois, l'une de femme voilée sur une colonne, une autre avec des aisles
portant un trophée et un flambeau, la troisiesme nue et à genoulx,
avec afl"orcc lettres grecques, tant devant que derrière. 11 avoit desja
une Calcédoine un peu moings grande où estoient les mesmes figures
bien que diversement disposées et afl'orce lettres grecques aussy. Il
avoit encores un autre jaspe verd un peu plus gros qu'une fcbve (où
osloit la mesnie figure à pieds de serpent, avec divers noms d'anges au
revers) qui n'estoit pas à négliger nomplus qu'un autre jaspe verd, ce
me semble, d'une femme sans bras à pieds de serpent, et encor un quasi
«le mesme grandeur, à une figure à sept testes et deux grands jaspes
verds à un scarabée dans un serpent qui mord sa queiie avec afforce
lettres, toutes lesquelles pièces eussent bien donné de l'exercice à un
curieux. Mais pour mon goust particulier, je voudrois bien que vous
eussiez rencontré parmy les vostres un fort petit jaspe verd qu'il avoit,
où est gravée d'un costé une figure assez ordinaire, d'un jeune garçon
assis sur une fleur tenant un foit [sic) à la main, mais de goff'e maestrie,
et au revers n'y a que six ou sept caractères qui ne sont pas, ce semble,
toutes lettres grecques. Vous me feriez un singulier plaisir de me le
faire avoir, si vous pouviez, à prix honneste. Ensemble ces vEmatites
avec la forme de bource. Je sçauroys volontiers par quelles mains à peu
prez sont passées cez cent graveures pour parvenir jusques à vous. J'en
a vois autres fois faict un assez grand recueil, toutes de cette nature,
avec figures et inscriptions mystiques, dont il m'en reste bien encores
soixsante ou quattre vingts qui font un assortiment assez gentil, et
parmy lequel nombre aulcunes servent à donner quelque sorte d'inter-
[1629] À CLAUDE MENESTUIER. 561
pretatioii pour aulcuiies des autres. Si vous avez, un jour, le loisir
de faire jetter des empreintes des vostres, soit en souffre ou eu plomb,
qui est encores meilleur et plus aisé, je les verray volontiers pour y
apprendre quelque chose de plus que ce que j'en ay veu jusques à cette
heure, ([ui est une matière bien abstruse, et de difïicile examen.
Vous m'envoyastes, il y a environ deux ans, une Irenteine d'em-
preintes de médailles en plomb entre lesquelles y en avoil une petite
que je recouvrerois volontiers pour quelque autre chose, si l'avez en-
cores. Il n'y a rien qu'un trident d'un costé façonné à feuilla{;es et
comme s'il estoit accompagné de deux daulphins qui servent d'orne-
ment. Et, de l'autre costé, il n'y a qu'une teste sans barbe coiffée d'une
certaine peau extravagante qui n'est pas de lyon ne de chèvre, ains
quasi comme si c'estoit de poisson. Le mal est qu'il n'y a poinct de
lettres, mais encores seroit elle de quelque usage pour l'extravagance
de la coillure. Et si vous avez rien observé de pareil ou d'approchant
en autres médailles, vous me ferez faveur de me l'escrire.
Il me reste à vous dire que, quand j'estois à Home, je voyois oi-di-
nairement les bancs de toutz cez quinquailleurs et autres vendeurs de
vieil cuivre et de médailles qui avoient une infinité de certaines sortes
de médailles de cuivre battues à Rome devant l'Enqiire sans autre in-
scription que ROM A , si ce n'est parfoys quelque nom de famille Romaine
parmy lesquelles ont souvent les marques des ballottes ou des onces,
aussy bien que ÏM8 grave, et les notes de l'S et de I. ou de IL. En-
cores que leur poids soil beaucoup moindre, et fort différent entre
celles mesmes qui ont les mesmes notes, ou pareil nombre de ballottes.
Mais toutes celles icy sont de fort bas relief, là où celles de VMS grave
sont de grandissime relief et quasi de ronde bosse. Je n'en avois pas
tenu grand conte si ce n'est d'aulcunes où se rencontroient nommez
aulcuns citoyens Romains. Et toutesfoys je ne pouvoissi bien faire qu'en
acheptant souvent quantité de médailles antiques assemblées il ne s'y
en trouvasl plusieurs de celte sorte là, qui demeuroient comme super-
numeraires et au rcject hors de mes suittes et assortimentz. Or ayant
rencontré, cez jours passez, dans mon estude une boette qui en estoit
7«
562 LETTRES DE PEIRESC [1629]
toute remplie, les ayant voulu revoir et considérer leur diversité, j'y
ay trouve quelque sorte de fondement de conjecture, pour la plaine
vérification de laquelle je vouldrois bien en avoir retenu plus grand
nombre. C'est pourquoy je vous prie, quand vous en trouverez à bon
marché, de m'en retenir aultant que vous en rencontrerez, principa-
lement celles qui seront bien nettes et bien conservées. Et de ne faire
pas difficulté d'en retenir plusieurs d'une mesme sorte principalement
de celles qui ont la note II. Soit qu'elles ayent le Janus et la proiie
ordinaire ou autres usages et symboles quelconques. Mesmes encore»
qu'elles n'ayent aulcune desdictes notes de valeur de monnoye pourveu
qu'elles soient un peu nettes et conservées et le moings retoucbées
que faire se pourra. Sans négliger celles qui se trouvent parfoys bes-
cognées, ou mal cognées, et à deux foys, comme si la première n'a voit
pas bien achevé l'empreinte, et l'avoit doublée, comme il s'en trouve
souvent et de toutes sortes.
J'avois eu deux ou trois de cez petites medaillettes d'argent consu-
laires qui n'estoient que le quart du denier et avoient la note IIS, que
j'ay laissé confondre et esgarer en mon estude en sorte que je ne les
ay sceu retrouver quand je les ay cherchées. Vous m'obligerez bien si-
vous m'en pouvez recouvrer cinq ou six, de quelque sorte qu'elles
soient figurées, et de me les envoyer dans la première lettre que vous
m'escrirez. M"' Aubery rerabourcera tout ce que vous y aurez despendu.
Je vous en demeureray redevable.
Vous aurez icy l'empreinte d'une médaille que j'ay, battue par cez
Grecs avec beaucoup d'escripture , sans toutefoys qu'il soit facile de
recognoistre la ville où elle a esté cognée. J'en ay encoresdeux autres
différantes au subject du revers et de la teste et au nom de celluy
soubz l'autliorité du quel elles ont esté faictes. Mais toutes pareilles en
tout le restant de l'inscription du revers. Je vous prie d'adviser si vous
n'en auriez poinct encores quelque aultre de pareille manière à peu
prez, et dont l'inscription du revers se terminast en mesmes termes
qui eust neantmoings quelque autre differance, auquel cas je vous prie
m'en envoyer l'empreinte, si ne voulez bazarder l'original, aux fins que
[1f)-29| À CLAUDE MENESTRIER. 563
je voye si la comparaison ponrroit fournir quelque adminicule pour
appuyer la conjecture (|ue j'en ay prinse. Je vous en envoyeray les ori-
fjinaux sans faillir, si me les envoyez.
J'oubliois cncores de vous dire que si vous rencontriez de cez pelis
sesterces ou medaillcttes d'argent, qui au lieu de la note IIS avoient
le nombre IIII, et des demy deniers qui, au lieu du V, avoient le nombre
VIII ou IX, je les aciietterois tree volontiers, comme aussy de cez mé-
dailles rjrec(|ues qui ont l'inscription APATMA et AIAPATMON.et de
celles de cuivre qui ont l'inscription O BOAO(].
Voila bien des commissions importunes tout à la foys, mais si l'une
ne rencontre, l'autre pourroit réussir, et quoy qui en vienne, je vous
en seray tousjours infiniment obligé, et M' Aubery ne laisra pas de
rembourcer toutes voz fournitures, et moy d'estre à jamais.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce aa lebvrier 1639 '.
XXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Depuis celle que je vous escrij)vis l'autre jour, je trouvay le temps
de faire mouller quelques médailles en plomb, dont je vous ay envoyé
les empreintes par le H. P. d'Ambruc, inquisiteur d'Avignon, de l'ordre
des Jacobins^. Vous trouverez oscript sur chascune ce que jedesii'ei'ois
(ju'il vous pleut de rechorcber pour l'amour de moy. J'y ay par mesme
' Bibliothè(]ue de lÉcole de médecine de la Table al|)baWti(iue (Hii terminera te
Montpellier, nis. H 371 , fol. 87. touie VI et qui embrassera tous les aoms
' Déjà menlionni' dans noire tome IV. Je propres contenus dans la seconde sëric
renvoie [)Our ce porsonna^jo et | our tous des Letti-es de Peiresc, c'est-à-dire dans les
ceux qui figurent en ce mt^mc tome IV, à tomes IV, V et VI.
7«-
564 LETTRES DE PEIRESC [1G29]
moyen adjousté quelques empreintes de souffre tirées sur des graveures
du feu sieur Nalalicio Beiiedetti, pour voir si elles seroient par hasard
parmy celles que vous avez acheptées fraischement de son cabinet,
auquel cas vous me feriez plaisir de m'en envoyer de bonues em-
preintes tant du droit que du revers de chascune. Et avec ce pacquet
vous aurez vos cinq médailles de Corinthe et une empreinte assez mal
l'aicte d'une autre petite graveure en jaspe verd dudict sieur Natalicio,
avec les lettres de revers, mais trop mal nettes pour les recognoistre.
Si vous en avez l'original vous me ferez faveur de me le despartir et
tasclier de satisfaire aux recherches cottées sur lesdictes empreintes,
lorsque les aurez peu recouvrer. Cependant je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre , etc.
A Aix, ce 9 mars 1639 '.
XXVIII
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Avant hier seulement, je receu celle qu'aviez donné au R. P. d'Am-
bruc accompagnée d'une petite boitte avec quatres souffres tirés sur
des graveures du feu s'' Natalitio Benedetti, et parmy ceux qui me sont
venus en main je n ay treuvé aultre qu'un original de cesl figure en
pied à sept testes et letres liî en jaspe verd ayant au revers les sept
voyelles grecques tant de fois usitées parmy ces graveures égyp-
tiennes )(^p en ceste sorte AEHIOTQ; si l'original vous aggrée, il est à
vostre service. Parmy les empreintes que m'avez envoyé il y a une
autre figure en pied barbue ayant des aisles comme d'oyseau de la-
quelle je n'ay pas l'original. Mais bien j'en ay une en lapis lazuli non
guaire dissemblable ayant une teste, une aultre teste barbue (comme
' Bibliothèjae de l'Ecole de médecine de Montpellier, ins. H 971, fol. 53.
[1629] À CLAUDE MKNESTRIER. 565
en quelr|ues médailles d'Antonin pie l'on voit des Janus) estant cou-
ronné comme Serapide et au pied il y a le serpent mordant sa queue
et des letres dans la circumferance dudit serpent n'ayant aulcune letre
pour revers comme n'a semblablement une aiiltre du tout semblable
en ametiste quant au corps et au serpent en bas et aux ailes, mais il
a une teste de lyon et au lieu que les aultres ont comme deux bas-
tons par cbasque costé celuy-cy en a seulement un pour les deux
aultres. Je feray diligence auprès de ceulx qui ont acheplé des gra-
veures. Par mesme voye j'ay receu les plombs des médailles que de-
sirez que je vous recouvre plus conservées que celles que m'avez
envoyé des empreintes pour pouvoir entendre l'inscription de celles
qui sont mal conservées comme celle là où est un lyon auquel il ne
me souvient pas avoir veu rien de semblable. J'ay espluclié toutes les
miennes pour veoir si j'en treuverois quelquunes comme celles là où
sont deux testes d'un costé et de l'aultre une [sic). J'en ay encore plu-
sieurs de semblable qualité, mais si ruinés et consumés que l'on n y
cognoit rien que la forme des lestes. Je prieray les curieux de médailles
de faire une recberche parmy les leurs s'il y auroint rien de semblable
qui fusse conservé.
J'ay l'origiual de l'Hadrian là où est une ligure en pied ayant un
animal avec pied coronné une Rome sedente, mais il n'y a moyen d'en
tirer rien d'avantage que du plomb que m'aviez envoyé toutes les letres
ayant esté ruinés par le peu d'intelligence de celuy qui l'a nettoyé. Je
n'ay encore rencontré le s'' Holstenius pour luy monstrer la médaille
là où il y a 0EA PîiMH. Parmy les miennes j'en ay treuvé deux sem-
blables quant à l'inscription de la teste. L'une ayant une semblable
teste armée; en l'autre est une teste turrite laquelle a pour revers une
figure en pied tenant de la gaucbe un sistre et letres GTNNAAEQN.
L'aultre a deux mains en crois, et des espies de bled; l'inscription n'est
lisible. Je n'ay point recouvré parmy les miennes celle qui a la teste
coilfée de peau de poisson. Avec la prcsante je vous envoyé viuto buirt
médailles Romaines les unes avec les noms des fainiles et les aultres
avec la marque che (?) L S. et de divers points. Je n'en ay encore
566 LETTRES DE PEIRESC [1629]
peut treuver d'aultres; toutes celles que je pouiM-ay Ireuver semblables
ou approchantes à celles desquelles m'avez envoyé les plombs, je ne
inancqueray vous les faire tenir; ayant trouvé la commodité d'un Reli-
gieux de l'ordre de S' François de Paul lequel s'en passe en Avignon,
je l'ay prié me tant obliger que de vous' délivrer les icy jointes avec la
petite boitte que m'avez envoyé dans laquelle j'ay mis quelqunes des
coquilles que je treuva à Monte Mario n'ayant peut entrer dans l'antre
ou conduit la où je les ay treuvé à cause de l'eau qu'est à la bouche du-
(lit trou pour les grandes pluyes qu'avions heu ce caresme. A la pre-
mière commodité je vous envoyeray de ces coquilles grosses là où sont
contenues et encloses les aultres. Ayant des quelque temps esté occupé
au service de Monsegneur le cardinal Barberin à dessigner comme je
vous mandois par mes précédentes toutes les figures qui sont dans un
manuscript de S. Climax, et du depuis j'ay heu ordre de dessigner
d'aultres livres de la Vaticane là où H y a des figures tirées des mosai-
ques ou peintures antiques et de la primitive Kglise pour satisfaire à
la volonté de Monsegneur le Cardinal, lequel m'a favorisé de me faire
donner la parle en son palais ', je n'ay peut vacquer comme j'heusse
fort désiré à la recherche de quelque chose curieuse et digne de voz
mérites, mais la sepmaine qui vient estant plus libre je ne mancqueray
pas à m'acquitter de mon debvoir, me disant à perpétuité,
Monsieur,
vostre plus humble et obligé serviteur,
Cl. Menbtrie.
A Rome, ce 21 avril (ffap*.
' La parte, c'est-à-dire la pari que les grands de Rome donnaient à ceux qui étaieiil
admis chez eux. — ' Biliiioll:ècjue nationale, fonds français, gSii, fol. i<(a.
.16291 À CLAUDE MENESTRIER. 567
XXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
m COBTE DELL' ILLUSTBISSIMO SIGNOKE CARDINALE BARB8R1N0,
À ROHB.
Monsieur,
Je receus vostre lettre [du] 17 febvrier, par une vove extraordi-
naire sans avoir le loisir de vous respondre, comme je le marquay à
M'' Aubery par mes dernières, et par le dernier ordinaire, j'ay receu
ung pacquet vostre que j'estime estre de la fin de mars bien qu'y ayiez
oublié la datte, ensemble les trois (jraveures et la medaillette qu'y
aviez joinctes, bien conditionnées, mais non pas la procuration que
promettiez par vostre précédante. J'ay esté bien aise que soyez df-
meuré satisfaict de voz lettres de naturalité, mais pour les fournitures
que j'y ay laictes, il n'est pas de besoing que vous mettiez en aulcuiie
peine. Je vouldiois bien en pouvoir faire de plus considérables pour
vostre service et qui vous fussent plus utiles, et si l'occasion s'en pré-
sente, les effects le vous tesmoigneront.
Vous me faictes plaisir de vous souvenir du médaillon d'argent de
Gordien, et je pense qu'il seroit bon de vuider cette affaire si le pou-
vez, tandis que M' Aubery est de par deln, pour vous fournir le prix
qu'aurez convenu, puisque sa bource est tousjours si libéralement ou-
verte quand il est question de m'obliger. Car aprez son départ, je suis
en peine à qui je pourray recourir pour faire pareilles fournitures à
poinct nommé si volontiers comme il les faisoit.
Vous m'avez obligé de me faire part si courtoisement des trois gra-
veures el de la medaillette que m'avez envoyées, et je vous en re-
mercie trez affectueusement, mais vous m'eussiez encores plus obligé
de dire librement à M' Aubery ce quelles vous coustoicnt à peu prez.
et d'en recevoir vostre remboursement comme de coustume, et comme
je vous supplie encores de vouloir faire sans cérémonie. Autrement
vous m'osteriez la liberté de recourir si librement comme je faictz à
568 LKTTRES DE PEIRESC [1629]
vostre honnesteté, pour le recouvrement des curiositez qui se peuvent
presanter de mon goust, lequel vous est meshuy assez cogneu pour ne
pas craindre de vous y mesprendre. Vous asseurant que je vous en ay
plus d'obligation aprez le reniLourcemcnt actuel que quand il fault
demeurer dans des cérémonies. Et de faict, quand m'avez envoyé les
trois gros poids que M' Menestrier' m'envoya en febvrier de vostre
part, aprez vous avoir rembourcé les lo Jules qu'y aviez despendus,
vous m'avez faict un singulier plaisir et dont je vous sçay plus de gré
au centuple que si vous m'aviez obligé à des cérémonies sur ce subjecl.
Ayant veu fort volontiers ce gros poids quarré, voire plus volontiers
que s'il eust esté desrouillé et nettoyé, comme celuy où estoit le coq,
lequel je n'ay pas laissé de recevoir de bon cœur tel qu'il est, mais je
l'eusse encores mieux aymé tout virgine ou pulceau, comme on dict, et
avec toute sa rouille, car j'ay ce regret qu'en le nettoyant, on y ayt
effacé des lettres qui y avoient esté autres fois, je m'asseure, comme
en d'autres semblables. Mais pour celuy qui avoit l'image d'un chien
dormant, ce semblé, avec certaines lettres d'un costé et un visage cou-
ronné de l'autre, s'il se fust rencontré bien asseuremeiit antique, vous
m'eussiez extrêmement obligé (combien que je ne laisse pas de vous-
estre grandement redevable de cette empreinte), car vous aviez ren-
contré mon goust tout entier en cette pièce là. Et je vouldrois bien
que vous m'eussiez escript si vous en avez janiais veu d'autre à peu
prez semblable, et qu'eussiez mesmes faict un peu de recherche tout
exprez pour cela chez les curieux pour l'amour de moy, mesmes chez
le cardinal Borghese, où j'entends qu'il y a une pleine chambre de
curiositez de bronze entr'autres grand nombre de cez vieux poids de
toutes sortes, et par occasion je vouldrois bien un peu de relation
vostre de touts ceux que vous y trouverez en forn)e de cez grosses mé-
dailles, qui auront des lettres, et de ceux qui auront des Animaulx.
La medaillete Hébraïque ou Samaritaine m'a esté fort agréable,
nonobstant que j'en eusse desja une demy douzaine de pareilles, daultanl
' Lapsus. Peirefc a voulu ëciire le nom d'Aubery.
[1629] À CLAUDE MENESTRIER. 569
qu'elles sont ordinairement si mal cognées qu'il est malaisé d'en lisre
toutes les légendes ou inscriptions sans en avoir bon nombre, surtout
en cez sortes de médailles de caractères estranger8,i ily a du plaisir
d'en voir plusieurs ensemble à cause qu'un mesme caractère v est bien
souvent représenté en forme aulcunement différante que l'on est bien
aise de recognoistre. C'est pour cela que j'en ramasse volontiers aul-
lant que j'en trouve et que je seray bien aise aussy d'avoir celle que
vous dictes avec la galère et l'inscription ZIAÙNIiiN et autres charac-
teres Phœniciens, bien que j'en aye sept ou buit de la mesme ville,
avec de tels caractères ' et différents revers tant de la galère que de
l'Europe et aultres. Principalement si la vostre est bien nette à l'en-
droit desdicts caractères.
Pour les graveures avec la bourse je vous en suis bien redevable,
mais ce ne sont pas celles mesmes que le feu sieur Natalicio avait eu
de moy. C'est pourquoy je vous prie de m'envoyer l'empreinte des
autres [ ]^ qui vous sont demeurées et des autres graveures
plus bigearres que vous aurez de ce genre là, Mesmes de celles où
sont cez figures à pieds de serpent le corps nud, la teste de Juppiter
et le col de serpent. Les empreintes de souffre sont si faciles à faire,
qu'il ne fault que la volonté' d'y employer quelque beiire une aprez
disnée, sans qu'il soit de besoing d'aller chercher de moulleur. Que si
cette peine vous est encore trop griefve, et que me veuilliez laisser
voir les originaulx dans un pacquct de lettres, je les vous rcnvoyeray
fidèlement, et vous sçaurcz qu'il n'y a danger quelconque par les che-
mins quoy qu'on ayt voulu dire, les despesches estant tousjours seure-
ment passées, à travers mesmes des armées. Le feu sieur Natalitio et
le feu Monsignor Lelio Pasqualini m'en ont autres foys envoyé des
plaines boittes, et de graveures et de médailles, sans que jamais il se
soit rien perdu Dieu mercy, non plus que de ce que je leur rendis à
eux, ou que je leur envovois monstrer du mien.
' Sic. Piesque dans la même ligne ' Mot enlevé par une déchirure du pa-
nons trouvons les deux formes : cciraclères pier.
et characlères. ' Peiresc a écrit : la volohnië.
T. 7»
570 LETTRES DE PEIRESC [1629]
Je suis bien aise que vous ayez recogneu combien est mal fondée la
superstition de cez pauvres gents qui pensent que cez pierres [avec]
graveures mystérieuses puissent avoir des proprietez plus grandes que
celles de raesme nature qui n'ont aulcune graveure , ne servir à autre
chose que pour faire voir la vanité de la superstition des anciens. Ce
qui vous en rendra moings jaloux, comme je pense.
Je vous remercie des médailles Romaines et autres que m'avez ap-
prestées, raesmes de cez Arabiques et d'autres caractères estrangers
et de celles qui ont les notes S et H et autres. Vous priant de me les
faire tenir le plus tost que vous pourrez aprez en avoir relevé vostre
rembourcement de M' Aubery.
Il m'escript que v<^us luy avez présenté un Antinous fort extraordi-
naire que je vouldrois bien avoir veu en empreinte ou en original, et
suis marry que ne m'ayez faict retenir une empreinte aussy de cette
médaille de Sidon, dont m'aviez envoyé le dessein, et de ce médaillon
d'Hadrian cogijé en Bithynie, avec le diadème royal, avant que vous
desfaire des originaulx. Et m'estonne que vous trouviez tant de diffi-
culté à disposer d'un moullcur, estant chose si commune partout, et
de faict M' de Bonnaire vous aura peu dire que le sieur Mellan, gra-
veur, en avoit trouvé un qui eust faict tout ce qu'eussiez peu luy or-
donner pour ce regard et M' Aubery eut volontiers payé les fraiz qui y
pouvoient escheoir aultant de foys que l'eussiez voulu employer, comme
il fera encores aux occasions qui s'en présenteront, où je vous prie de
ne le pas espargner.
Il fault que les figures que M^ le Cardinal vous a faict copier du MS.
de Jo. Glimachus ayent quelque chose de bien singulier, puisqu'il vous
y a donné de la peine pour si long temps, ne doublant pas qu'elle ne
soit trez utilement employée. Mandez moy, je vous prie, à peu prez
ce qui peult rendre lesdictes figures si recommandables, et si m'en
pouviez envoyer un peu de griffonement de quelqu'une de celles que
vous jugerez plus notables, vous m'obligerez encores plus.
Cependant j'ay esté infiniment aise qu'enfin niondict seigneur le
Cardinal ayt commencé à gouster vostre vertu, et à vous employer, et
[1629] À CLAUDE MENESTRIRR. 57t
qu'il vous ayt faict donner la parte dont je vous félicite à l'advance,
espérant que cela sera suivy de quelque meilleur appoinctement, el
parceque je luy avois souvent parlé de vous, si trouvez bon que je
pregne subject de luy faire des complimentz et remerciinentz de ce
qu'il a desja faict pour vous, avec une rechargé de recommandation,
je le feray trez volontiers. Mais je ne l'ay pas osé faire de ce coup, ne
sçachant pas cette nouvelle de vostre part, ne si c'est chose dont vous
soyez content ou non. Ou bien si aymez mieux n'agir que de vous
mesmes, comme je ne doubte pas que vostre seule considération ne
soit plus que suffisante, pour vous acquérir auprez d'un tel seigneur
tout l'accez et le crédit que vous sçauriez <lesirer.
Quant à cez petits coquillages, j'altendray avec impatianre vostre
discours, mais parce que je sçay que telles choses peuvent tirer plus
long traict quelque foys qu'on ne pense, je vouldrois bien qu'en atten-
dant que cela soit (iny, vous ne laissassiez pas de m'envoyerau moings
un peu de monstre de cez plus petites coquilles de toutes les diflerentes
sortes plaquées sur un peu de papier ou autre matière plus forte que
du papier, le tout enfermé dans quelque petitte boitte pour avoir le
plaisir de lés voir avec des lunettes de longue veiie.
Ce qu'attendant, je vous remercie bien fort de la description (pie
m'avez faicte de ce Monte Mario, et verray trez volontiers, avec le
temps, quand la commodité se présentera, de voicture plus grosse que
des lettres, une bonne boitte grosselte remplie de cette argile noirastre
pleine de cez coquilliages gros et petitz, ensemble de cez petites bran-
chettes que vous appeliez du coral blanc, et de cez petites cheiles
d'escrevice', et toutes autres choses maritimes qui s'y trouvent, mesmes
de cez poinctes ou arestes, que j'estime estre de l'Echinus, que nous
ap])elons icy des ourcins, estimant qu'en bien cherchant dans cett«
argiile, aux endroicts où il se trouve de toiles espines, il se trouveroit
des fragmentz de la croustc de cet animal, aussy bien que de celle des
' Nous avons di'jh trouvé (tome IV) celte d'iiui, le mot cheiles ne fi{pirant dnns aucun
expression que nous n'avons pu expliquer. dictionnaire. Et [wurlant le mol est In^'s lisi-
Nous ne sommes pas plus heiucux aujour- Uement écrit dans deux lettres diiïérenles.
7»-
572 LETTRES DE PEIRESC [1629]
escrevices. Lorsque vous nous aurez faict voir ce que c'est, nous vous
en dirons nostre advis, et si nous faictes part de vostre discours, pos-
sible aurons nous pius de moyen de vous en parler plus pertinem-
ment, et de seconder vostre curiosité en quelque chose. Sur quoy je
finiray me recommandant à voz bonnes grâces et demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
DE Peiresc.
A Aix, ce aS avril 1629'.
XXX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay enfm receu par le P. Germain des Minimes vostre despesche du
21 avril avec les 28 médailles de la Republique Romaine, et la boitte
de coquillages de Monte Mario dont je vous remercie trez affectueuse-
ment, et vous prie de faire sçavoir à M' de Bonnaire ce quy avez fourny
à peu prez afin qu'il vous en puisse faire le rembourcement. Lequel il
fera trez volontiers de cela et de toute autre chose que luy pourrez
bailler pour moy comme souloit faire M'' Aubery. Aultrement, si ne
souffrez qu'on vous rembource, je n'oseray plus rien accepter de ce
que vous m'envoyerez et vous r'envoyeray le tout. M' estimant assez
vostre obligé de la preferance sur les autres, quand me la vouldrez
accorder, car pour l'accepter sur vous mesmes des choses de vostre
goust, je ne le veux pas faire nomplus. C'est pourquoy soit de médailles
soit de graveures ou autres curiositez, quand il vous en tombera en
main que vous ne vouldrez retenir pour vous , ou bien quand des vostres
il vous en arrivera de doubter, ou de telles qu'il vous puisse esfre in-
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ins. H 271, fol. 56.
[1629] À CLAUDE MENESTRIER. 573
différent de vous en priver, plus tost que de les bailler à d'autres, me
ferez, faveur singulière de me les despartir à nioy. Et cela soit dict et
entendu ainsin et non autrement, au cas que songeassiez à vous des-
faire quelque jour de ce jaspe à la figure de sept testes, de cez lapis
lazuli et yEmatite à la figure de vieillard Aristée et de cette médaille
d'Adrian où est la figure en pied avec un animal.
Je vous remercie aussy du soing qu'il vous plaict me promettre à la
recherche des autres graveures dont je vous avois envoyé les em-
preintes chez ceux qui les peuvent avoir acquises et de cez médailles
à trois testes et autres curieuses dont je vous avois aussy envoyé les
plombs, ensemble des grosses coquilles de Monte Mario, remplies de
petites, lesquelles vous me promettez.
Ayant esté bien aise d'entendre le bon employ que commence à
vous donner Ms' le Cardinal avec la parte, et désirant que cela soit
suivy des recognoissances telles qui peuvent estre deiies à vostre
vertu.
M'' d'Aubery m'cscrit du i 2 may, que vous aviez encores parlé de
quelque supplément qu'aviez trouvé à m'envoyer, dont je vous re-
mercie à l'advance, et vous prie de le remettre à M' de Bonnaire et
d'en recevoir vostre rembourcement, sans oublier de disposer de moy
en revanche avec toute liberté comme pouvez faire de celuy qui est et
sera ,
Monsieur,
vostre, etc.
DE Peihesc.
\ Aix, ce 10 juin 1629 '.
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ras. H 971, fol. 56.
576 LETTRES DE PEIRESC [1629]
XXXI
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
J'ay recou la vostre du i o" du presant par laquelle me mandez
qu'avez receu par le P, Germain Minime les 28 médailles de la Re-
publique Romaine; du depuis j'en ay donné aultretant à Monsieur de
Bonnaire lequel m'a dit les avoir donné es mains d'un patron d'une
Barcque fort asseuré, estant fort marry de n'avoir peu recouvrer
choses plus dignes de vostre curiosité; me sentant .estre vostre rede-
vable et obligé, mon intention n'estoit d'en recevoir aulcun rembour-
sement, mais voyant par les vostres que m'escrivez que me renvoirés
ce que je vous envoyé si je ne m'en fais rembourser par Monsieur de
Bonnaire, puis que tel est vostre volonté j'en recevray ce que j'ay em-
ployé aux medales tant du premier pacquet que du second qui sont
semblablement 28 ou 3o aulcunes desquelles j'ay payé un quart de
jule et telles j'ay payé jusques à un jule, et un jule et demy, de sorte
quelles me coustent jusques à trente cinq jules, les revendeurs de la
place les tenant chères voyant que je les recherchois. Je ne sçay si je
les aurez trop payé pour estre aulcunes d'icelles mal conservés. En
suytte de la vostre je n'ay voulu mancquer vous envoyer le jaspe avec
les 7 testes, le lapis lazuli avec la figure de l'homme barbu aislé, ayant
joint aultres quatres l'une desquelles a la figure avec la teste de coq et
les pieds de serpents à cause qu'il a force letre, puis une calcédoine
ayant aussy plusieurs characteres et ayant remarqué en une pierre
d'hématite un D à l'usance latine fort bien formé, ce que je n'ay veu
en aultres graveures des ^Egyplians, j'ay pensé qu'auriés peut estre à
cher de le veoir, l'ayant encore accompagné d'une aultre petite avec
letres de relief lesquelles 6 graveures ayant supputé ce que me cous-
tarent les 100 que j'achepta des despoulles de feu s' Natalicio me re-
viennent à deux escus. Avec les pierres j'ay consigné à Monsieur de
Bonnaire l'Adrian duquel m'aviez envoyé le plomb et avec iceluy une
[1629] À CLAUDE MENESTIUER. B?5
médaille grec ayant une teste de province fort grande eu conformité
d'une petite qu'est auprès de Trajan, lesquelles deux me peuvent
coustent [sic pour œuster] aultres 5 Jules; ayant designé d'un plomb
tiré sur une médaille antique de bronze de feu s' Pasqualiuo les trois
mages avec la cydace ou thyare en toste, je vous en envove ce dessein.
S'il me vient par les mains quelque chose digne de vous, je ne manc-
queray vous en faire part, me disant à perpétuité.
Monsieur,
vostre plus humble et affectionné serviteur,
Cl. Menetrie.
A Rome, ce a8 juin lôag '.
XXXil
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
11 y a huict jours que je donna le dessein du vase de Monseigneur le
Cardinal à Monsieur Suarès lequel m'a dit vous l'avoir envoyé : je prins
la haulteur et par tout le corps j'observa la forme dudit vase en pre-
nant le diamètre esgalement par tout conjme aussi la grosseur d'iceluy
lequel est plus espes en haull qu'en bas nonobstant qu'il y aye depuis
le milieu du vase l'esmail blanc duquel le graveur c'est servi pour
eslever les figures restant le fond bleu; ayant veu par la vostre que
desiriez fortsçavoir la vraye couleur de la coniposition d'iceluy, je n'ay
jugé pouvoir estre rien plus à propos qu'un morceau de semblable
esmail bleu avec le blanc dessus encore qu'il ne soit si blanc comme
celuy du vase ny le bleu si obscur à cause qu'il n'a tant d'espesseur
ny de corps comme le vase.
Je n'ay rien descouvert de nouveau ny digne de vous des il y a
' Bibliothèque nnlionalc, fonds français, face le buste du Christ avec la légende
954/i, fol. ly/i. A celle lettre est joint le EMMA.NVIlf., et an revers radoration de»
dessin d'une médaille représentant sur la Mages.
576 LETTRES DE PEIRESC [1629]
quelque temps. Il y a seulement un orphaivre qui faict profession de
revendre des choses antiques auprès duquel j'ay treuvé une prasme
d'esmeraude juste de grandeur que je vous envoyé le dessein avec les
letres que j'ay copié le mieux que m'a esté possible de laquelle il me
demanda quinze jules; ayant veu le prix, je me suis contante du des-
sein; si toutefois elle vous aggreoit, je composerois avec iceluy.
Si parmy vos médailles avés quelques abeilles, je vous supplie
me faire part du dessein, m'ayant commandé Monseg'' le Cardinal
de les mètre toute ensemble, en ayant desja designé' jusques à ab,
et si avez quelque chose de particulier sur icellcs abeilles, vous m'obli-
gerez beaucoup m'en faire part; attandant que j'aye l'occasion de
vous servir de quelque chose de vostre contantement, je me diray à
jamais.
Monsieur,
vostre plus humble et affeclioné serviteur,
Cl. Menetrie.
A Rome, ce i a juillet 1 629 '.
XXXIII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire de Gènes vostre lettre du 28 juin,
accompagnée d'autres lettres de M' de Bonnaire, avec lesquelles je re-
ceus la médaille d'Hadrian accompagnée d'une autre deTrajan, et six
graveures escriptes que j'ay trouvées la pluspart fort à mon goust. C'est
pourquoy je vous en suis bien redevable et de la modération de la taxe,
en quoy vous me faictes cognoistre que vous estes bon mesnager. Je
n'ay pas receu les médailles Romaines mises en roulleau, encores que
' C'est-à-dire dessiné. — ' Bibliothèque nationale, fonds français, 9544, fol. 196. Au
fol. 196 bis on trouve le dessin d'une médaille avec inscription grecque.
I1629J À CLAUDE MENESTRIEH. 577
le patron Vanedoz qui eu est char{][é soit arrivé auprez de Marseille
parce qu'on luy faict faire quarantaine comme venant de Ligourne et
estant mort deux passagers sur sa barque par les chemins de (iebvres
chaudes fort malignes. Hier je receus un pacquel de M^' le Cardinal
dans lequel je trouvay le dessein de son vase de vostre main dont je
suis demeuré contant, mais je vouldrois pourtant que comme vous aviez
nîarqué les mesures des espoisseurs du bord supérieur et du fonds,
vous eussiez peu semblablcment prendre celle de l'espoisseur des coslez,
et que marquant celle de la haulteur vous eussiez exprimé si c'esloit
dans œuvre, ou non, et que n'eussiez pas obmis la largeur en divers
endroicts, tant du plus large que du plus estroict, et des interstices
pour pouvoir calculer sa vraye capacité. J'ay par mesme moyen veu le
morceau de verre blanc et bleu, mais si la mémoire ne me tronqie, il
me semble que le vase est de violet beaucoup plus brun et plus beau,
et le blanc beaucoup plus net et moings grisastre que vostre fragment.
J'ay veu la médaille mesme originale des trois Roys de feu M'' Lelio
Pasqualini dont m'avez envoyé le dessein dont neantmoings je vous
remercie bien affectueusement. U en avoit encor une autre de diffé-
rente manière, que je vis toutes deux ensemblement. J'avois receu
quelque temps y a allant en Cour une autre despesche vostre du 3 1 may
avec vostre procuration, un petit dessein de ce libvre de Clymacus',
que j'ay trouvé bien gentil, un fragment d'esmail rouge bien beau, et
deux medaillettes de cuivre dont l'une s'est trouvée de mon goust et
une lettre du sieur Boldoni à qui je ne sçaurois pour le présent faire
responce à mon grand regret, estant constrainct de la remettre à mou
voyage des champs avec toutes les autres qui restent de mes bons sei-
gneurs et amys, ne pouvant pas mesmes revoir voz lettres pour y res-
pondre par le menu pacre qu'on me vient arracher mon pacquet, pour
ne laisser perdre la commodité du passage du pacquet du Roy, afin
(ju'il aille plus seurement. Seulement vous diray je ipie je suis marry
que m'ayez nommé dans vostre procuration, parce qu'en me rendant
' Sur Cliinaqiie (Jean Scliolasiiqiic) voir le recueil Peiresc-Dupuy (Il , 689).
73
678 LETTRES DE PEIRESC [1629]
partie en voz affaires vous m'ostez le moyen de vous y servir en autres
qualitez qui m'en peuvent fournir de meilleurs moyens et plus advan-
tageux. C'est pourquoy je suis d'advis que m'en envoyiez une autre où
laissiez le nom du procureur en blanc, afin de le pouvoir remplir
selon les occasions (|ui se présenteront. Et de faict cez jours passez, si
je me fusse trouvé en cette ville, on m'envoya l'advis d'un canonicat de
Digne que je vous eusse faict conférer, la maladie y ayant faict mourir
afforce supposts de cette église. Et si elle faict du progrez en ce païs,
comme nous ne l'appréhendons que trop, il ne se présentera que trop
d'ocxiasions de vous faire plasser (stc) quelque part. C'est pourquoy ne
perdez poinct de temps, et plus tost m'envoyez divers extraicts de vostre
dicte pi-ocuration par diverses voyes , afin qu'en ce mauvais temps il
en vienne quelqu'un à bon port.
Au reste j'ay eu la mesme curiosité que vous de cez fragmentz de
verres et esmaux antiques, dont j'emportav venant de Rome une pleine
boitte entre lesquels y en a d'assez gros morceaux de ce rouge que vous
dictes et entre auitres comme une grosse mouHeure ou bordeure de
tableau. Vostre Camayeul d'Isis blanc sur rouge doibt estre bien joly.
J'en ay bonne quantité de beaucoup de différantes couleurs, et en ay
mesmes comme le vase du Cardinal et au contraire du bleu sur blanc,
et sur Janine, et du jaulne sur bleu, oii il y a de belles testes et aul-
cunes d'assez bonne main, principalement de celles qui suyvent les
vrayes couleurs de l'Agathe. Mais je n'en ay poinct et n'en ay jamais
veu comme vostre Isis.
Je suis marry qu'ayez laissé eschapper le Gordian d'Argent que je
vous avois tant recommandé aussy bien que l'Antinous consacré. Et
tousjoiirs m'eussiez vous bien obligé de m'en retenir des empreintes,
et du médaillon de Gordian je vouldrois bien avoir eu l'empreinte et
le contre-poids à part. Si le pouviez avoir, j'en payerois encores quelque
chosette.
Quant à l'Othon de cuyvre, j'en ay troys de différantes grandeurs
touts grecs, l'un grand, l'autre moyen, le troisiesme petit, et un qua-
triesme qui est d'argent, mais du poids du quadruple des ordinaires
[1630] À CLAUDE MENESTIUER. 579
et est pareillemeiil grec. Mais je suis constraincl de ciorre. Tenez moy
tousjours,
Monsieur,
pour vostre, etc.
A Aix, ce 6 aoust iGay '.
XXXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Ce mot à la haste ne sera que pour vous sailuer, et vous dire que
je suis en peine si vous aurez eu ou non les autres lettres que je vous
ay escriptes depuis nostre sortie d'Aix et retraicte en ce lieu champestre,
oi!i nous avons eu de meilleures rencontres que nous ne nous serions
osez promettre en matière de libvres MSS. et Anticailles, de toutes
sortes, mesmes. . . '*' [médailles] grecques en nombre de plus de cinq
cents et entr'autres d'un tripos. . . de bronze antique bien entier et de
trez bonne et docte architecture sur lequel il y a lieu à discourir, pour
mieux entendre une infinité de passages des autlieurs anciens, qui n'es-
toient quasi poinct intelligibles sans avoir veu cette pièce, laquelle me
taict bien regretter de n'avoir veu celuy de M' le Caval' Gualdo, dont
on m'a autresfoys envoyé un petit dessein imprimé en taille doulce,
mais qui n'est guieres bien exacte. C'est pourquoy je desirerois que
vous prinsiez la peine de l'aller revoir pour l'amour de moy et de m'es-
crire un peu de relation exacte de tout ce que vous y pourrez observer
soit pour les poids, mesures et dimensions de la pièce entière et de
chascun membre à part s'ils se peuvent séparer, aussy bien comme on
dict qu'ils sont flexiles et ployants, soit pour la manière, si vous pouvez
' Bibliothèque de ri'Icoie de mf'decine de quelle a enlevé quelques mots dans trois
Montpellier, nis. H uyi, fol. 58. lignes, l'espace brùlt' formant comme un
' Ici il y a une brùliu-e du papier, la- triangle (V).
78.
580 LETTRES DE PEIRESC [1630]
distinguer et recognoistre qu'elle soit grecque ou barbare, soit pour le
destail des ornements et enrichissements qu'il y peult avoir, soit pour
la qualité du metail, si celuy du bassin est semblable ou difl'erent de
l'autre dont sont composées les jambes et le soubsbassement(s'il y en a),
ou bien si celuy du bassin est de différante couleur et durté, s'il est en
estât de pouvoir rendre quelque ' [fonction] et s'il estoit espois ou bien
tenue et dellié, et finalement, pour la rouille ou Pattina, si elle vous
peult servir à juger de quelle antiquité à peu prez est cet ouvrage.
Comme aussy seroys-je aise d'apprendre (si quelqu'un s'en souvenoit)
en quel temps il a esté desterré; si c'a esté dedans la ville de Rome,
ou dehors; si ça esté dans des ruines ou masures qui se peussent re-
cognoistre pour avoir esté d'un temple ou d'autre fabrique, et choses
semblables, et par quelles mains il avoit passé avant que tomber en
celles dudict s' Gavai"' Gualdo, ou bien s'il l'a recouvré à mesure qu'il
a esté desterré.
Je suis marri de vous charger de tant de soing, mais je vous en de-
meureray obligé, et de tant plus que vous userez de diligence pour
m'en advertir, portant, s'il vous plaict, voz lettres à M' de Bonnaire ou
à Dom du Puy.
Au reste j'avois apprins que vous m'aviez destiné quelques petites
medaillettes de ces Romaines de cuivre devant l'Empire et de cez poids.
Je m'imagine que vous les aurez depuis remises à M' de Bonnaire qui
vous en aura faict rembourcer les fraiz, et qu'elles pourront venir par
quelqu'un de ceux de la suitte de M"" de Bethune-. Que si cela n'avoit
pas esté faict, je vous prie de les porter à Mad''= de Barclay, laquelle y
fera satisfaire et chercher les moyens de me les faire tenir de quelque
costé; plustost, si le commerce est si rompu de ce costé de Gènes, on
les pourroyt adresser à Lyon à quelque amy, comme pourroyt estre le
sieur Gardon, marchand libraire % qui ne manqueroit pas de me les
' Ici un mot disparu, dont il ne reste miiien, duc de Sully, souvent menlionnédans
que la dernière syllabe : tion. nos précédents volumes (notamment 1,485).
' L'ambassadeur Philippe de Béthune, ' Sur Jacques Cardon, voir le recueil
cojnte de Selles et de Charost , frère de Maxi- Peii-esc-Dupuy ( II , Sg/i ).
[1630] A CLAUDE MENESTIUER. 581
envoyer icy, où nous attendons de voz nouvelles et cependant je seray
tousjours,
Monsieur,
vostre bien humble et obligé serviteur,
DE Peiresc.
À Boysgency, ce la may i63o'.
\xxv
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROMK.
Monsieur,
Je receus avant-hier vostre lettre du 98 septembre, avec la boitte
de graveures et médailles par M' deThou, qui dédaigna de passer par
icy et y prendre un mauvais disner avec M' l'abbé de Ghasteliez, et
le soir mesmes je receus une autre lettre vostre du 2 octobre par le
sieur Guibaut qui printla peine de me venir voir, avec le sieur Bonnin.
Auxquels j'offris tout ce qui estoiten mon pouvoir pour leur service, mais
je n'eus pas assez de credict en leur endroict pour les faire demeuror
à soupper et coucher chez nous. Et parce qu'ils s'excusoient sur la com-
pagnie de l'Abbé de Goustances, j'envoyay offrir nostre maison audict
sieur Abbé et fis tout ce que je peus pour le faire condescendre à l'ac-
cepter, mais il me fut du tout impossible, à mon grand regret.
La santé est maintenant si bonne dans cette province grâces à Dieu
par touts les lieux oil ils pouvoient prendre leurs routtes tant du cost/-
d'Aix que de Marseille et Arles, qu'ils n'avoienl rien h craindre de ce
costé là, et le commerce y est rcstably partout fort heureusement ex-
cepté quelques villages de la frontière des terres de M' de Savoye vers
' Bil)liolh(!quc de l'École de mélecine de en hasle» (iTiirf., fol. 53) et où Peiresc in-
MontpcUicr, iiis. H 971, fol. 61. J'ai cru diqiie h Mcnestrier une occasion pour IVn-
devoir m^ffliger un billet d'une douzaine de voi des in(f<lailles, poids et auti-os anliquilt's
lignes dcrit yk Boisgency, ce a 4 juin i G3o recueillis par cet obligeant confrère.
582 LETTRES DE PEIRESC [1630]
ia Montagne, qui est fort loin;; de leur chemin, lis avoient faulte de
chevauk, mais ce pais en est fort despourveu, et je leur eusse fort vo-
lontiers baillé les nostres, sans l'appréhension oii j'estois du passage de
Ms' le Nonce qui vint en eiïect ie jour d'aprez, et nous fit l'honneur de
disner céans \ lequel il fallut aller recevoir et conduire aussy loing qu'il
estoit possible, à quoy noz chevauix nous estoient absolument néces-
saires et ne pouvions avoir du temps pour en envoyer chercher d'autres
ailleurs chez noz amys. J'en eus grand regret pour cez Messieurs et
sans cette occurrence je leur eusse trez volontiers baillé noz chevauix
pour tant qu'il leur eust pieu pour l'amour de vous. Je leur baillay une
petite lettre pour M' Chifïlet selon ce que vous me mandiez, afin de
profliter cette bonne occasion. Et si je pouvois servir cez messieurs ou
aultres de voz amys, je le ferois tant plus volontiers que je suis en
impatience de ne vous pouvoir servir vous mesmes comme je souhaic-
terois , en revanche de la continuation de vostre boime volonté en nostre
endroict et de la faveur que vous me faictes de me faire part de voz
conquestes, en quoy certainement vous m'obligez bien fort. Et particu-
lièrement en cez médailles et graveures que m'avez envoyées en dernier
lieu, qui se sont la pluspart trouvées fort à mon goust, et je vous en .
sçay encores plus de gré puisque m'en avez faict sçavoir la despense
qu'y aviez faicte (des 36 Jules que M"^ de Bonnaire vous fera rem-
bourcer), que si m'aviez faict un presant de vingt escus, pour la liberté
que vous me donnez de vous prier de me continuer les mesmes faveurs
et preferances aux choses que vous estimerez de mon goust et qui ne
seront pas tant du vostre. Je n'ay pas eu le loisir de les examiner en-
cores, à ma mode, parce que je le veux faire conjoinctement avec
d'autres que j'ay de pareille manière à peu prez , et que cez choses si
goffes ne se deschiffrent pas facilement sans en rencontrer plusieurs à
peu prez semblables, qui s'entr'aydent les unes les autres. J'en ay
mesmes aulcunes où sont les mesmes figures que vous appeliez sche-
lettes estendûes aux pieds d'une autre. Et passeray volontiers quelque
' C'était Alexandre Bichi, évêque de Garpentras, déjà souvent mentionné dans les pré-
cédents volumes.
[1630] À CLAUDE MENESTRFER. 583
aprez disnée, un jour de loisir, à cet exercice, ayant 80 ou 100 gra-
veures de cette nature à prix tollerable. C'est pourquoy quand vous en
rencontrerez vous me ferez plaisir de me les retenir, et d'en prendre
vostre rembourcement du sieur de Bonnaire.
Quant aux médailles estrangères, il y en a une Arabique et une Se-
lanone. La grosse empreinte du bcuf est de pareille manière à plusieurs
autres qui se trouvent marquées d'un crucifix entre deux Anges, qui
a possible je ne sçay quoy de l'Abyssin. J'en ay bien de six ou sept
diiïerantes sortes de mesme manière, et d'aucunes ont un temple au
revers, avec une croix dedans. J'en ay mesmes une fort grande à deux
lestes. Celle qui n'a qu'une petite teste avec un caducée d'un coslé, je
l'eusse prinse pour avoir esté auparavant cognée d'un plus grand coing,
comme on void en plusieurs autres grecques.
Des poids, les deux de la famille Marcia m'ont esté bien agréables,
et encores plus le troisiesme qui a un S et quattre ballottes. Et vouidrois
bien en voir quelque autre de mesmes un peu plus nette pour voir s'il
n'y avoil pas un C aprez les quattre ballottes pour faii-e le S. C. ou
bien s'il y a seulement S Car cela fourniroit de la matière à de
jolis discours, mais estant mal nette en cet endroit là où peult avoir
esté le C, je n'en vouldrois rien avoir déterminé. Tant est que vous me
ferez plaisir de m'envoyer tousjours de cez sortes de médailles là,
quand vous en trouverez de nettes, et à prix honneste, n'estimant pas
qu'il y ayt grande presse à en achepter en concurrance, ayants esté
jusques à cette heure tant négligées pai- les antiquaires, pour le grand
nombre qu'il s'en trouve, comme elles ont esté de toute ma souvenance,
et si vous ne les avez mises en réputation par la recherche qu'en avez
faicte pour moy, je ne pense pas qu'elles y soient encores.
Au reste, ayant faict voir le Trépied à M' de Chasteliez, il en tint
fort peu de compte, disant en avoir veu deux chez un nouveau curieux
de Rome qu'il ne me sceut pas nommer, autre toulelbys que le sieur
Cavalier Giialdo, et M-^ de Thou dict que M«' le Cardinal Barberin en
avoit recouvré un de je ne sçay quel marbre ou aultre pierre plus pré-
cieuse. Vous seriez bien obligé de nous en rendre un peu de compt«
584 LETTRES DE PEIRESC [1630]
et nous en faire un peu de description. Auquel cas il ne fauldroit pas
oublier les mesures et dimensions des principales pièces, et surtout de
la base ou soubsbassement , s'il y en a, et du bassinet. 11 se trouve tant
de choses dans Rome de jour à autre, (ju'il ne lault rien descroire, ne
rien négliger. Enquerez vous en un peu, je vous supplie, soigneuse-
ment, pour l'amour de moy, et s'il y a moyen d'en avoir quelque grif-
fonnement, vous m'obligerez fort. Estant bien marry que ne m'ayez
envoyé un peu de description exacte de celuy dudict sieur Cavalier
Gualdo, en attendant son modèle qui me fera possible languir bien
long temps, et cependant les dimensions que vous m'eussiez envoyées,
eussent ressaisie (stc) une bonne partie de mon impatiante curiosité.
Si dans les marbres et bas reliefs de Rome, vous avez observé rien
de curieux et d'extraordinaire touchant lesTrepiez, et particulièrement
touchant la concavité de leur bassin, ou couverture platte (qu'aulcuns
prétendent y avoir esté mise parfoys pour servir de siège), vous me
ferez grande faveur de m'en faire faire les desseins et M"' de Bonnaire
fournira les frais nécessaires, comme aussy touchant les autres corps
qui se pouvoient appliquer dessus lesdicts Trepiez, si vous y en avez
veu aulcuns, soient figures entières, ou testes, ou fruicts, ou charbons-
ou autres choses. Et touchant la forme des bases et soubsbassements et
la forme des trois consoles qui portoient le bassin. Mais surtout con-
cernant les corps que vous aurez peu voir posez au mitan des trois
jambages, soubs le bassin et sur le soubsbassement, comme l'oyseau
qui se void dans le Trepié de la médaille de Vitellius.
Dans les médailles mesmes si vous rencontrez rien de bien reco-
gnoissabie et extraordinaire, vous m'obligerez bien de m'en recouvrer
ou les originaulx ou les empreintes. Comme en plusieurs du temps
d'Auguste et de Ciaudius, il s'en void où se distinguent fort bien les
testes de chèvre au chapiteau de chascun des jambages et autres choses
semblables. Il y en a aussy sui- quoy sont posez des sy[mbo]Ies, des
esloilles, des Daulphins, aulcuns qui sont couverts d'un couvercle
convexe, comme une couppe, qui n'est gueres plus propre à s'asseoir
que le bassin concave. Mais surtout si vous avez jamais observé aulcune
[1630] À CLAUDE MENESTRIER. 585
figure assise sur un Trepié soit en marbre ou en médaille, vous me
feriez un singulier plaisir de m'en faire avoir quelque empreinte, ou
griffonnement. Et beaucoup plus si vous rencontriez aulcune figure
dans ledict Trepié entre le bassin et le soubsbassement, au lieu oii est
l'oyseau de la médaille de Vitellius, vous me feriez un singulier plaisir
de m'en faire avoir ce qui s'en pourroit recouvrer, soit en original ou
en modèle et empreinte ou en dessein. Et vous supplie d'y veiller avec
soing, et ne pas espargner de m'en escrire souvent selon le progrez
que vous ferez maintenant que les ordinaires d'Avignon recommencent
à marcher comme l'on m'a asseuré. Excusez moy de cette peine et
m'employez en revanche plus librement que vous ne faictes, comme,
Monsieur,
vostre, etc.
A Boysgency, ce 95 octobre i63o '.
XXXVf
k MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Je vous escrivis dernièrement par le P. Toussain, provincial des Mi-
nimes,- en responce de voz lettres. J'ay depuis recouvré de Toullon une
lettre que cez Mess" y avoient laissée du s' Chartres l'Angloys, qui me
mande comme ii avoit esté sur le poinct de s'en venir, s'il eust peu
faire embarquer ses balles sur les galères, et que peu s'en estoit fallu
que vous n'eussiez esté de la partie, et avons apprins par mesme
moyen le grand progrez que faict la maladie de là les monts, non seu-
lement dans Venize et dans Testât de Gènes, mais aussy dans la Tos-
cane, ce qui me faict grandement appréhender de la ville de Home, et
ay grand regret que vous ne vous soyez laissé emmener à une si bonne
' Bibliothèque de l'École de mëdecine de Montpellier, m». H 471, fol. 63.
nipanitiii !tiTi«Siia-
586 LETTRES DE PEIRESC [1630]
compagnie car pour la santé elie est Dieu mercy trez bonne en ce païs,
encores qu'en Avignon y ayt eu quelque petit accez, mais on ne croid
pas qu'il y ayt de suitte, ne que la nouvelle interdiction qu'on luy a
faicte du commerce dure guieres, et pour le surplus il y a eu quelque
esmotion du peuple dans la ville d'Aix sur la menace qu'on leur fay-
soit d'un nouvel establissement d'Esleus qui brescheroit les privilèges
et libertez de la province, dont on s'est prins à quelques particuliers
que l'on croyoit responsables de celte angarie et desja le peuple com-
mençoit d'abuser de cette licence, et menasser indifferament les mai-
sons de plusieurs persones qualifiées, soubs espérance de desrober
plustost que de vanger le public. Mais Dieu mercy, les gents d'hon-
neur ont reprins la créance et se sont rendus les plus forts, de sorte
que dez hors mais il fault espérer que les desordres et violances cesse-
ront, et que Mess" les Ministres de l'Estat recognoistront les mauvais
conseils qu'on leur avoit donnez, et disposeront le Roy à se contenter
de la raison, et à laisser vivre le monde en paix et tranquillité. Pour
moy je n'ay bougé de la campagne où je suis encores et je vouldrois
bien vous avoir gouverné à souhaict, et rencontré quelque bon moyen
de vous servir, et de vous tesmoigaer à bonnes enseignes que je suis"
véritablement ,
Monsieur,
yostre bien humble et obligé serviteur,
DE Peibesc.
À Boysgency, prez ToHod, ce 7 novembre [i63o] '.
'■ Bibliothèque de l'Ecole de mt^decine de Moatpeiliei-, ms. H 271, fol. 65.
[UuM\
A CLAUDE MENKSTRIER.
587
XXXVII
À MONSIEUR MENKSTRIER,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par IVPde Breton allorce lettres de noz amys de Rome, et
pensois y en trouver des vostres, parce que M"^ de Bonnaire m'escrivoit
de vous en avoir adverty et que vous i'aviez asseuré d'escrire et de
bailler voz despesches audict s"" de Breton, comme voslre voisin dans
Rome. M'' Suarez adjoustoit et me faisoit fesle de certains desseins de
divers Trépieds, que vous aviez apprestezpour uj'envoyer, et semhloit
que M' de Bonnaire voulut inférer que vous eus.siez apprestë quelque
anticaille à m'envoyer. Mais j'ay esté frustré de cette attente, et ay re-
gretté la perte de la commodité si opportune qui sestoit presantée de
vous respondre par le passage de l'Ein'"'' card"' de Bagni ' et de ceux
<le sa suitte. Il lauldra voir si au retour de sa galère ou de la Tartane
qui a porté ses bardes, vous ne suppléerez poinct à cette obmission.
Cependant que je seray attendant que vous me veuilliez commander
quelque cbose si je le puis, estant tousjours.
Monsieur,
vostre, etc.
DE Peiresc.
.4 Toullon, ce aa mars 1 63i '.
' Le cardinal de Bagni, se rendant à
Rome avec Gabriel Naiid»', sVtait, comme
nous l'avons vu, arrêtd quelque temps dans
la maison de campagne de Peiresc, (jui
l'avait accompagna ensuite jusqu'à TonJon
pour assister à son embanpiement.
' Bibliothèque de l'École de miklecine
de Montpellier, ms. H ayi, foK 66.
588 LETTRES DE PEIRESC [1631 1
XXXVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À ROME.
Monsieur,
Enfin aprez avoir esté dix moys touts entiers sans voir paroistre de
voz lettres, j'ay receu celle qu'il vous a pieu m'escrire par le sieur Pierre
Cuynet de Bourgogne qui la remit en Avignon à M' Alessandro Doni
pour me la faire tenir, avec la boitte de médailles Romaines, qui
est venjie fort bien conditionnée, dont je vous suis grandement rede-
vable. Les dernières lettres que j'avois eiies de vous estoient du i 2 juil-
let i63o et 28 septembre ensuyvant. El j attendois encores vostre res-
ponce sur ce que l'une et l'autre des vostres susdictes m'avoit donné
occasion de vous escrire, dez le moys d'octobre ensuyvant, par des
voyes que je sçavois trez bien estre arrivées à bon port. Vous ayant
depuis escript trois ou quattre foys, seulement pour vous supplier de
me respondre à cez lettres là, et vous asseurer de la continuation de
ma bonne volonté, sans vous charger d'autre importunité de crainte
de vous estre trop à charge. Et pensois certainement que vostre st
long silence fust une vraye marque du dessein de venir de vive voix
faire la responce, qui eust esté trop importune à mettre par escript,
ne doublant poinct que vous n'eussiez trouvé beaucoup de choses à
escrire sur les demandes que je vous avois faictes et beaucoup plus à
dire. Mais je n'estois pas assez heureux pour cela. J'avois mérité cette
mortiGcalion, par l'indiscrétion avec laquelle je vous avois trop impor-
tuné à la foys. Bien vous diray je que M"" l'Evesque de Gavaillon ' avoit
beau temps de vous donner tant d'allarme de la maladie de Lyon, car
on ne s'en est gueres mis en peine que pour arrester le commerce des
marchandises seulement, s'estant trouvé des ordres fort commodes,
au prix des années dernières, pour conserver le commerce des per-
sonnes avec bonne seurté et liberté. Et pour cette province il n'y a eu
' Fabrice de la Boui-daisière , qui si(*gea de i6j6 à «646, comme nous l'avons déjà
rappelé.
|1631] À CLAUDE MENESTRIER. 589
que certains villages, dont la closture a laiss/- tout le restant en plaine
liberté grâces à Dieu. Ce n'est qu'à Cavaillon et aux environs que le
mal a faict quelque progrez, mais fort peu ncanlmoings, en compa-
raison des années passées, par ce que l'on ne sçavoit pas bien remédier
à ce mal comme l'on faict à celle iieure, qu'on en tient fort peu de
compte, et dont on arreste fort facilement le progroz. Cependant M' de
Cavaillon m'a faict un grand tort, puisque vous dictes qu'il est cause
que vous avez rompu vostre voyage, ce qui m'a privé d une si grande
consolation, comme eust esté celle que j'eusse eu de vous voir et gou-
verner icy quelque temps, et de vous faire part de ce peu qui pou voit
estre à vostre disposition.
Pourveu que la maladie ne gaigne poinct la ville de Rome, et que
vous ne vous y trouviez engagé, il n'y aura pas grand danger que vous
ayez différé de vous mettre en chemin, mais M' Suarez m'a bien faict
encores du tort de vous avoir doimé tant d'incertitude du lieu de ma
résidence, car si bien je n'avois pas escript à luy qu'une foys depuis
le passage de M^ le cardinal de Bagny, il pouvoit bien sçavoir des
secrétaires de l'eminentissime seigneur cardinal Barberin son patron,
que je luy avois escript fort souvent dans le mesme temps, et que je
n'avois poinct changé ma demeure champeslre comme je ne suis pas
résolu de la changer encores de quelque temps. Et quand je la chan-
gerois, ceux qui me feroient l'honneur de me venir chercher icy,
y trouvcroient tousjours fort bon accueil, et des guides pour me les
amener quelque part que je fusse qui ne pourroit pas estre si loing
que dans un jour on n'y peusse aller commodément, et encores à
moings de temps. C'est pourquoy cela ne vous doibt pas arrester dez
hors mais, quand vous aurez quelque chose à m'envoyer, ou quelque
amy à me recommander. Que si j'eusse peu voir M"" Cuynet, ii vous
eust mandé ce que j'eusse tasché de faire pour luy à vostre considéra-
tion. 11 m'a escript un mot de lettre d'Avignon en prenant le chemin
des Pais Bas, et si je le pouvois encores servir là oi!i il s'en va, je ne
m'y e.spargnerois pas, y ayant encores de bons amys, comme je l'en
ay seraond par lettre sur les adresses qu'il m'a données par la sienne.
590 LETTRES DE PEIRESC [1631]
Mais vous ne me dictes pas que vous avez dressé maintenant un si
beau cabinet et l'avez enrichy de si grandes raretez, que ce vous est
une bien agréable chaine au pied pour vous arrester là à recevoir les
guliiiits bonnues qui vous vont visiter journellement, pour y apprendre
les belles observations qui se peuvent apprendre de vous et y jouyr
de la veiie de tant de raretez. Qui est un divertissement capable de
consumer beaucoup de temps, principalement à un homme d'estude
comme vous, qui veult desrober ses heures accousiumées, et ne luy
en peult guieres laisser de reste, pour vacquer à respondre à tous
ceux qui vous peuvent escrire, et encores moings pour faire les re-
cherches dont je vous a vois trop indiscrettement surchargé tout à coup,
principalement pour cez matières des Trépieds, où il y avoit trop à
faire, d'en aller faire les desseins non seulement sur celuy du cavalier
Gualdo, mais sur plusieurs autres, et sur des marbres anciens de dif-
ficile recherche, et possible mis en mauvaise assiette pour en tirer des
desseins avec l'exactesse des dimensions que j'y demandois, et qui sont
importunes à prendre. Vous nous en ferez part quand il vous plairra,
et tout ce qui en viendra de vostre part sera tousjours le bien verm,
et receu avec l'honneur qu'il mérite. Surtout j'eusse désiré d'avoir les •
justes mesures et dimensions du Trépied de l'illustrissime cavalier
Gualdo, et les desseins de cez aultres Trépieds dont parloit M' l'abbé
de Chastellier, s'ils sont en nature, avec leurs mesures aussy, et parti-
culièrement le dessein d'un marbre antique dont on m'a faict fesle, où
est la destruction du Temple de Delphes, avec la représentation du
Trépied fort semblable au mien.
Cependant j'ay bien prins plaisir de voir les desseins de voz frag-
menta de Termes ou Pillastres, avec les verges quarrées qui s'y en-
chassoient, et que vous estimez avoir soustenu vostre Lebes. Et vous
remercie trez affectueusement des offres qu'il vous plaict me faire par
vostre lettre de me les envoyer, en quoy certainement vous m'obli-
gez, car possible la veiie m'y fera trouver de quoy resver, et si vous le
faictes vous pourrez estre asseuré que je vous feray rapporter le tout
fort fidèlement, si ce n'est que ne vous soussiez pas de vous en desfaire
[1631] À CLAUDE MKNESTRIKR. 591
absolument, et qu'y mettiez le prix que trouverez à propos, il n'y a
qu'une chose qui m'est un peu difficile à comprendre, que les anciens
eussent estamé ce Lobes par dedans, ne sçachant si l'usage en estoit si
ancien, et en ce cas si avez recouvré du fondeur les petits morceaux des
ances qu'il avoit appresté pourfendre. Ils ne pourront pas estre decoup-
pez si menus qu'il ne s'y puisse eiicores recoffnoistre quelque chose de
la forme, et seray Irez aise d'en voir tous les fragments, et nommément
la Zampa Léonine que vous dictes avoir esté au bas de la vergt; insérée
soubs la demy figure de Bacchante. Ce Dindarolo de terre cuitte avec
ce bas-relief d'une fleutteuse ne seroit pas à négliger nomplus.
Mais vostre horologe solaire de cuivre concave n'a poinct d»; paran-
gon, et le dessein que vous m'en promettez me fera demeurer en
grande impatience jusques à ce que nous le puissions voir. ^Et s'il n'v
a pas d'équivoque au discours que vous m'en avez faict, je trouve-
rois bien estrange que les SOLSTICES soient mis en automne et en
printemps, et que la Bruma soit opposée à l'yËquinoxe. Si vous ne
m'en promettiez si libéralement le desseing, je le demanderois fort
hardiment à l'eminentissime cardhial Barberin à qui certainement
une telle pièce devoit estre desdiée sans controverse , ne pouvant eslre
mieux employée ne en plus dignes mains, puisqu'il est si soigneux de
faire voir au public ce qui luy tombe en main de plus rare, au con-
traire de plusieurs autres qui condamnent ;\ des ténèbres perpétuelles
tout ce qu'ils ont de meilleur, et ne prennent pas mesmes plaisir h
rien laisser voir aux plus curieux, et qui en pourroient tirer du prollil
pour la postérité aultant que pour eux mesmes.
Je loue fort le dessein que vous avez eu de recueillir tant de belles
médailles du pape Grégoire XIII' et que les ayez si opportunément
présentées à l'eminentissime cardinal Buoncompagno, son neveu, et
vous remercie bien fort des desseings en taille doulce que m'en avez
envoyez, en attendant si nous pourrons un jour voir le libvre entier
du Giacon - où vous les avez faict insérer.
' Ni! à Bologne en i5oa, pape en «579, ' Sîijfil-il là du dominicain pspnffiioi
inorl eu i585. Alphonse Ciacmniuii (Chacon), l'aulciir du
592 LETTRES DE PEIRESC [1631]
Quant aux autres médailles de vostre boitte, il s'y en est trouvé
jusques à 62 en comprenant deux ou trois de cez grosses de moulleure
antique de la façon de l'vES GRAVE. J'en ay veu plusieurs semblables à
ce quadrans marqué du sanglier à trois pallottes et en ay quelques
unes de celles là du bœuf, du cheval et d'autres animaulx, mais je
n'en ay jamais veu du bellier ou de la brebis, comme je vouldrois, et
vouldrois que me mandassiez si en avez jamais veu de par delà, comme
l'on m'a voulu dire qu'il y en avoit une pièce fort pesante au cabinet
du cardinal Borghese. Et parmy le reste de vostre boitte il s'en est
trouvé encores quelques unes qui me servirent, mais vous avez oublié
le meilleur qui estoit d'en prendre vostre rembourcemenl de M"" de
Bonnaire, à qui je vous supplie de vous adresser, quand vous me
vouldrez escrire ou envoyer quelque curiosité. Car il est ordinaire-
ment adverty des meilleures commoditez pour me faire tenir et lettres
et autre chose. Et il ne vous eust pas renvoyé si loing comme ont faict
les autres. Au contraire il vous eust peu assurer que je n'avois pas
bougé d'icy. Et vous eust fort librement fourny le rembourcement de
tous les fraiz que vous pouviez avoir faicts, tant pour les desseins des
Trépieds que pour les autres curiositez antiques que m'aviez appres-
tées pour me les envoyer si eussiez eu de mes nouvelles. Ne pouvant
assez m'estonner que n'en ayez pas receu comme vous dictes, vous
ayant moy escript plus de six lettres sans aulcune responce, et par des
voyes que je sçay bien estre allées à bon port, soubs l'enveloppe la
pluspart de M' de Bonnaire qui vous ayrae et honore particulièrement,
et qui ne vouldroit pas avoir manqué, je m'asseure, de les vous en-
voyer incontinant qu'il les a receues. Et pour M"' Suarès il m'a tousjours
escript, et mesmes cette dernière foys, qu'il ne cessoit de vous sollici-
ter de m'escrire et de m'envoyer tous cez desseins des Trépieds, et m'a
recueil si cëlèbre des vies des papes et des recueil intitulé : Pétri Ciaconei Toletani
cardinaux (Rome, i63o, 2 vol. in-fol.), ou opuscula in columnœ rostratœ iiiscriplionem ,
de rarchéologue Pierre Ciacconius, clia- de ponderibus, de meimiris, de nummts
noine de Séville, né en i525 à Tolède, (Romœ, lypogr. Vaticana, 1608, in-8°)?
mort en 1 58i à Rome, dont on possède un
[1631] À CLAUDE MENESTRIEH. 59»
mesmes mandé que vous estiez si intime du sieur Alessandro de Gran-
dis, que c'estoil par voslre moyen privativement à tout autre que je
debvois attendre une coppie du beau discours qu'il a faict des Tré-
pieds. Et de faict je vous prie de l'en supplier si jugez qu'il ne l'ait pas
dezagreable, et de le faire transcrire par quelque bon coppiste, que
M' de Bonnaire payera pour moy. Et je ne laisray pas d'en demeurer
trez redevable à l'aulheur et h vous tout ensemble. Mais cncor un coup
je vous supplie de porter audict sieur de Boiuiaire toutes lettres et
toutes autres cboses que me vouldrez envoyer, sans vous arrester à
chercher d'autres voyes de ceux qui peuvent aller ou venir de là icy,
si ce n« sont de voz amys particuliers que vous me veuilliez adresser
pour autre chose, car je tiendray tousjours pour receu comme si c'es-
toit en mes propres mains, tout ce que vous baillerez audict sieur de
Bonnaire ou à Madame de Barclay sa sœur, ou bien à M' de Barclay,
son neveu, au doffault les uns des autres. Et faut que vous croyiez
que les lettres ne choument pas chez eux, ains viennent incontinant
soit par la poste ordinaire de Gènes ou par commoditez asseurées
d'amys et gents de cognoissance. Et ainsin quand vous aurez quelque
chose de prest ne vous amusez poinct à attendre de commodité extra-
ordinaire. Ains portez le tout audict sieur de Bonnaire et ne faictes pas
de dilhculté de vous faire rembourcer de tous voz fraiz, sans en at-
tendre d'autre ordre plus exprez de moy, car il vous payera tousjours
ou fera payer par M' d'Espiots sur mon crédit tout ce que vous trouve-
rez bon de recevoir de leur main sur mon compte. Et m'excusez de la
trop grande liberté que je prends en vostre endroict, sur la confiance
que vous m'avez donnée, mais en tirez la revanche en ce que jugerez
dépendre de moy, comme,
Monsieur, de
vostre, etc.
DE Peiresc.
À Boisgency, ce a5 aoust i63i '.
' Bibliolbèipie de l'Kcole de médecine de Montpellier, ins. (i Î171, fol. 67.
. V. 75
594
LETTRES DE PEIRESC
[1631]
XXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIKR,
À ROMK'.
Monsieur.
S'estant perdue la commodité par laquelle debvoieut aller cez lettres,
il s'en est présenté une beaucoup plus belle de la Galère du Pape
dont le cappitaine m'a courtoisement faict olliir de laisser embarquer
M'' d'Arène avec les caisses de plantes que j'envoyeàMs'l'eminentissime
cardinal Barberin dont j'ay esté infiniment aise, espérant que cette voye
sera plus commode et plus briefve que les autres. M"^ d'Arène est un
de mes meilleurs amys, à qui vous pourrez confier librement tout ce
qu'il vous plairra me communiquer. Il vous fera payer ce que vous
ordonnerez et si vouliez venir de par deçà en cez quartiers, il vous fera
bonne guide et bonne et fidelle compagnie, et nous vous recevrons
céans comme frère, et comme si estiez de la maison pour tant qu'il
vous plairra. Et puis si voulez retourner à Rome il n'en manquoia pas
de commoditez des meilleures, par les Galères qui y vont porter le
Cardinal de Lyon à ce moys de mars, lequel m'escript qu'il s'en vient
tout droict céans ^. Monsieur Suarez m'escript qu'il vous fit desseigner
tous les Trépieds qui estoient dans les volumes des dessains de Pyrro
Ligorio, de Fui. Ureino, et del Ciaccone dans la Vaticane'. Cela mérite
' Avec celte indication sur l'adresse :
fOn apprendra son logis chez Mens' de
flonnaire. i
^ Nous avons déjà vu qu'Alphonse de
Richelieu fut l'hôte de Peiresc à Belgentier.
' Les noms de Fulvius Ursinus et de
Giacconius ont été déjà plusieurs fois men-
tionnés en cette correspondance, mais le
nom du premier des trois archéologues
apparaît ici poiu- la première fois et je
reproduis avec reconnaissance la note
qu'a bien voulu me donner sur ce pei-son-
nage M, Eugène Miinlz, membre de l'In-
stilut : irPirro (Pyrrhus) Ligorio s'est fait
à la fois connaître comme architecte , comuie
antiquaire et comme faussaire. Moinmseu
a démontré qu'il forgeait de toutes pièces des
inscriptions qu'il publiait ensuite comme an-
tiques. Ses travaux sur la topographie ro-
maine ont conservé une certaine valeur.
A côté des dessins de la Vaticane il faut
surtout citer le célèbre recueil de Ligorio,
consené dans la bibliothèque royale de
Turin.»
[1632] À CLAUDE MENESTRIEft. 595
bien d'en faire faire d'autres copies pouimoy,s'il vous plaict, par quelf|iie
peinctrc que M' d'Arène payera, si l'ordonnez.
Le sieur La Cliesnaye ni'avoit offert quelques marbres antiques. Je
luy lis dire que je desirois qu'il ne m'envoyast rien que vous ne l'eussiez
veu préalablement, car vous jugerez bientost s'il y a rien qui vaille la
peine de le faire venir de si loing. Autrement il ne m'envoyeroit rien
qui vaille, ainsin que j'ay veu de la coj)pie des inscriptions qu'il m'avoit
apprestées où il n'y a du tout rien qui ne soit trez commun, et ofi l'on
no sçauroit apprendre du tout rien.
Le pauvre Claude Petit avoit le mesme dessein de m'envoyer quelque
chose, mais il avoit le mesme ordre, qu'il n'a pas suyvy, et m'avoit en-
voyé une gondole de marbre rougeastre, qui est assez belle, mais elle
n'est pas antique. Et puis ne m'en avoit pas dict le prix qui est la cause'
que je la luy renvoyé avec mille mercys.
Je vous supplie pour conclusion d'aymer M' d'Arène pour l'amour de
nioy et si rencontrez chose qui ne vous duise, et que jugiez propre
pour inoy, portez la luy qu'il vous en remboursera trez volontiers et
je demeure.
Monsieur,
A Boysgency, ce a octobre i63i '.
vostre, etc.
XL
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BESANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Vous avez bien deviné que je prendrois plaisir d'avoir les empreintes
de piastre de cez vieux. ïevertius nouvellement desterrez in piazza
Montanara que j'attendray en bonne dévotion par le retour de Patron
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 47», fol. 69.
7r,.
596 LETTRES DE PEIRESC [1632]
Guill. Gaultier puisque vous les aviez desja faict inouller. Car je croys
que le pauvre Patron Guillaume s'en rendra volontiers le solliciteur en
vostre endroict, et vous en remercie trez affectueusement à l'advance.
Mais pour les autres empreintes du Tevertin du Duc Salviati, et des
colonnes de Transtevere, vous me permettrez bien de doubter que le
mesme Patron Gaultier en puisse estre le porteur, jusques à ce que
j'appraigne que les empreintes en soient effectivement jettées, vous
estant si difficile de trouver le temps d'y vacquer. L'advis de la venue
de M?''Sforza pour Vice Légat m'en laisse pourtant quelque espérance',
jugeant qu'il aura faict arrester ledict Patron Gaultier, pour apporter
ses bardes, et que ce retardement et la sollicitation de ce bon homme
vous pourront tenter, et induire à l'exécution de cette vieille promesse
ja surannée et quasi prescripte, comme d'autres précédentes. Que si
l'une et l'autre commodité vous estoit escbappée sans achever voz cha-
ritables offices en mon endroit pour ce regard, dont je ne vouldroys
pas jurer, dans la rencontre présente des saints jours, qui peuvent
destourner les ouvriers et vous mettre hors de tort, je vous supplie d'y
faire travailler incontinant aprez testes à la première commodité et je
vous conjure de vous desrober à voz autres plus utiles occupations et
de faire incontinent emballer et porter le tout chez M"" Despiots, qui
ne laisra pas eschapper de commodité de nie les faire tenir soit à droic-
ture à Marseille ou par ses correspondances de Livorne et Gènes. Et
si l'horloge en marbre a esté transporté, je n'en verroys pas moings
volontiers l'empreinte en piastre, pour juger icy de l'usaige et de l'exac-
tesse de l'antien ouvrier, aussy bien que celuy du Scaphium.
Si avez nombre de cez grosses médailles de Rhodes de Métal soubs
l'Empire, comme j'en ay de Néron, Domitian, M. Aurele et autres,
vous me ferez plaisir de me les despartir toutes, grandes et petites,
et de celles mesraes au delà de l'Empire qui auront quelque marque
extraordinaire, car des communes il s'en trouve à boisseaux. J'en voul-
droys aussy de celles de Philippe , d'Alexandre, de Lyzimachus et autres
' Voir sur Frédéric Sforza, cardinal en l'année i645, le tome IH du recueil Peiresc-
Dupuy, p. O87. . .
[1632] À CLAUDE MENESTRIKR. 597
monarques de la Grèce, qui ont quelque signe de la Hose ou autres
appartenances de la republique Hhodienne ou de la chouette Athé-
nienne. Ensemble des Empereurs qui ont fait battre monoye dans
Athènes dont j'ay quelques pièces d'Hadrian et d'autres.
N'ayez pas de regret de vous estre chargé du paquet quoyque grosset
de ce bon P. Minime, car en un besoing je luy ay une bonne partie de
l'obligation de vous avoir engaigé à m'escrire, car j'avois passé quelques
ordinaires sans avoir cet honneur de vous. Tant vous avez parfoys de
remors de consciance des arrérages que je pourroys prétendre sur un
autre qui ne fusse pas si occupé et diverty comme je sçay que vous
estes. C'est pourquoy je préviens volontiers voz excuses, et prends en
bonne part tout ce qui me vient de vous, et tout ce qui ne vient pas
aussy, ne désirant en façon du monde vous incommoder, ne avoir de
preferance sur vous, de ce qui pourra estre ou devenir de voslre goust.
J'ay recouvré depuis deux joui"s quelques médailles grecques d'ar-
gent battues la pluspart dans la Magna Grœcia que j'avoys autres-
foys négligées comme assez communes plus que je ne feroys à presatit.
Entr'autres une d'une teste de Minerve au revers du Minotaure avec
l'inscription ANIO"^ dont je seroys bien aise de voir quelques autres
de pareille inscription ou bien les empreintes si les originaulx sont en
mains trop tenantes.
Et sur ce je finis priant Dieu pour le comble de voz prosperitez et
contentements; , et demeure.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix , ce 1 o avril 1 633 '.
' Bibliothèque de l'hcole de iinklecine de Montpellier, nis. H 271, fol. 71.
598 LETTRES DE PEIRESC [1632]
XM
À MONSIEUR, MO>SIEUR MENESTRIER,
GEMILIIOMME DE BOURGONGNE ,
DE LA MAISON DE MONSEIGNEUB LE CARDINAL BARBEKIN,
À MARSEILLE.
Monsieur,
Je n'ay peu différer de vous féliciter comme je faiclz de tout mon
cœur le recouvrement de voz deux caisses ' aussytost que j'en ay receu
la nouvelle de la part de Mons' le commandeur de Fourbin par un des
siens qu'il m'a despesché exprez, en quoy certainement il m'a grande-
ment obligé, car j'estois en extrême inquiétude de vostre affliclion,
mais j'espère que vous commencerez à vous consoler et que vostre bon-
heur ne souffrira pas que vostre malle ne se recouvre encores dans
lacjuelle je me pei*suade que ce soient les lettres et papiers dont vous
avoient chargé noz amis de Rome. Je pense qu'à ce soir Mons' Aycard^
me pourra donner de voz nouvelles que j'attendray en bonne dévotion
et encores plus que vous vous résolviez à venir icy et d'y faire apporter
tout vostre faict, car vous pourrez accommoder tout à vostre ayse ce
que voudrez envoyer à Lyon où nous trouverons moyen de le faire
acheminer aussy bien que de Marseille. El possible que la main de mon
rellieur ne vous viendra pas mal à propos pour faire relaver en eau
douce tout ce qui en aura besoing et l'accommoder le plus proprement
que faire ce pourra. Toutesfois je m'en rapporte à tout ce que vous
trouverez de meilleur et pourveu que vous trouviez vostre compte et
vostre satisfaction, je seray tousjours assez comptant.
Mons' le commandeur de Fourbin me mande qu'il renvoyé demain
les ouvriers de ses galleres avec leurs outilz reparez pour faire un autre
' L«s deux caisses qui avaient ëté jetées ' Ami et correspondant de Peiresc, à
à la mer pom* allf^ger le navire en perdition Toulon , plusieurs fois mentionné dans ie
dont il a été parlé dans V Avertissement du tome II du recueil des Lettres de Peiresc
présent tome (notice de M. Castan). aux frères Dupuy.
[163-2] À CLAUDE MENESTRIER. 599
effort au recouvrement de ce qui est demeuré en arrière et particuliè-
rement pour l'amour de vous. Je sçais bien qu'il n'y espargnera rien
qui puisse despendre de son authorité et de sa bonne volonté, hono-
rant comme il l'aict Monsei»^ le card"' Barberin et tous ceux qui sont
à son service, mais particulièrement les gens d'honneur et de mérite
comme vous et me tenant comme il a iaict pour son serviteur d'assez
longue main.
Nous attendrons donc le succez de ceste nouvelle pesche, priant
Dieu qu'il luy plaise de la faire réussir à vostre contentement et de
vous garentir tousjours vous et tout ce que vous aymez de semblables
ou autres plus grands dangers, demeurant.
Monsieur,
vostre Irez humble et trez obligé serviteur.
DE Peiresc.
A Boysgency, cfi 3 juillet i63-j '.
XLII
À MONSIEUR MENESTRIER,
GENTILHOMME DE BOUnCONCNE,
DE LA MAISON DE MONSEIGNEUR LE CAIIDIN\L B\ltBËRIN ,
À MARSEILLE.
Monsieur,
Je vous envoyé voz trois caisses h l'emballagi^ desquelles Mons' Lom-
bard^ a bien trouvé à redire, quand il les a venes ou pour le moins à
l'enveloppe de toille cirée qui debvoit estre chauffée en l'appliquanl sur
les caisses, pour les pouvoir delTeiidre de la pluye ou de la inonilleure,
mais puisque vous n'estiez point icy j'ay foict scrupule d'y laisser tou-
cher en façon quelconque, et me suis contenté de vous en donner l'advis
afin que vous y puissiez faire apporter le remède à Marseille avant que
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ins. H ayi. fol. 73. original ;i\«r
signature. — ' l/intcudant de la maison de Peiresc.
600 .LETTRES DE PEIRESC [1632]
vos dictes caisses en partent pour prendre le chemin de Lyon. Je vous
envoyé par mesme moyen les lettres que vous aviez désirées de nioy
tant pour Mons"^ du Puy que pour Mons'' Aubery, y en ayant adjousté
trois autres pour Avi{jnon addressées à Mess"Suarez,de Mondevergues'
cl le prieur du Barroux^ et une quatriesme pour Mons"" de Liergues
de Lyon ^, accompagnées de deux ou trois médailles que je luy envoyé,
que je voudrois bien se trouver de son goust et en pouvoir rencontrer
d'autres plus dignes de sa curiosité. Si par hazard il vous remettoit
(|uelques empreintes pour moy et qu'il trouvast bon que je visse les
origiaaulx de quelqu'une de cez pièces, que vous pourriez juger estre
de mon goust, il ne laudroit que les faire remettre à Lyon entre les
mains de Mons"" Roy, l'un des plus célèbres marchands de Lyon, avec
charge de les addresser à Marseille à M'' de Gaslines qui prendra le
soing de me les faire tenir icy ou lettres ou autres choses. Vous vous
pourrez servir de la mesme addresse tant de M' Roy que de Mons' de
Gastines par laquelle les choses pourront aller et venir seurement,
comme si vous avez à m'escripre d'Avignon, il suffira d'envoyer voz
lettres chez Mons' de Mondevergues, et si vous avez quelque chose à me
commander de Paris, il suffira d'envoier voz lettres chez M' du Puy
ou chez M' Aubery, vous asseurant que nous les recevrons à grand
honneur et à grande faveur quand vostre loisir et vostre commodité
vous pourront permettre de nous donner de voz nouvelles principa-
lement des lieux oij vous ferez quelque residance.
Mon frère partira d'icy lundy pour aller coucher à Aix, s'il peut, le
mesme jour, afin de se trouver à vostre passage. Mais si vous estiez
plus pressé de passer outre, n'oubliez pas de laisser à Aix, en passant,
une procuration vostre pour accepter les bénéfices qui vous pourroient
' Un parent de Peiresc, mentionne dans Liergues , conseiller du roi et lieutenant cri-
Ic recueil des Lettres de Peiresc aux frères mine! au sièg^e présidial de Lyon, comme
Dupuy, t. m, p. !i54. l'avait été son père, Pien-e de Monconys,
' Le prieuré de Barroax a été mentionné sievu- de Liergues. Voir sur Gaspard et sui-
dans notre tome IV, p. 61. son beau cabinet, ie Dictionnaire des iima-
'^ C'était un frère du célèbre voyageur teurs français au jvu' siècle, par M. Ed. \ion-
Baltliasar de Monconys, Gaspard, sieur de naffé, p. 187.
[1632] A CLAUDE MENESTIUER. 601
estre conférez pour en prendre possession en vostre nom et pour les
pouvoir adermer à la chaqje, si vous voulez, de rapporter une ratiifi-
cation vostre dans l'an pour pouvoir exiger et faire quittance des re-
venuz, sur quoy aprez vous avoir supplié d'excuser la mauvaise chère
que nous vous avorjs faicte et de nous commander avec entière liberté
et sans cérémonie, je liniray demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Boisgency, ce 5 aoiist i63a.
Vostre despart me surprint si fort que j'oubliay une infinité de
choses que j'eusse esté bien ayse de vous monstrer tant de vostre cu-
riosité que de la mienne. Vous verrez un petit mémoire que j'ay dressé
en un petit papier cy joinct de certaines médailles du bas empire que
je serois bien ayse de i-ecouvrer par vostre moyen si vous en trouviez
à vendre ou à Irocquer, en quoy je me dispense tant plus librement
par ce que je vois que vous estes en possession de rencontrer et de nx-
faire avoir ([uasi toutes les choses que je vous ay demandées pour
rares qu'elles feussent, tant vous estes heureux toutes et quantes foys
que vous voulez obliger voz amis et serviteurs'.
XLIII
À MONSIEUR MENESTRIER,
(iKiSTILIIOMME DE L\ MAISON DE MONSEIGNEUR LE CARDINAL BARBERIN,
À PARIS.
Monsieur,
J'ay trouvé en arrivant en ceste ville la lettre qu'il vous a pieu
m'escripre de Lyon du 4" de ce mois, où j'ay esté bien scandalizé
d'apprendre le second vol qui vous a esté faict dans la douane de Lyon
' Bibliothèque de lÉcole «le médecine de Monti)ellier, ms. H 971, foi. 74. Original,
ï. 76
602 LETTRES DE PEIRESC [1632]
qui eusse bien mérité une punition aussy severe qu'il en peut eschoir
contre des gentz qui ont violé le respect qui estoit deub à un lieu de
cpste nature, dans lequel toutes choses debvoieiit estre conservées
aussy seurement que dans un lieu sacré. Si vous eussiez faict mettre
les toilles cirées comme je vous avois mandé, vous y eussiez peu faire
apposer vostre cachet avec de la cire d'Espagne sur les principaulx
assemblages de la toille cirée comme aux enveloppes des pacquetz de
lettres, en sorte qu'on ne l'eusse pas peu ouvrir sans que vous vous en
fussiez aperceu, lors de la réception de voz caisses, auquel cas il eust
fallu qu'on vous en eusse respondu sur le champ. On ne sçauroit ap-
porter trop de precaultion en la voiture de choses semblables, et si
vous n'eussiez pris si soudainement, comme vous feisles, la resolution
de partir de Boaugentier du soir au lendemain, je n'en eusse pas laissé
parlii' voz caisses, saiLs qu'elles eussent esté accommodées, comme je
faictz accommoder toutes celles que j'envoye dehors, mais en vostre
absence j'eusse faict scrupule d"y faire toucher en quelque manière que
ce fusse. 11 vault quelquesfois mieux retarder d'un jour que de tomber
en cez inconvenientz, qui font plus reculer qu'on ne sçauroit avoir ad-
vancé. Je déplore infiniment vostre perte, et encores plus que vous
vous soyez trouvé absent de Home, lors de tant de belles vacances qui
pouvoient estre à vostre bienséance, ne pouvant assez admirer le mal-
heur qui vous a suivy en tout cela, non plus que la constance avec
laquelle vous vous résolvez à le supporter qui vous rendra digne de-
vant Dieu de plus de bonheur à l'advenir comme je le vous souhaitte
de tout mon cœur, estimant, comme je vous ay dict plusieurs fois, que
le tout sera pour le mieux tost ou tard, et que si vous n'avez eu part
à cez vacances, ce sera pour vous en faire trouver en d'autres meil-
leures et plus dignes de vous.
J'ay receu des lettres tant de cez Mess" Roy que de Mons"' de Liergues
du cinquiesrae de ce mois, avec lesquelles j'ay i"eceu de la part du-
dict sieur de Liergues une couple de médailles grecques d'argent
de celles dont nous avions veu les empreintes et une couple de cez
espagnolles de cuivre, dont je luy suis bien redebvable et par conse-
[1632] À CLAUDE MENESTHIKIi. 603
quentà vous, puisque c'est j)ar vostre moyen qu'elles me sont lombées
en main. Hz ne rae disent rien ne l'un ne l'aullre de vostre vol. Au
contraire Mons' de Gastines, que j'ay veu à Marseille en revenant de
Beaujjentier, m'avoit dict que voz caisses vous avoicnt esté rendues bien
conditionnées comme il pensoit avoir occasion, je m'asseure, de le
pouvoir dire ainsy. Il rae tardera d'apprendre si vostre plainte envers
les intendantz de la Douane aura peu rien opérer, pour vous faire ob-
tenir la restitution, sinon de tout, au moins de (juelque chose. Que si
cela ne vous réussit, il fauldroit voir à Paris d'en faire faire plainte
à M' Chariot de qui dépendent tous cez commis et olliciers de la
douane, car s'il les avoit menassez de les chasser de leur employ, pos-
sible trouveroit-il moyen de vous faire restituer (juelque chose. A quoy
Mons' Aubery vous pourra donner possible quelque bonne addresse
par le moyen de ses amis.
J'ay veu, en passant à Marseille, deux grosses pièces /Egyptiermes
arrivées du Levant deux jours devant mon passage, l'une de marbre
noir qui rend l'cflect de la pierre de touche, l'autre de pierre blanche
un peu moins dure que le marbre faictes en forme d'un corps humain
emmaillotté comme les momies, creusées ou vuidées par le derrière
comme pour servir de couvercles à des toml)eaux ou arches sepulchrales,
telles que celles de bois où sont enfermées la plus part des momies.
Elles sont enrichies l'une et l'autre de beaucoup de figures et lettres
hyerogliphi(|ues, mais les marchandz qui les ont croyent que ce soient
des Trésors, et n'ont pas de honte d'en demander des quinze cens pis-
toles, bien que si j'y avois employé plus de cinquante escus, je n'es-
timerois pas mon argent si bien logé comme si je l'avois mis en
livres ou en autres curiositez. Aux moindres de.squelles il y auroit aul-
tant ou plus à apprendre qu'en tout cela, de quoy j'ay bien voulu vous
donner advis par ce que possible le bruit de cez figures arrivant jus-
quesà vous, vous pourriez croire que ce fusse toute autre chose.
En passant par le bois de Cujes, je taschay de jetter les yeux sur
tous «ez rochers pour lascher d'y rencontrer de cez pierres chryst<ilines
dont vous m'aviez escript faictes en forme de branche et de racines,
7«.
604 LETTRES DE PEIRESC [1632J
mais je ne fus pas si heureux que vous pour en rencontrer aulcunes.
Et n'avois pas quant et nioy le laquay qui vous accompagnoit lors pour
me pouvoir mener précisément sur les lieux, comme il eust esté re-
quis. C'est pour quoy si vous pouviez prendre la peine d'en faire un
peu de griflonnement sur du papier afin de nous faire comprendre ce
que peut estre, nous tascherions de vous en faire recouvrer davantage.
Mons' Borrilly m'a donné parolle de vous accommoder de tout ce que
vouldrez de son Cabinet, tesmoignant bien du regret de ce que vous
ne voulustes rien prendre de luy. Nous attendrons en bonne dévotion
vostre retour et prierons Dieu qu'il vous rameine sauve avec plus de
contentement et de satisfaction que vous n'en avez peu avoir jusques
à présent et demeureray à jamais,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 20 septembre i63a.
J'oubliois de vous remercier comme je doibs Irez humblement du
soing que vous daignez prendre de me reserver de cez petites mé-
dailles que vous jugez estre de mon goust, dont je vous suis trez re-
debvable, et si vous rencontriez d'adventure à Paris quelque chose que
vous jugeassiez estre bien de mon goust, et qui se peusse avoir pour de
l'argent, Mons"" Aubery vous fera fournir tout ce que vous ti'ouverez bon K
XLIV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
À PARIS.
Monsieur,
Ayant sceu par une lettre de Mous"" Aubery du xi'= de ce mois vostre
arrivée dans Paris et par une de Mons'' du Puy du landemain l'accueil
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de Monlpellier, iiis. H jyi , loi. 76. Original.
[1632] À CLAUDE MENESTRIER. 605
qu'on vous avoil laict dans l'Académie des plus {;alandz liouimes de
Paris', je n'ay pas deub niantjuer de m'en conjoiiir comme je faiclz
avec vous, et de vous dire que j'ay appris par une lettre de Mons"' le
card'' Bagni escripte à Urbin le 6" de septembre que les nouvelles que
je luy avois données des fortunes par vous courues l'avoient bien res-
jouy à cause qu'on leur avoit voulu faire accroire de voz nouvelles bieei
plus mauvaises. M' Suarez a tesmoijjné aussi de prendre {grande part
au bon marché (jue vous aviez eu de ce naufrage, et j'estime que si
iMons"" d'Arène estoil arrivé, il ne manqueroit pas des lettres sur ce
subject de la plusparl de voz bons amis et congnoissants, car on me
mande que ledict s' d'Arène m'apporte une plaine malle de lettres,
mais il n'est point encores arrivé et par les derniers advis du a 5* sep-
tembre, l'on me niandoit(|u'il dcbvoit partir dans 8 jours. Le s' Chartres
m'escripvoit de Naples quelque temps y a qu'on y avoit creu que vous
fussiez du nombre des noyez, non sans beaucoup de regret de tous
voz amis, qui eurent bien de la consolation par aprez d'entendre que
vous vous fussiez si opportunément trouvé si loing comme vous estiez
du danger.
J'avois creu que vous eussiez pris le destour des Païs bas, quand
j'avois veu que vous tardiez tant d'arriver à Paris, d'où je ne pense pas
qu'il vous soit bien facile de vous desvelopper sitost comme vous pensiez
puisqu'on a commancé d'y recongnoistre voslre mérite et vostre vertu.
On m'a escript d'Avignon que Monsieur frère du Hoy s'entretini
trois grosses heures durant dans le cabinet du s' Zanobis- au lieu
d'aller vers les Dames et qu'il y marqua i8 ou 20 pièces avec prière
au maislre d'icelles de les luy reserver, entre lesquelles le s' Zanobis
me mande qu'il print ce couteau de bronze et cestc teste en forme dti
vaze que vous y aviez veiie, lesquelles deux pièces il n'a pourtant pas
laissé de m'envoyer icy. Vray est que je faicLs estât de les luy renvoyer
au premier jour et de me contenter de la communication qu'il m'en a
' Nouvel hommage rendu au fameux ca- ' Connaissait-on la visite faite |Mir le
binet, au cercle savant dont il a (<lé si souvenl prince amateur au collectionneur Zanobis ?
<|ueslion dans le recueil Peiresc-Dupuy. Sur ce dernier, voir noU-e tome IV, p. 3.
606 LETTRES DE PEIUESC [1632]
faicte de sa grâce, dont je luy sçais trez bon gré et lu y demeure tous-
jours bien obligé, bien que d'autres m'ayent voulu asseurer qu'il y a
un peu plus d'artifice en son faict qu'il n'en fauldroit avec moy, et avec
ceux qui vont rondement en besongne.
J'avois oublié de vous demander si Mons"' le card** Barberin n'avoit
point faict examiner par quelque bon mathématicien l'horloge antique
de bronze en forme de scaphium que vous luy avez faict avoir, pour
en recongnoistre le vray usaige et l'utilité qui s'en pourra recueillir,
et si vous n'estes résolu de revenir bientost, je vous prie de m'en es-
cripre un mot à vostre première commodité. Que si vous repassez par
Lyon en revenant comme je pense que c'est vostre chemin, je vous prie
de voir M"" Pelot, Trésorier de France, si je ne me trompe, chef de
l'une des principales maisons de la ville, homme si curieux ((u'il a porté
ses pérégrinations, non seulement jusques eu la terre Saincte, mais
encore jusques en ^Egypte et à la mer Rouge'. Il me disl aulresfois que
de ce pays d'Egypte il avoit apporté quelques curiositez et entr'autres
un certain vase avec son bouchon ou tampon eu forme de meufle de
Lyon^ bien extravagant. S'il se rencontre à la ville lors de vostre pas-
sage, vous prendrez plaisir de gouster sa conversation, et me ferez
grande faveur, s'il vous ])laist, d'observer et me faire un peu de rela-
tion de la forme et grandeur de ce vase à peu prez.
' U s'agit de Claude Pellot, seigneur de
Port-David et de Sandars , chevalier, con-
seiller du roi , trésorier général de France
en ia généralité de Lyon , prévôt des mar-
chands en i63a et en i633. On a de lui
une Remontrance au Conseil du roi pour main-
lenir le commerce et trafic de la ville de Lyon.
H mourut à Paris en i642 ,en revenant de
Cologne , oii il avait été envoyé par le car-
dinal de Richelieu. Ce fut le père du fameux
intendant Claude Pellot, qui devint premier
président du parlement de Normandie. Voir
sur les Pellot père et fils , l'abbé Pernetly
{Lyonnais dignes de mànoire) et surtout
l'ouvrage en deux gros volumes in-S" de
M. 0' Reilly. Je constate que l'abbé de Ma-
rolles, dans le Dénombrement qui suit ses
Mémoires (t. Hf, p. 333), donne à leur
nom la même orthographe que Peiresc.
J'ajoute que le bourgeois de Lyon, Claude
Pellot, n'était connu ni comme voyageur en
Egypte, ni comme curieux, et que c'est en-
core là une des mille i-évélations que nous
devrons aux lettres de Peiresc.
* Sic. La majuscule a été donnée par Pei-
resc au mot lion comme s'il s'agissait de la
ville de Lyon.
1163-2] A CLAUDE MENESTRIEH. 607
Kxcnsez inoy de laiil de courvées que je vous donne el me cotu-
maiidez en revanche,
Monsieur,
comme vostre trez liumble et Irez obligé serviteur,
DE Peihesc.
A Aix, ce a5 octobre i633 '.
XLV
À MONSIEUR MENESTRIER,
l'OlinVEU D'UNE CIIANOINIE EN L'EGLISE METROPOLITAINE DE BEZANÇON,
DE LA COUR DU CARDINAL BARRERIN,
À BEZANÇOJN.
Monsieur,
J'ay receu voslre lettre de Paris du 27 du mois passé pour responce
de laquelle je me contenteray de vous remercier comme je fais trez
humblement de l'honneur de vostre souvenir et des bons odices (|ue
vous m'avez vouleu rendre partout oi!l vous avez esté, vous attendant
icy en bonne dévotion pour vous en faire de vive voix d'autres remer-
cieinens pluseflicaces. Cependant si cette lettre vous rencontroit encores
chez vous, je voudrois bien vous supplier de me faire faire un peu de
{jriffonnement de cette fiijurc d'Apollon que vous dictes avoir esté trouvée
à Besançon depuis quelque temps, à la prendre de divers aspectz pour
ne rien obmeltre des appartenances soit de sou siège ou de ses habit/,
comme aussy de la fi(Ture assise de Mercure'' et de toutes ce8 autres
' Biltliolli^jno (te l'Kcolc de nif^deciiie de
Montpellier, iiis. H 971, fol. 81. Original.
" M. E. Roy, professeur au lycde de Be-
sançon , dont j'ai d(?jh loue rol)ii(;;eniicc dans
{'Anertissemenl , a l)icn voulu, en ri^ponse k
mes questions, me dire qne l'on ne con-
naît à Besançon aucune statue d'Apollon
ni de Mercure, ni au Musée de la ville, ni
dans des colleclions partiruliéi-es, ijin iut
él6 trouvée sous le rè{jn»> de Louis Mil. t<c
Musée de Besançon possède l>ien (n* io«8^
une cliarinanle figurine en tirontc, mais
elle a été «Uiconvertc k Mandenrc {Epamaii-
diwdurum) dans des fouilles relativement r^
contes et, avant d'enli-er nu Mus»!*, ell»'
taisait partie des collections (jti. Duveruov
008 LETTRES DE PEIRESC [1632]
f^allenteries qui feurent trouvées au mesme lieu que la figure d'Apollon
(lesquelles il faudroit essayer d'observer à peu prez les mesures en leurs
desseins autant que faire se pourra. Je ne plaindray pas un peu d'ar-
fjent despendu à cela si vous l'avez agréable et si cette lettre ne vous
trouve qu'à Lyon et que vous puissiez employer à cela quelqu'un de
p| Morel-Macler. Mon cher confrère ajoute
que le culte de Mercure était très répandu ,
à l'époque gallo-romaine, dans la région
aujourd'hui représentée par la partie de la
l'Yanciie-Comté qui environne la capitale de
la province. 11 m'a envoyé, à ce sujet, copie
d'un passage d'un manuscrit de la Biblio-
thèque municipale de Besançon (Histoire de
la Franche-Comté de Bourgogne et en parti-
culier de la cité Boyale de Besançon , composée
par le B. P. Lcopold Prost, de la C" de Jésus,
livre II , p. 63 ) : «■ A l'orient du mont Gœ-
lius, en est un autre que l'on appelle la
montagne des trois châteaux et au dessus
de laquelle est une plaine qu'on appelle
champ Mercuro ou champ de Mercure. Et
quand César dit que l'on adoroit particu-
lièrement Mercure à Besançon, il confirme
parfaitement bien la seconde fondation de
Besançon par les Troyens. [ Ici je supjirime
quelques lignes de divagations.]. . . Au moins
est-il seur qu'à Champ Mercuro il y avoit
un temple de Mercure qui fut bâti par les
Troyens mêmes, avec quelque château entre
le temple et la ville. 11 n'est point de sortes
d'idoles qu'on y trouve si fréquemment que
celles de Mercure quoique toujours sous des
figures différentes, ji Le naïf historien cite
jme inscription trouvée en 1 679 attestant
que le temple de Mercure , qui était tombé
de vétusté, avait été relevé aux frais d'une
certaine Dubilalia Castula. Il rappelle que
"le docte Monsieur ChiQlet donne l'estampe
d'une image de vieux jaspe oi'i Mercure est
représenté comme Guide des Voyageui-s , le
casque ailé en tête, le caducée à la main
et les ailes aux pieds n. L'auteur dit qu'il
possède un Mercure rjetté en bronze» qui
a deux ailes h la tête et que M. le président
Boiset ren a un de même à la reserve que
celui-ci porte h la main gauche une bourse
comme patron du négoce». 11 mentionne
encore une pierre qui fut tirée en iSgi
(td'un puits delà maison du comte d'Achey»
et qui portait une inscription où fraterni-
saient les noms d' .Apollon et de Mercure. Le
docte Monsieur Chifflet cité par le H. P. Prost
avait déjà signalé les nombreuses figures
de Mercure trouvées autour de Besançon :
ffMercurius frequens in Bisontinorum terris
sub variis figuris repertus, priscœ vetus-
tatis Bisontinx ai-gumenta raulta. . . etc.»
(/o. Jnc]. chijjleti Vesuntio civitas impe-
rialis, monumentis illustrata, Lyon, in-4°,
1618, ch. xï, p. 78.) Gomme le P. Prost,
Chifllet possédait un Mercure dans sa col-
lection , in nieo musœo , comme il nous l'ap-
prend lui-même (p. 78). M. Roy m'envoie
encore ces éclaircissements : ir H est probable
que l'Apollon et le Mercure de 168a ont
été recueillis par la famille des Ghifflet , qui
avait la passion des antiquités. Malheureu-
sement il reste peu de chose de ces collections
dans le pays : elles ont été vendues pour la
plus grande partie en 1719, par Claude-
Nicolas Chifllet, à un amateur anglais,
nommé Lyons. »
[1632] À CLAUDE MENESTRIER. 609
voz amis sur les lieux je vous en auray bien de l'obligation , et tascheray
de vous servir en revanche et encores ceux que vous y aurez employez
s'ils m'en jugent capable. Cependant je vous diray que dez hier j'es-
crivis à M'' de Gastines pour faire payer par M' Despiot à Rome au
sieur Dominique Merula les 26 escus que vous avez desirez selon vostre
ordre et outre et par dessus les autres précédents ordres qu'en aviez
donnez durant vostre séjour de Marseille, désirant de vous servir en
quelque meilleure occasion comme,
Monsieur,
A Aix, ce 8 novembre i63a '.
vostre, etc.
XLVI
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER'.
Monsieur,
Ayant apprins par une lettre de M" de Rossi de Lyon du 27* de ce
mois que vous n'estiez point encores repassé par Lyon, j'ay faict ce
billet à tout hazard, au cas qu'il puisse arriver à temps avant vostre
passage pour vous dire que M' de Gastines a escript à Rome au sieur
d'Espiotz' et donné les ordres nécessaires pour le payement que vous
desiriez estre faict au sieur Domenico Merula, vostre amy. J'ay escript
aussy au sieur d'Espiots à mesmes fins, et crois bien qu'il n'y aura
pas manqué. Vous pouvez estre hors de regret de ce costé là. Le
sieur d'Arène est arrivé depuis trois ou quatre jours et m'a apporté
un coffre de livres et autres curiositez, mais il n'a point apporté de
responce du sieur Mellan, ne de cez autres i\ qui vous aviez prins la
peine d'escrire pour l'amour de moy, ne m'ayant pas mesmes sceu rien
dire touchant ce pied antique que vous aviez laissé à cet horlogeur
' Bibliolhèijueciol'l'cole de iné<lecinede ' Sans autre indication.
Montpellier, ms. H 271, fol. 81, orijpnal ' Le même que le Despiot d'un peu plus
mais non aulo^jraphe. haut.
T. 77
610 LETTRES DE PEIRESC [1632]
pour le rabiller. La maladie de M' de Bonnaire ayanl esté cause, je
m'asseure, de tout le malentendu qu'il y peut avoir eu en celte aiïaire
qui meritoit d'estre réservée à vostre présence.
Je vous avois escript une lettre à Paris qui n'y arriva pas à lenips
pour vous y trouver et vous avois prié, en passant par Lyon, de voir
le cabinet de M"" Pellot, et particulièrement un vase antique que je
pensois y estre, mais j'ay depuis apprins qu'il n'a voit point le vase,
ains seulement une teste ou meufle de Lion de bois antique qui luy
avoit servy de bouschon ou de couvercle comme celluy que je vous fis
voir, en forme de teste de loup ou de renard, de sorte qu'il ne sera
pas de besoing de vous mettre en autre peine pour ce regard. Toutes-
fois si vous prenez occasion de visiter ce gentilhomme, il n'y aura pas
de danger de le vous faire monstrer et de remarquer s'il y a aulcung
reste de peinture ou de doreure par dessus le bois. J'ay depuis ouy
dire que le sieur de Pontus a ung grand recueil de belles curiositez
dans Lyon et entre autres choses un petit vase qu'il croit avoir esté
une lampe en forme d'une teste de satyre avec son couvercle bien
conservé. Je serois bien ayse que vous l'eussiez veu, afin d'estre asseuré
par vous s'il est antique ou non. On m'a dict aussy qu'il a un petit
godet de verre violet de la mesme forme et grandeur à peu prez, de
l'un des miens d'argent dont je voudrois bien en pouvoir faire la com-
paraison, à quoy je vous supplie de me faire office de bon amy, pour
m'en faciliter la communication, s'il peut estre loisible, vous suppliant
de m'excuser de tant de fascheuses courvées et de me commander
tant plus librement en revanche, comme celuy qui vous attend en
aussy bonne dévotion comme doibt faire,
Monsieur,
vostre, etc.
À Aix, ce 31 novembre iGSa '.
' Bibliothèque de l'Kcoie de imyecine de Montpellier, nis. H ayi, fol. lay, simple ori
ginal.
[1633] À CLAUDE MENESTRIER. Gll
XLVII
À MOiVSIKUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
GENTILHOMME DE MONSEIGNEUR L'EMINENTISSrME CABDfNAL B\nBEI<l> ,
EN LA COUR DE U^ L'EM. CARD. BARBERIN,
AVEC UN FAGOT HABQué COMME CY DESSl'Z,
À ROME:
Monsieur,
Je receuz par iiostre dernier ordinaire de Lyon une despesche de
M"' de Rossv du 5" de ce mois par laquelle il me donnoit advis de
deux choses dont j'ay deub vous advertir, i'une que le raesme jour
ayant esté adverty par M' Compain de la commodité de faire tenir à
Bezançon le balaust ou grenadier à fleur double, il le luy avoit remis
en main en fort bon estât, et en saison assez adoucie eu esgard à la
rigueur du froid qui s'estoit faict ressentir auparavant, de sorte qu'il
aura eu loisir d'arriver sain et sauve entre les mains de celluy que
vous avez ordonné. L'autre concerne le petit fagot que vous aviez mis
ordre de me faire addresser que je receuz sabmedy dernier avec la
cassette des vases du sieur Gault et quelques livres et autres choses
dont ledict sieur de Rossy m'avoit faict faire un ballot qui est venu par
les mulletiers ordinaires de ceste ville. Je pensois y trouver des mar-
cottes de vigne de cez raisins barbuz dont vous m'aviez parlé, mais il
n'y avoit qu'un simple petit bouquet addressé à vous soubz une simple
enveloppe attachée avec un peu de filet sans aulcun cachet et layanl
destaché, suyvant la permission que vous m'en aviez donnée, je n'y
trouvay que des greffes d'une seule sorte d'arbrisseau que je pense eslre
de ce saule odorant dont vous parliez qui est possible celuy que nous
appelons l'arbre du Paradis, et le mal est que plusieurs branches sont
desja fort advancées en germe, ce qui me faict craindre qu'elles n'ayent
esté cueillies un peu bien tard pour cstre bien propres à grefler. Tant
est qu'ayant rencontré aujourdhuy la commodité du passage du père
Guillcm Cotte, prieur des Carmes de Nice, qui s'en va droict à Rome,
612 LETTRES DE PEIRESC [1633]
je n'a y pas voulu manquer de les vous envoyer par cette voye là,
puisque, comme vous sçavez, cez vénérables courriers de la poste de
Lyon m'ont refuzé mes pacquetz, n'ayant osé en retenir aulcun greffe,
pour ne rien diminuer du nombre qu'on vous en pouvoit mander.
Vous aurez par mesme moyen une lettre que je pense estre dudict
sieur Compain, car elle estoit joincte à une semblable qu'il m'en es-
cripvoit à moy, à laquelle je fis responce par l'ordinaire d'hier, sans
oublier de l'inviter à se servir de moy en tout ce qui le concerneroit et
qui vous toucheroit aussy en vostre particulier.
J'ay receu, ceste sepmaine, la lettre qu'il vous pleut m'escripre de
Gènes du 2 8® décembre avec la relation de la bataille de Lutzen, dont
je vous remercie trez affectueusement, ayant esté grandement aise
d'apprendre vostre arrivée à bon port jusques là, espérant que le sur-
plus de vostre voyage ne sera pas moins heureux Dieu aydant et que
la nouvelle charge de vice chancellier de l'Eglise qui a esté si meritoi-
rement conférée à Monseigneur le cardinal Barberin par la mort du
cardinal Ludovisio^ luy fournira désormais plus de moyen de faire
du bien à tant de galandz hommes qui sont à son service, et particu-
lièrement à vous qui avez tant contribué à ses louables curiositez.
J'ay mis ordre pour faire arracher de ceste pierre azurée que vous
me demandez, dont je ne manqueray pas de vous faire tenir bonne pro-
vision à la première commodité, avec quelque autre petite galanterie.
Nous vismes icy un tapissier Flamand qui est au service de Monsei-
gneur le cardinal Barberin, lequel s'en alloit en son pais, pour eu
ramener d'autres ouvriers de sa vacation, pour travailler aux Tapisse-
ries de son maistre, comme il me le justiffîa par les lettres de passe-
port de Son Eminence qui fut la cause que je ne fis pas de difficulté
de l'assister de ce qu'il désira de moy pour avoir moyen de continuer
son voyage. 11 me dict qu'il vous avoit veu à Marseille beaucoup plus
tard que je n'avois creu le delay ou le terme de vostre embarquement.
Ce qui me fit regretter de n'en avoir esté adverty, car j'avois receu
' Sur le cai-dinal Louis Ludovisio, archevêque de Bologne, voir le tome II du recueil Pei-
resc-Dupuy, p. Saa.
[1633] À CLAUDE MENESTRIER. 613
du Martigues certaines ])elites chosettes marines de voslre goust, si
je ne me trompe, assez à temps pour les vous pouvoir envoyer, mais
je les joindray à cez pierres azurées que vous demandez.
Au reste j'ay receu la cassette des vases du sieur Gault, laquelle m'a
bien fourny de la matière sortable à mes petites curiositez et de l'exer-
cice aussy agréable que guieres d'autres que j'eusse rencontré en cette
nature d'antiquailles. 11 ne m'a pas seulement envoyé les deux vases
dont vous m'aviez faict le griiïonnement, mais encores un troisiesme
fort entier et fort conservé, qui n'a pas de verny comme les autres,
mais il a aforce ouvrage d'argent de rapport et des ornemenlz ou en-
richissementz qui servent fort à l'esclaircissement de ceux de mon
grand Icctisternium de marbre, comme ceux là donnent aussy beaucoup
de lumière à ceux de ce vase, oii je trouve toutes choses si mystérieuses
et faictes avec tant de dessein que je ne sçaurois assez admirer l'exac-
tesse de cez ouvriers du temps passé et la religieuse punctualité qu'ilz
observoient de ne rien faire inutilement. H m'a par mesme moyen en-
voyé non seulement ceste teste de bronze à double visage dont vous
m'aviez parlé, mais encores deux autres, dont l'une est pareillement
à double visage qui ne sont pas moins curieuses que celles que vous
avez veues, et de plus une ance d'un grand vase de proportion à peu
prez pareille au plus grand de ceux que je vous monstray à Beau-
genlier, sur laquelle il y a des figures d'Espargne fort gentilles, repre-
sentanlz des Provinces captives et des figures barbares pareillement
captives avec des trophées fort curieux, et pour me combler d'obligation
il me mande qu'il est aprez et a grande espérance d'avoir tous ceux de
feu M"" Jolly ou pour mieux dire de feu M"" de Fontenay, et de feu M' le
mareschal d'Eflliat, et que je me puis tenir asseuré que je les auray
incontinant, comme il a recouvré celuy de Vivot' qui est desja en
chemin bien prez de .Lyon , de quoy M' des Nœudz ayant eu quelque
vent a voulu que je luy eusse de l'obligation connne aux aultres, et
m'a voulu envoyer tout ce qu'il avoit de vases et escuellons antiques,
' Ces (juatre colicclionneurs ont nié ddjë nienlionnt^s.les uns en ce volume, les antres dans
les volumes prccddcnts.
6\à LETTRES DE PEIRESC [1633]
que le prieur de Roumoules me debvoit envoyer par la première com-
modité, avec un autre de verre violet esmaillé de blanc que le Marquis
de Sourdis luy a donné pour me faire tenir, qui est fort conservé et
de fort bonne manière, à ce que l'on m'en escript, de sorte que pour
peu que vous faciez de diligence de vostre costé, je pense que nous
debvrions bientost avoir un assortiment grandement complet et capable
de nous faire donner à l'advantage du public et parler des poidz et
des mesures beaucoup ])lus pertinemment que n'avoient peu faire
jusques icy ceux qui n'avoient pas veu les pièces qui me sont tombées
en main, mais je me prometz de vous avoir l'obligation à vous des
principales et de celles sur lesquelles il se peut prendre plus de fon-
dement d'érudition, par le moyen de vostre bonne dextérité et de
1 honnesteté que vous avez accoustumé d'exercer en mon endroict, à
laquelle vous trouverez que je ne manqueray point de la correspon-
dance requise et que je me revancberay Dieu aydant des obligations
que vous avez acquises et que vous voulez acquérir sur moy, si Dieu
me preste encor tant soit peu de vie, estant de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce XII janvier i633'.
XLVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BESANÇON,
GENTILHOMME DE MONSEIGNEUR L'EMI.NEMISSIME CARDINAL BARBERIX,
À ROME.
Monsieur,
Venant d'apprendre tout présentement vostre heureuse arrivée à
Rome par une lettre de M'' le Cavalier del Pozzo du 1 5" janvier, je n'ay
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, nis. H 971, fol. 8a, simple ori-
ginal. On trouve au kl. 90 un duplicata de cette lettre.
[1633J À CLAUDE MENESTRIER. 615
pas voulu manquer do vous en féliciter, comme je faictz trez humble-
ment, et vous faire tenir par mesme moyen le dessein que j'ay faict
faire de ce monstre dont vous aviez ouy parler, ne l'ayant pas voulu
envoyer à d'autres afin qu'ilz le tiennent de vostre main. On me mande
du costé d'Ieres qu'on a tiré un plein sac de cette pierre bleue que
vous me demandiez, lequel on m'envoyera icy par la première com-
modité, et je tascheray de le vous faire tenir à Rome incontinent que
l'occasion s'en pourra ])resenler et d'y joindre de cez poissons et autres
choses que vous desiriez. Depuis la dernière que je vous ay escripte
tant par un P. Carme, Prieur du couvent de Nice, qui vous porte voz
greffes, que par la poste, j'ay receu de Lyon une cassette de pelitz
vases, lamperons et autres ustancilles de bronze antiques, de tous les
curieux de cez quartiers là, à quoy M' de Pontus a voulu joindre à
vive force tout ce qui s'en est trouvé chez luy ', et particulièrement ce
petit lamperon en forme de leste de satyre que vous aviez fort bien
jugé estre moderne, mais j'estime qu'il ne seroit pas incompatible qu'il
eust esté raoullé sur l'antique, si ce n'est pour le couvercle et pour
les cornes qui tiennent plur.de la manière moderne que de l'antique.
Il m'en a esté envoyé de Paris une grandement semblable en la propor-
tion et en l'invention principale, mais elle est pourtant fort différente
pour la couronne, laquelle je tiens pareillement moullée possible sur
un antique, mais non pas pour le couvercle ny les cornes, que je tiens
de manière moderne comme les autres. J'ay trouvé à prolliter à tous
cez petitz lamperons encores plus que je n'eusse creu. C'est pour-
quoy quand d vous en tombera en main de ceux de metail qui se soient
bien conservez, et qui ne soient de vostre goust particulier, vous me
ferez plaisir de les retenir pour moy, principalement quand ilz seront
de forme bien bigearre, et dont la contenance se pourra commodément
mezurer. Je n'ay pas encores receu la cassette du vase de Vivault,
pour ce que le Grand Vicaire de Mons' le cardinal de la Valette en
' M. Ed. Bonnaffc! {Dictionnaire des amateurs franeuis au irii' siècle, p. a58) n'a con-
sacré qu'une seule ligne h ce collectionneur: <t Pontus, Voy. lôig. Bourgeois de Lyon.
Curiositës. »
616 LETTRES DE PEIRESC [1633]
l'Abbaye S' Victor de Marseille s'en voulut charger et de deux autres
cassettes pleines de vases et d'autres curiositez de bronze antique, et
il ne partit de Paris que le 98 janvier. Mais j'ay advis de son arrivée
à Lyon en bonne santé et l'attendz icy dans quatre jours Dieu ay-
dant.
L'on me faict feste d'un larmoir d'Agathe orientale, dont le fondz de
couleur de sardoine est chargé de plusieurs Ggures en camahyeul, de
couleur blanche, où il se voit des satyres et des centaures dont la
partie du corps qui est humaine est de couleur blanche, et de la cein-
ture en bas, ce qui est de la beste a de la correspondance à la cou-
leur du poil des bestes. 11 y a une Venus avec son Cupidon qu'on dict
estre trez excellente et plusieurs autres figures, dont j'attendz le des-
sein et un modèle d'estain au premier jour, et je descouvre d'heure à
autre à mesure que cez pièces me tombent en main raille secrelz et
mille choses trez rares à observer en matière des mesures et mystères
des anciens du tout incongneuz en ce siècle, de façon que si vous me
faictes voir les pièces que vous m'avez faict espérer j'ose me promettre
de les faire valoir quelque chose de plus que devant, et qu'il vous en
reviendra vostre part de l'honneur, puisque vous avez tant contribué
à ma curiosité pour ce regard,
Mons' de Boimaire m'escript qu'il n'avoit encores rien faict concer-
nant cez quatre busqués sans teste dont je vous avois prié, de sorte
que vous serez arrivé tout à temps pour m'y faire ressentir des eiïectz
de voz bons offices, en revanche desquelz vous pourrez vous asseurer
entièrement de mon service et disposer librement de moy, comme,
Monsieur,
de vostre, etc.
D'Aix, ce XI febvrier i633 '.
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de Montpellier, ms. H 371 , foi. 86. Original.
[1633] À CLAUDE MENESTRIER; 617
— L — 1..L,... .r.L'ijr- ,■■■1. ,.'■ %i. „:7:.ji..l;....-— .Jj., ■ ri'T" ■ ■■ ttzrrm
XLIX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BESANÇON,
GENTILHOMME DE MONSEIGNEUR L'EHINENTISSIHE CARDINAL BARBERIN,
À nOME.
Monsieur,
Je vous cscripvis par le dernier ordinaire sur le premier advis que
j'avois eu de vostre arrivée dans Rome; à cette heure que j'ay com-
mencé d'en avoir de plus amples nouvelles, tant par les lettres de
Monseigneur l'eminantissime cardinal Barbcrin que par celles de
M' Suarez, j'ay bien esté obligé de vous en renouveler mes félicitations
irez afTectueuses, principalement sur ce que m'escript M"" Suarez que
vous estiez non seulement de retour sain et sauve, mais grandement
bien veu de son Eminencc, dont je me resjouys bien fort pour l'amour
de vous, et voudrois bien que les occasions se présentassent si oppor-
tunes et si advantageuses pour vostre fortune et pour la recongnois-
sance de vostre mérite, que vous y peussiez trouver le contentement
que vous souhaittent voz meilleurs amys, à quoy je voudroys bien
avoir peu contribuer quelque chose, pour ma satisfaction particulière
aussy bien que pour la vostre, mais il faudra que le temps en ouvre
les moyens.
Depuis la depesche du précèdent ordinaire j'ay receu une troisiesme
cassette de vases de bronze, dans laquelle osloit celuy que vous aviez
veu chez Vivot que j'ay trouvé fort bigearre en la forme qu'il a d'un
monstre marin bien extravagant, mais j'ay trouvé que vous aviez
eu grande raison de doubter s'il estoit antique, car le rouil noir qui
couvre la pluspart de tout son corps, n'a rien qui ne puisse cstre arti-
ficiellement imité de l'anticjue, et encores plus quelque reste de rouil
vert artificiel qui y sont demeurées par dcssoubz le cul du vase, où
c'est qu'il n'a poinct esté enduict de noir, les yeux ne sont point d'ar-
gent, et la manière des cornes m'est fort suspecte, aussy bien que des
f. 78
618 LETTRES DE PEIRESC [1633]
oreilles ou feuillages qui luy servent d'ance sans lesquelz inconvenientz
et difficultez j'en estimerois bien l'invention. Encores ay-je bien de la
peine à me persuader qu'il n'aye esté imité aprez l'antique, pour ce
qui est du corps principal du vase. Auquel cas j'esliinerois que les
cornes et oreilles estanlz rompues par l'antiquité, l'ouvrier qui en a
voulu restaurer d'autres n'aye pas sceu se contenir dans l'observance
des reigles des anciens. C'est pourquoy je sçaurois volontiers de vous
si vous n'avez jamais rien rencontré de semblables ou approchantz de
cette manière d'ouvraige, et particulièrement si vous n'avez point veu
de figure antique de monstre marin qui porte de telles cornes ser-
pentées comme celles que vous avez veiies en celuy cy. On m'a voulu
faire accroire qu'il s'est trouvé d'autres vases depuis peu, dont on me
faict espérer ma bonne part, entre lesquelz y a un gros barillet de
bronze de la haulteur d'un escabeau, ce dict on, lequel je suis en
attendant en bonne dévotion, mais encores plus les moyens de vous
faire paroistre que je suis.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 23 febvrier i633'.
L
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Depuis vous avoir escript j'ay receu une depesche tant du s' Com-
para de Lyon que du s'' Anthoine d'Alvyset -, à qui vous avez prins la
peyne d'escripre d'icy, lequel m'a envoyé les fragmentz de l'une
de cez petites sallieres de bronze antique dont vous m'aviez parlé,
' Bibliothèque de l'École de mëdecine de de M. A. Gastan) qu'Antoine Alviset, parent
Montpellier, ms. H Q71 , fol. 98. Original. de Menestrier, était cure' de Saint-Pierre , à
' Nous avons vu {Avertissement , notice Besançon.
|1633] À CLAUDE MENESTRIEH. 619
mais par laallieur il les avoit mis dans une fort {jrande boitte avec
un peu de paille si mal pressée et si incapable de remplir la boitte,
qu-'clle estoit la moiclié vnide, tellement que quand la pierre eusl esté
toute entière, le mouvement de la poste dans ce vuide l'eusse deub
fracasser en une infinité de pièces, qui a esté la cause que je n'ay pas
trouvé estrange de voir qu'elle s' estoit despecée en quatre diverses
pièces, qui l'avoient desfigurée en telle sorte que sans la description
que vous m'en aviez faitle, je n'aurois pas mesmes sceu comprendre
quelle en pouvoit avoir esté la l'orme primitifve, mais tousjours ai-je
apprins quelque chose de cez petits iVagmentz, dont je n'ay pas laissé de
remercier cez Mess'' soubs vostre adveu et de leur offrir mon service
en revanche, comme je l'employerois de bon cœur sy je pou vois aussy
bien pour l'amour d'eulx que pour l'amour de vous, à qui je doibs
neantmoins les principalles actions de grâces de la participation que
vous m'en avez procurée, dont je me tiens infiniment redevable à vostre
lionnesteté, aprez tant d'autres bons offices qu'il vous a pieu me rendre,
et que a'ous ne cessez de me continuer, dont vous tirerez la revanche
sur moy quand il vous plaira me commander et me trouverez tous-
jours porté à vous obéir et servir.
Monsieur,
comme vostre, etc.
A Aix, ce 93 febvrier i633\
Souvenez vous de la celada antique de bronze, et autres armes ou
instrumentz militaires de mesme metail, dont vous m'avez parlé, et
dont je desirerois bien un peu de griffonement tiré aprez les origi-
naulx et de la mesme mezure à peu prez s'il estoit possible.
' Bibliothèque de l'École de inédecine de Montpellier, ins. H 971 , fol. 99. Original.
78.
620 LETTRES DE PEIRESC [1633J
LI
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUn DE L'EMINENTISSIME SEIG^El'R CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Le père Sacquy ', estant venu en cette province, s'en est retourné bh»
Italie sans que je l'aye veu, tant il a esté pressé d'aller au devant du
General de son ordre, mais il laissa à Marseille à son Provincial vostre
lettre du 7" febvrier avec voz deux petites boittes, que j'ay depuis re-
ceues, et avoit auparavant faict tenir de Canes à TouUon l'empreinte
que vous avez faict faire du Gongius, et ce petit vase d'aibastre que
j'avois pareillement receu de la part du sieur Truillet, le tout estant
arrivé fort bien conditionné, dont je vous remercie trez bumblement,
ayant pris grand plaisir de voir toutes cez pièces qu'il vous a pieu
m'envoyer, et particulièrement cette petite graveure en Ametbiste et
l'empreinte de ce Gongius, en quoy vous aviez certainement fort bien
rencontré et secondé ma curiosité , mais vous m'y avez laissé un peu de
mortification en ce que vous avez obmis de me marquer des particu-
laritez du Gongius antique sur lequel vous avez faict mouler ou forger
ce modèle, sur le bord duquel je me suis aperceu que vous aviez faict
escripre quelques lettres avec de lajîeiuture blanche, sans me dire s'il
y en a de pareilles gravées sur l'original, ou bien si c'est de vostre
seul mouvement que vous les y avez faict peindre. Vous ne m'avez pas
aussy mandé si l'original est aussy massif et aussy pesant que vostre
modelle, car cela eusse mérité d'estre contrepesé et examiné aussy
bien que la mesure de sa contenance, et le pis est qu'en m'apportant
ce modelle, du costé de TouHon et de Boisgency, le fondz d'iceluy se
desemboita d'avec le corps ou barrillet du vase, et quand je le voulus
faire de rechef emboiter et foncer, je m'aperceuz que le vase ne se
' On conserve une quinzaine de lettres de Peiresc au P. Sacquy dans les registres des
minutes, à l'Inguimbertine de Carpentras.
[1633] k CLAUDE MENESTRIER. 621
pouvoit pas emboîter assez profond pour toucher le plan de ce cou-
vercle qui luy sert de fondz, parce que les bordz, qui environnent
ledict couvercle, ne sont pas assez vuidez pour y laire entrer si avant
comme il fauldroit l'ouverture inférieure dudicl harrillet, laquelle est
un peu trop large pour cela, de sorte qu'il y reste du vuide, entre le
plan de ce fondz et le plus bas du corps du barrillet de plus que l'es-
pesseur de deux ducatons, qui emporteroit beaucoup de liqueur, sur
la juste mesure de la contenance et capacité du vase, lequel sembloit
mériter d'estro faict en sorte qu'il ne fusse pas ne plus ne moins hault
l'un que l'autre; et si ç'avoit esté pour recouvrer quel([ue chose de la
contenance perdue du vase en le mouslant que l'on avoit creusé davan-
tage ce couvercle qui luy debvoit servir de fondz, afin de les ajuster
l'un à l'autre et qu'ilz n'eussent pas moins de capacité et de contenance
l'un que l'autre, cela avoit besoing d'une note spéciale. Le mal est
que je n'ay pas trouvé que la mesure et contenance de vostre modèle
fusse guieres bien proportionnée à celle que vous m'avez veu du Con-
gius Farnesien, lequel fut examiné sur son original en présence de
feu M'" Aleandre. Tellement (jue je suis en grand ombrage que le Con-
gius de ce gentilhomme Anglois ne soit pas un original antique, sans
l'avoir bien ajusté, et de faict, bien que le corps gênerai de son vase
responde à la forme du barrillet de celluy du cardinal Farnese, ce
neantmoins les ornementz sont fort differentz, et ne sont guieres con-
venables à la manière antique, tant pour les monteures du dessus et
du dessoubz que pour celles de la ceinture qui faict le tour de son
ventre plus cnllé, lesquelles n'ont rapport quelconque à la manière du
Farnesien, et principalement la corniche ou mouleure qui sert de
soubzbassement au modèle du vase de cet Anglois est tout à faict con-
traire à l'usaige des anciens et à l'architecture de leurs vases. Ce qui
me faict doubter que ce ne soit possible de l'invention du fondeur que
vous avez employé à la fabrique de ce nu)delle, pensant rendre sa
forme plus agréable à la veiie, car aussy bien le dessoubz de ce fondz
qui sert de bazc, et qui ferme le vase par on bas, n'a rien de ce qui s»-
trouve soubz le fondz de tous les vases antiques que j'aye jamais veur.
622 LETTRES DE PEIRESC [1633]
La vuidange mesnies des lèvres supérieures de vostre modeie, au lieu
d'estre rapplaties comme en celuy du cardinal Farnese, est arrondie
d'une façon toute particulière et extraordinaire aux semblables ou-
vraiges anciens, pour toutes lesquelles considérations je voudrois bien,
si ce genlilbomme Anglois est encores à Rome , qu'il vous pleust de le
disposer à trouver bon que vous fissiez tirer un autre modeie sur son
original qui soit, s'il est possible, moulé sur iceluy, et qui ne contienne
aulcuns ornementz differentz de son original. S'il y avoit mesme moyen
d'en imiter la polisseure extérieure, je le desirerois et n'y plaindrois
pas la despence une seconde foys que j'estimeray bien beaucoup moins
que s'il falloit vous renvoyer le modeie que j'ay receu de vous, je n'y
plaindray que vostre peine, dont je n'oserois pas abuser de la sorte si
je n'estois bien asseuré du plaisir que vous prenez à obliger voz amys
et serviteurs. Si vous vous y résolviez, il faudra prendre un soing fort
particulier de faire que le corps du vase, sans estre accompagné de
son fondz, ne soit pas plus ne moins hault que celuy de l'original el
fauldra que la boite et couvercle qui luy doibt servir de fondz se puisse
emboiler si justement et si proprement, que les bords inférieurs du
vase toucbent le plan du fondz de ce couvercle ou de celte boite, la--
quelle debvra estre façonnée tant par dessoubz que par les costez, tout
de la mesme façon que celle de l'original sans y rien obmettre des
fijamentz ou mouleures s'il y en a, et fauldra uzer de la mesme dili-
gence pour les lèvres supérieures et pour leur vuidange et leur assem-
blage sur lo corps du vase. Surtout il faudra avoir grand soing d'ad-
juster exactement non seulement le vuide et contenance du corps du
vase, jusques à atteindre au bord de son goulet plus estroict, mais
aussy la juste contenance de ce qui pourra entrer d'eau par dessus
cela, jusques au plus bault bord de ses lèvres, et s'il y manquoit quelque
cbose, il faudroit voir de le regaigner par le dedans du vase en le
remettant sur le tour pour le vuider, à proportion de la contenance
qui luy pourra manquer, et, ce faict, il faudra examiner le poids du
corps du vase moulé avec celuy du corps du vase original, pour les
esgaler et adjuster. s'il est possible, mais si cela ne se pouvoit faire
[1633] \ CLAUDE MENESTRIEH. 623
commodément sans corrompre la juste capacité interne du modèle ou
sa forme extérieure, il lauldra faire un petit supplément à part d'un
morceau de bronze qui puisse esgaler le poids du plus léger avec le
poidz du plus pesant, et si c'est le modèle qui est plus léger, il fauldra
attacher ce petit poidz contre ledit modèle avec quelque morceau de
corde d'espinelte ou de fil de laiton, en sorte que le modèle soit de
poidz esgal à l'original et si c'estoit l'original qui fusse plus léger, il
faudra ployer ce petit poidz dans un papier, et marquer que c'est la
différence qu'il y a de la légèreté du vase original avec le trop grand
poidz du modèle moderne. Et s'il y a des lettres gravées sur les lèvres
du modèle de l'original antique, il les faudra pareillement faire graver
sur le modèle, et tascher de faire imiter la forme du caractère le plus
que faire se pourra, mais surtout il fault bien esplucher exactement si
vous ne verriez point paroistre de vestiges au fondz de l'original qui
vous puisse faire conjecturer qu'il y aye aufresfois esté adjouslé du
])lonib au cul, comme j'en ay trouvé dans le fondz de la plus part des
vases antiques qui me sont passez par les mains, car cela serviroit à
recongnoistre si le poidz du corps du vase peut estre défectueux ou
non. Vous me pardonnerez, s'il vous plaist, Monsieur, si je vous im-
portune par de si excessives ponctualitez que les miennes, mais c'est
mon naturel que je ne sçaurois despouiller et qui partant me doibt
estre tant plus pardonnable, en ceste occurrence principalement, où je
me suis endossé l'entreprise d'un règlement des poids et mesures an-
ciennes qui ne se peut recongnoistre, sans une grandissime exactesse et
punclualité,et si je trouvois une douzaine de semblables vases antiques,
bien que semblables cntr'eux, de la mesure du Congius, je ne plain-
drois nullement la despense, pour en faire tirer des modèles de rbascun
aultant du dernier que du premier, pour pouvoir parler plus asseu-
rement des fondementz de cette science et des vrayes proportions qu'il
y a des unes aux autres. C'est pourquoy je vous su[jplie, quand vous
ouvrirez vos caisses, de vous souvenir de m'envoyer celuy qu il vous a
pieu me promettre, car encores qu'il ne soit pas tout complet, je ne
laisray pas de trouver le moyen de m'en servir et vous asseure que ce
62A LETTRES DE PEIRESC [1633]
me sera une des plus signalées obligations que vous puissiez acquerii'
sur moy, mais il ne faudroil pas oublier non plus cez deux petitz vases
de bronze en forme de leste de fille, l'un plus gros que l'autre et en-
cores ce pied ou palme que vous aviez laissé à l'horlogeur pour y res-
taurer un bout, et ce petit escuellon d'une pile antique semblable à la
mienne, et si vous trouviez bon d'y adjouster ce soubzbassement de
bassin ou autre vase en forme de Trépied, vous m'obligeriez bien da-
vantage, et encores plus si vous y joigniez ce grand Lebes ou bassin
dont vous m'aviez faict feste.
Mons' d'Espiotz vous fournira tout ce que vous luy demanderez sur
mon compte soit pour cez pièces là, ou pour telles autres que vous
jugerez de mon goust, et quand il y en auroit quelqu'une que vous
i eussiez bien ayse de vous reserver en vostre propre, ne faictes pas de
difficulté de me le marquer et vous asseurez que le tout vous sera
renvoyé fort fidèlement, aprez que j'en auray tiré les preuves qui me
pourront estre duisables, comme vous sçavez que je l'ay praticqué au-
Iresfois en vostre endroict, ainsy que je l'avois faict auparavant à l'en-
droict de feu Mons^"' Lelio Pasqualini , et que je le faictz tous les jours
envers une infinité d'autres de mes amys; vous m'aviez aussy parlé de
certaines balances avec ses escuellons qui merileroient encores d'estre
examinées de ma main, si vous ne l'aviez point dezagreable. Je seray
affamé de toute cette sorte de marchandise, jusques à tant que j'aye
mis par escript et par ordre le traicté que j'en ay projette, mais dez
que cela sera achevé, je n'y songeray plus et m'attacheray à quelque
autre entretien moins importun que celluy là, et lors je feray facile-
ment bonne part à mes amys de tout ce que j'en achepte à cette heure
bien chèrement, et dont la recherche me donne tant de peine, en la-
quelle je suis bien ayse de ne rien négliger de toute sorte de vase ou
escuelles de quelque grandeur ou petitesse qu'ilz soient et de toute
sorte de cuilliers, principalement de ce qui est en metail ou en matière
plus précieuse que le verre ou la terre cuite, dont la matière trop
fragile ne requeroit pas une si grande punctualité des anciens pour la
mesure comme le metail ou autres matières dures et solides et plus
[1633] À CLAUDE MENESTRIER. 625
précieuses fjiie la simple pierre. C'est poiirquoy vous me ferez plaisir
de m'cnvoyer cette lasse de bronze en forme de panthère que vostre
orfèvre acliepta quatorze Julles, cncorcs qu'il n'y aye aulcune façon el
toutes sortes d'autres ustencilles capables d'une contenance réglée à
quelque mesure quelle que ce puisse estre, sans négliger toutes cez
sortes àe petilz escuellons, qui peuvent avoir servy à des piles de poidz
antiques, pour pelitz et pour simples qu'ilz soient.
Il me reste à vous remercier, comme je faictz trez affectueusement,
tant de ce cancre pétrifié et autres curiosilez que vous m'avez daigné
procurer, que du soiiig que vous me promettez pour toutes mes autres
petites commissions, de vous souvenir que vous avez de cette grosse
médaille de Siracuse d'argent, et de la relation que vous me faictes
espérer des bronzes du cardinal Borghese que je priserois plus que tout
le reste.
Quant à cez Termes , dont vous dites que les testes sont mises à
fantaisies, pourveu que les trônez soient antiques, je ne laisray pas de
m'en contenter, car je n'y cherche que les inscriptions, puisque les
testes en sont perdues, et de faict je leur feray ester les testes qui y
peuvent avoir esté entées, de sorte que la question n'est que de s«
défendre du prix, sur lequel je ne considereray que les simples trônez,
si ce n'est que les testes fussent antiques et de quelque considération
pour autre respect que celuy de la place qu'on leur faict occuper. Et
par ce que vous m'avez parlé que l'une des inscriptions porte le nom
de Virgile, ce seroit celle-là principalement que j'achepterois plus vo-
lontiers que les autres, si tant est que vous la teniez pour antique
véritablement, et ne serois pas marry d'avoir encores les autres trois
Grecques (supposé qu'elles soient antiques), quand ce ne seroit que
pour accompagner celle de Virgile , pourveu que le prix n'en soit pas
plus grand que la portée de ma bourse et que ce que vous m'en aviez
dict <i peu prez.
Je m'estonne que voz hardes eussent tardé en leurs purifications,
mais il n'y aura pas grand mal, pourveu que le tout vous soit fidèle-
ment rendu et en bon estât, mais j'ay esté bien plus ravy et plus fasché
79
626 LETTRES DE PEIRESC [1633]
tout ensemble d'entendre qu'un autre puisse avoir esté préféré à vous
pour le prieuré dont M'' vostre oncle avoit donné le premier advis'. Il
se donne d'estranges coups de ])ied en toutes les cours du monde ^, mais
i'ay encores cette ferme espérance que Dieu vous fera la grâce d'en
tirer la raison d'une façon ou d'autre, lorsque vous y penserez le moins.
Cependant je vous doibs encore bien remercier des marcottes de
raisins bigarrez et de saule odorante que m'a envoyé M' vostre oncle,
cez jours passez, en revanche de quoy je luy ay offert des marcottes
de noz raisins plus curieux et de tous noz autres fruictz ou autres
plantes s'il en a la délectation, désirant de le servir en tout ce qu'il me
sera possible tant pour son propre mérite que pour l'amour de vous.
Au reste il fault que je vous die que j'ay receu l'empreinte et le
dessein de ce vase d'Agatlie dont je vous avois cy-dcvant parlé , à l'en-
tour duquel y a quatorze ligures de trez bonne manière, toutes blanches
sur un champ de sardoine brun excepté celle d'un Satyre qui a les
cuisses et les piedz de couleur roussastre, et l'importance est qu'il y a
de bien belles choses à dire sur la forme et contenance du vase aussy
bien que sur le mystère des hgures, mais cela, requiert trop de dis-
cours pour une lettre. Je veriay d'en faire copier le dessein qui m'a
esté envoyé avec toutes les couleurs de la pierre et l'envoyeray au
cardinal Barberin avec prière de le vous faire voir. On me faict mesme
espérer que je verray l'original du vase sur l'occasion d'un voyage que
vient faire icy dans un mois ou deux celuy qui en est le maistre, ou
bien un sien frère qui s'en veut charger pour l'amour de moy, et sur
cette bonne bouche je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce q/» mars i633.
Monsieur, j'ay faict rembourser à M"' de Gastines les seize escuz et
un Julie que vous aviez pris de M"' d'Espiotz avec les charges et remises
' Gel oncle était l'abbé Du May, chanoine de Sainte-Madeleine, à Besançon. — ' Etemelle
vérité qui est ici bien pitloresquement exprimée.
[1633] À CLAUDE MENESTRIEll. 627
et feray pareillement acquitter fort punctueilement tout ce que vous
prendrez dudict sieur d'Espiotz pour mon compte, à qui je feray renon-
vcller les ordres de vous fournir ce que vous trouverez bon de prendre.
N'oubliez pas, je vous supplie, cette médaille d'argent Romaine de
la Republique qui est beaucoup plus pesante que les deniers ordinaires
où le nom de Roma est escript en creux soubz une Riga ' et y a une
teste sans barbe à deux visages de l'autre costé, et cboisissez des plus
pesantes^.
LU
À iMONSlEUR MENESTRIËR, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je vous fis une assez longue et importante despesche par le précè-
dent ordinaire en responce de celle que le P. Sacqui avoit apporté de
voslre part. J'ay depuis receu la vostre du i a may et quelques joui-s
aprez on m'a renvoyé d'Avignon deux lettres de Monseigneur le car-
dinal Barberin, en l'une desquelles il me parle de vous en si bons
ternies que j'ay creu de vous en debvoir envoyer coppie de l'arlicle
qui vous concerne, auquel je respons par cet ordinaire, pareillement
aux meilleure termes dont je me suis peu adviser, pour vostre recom-
mandation, désirant avec une extrême passion de vous pouvoir servir
aussy utilement que vous le méritez et qne je le vous doibs. Et espé-
rant que vostre vertu et vostre mérite vous feront franchir tost ou tard
toutes les dillicultez que l'envie et la jalousie de voz malaffectionnez
pourroient opposer à vostre fortune. Ne m'estant guieres-ti*ouvë trompé
en semblables conjectures et souhaicts que j'ay cy devant faicts pour
d'autres. Et tiens que M' vostre oncle ne tiendra pas ire ;\ cœur, et
qu'il se laisra porter à vous donner toute sorte de satisfaction. Osant
' Gliar il (ienx chevaux. — ' Bil)liotlièque de YÉcok de nn'Hefine de Monlp-llicr,
ms. H 27 1 , loi. 96.
79-
628 LETTRES DE PEIRESC [1633]
me faire fort, si vous me permettez de iuy en escrire, d'obtenir de Idy
tout ce que vous pourrez désirer, pour ce regard. Mais ii fault avoir
un peu de patience, comme vous le practiquez en voz autres re-
cherches pour attendre la saison plus propice et plus opportune à
fouiller en terre, n'estimant nullement que vous deviez croire les jac-
tances de voz ennemys, qui seroient bien aises de vous rebutter et
faire despiter d'appréhension qu'ilz ont que vostre mérite ne soit enfin
recognu et que vous n'ayez ce qu'ilz vouldroient pour eux. Je ne suis
pas mesmes tant hors d'espérance de vous aller voir de par de là,
possible plus tost que vous ne croiriez', auquel cas je seroys homme
pour frapper bien hardiment un coup pour vous, plustost que pour
moy, quand je le debvrois faire mettre sur mon compte et en porter
la parole au Pape mesmes. Mais je vous prie, n'en dictes rien à per-
sonne, et pour cause.
J'ay eu grand regret du retardement de ce Carme pour vos mar-
cottes. Gez moines ont grand tort de se charger ainsin de commissions
de cette nature, ou ceux qui les coiitremandent, aprez leur avoir donné
espérance d'agréer leurs voyages. 11 fauldra voir de suppléer à ce def-
fault la prochaine année. Si cez courriers de Lyon n'eussent tant laict
les besles, je les eusse envoyez par cette voye là. Et me repents bien
que je n'y en hazarday quelqu'un des derniers venus que j'envoyay à
Boysgency.
La Signora Felice et Monsieur son mary m'obligent trop, d'avoir
receu de si bon gré ce peu que vous avez daigné leur présenter de ma
part ^, à quoy je tascheray d'adjouster un jour Dieu aydant quelque
pièce plus digne d'eux et quelque bon service.
Pour l'eminentissime cardinal Boncompagno, je vous diray qu'il
m'est venu des pensées depuis peu, pour la vérification précise des
' La maladie, les affaires, ies chagrins dans les letli-es suivantes. Ces aimal)les
domestiques firent abandonner ce projet de ëpoux rivalisèrent de soins généreux pour
voyage à Rome. les' collections de Peiresc. Ils paraissent
'' La Signora Felice et son mari ( Aies- avoir été eux-mêmes quelque peu coUec-
sandro Rondenini) vont reparaître souvent tionneiu^.
[1633] \ CLAUDE MENESTRIEIJ. 629
persones représentées en la {jraveure (jue j'ay prins la hardiesse de
luy envoyer soubs voslre adveu, qu'il en sera possible bien satisfaict,
mais j'estime ([u'il vauldra mieux attendre des nouvelles que la pièce
luy ayt esté remise ez mains, tosl ou tard, car pourveu qu'il la reçoive,
lo temps importe peu. Et ce sera un honneste prétexte de luy r'escrire.
Je suis bien aise du retour de M' Chartres, et le seray encores plus
de le voir icy, car j'en estoys en peine jusques à l'autre jour que M' Vi-
gnon me donna advis de Paris, qu'il s'en revenoit par icy. Mais je
crains bien que son voyage ne soit fort long, car il ne peult s'em-
peschcr de s'arrester partout où il passe, et sa vacation l'y oblige. C'est
pourquoy je crains bien que si vous le chargez de vostre cassette, je
ne soys bien longtemps à l'attendre, et à faulte d'autres commoditez
des Martegaulx qui viennent aprez Pasques ou d'autres qui viennent
à droicture à Marseille, il n'y auroit pas grand danger de la remettre
à M' Despiots qui me la peult faire facilement tenir, soubs l'adresse de
M'Tridi à Gènes où le commerce est plus fréquent, lequel l'envoyera
à Marseille à M' de Gastines. Mais je regretteray l'incommodité que
vous pourrez avoir en tout cela, dont ledict sieur Despiots vous des-
charpera d'une partie pour vous laisser vacquer à de meilleures occu-
pations et plus dignes de vous et de vostre curiosité. Sur quoy je finiray
demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce C (ipvril lO.'JS.
J'ay eu de la part de M' de Royssy une placque de bronze antique
escripte du temps de Septime Severus à Langres et un fragment de
lamperon antique en forme de couronne à porter sur la teste, conqiosé
de vingt lumignons. Je ne vis jamais rien de plus bigearre*.
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H ayi, fol. 98.
630 LETTRES DE PEIRESC . [1633]
LUI
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du i 2 mars par laquelle accusés la réception
(lu modelle du congie, extrememenl merry de ce qu'il n'a esté de vostre
goust et de ce que le fond c'est sesparé du fond (sic); la fauite est venue
du fondeur qui pour espargner sa peinne y aura mis quelque mas-
tique lequel par le chemin se sera séparé du corps du vase. J avois
usé toute la diligence qu'il estoit possible, pour le faire imiter exacte-
ment en le mesurant plusieurs fois et le faisant remettre sur le tour;
il me sembloit qu'il ne pouvoit estre plus juste; vous m'escrivés que
sur le bord y avoit marqué des letres blanches. Il n'y avoil aullres
letres sinon P. X. escrites avec de l'encre lesquelles estoint gravées sur
l'antique sur le bord en dedans. L'original n'estoit point si massif el
pesant que ceiuy que je fis faire, estant iceluy fort prins de l'espesseur
de ma botticelle laquelle je vous envoyray à la première comodité.
Quant à la haulteur elle est du tout esgalle, mais non la grosseur.
Vous treuvés que les ornements dudit congius ne sont semblables aux
antiques; pour ceux du corps je les fis imiter le mieux qu'il fut pos-
sible; pour ceux du fond je n'y usa pas tant de diligence. Je vous en-
voyé la forme de ma botticelle en attandant que je voos envoyé l'ori-
ginal avec le dessein du fond; la profondeur dudit vase est marqué à
costé n'estant libre le fond ayant prins ladite aulteur avec un baston le
mettant dedans iceluy de sorte que le fond resté libre qui est fort
délie. L Anglois qui avoit ledit congius se partit de Rome }>our aller à
Venize incontinant après le Carneval et impourta tout ce qu'il avoit
ramassé d'antique par l'Italie. J'attend avec grand désir les galères de
France pour vous envoyer le mienne accompagné de ces deux vases
desquelz je vous parla, comme aussy de l'escuellon de l'orfaivre, d'un
aultre plus petit fort beau et bien tourné, un aultre avec trois pieds
les jambages de ceste forme de tripied ayant un chacun en hault une
[1633] \ CLAUDE MENESTRIER. 631
teste de femme avec des corps d'animaux avec des aislcs (ourmant une
sphinge avec deux corps et uneseule leste estant posé sur une Lampe(?)
quatre aultres petits jambages dilTerents de ces petits insilegues. Une
lacerne laquelle je peut messurer faitte en forme d'un oyson tenant
une balle dans le bec. J'ay aussy achepté la médaille consulaire plus
pesante de beaucoup que l'ordinaire comme aussy une de fort beau
métal d'un monétaire Gallus avec le S. G. et la corone au revers et
ob cives servatos laquelle est faitte comme un médaillon estant exac-
tement ronde et un bord tourné alentour et pesé quasi une once et
demye. J'ay aussy achepté la moitié d'un petit escuellon d'Agate ayant
une oreille comme le dessein icy joinct, quatre petits vases
et aultres petites curiosités lesquelles je vous envoyra avec
l'occasion du retour que feront les galères en France. Par
mesme voye je vous envoyray la responce de la Senora Felice
Rondeuina avec les curiosités qu'elle désire vous envoyer;
son mari a rescript à Gennes pour avoir les armes de ces familles que
désirés. Je croys aussy que pour ce temps la j'auray la responce de
Monseg'' le card. Boncompagne. Il escrivy dernièrement à son Agent
pour sçavoir quel tiltre il vous debvoit donner, qu'est le subject que
je n'ay pas encore heu la responce de la vostre. Monsieur il vous plaira
m'excuser si j'escris la presante de la sorte n'ayant heu le temps. Je ne
mancqueray par le premier de vous escrire plus amplement demeu-
rant à perpétuité,
Monsieur,
vostre plus humble et obligé serviteur,
Glauue Menetrie.
A Rome, ce 19 avril i633 '.
Je prendray selon que m'escrivés ce que j'ay desbouné au[)rès de
Mons"" d'Espiot.
' Bib1iothè(iue nationale, fonds français, n" gSii, foi. aoi.
632 LETTRES DE PEIRESC [1633]
LIV
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Depuis celle que je vous avoys appresté par le précèdent ordinaire
qui ne fut pas d'humeur de prendre ma despesche, le P. Guillem
Cotte, prieur des Carmes de Nice, a renvoyé les despeschea dont il
s'estoit chargé, au P. Fezaye, provincial des Carmes en cette ville,
avec une lettre qui sera cy joincte que j"ay retirée dudict P. Fezaye
pour vous laire voir les excuses de ce pauvre Prieur de Nice, qui n'a
retenu que voz greffes pour les faire tenir comme il pourra, dont il
luy sera bien difficile de s'acquitter en temps et lieu, que tout ne soit
gasté avant qu'arrivez là. C'est pourquoy j'ay envoyé reprendre à
Boysgency quelques uns des greffes de pareille nature que M'' vostre
oncle m'avoit envovez en dernier lieu et suis résolu de les hazarder
par le courrier qui doibt passer ce jourd'huy, s'il s'en veult charger;
sinon je les baiileray à un Jacobin qui doibt partir dans deux ou troys
jours, pour aller porter au gênerai de son ordre les délibérations de
leur chapitre provincial afin d'en avoir la confirmation. Espérant qu'il
aura de meilleures adresses que le Carme pour pouvoir passer oultro
et se rendre à Rome bientost. En escrivant à Me' le Cardinal, je luy en
toucheray un mot, aux fins de vous ayder à obtenir voz excuses, ei!
me chargeant d'une partie de la coulpe comme il est juste, puisque
j'avoys si mal choisy le porteur de voz greffes, combien que nous
n'avions pas lors d'autres meilleures commoditez à choisir. Cependant
il fault que je vous rende encores de nouveaux remerciements de ce
que le sieur de Montrivel, à vostre recommandation, m'a envoyé, cez
jours passez, deux autres desseins de sa grande figure de Bronze de sa
propre grandeur, en troys grandes feuilles de papier chascun, l'un de
la veiie du devant, et l'autre de la veue du derrière, qui sont des-
[16331 À CLAUDE MENESTRIER. 633
seignez d'assez bonne main , de quoy je vous suis bien redevable, aussy
bien qu'à luy, et n'ay pas manqué de l'en remercier, et voyant qu'il
avoit faict tout plein de despence pour cela, je me suis dispencé de luy
envoyer un peu de noz fruicts, soit prunes de Brignole, raisins de Da-
mas, dattes et eau naffe, l'ayant prié d'en faire part à M' Du May,
vostre oncle , à qui j'ay escript par mesme moyen. L'occasion m'ayant
semblé si opportune, que je me suis dispencé de l'exhorter aultant que
j'ay peu, à vous continuer les effectz de sa bienveillance, quasi pater-
nelle, et à m'honorer de quelques siens commandementz dont j'espère
qu'il ne me vouldra pas esconduire, et que Dieu me fera la grâce de
vous pouvoir servir quelque jour tant en sa persone qu'en la vostre,
estant de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre, etc.
À Aix, ce 21 avril i633 '.
LV
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE REZANÇON,
EN LV COUR DE L'EMINENTISSIMB SEIGNEUR CARDIN\L BARBERIN,
À ROME.
RECOHMANDÉ À LA COURTOISIE DE Bl' SDAREZ.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 9 du passé, où j'ay apprins le souvenir
que vous avez eu de moy en me retenant cez petits vases et escuellons
de bronze, et m'en voulant procurer d'autres avec le dessein de ce
Trépied que vous avez trouvé sur une base de la vigne du cardinal
Borghese dont je vous suis bien redevable, aùssy bien que de ce mé-
daillon de Gordian si extravagant dont je plains bien le revers, pour
les notices qu'il nous eusse peu fournir, tant en ses figures qu'en l'in-
' BiWinthèquo de lÉcole de médecine de Monl|)ellier, ins. H 971, fol. aoa.
y. 80
t«»U«ll)t •«TlOtttt.
G34 LETTRES DE PËIRESC [1633]
legrité (lu poids de la pièce, à laquelle j'eusse volontiers renoncé à ce
prix là d'en pouvoir tirer cez notices, auquel cas elle eusse esté trop
belle pour un homme de si peu de considération que moy, mais ce ne
nous sera pas une petite consolation en cette perte, ou ignorance, de
voir un jour les fragmentz ou reliques que vous nous en avez voulu
faire avoir. Tandis que nous attendrons si nous serions assez heureux
pour avoir cez vases de bronze de bonne main ausquelz vous faictes
l'amour de si bonne grâce pour l'amour de moy, et particulièrement
celuy que vous jugiez à l'œuil de la contenance du quart du Congius,
qui sera vrayserablablement ou plus ou moings grand et capable que
le quart, d'aultant que les anciens n'avoient pas de vase en commun
usage qui fusse le vray quart du Congius (qui n'eust esté que d'un ses-
tier et demy), au moings les Romains, car les autres nations avoient
d'autres proportions de leurs mesures. Toutefoys il fauldra voir ce
que ce peult estre et vous me ferez un singulier plaisir de me le pro-
curer soit en propriété, ou en communication de la veue, s'il ne se
peult mieux, afin de le pouvoir examiner avec mon exactesse accous-
tumée. Je seray merveilleusement aise que vous puissiez voir les
bronzes du cardinal Borghese, mais en ce cas je vous supplie et con-
jure de m'en faire une relation la plus exacte que vous pourrez, non
seulement de tout ce qui peult concerner les vases de quelque sorte
qu'ils soient, et les poids, mais de toute autre sorte d'ustenciles et ma-
chines que vous jugerez de mon goust, ou extraordinaires.
Nous attendrons la venue de ce jeune orfèvre apprentis de feu Quar-
teron. Mais sans vous assujectir à telle rencontre de passagers, il ne
fault que remettre à M' d'Espiots tout ce qu'il vous plairra m'envoyer,
car il a souvent des commoditez asseurées pour faire tenir à Marseille
tout ce qu'il veult à M' de Gastines, et je tiendray pour receu tout ce
qu'il vous plairra luy bailler, luy ayant faict rembourcer tout ce que
vous avez eu de luy. N'oubliez pas, je vous prie, quand vous me ferez
quelque cassette ou fagot, de m'envoyer de cez ances ou manches et
tenons de vases de bronze antiques et particulièrement de celles qui
estoient faictes à pendre, ou à porter pendus ceux qui estoient en forme
[1633] À CLAUDE MENESTRIER. 635
de seaux, comme ma pille, ou des vieux cliaisnons de bronze et de
diverse grosseur, car je vouldrois bien en trouver quelque fragment
qui peusse estre propre à suspendre la teste de bronze que j'ay eue
du sieur Zanobis à peu prez, et une autre pour la vostre d'Antinous
et pour celle à deux visages du sieur Gault.
J'ay autreslbys eu mille sortes de fragments antiques qui eussent peu
servir à cela et dont les façons et ouvraiges ont parfoys du rapport aux
pièces auxquelles on les veult appliquer. Je pense qu'en cez bouttiques
de la place Navone, il s'en trouvera bonne quantité de toutes grandeurs
et k choisir. Je vous ay envoyé par un P. Jacobin d'autres greffes pa-
reils à ceux du P. Carme, et il m'a promis de faire mettre le pacquet
à la poste de Gènes, sitost qu'il y abordera, cez vénérables courriers
de Lyon faisants les renchéris, et ne voulants pasaulcune foys recevoir
jioz despesches pour Gènes.
J'escriray Dieu aydant mardy prochain à Paris pour avoir de voa
chastaignes des Indes et vouldrois bien vous rendre de meilleur et plus
utile service.
Au reste il s'est trouvé deux autres vases antiques des plus précieux
qui se peussent imaginer, brun di; vraye onyce orientale de la grosseur
du poing de couleur de Sardoine entouré de dix flgures en camayeul
de blanc bleiiastre comme l'onyce dont l'ancienne forme estoit quasi
comme ce petit d'Alebastre du cardinal Patron. L'autre n'est que de
verre bleu avec trois figures seulement en camahieul d'esmail blanc de
laict comme celuy du cardinal del Monte, qui est maintenant de l'enii-
nentissime cardinal Patron, mais cez 3 figures sont accompagnées de
tant de festons et autres enrichissementz, et le tout de si excellente
manière qu'on ne l'estime pas moings que le précèdent d'Onyce,
encores qu'il ne soit pas de plus grand volume. Je ne vis jamais rien
de si exquis et sur quoy j'aye trouvé de si jolies observations à faire,
ne à discourir de plus gentiles conceptions et inventions de cez an-
ciens ouvriers, m'en ayant esté octroyé toute la plus advantageuse
communication que j'en pouvois désirer. On dict que celuy d'esmail
est venu de Rome, auquel cas vous le pourriez bien avoir veu, et ad-
8o.
636 LETTRES DE PEIRESG [1633]
jouste t'on que le sieur cavalier del Pozzo en avoit retenu une em-
preinte, mais je me double qu'on aye faict équivoque sur l'empreinte
de celuy du cardinal del Monte.
J'attends encore un grand escuellon de bronze antique tout enrichy
de Mascarons à peu prez semblables à celuy d'argent que vous m'avez
veu. Touts mes amys de toutes parts se mettent en peine plus que je
ne vaulx, pour augmenter mes assortiments desdicts vases en toutes
manières et proportions, et je finis demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 5 may i633.
M"" Aycard de Tollon a esté icy et m'a laissé un mémorial dont il
vous avoit parlé et dont il vouloit vous escrire , concernant la continua-
tion d'un P. Observantiii en la charge de gardien du couvent de S' Hie-
rosme au territoire de Marseille, jusques à la tenue du chappitre qui
est d'environ un an de plus que son trienne. Il y a des voisins si ho-
nestes gentz qui se louent infiniment de ce bon père, et M"" l'Evesque.
de Marseille' en a si bonne relation qu'il le désire avec passion. Gez
banquiers font bien souvent de cez coups là plus facilement qu'il ne
semble. Vous pourrez prendre de M' Despiots tout ce qu'il vous plaira
pour ce regard que je luy feray soigneusement rembourcer. Si vous
en parlez à M' Marchand, il vous donnera les addresses pour y par-
' Fraaçois de Loméoie. — ' Bibliothèque de i'École de médecine de Montpellier, ms. H 37 1 ,
foi. io3.
[1633] À CLAUDE MENESTRIER. 637
LVl
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIUE SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À HOME.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du ig™ avec le griffonement de vostre botti-
cella, qui me donne subject d'en attendre l'orifjinal, en bonne dévotion,
ensemble toutes cez autres belles curiositez dont vous me faictes le des-
nombrement, et dont je vous seray grandement redevable. Et ne man-
queray pas de faire punctuellement rembourcer à M' de Gastines tout
ce que vous fournira M' Despiots. La relation que vous m'avez faicle
de la différence des ornements extérieurs du congius antique de vostre
Angloys, avec le modelle que vous m'en avez faict faire, m'a donné
quelque consolation, et me fera faire plus d'estat du modelle que je
ne faysois, où l'ouvrier n'avoit poinct employé de ciment, pour atta-
cher le fonds ou le cul au corps du vase, ains l'avoit seulement arresté
avec quelque coup de marteau qui le faisoit entrer par iorce dans le
cercle extérieur dudict fonds sans arriver tout au plus bas du champ
dudict fonds. C'est pourquoy en l'apportant, il ne fallut pas grand
effort pour le desemboitter. Et quand je vis que le corps du vase ne
pou voit pas s'emboitter assez avant pour toucher au fonds du cui, ce
fut ce qui me donna plus de mortification, à cause que le mesurage
ne pouvoit avoir gueres de certitude.
J'ay receu, cez jours passez, une lettre de M'^du May, vostre oncle,
du 27 avril, en response de ce que je luy avois mandé pour l'induire
à vous donner contentement. Il me mande qu'il vous a escript pour
vous encourager à la patiance, attendant quelque bonne fortune et
pour sesjourner encores à Rome tant que vous le trouverez à propos,
de sorte que de ce costélà, vous n'avez rien h appréhender.
Je suis bien fasché de ne vous avoir peu envoyer voz pierres bleues
par les galères, mais il y eustdu mal entendu de ceux qui a voient esté
638 LETTRES DE PEIRESC [1633]
employez pour les faire porter. La première barque les vous portera.
Estant pressé, je finis demeurant de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 3 juin i633.
Je vous prie de faire fournir ce que mon homme dict vous avoir
prié, et d'en prendre vostre rembourcement du sieur Despiots.
Adolphus Occo faict mention page 269 d'une médaille d'Antoniii
Pie ABOiNOTEIXEI TQN PAATK^N, que je serois bien aise de re-
couvrer, mais encores plus une autre d'Hadrian page 289 qui a pour
revers un cheval sur une colonne avec une inscription BOPYSHENEI K
Voyez, je vous supplie, d'en retirer des empreintes, si ne pouvez avoir
des originaulx, et priez en de ma part cez Mess" les plus curieux qui les
peuvent avoir, d'aultant que je désire m'en servir en mes recherches, et
le feroy bien plus volontiers si j'avois les médailles ou les empreintes ^.
LVII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Depuis la despesche que je vous fis par le dernier ordinaire j'ay
faict mettre dans une caisse les fragments de la pierre bleiiastre dont
vous m'aviez parlé, et l'ay adressée à M' de Gastines, pour la faire
envoyer à Rome conjoinctement avec d'autres caisses appartenants
au seigneur Mazzarini. La caisse est marquée du chiffre X et pèse
260 livres de ce poids icy, et sera recommandée à M' Despiots. Je ne suis
' Voir plus haut (Lettres à Holslenius) l'inscription composite en l'honneur du cheval
de l'empereur Adrien. — ' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, nis. il 971 .
fol. loô.
[1633] X CLAUDE MENESTRIER. 639
marry que de ce que la pierre n'est plus haulte en couleur, mais les
choses qui se font par procureur et sans la présence do personiifs in-
telligentes, ne peuvent pas jamais réussir bien h souhaict; si pariny
toute cette quantité il s'y trouve quelque morceau d'où vous puissiez
tirer de quoy faire vostre preuve, en m'en envoyant la monstre, il y
aura moyen d'en faire arracher et choisir de la mesme sorte ce qui se
pourra. Cependant j'ay creu que possible les grosses pièces vous pour-
roient servir à faire travailler quelques vases puisque vous avez là
tant d'ouvriers de loisir, et que possible cela vous seroit aultant et plus
duisable que l'Azur que vous eti pensiez tirer. Je fus bien fasché que
cez pierres ne pcurent arriver à temps pour aller sur les galères. Il
y eust du malheur et du malentendu qui l'empescha; pourveu que
vous y trouvassiez quelque contentement, la perte du temps ne seroit
guieres à regretter. Mais je crains fort que vous n'y trouviez rien qui
vaille, si la grosseur des deux plus gros morceaux ne vous donne
moyen d'en faire former quelque vase. Sur quoy j'attendray impatiem-
ment le succcz.
Cependant je vous diray qu'on m'escript de Paris que des chas-
taignes des Indes on n'a pas eu honte d'en demander ùo francs du
cent, et qu'ils en tiennent de deux sortes, les unes entières, qu'ils
disent ne vouloir laisser à moings de 6 sols pièce, les autres qu'ils
appellent percées ou creuxses, qui sont les plus belles et les mieux
choixsies dont ils ne veullent pas moings de huicts sols pièce. Toute
foys celuy qui m'escript dict qu'on luy en avoit indiqué ailleurs, qu'il
les verroit et m'en resouldroit par nostro prochain ordinaire et qu'il
tascheroit de me donner contentement, s'il estoil possible. Je suis
homme pour en escrire à Amsterdam, et pour en faire escrire à Lis-
bonne par quelque marchand de Marseille, d'où il y aura moyen d'en
tirer à bon prix telle quantité qu'on vouldra.
M' Aycard de Toullon m'a chargé de vous faire ses recommanda-
tions trez humbles, et M' Aubery m'a tesmoigné d'en désirer aultant de
son chef, estant en peine de n'avoir eu aulcunes nouvelles depuis vostre
despari ou arrivée chez vous.
640 LETTRES DE PEIRESC [1633]
Au surplus, je vous félicite comme estroictement attaché d'aiïection
aux interests de M'' Suarez, de sa digne promotion à i'Evesché de Vai-
son, dont je me resjouys infiniment et vouidroys bien ouyr dire qu'à
vostre tour vous eussiez eu quelque digne recognoissance de voz la-
beurs et de vostre vertu. Il fault attendre qui veult réussir, et s'armer
de patience. Si M' Suarez se fust retiré l'année dernière, cette pièce
n'eust pas esté pour luy. Car la présence a un grand advantage sur les
absants.
J'ay recouvré, cer jours cy, un beau vase antique de pierre avec son
couvercle en forme de teste de cinge et tout son ventre escript en ca-
ractères Hiéroglyphiques comme ceux des Obélisques.
Vous avez maintenant à Rome, comme je pense, M?' le duc de
Crequy et toute sa suite qui vous donnera de l'exercice et je demeure,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 16 juin i633 '.
LVIII
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE REZANÇON,
EN LA COCR DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par le retour des galères de M' le duc de Crequy vostre
lettre du 2 de ce moys, avec les desseins du vase de M"' le Cavalier
Gualdi , à qui j'en ay bien de l'obligation comme à vous , et avec vostre
cassette, qui est arrivée fort bien conditionnée, ne pouvant vous rendre
d'assez dignes remerciraents à mon gré, tant de ce à quoy il vous a
pieu employer mon argent avec le mesme advantage que vous eussiez
peu faire le vostre, que de ce qu'il vous a pieu me communiquer de
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 971 , fol. 106.
[1633] À CLAUDE MENESTRIER. 641
vostre cabinet, qui ne vous sera pas nioin{îs soigneusement conservé,
tant que vous trouverez bon que je le retienne, que s'il n'en eust jamais
bougé, ainsin que vous l'avez autres foys esprouvé aux autres ciirieu-
sitez que je vous ay fidèlement renvoyées, après en avoir tiré les desseins
ou modelles nécessaires et les avoir examinées selon l'exigence du cas.
J'ay trouvé dans la cassette tout ce que vous aviez designé en l'inventaire
que vous en avez dressé, et y ay trouvé de l'exercice beaucoup plus que
je n'ay eu de temps à y employer en cette conjecture où nous sommes
de la fin de nostre Parlement, mais j'espère que nous en serons bientost
quittes Dieu aydant, et que durant noz prochaines vacations nous aurons
plus de moyen de nous y entretenir à souhaict, à examiner la conte-
nance et qualité de tout ce qui est subject à proportion réglée. Ensemble
cez modelles des vases de M'' le Chevalier Gualdi à qui je ne nianqueray
pas d'escrire par mesme moyen.
Je receus lors du passage des Princes de Vendosme la boitte des
greffes d'oUives d'Ascoli, que M' de l'Estrade leur gouverneur' me ren-
dit sans aulcune lettre ni autre addresse ou instruction si ce n'est que
M"" le comte de Chasteau Villain l'en avoit chargé. De sorte que j'avoys
eu crainte qu'il n'y eust de l'équivoque, ne me souvenant plus que vous
vous tussiez chargé de m'en faire tenir. Elles estoient dans le miel, mais
neantmoings fort seiches d'humidité autre que ce que le miel y pouvoil
contribuer. Je ne laissay pas d'en faire anter. Je ne sçay encores s'il au-
ront reprins. Estant marry que les greffes de M' vostre oncle n'eussent
peu faire le voyage plus brièvement pour arriver plus frais, mais ce fut
un autre religieux Jacobin qui en fut le porteur et qui se promettoit d'aller
aussy viste d'icy à Gènes que l'ordinaire et toutefoys il sarresta longue-
ment par les chemins. Il fauldra suppléer Dieu aydant l'année prochaine.
J'ay faict sçavoir à M' Aycard le soing que vous voulez prendre de
ce bon P. Gardien de S' Hierosme, son parent, dont il vous aura de
l'obligation, et moy quand et luy, attendant de vous pouvoir servir en
revanche.
' Le {fonveriieur des jeunes princes de VendAnie était François d'Kstrades, le père du
maréclial de Fiance Godcfroy d'Estrades. Voir le recueil Peii-esc-Dupuy, t. ili, p. 73a.
V. 8i
tVfBlllIftll Utl««
642 LETTRES DE PEIIIESC [1633]
Je suis bien heureux de ce que vous me dictes de l'honnesteté du
seigneur Aless. Rondenioi et de la signera Felice, qui me veullent
comble!- d'obligation, ne pouvant vous dissimuler que je seray trez
aise de voir et examiner la capacité de ce godet ou vase de chrystal
antique que vous appelez sympulum, mais aprez en avoir retenu des
mémoires ou modelles s'il y escheoit, il sera bien raisonable d'en
faire la restitution pour ne pas priver des persones si curieuses de
chose si digne de leur curiosité. Me tenant trop redevable des autres
effects de leur bienveiliance, et de cette paste antique de la teste coif-
fée d'une thiare, dont vous me parlez, et dont il me tardera de voir
la couleur et la qualité de la matière, puisqu'il leur plaict de me la
despartir si libéralement. H me tardera bien aussy de voir ce qu'ils
auront eu des familles de Gènes. Mais puisque la commodité des Ga-
lères de M'' le duc de Crequy est eschappée soudainement, il se pas-
sera peult estre bien du temps avant qu'il s'en présente d'autre, ne
sçaichant si M' le duc de Crequy sera sitost prest de revenir. Cepen-
dant si pour cela, ou pour autre chose, vous avez rien à me faire te-
nir, à faulte de commoditez qui viennent à droicture icy ou à Marseille,
il ne faudroit que vous servir des addresses de Gènes de M' Oratio
Tridy qui est une voye aussy asseurée qu'aulcune autre, car il a tous
les jours des commoditez fort opportunes de Gènes à Marseille où il
escript d'ordinaire à M"^ de Gastines, et quasi par tous les courriers
ordinaires à moy. Tellement que vous ne pourriez pas tenir une meil-
leure banque que celle-là.
Quant à cette matière bithumineuse que vous dictes avoir tirée d'une
lampe antique, et dont vous dictes avoir joint des morceaux au syni-
pule du seigneur Alessandro, j'auray de la peine à me persuader que
ce soit chose qui puisse estre demeurée d'antiquité dans la dicte
lampe, si je ne la vois originellement, pour juger de la qualité de la
rouille, et de la correspondance qu'elle pourroit avoir avec celte ma-
tière, car s'il n'y en a voit poinct, je craindroys que cette matière ne
peusse avoir esté récemment infusée dans la lampe antique, ainsin que
j'en ay trouvé dans une lampe antique de terre rouge qui me fut en-
|1633] À CLAUDE MENESTRIER. 643
voyée, cee joui-s passez, du costé de Thuuis. Et celle que vous aviez
veue à M' de Pontus à Lyon, en estoit toute empeschée par dedans
lorsque ledict sieur de Pontus me l'envoya par M' de Rossi, avec les
autres que je luy ay toutes fldelemeiit renvoyées, sans en avoir re-
gretté si ce n'est une qui estoit en forme d'un poisson ([u'il m'a olîerle
plusieurs foys, mais j'eusse faict scrupule de l'accepter sçaicliarit le
goust qu'il avoit à toutes cez galanteries, et reputant à assez de faveur
d'en avoir eu la communication si libre. Si cependant vous trouvez
bon de mettre quelque petit morceau de cette matière bitbu mineuse
dans la première lettre que vous m'escrirez, il n'y aura pas de danger
pour voir si de l'odeur de la fumée il se tireroit aulcune plus certaine
conjecture de la matière, et de l'elTect qu'elle pouvoit produire.
Un de mes aniys, qui a esté en Levant, m'estant venu voir, et ayant
trouvé sur ma table les bronzes de vostre cassette, ma asseuré qu'en
ce pais là les Turcs et autres peuples se servent communément de
caisses, cofl'res, ou bahuts enrichis de ferreures et serrcures de bronze
damasquiné, et enchâssé dans le boys en forme de marquetterie de
diverses façons, où il croid avoir esté employées toutes cez grandes
placques de bronze que vous estimiez avoir esté des appartenances
du harnoys d'un Eléphant, et je trouve grande apparence à son dire.
Comm'aussy concernant cette grande escuelle de bronze que vostre
orfèvre paya i/» Jules, qu'en Levant cez peuples en tiennent do toutes
pareilles en leur commun usage. Et finalement qu'une certaine ance
vuidée en forme d'un canal avec deux anneaux, est une bride de celles
qu'on applique sur le nez des asnes. Ce que je n'eusse pas si facile-
ment deviné sans luy. Sur quoy attendant de vous pouvoir entretenir
plus à souhaict, et de voir à vostre commodité le fragment du Pied
Antique Romain, et ce quart de Congius, je finiray un peu à la haste,
demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce dernier juiu i63.3.
Je cherchoys dans vostre cassette ce u)odaillon de Gordian dont
8i.
6M LETTRES DE PEIRESC [1633]
vous m'aviez faict feste, mais estant arrivé au fonds de la caisse sans
le trouver, je verifiay sur l'inventaire que vous aviez oublié de l'y
mettre. Je ne sçay si ce petit escuellon de bronze faict autour est ce-
luy mesmes dont vous m'aviez parlé, car il semble que vous me disiez
que c'estoit le second de la pille, ce qui ne peult pas convenir à celuy
que m'avez envoyé, qui semble bien en avoir peu contenir d'autres
plus petits, mais non pas avoir esté emboisté dans un autre plus grand,
à cause du pied ou base qu'il a par dessoubs.
Si vostre vase à teste de louve se pouvoit mesurer, j'en verrois vo-
lontiers le modelle en fer blanc pour ne vous priver de vostre ori-
ginal '.
LIX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON ,
À ROME.
Monsieur,
Je receus hier soubs une enveloppe de M' le Vice Légat d'Avignon une
despesche vostre du 2 de ce moys, avec celle de la Signora Donna Felice
et du seigneur Alessandro, son mary, du a juin, ensemble la Paste à
l'antique de cette teste de femme voillée garnie d'or, dont vous m'aviez
monstre un souffre, et troys empreintes en cire d'Espagne d'une gra-
veure de balance dont vous me faictes espérer l'original, avec le pied
de bronze antique, en quoy vous m'obligez beaucoup certainement.
J'avoys si peu loisir, à cause de la presse du passage de l'ordinaire,
qu'à peine ay-je peu lisre bien à mon aise toutes cez belles lettres et
instructions que vous m'avez envoyées de la part de celte Dame et de
son mary. C'est pourquoy je n'ay peu leur respondre que bien à la
haste. Vous m'ayderez à estre excusé, s'il vous plaict.
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, nis. H 271 , fol. 107.
/
|IC33] A CLAUDE MENESTIUEIl. «A&
Cependant si ce vase de chryslal arrivoit, nous aurions possible plus
de moyen de nous estendre à les entretenir, comme j'ay faict Mif le
cardinal Barberin de son petit vase d'Albastre. Vous dictes que vous
m'envoyiez le dessain de ce vase de cbrystal, mais il fault que vous
l'ayiez oublié, car vostre pacquet estoit Tort bien cachette d'une teste
de graveure atitique sur du fil d'assier, et il ne s'en est rien troiivr
dedans. Si j'eusse ven le dessein, possible en eusse je peu dire quelcnic
chose, et cncores plus si j'en eusse eu le modelle de sa juste mesure ou
contenance. J'ay cscript en termes qu'ilz peuvent présumer que je l'aye
receu comme les mémoires, puisque vous le desiriez aitjsia, et la
presse de l'ordinaire s'est rencontrée tout à poinct pour me servir de
deschargo de ce costé là.
J'ay aussy remercié M"" le Cavalier del Pozzo de son libvre du Ciaccon.
On m'avoit parlé d'un autre qu'il ])cnsoit m'envoyer, qui n'eust pas
esté moings curieux que celuy là, s'il fust venu. Mais je pense qu'il
l'auldra attendre le retour de M' le duc de Crequy et de Messieurs de
sa suitte. Ne pressez pas, je vous prie. M»' le cardinal Boncompagno
de me respondre. Ce sera tousjours assez à tenqjs quand il y trouvera
sa commodité. La matière bruslante de vostre lampe sera tousjoui-s
bonne à voir, comme je le vous ay cy-devant mandé, et encores plus
la toille incombustible, si vous en avez quelque lambeau. Et cela seroit
fort bon à demaiîder à ce cardinal Boncompagno, aussy tost qu'autre
chose, mais je ne verray pas moings volontiers le dessain de ce mor-
rion de bronze.
Au reste j'ay examiné la mesure de voz vases et ay vérifié que voslre
Barrillet n'a aulcun rapport ne proportioii avec la mesure du Congius
ou d'autre mesure Homaine. La teste de femme a plus de rapport avec
celle que vous m'avez veiie, mais l'autre d'homme n'a aussy aulcnne
proportion bien réglée, non sans beaucoup de mortification mieime.
Le petit escuellon torné va bien prcz de la contenance que vous en
aviez jugé. Mais il ne semble pas avoir esté faict pour eslre contenu
dans un autre escuellon. Ce qui me faict croire que c'est un autre difl'e-
rent de celuy que vous m'aviez dict estre le second d'une pille sem-
646 LETTRES DE PEIRESC [1633]
blable à la mienne. Celuy qui a troys pieds est si rouillé par dedans, et
a ses lèvres si rouges, qu'il a perdu toute proportion de mesure.
Quant à voz modelles de fer blane, je craias fort que vous n'ayez
pas marqué bien exactement les trous, au lieu de la vraye haulteur
que leur eau pouvoit occuper, principalement ceux que vous avez
ajustez sur le modèle rond. Le quarré n'estant pas si faultif pour le
moings en ceux que vous avez cottez A et B. L'A est une grosse cueiller
ou un petit poislon et le B un vase de forme commune avec une ance
aboultissante à un Mascaron. Et & le seigneur Cavalier Gualdi estoit
homme à vouloir troquer cez deux là pour quelque autre chose qui
fusse plus de son goust, je lascherois d'y contribuer pour avoir le plaisir
de les examiner sur l'original. Car cez modelles n'ont guieres de seu-
reté , si l'ouvrier n'y est grandement punctuel , et si dez[hor]mais vous
m'en faictes faire, n'espargnez pas d'en faire faire aultant chascun à
part comme vous aurez examiné de vases antiques. Je n'examinay pas
voz plus petits vases, parce que je fus surprins de compagnie qui me
destourna. Et j'ay trop peu de temps à cette heure pour y songer. Il
fauldra de nécessité remettre la partie. Et je demeureray cependant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce a8 juillet i633.
Mon homme vous a bien de l'obligation du soing que vous prenez
de la petite expédition de son amy •.
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de Montpellier, ms. H 971, fol. 1 10.
[16331 À CLAUDE iMENESTRIER. 6A7
LX
À MONSIKUR, MONSIEUR MRNESTRIKR,
CHANOINE DB BEZ^ÇON,
À ROME.
Monsieur,
Vostre des|)csche me fut hier apportée d'Avijjnon sans datte, mais
celle de M"" de Vaison qui l'accompaynoit esloit dattée du 16 juillet. Je
receus par mesme moyen le cahier de l'Epistre de Paule Pansa de la
maison de Fiesco, que je seray infiniment aise de voir un peu plus à
bisir que je n'en ay présentement, et aprez je feray une recharge à la
Senora Donna Felice et à M'' son mary et si vous m'eussiez envoyé le
dessein de leur vase de crystal que vous me promettiez par voz précé-
dantes, possible y eusse je trouvé quelque chose à dire, en façon qu'ils
peussent comprendre que je l'eusse, sans neantmoings leur dire for-
mellement que j'aye receu la pièce, car je ne sçay pas mentir à mon
esciant, mais pour ne faire tort à ce que vous leur pouvez avoir dict,
je ne gasteray rien, et ne leur diray pas de ne l'avoir poinct receu,
attendant de voir la pièce que vous aurez bon moyen de me faire
tenir seurement par les galères du Pape qui viennent à Marseille à ce
moys de septembre soubs le commandement du grand prieur Nary, à
qui vous le pou riez faire bailler, avec une addresse ou recommandation
à M' le baillyf de Fourbin qui commande les galères du roy en ab-
sence du gênerai, qui est foi't de mes amys et qui s'en chargera volon-
tiers pour l'amour de moy. Car de vous amuser à des pauvres prebstres
comme vous aviez faict l'autre foys, ce seroit le bazarder et luy faire
courir fortune de quelque vol soit dans les galères mesmes ou dans les
barques. Je le liendroys bien mieux pour receu (]uatid vous le remet-
triez à M' Despiots, qui en fera charger les patrons de barque lorsqu'il
en viendra soit pour Marseille ou pour Gènes, oii il a bonne corres-
pondance à M' Tridi.
J'ay faict tenir il M' Aycard à Tollon vostre lettre et celle du Procu-
648 LETTRES DE PEIRESC [1633]
reur gênerai de l'ordre des Observantins. Si vous eussiez envoyé la
supplique renvoyée à la congrégation et celle de la congrégation ren-
voyée au gênerai, c'eust esté plus de contentement à ccz moynes, qui
ne se payent pas facilement de raison. Je vous ay de l'obligation de la
peine, comm' aussy de l'extraict qu'aviez comniancé de faire du roolle
des familles Pisancs. Mais vous m'eussiez bien obligé au centuple si
vous m'eussiez achepté le libvre, car puisque vous le pouviez avoir
pour quattre escus et demy, il ne le falloit pas laisser eschapper, at-
tendu que quand je n'en vouldroys faire portraire qu'une douzaine
d'armoiries, il ne m'en eust gueres moings cousté, et si vous le pouvez
encor avoir vous me ferez plaisir de l'acbepler, et le remettre incon-
tinant ez mains dudict sieur Despiots, qui vous remboursera les U es-
cus 1/2 et davantage quand il seroit besoing. Et quand rencontrerez
de semblables livres de recueils d'armoiries de familles d'Italie à prix
honnesle, n'en laissez poinct eschapper quelqu'ils puissent estre. Et
toute sorte de recueils de mémoires de familles qui ayent tenu quelque
rang aux bonnes villes d'Italie. On m'a dict qu'il en a esté faict un de
celles de Vercello, que je seroys bien ayse d'avoir, et de celles de
Luques. Enfin quelles que ce soit que vous rencontriez je les recevray
trez volontiers, et M'' d'Espiot vous rembourcera , mais vous m'oblige-
riez fort de luy remettre ce que vous acliepterez pour moy aussytost
que vous l'aurez, car comme vous estes d'un naturel trop bon et trop
facile, vous pourriez estre souvent pressé et importuné d'en gratifier
d'autres, comme vous voyez qu'il est advenu de ce grand médaillon
d'argent de Gordian, et de cet autre médaillon du mesme empereur
d'argent et cuyvre meslé, dont ceux qui les peuvent avoir eus ne vous
sçavent peult estre pas le gré que vous auriez eu de moy. Y ayant
mesmes de la mortification et diminution du bon gré quand il fault
attendre les moys et les demy années là où M' Despiots faict des des-
pesches trez asseurées à M' de Gastincs quasi toutes les semaines. Pre-
nez cette voye là et ne vous amusez poinct à en attendre d'autres. J'ay
escript pour avoir de cez chastaignes d'Amsterdam d'où l'on m'en
promet grosse provision avec d'autres curiositez dont vous aurez part,
[1633] \ CLAUDE MENESTRIEH. 649
entr'autres d'une pièce de soye d'herbe veniie des Indes, fort bigearre,
avec des escheveaux de la mesme soye, sur quoy je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 9 aoust i633 '.
LXI
À MONSIEUR MKNESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA coin DE L'ËMINENTISSIHË CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
En recevant vostre despesche du i3 du passé, où vous m'accusiez
la réception de la mienne du dernier juillet, je me trouvay surprins
de voir tout au commencement que vous parliez d'avoir monstre à la
senora Donna Felice et k son cher espoux ce que je vous escrivoys de
leurs belles curiositez, et qu'ils attendirent impatiemment mes res-
ponces à leurs lettres, car j'avois Irez bonne souvenance que je leur
avoys escript certainement sur la fin de juillet. Mais depuis considérant
de plus prez vostre lettre, j'ay veu que vous debvez avoir faict équi-
voque de datter la mienne de juillet au lieu de juin, car il me semble
véritablement que, comme par les vostres du commencement de juin,
vous me parliez non seulement du contenu en vostre cassette, mais
aussy de ce que m'avoit destiné cette dame, je me trouvay obligé de
leur en rendre un compliment dans vostre lettre, qui doibt estre ce
que vous dictes leur avoir monstre. Espérant que vous n'avez gueres
tardé de recevoir les lettres que je leur escripvis à tous deux, les der-
niers jours de juillet, en mesme temps que j'eus receu les leure, où
je leur accusay la réception de la Paste ou Smalto A l'antiqua do cette
femme voilée, et de quelques mémoires, en termes qu'ils n'auront pas
' Bibliothèque de i'^culc de lui'decine de Montpellier, lus. H 371, foi. 1 1 1.
81
■■«MMBUI ■4tl««*M.
650 LETTRES DE PEIRESC [1633J
facilemenl cogneu que je n'aye pas receu le vase; au contraire ils
pourront présumer que je l'aye, afin de satisfaire au désir que vous eu
aviez. Et de demeurer aiissy dans l'observance oi!i je suis de ne pas
mentir à mon essiant. N'ayant peu faire de mention bien spéciale du
vase sans en voir à tout le moings le dessin que vous avez tousjours
oublié de m'envoyer, encores que me l'eussiez accusé, tant vous avez
de divertissements d'ailleurs, pour estre trop bontif et defferer possible
trop à voz amys, qui vous desrobent le temps contre vostre gré et ne
vous laissent penser aux absents qu'à la desrobée, ainsin qu'il m'arrive
souvent à moy mesmes.
J'ay receu à ce coup d'hier tant seulement par la voye d'Avignon,
avec vostre dicte despesche du iS""* aoust, la lettre de l'eminentissime
cardinal Bonconipagno du 5 febvrier à laquelle je respondray Dieu
aydant par le prochain ordinaire, me trouvant un peu trop pressé pour
cette heure du passage de l'ordinaire et de la rencontre de la bonne
Feste. J'admire ce que vous me mandez touchant les prétentions des
héritiers de feu M^ Lelio Pasqualini qui se sont advisez bien tard de
former la plainte que vous dictes, dont on se moqueroit bien en France,
où les choses mobiliaires n'ont pas de suitte, principalement aprez tant
d'années, car je pense qu'il n'y a gueres moings de i 5 ou 20 ans que
tout leur cabinet est passé entre les mains de ce cardinal. Mais possible
n'ont-ils pas de phis grand fondement que la bonté du naturel de ce
Prince de laquelle ils pensent pouvoir abuser, et extorquer par impor-
tunité des choses indeues par la raison.
J'ay par mesme moyen receu le griffonement de ce vase que vous
avez enfin acquis de ce difficile vieillard, et dont je seray bien aise de
voir et examiner l'original, puisqu'il vous plaict me le promettre par le
sieur Chartres, et lors je vous pourray dire si c'e.st comme vous le
croyez le quart du Gongius ou non. ce que je ne sçaurois juger sur
le seul griffonement qu'à tastons et avec trop d'incertitude. Vous nous
terez attendre bien im.palierament ce vénérable M' Chartres, de nous
r'cnvoyer à luy, pour ce vase de chrystal, pour ce pied romain, cet
anneau de la balance, l'escuellon d'une pille comme la mienne, ce vase
[1633] À CLAUDE MENESTHIEH. 651
que vous jugez le quarteron du Congius, et cet Astragale aver la figure
d'un vieillard, que vous avez fort bien devini'; estre toutes choses de
mon goust, et spécialement cet Astragale. El vouldroys bien que M' le
Cavalier del Pozzo me vouleust envoyer un peu de grillonemcnt faict
à peu prez comme celuy qu'il avoit donné au cardinal del Monte, avec
le Carris, pour me faire comprendre eu ([uollo forme il estoit (iguré
à peu prez. Mais je double fort que si le sieur Clwirtres n'a sceu prendre
la commodité des Galères du Pape, qui viennent à Marseille dans le
moys de septembre où nous sommes, qu'il ne soit encores long temps
à délibérer s'il viendra ou non. C'est pourquoy vous feriez mieux de
vous descharger de tout ce qu'il vous plaict me despartir, et le consi-
gner bien empacquetlé à M' Despiots, qui a journellement des com-
moditez asseurées de me faire tenir la cassette ou boitte que vous luy
avez mise en main, soit à droicture à Marseille, ou par l'adresse de
M"' Tridy de Gènes.
J'ay un piilon de marbre antique tout pareil à celuy que vous avez
figuré dans vostre lettre, et sçauroys volontiers la gi-osseur du vostre,
ensemble du mortier, que je ne vouldroys pas négliger d'achepter, s'il
est encores en estât, le prix n'en estant pas considérable, comme je le
croys bien ainsin. Je n'estime pas moings bonne à avoir la bride que
m'avez envoyée semblable à celles dont se servent les Turcs pour leurs
asnes, puisqu'elle n'est pas de si peu d'anticpiité, (ju'elle n'en face
|)aroislre l'usaige plus ancien que l'on ne s'imagineroit. Et ne prise pas
moings aussy les ferreures de bronze que m'avez envoyé, pour avoir
quelque semblance à celles dont les Turcs se servent aussy pour les
ornements de leurs coffres et bahuts. Car si bien l'ouvraige ne semble
pas de la bonne antiquité, il n'est pourtant pas moderne et monstre
que l'usage en est assez vieil. Si vous teniez cez pièces quant et mo\,
vous seriez constrainct d'advouer (ju'ils ont plustost servy à des coffres
quà des barnoys, pi'incipalement cez grosses plaqutîs rondes attachées
à des poinctes de fiches bien longues, ensemble certeines demy-fleurs
de lis, ou autres fleurons. Et pour cez petites plaques enrichies d'ar-
gent, il dict qu'il se void quelque chose de sead)lable ou de bien
8*.
652 LETTRES DE PEIRESC [1633]
approchant rornement des coffres et caisses Turquesques. Or il fauit
que vous sçaichiez que comme les Turcs ont opiniastrement conservé
l'usaige des Bains à la Romaine, ils ont conservé beaucoup d'autres
choses dans l'usaige des principaulx ustenciles nécessaires à la vie hu-
maine. Et cet amy venu du Levant m'asseura encores qu'ils ont cer-
tains engins à rostir leur viande et à chauffer de l'eau, de forme gran-
dement approchante à celle de vostre grosse incitega en façon de
Trépied à troys zampes', dont vous m'en avez envoyé troys de plus
d'un demy pied de hault, et dict que les femmes les charrient partout,
jusques sur leurs tapis plus précieux, encores qu'il y ayt du feu dessus
et de l'eau tout ensemble, tant ils s'en servent diversement.
Il me reste à vous dire pour la matière bruslante, que j'en ay faict
l'essay, et que j'y ay trouvé ce que vous dictes de la disposition à con-
cevoir le feu comme la mesche, mais qu'elle se resoult par aprez en
cendres un peu plus terrestres que celles de boys et que je ne trouve
pas qu'elle résiste gueres au feu sans se consumer. C'est pour quoy j'ay
bien de la peine à me persuader que c'ayt esté ce qu'on dict commu-
nément, et si vous ne nous laissez voir la lampe mesmes, pour juger
de la conformité de la rouille avec cette matière, ou de sa différence, je
ne sçaurois vous en rien dire qui vaille, ne qui puisse mériter aulcune
considération. Cependant je vous remercie bien fort du soing qu'avez
eu de m'en faire part, et des autres curiositez que vous nous faicles es-
pérer par voz précédentes lettres, lesquelles attendant, et vous réité-
rant les asseurances de ma fidelle affection, et correspondance à voz
honnestetez selon que je pourray m'acquiter le mieux de mon debvoir
en vostre endroict, je finiray, demeurant,
Monsieur, vostre, etc.
A Aix, ce 8 septembre i633.
Si vous trouviez bon que je peusse voir originellement vostre grosse
incitega ou Trépied, encores que vous m'ayez envoyé troys zampes sem-
' De l'italien zampa, patte, griffe.
[1633] À CLAUDE MKNBSTUIKU. M3
blables aux vostres, jo verroys pourtant volontiers comment elles sont
basties, comment y est enchâssé le cercle qui les assemble, et de quelle
{^aiulcnr il est. N'y ayez pas de regret, car je vous r'envoveray fidèle-
ment et cela et tout le reste que vous vouldrez, n'entendant nullement
que vous desfassiez pour moy de rien qui vous fust A regret tant soit peu.
Je n'en useroys pas si privement avec vous si ce n'estoit que pour mes
seuls inlcrests, mais vous scavez que c'est pour en ayder le public, et y
descouvrir des choses que toute sorte de genlz n'y vont pas chercher
comme moy, ainsin que vous m'y avez veu procéder. En un besoing je feray
monter les troys zampes que vous m'avez envoyé, comme les vostres'.
LXII
X MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Incontinant que j'eu apprins par la vostre le désir qu'aviez de ce
livre des familles Pisanes je fus treuver celuy qui l'avoil en main le-
quel m'avoit donné parolle de ne s'en point defl'aire que je n'eusse eu
de voz responce. Je luy donna les d escus et demy selon que je vous
avois mandé. Je mis ledit livre en main de Mons' d'Espiot, le priant de
vous le faire tenir à la première occasion, et ne s'en estant presanté
aulcunc il l'a mis en main de Mons' Chartres comme j'ay faict aussy le
vase de crystal de la signora Felice l'ayant accommodé dans une cas-
sette dans laquelle j'ay mis la moitié du pied ancien romain ayant faict
rapporter l'aultre pièce comme je vous fis entendre par ce faisseur
d'orlôge solaire lequel me la entretenus tant de temps que je croyois
qu'il l'eusse esgaré. Vous pourés observer sur la part antique la divi-
sion d'iceluy par des petis poins. Il y a aussy dens ladite cassette cest
escuellon qui selon [ce que] je conjecture peut eslre le second sem-
blable à celuy qu'avez auprès de vous; il n'est pas des plus conservé;
' Bibiiotlièque de l'École de inddecine de Monipollier, ms. H 971, fol. 1 la.
6bà LETTRES DE PEIRESC [1633]
celuy de qui je l'eut y a voit faict mettre un manche antique pour repre-
santer un simpiere (?) ^ lequel j'ay faict desouder comme verres encore
par l'estain qui y est demeuré; dans l'escuelloii il y a l'astragale de
bronze avec la figure d'un qui peut represanter un Senio lequel j'ay
payé li testons pour l'avoir tiré des mains d'un rechercheur lequel en
avoit demandé une pistoHe à la Signera Felice. L'extravagant me le Ut
payer si chèrement. J'achepta aussy d'iceluy une pièce de bronze avec
une petite chaine avec lequel il se serroit; je ne sçay s'il auroit point
servi pour un cadenat, n'en ayant encore point veu de semblable. Je luy
en donna un teston. Voila ce que j'ay achepté que j'ay peu juger estre
de vostre goust. Le livre estant payé U escus et demi et 5 testons tant
l'astragale que le cadenat sont 5 et 2 escus que je donna au solliciteur
pour l'expédition de Mons' Perrot laquelle somme je reprandray auprès
de Monsieur d'Espiot. J'ay aussy donné en main de Monsieur Chartres
le sexlaire du congius lequel je vous prie de recepvoir de bon cœur et
de m'excusser si je ne l'ay peu avoir plustost. Vous verrez que Tance a
esté rapporté modernement; nonobstant je vous l'ay voulu envoyer en la
forme que je l'ay receu. Je luy ay aussy consigné l'anneau d'or avec
la balance pesant comme je vous fis à sçavoir 35 jules et le paya un
escus plus du poid. Je receu lundi les pierres qu'il vous a pleii m'en-
voyer tirées des montagnes de Tolon de quoy je vous demeure infini-
ment obligé. Je les fis veoir avant hier au segn' Claude Petit lequel
sçaict bien tirer l'azur des pierres lazuli lequel me dit qu'il y a tropt
de blanc et que les frais impourteroint davantage que ce que l'on en
pouroit tirer. Il treuva bon un morceau qu'est de la grosseur des deux
poingts. Elle est toute pleinne de petits caloux blanc et fort salineuse qui
cause que l'on ne peut mettre en travail ladite pierre. J'ay faict veoir à
Monseig''le Cardinal le morceau qu'est bien coloré de quoy il a heu plai-
sir. J'en ay faict venir aussi d'une pierre quasi semblable de la Calabria.
mais icelle pareillement est tropt chargé de blanc et noir. Je continue
tousJQurs a faire un amas de toutes sortes de pierres extravagantes; la
' Dans ce mot à peu près illisible faut-il reconnaître ie raot sympule très lisiblement ëcrit
par Peiresc dans la lettre suivante?
[1633] À CLAUDE MKNKSTRIEH. 056
sepmaine passée le sig' Piètre délia Valle' fut tout cslonné de veoir si
grandes variétés de ])ierre8 que j'ay mis ensemble. J'eu ce bon heur que
Monsieur l'abbé de Thou'' et Monsieur de St Amant' acconipagnés de
plusieurs messieurs de la nation ce retreuvarent prenants lesquels dis-
coururent longtemps en mon cabinet avec ledit sieur délia Valle.
Monsieur,
vostre plus humble et obligé serviteur,
Cl. Mbnetrib.
Rome, ce 18 f t633*.
LXIII
À MONSIEUR MENESTUIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
BN LA COUR DE L'EMINENTiSSIHE SBIO^IEUR CARDINAL RARBBRl?!,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par la voye de Avignon depuis a jours seulement tosira
lettre du ay aoust, toute seule et sans enveloppe d'aulcun autre, qui
me faict estonner qu'elle ne se soit perdue à faulte d'adresse et me faict
vous prier de porter dez hors mais voz lettres à l'illustrissime cavalier
del l'ozzo, craignant (|ue les gentz de M"" l'Evescpui de Vaison n'ayent
meshuy trop d'occupation pour prendre le soing de me« lettres qui ne
leur sont que trop souvent importunes.
J'ay esté infiniment aise d'entendre que l'illustrissime 9' Alessandro
Rondenini, et la signora Donna Felice soient demeurez satisfaictz de me»
premiers remercimentz. Et me tarde bien fort de voir au moings le des-
' Le célèbre voyageur Pierre délia Valle Gi*raril de Saint-Amant figure dans le re-
a éU' plusietirs fois inentionnf! dans chacun curil Poireso-Dn|niy (pastm, surtout t III)
des trois volumes du recueil Peiresc-IXipuy. et dans notre tome IV (corrMpondanOe ate«
* C'était Jacques-Auguste de Thou, fliW Gassendi),
de Bonneval, ui» des fils du graml historien. * Hihliollièque nationale, fonds frança».
Voir yM.s-.sim le recueil Peiresc-Dupuy. gô/i'i, fol. ao4.
' Le poète académicien Marc-Antoine
656 LETTRES DE PEIRESC [1633J
sein de leur sympule de crystal , pour leur en pouvoir dire quelque chose
de plus que des simples complimentz, et puisque vous voyiez retarder
si longuement le sieur Chartres, je ra'estonne que ne m'ayez envoyé ce
griffonement que vous m'aviez promis dez la première despesche sur ce
subject, et que je vous ay demandé beaucoup de foys depuis lors.
Quant à la Paste dont vous croyez que j'aye révoqué en double l'an-
tiquité, je ne pense pas que vous ayez interprété mes paroles selon
mon sens et mon intention. Car comme je croys indubitablement que
cez Messieurs m'ont voulu doimer l'original qu'ils en avoient, je croys
bien aussy que vous n'avez pas esté moings scrupuleux en cela, et que
vous ne vouldriez pour rien du monde m'avoir donné le change. Je
vous fieroys mon ame et ma vie sans regret. C'est pourquoy vous pouvez
demeurer en repos d'esprit de ce costé là. Et avez fort bien faict de
ne pas communiquer vostre soubçon à cez personnes là, que vous ne
trouverez pas bien fondé, si vous examinez bien les paroles de ma
lettre. Mais je ne vous dissimuleray pas que je l'eusse estimée beau-
coup davantage, si vous ne l'eussiez pas faicL repolir, à tout le moings
du costé de la graveure, car pour le doz je l'eusse plus facilement par-
donné et souffert plus patiemment, mais du costé de la teste c'est une
espèce de sacrilège d'y laisser jamais toucher, attendu que le polisse-
raent moderne de matière si tendre emporte tousjours certaine espois-
seur, qui couvre la figure, et luy augmente le relief en l'empreiiicte
plus qu'il ne fault, ce qui est irréparable, et ne se peult pas comprendre
et suppléer, comme le deffault de polisseure; cl il est bien véritable
que si je ne sçavois asseurement qu'elle est passée par des mains
fidèles, et possible tout autre qui la verra polie comm'elle est, sans
avoir les mesmes assurances que nioy, auroit de l'appréhension aultant
et plus que moy, que ce ne peusse estre une empreinte moderne-
ment faicte aprez l'antique, ainsin que j'en ay veu faire plusieurs foys
à Paris, et de la mesme couleur d'esmail ou de verre que l'on nomme
couleur de sardoine. Et ce qui seroit capable d'augmenter grandement
le soubçon seroit un grain de sable de la moulleure, plus gros, mais
plus plat que la teste d'une espingle au moings plus large et plus long.
[1633J À CLAUDE MENESTRIEli. 857
sinon de tant de reliel', qui est soubs la pointe de ce petit capuchon,
un peu plus hault et plus avant que le front. Mais j'estime qu'il peult
estre demeuré sur l'antique , dont la patena argentine seroit un bon
ftcsmoigriafje]' si elle s'cstoil consei-vée, ce qu'il ne fauldroit pas
craindre si vous l'eussiez laissée avec la rudesse que le temps et la mol-
lesse de la matière y nvoit faict contracter. C'est pourquoy vous ne
sçauriez estre jamais trop scrupuleux en cela quand il s'en présentera
d'autres occasions, et fault que les verres et pastes antiques soient
conservées avec les deffectuosités de pollisseure que le temps y a rongée,
autrement elles perdent tout leur credict. Les pierres fines mesmes
ont de la peine de conserver le leur quand on les laisse repolir, et sou-
vent sont grandement détériorées par la polisseure moderne, si elle
n'est faicte avec discrétion extraordinaire.
Quant à l'examen que vous avez faict du mesurage de ce vieil vase
de bronze que vous appeliez sextarius, si les xxun onces de vin que
vous y avez trouvées ne sont trop foibles et trop légères d'une sixiesme
partie de leur gravité, ce. ne pourra pas estre le sextarius romain
nomplus, daultant qu'il ne peult contenir que vingt onces de cette
liqueur, si on demeure à l'autliorité des anciens, et la contenance de
deux onces que vous donnez à vostre cyathe est bien esloignée aussy
de sa jusle proportion, entre les Romains. C'est pourquoy il y fauldra
regarder de plus prez Dieu aydant lorsque nous pourrons tenir l'ori-
ginal. Mais puisque vous avez trouvé du plomb au fonds comme cal-
ciné, gardez bien de i'ostcr, je vous supplie, car vous corrompriez
toute la justesse qui se peult colliger de sa mesure, s'il y en a eu
aulcune d'affectée, comm'il est vraysemblable. Ne craignez pas (|ue je
trouve trop cher, à deux escus, l'escuellon de verre jaulne ou de cou-
leur de Sardoine ou d'Ambre, que vous dictes estre de la largeur quasi
de celuy de l'orfèvre. Au cas que vous le jugiez antique, ainsin que
je pense ([u'il doibt estre puisque vous y avez recogneu des marques
esvidantes du four par dedans especialemeut en ses mouleures. Et me
' Déchiiiire du papier.
f. 83
658 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ferez plaisir singulier de me le retenir et remettre à M' Despiolz. Et
non seulement celuy là, mais tous autres vases ou escuelles de verre
de couleur, qui paroistront avoir esté passez sur le four, quand ils se-
ront entiers et bien conservez, et les estimeray bien davantage s'ils
ont conservé leur rouille et argenteure antique en quelques lieux que
s'ils sont tout à fait escurez comme celuy de Lyon et despouillez de
toute sorte de rouille ou pattino qui tient de l'argent ou de l'opaHe
eommiineraeut. Si toutefoys vous en jugez le prix toHerable «t propor-
tionné à peu prez à «ette eseuelle que vous dictes, car e'il les falloit
payer bien chèrement, non portarebbe la spesa', attendu mesmes le
danger de les transporter de si loing, et de les laisser par les chemins.
Pour ce qui est de cez Termes ou Troncs antiques, vous m'aviez
bien tousjours protesté que vous n'y teniez rien d'antique sinon les
Troncs et que les testes estoient supposées. Aussy n'estoit-ce que les
Troncs que je laisois estât de mettre en compte en les acheptant. Mais
puisque celuy qui les a est si riche qu'il ne les veult pas veiidt^, il s'en
fault passer. Seulement vouldrois-je avoir les inscriptions en papier
mouillé et placquré sur le marbre pour tirer quasi l'enqireinte de
la figure des caractères et juger de leur manière et de leur antiquité!.
4 quoy il n'y a pas si grande façon comme à tiXMiver des moulleurs qui
jettent les médailles en sable. N'estant question que d'appliquer sur
cez marbres une feuille de bon papier mouillé et de la presser discrè-
tement avec un mouchoir, pour enfoncer un peu le papier dans le
creux des lettres. Et puis le retirer quand il est quasi see. Si le papier
est trop mince, il le fault mettre double ou tripple. Et «'il est trop
petit, il en fault joindre plusieurs feuilles ensemble, comme quand on
assemble des cartes de géographie de plusieurs feuilles. Et cette mesme
invention m'a souvent reussy pour des empreintes mesmes de médailles,
quand elles ne sont pas de trop grand relief. El me feriez plaisir de
m'en envoyer de telles, quand il vous ea passera de curieuses par les
mains. Et des camayeuls aussy. Maie pour les graveures il ne réussit
' Gela ne vaudrait pas la de'|jense.
tl633] À CLAUDE MENESTHIER. 0»9
pas si facilement, si ce n'est qu'on le face sur les empreintes de relief
et avec du papier plus mince.
Au reste je ne voids pas que le sieur cavalier Gualdo ayt esté si reli-
gieux, comme il dict, de ne rien desmembrer de son cabinet. Puisque
j'ay appriiis ])ar les images qu'il m'a luy mesmes faict envoyer de cer-
taines vieilles bulles des Papes, qu'il les a domiées à la Vaticane, ou à
l'eminentissime cardinal Barberin, si bien me souvient, ne trouvant
pas que sa maxime soit te[nable] ne qu'il aye jamais de quoy se laver
du refus de cette corniole de Marc Aurele comme cliose qu'd eust eu
raille foys plus d'Ijormeur de donner [à] un tel cavalier, qu'il n'en
sçauroit jamais avoir d'advantage de la retenir en son cabinet. Car ce
n'est pas cbose où il y ayt rien à apprendre, comme je pense, et dont
son cabinet ne se pousse Irez bien j)asser. Mais nous sommes touts
hommes, cl tous subjectz à quelque maladie d'esprit aussy bien que de
corps, principalement ceux qui ont de telles curiositez, et qui se laissent
emporter à la jalousie d'icelles oi\ ils sortent aussy facilement des bornes
de la raison, comme ceux qui sont amoureux et jaloux de leur mais-
tresse, plus souvent à tort qu'à bon droict, parce que la jalousie les
aveugle. Je loue Dieu d'estre gary de ce mal, encores que je sois bien
aise de conserver ce qui le mente. Voicy tantost revenir vostre temps,
auquel vous pourrez agir et rencontrer quelque chose de plus que l'or-
dinaire. El cez grandes pluyes debvroient bien avoir descouverl des
auticailles en lieu où l'on ne les iroit pas fouiller. Si vous avez rien veu
du libvre des médailles du sieur Angelone, mandez moy, je vous prie,
ce qui est de son dessein à peu prez, et de quelle nature de médailles
il prend à parler, si c'est des Grecques ou des Romaines ou de quelles
espèces'. Et faictes estât de mon service comme,
Monsieur,
de vostre, etc.
A Aix, ce 90 octobre i633'.
' J'ai vainement cherche des renseiguonieni» 8or Je livre et sur l'aulMir, nn'ine pu
m adressant à un des premiers bibliograplu's do notre temps. — ' Bibliothèque de l'ivcole
de médecine de Montpellier, nu. U 371, fol. 116.
89.
660 LETTRES DE PEIRESG [1633J
LXIV
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Par i'ordinaire passé je n'eu la comodité de vous addresser les
miennes n'ayant peu rencontrer Monsieur de Veson ' pour luy délivrer
celle que je vous escrivois. Je tiens pour asseuré qu'aurez receu à pre-
sant ce que j'ay mis en main de Mous' Chartres pour vous délivrer; du
depuis j'ay recouvré quelques graveures et entre aultres une extrava-
gante en une pierre jaune de laquelle verres le dessein icy joinct là où
il y, a une figure avec deux testes comme l'on peiuct Janus; le reste
du corps humain est avec un pied seul. Dans une aultre en Elio-
trope il y a ceste figure ordinaire ici designé'-, me semblant l'inscription
extraordinaire, je ne l'ay voulu délaisser accompagnée de deux aultres
lesquels je vous envoiray à la première commodité; avec icelles je
joincdray une placque de cuivre de la forme icy joincte avec des cha-
racteres fort antiques telles que l'on void dans les graveures des Basi-r
lides; de plus m'estant donné advis d'un mercier qui court les villes à
l'entour de Rome qu'il y avoit un orfaivre à Peruse ' lequel avoit une
romaine antique l'ayant prié de me l'achepter il me l'apporta avant
hier. L'on dit que dans peu de jours Mons' de Crequi se doibt partir;
je consigneray le tout à quelque de cognoissance pour vous pourter
le tout fidèlement si quelque occasion ne se presante plustot. Je ne
mancqueray aussi de vous envoyer ceste lampe de bronze antique dans
laquelle estoit ce bethume duquel je vous en envoya il y a deux mois
puis que j'apprend par les vostres qu'aurez contantement de l'avoir.
' L'évêque de Vaison , Joseph-Marie Sua- sont joints à la lettre sur deux polils pa-
rez, dont il a élé si souvent question dans piers colos 206 et 907;
nos tomes précëdents et aussi dans celui-ci, ' F'éroiise, à i.36 kilomètres de Rome,
parmi les lettres à Luc. Holstenius, son ir- en italien Periiffia et en latin Peritsia. Me-
récoiiciliable adversaire, sinon ennemi. nestrier, on bon antiquaire, a reproduit la
Les croquis indiques dans ce passage forme ancienne.
[1C33| \ CLAUDE MENESTRIKH. 6«1
Non seulement ladite lampe, mais aussy tout est à vostre service (e
peii de receuil que j'ay faict dans mon cabinet'. Pour l'Insitega que
j'ay, il n'y a que les trois lampes qui soint antiques ayant faict jetter
de cuivre deux cercles de bronze pour les conjoindre et attacher par
ensemble l'un sur lequel sont possés les pieds, et l'aultre cercle coii-
joinct les trois. pièces par en liault entre le col et la teste. Les sphinges
sont du tout semblables à celles que je vous ay en-
voyé; s'il y eusse heu quelque chose de différent je
n'eusse manc([ué aussy de vous l'envoyer. Far les
voslres précédentes m'escrivés que desirez avoir ce
pislon de marbre antique formé comme un poulce
humain comme je vous avois figuré dans les miennes
avec le mortier. Pour le pislon , je l'ay achepté; quant
au mortier il est en granit lequel est fort pesant, il n'est incavé en de-
dans que d'un doigt la forme estant semblable : [o] , il est entre les mains
d'un sculpteur mien amy. Si par hazard j'en puis treuver un plus léger
comme j'en ay veu d'aultres fois (comme estoit celuy là de ce jeune
homme qu'avoit l'escuellon de bronze), je ne mancqueray de l'achepter.
Un levantin a apporté deux pierres curieuses parmy quantité d'aultres;
n'en ayant encore point veu de semblable je les ay achepté toute deux
pour ';!5 Jules la pièce. La pierre est rouge en apparance tirant à
l'orangé toute pleinue de paille dor et faissant des esclats et brille-
mants comme de toille d'or à fond rouge. L'on void plusieurs yeux de chat
qui brillent en les mouvant, mais de la sorte de ces deux icy personne
n'en a encore veu à Rome. Si ne l'avez et avez curiosité de la veoir je
vous en fairay tenir une. Je recherche tousjours de mettre ensemble
toutes les sortes de pierres estravagantes que je puis recouvrer. J'ay
faict plusieurs petites curiosités avec la pierre aymant; en 6 ou 7 ans
j'ay mis ensemble dix livres de médailles de métal [de] (lorynlhe j'en-
tend celles qui sont marquettées de rouge et jaune (desquelles il ne
' Il ne faut pns prendre nu mot Menestrier qui fait ici de In fausse inndeslie, cunune
beaucoiij) de collectionneurs. La vérilé est (|ue son cabinet de curiosités était un de» |ilus
riches de In ville de Rome.
662 LETTRES DE PEIRESG [1633]
s'en treuve que soubz Auguste, Claude et Galigula). En ayant faici
jetter un vase il est feusy fort beau la pluspart le tenant doré. Aultre
n'ayant pour le presant digne de vous je me dis à jamais,
Monsieur, — .« -^l .^.-.
vostre pJUs huinble et obligé serviteur.
Cl. Menetbie.
À Rome, ca 3Q S'"' i633.
Il VOUS plaira de faire tenir les icy jointes à Mons' Aycard. J'ay faict
tenir la vostre à Monseg"' le card' Boncompagno lequel m'escrivit ces
jours passés qu'il auroit à cher de veoir ce qu'avez recherché sur l'an-
neau qu'il vous pleii lui envoyer. .le luy ay supplié encore de vous
procurer un peu de ceste toile incombustible. J'en ay escripl par plu-
sieurs ibis à un amy lequel n'en a peu recouvrer disant que l'Evesque
de Puzolo avoit fait une excomnmnication a ceulx qui la tiendroint.
Le card' Barberin en [possède quelques] morceaux desquelz j'en ay
peu faire la preuve '.
LXV
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Enfin j'ay apprins par vostre lettre du a à""* septembre que vous
aviez chargé le sieur Chartres du vase de Crystal et des autres petites
curiositez que vous avez trouvé bon d'y joindre. Mais j'ay en mesme
temps apprins un bruict venu du costé de Marseille, qui m'a mis en
grande peine et sollicitude parce que l'on dict que ledict sieur Chartres
faict quarantaine à Gènes, ce que je ne sçaurois imputer qu'à quelque
bien grand malheur, si sa barque a touché à Ligourne, ou receu
' Bibliothèque nationale, fonds français, 9544, foi. fio5. Aux folios ao6 et 907 sont les
deux dessins dont il est parié dans la lettre ci-dessus.
[1633J À CLAUDE MElSESTRIEIl. Ht
quelque persoiie suspecte de maladie. Craigoant que «lurant la Jon-
{jueur et incommodité d'une quarantaine il oe coure lortuue de tomber
malade iuy niesjnes, comme il est asseï: mal liabitué, el que tout ce
qu'il porte ne soit eu danger de périr. Et prijici|)al<'menl des plantes
dont M' de Bonnaire et autres amys l'avoient chargé, y ayant desja uu
inoys et deiny qu'il est party de Rome sans qu'il nous ayt point donné
de ses nouvelles, et le temps s'eslanl desja r'all'roidy beaucoup plu»
que ne comporte la saison pour l'ordinaire. Cependant je ne me timê
pas nioings redevable à vostre courtoisie, que si desja le tout eetoit
parvenu sain et sauve entre mes mains comme je doibs esjjerer qu'il
sera bientost avec l'ayde de Dieu. Ne pouvant assez [vous] louer et
vous remercier de voz favorables offices et liberalitez, et que vous
m'ayiez voulu préférer à tant d'autres personagee plus dignes que nioy
sans comparaison de jouyr de cer belles singubritcz, voire à vou^
mesmes,dont le goust me doibt estre nullaiit et plus clier que le mien
propre, mais je tascheray de m'en revanclier ou je ne pourray tost
ou tard, soit de mon chd", ou de celuy de mes aroys. Ek vouldroy»
bien que vous eussiez peu trouver quelque participation à toutes ce/.
vacances qu'on dict estre advenues par le decez de ce cardinal Bor-
ghese, soit en quelque bon petit bénéfice, ou en quelque pension
équivalante à ce qu'il >ons fauldroit. Il fault que je pregne occasion
d'en retoudier quelque mot à l'oniincMilissime cardinal Barbcrin sur
le subjcct de robeli8(|ue qu'il a eu par voslre moyen et que Ion dict
(ju'jl faicl relever devant sa maison '. En attendant quelque autre oc-
currence de chose rare qu« vous Iuy fassiez recouvrer, dont vous deve»
avoir soiag de me tenir adverty de temps à autre, afin que je m'«n
prevaille à vostre favwir, et quiC je tasche de l'engager au combat.
' (Addition h la marge :) eJ'ay fbictl'of- Iuy mesuies, pgtimnnt tju'il yoiw impMic
tice en esci'iv.-ait oe soir h Son Ëininencc, et aulcuneuient qu'il nek laisse |ias ti>tro «Vm
si «luel qu'un •des secrétaires est «s«« de vo» qu'il nepeul pas ilisrc. Ce qui arrive, je m'a»-
amys pour vous moiisbvr uta Icttn', vous seure. nsser. souvent selon la surrhftiijo^ [ici
verrez do quel biaiz je le prends. Pour le manque une ligne emportée par l'aawe^H
moings rnquoroz vous s'il aura leu ma lettre papier].
66A • LETTRES DE PEIRESC [1633]
Au reste je vous remercie encores du soing qu'avez eu de vous in-
former du sieur Minatoli concernant le recueil des familles de Luques,
qui n'a pas esté imprimé que je sçaiche. Mais on m'a asseuré qu'il s'en
trouve quelqu'un escript à la main qui se descouvrira lorsqu'on y pen-
sera le moings, en y tenant la main. Ayant cogneu un gentilhomme
fort veridique de cette Republique lequel l'avoit, mais il est decedé,
et tous ses papiers ont esté dissipez. J'ay cogneu un gentilliomme Al-
leman, qui en avoit un autre de la mesme ville, que j'eusse peu avoir
bien facilement, si cela eusse lors touché tant soit peu ma curiosité,
mais elle en estoit encores trop esloignée.
Il s'est trouvé en ce païs un grand poeslon de bronze antique fort
bien conservé, tout remply de médailles d'argent de billon du siècle
de Gallien, où je pensoys trouver des merveilles pour les 3o Tyrans,
mais il n'y en a poinct eu qui ne fust bien commun. Il est vrav qu'en
revanche il y a eu de celles de Gallien , qui sont assez extraordinaires
et curieuses, principalement pour les régions et les images ou enseignes
légionnaires dont il s'y en est trouvé de plusieurs sortes différantes et
grandement bigearres.
On m'escript de Paris que le pauvre Vivot est mort', à qui j'avoys
r'envoyé son vase en forme de Monstre marin, pour ne l'avoir pas jugé
moings moderne que vous. Il y a deux autres cabinets à vendre, assez
riches, l'un du sieur Viguier, et l'autre de feu Mad'""*' de Victry^ fort
copieux en vases, mais je ne sçay s'ils seront bien authentiques. M' Au-
bery me mande qu'il y tiendra la main. Mais tout cela n'est rien au-
prez des singularitez du Cabinet de Bavière, qui se sont vendues par
les soldats et cappitaines Suedoys à Auspourg, ce prince n'ayant rien
saulvé que ses médailles d'or, toutes celles d'argent et de cuyvre ayant
' Le Dictionnaire des amateurs français de tableaux, était peut-être le fils du Vivol
mentionne seulement un Jean Vivot, mort mort en i633.
avant 1673 à Paris, qm était gentilhomme ^ Ni le cabinet de Viguier, ni c^iui de
ordinaire du roi et auqpiel, en 1670, M"* de Vitry ne sont mentionnés par M. Ed-
Louis XIV confia ia garde du magasin des mond Bonnalfé dans son précieux Diction-
antiques , où il eut Félibien pour successeur. naire.
Ce Jean Vivol, collectionneur d'estampes et
[1633] À CLAUDE MENESTRIEH. 665
esté exposées au pillage. Je croys que vous y feriez bien voz affaires si
vous y faisiez un voyage, et si m'en donniez advis à J'advance, je vous
y donneroys de bonnes addresses à de mes amys qui vous y adsiste-
roient de bon cœur pour l'amour de moy. Il y a mesmes des cabinet»
entiers à vendre fort assortys, ce dict on, et des autres singularilez de
nature du Cabinet de Bavière qui sont d'importance, et qui se pour-
roient avoir à pi-ix fort modéré.
Monsieur de Montrivel m'envoya, cez jours passez, dans nn petit
barrillet fort bien conditionné, non seulement cette petite Salière en
forme de Trépied, plus conservée que l'autre pareille, mais aussy son
Mercure assis contre un tronc d'arbre (ce semble) aboultissant à trois
bouts ou tronçons de branches, sur lesquels vous disiez, comme luy,
que l'on avoit trouvé un certain petit bassin ou escuellon, d'un metail
blanc fort mince, fort aigre et fort cassant, comme celuy des timbres
ou des clochettes des petites horloges sonnantes. Mais ayant moy faict
rassembler les fragmentz dudict escuellon fort proprement, je trouvay
qu'il avoit esté trop approffondy pour se tenir en assiette sur cez troys
petits tronçons de branches et pour en estre supporté, de façon qu'il
y lault chercher quelque autre usage. Il m'a aussy envoyé l'une de ses
petites pommes de pin de bronze que je n'ay pas veiie moings volon-
tiers que le reste et par ainsin il m'a donné beau moyen de m'esrlaircir
de tout plein de choses que je n'avoys peu bien comprendre sur les
desseins. J'ay faict faire des modelles de ce qui me pouvoit le plus
servir, et espère luy renvoyer son barrillet par le prochain ordinaire
Dieu aydant, avec mille obligations trez estroictes de la confiance avec
quoy il m'a daigné communiquer le tout. Et suis bien marry de vous
presser possible par trop, mais il fault que vous me fassiez la faveur de
m'octroyer la veiie, (jue je vous avois cy devant demandée, et que
j'avois attendue par M"" Chartres, de ce gros Trépied bas couqjosé de
troys consoles aboutissantes à des Sphynges, connue celles que vous
m'avez cy devant envoyées, afin que je voye la mesure et la proportion
de la largeur du cercle auquel elles sont aflichées, et de quelle façon
est faict leur assemblage, car vous sçavez comme je lire proftit de
T. 84
666 LETTRES DE PEIRESC [1633J
toutes choses, vous asseurant que je le vous r'envoyeray fort fideie-
ïiient, et par voye asseurée, et que je me contenteray de faire faire un
niodeile du cercle semblable au vostre, pour faire bastir de mesmes
les troys consoles que vous m'aviez cy devant envoyées. Et non seule-
ment cela, mais toutes les autres pièces que vous vouldrez retirer de
mes mains du nombre de celles que j'ay eiies de vous, à quelque
filtre que ce puisse estre que vous me les ayez desparties ou confiées.
Me promettant que vous excuserez ma liberté, comme je vous en
supplie, et que vous ne laisrez pas de me tenir tousjours comme je
suis véritablement.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 3 novembre i633 '.
LXVl
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
A ce coup l'ordinaire de Gènes m'apporta un paquet de M' de Vai-
son, oij je trouvay vostre lettre du 22 octobre, et depuis, le sieur
Chartres, estant arrivé à Marseille sain et saulve, m'envoya vostre lettre
du 18 septembre avec la boitte ou cassette dont vous l'aviez chargé,
et lelibvre des familles Pisanes, ayant retenu par devers luy l'anneau
d'or pour me l'apporter luy mesmes à ce soir ou demain Dieu aydant.
Je trouvay dans ladicte boitte la Patere de Crystal antique bien con-
servée (hors d'une felleure qu'il y a, ce semble, oultre les pailles du
naturel de la veine de la pierre) et regrettay bien de voir que le
manche ou le tenon du vase se soit perdu par l'injure du temps, mais
e ne laisse pas de l'estimer bien pour mon humeur, et pour l'amour
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 271 , fol. 1 1 8.
|1«33) À CLAUDK MEMiSTHfEH. 667
de la persone qui me l'a daigne despartir'; vous pourrez voii- en quels
termes je luy en escripts, où c'est que sans luy dire de l'avoir seule-
ment receue présentement, je ne laisse pas de luy en rendre les plus
humbles actions de grâces que je puis, et de lesmoigner le grand capi-
tal que j'en faicts pour l'assortiment de mon cabinet, que je feray son-
ner le plus haiilt qu'il me pourra estre loisible, pour le renom et ta
recommandation de la personne qui s'en est vonlu priver pour l'amour
de nioy. Et si vous m'en eussiez envoyé le dessein que m'en aviez pro-
mis, je n'eusse pas tant diiïeré de luy en dire mon advis, et eusse
bien jugé dez lors à peu prez la contenance, que je devinay à l'ouver-
ture de l'estuy avant mesmes que l'avoir mesurée, tant j'ay acquis de
practique en cette sorte de recherches. Dans la mesme boittf» quarrée
je receuH le petit Astragale avec la figure du senio, que j'estime bien
«l que jo liendray bien chèrement pour l'amour devons, comme aussy
ce petit cadenat, en ayant d'autres qui en approchent fort, et l'escuel-
lon où je trouvay un peu estrange que la mesure soit si courte comme
elle est, car il ne semble pas chargé de rouille par dedans ne con-
sumé ou altéré comme par le dehors. Mais tel qu'il est, il ne me sera
pas inutile et je vous en sçay trez bon gré. Et beaucoup plus du vase
que vous appelez sextaire encores qu'il n'ait pas de rapport précis à
la vraye mesure du sextaire des Romains qui debvoit faire la juste
sixiesme du congius de vin, de douze cyathes, et celluy cy en faict
plus de li. Je n'y ay poinct trouvé de cul de bronze. Ains seulement
le plomb qui y avoit esté adjousté par le dedans, pour le rendre plus
pesant et plus propre à se tenir debout et tout droict estant vuide
sans courir tant de danger de se renverser. Ne sçaichant si ce cul ou
ce fonds extérieur de bronze s'est perdu j)ar les chemins de Home à
Marseille, ne se pouvant estre perdu de Marseille icy, parcequ'il estoil
dans un bon sac. Mais encores y trouverav je à discourir, et l'employer
à (juelque chose qui ne sera pas inutile, en attendant que vous nous
rencontriez un vray sextaire, ou un vray congius Romain, tel que
' La Seuora Felice déjà souvent iioinmëe.
Si.
668 LETTRES DE PEIRESC [1633]
celuy de Fainese, dont je ne désespère pas si vous y tenez la main.
Cependant je vous en suis très redevable, mais je vous prie de trou-
ver bon que je vous en indamnise pour le moins de ce qu'il vous «en
a fallu bailler à cet homme qui vous a tant faict haletter aprez cette
proye. Ensemble de ce que vous a cousté d'achept et de reparer vostre
moiclié de pied antique, où j'avois creu qu'il ne manquast sinon un
bout de l'une de ses branches, ne pouvant assez m'estonner de l'ines-
galité que j'ay trouvée aux divisions des onces et des doigts qui n'y
semblent cottées que par manière d'acquit ou pour la forme seule-
ment, et dicis causa ^ (comme les lampes des tombeaux, incappables
de tenir de l'huille) plus tost pour servir d'indice du mestier de celuy
qui en avoit de besoing en sa profession, que pour en régler la me-
sure d'aulcune autre chose.
J'ay par mesme inoyen receu le livre des familles Pisanes dont je
vous ay de l'obligation, espérant qu'il s'en rencontrera quelque joui-
d'autres exemplaires où l'on pourra apprendre le nom de l'aulheui-
qui les a compilées. Estant marry que les pierres bleuastres ne soient
trouvées plus chargées de couleur. Il fauldroit un homme du mestier
pour choisir sur les lieux ce qui luy seroit le plus duisable et laisser
le reste.
Quand à vostre autre dernière lettre du 29 octobre, je ne puis que
vous remercier, comme je faicts trez affectueusement, du soing que
vous avez eu de me retenir et reserver cez graveures extravagantes en
pierre jaulne et héliotrope et en plaque de cuyvre, avec cez inscrip-
tions barbares, comme aussy de la Romaine antique de Peruse, et de
l'offre de l'une de cez pierres rouges semées de pailles d'or, dont j'ac-
cepteray l'une trez volontiers, en vous indamnisant. Et ne refuserav
pas le pislon de marbre, et si ne trouvez de petit mortier comme ce-
luy qu'avez laissé eschapper, je ne laisray pas d'achepter celuy que
me dictes quoyque gros, car puisqu'il n'est que de granito-, je ne
pense pas qu'd puisse estre de prix, comme s'il estoit de marbre blanc
C'est un terme de droit qui signifie: pour la forme, par manière d'acquit. — * Sorte
de pierre, gi-anit.
[1633] À CLAUDE MENESTIUEH. 6«9
bien solide et bien uiiyTorme. Attendu que les barques qui vont por-
ter le vin à Rome, le pourront charger, au lieu de soulfre, à bord de
Ripa Grande, ot apporter à Marseille à petitz frais. J'ay prins plaisir
d'entendre qu'ayez veu faire l'espreuve du linge incond)U8tible du
cardinal Barberin, et vouldroys bien en avoir esté comme vous tes-
moing occiilaire, m'estonnant que ce bon evesque de Pozzuolo aye
fulminé tant d'excommunicalions pour cola, s'il n'y a quelque estrange
abbus ou superstition meslée. Je vouldrois bien cncores avoir veu
l'espreuve de voz vases de metail corynthien, et s'il vous advient d'en
faire jetter une seconde foys, vous me ferez plaisir de m'en faire jetter
un petit escuellon à l'antique, ayant les bons ouvriers que vous avez
de par delà beaucoup plus duicts et expérimentez à telle sorte d'ou-
vrages que les nostres. Vous remerciant irez humblement de l'oflre de
la lampe oi!l estoit le bithumc, que je n'acceple pas absolument, pour
ne vous priver de ce qui est de vostre goust, mais je n'en refuse pas la
veûc, puisqu'il vous plaict. Et pour l'Incitega, je pensoys vous avoir
ouy dire que l'aviez trouvée avec le cercle antique d'en hault qui fai-
soit l'assemblage des troys consoles, qui estoit principalement ce que
j'avoys désiré de voir pour juger de la proportion de la distance
que les anciens y laissoient d'un jambage à l'autre, et de la grosseur
et qualité du cercle, pour juger de la forme du bassin qui se pou-
voit mettre dessus, ou plus tost de la forme du vase qui se devoit
enchâsser dans l'ouverture dudict cercle. Mais je ne vouldroys pas
vous estre à charge pour cela nomplus que pour autre chose, ne dé-
sirant pas que mes amys fassent de violance à leur humeur, pour
l'amour de moy, qui ne suis que trop importun. Sur quoy je fmiray,
demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 17 novembre i633.
J'ay recouvré de Gènes un vieil exemplaire MS. des mémoires del
Gaflaro, qui est un fort gros volume de l'histoire particulière de celle
fi70 LETTRES DE PEIRESC [1633]
ville, continuée par un Stella'. Et m'en faict on espérer encor un
troisiesme, et que j'auray mesmes une coppie du livre du vieil Palla-
vicino, le sieur Giulio Pallavicino mesmes s'estant offert de m'y aider,
luy qui en a compilé une plus grande histoire dont j'attends des nou-
velles par le prochain ordinaire'-, de quoy j'ay bien voulu vous don-
ner advis à celle fin que si vous entendiez que l'illustrissima Senora
Donna Felice s'en voulusse mettre en peine, comme elle m'avoit
mandé d'avoir escript à Gènes pour le Gaffaro, que vous luy fassiez
soubs main sentir qu'il ne sera pas de besoiug, puisque j'en suis prou-
veu d'ailleurs,
vostre, etc.
À .Aix, ce 17 noveinbre i633'.
LXVII
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Enfin M' Chartres nous est venu voir icy depuis le passage du der-
nier ordinaire et m'a apporté la bague d'or oh est enchâssée la statera ,
qui estoit tout ce qui restoit de ce dont vous l'aviez chargé, car de
Marseille il m'avoit envoyé la boitte carrée du vase de chrystal avec
le vase de bronze et le libvre des familles de Pise, dont je vous accu-
say la réception par ledict courrier. Il m'a depuis accommodé d'une
graveure en vEmatite dont vous m'aviez parlé, et de quelques tailles
doulces et livrets, comme il est leur homme* ^t y a mesme adjousté de
' Les Annales de Cafaro, avec les conti- il ne paraît pas venir du cabinet de Peiresc.
niiatioiis. ont élé publiées dans les -WoHwwenfa (Communication de M. Léopold Delisle.)
Qermaniœ histoi^ica, Scriptores, t. XVIII, ^ Ces deux Pallavicino n'ont pas (^t^ men-
p. 1 1 et suiv. Il y a à la Bibliothèque natio- tionnés dans le Manuel du libraire.
nalo, fonds latin, n" SSgg, un manuscrit ' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de
du xv' siècle qui contient en partie les chro- Montpellier, ms. H 37 1 , fol. 1 28.
niques de Cafaro et de Georges et Jean Stella ; * C'est-à-dire : iV en est grand connaisseur.
[1633J À CLAUDE MENESTRIliH. 671
cez petits pots de terre antique de Malte ou de Sicile, et de cez pierre»
dont on faict le PetroHio', mais il n'y paroit que du souflre, et en voul-
droys bien voir quelque morceau de celles qui prodiiysent de Tliuille.
Sur quoy en vous réitérant mes humbles remerciments je demeure,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aiï, ce I décembre i633 '.
LXVIII
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Par cest ordinaire j'ay recen deux vostres l'une du 3' et l'aultre du
17*= novembre; par la première m'escrivés qu'il vous a pieu me tant
obliger que de me recommander de nouveau à l'eminentissime car-
dinal Barberin, de quoy je vous ay beaucoup d'obligation pour tant de
fois qu'il vous a pieu me favoriser par toutes celles que luy avez e»-
cript. Toutefois me pardonneras et ne prandrés de mauvaise part si
j'ose vous escrire que Monsieur de Vaison me dit un jour que Son Em"
n'avoit à plaisir dos si fréquentes recommandations. Je ne sçay s'il le
disoit pour le subjcct de Monsieur Holsteuius ou de moy, car Son Em*^*
pour ordinaire luy remet en main les vostres. Jamais je n'avois prins
l'hardiesse de vous le faire asçavoir. Je ne sçay de quels termes user
pour vous remercier assez le désir qu'avez de mon avancement de quoy
je demeureray éternellement obligé. Mais pour vous dire franchement
je croy que ne ce [sic) sera pas de ceste saison icy. Car quant bien
qu'il y vacqueroit quelque chose du pays ce ne seroit pas pour moy.
Vous sçavés Tanné passé comme j'en ce bon heur de repasser auprès
de vous et non d'i sesjourner selon que mon debvoir m'y obligeoil,
atlandant vos commandements, que je vous fis h sçavoir que j'a vois laissé
' Pélrole. — ' Bibliotlièqiie (le l'École de mëdeciiie de M(mt|)eBier. ms. H *7i, fol. ««*.
672 LETTRES DE PEIRESC [1633]
toutes mes affaires imperfaicles au pays pour repasser en diligence à
Rome pour solliciter un Prioré lequel estoit vacqué lors que j'estois
par delà et que pour en donner le premier l'advis j'avois envoyé un
courrier à Nancy addressant mes leti'es à Monsieur le chevalier dei
Pozzo lequel de sa grâce fit incontinant faire une suplique et un mé-
morial lequel il recommanda à Son Em™; il eut la nouvelle i5 jours
avant touts aultres, il avoit eu la parole pendant que l'affaire n'estoit
divulgée, à mon arrivée un certain en présenta 5o ducats de pension
lequel il emporta et 2 5 ducats furent concédé à ce mien compatriot
(duquel je vous ay parlé aultres fois) et les aultres 26 à un aultre
serviteur et moy qu'estois arrivé à temps et m'estois mis en grand
danger je n'eu n'y bénéfice ny pension. Croyant facilement que je le
pouvois obtenir pour avoir envoyé exprès et de plus qu'il n'y avoit que
deux mois que ce mien compatriot avoit eu un aultre prioré de six
cens escus d'or au pays et depuis peu en a obtenu un aultre sans les
aultres simples bénéfices de sorte qu'il faut que je m'arme de patiance;
attandànt il vous plaira m'excusser si je vous ay tant entretenu de ce
discours sçachant le peu d'espoir que j'ay d'estre pourveu.
Je suis extrêmement mary de ne m'estre pas treuvé à Paris lorsque
l'on a vendu de si beaux cabinets. Monsieur Aubery de sa grâce m'en
a donné advis; si j'ay mancqué ceux îà j'ay aussi mancqué plusieurs
bonnes occasions par la Lombardie et à Mantoue pour les despoulies
de ce precieu cabinet des ducs de Mantoue, car plusieurs en ont faict
venir des pièces jusques icy. Mais ceste poursuite de prioré me fit
rompre le dessein que j'avois de passer de Gennes à Milan et de là à
Vérone et à Venise. Là où j'aurois treuvé des merveilles pour la grande
mortalité qu'il y a régné si longtemps. Monsieur du Buisson et aultres
curieux m'ont aultresfois faicts des recis admirables du cabinet du duc
de Bavière lequel vous m'escrivés avoir esté exposé au pillage; je suis
fort merry que ma fourtune ne me permit d'arriver jusques là.
La vostre 2" m'a levé de l'anxiété dans laquelle j'estois du retarde-
ment de Mons"' Chartres, mais Dieu soit loué de ce qu'il est arrivé sain
et sauve et qu'il vous a mis en main les choses desquelles je l'avois
[1633J À CLAUDE MENESTRIEH. 673
chargé , principalement le vase de chryslal , ayant délivré les deux voslres
tant au sig' Alessandre Rondenini qu'à la sig" Felice sa consorlae,
lesquclz les ont receu avec grand conlantement. 11 me desplait d'aultre
costé grandement pour vous avoir faict si longues fesles de ce vase que
j'appellois sextaire ne soit estre ce que je croyois. La forme d'iceluy
estant du tout semblable au congius m'y avoit faict donner ce nom là.
Il n'y avoit point le cul au fond dudit vase lors que je l'eii et le premier
possesseur m'a dit ne l'avoir veu aultrenient.
Le sculpteur tient tousjours à ma réquisition ce mortier de granito,
si en cas il n'en treuve un aultre plus léger, lequel je vous envoyray
par l'occasion de la première barque que se partira avec le pislon, l'es-
cuellon de paste jaune, les médailles d'or et la pierre parsemmée comme
de pailles d'or. Je feray aussi diligence de faire jetter au plus tost un
petit vase après l'antique des médailles de métal corynthien ne s'en
treuvant comme sçavés que soubz l'Empire d'Auguste, Tibère, Caius
et Glaudius et plus bas je n'en ay jamais veû aulcune, j'entend celles
qui sont comme marbrées, c'est asçavoir une tache jaune et une rouge
comme cuivre et airain, vulgairement icy tout le métal icy («»c) on
l'appelle métal Goryntbe (c'est à sçavoir l'antique) qui est jaune comme
sont plusieurs médailles et les portes et architraves jadis de la Ro-
tonde. Il y a environ un mois que j'escriis [sic) de nouveau à mon
oncle le prieur de m'envoyer de nouveau des greffes de reste saulce
et le supplie de vous les addresser au plus tost à celle lin que par vostre
diligence Sou Em" en puisse avoir, n'ayant reprins ceulx qu'il vous a
pleii luy envoyer.
J'ay donné i\ Son Em" une petite lame de bronze espoise d'un duca-
ton de la forme et grandeur et avec l'Inscription que verres icy joincte '.
Je ne sçay à quoy elle auroit peii servir, si par hazard n'estoit quel-
ques responces comme de ces sortes prœnestinae. Une aultre que
' La copie de l'inscription que Menestrier au dos de la lellre de son com>spondaut :
avait joiiile h sa lettre ne se trouve pas dans irOracula a-ri incisa. Q\'\\ PETIS WS.
le manuscrit ç^^Mi ; nuiis le texte nous en a TKMPVS CO.NSILIVM QVOU UO(!AS NON
élé conserve par Peiresc qui a mis cette note EST. »
T. 86
674 ' LETTRES DE PEIRESG [1633]
j'avois designé il y a quelque temps je vous l'ay designé la première
laquelle est du tout semblable de forme et grandeur. J'en ay encore
veu une aultre de mesme façon et de différente inscription. Les vases
de terre que l'on m'envoye sont par mer. Lorsque je les auray receu,
si je juge quelque chose de vostre goust, je ne mancqueray de vous
l'envoyer et tout ce que je pourray recouvrer ou sçavoir que vous puis
estre aggreable, demeurant,
Monsieur,
vostre très humble et très obligé serviteur,
Claude Mexetrie.
A Rome, ce 17 décembre i633'.
LXIX
A MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je viens de recevoir de Lyon vostre despesche du ig"* du passé,
trop tard pour vous respondre par l'ordinaire de Gènes, par qui l'ex-
pédition fut faicte dez avant hier. Mais je viens d'apprendre qu'il passe
un extraordinaire par lequel j'ay esté bien aise de vous pouvoir accuser
la réception de vostre lettre, et vous faire un peu de reproche le plus
modestement neantmoings que je puis de ce que vous ne m'avez nommé
celuy à qui vous avez consigné la boitte dont vous me parlez. Car il
y a plus de huict jours que le train de M"' de Grequy fut desbarqué à
S' Troppez, et qu'il est desja presque tout passé, ayant receu par deux
diverses personnes deux pacquets tant de M"" de Fontenay Bouchard,
que de M' Despiots qui m'a envoyé des cordes de Luct par un neveu
de M'' de Gastines, qui eust esté bien aise de se charger de tout ce
' Bibliothèque nationale, fonds français, gô/ii, fol. 908.
[1633J À CLAUDE MENESTRIER. 675
que vous eussiez voulu, et de tout ce que vous eussiez remis à M' Des-
piots, et n'auroit pas laissé en arrière l'escuellon de paste jaulne et
vous eust deschaigé du soinjj de chercher d'autres comraoditez. J'avoys
apprins par ledict sieur de Gastines, à l'arrivée de son neveu, qu'il
avoit receu vostre récépissé des i o escus et apprins de M' Despiots le
payement des 8 escus d'autre part. Ce qui me fesoit juger qu'il y avoit
quelque fagot en chemin sur cette galère où vous pourriez avoir ad-
jousté quelque chose pour moy. Mais voyant que tout ce monde estoil
passé si longtemps y a, j'avoys perdu espérance qu'il y eust plus rien
pour moy. Et crains bien que tout cela n'ayt eu de mauvaises adresses,
car cez sortes de gents se trouvents desbarquez si loing de Marseille,
et possible en peine de voitture, se trouvant bien empeschez et impor-
tunez de telles commissions et fagots, et sont parfoys constraincts de
les confier à des gents (jui ne s'en acquittent guieres bien, et vous eus-
siez esté descliargé de tout cela, si vous eussiez remis vostre boitte à
M"^ Despiots, ensemble l'escuellon de pasto jaulne, dans une autre
boitte à part bien conditionnée avec du cotton, suyvant la prière que
je vous en avois faicte, car M' Despiots ne laisse gueres eschapper de
commoditez d'escrire et envoyer à M"" de Gastines tout ce (ju'il veult,
et par des mariniers gents de leur commune cognoissance, qui pour
rien ne vouidroient avoir failly de les rendre fidellement. C'est pour
quoy je vous supplie de remettre ledict escuellon audict sieur Despiots
dans une boitte bien forte, sans y rien mesler qui la peusse casser ou
gasler. Et si pouvez y joindre la patere de bronze dont vous me parlez
qui a des lettres Etrusques, je n'y plaindray pas les six escus, si tant
est que vous la jugiez antique asseurement, et qu'elle soit honneste-
ment bien conservée. Mais il la fauldroit mettre en une boitte ou estage
de cassette à part de l'autre de verre de peur que l'une ne rompe
l'autre et le tout acconunodé proprement avec du cotton et vous en
descharger sur M"" Despiots, qui me l'envoyera soubs les adresses de
M' de Gastines par des barques Marseilloises qui vont maintenant en
mer avec du vin et ne seront pas si tost expédiées que vous ne puissiez
avoir receu mes lettres présentes.
«5.
67G LETTRES DE PEIRESC [1633]
Quant aux médailles d'or, j'ay bien du regret qu'on y ayt voulu ei-
i'acer l'inscription de ROMA, mais pourtant encorcs les aymeray je
mieux ainsin que de ne les avoir pas. C'est pourquoy ne faittes pas de
difficulté de les prendre, ensemble toutes celles tant d'or que d'argent
ou autre metail, des consulaires, que vous rencontrerez n'avoir esté
dépeintes au libvre des familles de Fulvius Ursinus, mais pour l'hon-
neur de Dieu, en les prenant envoyez les à M' Despiots et tout le reste
que prendrez pour moy, afin de ne me laisser en ce desplaisir des
commoditez qui vous eschappent de me les envoyer, lesquelles ne luy
eschapperont pas à luy. Et quand vous eussiez ramassé quelques frag-
mentz quoyque rompus des ornements d'ivoyre dont estoit enrichy le
coffre où vous dictes avoir prins la serreure et des clouds, vous n'eus-
siez que bien faict pour me faire voir que c'estoit.
.T'escriray demain à Marseille pour faire demander à touts les ma-
telofzs qui ont apporté le train de M"" de Grequy de S' Tropez à Mar-
seille, s'ils ont une boitte, et s'il est demeuré personne en arrière,
espérant qu'elle se retrouvera quelque jour et vous suppliant d'excuser
ma liberté et me tenir tousjours.
Monsieur,
pour vostre , etc.
A Aix, ce 17 décembre i633 '.
LXX
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Je suis esté fort aise d'apprendre par la vostre dernière qu'avés
receu la boette que vous porta maistrc Jehan le Tailleur et suis marri
d'aultre costé que n'avés eu telle satisfaction que je desirois de la lampe
de bronze, voyant que faites quelque reflexion sur les cliaisnons à quoy
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 97 1 , fol. 1 l'è.
[1G3/)] À CLAUDE MENESTRIEH. 677
elle est pendue. J'acliepla des Gontadins laditte lampe en la mesme
forme que 1 avcîs receue ormis le crochet à quoy elle estoit suspendue,
lequel se rompit. Et les chaisnons estant touls pleins de roullie ne
pouvoint joiier ny se manier, mais je deflis toute la roullie qu'em-
peschoit leurs fonctions. J'ay un aultre crochet du tout semblable à
celuy qu'est rompus; si le désirés je vous l'envoiray. Quant à ce qu'est
de la matière bilhuniineuse (ju'esloit dedans, je tiens asseuremfut qu'il
n'en est point rost«3 dans icelle, car estant matière secque et aride,
elle n'esloit attaché au métal ains batloil en icelle et j'eù la curiosité
de la tirer toute hors d'icelle. Je vous en fairay tenir d'aullres pièces
que me sont demeurées. Pour les bouches (que m'escrivés) des lu-
A mignons, je n'en ay jamais veu qui usf des covercles, mais
i bien souvent le trou par lequel on meltoit Ihuile lesquels
Ç^ esloint attachés par le haull avec un chaisnon de la forme
que verres icy en la mar^je; j'en ay un entre aultre sur
lequel il y a un oyseau. En toutes les lampes que j'ay veii
jusques à prcsanl j'ay tousjours observé que les chaisnons
estoint fort grossiers. Ayant appriiis par la vostre que le morceau de
ferrure vous avoit esté quelquement à cher et que desiriés s'il estoit
possible d'avoir les doux enrichis de teste de femmes, j'ay faict en sorte
que je les ay retiré de la main d'un curieux ({ui h\s avoit avec un petit
quarré d'une des pièces d'yvoire de quoy le rollVe estoit orné, dans
lequel il y a gravé une figure d'une femme de relief et un petit enfant
encore qu'ilz ne soint point de tropt bonne manière. Les Gontadins ont
un vice entre eux que lorsqu'ils trouvent quelques choses en foucyanl
la terre ils ne le révèlent jamais aux compagnons qui travaillent en
leurs compagnies de peur que les aultres n'en veullenl leurs parts
comme est l'ordinaire. Et lorsqu'ils treuvent quelques choses de com-
pagnie ils le partagent entre eux; aulcuns d'iceux le vendent à la pnv
miere occasion et d'aultres font amas de plusieurs choses pour vendre
tout ensemble ce qu'ils ont treuvé en deux ou trois mois. J'ai fairl
toute la diligence que m'a esté possible pour retreuver les aultres pièces
dudit coflVe et n'ay sceu descouvrir qui les aura eu, car les paysans
678 LETTRES DE PEIRESC [1634]
vendent par les places à divers rechercheurs qui font la recherche
auprès de ces paysans lesquels ne les recognoissent plus, et puis les
vont distribuant aux curieux.
J'ay prins la patere avec les letres étrusques, n'estant point un es-
cuelion ains comme une patere laquelle n'est pas beaucoupt fondé seu-
lement de la concavité de l'espesseur d'un demy doigt ayant un manche
ouvragé long demy palme; au milieu d'icellc il y a gravé un grand cheval
ayant devant iceluy une figure niie affoiblée d'un manteau lequel
semble luy vouloir donner d'une pierre, et à costé une aultre figure
vestue avec un bonnet phrygien luy menace d'un marteau. Ledit cheval
est attaché contre un rocher par le pied droit et par le gauche dernier
à une aultre en pasture; les characteres sont semblables 2HIX/0. Sur la
leste de celuy qu'a le marteau il y a escript EXflAK et sur l'aultre figure
13033 MaOdAHZ. Il y a puis alentour un chappeau de fleur et en bas
une victoire. Le sig' Frac" Angeloni en a une quasi semblable et dans
icelle il y a gravé Paris avec son bonnet phrygien et letres AAEXANDROS.
Je prandray la graveure avec les letres AlAOT et tacheray s'il y a
moyen d'en lever quelque chose des six escus et parleray à ce banc-
quier lequel s'appelle il banque de Ceri. Je ne sçay pas son propre
nom et ne luy ay peu encore parlé n'ayant que deux jours que j'ay receu
la vostre estant Monsieur de Bonnaire hors de la ville. Je croy que je
pouray retirer des mains du sig"^ Fran'=° Frachino la médaille d'Hadrian
avec le tripied ja que je cognois par la vue qu'en recevrés grand plai-
,sir. Iceluy se délectant sur tout de médailles fort conservées et verdes.
A cest effect j'achepta hier pour un escus une médaille d'Hadrian avec
une restitution le plus beau qui se puis veoir, car pour argent il ne la
donneroit nullement. J'ay veii la letre qu'avez escript au sig*^ Gavai""
del Pozzo touchant le mesurage des vases du sig"" Angeloni. Je me treuva
presant lors que son frère les mesura. La demye fogliette arrivée jus-
tement au signe jaune d'en hault lequel est faict par un olficier du
Campidoglio lequel seul a ceste authorité de la chambre et le con-
tenus doibt arriver jusques au dessus de la marque jaune; les vases
fureiit mesuré avec ladite demye foghette et leur arriva tousjours an
[1634] À CLAUDE MENESTRIKH. 679
la superficie ou bourd d'eu liault d'une marque jaune, et puis ce que
contenoint de plus lesdits vases est noté par les nombres qui sont au
bas de ladite deniye fogliette commençant à la raye d'en liault mar-
quée A et ainsy consequtivenient. Mons" de Bonnaire c'est voulu
charger de la letre du sig' Lud'" Compagno lequel, k ce que j'ay ap-
prins, est dès il y a quelques jours détenus dans le lict de la podagre.
Je le verray au plus tost qu'il me sera possible. Je donna il y a en-
viron un mois voz Ictres à la signo™ Felice par lesquelles accusiés
le vase de chryslal lesquelles elle receut volontiers. Il y a environ
dix jours que le card' Boncompagno est arrivé en cest court, mais le
malheur est qu'il n'a apporté avec soy aulcunes de ces curiosités, dési-
rant de s'en retourner bien tost à Naples. Faissant ces jours passez une
reveue dos mcdalles du sig' Piètre Stcplianoni, je (reuva parmy icelles
quatres médailles de bronze avec des trépieds conservés et qualres
aultres avec des deités Aegyptianes, lesquelles je luy paya a jules pièces.
Je vous les envoyray par la première barque qui se partira et con-
signeray la cassette bien accommodé au sieur Guillaume d'Espiot. J'ay
escript à mon oncle le prieur de vous renvoyer au plus tôt des greffes
de saulces à cause que Monseg' le card' Barberin me les demande
souvante fois. J'ay poursuyvis ces quinze jours passez une chapelle de
la valeur de hoo livres de mon pays et nonobstant ce mien compatriot
qu'est aUvSsy au service de Son Emin'^'^ l'a empourlo. Je la demanda avec
toute instance à Son Emin'^% luy disant que moy seul entre touts les
compatriots depensoits ^ ou 5oo escus de mon patrimoine et que touts
les aultres estoint mercenaires en cest court, et que je le suppliois de
me donner quelque chose pour pouvoir maintenir le cabinet de curio-
sités que j'avois dressé à Rome là où venoint touts les jours des cardi-
naux et segneurs curieux. Il ne mo repondit aultrc si je Pavois montré
à des Anglois (ju'il m'avoit envoyé, luy disant que je [l'avois] faict, il me
dit que je luy donne le nom de touls les curieux de Home et ne me ' . . .
' I-e reste inanq\ie. Goiiime la date fai- rlierché h l'en raiipnH;licr le plus possible,
sait partie de ce reste, je n'ai pu sûre- l'attribuaul aux pivmiers jours de lannAî
ment placer celte lettre îi son rang; j'ai i63'i.
680 LETTRES DE PEIRESG [1634]
J'ay achepté une petite inscription de marbre assez curieuse à cause
du nom Pansariorum de laquelle je vous envoyé la copie '.
J'ay achepté une plaque ronde de bronze grande comme une pa-
tène, ayant deux bords qu'avancent de l'espesseur d'un ducaton tant
d'un costé que d'aultre, enrycliie de moullure et ornement tant d'un
costé que d'aultre et ornée encore tout alentour ayant un morceau
d'une cbesiie attaché par laquelle elle a esté aultrefois suspendue. Je
ne sçay si ce seroit point de celles que les anciains dedioint aux temples,
ou bien si elle aura point servi de base aux vases que l'on mettoit sur
la table, comme l'on use encore à presant en Italie, desquelles parle
Trebat^ Jure cons. de Légal, lib. 5. Je vous l'envoiray avec le reste.
LXXI
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINEMISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
J'ay esté bien aise d'apprendre par vostre lettre du 17 décembre
que la Senora Donna Felice et Monsieur Rondenini, son cher marry,
ayent tesmoigné quelque satisfaction de mes lettres; si vous me faisiez
cognoistre à peu prez en quoy je pourroys rencontrer leur curiosité, je
tascheroys de m'acquitter un peu mieux de mon debvoir en leur en-
droict. Et vous supplie d'y veiller et m'en tenir adverty. J'entends que
' Voici cette iascription qui est repro- On trouve au fol. 21 3. un dessin au-des-
duile au fol. 212 : sous duquel on lit : «Grandeur et forme du
PRO SALVTE DOMVS AVGVSTAE ^"^""'^ d'y voire », et un autre dessin sous le-
EX CORPORE : PAVSARIORVM : ET ^""1 On lit : -rFigure d'un des II doux. »
ARGENTARIORVM : ISIDI ET ' C'est Trebalius Testa, jurisconsulle ro-
OSIRI : MANSIONEM main, né en Lucanie vers 89 avant J.-C,
AEDIFICAMVS ami de Cicéron, qui lui adressa plusieurs
fc"^ lettres, et d'Horace, qui lui de'dia la pre-
mière satire de son livre II.
ft634J À CLAUDE MENESTRfER. 681
vous aurez luaiiiLoiiaiil afforcc barques de Marlijjues et de Marseille,
qui me pounout apporter, si vous voulez, et le petit escuellon de verre
jaulnc, et les vases de terre de Naples, et le mortier mesmes pour gros
qu'il soit. Aussy bien que le vase moderne jette sur quel((ue antique
de metail de Corintlie damasquiné, ou ondoyé de Jaulne et de rou-
geastre, duquel je ne sçay si je n'en ay point veu quelque médaille de
Claudius véritablement, mais restituée par Tite, et possible (pielqu'uiie
de Tite mesmes; ce ([uc je ne vouidrois pourtant pas asseurer si opi-
niaslremont, comme d'une d'Hadrian que j'ay, mais elle est grecque.
Je ne seray plus en peine du fonds extérieur de ce petit vase de bronze
que vous aviez nommé sextaire, puisqu'il a esté trouvé en Testai que
je l'ay receu. Mais comme il s'en trouve fort souvent de séparez
d'autres vases fracassez, je vous prie de m'en garder toutaullant que
vous en rencontrerez, de quelque {jrandeur qu'ils puissent estre, car
dans le nombre de vases que je me trouve à présent, plusieurs des-
quels ont perdu leur fonds extérieur, j'en pourroys rencontrer quel-
qu'uii proj)re à refoncer de ceux que j'ay (comme il m'est desja ad-
venu) beaucoup plus proprement qu'avec des fonds modernes. Kl si
bien vostre vaze n'est pas le vray sextaire du Congius de x libvres, je ne
laisray pas de m'en servir Dieu aydant et de vous en sçavoir tout aul-
tant de bon gré que si c'eust esté ce que vous et moy desirons, ipii
sortira quelque jour de quelque autre costé, s'il plaict à Dieu. Mais
vous m'avez faid un singulier plaisir de m'envoyer les inscriptions de
cez troys petites plaques de bronze. Et si m'eussiez retenu une em-
preinte de celle qui est fraischement passée par voz mains, vous m'eus-
siez obligé au double. Car encores que je ne doubte pas que vous n'ayei
bien imité la forme du caractère, ce m'eust esté une bien meilleure
garentic en main, si j'en eusse peu monstrer l'empreinte, pour peu
que l'escritlure y eusse peu paroislre. Car je ne l'oseroys pas demander
à l'eminentissime cardinal Barberin depuis qu'il n'a pas trouvé bon
que je lui renvoyasse son petit vase d'alabastre que je garde certaine-
ment avec grand honneur, comme chose veniie de si bonne raaiu, et
grandement curieuse à mon gré, mais avec grand regret aussy d'avoir
«6
682 LETTRES DE PEIRESC [1634J
esté cause qu'il soit sorty de son cabinet. Que si les autres deux dont
vous m'envoyez les inscriptions estoient en main de persones qui m'en
voulussent accomoder des empreintes, je le recevroys à singulière
faveur, et si vous en rencontriez jamais quelqu'une à vendre ou à tro-
quer, vous m'obligeriez bien de me la procurer, approuvant fort vostre
conjecture et la pluralité de choses semblables y ayde grandement,
vous priant de ne rien négliger de toutes cez pièces extravagantes.
Mesmessi vous rencontriez de cez petits bastons quarrez tant d'ivoyre
que de metail sur lesquels sont communément gravées diverses pa-
roles, je vous prie de m'en faire avoir tant que vous pourrez. Voire
mesmes de cez clouds de bronze qui sontauicune foys chargez d'escrit-
ture, et aulcunes foys de figures d'hommes et d'animaulx, et d'autres
ornements et enrichissements cappables de me fournir de la matière
de discourir. Ayant autres foys négligé d'en acquérir un que je vis à
Padoiie ez mains de feu sieur Sylvio Doni, que je n'eusse pas laissé
eschapper si j'eusse lors creu qu'il me peusse servir comme il feroit
maintenant, si je l'avoys, car encores que j'en aye plusieurs, ils ne sont
pas chargez de besoigne si curieuse comme estoit celuy là, sur lequel on
avoit gravé une vingtaine de figures fort mystérieuses. Les curieux de
medaglias négligent le plus souvent toutes cez pièces si extravagantes
et si inutiles à leurs suittes, et moy au contraire comme vous sçavez
je m'y amuse quasi plus volontiers qu'aux médailles. Si M' vostre oncle
m'envoye voz greiïes, je les pourray faire tenir pins commodément
que l'année passée Dieu aydant, parce que les courriers de Lyon ne
font plus difficulté de se charger de mes despesches tant au retour qu'à
l'aller. Et vont plus diligemment et plus règlement qu'ils ne souloient
faire. J'ay oublié de demander à mon frère si celles que nous avons faict
anter à Boysgency ont bien reprins ou non, car il en est reveim depuis
peu, et n'est pas maintenant à la ville, me doubtant que ce soit un
arbre que nous avons là, d'ailleurs, auquel cas il vous seroit bien plus
commode et plus asseuré de ne les prendre pas plus loing que d'icy,
mais il en faut estre esclaircy au préalable. J'en escriray à noz gentz
de Boysgency. Et vous asseure que j'ay esté bien fasché d'apprendre
[1634] À CLAUDE MENESTRIER. 683
le mauvais succez de vostre [)Oursuitte pour le [)rioré de voz cartieis,
et que n'ayiez rien obtenu sur tant de nouvelles vacances, vous exhor-
tant neantmoinys tant que je puis à la paliance. Car j'ay ouy dire que
Rome ne fui jamais si ingrate, que tost ou tard elle ne donnast quel-
que chose à toiils ceux ([«i pouvoicnl attendre leur temps et les bonnes
heures. Cependant je feray mon prollil de l'advis dont je vous remercie
et demeure,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce la janvier t63â.
Nous avons veu icy le sieur Huffe, fils d'un apoticaire de Bedarrides
lez Avignon', <jui nous a laissé de ses Essences, Baulmes et Pouidres
fort suaves. Il dict qu'il a faict l'eau de Jassemin trez odorante, et m'en
a promis.
Vous ne m'avez rien mandé de cez caveaulx descouverls à Pozzo
Pantaleone, enrichiz de slucco et de couleurs rouge et bleue, où il
y avoit, ce dict on, 200 pots de terre pleins de cendres et quelques
corps morts, avec une infinité d'ii»scriptions qui eussent esté bien bonnes
à avoir par escript, pour en examiner le rapport des uns aux autres
pour la parenté ou alliance qui pouvoit estre entre toutes les personnes
qui y avoienl leur sépulture, ou leurs esclaves. Dict-on qu'il y avoit
afforce larmoirs qui eussent esté bons à conter, et en examiner la
disposition si elle estoit uniforme et de mesme nombre en chasque
Loculus, ou en chasque trou ou Niche, dans quoy estoient logez cez
vases, ou accouplez ou uniques. Et s'ils estoient louts droicts, ou ren-
versez. J'eusse bien volontiers recouvré quelque morceau de ce slucco,
des figures ou enrichissements de feuillages ou de moulleures d'Archi-
tecture qui y pouvoient estre avec cette peinture bleue ou rouge, dont
j'eusse faicl mon prollil. Il en faudroit faire une bonne relation bien
exacte. M' de Bonnaire a esté sur les lieux '-'.
' Bi^dnirides, chef-lieu de canton du dt'parlement de \aucluse. est Ji i5 kilonièUv> d'Au-
gnon, iiu coTilluent de l'Ouvèzo cl d'une branche de la Sorgue. — ' Bibliolhù<|ue de l'bcole
de niddecine de Montpellier, ms. H ayi, fol. t38.
8fi.
684 LETTRES DE PEIRESG [1634]
LXXII
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Par ceste ordinaire passé je n'ay point apprins que personne aye
receu des vostres; je tiens d'ors en avant que les aurons avec plus de
dilficulté à cause que les courriers ne passeront plus vers vous, car ils
reprendront leurs chemins ordinaires. Est arrivé à Ripa Grande une
barche de Martègue^ laquelle a apporté du vin pour Son Eniin". J'ay
desja faict faire la caise propre pour vous envoyer desegnant de s'en
retourner en bref. Depuis les curiosités que je vous ay donné advis
j'ay allafin receus deux beau vases de Naples, lesquels sont de la forme
et grandeur du plus grand qu'a le sig' Angeloni, ayant chascun deux
anses. Ils sont de terre fort espes avec la vernis noire et historié tout
autours avec des figures quasi d'un palme d'auteur, le champ estant de
la couleur de la terre jaunastre et la vernis noire. Le seg"" Pasqualino
en avoit de semblable quasi lesquelz sont venus en main de Mon-
seg'' le card' Patr". La sepmaine passé estant député du card' Ginetli
vicaire du Pape, pour aller lire des inscriptions qu'estoint sur des corps
de martyres dans le cemetyere de S^" Lucina proche S. Paul, je vis en
plusieurs lieux que les fidelles de la primitive Eglise usoint fort de
mettre des lampes auprès des corps des saints; nous treuvasmes entre
aultre un lieu là où estoit gravé dans la chaux qui serroit l'ouverture
d'un trou dans lequel estoit le corps d'une sainte, le P et puis LN GOND.
IVSTINA POSITA" si mal escript que demeurasmes un bon quart
d'heure avant que de pouvoir déchiffrer ladite inscription. Vu milieu
estoit attaché une lampe de terre sur laquelle il y avoit relevé le chan-
delier du temple de Salamon [sic). J'en vis une aultre sans aulcun sym-
bole au dessus de laquelle il y avoit une petite clochette de cuivre at-
taché dans le touffe (?). Nous treuv&smes un aultre corps saint au dessus
' Une barque de Martiffues. On a presque besoin do fraduire le langage de Meneslrier.
[idU] À CLAUDE MENKSTHIKH. 685
duquel y avoit gra\6, une palme et ABVNDIVS, il y en avoit puis les
Centinaires (?), sans aultre si{;ne que le P. J'heu un grand contante-
nient de veoir ces saints lieux que l'on avoit descouverts un peu au-
paravant estants touts remplis de terre.
Le sig"" Alessandro Rondonini et la signo" Felice vous saluent et
m'ont prio de vous escrire si auriez point aulcune notice d'une co-
lonne grande que l'on dit estre en France de marbre blanc et noir an-
tique, car iceulx auroint à cher de le sçavoir. On leurs a aussi dit
que l'on treuve en Languedoc dudit marbre blanc et noir fort beau;
ilz désirent faire une chapelle pour leur famille et n'ont de besoing que
de marbre blanc et noir. L'on en treuve en quantité auprès de Luc,
mais il n'est beau. Attendant le depart[ement?] de la barque, je me
dis à jamais.
Monsieur,
vostre très humble et très obligé serviteur.
Claude Menetrie.
Rome, ce i" febvrier i634.
Lxxm
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMIINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARRERLy.
À ROME.
Monsieur,
Sur vostre lettre du i ^"* du passé je vous diray que par le patron
Faulconier de Marseille fraischement revenu de Rome, je receus der-
nièrement une boitte de M' de Bonnaire, où je pensoys trouver vostre
escucllon de verre jaulne, mais au lieu d'iceluy, j'y trouvay un simple
larmoir do verre avec un plat de terre percé, dont je demeuray bien
mortifié; si vous eussiez baillé dez loi*8 vostre dict escuellon el palere
étrusque à M"" Despiols, nous l'aurions ja receu et vous en pourrions
dire nostre advis. Mais puisque M' Despiols vous a dict qu'il y avoit
686 LETTRES DE PEIRESG [1634]
eiicores des barques Françoises à Ripa Grande, nous ne sommes pas
hors d'espérance de voir bientost le tout. Et si vous y vouliez adjouster
cez escuellons de balance antiques, vous nous obligeriez bien, et pos-
sible y trouverions nous quelque usage de plus que ce que vous en
pouvez avoir descouvert de par delà. Je tascheray d'escrire un mot à
reminentissime cardinal Boiicompagno par cet ordinaire ou par le
prochain au plus lard Dieu aydant, et de luy envoyer quelque clio-
sette, puisqu'il s'en vienl à Rome, où je vouldroys bien qu'il Csse plus
de sesjour qu'il ne faict.
Au reste vous me despartistes une petite graveure en Agathe d'une
figure assise environnée de Termes dont vous vistes que j en avoys
deux ou troys semblables, mais en toutes il manque je ne sçav quoy
qui empesche de bien recognoistre tout le contenu , et particulièrement,
un certain corps informe et irregulier qui est aux pieds de ladicte
figure au costé gauche d'icelle, car au costé droict y a un corbillon de
fruicts, ce semble. J'en ay foi't souvent rencontré de pareilles en mes
voyages, et en ay laissé perdre ou esgarer une en mon estude, qui
estoit plus nette que toutes celles qui me restent, et que je vouldroys
bien retrouver maintenant que la fantaisie m'est veniie d'y songer. Je
ne doubte pas que vous n'en ayez afl'orce de pareilles de par delà, chez
les curieux, et vous supplie d'y en faire la recherche, et de m'en en-
voyer tout aultant que vous en pourrez acquérir, ou à tout le moings
des empreintes en souffre ou autre matière bien propre à bien repré-
senter le contenu d'icelles. Et m'excusez de la peine que je vous donne
si souvent, estant tousjours de tout mon cœur,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 9 febvrier i634.
Si durant le sesjour que fera dans Rome le R. P. Athanase Sacchi
des Minimes, il avoil occasion d'employer l'eminentissioie cardinal
Boncompagno, je vous prie de le luy présenter et recommander de ma
part, car il est bien de mes amys, et je luy seray redevable de ce que
[163/i| \ CLAUDE MENESTRIEH. 687
Son Eminenco jnfjcra ])ouvoir faire pour luy «t à vous aussy. Il a un
peu de curiosit*'! pour l'amour de nioy, et en un besoing vous soula-
geroit volontiers de la poursuitle de quelque recherche de curiositez
si vous luy en donniez les addresses. J'ay chaqjé mon homme de laisser
à cachet volant la despesche de l'emincntissimc cardinal Boncompagno,
afin que la puissiez voir et clorre, s'il vous plaict, comme de coustlime
avant que la rendre.
J'ay depuis cscript à l'eminenlissinit; cardinal Boncompajrno el
suyvant ce que vous me mandastes dernièrement je luy envoyé par
mesme moyen la coppie tirée d'un mien livre MS. bien ancien de ce
que dict d'Auguste un historien de son temps dont les œuvres sont
perdues ', ensemble la version que j'en ay faicl faire en latin par Hugo
(irotlius, puisque ce ne sont pas choses qui se trouvent communément
dans les livres imprimez, «fin <|u'il ne croye pas «[ue je veuille rien
imposer par dessus ce qui est de la veriti^.
L'on im])rime à presant f^i Paris mon volume, nu moings tout ce qu'il
y avoit de Polybe et aultres aulheurs anciens non encores imprim»^. Et
parceque l'édition tirera possible encores un peu long traict, j'ay ce-
pendant voulu envoyer cette coppie à l'advance, et quand l'édition sera
achevée, je ne laisray pas d'en envoyer un exemplaire complect à
Son Eminence, si vous me mandez qu'il ne l'aye pas désagréable.
Conservez moy tonsjours en l'honneur de ses bonnes grâces, comme
aussy en celles de l'Illustrissima Senora Dona Felice et de l'illustris-
sime senor son espoux. Je suis en cherche de quelque chose de leur
goust.
J'oublioys de vous dire que si vous rencontriez quelque part de cei
vieilles médailles pesantes de la République Romaine du juste poids de
leurs notes comme celle qui est imprimée la dernière, au feuillet to"*
de l'édition d'Anlonius Augustinus d'Otlaviano Sada in fol°* qui repre-
' Nicolas de Damtis. 1599, in-foi. L'ouvrage fut réiniprim<<(kin>
' La Irailiiction ilalioonc des Dialo/fos de la iii(*me ville et dans le même formiil en
Medellas, par Denis-Octave Soda, fut iin- 1600. en iCof). en i65o.
primée pour la preiniùre Ibis à Home, en
688 LETTRES DE PEIRESC [1634]
sànte d'un costé un vase et de l'autre une faulcille avec une pallolte
de chasque costé pour la marque de l'once, vous me feriez uu singulier
plaisir de me la faire avoir. Ensemble celle des deux pâlottes qui est
au mesme feuillet qui represante d'un costé une teste avec le Petasus,
et de l'autre une proue de Navire pourveu qu'elle soit à peu prez du
poids de deux onces. Car il s'en trouve assez de petites avec la mesme
marque des deux pâlottes qui ont la mesme teste et le mesme revers.
Mais j'en demande de celles de la primitive origine qui estoient ou
debvoient estre du poids des deux onces.
Il se trouve aussy d'autres grosses et goffes médailles qui ont des
vases comme le Cantharus de Bacchus, et des lettres Hetrusques. J'en
ay desja quelques unes^ mais s'il s'en trouvoit d'autres, je ne seroys
pas marry d'en avoir quantité de toutes les sortes différantes qui se
pourront trouver, avec des vases. J'en ay mesmes plusieurs de celles
qui ont l'Astragale comme vous sçavez avec la marque de l'once, mais
je seray neantmoings bien aise que vous m'en reteniez tout aultant que
vous en rencontrerez et que me les envoyiez.
Il me semble mesmes que vous m'aviez faict feste d'une de cez mé-
dailles avec un Taureau, que vous avez depuis oublié de m'erivoyer,
vous suppliant de ne l'oublier plus, s'il est possible. Et de clierclier si
vous n'en trouveriez pas encor une qu'on m'a dict se trouver de par
delà quelque part, de cette grosse et goffe forme, qui a d'un costé le
Modius ou mesure du bled, comme cez petites du temps de Claudius
et de Néron, et s'il s'en trouve d'autres avec des vases de quelque forme
et grandeur qu'elles soient, je vous supplie de m'en procurer des em-
preintes et contre poids, si ne pouvez m'acquerir les originaulx.
Je vouldroys bien apprendre aussy bien au vray s'il s'en trouvoit
mémoire dans Rome, de quelle forme et de quelle mesure à peu prez
estoient les quattre Astragales ou Gnocoli de bronze qui furent trouvez
soubs l'aiguille du Vatican lorsque le Pape Sixte la fit transporter de-
vant S* Pierre, car le cavalier Fontana a bien remarqwé dans son libvre ^
' Dom. Fontana : Délia transportatione dell' obeltsco Vaticano, e delle fabnche di papa
Sixto F (Rome, 1690, in-fol.).
|163/tJ À CLAUDE MENESTRIEK. «589
que chacun des deux (|ui estoient simples pesoit six cents libvres, mai»
il n'en représente {juercs bi(!n la figure, et n'en doiint; pas les mesures
et dimensions, ([ue j'estime debvoir avoir esté mar<juée8 par quelque
curieux du temps, dans ce/ libvres de vieux desseins du Vatican, el
possible chez les héritiers dudict cavalier Fontana. Ayant apprins, ce
me semble, qu'il en fut lon{; temps conservé l'un tout entier. Mais ce
que je désire principalement de sçavoir, est s'ils n'estoient pas i'ormel-
lement de la lijjurc d'un Astragale, car le mesmc Fonlana au 8 fonillel
de son libvre, represantant lesdicls Astragales en leur ancienne place
soubs ladicte Aiguille, leur donne la figure d'un cyj couchée, et neant-
moings luy mesmes se contredisant au feuillet i5""-' luy donne une
autre figure <r-^ qui n'a rien de commun avec l'Astragale, en quoy je
trouve qu'il a un peu de tort. Et n'eusse pas esté inutile de sçavoir eu
quelle posture estoient placez lesdicls Astragales, sur quelle de leurs
faces, si c'estoit par le ventre et par la convexité (pi'ils posoienl sur la
base, comme je l'estime par conjecture, et par les desseins (|ui s'en
voyent imprimez, ou au contraire, et si touts les quattre estoient posez
sur une mesme face, ou s'il y avoit aulcune diversité. Informez vous
en un peu des curieux, et s'il n'y auroit plus persone de vivant entre
les architectes ou autres ouvriers qui se souvinsse de les avoir veus en
place. Excusez moy de tant de peine. Mais cela peult servir de quelque
chose de meilleur qu'il ne semble. Possible que le Stephanoni s'en
souviendra, ou bien le sieur Ludovico Compagni, lesquels estoient, je
m'asseure, de ce temps là.
Et si bien M' le Cavalier del Pozzo n'en pou voit pas eslre, je pense
qu'il en aura ouy parler à d'autres, ou qu'il en aura veu des desseins
quelque part. C'est pourquoy je vous supplie de luy communiquer
cette mienne feuille à vostre commodité, pour en apprendre ce que
vous pourrez de sa bouche el de m'en escrire tout ce tpic vous en aurea
descouvort, sans oublier la ligure de l'Aslragale où estoit represanté le
chien à peu prez, dont je vous escrivys dernièrement.
J'oublioys de vous dire que j'ay recouvré une de cez plaques de
bronze antiques de forme quarrée appelée l'Abacus avec des hanaulx [sic
87
690 LETTUES DE PEIRESC [1634]
pour anneaiu] ou coulchoires dans quoy sont passées des testes de
douds mobiles pour le calcul des anciens, telle mais bien plus belle
que celle que M'' Velserus fit imprimer en son Histoire d'Auspourg'
et que Gruteriis a depuis inséré parmy ses inscriptions. Je vous prie
me mander si vous en avez jamais veu et chez qui, et s'il s'en trouve,
je vouldrois bien avoir coppie bien exacte de la figure des notes nu-
mérales y apposées, car les miennes ne sont pas comme celles du
Gruterus et sont bien plus légitimes, et plus conformes aux anciennes.
Surtout je vouldroys les notes des fractions ou jjortions de l'once^.
LXXIV
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Avec la dernière despesche de M' de Vaisoii du 26 janvier, je receus
une lettre vostre sans datte et sans signature, oii vous aviez inséré le
griffonnement de la plaque d'ivoire, et la coppie de vostre nouvelle
inscription PAVSARIORVM et ARGENTARIOR' que j'ay trouvé bien
gentile à mon gré, et si elle n'est guiercs grande vous me ferez plaisir
d'y placquer dessus du papier mouillé pour prendre l'empreinte de la
figure du charactere, car comme j'estime que ce soit du bas siècle,
plus tost que du hault, je verroys volontiers si la forme du charactere
pourroit ayder ma conjecture ou non.
J'ay esté bien aise d'apprendre que m'ayez retenu la patere Etrusque,
et que le sieur Angeloni en aye une quasi seniblablc en lettres bien
plus intelHgibles, de laquelle je verroys bien plus volontiers l'empreinte
que de touts cez autres vases, s'il estoit loisible, et s'il y avoit moyen
d'y remarquer la vraye figure du caractère du mol AAEXANDROS,
' Rerum augustarum vindelicar. iibri oclo (Venise, iSgi, in-fol.). — ^ Bibliolbèque <lc
l'École de médecine de Montpelliei-, nis. H 971, fol. lâs.
1163/4] À CLAUDE MENESTRIEH. (")
et de rhabilloinerit de. la figure, pour juger dn siècle de rouMii-f.
Vous m'avez l'aict plaisir de me retenir cez médailles des Trépieds dn
sieur Stepliaiioni et m'en ferez encore davantage si vous trouvez moyen
de recouvrer celle d'Hadrien du sieur Francesco Frnncin'no, que je
tascheray de servir aussy de mon costé, si je le puis, trez volonlien»
en revanche de l'Iionnesteté dont il pourra user en mon endroit et
encores M"" le Banquier de Ceri , s'il a agréable que nous ayons quelque
communication de sa graveure avec l'inscription AIAOT.
Je verray trez volontiers cette placque de bronze pcndiie à un cliais-
non, que vous me voulez despartir, pour la joindre aux autres que
j'ay de mesmes, et y chercher quelque lumière de plus qu'aux miennes,
pour nous en faire comprendre le vray usage. Ce chaisnon n'y sem-
blant pas si nécessaire, si elle ne debvoit servir qu'à soubstenir des
vases, toutefoys il fauldra voir si ce n'est poinct chose adjoustée longues
années aprez sa première fabrique, comme les chaisnons de la lampe,
l(3squels n'ont pas eiupcsché que je naye bien ou de la satisfaction de
voir ladicte larn[)e, au contraire j'ay jugé par là que le primitif usage
n'estoit pas si fréquent de les pendre comme aux siècles postérieurs,
et plus goffes. Et ay prins plaisir de voir ce que rae mandez, que n'y
avez jamais trouvé gueres de chaisnons que fort grossiers. Et ce que
me dictes du petit couvercle aboutissant à un oiseau, m'a pareillement
esté bien agréable. Et le seroit bien davantage, s'il se trou voit quelque
lampe avec son vray couvercle approprié à sa vraye ouverture et de
la mesme qualité et anti([uité. Mais pour la matière combustible y
contenue, je ne refuseray pas les morceaux que me promettez, ayant
trouvé fort estrange ce que m'escripvez, qu'elle battoit dans la lanq>e
et que l'en ayez toute tirée. Car j'eusse creu qu'il y en deust avoir de-
meuré quelque portion attachée au vase, estant malaisé de comprendre
qu'une matière grasse telle que doibt estre toute matière cond)U8lible.
se puisse ainsin destachei- de son vase en se congelant et durcissant,
et craindroys bien que quelqu'un ne se fust donné le |tas8eteuq)s d'y
jeter, depuis l'avoir desterrée, par sou orifice, le morceau que dictes \
avoir trouvé qui se seroit mieux conservé dans quelque fiolle, que
87.
692 LETTRES DE PEIIIESC [1634J
dans le metail dont la ronillo est bien corrosive, pour l'y laisser durer
tant de siècles, mais dans des fioles ou gros larmoirs il n'y auroit pas
tant d'inconveniant, et de faicl j'en ay deux trouvez depuis peu, dont la
matière semble quasi de la poix, et est fort bien combustible. Tant est
que si m'envoyez le crochet entier semblable à celiiy qui s'est rompu,
vous me ferez plaisir et faveur, marry de vous estre tant à charge.
Je vous cscrivis par le dernier ordinaire, mais il fallut que mes
lettres fissent le destouf de Lyon, de sorte que vous les recevrez plus
tard que de coustume, et seroys bien marry que ne les eussiez à temps
avant que l'eminentissime cardinal Boncompagno s'en soit retourné à
sa residance'. Je vous prioys de me r'amasser toutes cez grosses mé-
dailles que vous pourriez de la plus ancienne fabrique pesant ou du
juste poids h peu prez avec la marque de l'once et de l'Astragale. Je
vous en reprie encores et d'y joindre toutes celles que trouverez de
celte manière là, qui auront des grains de bled ou d'orge, comme il
s'en trouve assez souvent de différantes grosseurs. On m'a dict qu'il
s'en trouve avec un croissant de lune d'un costé, et un visage de front
de l'autre, rayonné, comme le soleil, dont j'en ay aulcunes, mais elles
ne sont pas de cette vieille manière, ne de ce juste poids de l'once
comme je les vouldroys. J'en ay aussy avec un gland de la vieille ma-
nière, plus petites que celles de rx\slragale, dont j'en vouldroys avoir
quantité s'il s'en trouvoit. Je vous prie de m'en envoyer aultaiil que
vous pourrez et de toute sorte, principalement celles qui seront bien
nettes et bien conservées. Et r'amasseroys volontiers encores quantité
de cez gros astragales de bronze à jouer comme les petits enfants, qui
sont de la grosseur naturelle des osselets de l'esclanche de mouton à
peu prez, comme j'en ay autresfoys veu bonne quantité, dont je ne
tenoys lors compte, comme je feroys à presant, et pense que vous en
trouverez partout chez les curieux, ou vendeurs de vieux cuivre.
Si M' vostre oncle envoyé les greffes, je ne manqueray pas de les
faire tenir incontinent. De ceux qu'il m'avoit adressées, l'année passée,
' À Naples.
[163/iJ À CLAUDE ME\ESTHIi: II. 893
pour mon conte, j'en avoys faict anler à Boysgency, où il en estoit iv-
prins un pied, mais les grands ravaiges des rivières de l'aulomne der-
niei- couporent la hianclie à fleur de terre, de sorte qu'il est encor
nicertain si elle repoussera, et n'y est rien demeuré qui puisse servir
à antor ailleurs, l'année prochaine. Sur cpioy, aprez mes coiidolrauces
de ce que n'avez peu obtenir la cliappelle <|ue demandiez, où je prends
grande part ù vostrc disjjrace, bien l'asclié de n'y pouvoir apporter du
remède, je finiray demeurant,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 22 fohvrier j63â '.
lAXV
À MONSIEUR MENESTRIEH, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUB DE L'EMINENTISSIMK SEICNEUH CABDINAL BARBERI\,
À ROME.
Monsieur,
Il est vray que les courriers du Roy ne passent plus par icy, et que
cela a causé un peu de desordre en son changement, pour faire arriver
quelques despesches plus tard que de coustume, ayant esté constrainri
d'en envoyer une par Lyon. Mais h l'advenir j'espère (pie tant s'en
fault que cela nous produise de la difliculté de faire tenir noz lettres,
qu'au contraire j'estime qu'elles iront beaucoup plus règlement et pins
asseurement de beaucoup, et je me fieray beaucoup plus aux messa-
gers de pied d'Avignon qui sont gents de cognoissance, que à tant de
différentes persones de cez Franchimenls" qui se remplissoieni la leste
de vin et de fantaisie la plusparl du tenq)S. Mais poSvsible n'en aurons-
' Bibliothèque de l'École de nu'decine du sans une It^gère poinle d'ironie. Misbtil ( Imh
Monlpellier, iiis. H 971, foi. iltli. Tretor dou /elibrige) rapporte sou» ce mol
' On nomme Frnnc/iim«i/, et plus souvent deux curieuses citations de d'Asaoucv el de
Franchimand , en Provence, le Français du i'ahbi,' Gi'<<j;oire.
Nord. Ce mot ne va pas, pour l'ordinaire.
69i LETTRES DE l'EIRESC [1634]
nous ia commodité que de moys en moys une foys, en quoy mes amys
ne perdront rien de par de là, car ils n'en auront pas de si fréquentes
importunitez de ma part. Et vous entr'autres.
Le premier desdicts messagers de pied d Avignon, revenant, cez
jours pasFez, de Gènes, commança de m'apporter céans les lettres qu'il
y avoit trouvées soubs une enveloppe de M' de Vaison, avec lesquelles
l'en eus une vostre du lo de lebvrier, où je fus infiniment aise d'ap-
prendre le peu de relation qu'il vous a pieu me faire de vostre descente
au cimetière de S'*" Lucine, desterré nouvellement. Et si eussiez peu
prendre la patiance de copier la forme des lettres barbares de l'in-
scription IN CONO. IVSTINA POSITA il n'eust pas esté inutile, prin-
cipalement si cela s'est rompu, pour ouvrir la sépulture, puisqu'il
n'estoit escript que dans la cliaulx ou le mortier. Et pour vous des-
cliarger de la peine de coppier et portraire la mauvaise escripture de
cez deux mots, il ne falloit que placquer dessus une feuille de papier
mouillé, pressée avec un mouchoir pour y faire prendre l'empreinte du
charactere. Et si vous y retournez, je vous conseilleroys de le practi-
quer ainsin. Car la figure du charactere ayde grandement à conjec-
turer le temps qu'il peult avoir esté escript, aussy bien que du Mono-
gramme ou Signum Salutare qui s'y void tousjours en teste, comme
vous dictes. Mais je n'ay pas sceu comprendre ce que vous adjoustez
par aprez qu'au milieu de cette sépulture westoit attachée une lampe
de terre sur laquelle estoit relevé le chandellier du temple de Salo-
mon.n Et encores moings ce que vous dictes encores «d'en avoir veu
une aultre sans aulcun symbole au dessus de laquelle il y avoit une
petite clochette de cuyvre attachée dans le Touf. t Ce sont les paroles
de vostre lettre. Car j'estime bien que vous avez voulu dire qu'en l'une
de cez lampes estoit represanté le chandelier du Temple de Salomon,
mais comme estendu en relief dans le creux qui forme le dessus de la
lampe, auquel endroict les anciens mettoient communément leurs
symboles de toute sorte, et qu'en l'autre lampe il n'y avoit aulcun'
' Le mot aulcun a élé dcrit deux fois.
[IÙU\ À CLAUDK MENESTRlIiH. 695
symbole, cl qu'elle devoit estre toute lize en cet eudroicl là. Mais j»-
n'entends pas comment cette lampe de terre de Justina poiivoit estre
attachée dans son sepiilclire puisque vous ne dictes poiuctsi elle esloit
.sus])endue, ou fichée., ou lo{;ée dans quel(|ue trou. Et j'entends encores
moin{{8 ce que vous dictes de la petite clochette d« cuyvre attachée
dans le touf au dessus de l'autre lampe. Et vous supplie de me mander
nn peu plus précisément ce ([ue c'esloit, si c'estoit (|ue la cloch(;llf
eusl esté placée sur la lampe, et qu'elle s'y fusse attachée par sncce»-
sion de temps avec la crousle de Toul", qui s'y pouvoit estre engendré
par l'humidité, ou bien si l'un avoit faict un trou dans le Touf, pour \
lourrcr ladicte clochette à l'endroit du dessus du lieu où esloit ladicle
seconde lampe, car si la clochette s'estoit trouvée attachée sur le corps
mesmes de la lampe, j'y Irouveroys bien à dire quehjue chose de jolj,
et en tout Ciis je vous prie de me faire un peu de jjrilïonnement ou
dessein en papier, de la forme de cette sépulture et spécialement du
lieu où fistoit cette lampe, el'de celuy où esloit la clochette, comme
aossy de l'autre sépulture de Justina, et du lieu où estoit logée sa
lampe, et ne plaignez pas vostre peine d'y retourner une seconde ibys
pour l'amour de moy.
Au reste je vous félicite le lecouvremcnt de voz deux beaux vases
de Naples, dont la grandeur et les figures peuvent bien mériter un
peu plus d(! particulière description à vostre loisii', si vous jugez (juil
y ayt rieji d'extraordinaire. Nous attendrons en bonne dévotion la caisse
dont vous voulez charger ce patrou de Martigues, et eucores plus
(juelque bonne occasion de vous servir en revanche de voz honncstetez
et de voz bienfaicts. Il me tardera de voir cez médailles avec des Tré-
pieds dont vous me faictes feste. Et vouldroys bien qu'en eussiez ren-
contré une pareille à celle (jue j'ay autresfoys veu au feu sieur M. An-
tonio del Monte de Vérone, de celles qu'on appelle Contorniate, qui
esloit deTrajaji, et au revers y avoit une grande figure toute mie
comme couchée ou appuyée sur des rochers, devant laquelle y «voit
un grand zodiaque soubstenu sur un Tiepied. J'en ay une euqireinte (jue
m'en donna ledict del Monte, mais sa médaille estoit mal conservée
696 LETTHES DE PEIRESG [1634]
à l'endroict du Trépied. Et s'il s'en trouvoit là (comme je ne double
nullement qu'il n'y en ayl en plusieurs lieux qui ayent ie mesme revers
quoyque possible avec d'autres testes que celle de Trajan), vous me
feriez plaisir de m'en procurer des empreintes de toutes celles qui se-
ront ez mains de personnes assez honnestes pour m'en octroyer la
communication. Et si en rencontrez jamais à vendre à prix modéré,
me ferez plaisir de m'en retenir, non seulement une, mais plusieurs,
pour peu de differance que vous y trouviez en cette particularité du
revers et du Trépied.
Je vous ay desja prié par mes dernières de me ramasser encores
quelque nombre de cez grosses médailles Romaines et Etrusques du
grand poids oili se trouvent represantez des vases, des Astragales, des
grains de bled ou d'orge, et autres de pareille nature. Maintenant am-
pliant la commission ou trez bumble prière, je vous diray que j'en ay
et des Romaines et des Etrusques avec des mains humaines quelques
unes, et que si vous en rencontrez d'autfes avec des mesraes symboles,
vous me ferez plaisir de m'en retenir. Et que si vous trouvez aussy des
médailles paredlement Romaines et Etrusques, de la moindre sorte
de poids, avec les marques des onces et autres de leur valleur (comme
plusieurs autres que m'avez cy devant envoyées), lesquelles ayent des
vases, des Astragales, des grains d'orge, et des mains, vous m'obligerez
de me les retenir, et si c'est en main de personnes qui ne s'en veuillent
desfaire et qui en veuillent octroyer l'empreinte, je les recevray à sin-
gulière faveur. Excusez moy, je vous supplie, de tant de peine et me
tenez tousjours,
Monsieur,
pour vostre, etc.
\ Ai\, ce 3 mars iG'ih.
Pour ce qui est de la colonne que vous dictes de marbre noir et
blanc, si vous ne nous donnez d'autres adresses plus particulières, il
est malaisé que j'y puisse servir la Senora Donna Felice, comme je
desireroys, n'en ayant poinct ouy parler. On a en France de certain
[1634] À CLAUDE MENESTRIEH. 697
marbre noir dont se faisoient deux ou troys cents ans y a les tombeaux
de la plus part des grands, mais encores (|u'il pragne fort beau lustre,
il craint l'ort l'bumidité et l'air, et se reduict facilement en pouldre. Du
marbre meslé de blanc et de noir, je n'en ny guieres veu qui fusse bien
hault en couleur, c'est à dire que le noir y lusse bien noir, et ie blanr
bien blanc, ains y avoit de la confusion, et comme le blanc en estoit
salle ou grisastre, le noir y estoit pasle et tirant aussy sur le grisastre.
11 y a des montagnes prez de Narbonne et de r.'\bbaye de (îaunes', où
il s'esl tiré d'assez beau marbre meslé de rouge cl de blanc, et du gri-
sastre ondoyé de blanc salle, ce me semble, mais du beau blanc et
non-, je n'y en vis poinct quand je fus sur les lieux où le delluiicl
abbé ^ m'avoit invité. Mais il s'en pourroit estre depuis lors descouverl
quelqu'autre carrière. J'en escriray à des amys de ce costé là, et s'il j
avoit moyen de servir cette digne dame et tous les siens, vous croyez
bien que je ny espargneray pas mon petit crédit, et vous supplie de
l'en asseurer aussy bien (jue do la continuation de ma devolinii ;i toute
sa famille.
J'oublyois de vous dire que j'ay de cet As grave des médailles Ro-
maines marquées de pâlottes mentionnées en l'autre page de celle
lettre, dontaulcunes ont pour symbole un gland ou fruict du Quercus,
avec la marque d'un S. Et vouldroys bien en avoir quantité de pa-
reilles pour m'asseurer mieux de leur poids que je ne puis l'aire sur
les miennes. Jay aussy des clouds de bronze touts façonnez et figurez
depuis la teste jusques à la poincte, et vouldroys bien en voir plu.s
grand nombre si vous en rencontrez, comme j'en ay autreslôys veu
plusieurs lorsque ma curiosité n'alloit pas à cela \
' L'al)l)aye l)ëiiédictine de Cannes était dants de Peireac. On conserve à l'inguini-
située à -jo Itilonièlres de Carcassoime. En- t)ertiue (Carpcnlias). dans le registre 1
core aujourd'hui, la commune de Cannes des miiuites, seize lettres adressa à cet
est célèbre par ses l)eaux marbres de cou- ablié.
leur varide. ' Bii)iiotli<^iie de l'École de inAlecine de
' Doni d'Alibort fiit iin des correspon- Montpellier, ms. H 1171, fol. \hù.
6*fê LETTRES DE PEIRESC [1634J
LXXVI
\ MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
Ei\ LA COUH DE L'EMINBNTISSIME SEIGNEUR CARDIKAL BA'RBERIIS,
À ROME.
Monsieur,
Depuis i'expedition du dernier ordinaire d'Avignon à Gènes, j'ay
receu par Lyorl deux lettres vostres du a 5 mars et g avinl et par les
galères une troisiesme du lû"*" avril, ensemble la caisse que vous
n'espériez pas de pouvoir faire embarquer, lorsque vous m'escriviez, la-
quelle «st arrivée bien conditionnée selon la pollisse de chargement
qu'en avoit faict faire à Givita Vecchia, le ig avril, un certain qui
signe : P. Egidio Rossi, lequel m'escript d'en avoir receu l'ordre de
vous. Et s'il est habitant à Givita Veccliia il fauldroit prendre corres-
pondance ôvec luy, car il y trouveroit journellement des commoditez
de voitture pour Marsedle, qui ne peuvent pas arriver jusqu'à Rome.
Vo«s m'escrivi«2 que M' Melan avoit faict embarquer une caisse sonbs.
le nom de quelqu'un de cheï M"" de Grequy avec mon adresse, et M'^ de
Bonnaire m'escript par Lyon sans datte que ledict sieur Melan avoit
prins le soing de faire emballer une caisse du bas relief du marquis
Justinian, mais je ne l'aye poinct receiie, et quelque diligente perqui-
sition que j'en aye sceu faire je n'en ay scen apprendre nouvelles quel-
conques, à faulte de m'avoir nommé celuy qui avoit voulu prester son
nom à M' Melan. Comme je n'ay sceu rien apprendre de tout ce que
vous aviez tiré de vostre caisse pour le bailler à d'auUres. sans me
nommer persone. En quoy vous m'avez laissé en grande peine pour
plaisir soubs correction et non sans quelque tort, puisque je vous avoys
si souvent prié et i-ecommandé les adresses de M"" Despiots qui vous
eust descliargé de tout ce soing et de toute cette peine que vous vous
donnez à chercher des commoditez de voiture, qui fuyenl les genls de
vostre profession, pour aller chercher les gents de négoce comme luy.
Que si vous luy eussiez envoyé vostre caisse et voz boittes ou autres fa-
|lt)3ij À GLAUDK MENËSTRIKH. G»9
gots, sans vous en mettre plus en peine, je le tenois dez loi-s pour receu ,
et ie tout seioit arrivé à bon port avec une 1 5* de balles que M' de
Gaslines a receues sur lesdictes {jalcres. Que si vous en eussiez cliargi*
le P. Théophile Mitiuli', il auroit bien prins cette peine volontiers,
et les seroil allé prendre jusques chez vous. Mais je suis ainsin malheu-
reux, puis(|u'il plaict à Dieu et à nies amys, à quoy il £anlt que je me
conlornic. Je n'ay pas mesnie trouvé dans cotte caisw; les papiers pla-
quez sur cez busqués escrpitz, noniplus (jue le mortier de (îranito que
vous disiez y avoir mis, mais bien deux grands vases de terre noircie
avec quelques ouvrages de figures par dessus, deux de bi-onse assez
mal conservez et tout plein de petites pièces de potterie. Ën8eail)le
deux boittes en l'une destjuelles esloit l'escuellon de verre jaulne fort
entier, mais fort dcspouillé de sa rouille ou pattina, et dans l'autre le
plastie de la patcrc du sieui- Angcloui que j'ay esté bien aise de voir,
comme aiissy un fragment d'une autre patere de verre, et la petite in-
scription de marbre Pansariorum dont je vous remercie trez humble-
ment comme aussy de quelques petits desseins d'anticaill«s où U y a
tout plein de chosettes de mon goust.
Je n'ay pas aussy trouvé dans vostre caisse le fer de lance ne le pom-
meau d'epée, esperon, et ne le dessein de l'Abacus du sieur Angeloni
que vous disiez y vouloir insérer. Mais dans vostre lettre vous avez faicl
la représentation des nombres, touts conformes à ceux d'un modèle
que j'avoys apporté de Rome du cabinet de C.iaccon, qui avoit esté faict
sur celuy du cardinal Farnese, ce qui me faict doublei- qu'ils n'ayenl
touts esté contrefaicts sur celuy dudict Farnese, avec les mesmes faultes.
C'est pouiquoy lorsque vous irez voir le sieur Angeloni, je vous prie
de bien considérer le sien pour voir s'il est indubitablement antique,
ou s'il ne pourioit pas estre imité sur l'antique de Farnese.
Pour respondre maintenant au restant de voz lettres, il fault que je
vous die encores que je n'ay pas nomplus trouvé en vostre caisse le
vase que vous disiez avoir faict jetter en melail corinthien, dont vou>
' Sur ce religieux si dévoué à Peiresc voir ie torae II des Lettres aux frire* Dupug, p. ïtù-j.
et le tome lli. passiin.
88.
700 LETTRES DE PEIRESG [1634]
disiez avoir esté quitte de la façon pour 16 Jules, mais que j'ay esté
bien estonné d'entendre que la meslange des deux couleurs des me-
taulx ne s'y soit pas conservée, ce que je n'avoys pas comprins la pre-
mière foys que vous m'en aviez entretenu. Croyant bien que la cou-
leur d'or que vous dictes avoir trompé un orfèvre soit très belle et
agréable, et cappable de payer le prix de la pièce, mais vous sçavez
qu'il y a des inventions en Allemagne avec quoy l'on met le lotton
en couleur fort approchante de l'or. Il falloit qu'il y eust quelque arti-
fice pour faire entretenir cez deux couleurs séparées et distinguibles.
nonobstant que les deux mettaulx fussent unis en un seul corps. Et y
a quelque apparance que le secret n'en fusse pas si commun puisque
l'usage n'en fut pas continué gueres ordinairement au dessoubs de l'em-
pire que vous cottez de Claude. J'ay bien quelques médailles restituées
par Titus qui sont de ce metail , et en ay mesmes une d'Hadriam qui
est fort bien ondoyée, de cez deux couleurs de bronze et de cuivre.
Mais je pense qu'elle soit battue en Grèce, ne me souvenant pas où
j)our le presant. Je vous remercie encores bien fort de la peine qu'avez
prinse au choix des vases du Prince Borghese et de celle que me pro-
mettez pour l'examen d'iceulx, et pour faire mouller les principaux en
cuivre, en quoy vous me faictes grand plaisir, car ce que j'avoys parlé
d'estain au P. Saquy n'estoit que pour faciliter et abréger la besoigne,
craignant d'estre à trop de charge et d'importunité à cez messieurs là.
Et quant au travail sur le tour, je ne m'en soussierois pas par le dehors
des vases, si ce n'estoit pour bien nettoyer les barbes de la nioulleure
ou de l'assemblage des moulles, afin que la vraye forme des ornements
et de la superficie de l'antique y paroisse plus fidèlement sans estre
corrompue par le tourneur moderne. Mais pour le dedans, si en fai-
sant mettre les modclles modernes sur le tour on les pouvoit vuider
en sorte qu'ils fussent bien esgalement justes à la contenance des an-
ciens, je n'y plaindroys pas la despance.
Au reste vous m'avez faict un singulier plaisir en la recherche des
architectes qui pouvoient avoir veu sur pied l'aiguille du Vatican sur
ses quattre Astragales, mais il me les falloit nommer, s'il vous plaict.
[1634] À CLAUDE MENKSTRIKll. 701
et leur faire exprimer leur aage, pour voir s'ils en avoient peu estre
bons juges, et me dire si le sieur Ludovico Compagni ne les avoit pas
veus de son temps, car il pourroit bien estre assez vieil pour cela, et
en parler plus pertinemment que d'autres. J'ay esté bien aise d'ap-
prendre la matière noire d'iceluy de M-^ le Cavalier del Pozzo , mais ce
ne m'est rien dire, si vous ne luy exhibez un Astragale réel, antique
de bronze (dont il se trouve si grand nombre) ou au moings un na-
turel, de ceux d'os qui se tirent du bout de l'esclancbe de n)oulton
pour luy faire recognoistre lequel costé il appelle concave, et de quelle
façon A peu prez estoit represantée cette figure de femme qui y estoit
gravée, si elle estoit entière, ou non; si elle estoit assise, ou debout,
et quelque particularité qui nous puisse un peu ayder à l'esclaircisse-
ment, mesmes en quel lieu il avoit esté trouvé, s'il s'en peult resou-
venir.
Mais je m'estonne grandement ([ue n'ayez peu trouver chez les
curieux aulcune graveure semblable à colle des Termes de vostre Agathe
noire, dont j'ay veu si grand nombre autres foys, ce que je ne trou-
veroys pas estrange chez ceux qui se meslent de revendre ou qui n'ont
pas leur principal but au recueil des graveures antiques. Mais j'ay bien
de la peine à me persuader qu'il n'y en ayt poinct, par exemple, chez
la Senora Donna Felice ou chez l'Kminenlissime Cardinal Boncom-
pagno, puisqu'il me semble d'en avoir veu une à feu M' lielio', dans
une grande Ametliiste, de fort bonne main, ou chez cez autres per-
sonnes qui ont une particulière curiosité des intaglies*.
J'ay veu fort volontiers la relation que m'avez faicte de la forme
des tombeaux de cez anciens cimetières, et de l'appendice des clo-
chettes, lampes, et autres cliosettes dont on les accompagnoit. Et seray
bien aise d'avoir le gros poids de pierre avec l'inscription M-IVNIO
CASTRENSl, etc. quand vous y trouverez de la disposition, romme
aussy ce médaillon de Trajan avec l'Apollon, et celuy d'argent de
billon de Salonina, avec toutes cez autres pièces que vous aviez tirées
' Lelio Pascalini. — ' De l'italien inlnglio, gravure, ciselure.
702 LETTRES DE PEIRESG [1634]
de vostre caisse pour en charger quelque ainy. Vous suppliant de les
bien empaquetter et remettre à M' Despiots quand ce sera vostre com-
modité sans différer davantage, attendu que si vous en rencontrez
piustost que luy, un mot d'advis luy sera bientost donné, et cez gents
ont tant d'occupation au train de leur négoce qu'ils ne se peuvent pas
donner la sollicitude d'envoyer chercher ailleurs ce qu'ils veulent mettre
dans leurs balles. J'oublioys de vous dire que je n'ay pas trouvé dans
la caisse l'empreinte de vostre petite plaque de cuivre. Mais que j'ay
veu trez volontiers le docte discours que vous y avez faict dessus, dont
je vous rends grâces trez affectueuses, ensemble du ieuillet d'inscrip-
tions, entre lesquelles y en auroit bien quelqu'une digne de reserve,
principalement celle que vous aviez mise la première en rang de ce
M. Ulpius Erastus, si elle se pouvoit bien distinctement lire aux en-
droicts plus difficiles à accommoder à l'usage des anciens. Sur quoy
je finiray demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A AÏK, ce 3 may » 689.
Nous avons icy veu et gouverné M' le nonce Bologneti et ceux de
sa suitte ' .
I,\XVJ1
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZAIVÇON,
À ROME.
Monsieur,
En voulant hier vous respondre et revoir voz lettres mon jjomme
avoit oublié de mettre dans la liasse celle que vous m'aviez escripte du
XI mars soubs l'enveloppe de M" Gompain sur laquelle je vous diiay
' Voir le recueil Peiresc-Dupuy , t. III, p. 99 el suiv. — Bibliothèque de l'Ecole de mé-
decine de Montpellier, ms. H 971, fol. 1/49.
[Ifi3/i) A CLAUDE MENIÎSTRIER. 703
que je suis bien niarry de n'avoir quelque bel Aufjustc de bronze de
la qualité que vous dictes j)Our satififaire à la curiosité de la Senora
Donna Felice. Si j'eusse eu piuslost cet advis, je l'eusse bien j)eu sa-
tisfaire; il n'y a que six moys ou tflul qu'il m'en passa un par les mains
lequel je ne sceus garder, un de mes amys en ayant eu envie à qui je
ne sceus refuser, mais j'y liendray la main, et ne désespère pas de
rencontrer un jour quelque chose, principalement si on met en vente
un cabinet où je pense (ju'il y en ayt un fort beau. Vous vistes celuy
de M' du Perier', nostre voisin^ et ne pense pas qu'il soit assez net
pour le subject dont est question.
L'on m'a parlé d'une autre carrière de marbre blanc et noir prez
des bains d'Encausse vei-s Tlioulou.se ''; j'en attends la monstre et s'il y
avoit lieu d'en tirer des pièces considérables on pourroit negotier la
chose, et moyenner qu'elles fussent ti-ansportées par la rivière jus([nes
à Bordeaux, et leur faire faire le tour du destroictde Gilbaltîir par les
navires Angloys, qui viennent à Marseille. Car autrement la voitlurc
de terre seroit de trop gi-ands fraiz. Knfin je ne cesseray que je ne
trouve quelque moyen de servir cez personnes , sinon romineje doibs,
au moings comme je le pourray. Et trouve que vous avez trez pru-
demment faict de ne leur rien dire de cette empreinte des petites
plaques de bronze, pour ne trop esmowvoir leur surabondante lionnes-
teté. Il eust sufly d'y |)lac(|U('r dessus un morceau de pajtier mouillé
as.sez mince pour bien ])rcndr<^ l'impression du caractère soubs prétexte
de le mieux lisre, ou de le transcrire plus punclùellement, afin de
pouvoir juger du siècle k pou prez, dont je ne vous diray rien que je
ne voye l'empreinte de la vostre, pour examiner la forme du caractère.
La description que vous m'avez faicte de cez deux cryptes soubs-
lerraines de la vigne du sieur Haby à Pozzo Panlalcon m'a esté gran-
dement agréable et principalement de celle qui estoit payenne, et cei
' Le cabinet de l''rauçois du Périer était ' I^ famille du IVrier avait m luaisoii
un dos |ihis riclies de in ville d'Aix. Voir ce sur la place des Pnîchpurs.
qii'en dit M. E. lioiuiaffé dans son Diclim- ' A 10 kiloniilres de Saint-GaiMleus
nairc des amateurs français, p. ij'S-g'i. (Hsute-Goronne).
704 LETTRES DE PEIRESC [1634]
figures de stucco en bas-reliefs eussent bien peu mériter d'estre des-
seignées avant que les laisser périr. Vostre relation de ce corps pétrifié
est bien considérable aussy, et plus vray semblable que tout ce que
l'on m'en avoit voulu dire d'abbord. Mais si vous pouviez mesnager que
j'eusse le petit Trépied de marbre que vous avez descouvert, vous me
feriez le plus signalé plaisir que vous me puissiez faire, et oultre la
façon du moderne à r'eriqîlacer et le bas de soye que vous avez offert,
je payeroys bien volontiers quelque chose de plus à vostre discrétion,
et vous asseure que je ne vous en seroys pas ingrat. Que si vous faisiez
le voyage de Naples, il fauldroit négocier la permutation de celuy de
Santa Maria Rotunda dont le dessein est imprimé dans le Cappacio ',
duquel je payeiois de bon cœur une cinquantaine de bons escus s'il
estoit en commerce, et possible quelque chose de plus. M'asseurant
que vous y trouveriez des expediajits plus que vous ne vouldriez pour-
veu que vous fussiez sur les lieux, et me semble que vous ne debviez
pas refuser à l'eminentissime cardinal Boncompagno un moys de vostre
sesjour chez luy pour luy remettre en ordre son cabinet. J'ay esté bien
aise d'entendre ce que vous me mandez de sa délectation en la langue
grecque. Il est en lieu où il peult avoir faict et continuer de grands
recueils de livres Grecs MSS. et si j'avoys le roolle de ceux qu'il a,
possible trouverions nous un jour le moyen d'y en adjouster quelqu'un
de plus.
L'édition de mon Nie. Damascenus et autres autheurs Grecs est fort
advancée , mais non encores du tout achevée. Si tost qu'elle le sera , je
ne manqueray de luy en envoyer un exemplaire. Cependant je demeu-
reray tousjours,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce U may i634.
Le R. P. Saquy vous serviroit peult estre bien en la négociation
Guiliaume-Gésar Capaccio est l'auteur d'un traite sur les emblèmes qui est oraé de
3oo petites gravures sur bois {DeUe imprese, Naples. 1592, in-4°).
[163/il À CLAUDE MENESTHIIÎR. 705
pour lo Trépied de marbre de Ilomc, pour vous descharjjer d'envie, et
je ne laisroys pas de vous en avoir tousjours auitant d'obli|;ation. si
vous trouviez bon de la luy communiquer et l'y employer.
Si vous trouviez à vendre un exemplaire des familles d'Ursinus '
([uoyque frippé, vous obligeriez quant et moy un de mes amys qui me
In demande et M' Despiots le payera comme vous ordonnerez.
Depuis avoir escript M' le Baillif de Fourbin m'a envoyé icy le sieur
do Seva, escrivain de la galère de M' de la Valette, qui avoit rec3u la
consigne de voslre caisse, pour me rendre compte de ce qui s'y estoit
passé, lequel ne m'a rien sceu dire de la veritté que vous en aviez lire,
mais il m'a descript entre les balles de M"" de Crequy une si longue,
si large et si haulte, et de si peu de poids pour la grosseur que j'es-
time que ce puisse estre celle de M' Melan, du bas relief du M[arqui8]
Justinian, mais on l'a portée à Grenoble puisqu'il plaict à Dieu. Il m'a
dict que les sieurs Gioan. Batt. Rossi et Egidio Rossi de Civita Vecchia
font tous les jouis des voitures de balles qu'ils envoyent en ce pais icy
pour conte des sieurs Blavel et Faulconiera de Rome, et du sieur Gio.
de la Saigne, marchand François à Rome, et pour le sieur Despiots,
à (|ui il sufiit d'envoyer tout ce que vous me voudrez faire tenir*.
LXXVin
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE REZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Le jour mesmes que l'ordinaire d'Avignon estoit passé par Gènes,
par qui je vous avois escript assez amplement, aussy bien qu'à plusieurs
' Fuliii Ursiui familiw romaïup quif re- coin en haul, h gauche, du même folio, au
petiuiUur iu uniiquis luimismntibiii (Honip, verso, se trouve cr renvoi :<■ Sans vous lour-
1577, in-fol.). menter de chercher des curiositei d'amy«
' Bil)liolliô(|ue de l'Hcole de niddeciiie de qui ont trop d'autres afluircs pour te sou-
Montpellier, nis. H 971, fol. i48. Dans le venir des noslres. »
•«
im LETTRES DE PEIRESG [1634]
autres de noa meilleurs arays, voulant faire loger en mon cabinet le
contema de vostre caisse, que j'y avoys faict remettre à l'instant mesmes
qu'elle fust ouverte, pour en débarrasser ma chambre, à cause que
M' le Nonce y voulut venir', sans que j'eusse depuis eu le loisir de le
mieux revoir, pour les affaires qui m'estoient survenues et le peu de
temps que j'avoys eu peine à desrober, pour escrire à Rome, je me
trouvay bien plus heureux que je n'avoys pensé quand aprez avoir faict
de rechef tirer dehors de la dicte caisse touts cez vases que j'avoys
desja veus, un de mes gents s'apperceut qu'au fonds de l'un des es-
tages il sembloit qu'il y eust quelque secret, lequel je fis incontinent
deffoncer, et y trouvay la plus part de ce qui nous manquoit et que
vous m'aviez escript en avoir tiré, pour me l'envoyer par quelqu'un
de cognoissance en attendant autre commodité que celle des galères
pour la caisse entière, dont je fus grandement consolé et marry tout
ensemble de ne m'en estre plus tost apperceu pour ne vous laisser en
peine de ce costé là, combien que je croys que vous songerez facile-
ment que tel secret aye trompé la veiie de gents qui y alloient à la
bonne foy et simplicité comme nous. Attendu l'advis que vous m'aviez
donné d'avoir tiré hors de la caisse tout ce que nous n'y trouvions pas
d'abbord, et que nous n'avions pas d'autre lettre vostre postérieure,
car sans cela nous eussions esté plus curieux de fouiller jusques au
dessoubs de la paille. Mais il n'y a pas grand mal à tout cela, puisque
tout ce que vous aviez trouvé bon de nous envoyer est arrivé à bon
port et bien conditionné, dont je vo«s suis bien redebvable de la pre-
ferance que vous m'en avez réservée non seulement sur voz autres amys
et serviteurs, mais aussy sur vous mesmes, ce que je tiens à singu-
lière faveur, et dont je ne pense pas mourir ingrat si Dieu favorise mes
vœux et les petits desseins que j'en ay faict. Avec cette protestation
que tout ce que j'ay receu maintenant, et que je puis avoir receu cy
devant ou recevoir à l'advenir de vostre part, à quelque tiltre que ce
soit, et mesmes ce que je puis avoir eu d'ailleurs, sera tousjours à
' Le nonce Bolognetli , dont il a été question plus haut.
LlC3iJ À CLAUDE MKNESTHIEH. f«7
vostre disposition absoiiie, quelque rembourceniciit que j'en peuase
avoir faict ou non, et vous sera fidèlement envoyé et restitué, à la
moindre cognoissance que je puisse avoir de voz intentions pour ce
regard. Vous priant de me les faire entendre librement et sans aulcune
cérémonie et vous verrez par les ellectz avec quelle franchise j'y pro-
cederay et de combien boa cœur je contiibueray à voz contentements
et à vostre service tout ce qui pourra dépendre de raov.
J'ay donques trouvé dans cette cache (que vous aviez faicte bien à
propos à cause du danger qu'il y a sur les galères de laisser voir des
choses trop subjectes à la pince) une petite boitte rouge, où estoient
les U médailles d'or, l'Hadrien de Delpiies, le médaillon d'argent de
Salonina, et le camayeul de nacre que j'ay veu aussy volontiers qu'aul-
cune des autres pièces. Car j'avoys une vinlaine de graveures en cette
matière, trouvées en un niesme lieu, que je ne me pouvoys persuader
estre antiques, bien que la manière n'en fusse pas incompatible à
l'antique, à faultc d'avoir rien veu de semblable ailleurs. Oultre la
boitte je trouvay la paterc de bronze avec lettres étrusques, la grosse
plaque quar.rée du taureau ou de la vache, une autre plaque ronde
avec un chainori à la suspendre, la queue à crochet d'une lampe, des
fragments d'ance, une vingtaine de cez monnoyes pesantes ou garnies
des marques de leur poids, comme vous m'en proposiez aultant en
vostre lettre, l'Apollon au revei-s de Trajan, le Domitian en metail de
Corynthe,cinq ou six petites pièces /Egyptiennes, quatre ou cinq autres
médailles avec des Trépieds et sept ou huict bulles grecques de |)lonib,
un cloud ([uarré en forme de serpenteau et possible encores quelque
autre chose que j'oublie, comme j'avoys oublié le va.se de metail jaulue,
et l'empreinte de la placque de voz sortilèges antiques. Laquelle m'a
esté grandement agréable, la figure du charactere y pouvant paroistre
quasi aussy bien comme sur l'antique, si je [ne] me Ironjpe. Et sçau-
roys bien volontiers si les autres deux de la Senora Donna Felire sont
de pareil charactere ou non.
J'ay prins grand plaisir de voir que la sisailleure de l'une des rae-
dailletles d'or y aye faict conserver l'inscription UOMA que l'on avoit
708 LETTRES DE PEIRESC [16U\
effacée sur l'autre, n'estant pas marry d'en avoir plustost deux qu'une
seule, et s'il vous en tomboit en main une troisiesme, oîi la figure des
notes ou chiffres adjoustées du costé de la teste fusse bien nette, je
l'achepteroys encores bien volontiers. La petite de Tibère d'or qui n'est
que du dcmy poids, m'a encores bien satisfaict, et si vous en ren-
contrez d'autres, quelles que ce soient, de ce qualibro à peu prez, vous
me ferez faveur de me les retenir et de me mander si vous en avez
veu d'autres empereurs, et avec quels revers à peu prez et chez qui.
Mais je vous prie de ne le pas mettre en oubly.
L'Hadrian m'a pareillement bien esté advisable, et l'eust esté au
double, si l'on n'eusse gasté, comme l'on a faict en le nettoyant, les
troys bases ou piedestaulx ou patturons qui soubstenoient la machine
triangulaire, dont l'une a saulté tout à faict hors de la médaille, l'autre
est bien endommagée, et la troisiesme bien fondue. Mais tousjours la
vault il bien mieux avoir comme cela que de ne l'avoir poinct.
Je n'ay pas encor examiné le poids de ce médaillon d'argent de Sa-
lonine, qui sera à mon advis le demy de celuy d'Alexandre Severe. Ce
poids de l'once avec le vase n'est gueres bien conservé, mais je ne laisse
pas de vous en avoir bien de l'obligation, pour l'assortiment de mes
petites fantaisies. Comme de touts les autres de pareille nature, et de
cette plaque mesmes quarrée qui monstre certainement estre de pa-
reille manière et antiquité, à quoy que ce soit qu'elle aye peu servir.
Car il n'y a poinct de notes qui ayent du rapport au poids, comme en
toutes les autres pièces qui esloient véritablement de VMS GRAVE
monoyé. N'estimant pas que puisque vous voyez passer par voz mains
une si grande multiplicité d'anticailles, il ne vous tombe quelque jour
en main quelque pièce de cette vieille monnoyc avec ie mouton ou la
brebis. Attendu mesmes qu'il me semble avoir ouy dire à feu Alexandro
Borgianni et à d'autres qu'ils en avoient veu plus d'une i'oys. J'avoys
troys autres pièces de mesmes devises à celle que m'avez envoyées
avec une main, et deux Claves d'Hercule. Mais le poids de la vostre
est beaucoup plus légitime que celuy des miennes, et la figure ra'ayde
aussy à recognoistre quelque chose de plus qu'aux miennes. Ce qui me
[1634] À CLAUDE MENESTRIK [{. 709
faict ressouvenir que de toutes les pièces que vous rencontrerez es-
criptes en lettres étrusques, vous me ferez plaisir de me retenir tout
ce que vous ne vouldrez pas pour vous, car bien (jue j'en ave desja un
assez bon nombre, je les recevray tousjours trcz volontiers soit (|ue ce
soient des pièces de Y/E^ grave (dontj'ay un assortiment, comme pour
c.ez Romaines, de toutes les pièces ordinaires de la libvre, demy libvre,
triens, quadrans, et de l'onco avec lettres Elruscjues, mais je n'en ay
poinct de sexlans avec de telles lettres, qiioy([ue j'aye plus de 3o pièces
avec la note du sextans), soit ({ue ce soit des autres pièces de meilleure
manière, mais plus petite et moings ancienne, dont j'ay pareillement
plus de ao pièces.
Enfin nous avons trouvé en cette cache quasi tout ce que vous nous
aviez promis par voz précédantes dernières lettres, je dicts ((uasi d'aul-
tant que je n'y ay pas trouvé celte petite pierre rougoastre que vous
disiez estrc remplie de paillettes d'or, dont vous mandiez à M' Aubery
de m'en avoir envoyé une pareille à celle qu'il a eu de vous. Je n'y ay
poinct aussy trouvé le petit poids avec le Taureau, que vous dictes estre
environ du poids de l'once, ne les balances ou escuellons de balances
antiques, que vous m'aviez faict espérer, et que je ne retiendray poinct,
si vous trouvez bon que je vous les renvoyé incontinant, à quoy je ne
manqueray poinct de suyvre voz ordres punctuellement, mais je vous
jiuray de l'obli^jation si j'en puis avoir la veiie et les examiner i^ ma
mode. Et pour la pierre rougeastre je pense bien qu'il n'y auroit pas
grand danger quand vous la mettriez dans un pacquet de lettres, ne
pouvant pas estre chose de grand volume. Voire mesmes quand cette
médaille du Taureau ne pesant pas plus d'une once, seroit mise dans
un paquet soubs l'enveloppe de l'Eminentissime Cardinal ou de quel-
qu'un des siens, et soubs l'addresse à Gènes de l'illustrissime seigneur
Gir. Spinola, gênerai délie poste, je n'estime pas qu'elle pousse courir
de fortune, à celte heure que les pedons d'Avignon sont restablis, les-
quels me cognoissent et m'apporteront tousjoui-s fort seuremenl tout
ce que me vouldrez envoyer par celte adresse. Et si vous affectez de
la recouvrer, je la vous renvoyeray si tost que je l'auray veiie. Craignant
710 LETTRES DE PEIRESC [163/i]
que vous n'ayez de long temps des commoditez de voiture de Rome
icy. J'adresseray cette lettre à Lyon à tout hazard au cas qu'elle y
puisse arriver à temps avant que l'ordinaire de Paris en soit party,
sinon vous l'aurez une semaine plus tard. Et sur ce je finiray atten-
dant vostre bordereau dans une quinzaine de jours pour satisfaire
punctuellement à voz ordres, et demeurant,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 8 may i634.
Si vous pouvez sçavoir asseurement le lieu où a esté trouvée la pa-
tera Etrusque que vous m'avez envoyée, el en quel temps à peu prez,
vous me ferez plaisir de m'en advertir, comme aussy de celle du sei-
gneur Angeloni, lequel je prie de me vouloir octroyer un modelle
entier de la sienne, où je puisse examiner sa grandeur et mesure et
touts les ornements et enrichissements qui y peuvent estre comme en
la mienne. H la fauldroit faire mouller en bronze de mesme couleur à
peu prez, et marquer ce que pesé l'antique et la differance du poids
de ce modèle, comme aussy fauldra examiner si le modelle contiendra,
beaucoup moings que l'original antique ou non. Car il y fauldra laisser
les figures délivrées comme elles sont sans en augmenter le vuide ou
cappacité de la cueiller. L'ouvrier qui travaille au Trépied du Prince
Borgliese fera bien cela, et le P. Saquy le solicitera et fera payer son
salaire comme de raison.
Si vous sçaviez que sont devenues toutes cez Tables Etrusques trou-
vées à Eugubia ' dont ii en fut imprimé quelqu'une, je l'apprendroys
' Autrefois Eugubium, aujourd'hui Eu-
gubio , dans TOmbrie. On sait qu'en l'an-
née 1 i 4 4 on y découvrit sept tables d'airain
couvertes d'inscriptions fort anciennes en
caractères étrusques et latins. Le meilleur
travail que l'on possède sur les Tables Eu-
gubines est celui de M. Michel Bréal (de
l'Institut), publié en iSyô. Gassendi nous
apprend (livre I, h l'année i6oo, p. 54)
que Peiresc se rendit à Eugubium tout' ex-
près pour voir le lieu où avaient été trouvés
ces antiques monuments. Il nous apprend
aussi (livre V, à l'année i635, p. 4.33)
qu'il demanda une copie ti'ès soignée des
inscriptions d'Engubio à l'archéologue Doni .
voulant essayer de les expliquer et de com-
pléter ainsi les recherches de Bernardin
Baldi.
[163/1] À CLAUDE MENESTRIER. 711
aussy bien volontiers. Et s'il se pourroit avoir empreinte du ciiaractere
de quelqu'une, sinon en Lronze, au nioings en papier mouillé'.
LXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZiISÇON,
À ROME.
Monsieur,
Ayant esté surprins par le pedon d'Avignon, tandis que je i'ay
envoyé desjeuner, j'ay escript un mot à Son Eminence et vous accu-
seray encores la réception de vostre lettre du 6 may avec le contereau
de la despcnce que vous avez faicle pour moy, où je trouve tant de
bon mesuage que je ne vous en sçaurois rendre assez de remerciraent*.
ne de service en revanche qui puisse satisfaire à mes vœux, mais je
n'y espargneray rien si jamais je le puis.
Je viens de recevoir présentement les fagots que M' de Bonnaire
avoit consignez à Patron Guillem Faulconnier, dont vous m'aviez faict
feste, et avec lesquels je pensoys trouver la graveure .\IAOT avec la
pierre de drap d'or et autres chosettes demeurées en arrière, mais il
ne s'y en est rien trouvé. Et pense qu'il n'y aura pas de danger quand
me les envoyerez par la poste du costé de Gencs, soubs l'cnvelopp*-
de l'illustrissime Evesque de Vaison, ou de l'illustrissime sieur Cavalier
del Pozzo, et l'addresse du sieur G. Spinola, General des Postes à
Gènes. Voire si de cez pierres de drap d'or vous ne m'en pourriez
envoyer une coupple au lieu d'une seule, je la payerois volontien».
Atlendant impatiemment le succez de vostre traiclé avec l'Abbé de
S^ Grégoire pour le Trépied de marbre, (pie je vous supplie de ne pas
négliger et de le conduire discrètement pour n'esventer la cha.sse. et
ne vous faire oster la curée de la bouche. Car il me taixie bien de Voir
' Bibliotlièfpie de l'École de iniklecine de Montpellier, ms. U «71, fol. i5».
712 LETTRES DE PEIRESC [1634]
cette pièce et vous ne me sçauriez obliger en occasion qui me soit
plus sensible.
Pour les gros poids du sieur Stephanoni, si vous me les aviez à
peu prez descripts, soit des figures et notes qui y sont, soit de leur
poids, grave ou léger à peu prez, telle chose ce pourroit estre que je
n'y plaindroys pas l'argent. Tout au contraire ce pourroit estre chose
de fort peu de conséquence. Entre ceux que m'avez envoyez du poids
léger il y en a un comme la figure faicte icy contre. J'en avoys deux
autres semblables sans que j'aye peu recognoistre ce que c'est. Si vous
en trouvez d'autres soit à achepter ou à mouUer, je vous prie de m'en
faire avoir tout ce que vous pourrez, pour voir si nous sçaurions de-
viner que peult estre cette figure qui m'est si incogniie. 11 fault que la
quantité de pareilles pièces nous fournisse les occasions de conjecturer
ce que c'est.
J'ay recouvré, cez jours icy, une lanterne de terre antique la plus
bigearre que j'aye jamais veue en forme d'une teste humaine, laquelle
au lieu de chevelleure, de barbe et de moustache, a des feuillages
comme de l'Achanthe, et la lumière paroit par l'ouverture de la-
gueule, des ieulx et des cornichons.
Je vous prie de me mander si avez rien veu d'approchant à cela, soit
dans les bronses ou bas reliefs de marbre. Et si avez rencontré des
visages ou Mascarons antiques revestus de tels feuillages, au lieu de
chevelleure. Car j'en avoys veu que j'avois creu modernes, mais cette
lanterne me met en suspens, estant de trez bonne maestrie et avec
de grandes marques de l'Antique. Ne me souvenant pas d'avoir veu de
cez feuillages qu'aux tritons et autres monstres marins, pour servir
d'union delà partie du corps humain à celle du poisson, comme il y
en a entre les camayeuls du patriarche d'Aquilée imprimez dont j'ay
veu les originaulx à Venise. Une petite médaille dont vous m'aviez
autres foys envoyé un plomb, avoit une leste armée d'une despouille
que je jugeoys marine avec de telz feuillages. Il me semble avoir veu
une teste coiffée d'une cheveleure de feuille de chesne, au lieu d'une
simple couronne, mais je n'en ay pas trop bien conservé la souvenance.
[1634] A CLAUDE MENESTRIER 713
Songez y et y prenez garde plus exactement à l'advenir. J'ay vu le des-
sein de l'Abacus du sieur Angeloni qui semble estre prins à rebours
et à contre sens avec quelque confusion. Mais cela s'examinera une
autre foys, et je demeureray,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 9 juin i63i '.
LXXX
À MONSIEUR MENESTRIER, CHAÎVOINE DE BEZANÇON,
EN L\ COUR DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu soubs l'enveloppe de M' l'Evesque de Vaison vostre lettre
du 2 de ce moys par l'ordinaire de Gènes avec les deux petites mé-
dailles d'or y contenues, dont je vous remercie trez affectueusement et
du bon mesnage qu'y avez faicl, pour me les procurer et les arracber
de la main de ceux qui les avoient, ayant certainement prins grand
plaisir de voir la plus petite avec la teste d'un Mars et l'inscription
ROMA, et de voir qu'elle soit de si peu de poids. Mais j'ay bien esté
mortifié quand j'y ay trouvé des vestiges ou fragments des mcsmes
notes qui sont aux autres plus grosses, et que la pièce n'a pu fournir
un peu plus de matière soubs le coing de ce costé là pour ne laisser
aulcune occasion de doubter si c'estoient les mesmes notes des grosses
ou bien des autres différantes à celle fin d'y chercber par aprcz l'occa-
sion de diversité au poids. Ce qui me fera vous supplier de bien reclier-
cber curieusement, et tous les curieux de vostre cognoissance, si vous
n'en trouverez pas quelque autre pareille à peu prez, pour nous csclair-
cir de la vraye figure et qualité desdictes notes. Nfasseurant (jue vous
' Bibliollièque de l'École de médecine de Monli>ellier, iiis. H 971, fol. iS&.
T. 9"
714 LETTRES DE PEIRESG [1634]
y en trouverez quelqu'une, ou qu'il s'en desterrera de nouvelles de
quelqu'aulre coslé, qui ne vous eschapperont pas si vous y veillez tant
soit peu. L'arrivée de celle cy m'a faict peser les autres plus grosses
que m'aviez envoyées cy devant, où j'ay trouvé un peu estrange que
celle oh l'inscription ROMA est effacée , ne laisse pas de peser encores
davantage que l'autre qui n'a qu'un coup de cisaille sans emporter la
pièce. Mais c'est peu de chose que cette differance, les anciens n'ayants
pas esté si scrupuleux au contre poids qu'ils regardassent à de si pe-
tites minuties en cez vieulx temps là. Ce neantmoings je verroys vo-
lontiers un contre poids bien exactement adjusté, sur le vray poids de
celle que vous dictes estre au cabinet de la Senora Dona Felice, car je
m'imagine qu'elle debvra estre beaucoup mieux conservée que toutes
les autres que nous avons, pour voir si elle sera de poids plus fort ou
plus foible que les miennes. Mais il ne sera pas de besoing que vous
m'alléguiez pour cela, s'il vous plaict, pour esviler toutes occasions de
cérémonies. Et le pourrez faire par occasion, comme pour vostre curio-
sité propre. Ainsin que vous avez si bien mesnagé pour les empreintes
de cez deux plaques de bronze, que j'altendray en bonne dévotion
puisqu'il vous plaict m'en avoir procuré la communication con si bel
modo '. Et recevray à faveur la troisiesme médaille d'or des grossettes
qu'on vous avoit offerte en eschange du Claude, principalement si
elle est bien conservée et bien pucelle et non touchée comme les autres
deux par des cisailles, ou par la pierre ponce, afin de bien juger de
leur poids ordinaire. Et suis marry que n'ayez retenu la bague d'or où
estoit la medaillette d'Auguste, car une couple d'escuz ne me com-
mandent pas, en pure perte, en ces occurrances de bigearries. Et si
elle n'est vendue, me ferez plaisir de me l'achetter encores. M"" Despiots
fournira tousjours ce qu'il vous fauldra.
Vous m'avez encores faict plaisir de m'escrire le desnombrement
des autres petites médailles d'or que vous avez veiies, ou que Mess" cez
Godifredy vous ont dict avoir en leur pouvoir, et encores plus de m'en-
' De si belle façon.
[163/1] A CLAUDE MENESTRIER. 715
voyer le petit M. Aurele dont je vous remercie bien fort aussy, et
quanti en rencontrerez d'autres à prix tollerable, j'y tiendray mon
argent bien employé, et vous en auray de l'obligation. Mais pour re-
venir auxdicts sieurs Godifredi, je suis quasi résolu de les attaquer
pour tascher de noiicr quelque commerce avec eulx, qui ne sera pos-
sible })as si impossible de loing que de prez, à cause dos jalousies qui
peuvent plus agir sur les lieux, mais il fauldroit que je sceusse de vous
souhs main ([u'est ce qu'on leur pourroit envoyer ou proposer qui
fusse bien de leur goust. Nous sommes venus à bout de tjjul d'autres
choses difliciles, que malaisément des gents si honnestes se pourront
deffendre, eulx prenant du costé de l'honnesteté, par lequel il y a si
peu de choses imprenables. Et mandez moy leurs tiltres et qualitez
tant de l'un que do l'aultre des frères, et par qui vous jugeriez que je
leur densse faire presanter mes lettres, qui fusse hors de soubçon de
jalousie.
J'ay esté bien aise d'apprendre que ma patere étrusque soit venue
du costé d'ORVIETO ', et que celle de M"^ Angeloni soit veniie du ca-
binet de feu M'' Natalizio de Foligni^ et encores plus qu'il y en aye une
troisiesme à Pise, dont je vous auray bien de l'obligation et à M' Doni,
si j'en puis voir le dessein, et vous remercie de tous cez bons advis,
et de la peine qu'y avez prins, comme du passage de Macrobe, qui
semble bien convenable à vostre conception, ot du livre d'IIrsinus',
et du soing que vous prenez de faire solliciter les ouvriers des vases,
et de les faire emballer et adresser au sieur Egidio Rossy.
Quant à la despence, véritablement elle est un peu bien grande et
ce serbit peu csviter pour quelques pièces de celles qui cstoient le
moings considérables, dont il eust peu suflire de voir les empreintes
de cire, avec des modelles de fer blanc ou d'estain, mais pour les prin-
cipales, je n'y plaindray pas la despence, comme peuvent estre le Tré-
pied ot la patere du sieur Angelony. Seulement je regrette qiie la gra-
veure du Paris et du Mercure n'y ayent peu paroistre, ce qui me sera
' Dans l'Ombrie. à 5-j kilomèti-es de Pdrouse. — ' Foligno esl nussi dans l'Orahrie el h
.1 1 kilomètres de Pt'muse. — ' Les famUlex roiimiuM.
90.
716 LETTRES DE PEIRESG [1634]
d'une grande mortification, et s'il y avoit moyen d'en faire jetter une
d'estein (sic) ou de plomb plustost, voire de piastre raesmes sur le
moulle d'une cire, je le verray encores trez volontiers pour pouvoir
goder l'empreinte et l'image à droict sens de ce qui est gravé sur cette
patere. Et cependant je m'imagine que vous aurez faict ajuster le mieux
qu'il aura esté possible l'empreinte que vous en avez tirée de cuivre,
à son origine, pour y pouvoir examiner les mesures de sa cappacité et
de touts les bords de ses lèvres. Espérant que le plaisir de voir deux
ou troys des principales empreintes des vases bien exactes me guérira
facilement tout le regret de la despance des autres, quoyque moings
nécessaire. Ne trouvant pas estrange qu'un si long et pénible ouvrage
couste de l'argent, ce que j'avoys assez preveu en dressant les mémoires
du P. Sacquy où je n'affectoys des modèles de cuyvre et de quelques
pièces plus importantes, me contentant de simples comparaisons de
mesure des autres avec les desseins ou modellcs de piastre ou de cire,
mais la perte n'est pas si grande qu'elle mérite d'y avoir du regret, veu
mesmes que possible la veiie des modelles me satisfera assez, pour les
uns comme pour les autres, pour mériter cette despance, et tousjoui-ç
cet essay ne sera pas inutile à l'advenir pour sçavoir comme nous au-
rons à y procéder. Cependant, quand vous m'envoyeriez par la poste
cette pierre de toille d'or, comme les medailletles d'or, il n'y auroit
pas de danger nomplus que des autres ])etites graveures et de toutes
autres menues choses qui se peuvent enfermer dans de petites boittes
avec afforce cotton et adresser à Gènes à l'illustrissimo Senor Giro Spi-
nola, gênerai délie poste, qui sera bien aise de les recevoir et me les
faire tenir seurement, si ne les voulez bailler à M'' de Bonnairé ou à
quelqu'un de cez Messieurs du Palais. J'attendray donc en bonne dé-
votion la caisse de touts cez modelles de vases, avec le Trépied de
marbre, soubs les adresses du Senor Egydio Rossi de Civita Vecchia,
soubs lesquelles j'ay faict tenir à l'Eminentissime Cardinal Patron un
livre qui estoit demeuré en arrière à Marseille, lors du despai't des
galères, dont Son Eminence m'a desja accusé la réception, bien qu'on
ne l'eusse faict partir de Marseille que plus d'un moys après le départ
[1634] À CLAUDE MENESTllIKH. 717
desdictes galères. Estimant que cette voye là sera trez bonne dez hors
mays et quasi meilleure que toutes autres pour eslre bien réglée et
bien fréquente et moings casuclle que la veniie des barques à droiclure
et tant en allant que revenant, principalement à cette heure que h-
commerce est libre à Florence et le sesjour si agréable. Enfin je m'en
vay finir en vous réitérant mes remercimenls et rccognoissances de
gratitude, de tant de peine que je vous donne, avec mes protestations
d'un extrême désir de vous bien servir en revanche quelque jour Uieu
aydant. Et demcureray,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce a8 juin j63/i.
Je ne pense pas que le R. P. Athanase Saquy puisse veiiii' situsl qu il
se promettoit, estant bien marry de l'indisposition qui l'a empesché de
passer les chaleurs hors de l'air de Rome, en celuy de Florence. J'ay
faict payer à M' de Gastines, pour M"" Despiots, toutes les parties qu'il
avoit desbourcées, tant à vous (ju'à luy, dez que j'en eus l'advis'.
LXXXI
\ MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZAISÇON,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par l'ordinaire de Gènes voz lettres du dernier juin et
7" juillet, et fus bien aise d'apprendre par icelles, el par celles que
le P. Saclii m'a escrites de Marseille depuis son arrivée, (juc la caisse
des modelles ayt esté nn'se ez mains du sieur Egidio Ro.ssi, aprez cpioy
il n'y a rien à appréhender pour ce regard. Je ne suis marry que de
' Bib!iolliè(iue de l'École de mëdecine de Monl|)cllier, rus. H M71. fol. i4o.
718 LETTRES DE PEIRESC [1634]
ce qu'il soit emballé et consigné audict sieur Egidio, je ne seray pas con-
tent (stc). Si j'eusse sceu le nom de ce procureur gênerai et de cet abbé,
et de quelle congrégation ils sont, possible me seroys je bazardé de
leur en escrire un mot à tout hazard, principalement s'ils estoient,
comme je le conjecture, de la congrégation du Mont Cassin, où je co-
gnoysfort familièrement afforce braves hommes. Il fauldra se contenter
de ce qu'il plairra à Dieu que nous en obtenions, et croys bien que
vostre dextérité, qui viendroit à bout de choses plus difficiles, achèvera
celle là heureusement puisqu'elle a esté si bien commencée. Mais de
grâce ne différez jamais au lendemain ce que vous aurez moyen
d'achever le jour mesmes que vous en traicterez, ne de vous deschar-
ger envers le sieur Egidio de tout ce que vous me vouldrez despartir,
car il arrive des interruptions d'un jour à autre, qui nous ostent sou-
vent le moyen d'accomplir ce que nous eussions fort bien peu faire le
jour précédant.
Au reste j'ay veu le dessein des poids qu'avez retirez dudict Pietro
Stephanoni, dont je vous remercie de fort bon cœur, y ayant prins un
plaisir particuher; mais pour celuy où il s'imaginoit qu'on eusse voulu,
représenter une Heur de lis, je vous asseure que c'est une équivoque,
on ayant 3 semblables parmy les miens, où il se void que c'est un vase
avec deux ances ou maiiitiers, dont je vous pourrai donner plus d'as-
seurance quand je le verray. Que si vous ne les avez ja engagez en
quelque caisse avec le marbre de S' Grégoire, il a esté despesché de
par delà un messager d'Avignon qui se nomme Françoys Clôt autre-
ment Merindol, à qui mou homme donna un billet d'adresse à M"^ de
Bonnaire, lequel m'apporteroit volontiers à son retour une boitte avec
louts lesdicts poids ou telle autre chose dont le vouldrez chargei-.
Pour tout le restant de voz lettres, nous attendrons l'arrivée de la
caisse, afin d'y pouvoir respondre plus punctuellement à chascun ar-
ticle, attendu que sans voir les pièces il est mal aisé d'en juger saine-
ment. C'est pourquoy je finiray la présente. Aussy bien le courrier
d'Avignon vient d'arriver, qui ne me donneroit pas loisir de vous entre-
tenir plus longuement, remettant le tout à une autre foys, et vous
[163i] À CLAUDE MENESTHIER. 719
remerciant trez liumblement et affectueusement de la continuationde
voz bons ofiices, dont vous tirerez la revanclie quand il vous plaira,
Monsieur,
de vostre, etc.
A Aix, ce U aoust i6.3â '.
LXXXU
\ MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Ce n'est que pour accompagner un exemplaire que vous m'aviez
faict promettre k l'eminentissime cardinal Buoncompagno, des Eclo-
gues de Nicolas Damascenc , Polybe et autres autheurs Grecs dont cez
frajjments n'avoient encores veu le jour, impatiant de n'avoir d'assez
dignes occasions de tesmoigner à Son Kminence combien je luy suis
acquis et desvoué serviteur, et à combien d'honneur je tiens d'estre
advoué pour estre du nombre de ses plus fidèles serviteurs et admi-
rateurs de tant d'eminentes qualitez ([ui sont en sa personne, et par-
ticulièrement de rallcction qu'il a aux bonnes lettres. Vous le luy
ferez, s'il vous plaict, tonir à la première commodité asseurée, et je
serai à jamais,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce a5 aoust t63&.
Ayant trouvé Patron Paschal (qui se charge de la conduitte de l'Al-
zaron de l'Eminentissime Cardinal Patron) en bonne volonté de se
' Bibliothèque de l'École de médecine de Monlpeilier, ms. H 971, fol. i65.
720 LETTRES DE PEIRESC [1634]
charger aussy d'une cassette de plantes marines et de quelques queues
de poissons et croustes de testacées, j'y ay faict mettre tout ce qui s'y
est peu fourrer, que Corberan dict consister en deux queues de Pesca
Spada, deux branches pierreuses comme corail, une ligneuse née sur
un caillou, et plusieurs autres pareilles arrachées de leur assiette na-
turelle entre lesquelles y en a une couverte d'une pelure ou mousse
rouge comme laque, deux frisées comme esponges, un champignon de
mer fort semblable à ceux de terre, mais plus ligneux, troys coqs ou
Galli, espèces de cancres, une cigale grosse, velue, un poisson volant
ou Arondelle, cinq ou six échines, des griffes de Ligombault ou plus
grosses langoustes ^
LXXXIH
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZÂNÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIHE SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Je n'ay point receu de voz lettres par les ordinaires de Lyon, non
plus que par ceiuy de Gènes, par lesquels j'en ay receu de tout plein
de mes bons amys, et n'ay pas eu d'advis que la caisse des empreintes
soit partie de Givita Vecchia pour Ligourne, non plus que pour Mar-
seille à droicture, ce qui me faict croire qu'elle aura attendu les ga-
lères ou la barque de Patron Dalle et de Patron Paschal , par laquelle
je vous ay escrit et envoyé une cassette de cez brouilleries de nostre
mer que vous aviez tesmoigné estre plus de vostre goust qu'elles ne
peuvent mériter. Et par la mesrae barque je vous ay adressé un libvre ^
pour l'eminentissime cardinal Boncompagno, soubz l'adresse de l'emi-
nentissime cardinal Barberin et recommandation de M"' l'Evesque de
' Bibliothèque de l'École de me'decine de grecs publié par Adrien de Valois et ex-
Montpellier, ms. H 371, fol. i56. Irait des manuscrits de Constantin Porphyro-
' Il s'agit ici du recueil des écrivains génète.
[1634] À CLAUDE MENESTIIIER. 721
Vaison. Si (sic) le P. Sacqiiy eust sans double pressé en sorte que ladirle
caisse eust esté portée à Civita Vecchia comme les siennes, et seroit
arrivée à Marseille deux mois y a comme les siennes, mais les frate ont
tousjours peur qu'il leur manque une heure quand ils ont ert teste de
marcher, dont je luy ay bien faict des reproches et dont il a bien esté
mortifié, car il a esté à Marseille plus d'un moys entier sans oser ve-
nir devant moy tant il avoit do honte d'une si chettive précipitation et
impatiancc d'attendre un jour vostro commodité. Je m'imagine que
vous avez voulu y joindre et faire attendre le marbre de S' Gr[egoire]
que j'attends encore plus impatiemment que le reste, et si le tout n'est
party avant l'arrivée de Patron Pascal, je vous supplie et conjure de
ne le pas laisser venir sans qu'il m'apporte et l'un et l'autre, ayant creu
que vous n'avez pas eu le courage de m'escrire par le dernier ordi-
naire d'un peu de regret que vous pouviez avoir sur le cœur d'avoir
tant tardé de me faire envoyer le marbre, qui ne viendra d'un an si
l'on ne vous presse sur l'occasion de quelque commodité de l'envoyer
tant vous avez d'occupations journalières qui pressent tousjours plus
les unes sur les autres plus elles sont fraisches, car dez que les choses
s'envieillissent un peu, il y a trop de peine d'y donner le moindre temps
du monde. C'est pourquoy je vous supplie, quand vous aurez quelque
chose pour moy, de vous en descharger sur M' de Bonnaire ou sur
M'' Despiots, qui prendront mieux les commoditez de nous les faire
tenir, et excusez mes libertez puisque je suis tousjours,
Monsieur,
vostre, etc.
Ce 7 septembre i634.
Vous me ferez plaisir de m'envoyer encore un autre exemplaire du
livre des familles d'Ursinus par la première commodité, et s'il est pos-
sible par le retour du Patron Pascal, pour en acconmioder un autre de
mes amys qui me le demande '.
' Bibliothèque de l'Ecoie de mi'deciae de Montpdlier, ms. H 171, fol. 167.
9>
72Î LETTRES DE PEIRESC [1634]
Lxxxrv
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EIN LA COUR DE L'EMISEîiTlSSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Le dernier ordinaire d'Avignon qui revint de Gencs à la my sep-
tembre, ne m'apporta point de voz lettres nomplus que le précédant
de la my aoust. Ce qui me faisoit craindre que vostre santé ne fusse
pas en bon estât. Cependant la caisse des vases ou modelles est enfin
arrivée avec lettre du sieur Egidio Rossi du 5 aoust. Les plantes que
vous y aviez mises du P. Sacchy avoient fort humecté ce qui estoit ez
environs, et spécialement la boitte où vous aviez enfermé les médailles
et autres choses plus curieuses, qui en patissoient desja bien à telles
enseignes, que le papier du mémoire et lettre que vous y aviez en-
fermé, estoient quasi pouiris. Mais je n'ay pas laissé de le pouvoir lisre.
Et y ay trouvé l'examen que vous y aviez faict du mesurage de tous
les modèles de vases de la caisse excepté de l'un de ceux qui ont
long bec, lequel vous aviez cotté IN. Possible est-ce celuy dont l'original
lut esgaré, ce que je vous prie de me mander, ou bien lequel ce fui.
Ayant trouvé fort estrange cet inconveniant dans une telle maison puis-
que c'estoit là mesmes que les ouvriers alloient travailler. 11 estoit vray-
semblablement de pareille contenance à celuy de mesine forme qui
estoit cotté B que vous dictes estre la juste moitié de celuy de mesme
figure aussy cotté F. J'ay trouvé dans la caisse tout le contenu au dé-
nombrement que vous m'en faictes par vostre lettre du 3o juin, ex-
cepté une paste jaulne de la teste d'un philosophe, ce dictes-vous, qui
sera par mesgarde restée en arrière. Et y trouvay de plus la médaille
du bœuf demeurée auparavant, et l'escuellon de la balance d'un petit
trebuchet et un fer de balance antique mentionné en vostre borde-
reau. Mais j'ay trouvé l'un et l'autre bien esloigné de ce que je m'en
estois promis, car j'avoys creu de voir les deux escueilons d'une ba-
[lG3/i] À CLAUDI-: MKNESTRIKK. 723
lance de moyeniio grandeur, avec leur propre brandie (jui les avoit
portez, sans qu'il y nianqnast rien que les fdiets à les pendre,
J'ay plusieurs morceaux de lironse antiques de diiïerantes gran-
deurs et de figure pai-eillc à celuy que vous appeliez Trochus ou
Piciolo. Mais je n'avois jamais creu qu'ils eussent peu servir j'i cet
usage, comme il seroit malaisé qu'il pcusse servir aux petits enfants,
au moings ])onr les foicier conmie ils font leurs sabots, aprez les avoir
jeltcz en terre. Car il y auroit trop peu de prinse pour le foirt. J'avois
creu (|uc ce fussent des Pesons do Homaine ou de statei'e et s'en trouve
encores de pareils en des stateres mesmes de fer, assez vieilles, comme
de plusieurs autres fort différantes ligures et proportions plus ou moings
grandes. En ayant mesmes d'anicuns antiques de bronze comme lo
vostre pendus à un anneau, altacbé à un crochet, qui seroit inutile à
l'usaigc des ])asse temps des petits enfants.
Pour cette espèce de hache, il y a beaucoup plus d'apparance qu'elle
puisse avoir servy au labourage comme vous dictes qu'aux sacrilires. il
en fut trouvé la charge de troys mullets au terroir de Lizieux du temps
de feu M^' le Garde des seaux du Vair' dont j'en choisys deux ou
troys, pour faire voir qu'elles avoient une petite oreillette ou boucle
pour le retenir de crainte qu'il ne se perdist en labourant parniy la
terre. Au moings ce fut mon advis conforme au vostre en cela. Ce
petit couvercle avec un oiseau peult avoir servy à rouvrir quehjue pelil
vase aussy lost qu'une lampe. J'ay pourtant esté bien aise de le voir.
Les médailles de Néron sans revers, et du revers de Faustine sans
leste ne sont pas à négliger, nomplus que cez poids gros et petits, quoy-
que j'en eusse de pareils. Mais j'attends bien plus impatiemment ceulx
du sieur Stephanone. Et ay grand regret que ne les aviez envoyés à
Civita Vecchia dez que vous les eustes, car ils seroicnl A cette heure
venuz aussy bien que la canisse, et je ne soroys pas en l'appréhension
que je suis, s'ils arriveront aussy seurement par autre voye, comme ils
eussent faict par celle là.
' On sait que Guillaiimc du Voir fui ëvAque de Lisicux de t6i8 k i6<t.
724 LETTRES DE PEIRESC [1634]
Quant à touts cez vases, j'ay prins grand plaisir de voir celuy qui
est en forme de soulier et le petit [mot illisible] et celuy du Trépied,
mais non sans grande mortification de ce que le fondeur n'a sceu faire
paroistre les façons des figures, feuillages, nioulleures et autres orne-
ments tant des ances que des lèvres, et spécialement des ances du
Bassin du Trépied, dont le premier dessein que j'en eus les faisoit
abouttir chascune en une teste de serpent ou d'autre animal. Ce qui
me faict bien regretter la despeuce, non de la moulleure, car tous-
jours eusse je esté bien aise d'en voir la figure, mais je l'eusse quasi
mieux aimé faire jetter en cire ou en piastre qu'en bronze, pour y pou-
voir examiner et gouster la beauté desdictes figures, feuillages, nioul-
leures ou fillets, d'où il se pouvoit tirer plus de fruict que de tout le
reste, car en toute façon la mesure ne s'y rencontre gueres pour la
contenance. De sorte que le simple dessein bien prins, et ui^ simple
inodelle de fer blanc pour la contenance de chascun, eusse quasi esté
de plus d'usage que cez modèles de cuivre qui ne sont que l'ombre ou
le noyeau de ce qui estoit en l'antique et sur quoy on pourroit ima-
giner des ornements touts autres que ceux que les anciens y avoient
mis avec tant d'affectation et de punctualité. Il y a si peu de temps
qu'ils sont venuz que je n'en ay encores peu examiner la mesure et
cappacité. Oîi je crains bien qu'il n'y ayt encore beaucoup à redire,
car aulcuns de cez vases sont encores fort pleins d'argille ou de sable
de la moulleure, cappable de bien altérer sa vraye mesure légitime.
Certainement pour les vases qui eussent contenu quelque inscription
ou marque particulière authentique relative à leur mesure et conte-
nance, je n'y eusse rien voulu espargner à les faire exactement mouUer,
mais pour des vases qui pouvoient estre faicls à plaisir sans observer
de mesure réglée, et la plus part desquels sont desgarnis de leurs
vrays manches ou tenons, ils n'en valloient pas la peine. Aussy n'es-
toit ce que de ceulx là que je demandoys des empreintes, et du Trépied,
croyant qu'il fusse plus asseurement ce qu'on en disoit, mais quand
j'en ay veu le modelle, je n'y ay veu aulcune marque bien expresse ne
concluante que ce bassin ayt jamais esté faict pour estre logé sur ce pil-
[1634] À CLAUDE MENESTRIEH. 725
lastre, nomplus qu'au vase A, pourestrc logé dans ledicl bassin, ne sur
le dict pillastic. Au contraire j'y trouve quelque sorte d'incompatibi-
lité et tiens que ce pillastrc n'ayt esté faict que pourpourter une lampe
ainsin que celuy qui est en la graveure d'un colier en Onyce que vous
me donnastes à Boysgency. Toutefoys je ne suis pas marry d'en avoir
veu le modelle que m'en avez envoyé, mais je n'en sçauroys rien déter-
miner, sans en voir un dessein cappable de me donner au vray les fil-
lets, moulleures et touts autres ornements. Et feray une despesche
pour cela à ce Prince aussytost que j'auray peu examiner le mesurage
de cez vases. Ce qu'attendant et qu'il vous plaise nous faire avoir ce
Trépied de marbre, et vous priant de bien adviser que l'on ne nous
donnasse pas le change, et qu'on nous envoyas! pour l'antique celuy
[lie vous aurez faict faire, je finiray, demeurant,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 4 octobre iC3'i.
Je ponsoys trouver dans la caisse les empreintes des deux Tablettes
de bronze de la Senora Doua Felice que vous disiez avoir faict mouller,
mais cela aura esté oublié'.
(\
LXXXV
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Le cœur me disoit bien que les longueurs dont vous usiez me porle-
roient malbeur, concernant cez pièces que vous aviez eu du sieur Stepha-
noni, ;\ faulte de me les avoir envoyées soubs l'addresse du sieur Egidio
Rossi, atissytost que les eustes recouvrées, ou de les avoir consignées
au bureau de la poste de Gènes soubs l'adresse de l'illustrissime
' Bibliotlièqiie de l'École de mt^deciiK' (le M<)n(|i(ilitM-, iiis. H •i7i, fui. i58.
726 LETTRES DE PEIRESC [1634]
Gior. Spinola, gênerai des Postes, comme vous aviez faict autres fovs,
et comme je vous avoys tant prié de faire. Car je les auroys mainte-
nant comme la caisse des vases, puisqu'elle n'en est partye que six
semaines aprez, et par disgrâce je receus hier soir voz lettres du
iS aoust sans que le pacquet couvert de toille marqué X soit venu.
Kt le pis est que l'on me mande d'Avignon que le porteur qui s'en
estoit chargé est mort en chemin, sans que l'on aye recouvré que les
dictes lettres que j'ay receues. Et celuy qui m'en a apporté les nouvelles
dict qu'il est mort à Pavie, ce qui ne peult estre, mais il aura vray-
semblablement prins Pavie pour Pise, tellement que ce sera grande
merveille si j'en recouvre jamais rien. C'est la vérité que j'ay faict une
bonne partie de la faulle, en faisant donner un mot d'adresse à ce
messager pour M"^ de Boniiaire, mais ce n'a esté que d'impatiance, et
pour vous donner un coup d'esperon, voyant la peine qu'il y a de vous
faire resouldre à mettre la main à la plume, et à m'envoyer ce que
vous me destinez, si ce n'est que l'opportunité extraordinaire du pas-
sage de quelqu'un vous importune, et vous desrobe du temps pour cela
que vous employeriez mieux ailleure. J'en suis si mortifié que je ne le
vous sçaurois exprimer, et fault que je vous supplie et conjure de ne
plus garder ce que vous m'aurez une foys destiné, ains de l'envoyer
incontinant, s'il vous plaict, à M"" de Bonnaire, lequel je prieray d'en
vuider quant et quant ses mains, et d'envoyer le tout au sieur Egidio
Rossy à Civita Vecchia, si ce n'est qu'il aye de meilleures commoditez,
ou que ce soient choses de si peu de volume, qu'on les puisse envoyer
par la poste de Gènes soubs l'adresse dudict sieur Spinola auquel cas
il ne fault que les consigner là au bureau de la poste de Gènes au
sieur Girolamo Mayno, son correspondant, qui s'en chargera volontiers
pour l'amour de moy en ayant ordre particulier dudict sieur Spinola et
estant, comme j'entends, fort honneste gentilhomme et fort obligeant,
et par cette voye il ne fault pas appréhender que rien se puisse perdre
en temps de paix.
Je plains bien cez poids dont vous m'aviez envoyé les desseins, et
cette graveure du Cupidon sur sa fleur, mais je me doubte que ce ne
[163A] À CLAUDE MENESTRIEH. 7-27
soit un Harpocrales plustost qu'un simple Cupidon. La manière le feroil
mieux jujjer, pour voit- s'il est chose yE|;yplienue, ou de cez siècles bar-
bares ou non. Et suis en plus d'appreliension (pie jamais qu'à la suilte
de ce malheur là, nous n'attendions encore si lon{] temps «juc la plu\«
l'ace revenir ù Rome ce vénérable Abbé de S' G[réj{oire], qu'enfin l'on
embarque ce marbre sur quelque barque destinée à tomber cz mains
de quel({ues pyrates, si Dieu ne nous ayde et si ne vous prévalez du
retour de Patron Pasclial et de Patron d'Aile ' avec leur barque. Ce-
pendant si Stephanoni avoit encores d'autres poids pareils à quelques
uns de ceux que m'aviez marquez (je dictz de ceux qui ont esté mo-
noye) ou s'il en avoit retenu quelque enij)reinte de hazard, do ceux
dont il m'avoil accommodé, vous me feriez bien plaisir de me les faire
avoir, car je n'ay guieres d'espérance de ravoir jamais ceux là, et ce
avec un grand crevé cœur, je vous en respons. Et si vous en ])ouviez
voir mon sentiment, vous ne feriez plus de difficulté devons descharger
sur le champ de tout ce que vous acquerrez pour moy cy aprez, afin
de ne me laisser plus de tel regret. Je trouvoys le marché fort raiso-
nable de la coronc de Scarabei pour six escus. Et ne laisray pas de vous
en faire volontiers le rembourcement (juoyqu'elle soit perdue, comme
des autres graveures que vous m'aviez aclieptées en mesmc temps et
en niesme lieu.
Quant à M"" Mazarini, il m'a escript en parlant de Rome une fort
honnestc lettre, et dez qu'il sera en Avignon, ou arreslé à la Cour, je
ne manqueray pas de luy respondre et de le servir, avec toute la ror-
rcspondancc ([ui y peull escheoir'^
Pour la Diane d'Ephese, je vous remercie du dessein que m'avez
<;nvoyé, et suis bien aise ([ue vous vous mettiez à y faire un discours,
ne doublant pas que vous n'y trouviez, si vous voulez, touts les plus
grands mystères de la religion des payons, et quasi sans exception. Jeu
ay veu plusieurs semblables en Italie et à Paris mesmes et une iulinilé
de desseins, en la pluspart desquels j'ay tousjours trouvé les Abeilles
' Ailleurs ce nom est dcrit Dalle. — ' Voir sur le fiilur cardinal Maxarin le recueil Pei-
resc-Dupuy, passim.
728 LETTRES DE PEIRESC [1634]
en nombre de neuf, pour represanter les neuf Muses, soubs les images
d'aultanl d'Abeilles. Et fault s'asseurer que touts les autres animaulx
qui y sont représentez, et le nombre niesme de chascun, sont affectez
à de pareils mystères. Mais il en fauldroit une description exacte, tant
du devant que du derrière et des costez, et y faire bien distinguer les
lyons d'avec les léopards, et ainsin de touts les autres animaulx. J'en
ay le fragment d'une figurette enrichie de diverses pierres fines de
différentes couleurs, que j'en ay sceu retrouver maintenant, sur lequel
j'avoys autres foys un peu resvé, quand il fut desterré en cette pro-
vince. Je le feray mieux chercher, pour voir s'il vous pourroit de rien
servir en cette occurrence. Et si par hazavd il s'en desterroit là quelque
pareille figure, où les neuf mouches à miel se fussent conservées, je
l'achepteroys volontiers. Il m'en a esté apporté de Smyrne une triple
figure, composée de troys corps adossez comme à une colonne, chas-
cun desquels ne représente qu'une simple fille vestiie ayant un chien
par dessoubs. De sorte qu'il y a troys chiens, comme troys filles, et
troys flambeaux. Ce que j'y ay trouvé de plus estrange estant de voir
cette patere en la main de chascune de cez troys figures, et que la
stole' ou l'habillement de cette fille soit si long, et plus bas que les
talions, si ce doibt estre une Diane, comme le flambeau et le chien
sembloit le pouvoir faire induire. Mais comme ce n'est que du jour-
d'huy que j'ay recouvré cette pièce, je n'y ay pas encore bien pensé,
pour m'en pouvoir resouldre. Cependant j'ay creu que vous ne seriez
pas peult estre marry que je vous en aye donné l'advis, croyant qu'il
y aura dans Rome afforce choses pareilles qui vous seront passées par
les mains, et que vous en pourrez tirer de bien meilleures consequances
que moy, ayant la notice que vous avez de cez raretez et des lieux où
vous les pouvez aller voir à toutes heures, pour vous y resouldre de
toute sorte de difficultez, sur quoy je demeure.
Monsieur, *
vostre, etc.
A Aix, ce 5 octobre i634.
' De l'italien stola, habit, vêtement.
[163â] À CLAUDE MENESTRIER. 759
Je viens eiicores tout présentement de recevoir des lettres de Mar-
seille de M' do Gastines et autres qui me donnent advis de l'arrivée
des galères du Pape, sur lesquelles il ne s'est rien trouvé chargé pour
mon compte, et qu'ils ont lettre du sieur tlgidio Rossi du at se|)-
tembre, qui avise d'avoir envoyé parle patron Pierre Cavalier un petit
fagot d'un quadre envoyé par M' de Bonnaire, sans qu'il y ayt aulcune
mention de caisse d'aulcun marbre de vostre part, qui est une marque
indubitable que le Trépied dort encores, ce qui a bien rengregé le
desplaisir que j'avoys dcsja de la perte de cez pièces du sieur Stepha-
noni, voyant perdre de si bonnes commoditez et si asseurées, qui ne se
présentent pas que rarement et dont le sieur Egidio Rossi auroit bien
sceu se prévaloir, si vous le luy eussiez faict tenir. Car cela seroit arrivé
dans dix ou douze jours de passage. Et ne puis me persuader que vous
n'ayez eu là des pluyes avant le a i septembre, veu que nous en avons
tant eu de par deçà qu'elles nous ont gasté toute nostre vendange'.
LXXXVI
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE REZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDIN AI. RARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Ce sera par l'ordinaire d'Avignon que je respondray A voz lettres
plus particulièrement, mais je n'ay pas deub laisser aller le patron
Pascal de reclief en ce pais là, sans le charger d'un billet pour vous
servir de la commodité de son retour, au cas qu'ayiez rien à m'en-
voyer de gros volume comme pourroit estre ce gros caillou escript, et
ce gros mortier de granité, ou autre chose. Cependant je vous remercie
bien humblement de ce que m'avez envoyé par ledict patron Pascal.
Et spécialement du Trépied de marbre que j'eusse trouvé bien plus
' Bibliothèque de l'École de mddecine de Montpellier, m». H «71 , foi. nà.
Y. 9*
730 LETTRES DE PEIRESG [163ù]
beau, s'il eust esté en son entier, car il y manque à mon ad vis plus
de la moitié de sa juste haulteur et ce qui eust esté le principal, à
sçavoir les pieds et la base, et ce qui y debvoit estre inclus. Mais tous-
jours y aura t-il de quoy tirer quelque fruict, de ce qui s'est saulvé
de l'injure du temps en sa partie supérieure, dont la manière ne ressent
pas la bonne antiquité primitive, ains celle du plus bas siècle de l'Em-
pire, si je ne me trompe. Tant est que je vous suis tousjours bien re-
devable de l'advis et de la preferance et n'oublieray jamais voz bons
offices, et si M"" Mazzarini vous tient parole, il ne tiendra pas à moy
que je n'y contribue tout ce que je pourray, pour vous faire emporter
quelque pièce ^ digne de vous et de vostre mérite, que je vouldroys
bien estre telle qu'elle vous peusse attirer en ce pais, estant de tout
mon cœur,
xVIonsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce a8 octobre i634 '.
LXXXVII
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOIIVE DE BEZANÇOÎV,
EN LA COUB DE L'EMINENTISSIHË SEIGNEUR CAllDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
L'arrivée inopinée du pedon ordinaire d'Avignon qui me vient de
surprendre au lict trop matin, ne me permet pas de vous respondre
punctuellement à troys de voz lettres que j'ay receues tant par le pa-
tron Pascal, que par l'ordinaire en date du 98 septembre et 6 octobre,
à quoy je verray de satisfaire par la voye de Lyon. Cependant je vous
diray que je fis incontiuant. . . \^ici quelques mots surchargés et indéchif-
frables] et que vostre cassette arriva fort bien conditionnée, avec le
' C'est-à-dire quelque bénéfice. — '' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier,
ms. H 371, fol. 160. ^
[1634] À CLAUDE MENESTRIER. 7S1
Trépied de marbre que j'eusse bien prisé au centuple, s'il n'eusse esté
tronqué comme il est de plus de sa moitié inférieure, où nous eussions
peu voir ce qu'il y avoit de principal on la base. Mais je ne laisse pas
de vous en demeurer bien obligé et profliteray encores de quelque
chosette en ce fragment qui s'en est conservé. J'ay trouvé bien gentile
la petite lampe en forme de limasson, comme aussy la pierre qu'avez
faict cier, oii estoit ce prétendu serpent ou ligne blanche spirale. J'au-
roys bien volontiers veu la surface extérieure de la crouste de ladicte
pierre soit du dessus, ou du dessoubs, pour mieux juger de la qualité
d'icelle, et si l'avez conservée, je vous prie de me la faire voir, avant que
je vous en die ma conjecture, où il m'est difficile de trouver assez de
fondement sans voir cela. J'ay veu bien volontiers la pierre d'Aigle en
sa naturelle forme sans poliment, ce qui m'a faict trouver moins es-
trange la blancheur du sable que nous avions trouvé dans le cœur de
celle que nous avions cassée ensemblement. Celte pierre de Malthe
n'est que le noyeau de l'un des estages creux de ce limasson de mer,
represanlé en taille doulce dans le libvre d'Ânimaulx de Basileus
Besler'. La figure des Grisolites* est naturelle comme celle du rubis
dont je vous remercie trez humblement. On me constrainct de clorre,
le pedon ayant desjuné et voulant partir. Et je demeure tousjours,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 3 novembre i63i.
M'' Mazarini m'a escript et moy à luy. Il est allé en Cour et h son
l'etour il ne tiendra pas i\ moy qu'il ne vous pourvoye bien Dieu ay-
dant, comme je croys qu'il le vouldra. Je nay pas de nouvelles des
médailles ou poids restez à Pise lors de la mort du porteur dans l'hos-
|)ilal. Bien ay je sceu que les vostres qu'il portoit furent renvoyées i^
Rome, et mises dans les grosses envelo])pes d'Avignon, et qu'elles ne
furent pas adressées de Pise à Gènes. C'est pourquoy il fault sçavoir
' Basile Besler, pharmacien h Nuremberg , est lauleiir de VHortus ei/sMlensis ( Nuremberg .
161 3, grand iu-folio). — ' C'est U pierre pr^euse appelée dayMHA*.
9*-
732 LETTRES DE PEIRESC [1634]
qui les a receues à Rome de Pise, car celuy là sçaura dire de la part
de qui elles sont venues de Pise'.
LXXXVIII
À MONSIEUR MENESTRIER,
GENTILHOMME DE BOURGONGNE ,
DE LA COUR DE MONSEIGNEUR LE CARDINAL BARBERIN,
À LYON.
CHEZ LE SIEUR COHPAIN.
Monsieur,
J'ay esté plus marry d'apprendre par vostre lettre du 3 de ce moys,
que vous ayez esté fasché, comme vous dictes, de la perte de mes
pauvres médailles, et de ce qu'il y pou voit avoir à dire en la moul-
leure de la caisse des vases, que je n'avoys esté d'abbord quand j ap-
prins le succez tant de l'un que de l'autre. Et si j'eusse creu que cela
vous deubt estre si grief, je me serois abstenu de vous rien faire pa-
loistre de mes sentimcntz pour ce regard. Mais je me laissay porter à
vous en dire ma pensée avec ma franchise accouslumée, seulement
pour extorquer de vous cette petite sollicitude, lorsque vous auriez
délibéré de me despartir quelque curiosité, de l'envoyer incontinant à
cez Messieurs qui me la pouvoient faire tenir, afin d'esviter les incon-
veniants que l'on peut rencontrer dans l'eiitretemps, et de prévenir
toutes occasions d'y avoir du regret. Et vous asseure que pour l'advenir
je n'oseray pas vous parler si librement, crainte de vous desplairre,
ce que je ne feroys jamais à mon essiant, vous honorant comme je faicts
jusques au dernier poinct, et m'advoiiant tellement redevable à voz
honnestetez, que je ne pense pas vous pouvoir jamais rendre d'assez
digne recognoissance de vos bienfcicts, quoyque je puis bien vous as-
seurer que je ne m'y espargneray pas, et que si je ne m'en acquitte
' Bibliothèque de i'hcole de m^ecine de Montpellier, nis. H ayi, fol. i6i.
[1634] \ CLAUDE MENESTRIRR. 733
selon mon devoir, vous y verrez pourtant, s'il plaict h Dieu, des effects
conformes à tout ce qui pourra estre de mon petit credict. Ne pouvant
vous dissimuler que je ne compatisse beaucoup de voir si peu de [)ro-
grez en vostre fortune. Mais vous sçavez ce que je vous ay dict autres
foys à Boysgency, sur les plaintes que vous me faisiez en cas pareil,
de la part de M'' Suarez, qu'il ne falloit poinct se lasser de poursuvvre
sa carrière quand on y estoit embarqué si avant, qu'il n'estoil plus
temps de reculer, que Rome n'estoit poinct ingratte tost ou tard à ceulx
qui avoient le don de persévérance, et de s'abstenir d'eu venir aux
reproches, qui ne pouvoient estre divulguez sans faire un grand tort.
J'attends icy dans peu de temps M"" de Vaison avec qui nous «■»
Iraictcrons, et croys bien que M"" Mazzarini ne sçauroit pas tarder de
revenir en Avignon, avec qui nous taschcrons de concerter quelque
bon moyen de vous adsister. Cependant l'eminentissime cardinal de
Bagni m'escript qu'il s'en retourne en cour de Home, où il ne vous
abandonnera pas si l'occasion se présente de vous faire ofTwe de bon
patron. Il ne fault jamais mal espérer de la repnbli<|ue, ne de nostre
fortune, pour ne nous procurer du mal, qui peidt advenir par cez dos-
plaisirs anticipez. Il vault mieux favorablement augurer pour l'advenii-,
et ne pas tant blasmer tout le passé, quand il y peult avoir quelque
chose de nostre faict ou de nostre obmission. La collation que je lis
lorsque vous estiez à Boysgency, n'a pas peu sortir son effect, celuy
qui avoit eu un vicariat de moy m'ayant prévenu, avec un peu de mau-
vaise foy, sans laquelle vous y eussiez Irouv»^ un peu de place; il fault
se donner patiance qne les oyseaux de pa.ssage repassent et tenir Joutes
choses bien prestes pour tirer son coup bien as-seurcment <'n captant
la benevolance de ceux qui vous y peuvent porter, par toute sorte de
defferance et de lesmoignage de gratitude anticipée. Je n'y trouve point
de plus grand secret non seulement en telles matières, mais rpiasi
en toutes aultres oi!i il se peult vaincre quelque chose par honncstet*'.
Il vous souviendra, par exemple, de ce que vous me dictes avoir apprins
qu'à Autun il sestoil trouvé des cueillers et fuseres d'argent anti<|ues
figurées. J'escrivis à de mes amys pour en apprendre des nouvt'll»'<. «-t
734 LETTRES DE PEIRESC [1634]
ay esté deux ans entiers en la poursuitte la plus doulce que j'ay peu
d'en avoir les desseins et quelque empreinte, sans que persone en fust
encores peu venir à bout. Encores que des gentz de grande considé-
ration s'en fussent meslez, tant en estoit jaloux le gentillioniuie qui
en avoit la possession d'une bonne partie, car l'autre a esté dissipée
et despaisée. Enfin lorsque je m'y atlendoys le moirigs il a prins une
humeur à ce gentilhomme de s'en venir exprez faire un voyage eu cette
province pour me voir et ne s'y est laissé gouverner que deux jours
seulement', dans lesquels il a tesmoigné tant de correspondance à la
syncerité qu'il a recogneue en raoy, qu'il m'a laissé à toute force en
propriété les deux cueillers d'argent d'où il se pouvoit tirer plus de
fruict pour le public, sans que j'aye peu faire qu'il les ayt emportées,
et qui l'eust laissé faire, il m'eust pareillement laissé des brasselets,
chaines, carcants, et auli'es bagues dor antiques pour plus de 5o pis-
toles pesant, qui avoient esté trouvées au mesme lieu et au mesme
temps que lesdictes cueillers, dans l'une desquelles y a une figure
assise d'assez bonne main toute niie qui tient une bource à la dextre,
et s'appuye de la senestre sur le caducée comme sur une crosse ou .
pottance de malade, le petase estant par terre à ses pieds, et y ayant
encor un coq et un bouq devant luy. Comme si Mercure avoit affecté
de se desguizer, et jouer le personnage d'un homme malade et comme
stroppié. L'autre cueiller est enrichie d'ouvrage d'esmail noir (que les
orfèvres appellent du ne!) et n'y a que l'image d'un monstre marin,
mais j'y trouve de si belles choses à dire que de long temps il ne me
tomba rien en main qui ayt donné plus d'exercice à ma curiosité. Ce
que je ne vous ay pas deub celer, pour vous tesmoigner par mesme
moyen le bon gré dont je vous doibs une bonne partie, puisque vostre
advertissement me r'affraischit la memoiie de ce que j'en avoys ouy
dire autres foys, et que j'avoys desja oublié pour lors. El fut cause
que je m'aheurtay à cette poursuitte, qui a si heureusement reussy.
Aussy bien que celle de la communication des vases du prince Bor-
' Sur la visite à Peiresc du sieur de Montaigu , lieutenant en la chancellerie d'Autun , voir
Gassendi (livre V, à l'année i63i, p. ^27).
[1634] À CLAUDE MENESTRIEH. 9gS
ghese, dont je ne laisray pas de me bien prévaloir, et de professer les
obligations que je vous en aye de tant de peine que vous y avez prins,
et de voz bons advis sur ce suhject, dont j'estime bien le dernier que
vous nie donnez par vostre dernière lettre, que son Tre|)ied avt esU*
trouvé de vostre temps, car j'avoys creu qu'il l'eust achept/* avec le
cabinet des bronzes d'un certain curieux que je ne vous sçaarovs
nommer à cette beure. Et pense que ce que vous marquez de la parité
de la rouille ou vernix tant du bassin que du vase et du pied, est nn
des plus grands arguments qu'on sçauroit apporter pour inférer que
l'un ayt esté faict exprez pour çstre ap|)ropnY! à l'autre. Car sur l'em-
preinte je ne trouvoys pas que les monlleures du ctd du bassin se
rencontrassent trop bien, pour s'enchâsser précisément dans celles du
chappiteau de cette colonne, si ce n'est le seul bord extérieur. Tant est
que je verray volontiers les moulles de piastre que vous en avez re-
tenus, et que dictes avoir remis à patron Faulconier avec d'autres ances
dont je vous remercie bien humblement, et si aviez conservé les treus
des autres vases, principalement des petits, et de ceux qui ont quel-
ques moullcures ou enrichissements, vous me feriez plaisir de me les
faire avoir, quand il se présentera quelque barque, jugeant que lonc-
tion de graisse dont se plaint ce prince est ca[)able de porter assez de
corps pour empescher que le piastre ne puisse si bien exprimer les
arestes ou fdletz des moidcures qui paroissent si peu dans les em-
preintes de metail. Et toutefoys c'est de là quasi principalement que
je tire les plus jolys argumentz de mes petites conjectures. Je n'ay pas
encores peu les bien examiner et suys constrainct d'en n-mettre la
partie à cez prochaines festes de ÎNoel, auquel temps Dieu a\dant j'y
pourray mieulx vacijuer, et escriray !\ Son Excellence pour obtenir des
desseins de quelque pièce plus cappable de servir h mes petits desseins.
Et luy feray des excuses de cette onction de graisse, croyant que si
vous les faisiez bouillir dans de l'eau claire avec tant soit peu de cen-
dres, toute cette onctuosité se perdroit comme je l'ay prartiqué en
plusieurs pareilles pièces, où il ne paroit plus que nous ayons faict
verser de l'huille comme il falloit pour les mesurer exactement. i\e qui
736 LETTRES DE PEIRESC [i63i]
sembloit certainement les avoir diffamées, et leur avoir altéré toute la
couleur et le lustre de leur vernix ou de la j)atina. Mais je n'ay pas
bien peu entendre ce que vous a dict son garde robbe qu'il avoit caché
un autre vase pour sçavoir si l'on luy rendoil le nombre entier. Et
voudroys sçavoir au vray si c'estoil celuy dont vous plaigniez tant la
perte ou non. Et mesme si je pouvoys sçavoir lequel précisément estoit
celuy qui se trouva perdu, vous me feriez plaisir de me le mander, et
vous en supplie, et pour cause.
Cependant je vous remercie du petit griffonement de cette lampe
suspendue sur un trépied du sieur Cavalier Gualdo, et de ce Cupidon
estudiant sur une fleur (dont je ne me tiens pas moings vostre rede-
vable que si je pouvoys recouvrer un jour la graveure originale, puisque
vous me l'aviez despartye avec tant de franchise). Comme aussy du
soing qu'avez prins de faire escrire à Pise par M' le cavalier del Pozzo ,
et d'escrire vous mesmes à Florence à ce cavalier Passigniani, regret-
tant leur peine et sollicitude et ayant depuys apprins que ce pauvre
homme entra malade en l'hospital de Pise le 7 septembre et en sortit
convalescent le 2 5"'' du mesme moys, de façon que puisqu'il n'est arrivé
de par deçà, il fault qu'il ayt eu quelque recheutte, et qu'il soit mort
en quelque autre hospital sur le chemin de Pise à Gènes, dont nous
n'avons encores sceu apprendre aulcunes autres nouvelles. Et puisque
vostre fagot ne pesoit pas plus de troys libvres et demy, si vous l'eus-
siez présenté au sieur Girolamo, commis de l'illustrissime Girolamo
Spinola, au bureau de la poste de Gènes dans Rome, vous l'eussiez
trouvé bien disposé de le recevoir quand il auroit pesé jusques à dix
et douze libvres, quand ce n'est que pour une foys ou deux l'année
seulement. Mais j'en suis meshuy tout consolé et n'y songe plus.
L'on m'envoye de Paris une cassette 011 il y a jusques à 60 poids gros
ou petits, où M"' Aubery dict en avoir recogneu de plusieurs sortes qui
ne luy estoient encores passez par les mains, et possible y en aura-t-il
quelqu'un de ceux que je plains le plus entre ceux del Stefanoni. Et
puisque vous avez un vieillard qui en a bon nombre, si m'en pouviez
dresser un petit bordereau , je jugeroys facilement ceux qui pourroient
|163/i| À CLAUDE MENESTIUER. 737
mériter d'estre mouliez, et recevray sans double à faveur singulière
d'en avoir les empreintes, ne pouvant prétendre aulx originaulx. Ce-
pendant si vous y en trouvez de pareils à ceux des Stefanoni dont vous
m'aviez envoyé le gnironement, il n'y auroit pas de danger de me les
faire raouHer et m'envoyer les empreintes au plus tost. Je luy escriray
quand vous vouldrez me dire son nom et ses quaiitez particulières, si
besoing est^
LXXXIX
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE l/EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBBRIN,
À nOME.
Monsieur,
Nous avons eu le bien de voir icy M' le Conte d'Ysinghen avec
M"" le Chevalier, son frère, et le s'' Simonin, leur gouverneur, mais ce
n'a esté que bien à la desrobée, car ils ne se voulurent pas arrestcr
icy un jour entier. Je leur fis voir la momie comme vous désiriez et
quelques autres petites curiositez. Ce sont de trez braves seigneurs et
grandement méritants,
M' Simonin nous fit voir quelques cahiers de sa rose et de son
Atrium, qui méritent de luy sçavoir bon gré de cette curiosité, mais je
ne sçay si les imprimeurs do Lion les vouldront imprimer, si ce n'est
par correspondance authorisée avec M' Prost, comme il me disoit. Ils
allèrent ù Marseille pour recevoir leurs bardes, et de là prendre la
routte d'Arles, Nismes, Avignon et Orange, s'ils m'en croyent, et pen-
soient trouver à Marseille le patron Faulconnyer arrivé, mais je ne
le croys pas, ayant régné de trop grands vents du Mistral quelques
jours, qui luy sont contraires, et M' de Gastines ne m'en a rien mandé,
' Bibliothèque de l'Écoie de mëdecinc de Monlpcllior, nis. H 971, fol. 198. La lettre wt
sans signalure c( sans dolc. On a inscrit'au sommet du folio 198: 3o novembre i63â.
T. 93
738 LETTRES DE PEIRESC [1634]
comme il eust faict, je m'asseure. J'escrips en grande haste et y a un
mot pour le sieur Stephanoni que j'avoys oublié cy devant, et son
livre des familles d'Ursinus, sur quoy je demeure en vous remerciant
de si bonnes adresses,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 5 dëcembre i63â '.
XG
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
Pendant que j'eus ce bonheur d'estre avec vous il me semble vous
avoir dict comme l'on trouvoit de l'ambre en Sicile auprès de Catane
laquelle^ ne cède en rien à celle de la Prussie ny de la mer Baltique,
la nature estant pleine (je ne sçay si ce sera point à cause de la cha-
leur plus grande qui règne en Sicile qu'en ces pays septentrionaux
d'en produire), en ayant veu des morceaux aussi beaux en couleui-
que de chrysolites, d'autres chargées de diverses couleurs, c'est h sça-
voir de bleu, rouge, jaulne et vert, ressemblant du tout à des opalles.
Et je regrette et regretteray à jamais une occasion d'un marinier le-
(juel en avoit apporté en ceste ville un grand sacq tout brutz et sans
estre polis, mais en particulier il avoit jusques à cinquante pièces for-
mées et façonnées en cœur, entre lesquelles il y en avoit de diverses
couleurs et entr'autres un petit coeur que s'il ne m'eusse dict estre
ambre comme les autres je l'eusse tenu pour une hyacinthe la belle.
11 vouloit vendre le tout ensemble; à grand peine me laissa prendre
trois petites pièces comme des noix lesquelles, estant arrivé au logis,
je polis moy mesme, et voyant qu'ils estoient réussis si beaux, le jour
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de feurs (jui ont fait du mot ambre un mot
Montpellier, ms. H 971, fol. 169. féminin. C'est la désinence qui l'aura
■ Meneslrier est un des très rarps au- trompé.
[163ÛJ À CLAUDE MENESTRIER. 7S9
suyvant je m'achemina à Ripe Gi-ande et trouva que la harque avoit
l'ait voile. Il y a pour le présent à Home un |;eoiier lequel est de meame
pays (Inquel je me suis informé de la naissance et nature de ladile
ambre; il m'assenra (ju estant en Sicile que plusieurs foys il en a fairi
besclier dans la terre, et en a trouvé des morceaux aussi gros que les
deux poings et en d'aulcuns y a rencontré des animaulx comme en
celle du septentrion assez profonds dans des terres parmy des mon-
tagnes. Et lorsque survenoienl de grands desbords d'eau, alors les
torrents en descouvroient en abondance, les portoient dans les rivières
et de là dans la niei-, lesquids puis, connne la mer estoit agitée, elle
les rejetoit sur le sable comme clic a la coustume de faire les autres
légèretés. De quoy je m'estonne que les Romains n'ayent jamais des-
couvert telles curiosités, veu qu'ils en faisoient anciennement du
conte (sic), et non s'amuser à des fables comme ils font touchant l'ori-
gine de ladite ambre '. Jusques à présent il n'y a eu personne qui en
aye fait mention. J'en ay faict la mesmc espreuve soit à tirer la paille,
papier, lierbage et autres petites chosetles, et à l'odeur qu'elle rend
en la bruslant et en icelle n'y trouve aucune dilVcrence. 11 y a ici des
naturalistes à qui je l'ay communiqué lesquels ont pensé sçavoir le
lieu d'où je l'avois eu, lesquels j'ay renvoyé aux Apennins. Si la for-
lune eusse voulu que j'eusse esté pourveu comme d'aulcuns, et non
obligé d'attendre la miséricorde et occasion à Rome, j'aurois faict un
voyage par la Sicile, là où je tiens que j'aurois descouvert des mer-
veilles de la nature, mais il fault que j'aye contre mon grand regret
patience et croupisse en ma misère. Entre aultres je n'eusse rien plus
désiré que de m'esdairer des ossements de géants qui se retrouvent en
Sicile, et de quoy j'ay bon tesmoignage, ayant un morceau de la mâ-
choire avec une dent grosse comme le poing, laquelle fut envoyée par
Dom Vicenze Mirabella au prince Gesis*, luy descrivant le lieu là où
' Co n'est pas seulomenl dans les Mêla- * Snr li' prince PrAlôrir (^», pré«iilcn(
morphoses dOvido , c'est aussi dans \' Histoire <le l' Aradt'inie des l.yiicei i Rome , » oir. dans
naturelle de Pline que ion trouve beaucoup le fascicule XIll de» CorrttpoHdunti de ftt-
de rëcits fabuleux au sujet du siiceinum. me, LtUru dt Gabriel IVamU (p. 6» ), an*
93.
740 LETTRES DE PEIRESG [1634]
il l'a trouvé en y adjoustant ung morceau d'un os de la jambe avec
spondite ou le dernier os d'un doigt, et l'invitoit par sa lettre d'aller
veoir un tel prodige lequel il tenoit secret jusques à ce que passeroit
par de là quelque personnage digne de luy faire voir tout entier. J'ay
appris d'autres Siciliens qu'ils ont veu des carquasses humaines si
grosses qu'à peine un homme les eusse peu embrasser.
J'ay notice aussi d'une montagne laquelle n'est point composée
comme la nostrc de Rome de coquillages, ains toute de dents d'élé-
phants et de mâchoires que les affronteurs vendent par l'Italie pour
licorne, mais c'est ebur fossile. J'en ay veu des morceaux qui pesoient
des quarante livres, et l'on m'asseure que toute la montagne est com-
posée de semblables dents.
A Rome, ce 19 décembre i634 '.
XGI
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN L\ COUR DK L'EMINEMISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN ,
À ROME.
Monsieur,
Je ne laisray pas eschapper la commodité de M"" Bouche, docteur
eu Sainte Théologie de noz meilleurs amys, sans m'en prevalloir pour
curieuse citation tirée du Mascurat. En cette cile. Ebur fossile. Gigantum ossa. Peiresc a
même citation, comme j'ai déjà eu i'occa- aussi fait quelques menues corrections. En
sion de l'indiquer (t. IV, p. ^79), Naudé se tout cas ce n'est pas lui qui a donne au cha-
moque avec impertinence de la crédulité noine Menestrier, à l'abbé Mencstrier, ce
itd'nn certain Claude Menestrier de Besan- titre répété par le bibliothécaire Lambert en
çon , que l'on disoit avoir été grand natu- son Catidogue des manuscrits de Carpentras
raliste ou plustost grand fabuliste ti. (t. II, p. 3i5) : r^du P. Menestrier. » A la
' Bibliothèque d'Inguimbert , collection page ioi du même catalogue, on a eu tort
Peiresc, registre LUI, fol. 70. Copie. Pei- de faire du prétendu pèce le (rbibliothécaire
resc a de sa main mis en tête de cette copie du cardinal Barberin ".
en gros caractères : Succinum. Ambre de Si-
[1634] À CLAUDE MENESTRIKR. 741
vous faire tenir une petite boitte d'autres petits poissons qui ne vous
seront pas, je m'asseure, nioings ajjreables (si n'en avez desja provi-
sion d'ailleurs) que peuvent eslre les autres plus grosses pièces. Au
contraire il semble que cez petites cliosettes se goustent mieux que le»
grandes, pour estrc plus maniables. Je suis marry de n'avoir rien de
plus digne de vous présentement, mais à l'advenir j'espère que ceux
que j'ay enfin mis aprez celte recherche et sollicitude pourront ren-
contrer de plus curieuses pièces Dieu aydant.
Au reste je vous prie d'adsister partout oii vous pourrez M' Bouche
pour l'amour de sa vertu, et pour l'amour de moy, et de l'introduire
partout oiî besoing sera auprez de cez Messieurs de la Cour de Son
Eminencc, auxquels je ne puis escrire présentement comme j'eusse dé-
siré en sa faveur. .Te l'ay prié de me faire luy mesmes des empreintes
de papier mouillé de quelques incriptions antiques dont je désire exa-
miner le caractère, non seulement des Grecques et en langues orien-
tales Barbares anciennes, mais des plus anciennes Latines, entr'autre»
celle de la colonne Rostratade Duillius du Capitole, celle de L. SCIPIO
BAHBATVS, celle d'HEllODES de Farnese, et la PALMYRENIENiNK
in hortis Carpensibus. Je vous prie de luy en faciliter les moyens aul-
lant que vous pourrez, et si par occasion m'envoyez les oni|)reintes
des escrileaux de cez Etrusques quarrécs, elles viendront encor à
temps, car vous avez tousjours oublié de les faire mettre dans voi
caisses.
Si vous avez veu quelque inscription bien antique en (juelque langue
que ce soit, principalement des Barbares, qui se puissent mouller de la
sorte, je seroys infiniment aise de les voir, et qu'on me les apportas!
roullées comme un tableau autour d'un baston si elles ne se peuvent
loger eslendiies dans ([uelque caisse. M' Bouche en sera volontiers le
porteur à son retour, s'il ne se présente plustost de commodité asscu-
lée par le sieur Egidio Bossi,au cas que Patron Pascal soit desjà parlv.
Je vous respondray par l'ordinaire de vendredy prochain à celles qu'il
m'avoil apportées de vostre part, oi!i je fus bien aise de voir l'acquisi-
tion quaviez faicte de cez 3o pièces de poids ou monoyes marquées de
742 LETTRES DE PEIRESC [1634]
leur valeur apportées de TAquila', et me tardera de voir s'il y aura
rien qui puisse suppléer la perte des autres dont je ne me promets
plus de ressource aprez tant de temps escoulé depuis que ce misérable
porteur sortit de l'Hostel Dieu de Pise sans qu'il ayt paru en aulcun
lieu ne donné de ses nouvelles. J'ay receu la boitte de celles deM"' Au-
bery, oii j'en ay trouvé d'assez jolyes, entr'autres une du Taureau sem-
blable à la vostre, mais grandement nette et conservée, comme aussy
celle d'un petit vase avec la note et un crocbet, dont m'en aviez en-
voyé une assez mal conservée tant de poids que d'empreinte. Elles m'ont
pourtant laissé en cette mortification de n'y en avoir trouvé qu'une
seule de celles dont m'aviez envoyé le dessein où vous parliez d'une
fleur de liz, dont je ne demeure pas d'accord. Et si ne trouvez bientosl
de bonne commodité soit par le patron Pascal ou autre, c'est que^ le
poids ne soit pas considérable, je m'asseure qu'au bureau de la poste
de Gènes, le respondant du sieur Spinola se chargera volontiers de la
boitte que vous lui pourriez consigner. En un besoing pourriez faire
marché du port, h raison de tant la lettre, que je feray bon audict
sieur Spinola.
J'ay esté bien aise aussy d'apprendre vostre acquisition de ce petit
vase d'Agathe à si bon marché. Il ne fault rien négliger en cez ma-
tières là quand on s'y engage, elfauldra voirsi la mesure ne sera bonne
à rien quoyque si petite. Je pensois vous avoir mandé que par malheur
l'inondation de la rivière nous avoit emporté le greffe du saule odori-
férant, et y estoit demeuré je ne sçay quel petit fragment qui avoit de-
puis poulcé un autre beau rejecton, mais une autre inondation de ce
moys d'octobre dezracina la plante et l'emporta tout à faict. De sorte
qu'il n'y aura plus de resource que de chez vous. Je feray accommoder
des plantes de l'Ilex Gocciger pour Son Eminence.
Au reste M'' de Vaison est passé par Sisteron droict chez luy sans se
laisser voir, dont je suis un peu mortifié, bien aise toutefoys qu'il soit
arrivé et sain et sauve en sa maison. Je luy ay escript et envoyé de-
' Ville d'Italie, dans les Abruzzes, sur l'Aterno, à gS kilomèlres de Rome. — ' Et tjue
le poids ne soit pas considérable , pourvu que le poids , etc.
|l63i] À CLAUDE MENESTIUER. 743
mander s'il avoit poinct de lettres de noz bons seijjneurs et aniys,
croyant Lien que quelqu'un l'en aura chargé, à touts le rnoings ceux qai
n'escrivent pas par la poste.
Il m'est venu en fantaisie d'examiner à ma mode les médailles de
XIOG, dont il se trouve si grand nombre, et parliculieremcnt de cellen
qui sont les plus grandes, dont j'ay plus de /io ou f)© pièces, mais
neantmoings tant que vous en trouverez à bon compte, me ferez plai-
sir de me les retenir et envoyer. Principalement quand elles seront
bien nettes et bien conservées, et pucelles, sans que le burin les aye
gastées, de quelque grandeur ou petitesse qu'elles soyent et de toutes
les autres sortes d'où qu'elles soient qui porteront des marques de la
valeur ou du poids de la pièce, mais surtout de celles qui ont les six
pallottes m ou les Astragales. Sur quoy je demeure, Monsieur, eu
vous souhaictant les bonnes festes et la bonne année,
voslre, elc.
A Aix, ce a5 décembre i634 '.
XCII
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUn DE L'EMINENTISSIHE SEIGiSBUII CARDINAL ll\KIIERIN,
À KUME.
Monsieur,
Je vous ay escript depuis deux jours par le sieur Bouche, prevost
de S' Jaume, que je vous ay recommandé d'accompagner en quelque;»
lieux pour ma curiosité, et par luy vous ay envoyé une petite boitte
de petites estoiles marines et autres aniniaiilx et curiositez de mer. eu
attendant qu'on m'en fasse avoir meilleure provision, comme j'espère
à cette heure qu'ils ont commancé à sçavoir recueillir et acconimiKler
cez petites choses, auxquelles ils ne vouloient pas s'amuser. Le patron
' BibliothtVfue de l'École <lc médrciiio de Mont|)t!llier, ras. H «71. fol. i63.
llxU LETTRES DE PEIRESC [163A]
Faidconier n'est pas encor arrivé, par qui disiez dernièrement de
m'avoir envoyé quelque pierre.
Bien ay je receu par le dernier ordinaire d'Avignon vostre lettre du
'ik novembre concernant les plantes de l'Ilex Coccigera, dont je feray
cueillir et arracher quelques unes de celles qui sont en port du Ver-
millon, et les feray loger en un vase pour les envoyer par la première
commodité. Et si je puis par les galères du Cardinal de Lyon, et en
feray tenir d'autres en des vases pour prendre terre plus à loisir afin
de les envoyer en meilleure saison si celles là meurent, comme je le
crains si elles n'ont prins terre à leur aise sur les lieux. Pour le saule
odorant, la rivière' nous a enfin emporté la plante mesmes sur quoy
a voient esté faicts les greffes, dont les rejettons avoient esté emportez
l'année passée à mon trez grand regret pour l'amour de vous et en-
cores pour l'amour et le respect de l'eminentissime cardinal Patron
puisque c'estoit pour son service que vous les demandiez.
J'ay veu la lettre que vous escript le sieur Passignani pour raison de
ce misérable messager d'Avignon, dont je vous ay bien de l'obligation
et par mesme moyen à luy et à l'illustrissime cavalier del Pozzo. Le
mal est que ce pauvre homme n'est jamais comparu, et fault qu'il ayt
eu quelque recheutte qui l'ay faict demeurer en quelque autre lieu et
possible dans quelque fossé, s'il ne s'est peu accueillir en quelque
autre hospital. Dont j'ay envoyé faire toute la perquisition que j'ay
peu. Et en ay chai'gé le sieur Bouche partout où il passera en allant
à Rome. Car s'il n'a esté tué et voilé par quelques bandis, on en deb-
vroit sçavoir quelques nouvelles dans les hospitaux sur le chemin qu'il
pouvoit tenir, parce qu'on y tient registre de ceux qui meurent. 11 faul-
dra se donner encor un peu de peine de ce costé là, pour voir si elle
nous pourroit faire trouver des nouvelles de noz pauvres médailles et
autres curiositez que vous y aviez jointes.
J'en ay receu quelques unes de cette nature à peu prez que M"^ Au-
bery m'a acheptées à Paris de sa grâce, en nombre d'une soixsantaine,
' Cette rivière est le Gapeau , qui parfois arrosait trop les jardins de Belgenlier.
[1634] A CLAUDE MENESTRIER. 745
entre lesquelles il y en a deux qui ont d'un costé un Trident, et de
l'autre je ne sçay quoy que je n'ay peu bien descliiffrer à mon gré. Ce
qui me faict bien regretter la perte de celle que vous aviez eue du
sieur Stefanoni, qu'il croyoit estrc une fleur de lys. Car pour certain
c'cstoit la mesme sorte de médaille que vous m'avez desseignée. Mais
il est trez asseuré aussy que ce que vous y mettez comme une Heur
de lys est indubitablement un Trident dont l'antiquité ou l'indiscrétion
de l'ouvrier qui avoit nettoyé la médaille avoit retranché le manche du
Trident et les pentes des deux costez dudict manche, qui paroissent
fort bien en celle que M' Aubery m'a faict avoir. Mais le revers ne pa-
roit pas assez bien à mon gré dans ma médaille ne dans le dessein que
vous aviez faict de la pareille du Stefanoni, pour en pouvoir rien dé-
terminer sans avoir le secours de quelque autre pareille.
Il me souvient d'en avoir veu deux semblables à feu M' Joly qui
vendit aprez tout son cabinet à feu M' de Fontenay Olivier, des suc-
cesseurs duquel le Mareschal d'Efliat les achepta, mais Dieu sçaict ce
que le tout sera devenu.
.T'en ay autresfoys veu de semblables encores en Flandres, mais je
n'avoys pas lors tant de curiosité à cez choses là , comme à cette heure.
Et croys que si dans Rome il y a des curieux qui en ayent faict tant
soit peu de recueil, vous y en trouverez plusieurs seniblables, auquel
cas je vous prie d'essayer de m'en faire avoir des empreintes si ne
pouvez leur troquer les originaulx, car j'en verroys volontiers plus
d'un semblable, à cause que de cez ouvrages si gofies, si la multij)licité
ne faict bien discerner ce que ce peult estre, mal aisément un seul y
peut sullire. Avec ceux que M"" Aubery m'a faict avoir j'ay encor eu une
douzaine de cez poids quarrez avec des lettres dargonl de ra|)port dont
j'avoysdesja une trentaine, et dont le nombre m"a faict prendre plus de
goust que je n'en avoys. C'est pourquoy je vous prie de m'en retenir
tout aultant que vous en trouverez gros et petits, principalement de
ceux qui seront bien conservez. Et si le sieur Stefanoni me veull faire
bon marché de tout ce qui leur peult estre demeuré de reste, je ne
feray pas de difliculté de les faire touts prendre.
T. 9*
7/i6 LETTRES DE PEIRESG [1634]
Vous m'aviez parlé d'un bon vieillard qui en a quantité dont il ne se
veult pas delTaire. 11 fauldroit luy faire trouver bon que vous en fissiez
un peu de rolle ou inventaire et qu'en fissiez mouller, puisque croyez en
avoir le crédit, ceux que jugerez pareils à ceux que m'aviez desseignez
du Stefanoni, et quand j'en auray veu le rolle, s'il se vouloit mettre à la
raison, possible luy en pourroys-je bailler une pièce d'argent. N'oubliez
pas de faire mouler ceux que trouvez marquez 5oooo comme cez deux
qui se sont perduz et ceux qui sont marquez <^~^, et ceux qui ont le
glan des deux costez, ou d'un seul, et touts les Etrusques ou qui ont
le gros relief, avec quelque sorte de lettres que ce puissent estre.
Mais pour les poids quarrez, s'il s'en trouve de vostre temps, retenez
les touts tant qu'il vous en passera par les mains, principalement plus
petits, sans les faire nettoyer ou descouvrir avec des fers ou burins, car
on leur a osté ou esmoussé les figures de relief qui y estoient enchâs-
sées d'ouvraige de marquetterie, non seulement d'argent, mais aussy
de cuyvre rouge pour imiter la couleur des visages et quelquefoys
mesmes du nel ou espèce de métal noir quasi comme esmail. Oultre
qu'on leur oste souvent de leur juste poids et je les ayrae mieux avec,
toute leur rouille que de les voir si desfigurez comme estoient aulcuns
de ceux que m'apportastes à Boysgency. Surtout soyez jaloux de
ramasser touts les plus petits qui vous pourront passer par les mains
depuis le poids de l'once en bas jusques aux moindres scrupules inclu-
sivement, de quelque forme et qualité qu'ils puissent estre.
Cela me faict souvenir de ce gros poids de bronze de dix libvres que
les PP. Jesuistes ont mis en leur Bibliothèque où vous me disiez qu'il
y avoit tant de lettres, figures et enrichissement d'argent, dont je
vouldrois bien avoir le dessein, et si possible estoit l'empreinte en
piastre ou autrement, voire j'en payeroys volontiers un modelle du
contrepoids bien juste faict avec quelque morceau de marbre bien dur,
ou en ung besoing du porphyre puisqu'on en travaille là maintenant,
s'il se peult faire sans de grands fraiz. Le sieur Bouche le feroit pour-
suivre sans vous en entremettre beaucoup et y employera le P. Atha-
nase Kircher ou autres.
[\CyU\ À CLAUDE MENESTRIER. 747
J'oublioys de vous dire que parmy un si grand noml)rc de poids que
j'ay de plus de aoo pièces je n'en ay pas un qui ayc l'inscription de la
note de la drachme |aP.A| ou bien |APK.B| , que le Pyrrhus Ligorius
a mis dans ses recueils. Et me feriez bien plaisir de m'en faire avoir
quelqu'un, à la rencontre. Cependant j'attendray cette trentaine de
petits poids qu'avez eu do cet homme de l'Aquila. Et coz médailles avec
des Nombres, et si dans cez graveures qu'on vous promet de Naples,
vous n'aurez rien qui vaille. Vous y debviez estre allé faire un tour,
car c'est sans doubte qu'il s'y trouve d'aussy belles choses que dans
Home. Je verray volontiers aussy ce petit menu vase d'agathe pour
examiner ce que ce peult estre. Ensemble le morceau qu'avez recouvré
de la pierre façonnée en ligne spirale. Et ne croiroys pas si facilement
(|u'eHe puisse avoir esté un serpent, et pense que quand j'auray veu
ce morceau où vous dictes estre la teste, je vous en pourray beaucoup
mieux resouldre.
Quant au Trépied de marbre de S' Grégoire, je n'avoys garde de
m'imaginer que la partie inférieure se puisse estre conservée, depuis
avoir esté fraquassée et séparée de la supérieure, car les fragments
qui y paroissent par dessoid)s sont trop menus et trop irreguliers. Je
m'asseure que le tout a esté brisé longtemj)s y a. Il fault songer à en
trouver d'autres qui puissent ayder à le restaurer d'ailleurs, et sur ce
je finis me reconuuandant à voz bonnes grâces, et demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
À Aix, ce ag décembre iC34.
Je vous avoys demandé de cez médailles «le XIOC de toutes gi-an-
deurs tant qu'il vous en viendra, principalement quand elles seront
bien nettes. Et entr'autres eu voudroys bien une qui est dans le sup-
plément de la Grèce de Golzius, au premier rang de celles de cette
ville là, qui a d'un coslé deux claves d'Hercule enti-ecroisées, où les
lettres de l'inscription fussent bien nettes et conservées.
Puisqu'avez faict si grand recueil de pierres précieuses et autres,
»*•
748 LETTRES DE PEIRESC [1634]
mandez moy si avez d'une sorte de pierre de nature de celles qui
servent à ayguiser, laquelle est pesante quasi comme du cuir de beufile.
Et s'il s'en trouve en ce pais là, s'il s'en trouve à vendre à prix hon-
neste, j'en achepteroys volontiers, quoyqu'on m'en a envoyé de Paris
un morceau, mais il est fort petit. Et s'il s'en trouve d'une pierre fort
solide, qui nage sur l'eau comme la pierre ponce.
Depuis avoir escript, l'ordinaire d'Avignon ayant esté retardé à la
semaine prochaine, j'ay receu par Lyon vostre lettre du 5 décembre
soubs l'enveloppe de M'' de Rossy, à qui M'' Compain l'avoit remise.
Cette voye là ne pouvant estre que bonne quand l'autre de Gènes
manque, mais elle est tousjours plus longue, et arrive parfoys à contre
temps et sans nous donner moyen de respondre par Gènes sans attendre
des moys entiers, comme il eusse fallu à ce coup, si l'ordinaire d'Avi-
gnon n'eut esté retardé. La voye de Gènes est tousjours la meilleure.
Et quand mesmes vous auriez des médailles à envoyer, vous trouve-
rez, je m'asseure, aultant de courtoisie du costé du sieur Gir. Mayno,
commis au bureau de la poste de Gènes estably à Rome par le sieur
G" Spinola, comme en voz courriers François, qui ne sont pas tousjours.
d'humeur d'estre si courtoys les uns que les autres, comme je i'avoys
souvent esprouvé quand ils passoient par icy. Et l'importance est que .
du costé de Gènes il me fault tousjours payer grassement soit qu'il y
aye des lettres ou non. C'est pourquoy il n'y a pas d'espargne pour
moy, et au contraire par Lyon, il me fault passer par les mains de
gents qui ont bien quelquefoys de la jalousie. J'ay cependant esté bien
aise d'apprendre que le messager de Pise eust eu ce jugement d'en-
voyer quérir le gouverneur pour renvoyer les lettres à Rome, et
m'estonne qu'ils ne s'apperceussent que vostre pacquet faisoit mention
sur la couverture de vostre fagot de médailles, car je pense que le
pauvre homme l'eust aussy bien remys que les lettres. Et tousjours
est-ce quelque chose de voir que son cachet luy fusse deiiieuré en main.
J'ay faict faire toutes les diligences imaginables du costé de Gènes pour
voir si cet homme est. . . [^trois mots ejfacés^ et jusques à Casai pour
voir s'il y seroit allé par desbauche parmy les troupes françoises.
llG3/i] A CLAUDE MENESTRIEU. 749
J'ay esté bien aise de ce vase en forme de sabot qu'avez recouvré,
marry qu'H ne soit plus conservé, et »jue le manche y défaille, mais
il se fault contenter de ce qu'on peult avoir pour ce repard. L'empreinte
de celuy que m'avez envoyé du Borghese est encores fort pleine
d'argille ou de sable qui me faict prendre peu de certitude en la
mesure qu'y aviez prinse de la contenance et verray volontiers la
mesure de celuy là, si ne voulez m'envoycr l'original. Je vous remercie
de l'advis de la figure ^Egyptienne qu'avez trouvée chez le sieur cava-
lier Gualdo, et du soing (jue voulez prendre de la faire mouller, et en
attendray l'empreinte en bonne dévotion. Mais j'ay esté inliniment
aise du contentement qu'avez receu du bon P. Kircher, qui vault plus
qu'il ne monstre et qui est certainement fort bontif, et pourroit se
laisser quelque foys surprendre de ce costé là, mais il est aisé de le
ramener à la raison et quoyqu'on veuille dire il y aura tousjours
grandement à apprendre et à prolHtter en ses observations pour les
curieux.
Je loue bien vostre dessain de la Diane d'Ephese ' et des Abeilles et
encores plus de voz observations les plus précieuses où il y a bien plus
à dire et y contribueray volontiers ce que je pourray si m'en faictes
voir vostre project'^
' La dissertation de Meneslrier sur la épistolaire de Holstcnius est, comme celle de
Diane d'Éphèse a éhi sifjnalde dans YAver- Meneslrier, adressée au cardinal F. Barbe-
tissement du présent tome , notice de M. Cas- rin , le commun patron des deux ardiéo-
tan. On peut rappeler, h ce propos, (juc logucs.
L. Holslenius s'occupa aussi du même sujet ' Bibliothèque de l'École de médecine d»
(De verubus Dianw Ephesice dans le tome VII Montpellier, ms. H 271, fol. 1 34.
dti Thésaurus de Gronovius). La dissertation
750 LETTRES DE PEIRESC [163i]
XGIII
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOIIVE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBEHIN,
À ROME.
Monsieur,
Depuis le départ du dernier ordinaire par qui je respondis à vostre
lettre du 1 9""= novembre j'ay receu celle que m'avez escripte du h de
ce moys, et par Maistre Jean le Tailleur, celle du i/i°"^ du passé et
ensemble la boitte qui y estoit joincte, et pour laquelle j'avoys bien mis
du monde en peine pour trouver ce porteur Anonyme, qui de bonne
foy m'est venu remettre son depos le propre jour de la Noël avec tout
plein de courtoisie. La boitte estoit un peu brisée du tracas du cheraiu,
mais le contenu d'icelle n'estant pas délicat, rien n'a esté endommagé
grâces à Dieu. Je luy offris tout ce qui pouvoit dépendre de moy pour
son service, et il me fit voir un petit roulleau de desseins qu'il disoit
estre deMichelange (sic) et de son maistre, mais comme je n'y cognoiç
rien, je ne luy pouvoys pas donner de grande satisfaction pour ce re-
gard. Il avoit deux balles qu'il avoit laissées à Marseille pour Lyon où
il s'est acheminé, et m'a asseuré que s'il s'en retourne par icy, comme
il espère faire au printemps, avec M"" de Nouailles, il se laissera voir
eu passant, et si je le puis servir, puisqu'il est de voz amys, je le feray
trez volontiers.
J'ay donque prins plaisir de voir cette grosse lampe de bronze avec
tout son attirail, mais je n'estime pas que cez chaisnons à quoy elle est
pendue soient ceux qui avoient esté faicts en mesme temps qu'elle, car
ils sont un peu plus goffes qu'il ne fauldroit pour avoir du rapport à la
manière de la lampe qui n'est pas des pires. Et la queue ou crochet
pour la pendre tout de mesraes. Aussy ne crois-je pas que l'intention
du fondeur qui la forgea eust esté d'y mettre trois chaisnons, et d'en
attacher le troisiesme à ce fleuron qui luy sert d'entonnoir; je tiens au
contraire qu'il n'y devoit avoir que deux chaînons aultant que d'orillons
\1&U] À CLAUDE MENESTRIER. 751
à la pendre, mais pour la tenir en son équilibre, j'estime que les deux
bouches des lumignons avoient des couvercles assez pesants pour e»-
galler le contrepoids de la queue du derrière terminée en fleuron. Car
il y a par les costez du ventre, deux petits modillons pour servir de
soubstien ausdicts couvercles, qui sont en lijjne continuée de l'ouver-
ture desdictes bouches, et parallèle à celle de la base ou du pied du
vase. Et vous dicts cette particularité, à celle Gn que vous preniez
garde si vous ne rencontreriez poinct d'autres lampes de bronze qui
eussent des couvercles sur leurs bouches, comme on le pratlique en-
cores parmy nous bien souvent.
Que si ladicte lampe a esté véritablement desterrée avec lesdicls
chaisnons, ils y auront esté adjoustez pour l'usage de genfz de deux
ou troys siècles nioings anciens. Et aprez la perle desdictz couvercles,
pour en j'ouyr en Testât qu'elle se trouvoit. Mais ce m'a esté une grande
mortification de n'y poinct avoir trouvé attachée de cette matière bv-
thumineuse susceptible de feu sans flamme dont vous m'aviez envoyé
un peu de monstre. Au contraire j'y apperceu par dedans certaine
rouille vcric farineuse fort différante de celle du dehors, et de beau-
coup moings de credict. Mais je feray faire un crochet pour gratter le
dedans du viiide de son ventre, et tascher d'en arracher quelque menu
fragment, pourvoir s'il sera de mesmes que les autres que nous avions
veus cy devant. Je regrette qu'ayez laissé perdre le petit morceau qui
formoit le crochet de la queiie à suspendre cette lampe, puis({u'il ne
s'est cassé qu'en l'accommodant, ce dictes vous. Ce morceau de fer-
rure n'a pas laissé de me donner du plaisir, quelque grossièreté qui
paroisse en sa manière, et m'en eust bien donné davantage, si vous
n'eussiez pas négligé de recueillir les autres fragmentz, tant de fer
que d'ivoyre, et spécialement cez clouds enrichys de testes de leinme de
si hault relief, comme vous dictes, lequel a du rapport avec la haul-
teur du relief du Lyon et du Terme qui restent sur le fragment que
m'avez envoyé.
La Romaine ou statcre sembloit estre si massive et si forte, que je
m'estonne qu'elle ne se soit mieux conservée avec touls ses crochet» .
752 LETTRES DE PEIRESC [1634]
mais le temps vient à bout de toutes choses, et tousjours seroit il bien
mal aisé d'en trouver une toute complette avec son peson, estant dif-
ficile que dans de telles ruines, des pièces séparées et non joinctes
comme sont celles là, se puissent retrouver en mesme lieu. J'en ay
bien pour le moings sept ou huict que grosses que petites \ mais il y
manque tousjours quelque chose. Il est vray que par les règles des
proportions il y a quelque moyen de restaurer le peson quand les
crochetz sont conservez. La plaque ronde de cuyvre est bien extrava-
gante avec ses troys trous^ aultant qu'en la bigeai-rie des caractères qui
y sont gravez, mais en la nettoyant on l'a toute descouvertc assez mal
discrètement, ne croyant pas que ce soient choses faciles à deschiffrer.
Toutesfois il ne se fault pas desdire de rien, y ayant parfoys aulcuns
pareils characteres dans ces graveures égyptiennes fantasques. L'autre
placque d'argent quarrée n'est pas à négliger et c'est daumage (sic)
que l'annellet à le pendre se soit cassé. Je feray nettoyer la petite
médaille d'argent du Trépied et vous sçay bon gré de me l'avoir en-
voyée ainsin avec toute sa crasse, plus que si l'aviez faicte nettoyer.
Je vouldroys bien qu'on se fust aussy peu dispencé de nettoyer celle de
cuyvre, avec quoy je me doubte qu'on ayt altéré l'inscription qui y
estoit. Il fault que j'en trouve une pareille que je doibs avoir, qui a
esté aussy reparée, pour voir si entre toutes deux je pourroys conjec-
turer ce qui est le plus vraysemblable. Des cinq graveures la plus
grande de cette figure à un seul pied , est assez extravagante pour me
donner de l'exercice à parler.
En somme je vous doibs bien des remerciments de la preferance
qu'il vous a pieu me donner sur voz amys aussy bien que sur vous
niesmes, pour la participation de toutes cez petites pièces, qui se ren-
contrent communément de mon goust possible un peu plus avant que
de celuy de cez autres messieurs, qui veuUent des suittes si accom-
plies et négligent cez bigearries qui ne sont de gueres de parade ne
peult estre de gueres de fruict, mais, comme vous sçavez, je me con-
tente de peu, et pour peu que j'appraigne aux moindres fragments de
' C'est-h-dire : tant grosses que petites. — ' Peiresc a ëcrit : ses troys troys.
[163/1] À CLAUDE MENESTRIER. 753
l'antiquité, je suisaultaiit et plus salisfaict que ceux qui ont acquis des
pièces d'excellance superlative, et tasche de faire mon pioRit de tout
et lie dédaigne rien.
Pour le surplus je vous ay jà escript des médailles d'or et de l'es-
cuellon de bronze escript en Etrusque, pour vous prier, comme je
faictz encores, de n'y espargner pas mon argent, et comme j'ay esté
bien aise du mesnage que vous avez faict en l'achept des médaille»
d'or, je trouveray aussy trez bon celuy que vous pourrez depuis avoir
faict sur le dict escuellon de bronze si en pouvez rogner quelque cbose,
ensemble des six escus de l'Ainelhiste de cet orfèvre avec les lettres
AIAOT, et de toutes autres cboscs de pareille qualit*' que vous pourrez
rencontrer à vostre chemin, car c'est une de mes curiositez d'avoir
des pièces où les ouvriers ayent mis leur nom, quels qu'ils soient, et
bien qu'incogneux comme sont la pluspart, quand l'ouvrage est tant
soit ])eu de la bonne manière. Vous avez bien aussy deviné que ce
fragment de vase de verre avec ce visage de Saulveur tombcroit dans
mon goust aultant et plus que le reste. Mais c'est de cette medaglie
d'Hadrian avec le Trépied que vous m'avez laissé un peu de sub-
ject de me plaindre de vous, de ne me l'avoir procurée sur le
champ, puisque dictes l'avoir veiie dans une bouttique ez mains d'un
curieux (jui ne la voulut vendre. Car cela suppose (puisque ne l'avez
nommé) que ce n'est pas une personne relevée, ains qui doibt faire pro-
fession de vendre. C'est pourquoy il ne la falloit pas laisser eschapper
de voz mains puisque la teniez, sans luy en donner plustost le triple
et le quadruple de tout ce qu'elle peult valloir, ou à tout le nioings (si
c'estoit un homme si opiniastre), saris en prendre une empreinte plus-
tost en payant. Je vous prie de le faire encores si pouvez, car je voul-
droys bien voir si l'empreinte me fourniroit rien de plus que le grilïo-
nement, en ce qui est de la base, comme vous sçavez que j'y avoys de
l'interest, si tant est quelle aye du rapport à la mienne en quelque façon
comme il ne seroit pas impossible, ne inconvénient. C'est pourquoy je
vous pne d'y tenir la main, et de n'y pas espargner ma bource, sinon
pour l'original en propriété, au moings pour la veiie. ou pour i'em-
iwkiaïut «»,,•«■«(.
754 LETTRES DE PEIRESC [163i]
preinte, et s'il ne se peult avoir d'empreinte de plomb en prendre une
en papier mouillé, ponr me pouvoir oster de la fantaisie l'impression
qui m'en pourroit demeurer. Sinon faicles au moings que je sçaiche le
nom de ce curieux ou de celuy qui l'aura tirée de ses mains, et sa
qualité.
Je seroys bien aise aussy de sçavoir le nom de ce banquier, à ([ui
vous dictes avoir veu cette cornaline gravée d'une figure à cheval avec
un bouclier espargné d'une couleur différante, et la mesme inscription
AIAOT, car si c'estoit homme à en traitter, pour autres choses qui
feussent à ma disposition, je le feroys fort volontiers, et encores plus
si l'Amethiste me demeure, sinon il fauldroit tousjours tascher d'en
obtenir une empreinte, et possible telle persone sera ce qui ne sera
pas marrie de m' obliger ou d'une façon ou d'autre pour ne retomber
en cet inconveniant. Je vous prie dez hors mais de me nommer, s'il
vous plaict, les persones chez qui vous rencontrerez quelque pièce
de mon goust, de quelque qualité qu'elles soient, et si appréhendez
que je vous nomme, ne le craignez pas, car je ne nomme jamais mes
autheurs sans en avoir ordre exprez et y apporte tousjours toutes les
circonspections et defferances requises par les loyx du respect et du
debvoir et pour courir sur vostre marché quand vous y auriez du des-
sein, vous jugez bien que je ne le vouldroys non plus que je ne le deb-
vroys seulement penser.
Il me reste à vous remercier, comme je faicts trez affectueusement,
de la peine qu'avez prinse à faire plaquer du papier mouillé sur les
inscriptions de cez Termes, que nous attendrons en bonne dévotion par
la première barque qui revienne" de par deçà, dont M' Despiots vous
deschargera, s'il luy plaict, du soing d'en trouver la commodité, en
estant party deux depuis peu pour Rome, à ce qu'on m'a dict. Mais
vous m'avez faict un singulier plaisir de me mander la qualité des
plombs que dictes avoir veus chez le sieur Ludovico Compagni lesquels
il a eus, je m'asseure, de la despouille du pauvre feu sieur Natalitio
Benedetti de Foligni, qui m'en avoit faict feste, et me les avoit donnez
par la dernière lettre qu'il m'en escrivit de sa main, que je trouveroys
[1634] À CLAUDE MEIVESTIUKH. 755
encores, si besoiiig esloit, ensemble d'autres pièces du nicsnie siècle,
dont il ni'apprestoit une boitte qu'il disoit vouloir remettre à feu M' de
Fontenay Ollivier à son retour, et ne double pas qu'il ne l'eusse faict,
mais M"" de Fontenay print une autre routte, et tandis qu'il s'amusoil à
l'attendre, la mort le surprint, de sorte (jue ce m'est une jtarticuliere
consolation d'entendre qu'ilz soient tombez ez mains d'une pei-soue
qui m'a autresfoys tesmoiijné d'estre de mes amys. Et de qui j'ose me
promettre qu'il ne me vouldra pas desdire d'une empreinte à In chai-ge
de telle revanche qu'il vouldra tirer de moy. Voire possible ne seroit-il
pas n)arry de m'octroyer plus que cela, mais je ne luy en escriray pas
que dans les termes que vous trouverez bon, et sans vous nommer,
et si ne voulez luy rendre vous mesme ma lettre. M' de Bonnaire vous
en deschargera. Que si trouvez meilleur de la supprimer, il ne fauldra
que la jetler dans le feu sans autres formalilez et je vous asseure que
je n'y penseray plus. Car je sçay bien me vaincre de ce costé là Dieu
mercy. Sur quoy, en vous remerciant du soing que vous avez encores
prins du mesurage des vases du sieur Angeloni, et de faire venir ceux
de Naplcs dont nous aviez faict feste icy, il est temps que je finisse,
demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
Je ne m'estonne pas que le k décembre la Senora Donna Felice
n'eusse receu mes lettres sur son vase de chrystal, car je ne l'avois pas
receu qu'à la my novembre et l'ordinaire ne passa que le 17 ou 18
dudict moys. Voire le pis est qu'il regnoit loi-s de si grandes pluyes
qu'il faillit à se noyer, son cheval nagea et ses despesches furent
mouillées, de sorte qu'il les fallut faire seicher à Gènes la plus part,
et r'afliaischir les enveloppes. Je seroys bien fasché que mon pacquet
eust esté lors de ce nombre là, dont nous debvrons estre bien losl
esclaircys et en ce cas nous reconunencerons noz complimenta. Le
sieur Chartres ne partit d'icy que samedy dernier pour Lyon, encore>
que j'aye faict à la prière de ses amys de Paris tout ce que j'ay peu pour
756 LETTRES DE PEIRESG [1635]
ie chasser d'icy honnestement. S'il ne s'arreste à Lyon il debvra estre
à Paris dans la my janvier ou environ. Ses balles sont toutes parties
quant et luy. Le neveu de M' de Gastines y est desja et s'est excusé de
voslre boitte sur ce que vous en estiez advisé trop tard, et lorsque sa
malle estoit toute remplie. Quand on veult se prévaloir de telles oc-
casions, iifault de bonne grâce faire les fagots ou les boittes. Mais aux
choses fragiles il ne fault pas espargner deux boittes l'une sur l'aultre,
ou l'une dans l'autre, afin que la première se rompant, l'intérieure
puisse plus facillement résister au tracas du chemin et au changement
de main des vallets de ceux qui s'en chargent'.
XCIV
À MONSIEUR MENESTIUER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par Lyon soubs une enveloppe de M' de Lyergues Monl-
conys vostre lettre du 1 9 décembre où j'ay prins grand plaisir de voir
la relation que vous me faictes de l'Ambre de Sicile, dont le sieur
Chartres dict l'Angloys que vous cognoissez mavoit dict quelque chose
lorsqu'il passa par icy, aussy bien que cez os de géants, dont il avoit
trouvé des fragments en divers lieux. Mais il ne m'avoit jamais parlé
de cet Ebur fossile, qui est assez commun en divers lieux, mais je
n'avoys jamais ouy dire qu'il s'en trouvast des montaignes quasi toutes
entières, comme on faict des coquillages et autres choses maritimes.
Et si j'estoys aussy portatif que vous, c'est la vérité que je ne me sçau-
roys tempérer de la curiosité de l'aller voir. Et pense que si vous vous
y résolviez, la peine ne vous en seroit pas perdue, et que vous y trou-
veriez assez facilement une indamnitté pour les fraiz du voyage aux-
quels voz patrons ne feroient pas, je m'asseure, de difficulté de contri-
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de Monlpellier, ins. H 271, fol. i36. La dale
manque. On a inscrit au sommet du fol. i36 : i634.
[1635] À CLAUDE MENESTIIIK U. 757
buer. El bien que je ne soys pas digne d'entrer en concurrence avec
eux, j'auroys quasi le coura{;e de le faire de ma bourse quoyque
chettive, pour i'araour de vous, et pour flatter en cela vostre curiosité
louable, m'asseurant que vous y descouvririez de trez belles sinjjula-
ritez tant de la nature (juc des nionunients de l'antiquité, dont le
public se pourroit un jour prévaloir, aussy bien que voz patrons et
amys et serviteurs particuliers.
Il y a (pielques années qu'un bour^jcois de celte ville trouva, ce
dict il, en un champ qu'il a assez près d'icy, un tronçon qui se desjjagea
d'un morceau de rochei", dont la matière semble véritablement de
l'ebur fossile ou de l'ivoire pétrifié. Mais la forme ne s'y accorde pas
trop bien, car le tronçon est de la longueur de plus d'un pied de Hoy
et n'a poinct de marque d'avoir esté courbé comme nous voyons estre
la poincte des dents d'elcphant ou d'ivoyre, ains est si droict qu'on l'a
jugé estre plustost d'alicor. Et de faict le noyeau de roc qui reniplis-
soit le vuide du dessoubs ou de la racine de celte dent ou de celte
corne est droict comme une quille et (juasi de la mesme grosseur. Car
l'ivoyre ou la corne ou l'oz qui avoit couvert ce noyeau a perdu sa
forme par la qualité pétrifiante qui la faict escailler eu petits nior-
ceaulx.
Je n'estoys pas en cette ville quand cela fut descouvert, car j'auroys
eu le soing de voir la suilte de cette pièce dans le mesme roc, pour
voir si la forme pouvoit estre compatible à la racine d'une dent dele-
pliant, ou à celle d'une corne, me souvenant que celle du Tlnesor
S' Dcnys est vuide par le fonds comme celle-cy. Mais je n'ay ])as eu la
curiosité de faire remarquer si le creux de la racine d'une dent d'élé-
phant des plus grosses maintient aullant de courbeure ou de circula-
tion (pie la dent mesme, ou bien si ce ne pourroit pas eslro de quol(|ue
dent d'byppopotame, lesquelles sont plus droictesque celles d'elepliant,
si je ne me trompe. C'est pourquoy je vous prie de me faire un peu
de relation la [)lus exacte que vous pourrez avec tous les tenants et
abouttissants que vous me pourrez manjuer tant des lieux ([ue dos per-
sonnes particulières et de tout ce peu que vous aurez peu apprendre
758 LETTRES DE PEIRESC [1635]
concernant ce grand amas de vostre ebur fossile de Sicile ou d'ailleurs.
Et si c'est en niveau bien bas ou bien hauit sur la montagne, et sur-
tout des autres choses pétrifiées qui se peuvent trouver avec telles
dents d'ivoire, et s'il y auroit rien de maritime parmy, comme coquil-
lages, plantes, ou autres choses aquatiques ou autres. Afin que nous
puissions attendre plus patiemment que vostre commodité vous porte
d'aller sur les lieux, ou bien si quelque autre curieux de noz amys en
entreprendroit la courvée pour l'amour de nous, principalement de ceux
qui en peuvent estrn voisins et qui n'ont pas de mer à passer pour
cela. Que si vous y alliez il fauldroit bien remarquer la qualité de tout
le terrain et toutes les sortes de rocher dans quoy se trouvent cez os
de geantz, et s'il n'y a aulcune meslange d'autres pétrifications mari-
times, car le sieur Chartres me disoit que les montagnes de sel minerai
n'estoient pas esloignées d'un lieu oiî il en avoit veu tout plein de frag-
ments. Il s'en est trouvé, comme vous sçavez, autres foys Iroys corps
à l'entour de Valence en Dauphiné ou Vivarez, entr'autres celuy qu'on
avoit tenu pour Teutobochus trouvé dans du sable', et depuis peu, à
deux lieues de celuy cy, s'en est trouvé un autre dont j'ay eu des os ■
une pleine caisse, mais il n'y a rien de la carcasse de la teste, qui estoit
ce que j'attendoys le plus de voir, pour en examiner la forme et la
figure à ma mode. 11 a pareillement esté desterré en simple terre sa-
blonneuse. Si vous voulez faire ce voyage, en un besoing j'escriray à
l'eminentissime cardinal Barberin de le vous commander, et vous
bailler l'adjuto di Coffre ^, avec des recommandations en ce pais là et
partout où vous pourrez passer, sur quoy j'attendray vostre response
et resolution.
Quant à l'Ambre , je pense vous avoir dict qu'il s'en est trouvé comme
du jayet en cez païs icy, qui tire la paille, et est aussy beau et aussy
jaulne que celuy de la mer Balthique. Et si recouvrez de celuy de
Sicile me ferez faveur de m'en reserver quelque petit morceau, de
' Voir sur les os du prétendu géant Theutoboclius les récits de Gassendi (livre III, à
i"année i6i3, p. 9o6, et livre IV, à l'année i63i, p. 366). — ^ Cest-à-dire l'aide du
coffre . «ne subvention en argent.
[1635] À CLAUDE MKNESTHIER. 759
cliascune des différantes couleure que vous y trouverez. L'on m'a dict
qu'en quelque village de ce pais icy il s'en trouve qui tire la paille, et
qui brusle comme une chandelle, mais qui est salle comme de la poix
résine, et dont les paisans se servent à brusler. J'en feray un peu de
perquisition, et si la chose le mérite, vous en feray part en son temps.
Cependant si vous avez coppie de la relation de Viiic" Mirabclla ' en-
voyée au Prince Gesy en luy adressant les os de géant (jue vous avez,
je vous prie me la faire transcrire et toutes les relations que vous en
pourrez r'amasser, car j'en tireray possible un jour des consequances
assez curieuses pour mériter la peine d'en faire le recueil. Et ne ver-
roys pas mal volontiers des fragments de la teste de cez geaulz et des
dents mesmes comme la vostre, lorsque vous en rencontrerez à vendre
à prix lionneste. Car il y a bien à examiner h tout cela plus qu'on ne
s'imagine.
Au reste j'ay grand regret que vous ayez rompu si mal à poiucl
avec la Senora Donna Felice, et avec le seigneur Rondenini, son mary.
Ce sont des adventures du monde qu'il fault supporter comme les inon-
dations et tenqjestes sans murmurer.
J'attendray puisqu'il vous plaict ce petit Petase, ou couvercle de
vase, et vostre mémoire des poids de ce vieillard que vous ne me
nommez poinct, et vous serviray partout où je pourray, comme,
Monsieur,
vostre, etc.
À Aix, ce 1 febvrier i635'.
' Sur l'anliquaire V. Miraliella, voir le recueil Peiresc-Dapay (t I, p. 68a). — ' Bi-
bliollièiiue de Ilicole de médecine de Montpellier, ms. H ayi, fol. i65.
760 LETTRES DE PEIRESC [1635]
XCV
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je receus hier au soir de Marseille voslro cassette accompagnée de
voz lettres du a /i°"= janvier le tout fort bien conditionné, comme j'avoys
receu quelques jours auparavant par l'ordinaire de Gènes vostre sub-
sequante depesche du 9 febvrier, et par la voye de Lyon une précé-
dente du 1 9""= du passé. J'envoyay incontinant à M"" de Vaison la lettre
que vous luy adressiez, lequel se porte fort bien, et n'entend pas que
cez faulces prophéties de Turin sortent leur effect de longues années,
.le luy fairay tenir son fagot de livres, aussy tost que nous aurons com-
modité de voicture pour Avignon, qui eust esté dez hier mesmes si la
caisse de Marseille eust peu arriver deux heures plus tost. Mais cela ne
lardera pas plus que jusques à la semaine prochaine Dieu aydant.
J'ay prins plaisir de voir ce bas relief d'Isis, et ce vase en forme de
sabot et encores plus cet escuellon de grandeur si extraordinaire et que ■
je n'ay encores peu examiner, comme aussy ce petit Petase de Mercure
accompagné non seulement de ses ailerons, mais d'un col d'oison, qui
me donnera entrée à la cognoissance d'autres chosettes qui m'a voient
esté grandement incogneûes jusqu'à cette heure. C'est pourquoy je
vous en ay bien de l'obligation. L'autre petit Mercure couronné de
liairre m'a bien esté agréable aussy, et si vous avez faict servir la pièce
de rapport qui paroit soubs le buscq, vous m'eussiez faict plaisir de
me mander ce que vous y avez trouvé, car je tiens qu'il ne soit rempiy
que de plomb et me doubte qu'il aye autresfoys servy de pezon ])our
quelque Romaine, et qu'il aye eu un anneau sur le sommet de sa teste
pour le suspendre, ou qu'il aye en toute façon servy de contrepoids
de balances et de pezons de Romaines ou stateres à peser. Et quand
vous en rencontrerez, comme je tiends qu'il vous en passe touts les
jours par les mains, vous me ferez plaisir de me les retenir [ainsi que]
toute sorte de corps solides en forme de vases, ou de pommes, ou de
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 761
poires, ou de fjlands et de barques et d'animaux avec des anneaux h
les suspendre, ayants peu servir à cet usaige. Je n'ay pas encore exa-
miné la contenance du petit vase d'Agathe, mais je m'en j)romeLs
quelque joli esclaircisscment Dieu aydant. Cette petite Bulle d'argent
avec le Cupidon est bien gentile h mon gré , et l'extravagance de cea
nombres, gravez sur cez deux médailles de Julia et de Néron. Ce qui
me faict souvenir de vous dire qu'entr'autres bigearrcs curiositez ou
maladies d'esprit que j'ay, comme d'autres, je recueilleroys volontiei*»
de cez médailles consulaires ou deniers d'argent qui ont des nombres
parmy lesquels sont meslez des caractères extraordinaires. Comme en
un de la famille Crepusia que le Gorlœus a inséré en ses suppléments
de l'Ursinus en la Table 1 5 num. nu. où il se void une lettre grecque
du Tbela, joincte au nombre de treize escript en lettres lalines en cette
sorte 0XIII. M'imaginant que si vous y prenez garde vous en rencon-
trerez de pareilles, ou autres, dans les nombres des([uelles entreront
de semblables caractères du Thêta grec, ou autres quasi plus estranges,
comme j'en ay plusieurs avec un T renversé en cette sorte X et avec
un "^ grec ou fer de dard ou de flesche en cette manière 4', dont le
mesme Gorlœus en accompagne d'autres lettres latines numérales. Et
pense que si vous cherchez bien, vous en trouverez quelqu'un avec la
lettre P des Grecs, aussy bien que avec le «I> ou le 0 ou le ^. Et vous
supj)lie d'en faire exacte recherche pour l'amour de moy, et de m'en
retenir quantité, à la rencontre, mais surtout de celles qui seront ac-
compagnées d'autres lettres latines ensuitte soit devant ou derrière,
qui puissent composer l'assemblage d'un nombre, car pour dos lettres
uniques, quoyqu'elles puissent avoir servy à mesme dessein, elles ne
peuvent pas sulFire pour prouver les conjectures que j'en ay conceiies.
Voire si dans les marbres et vieilles inscriptions, vous y en rencontrez
comme dans la colonne Rostrata de Duillius au Capitule la lettre <l> y
est réitérée plusieurs foys, et en une que l'Appian a transcripte du
clocher de Cori entre Terracine et Cajeta ', où il réitère Iroys foys la
lettre 0 0 0, et y joinct la ■*". vous me ferez grande faveur de m'en
' Gaële.
V. 96
ravuBcua 11
762 LETTRES DE PEIRESC [1635]
envoyer des copies et les marbres mesmes quand ils se pourront achepler
à prix honneste.
Cez petites médailles avec des noms de familles, données ou non,
m'ont esté bien agréables, et puisque vous en maniez tant, je vouldroys
bien qu'en poussiez rencontrer une de cuivre donnée par l'Li'sinus en
la famille Kubria toute la dernière de la planche qui a d'un costé une
teste de Janus composée des visages de Mercure et d'Hercule assemblez
ïivec le revers d'un Temple, ou autre quelconque qui y puisse escheoir,
car l'assemblage de cez deux visages si differamment coiffez me fournit
bien de la matière à discourir. Et de cez choses si extravagantes, je
prends plaisir de pouvoir monstrer les pièces mesmes originelles, ou
du moings des empreintes. C'est pourquoy, si vous en rencontrez chez
cez curieux, je vous prie de me les faire mouller quand vous le pour-
rez, ou du moings de les faire desseigner.
Gela me faict encores souvenir que vous avez oublié de m'envoyer
une petite medaillelte d'or plus entière et plus conservée que celles
que m'avez ja envoyées avec une aigle et le nom de ROM A d'un costé,
et de l'autre une teste de Mars avec deux lettres "^X de cette nature là,
pour laquelle disiez avoir baillé je ne sçay quelle bague ou autre
médaille. Si je suis un peu aydé de vostre part, j'espère de venir à
bout de celte recherche plus heureusement que l'on ne se l'imagine-
roit, et d'y trouver une bonne partie du mystère que les anciens y
peuvent avoir affecté, et qui semble si casuellement faict à l'arbitrage
de gents peu exactes, et sans qu'ils y voulussent affecter de rime, ne
de raison. Mais il ne fault pas aussy négliger les vieilles inscriptions des
tables de bronze aussy bien que des marbres. Et ne pouvant avoir les
originaulx, il fault prendre la peine de les faire mouller en papier
mouillé ou eu piastre pour desrober la viaye forme et iigure du carac-
tère, et le sens ou situation diceluy, et vouldroys bien avoir un piastre
de l'empreinte de l'inscription de Duillius qui est au Capitole, et de
quelque morceau de cez Fastes consulaires où peussent paroislre les
lettres numérales des années, quand le nombre de cinq cents y entre,
pour voir si c'est un D. Latin purement faict, ou s'il n'est poinct diver-
[1G35] À CLAUDE MENESTIUER. 763
sifié en divers endroicts. Mesmes si vous faisiez voslre voyage de Naples,
je vous prie de voir ce clocher de Cori et y chercher ou ailleurs l'inscrii)-
tion de l'Appian, où sont cez troys 0 0 B et le '^, pour bien ju{»er de
leur vraye fijjure et situation, et en prendre une empreinte en pa|)ier
mouillé, ou en piastre, si faire se peult.
Cette pelleure d'ar(i[ent en la médaille de Clodius est tant plus hi-
gearre, que j'en ay desja une autre qui a une pareille pelleure de
l'autre costé de la teste. C'est pourquoy vous m'avez faict plaisir de me
retenir celle-là et la medaillette aussy du Daulpliin, (pioyqu'elle ne soit
pas de Byzance, ains de Kysicus '.
Mais parmy voz petits poids, j'ay trouvé troys ou quattre pièces qui
m'ont grandement agréé et suppléé le deiïault de toutes les autres,
mesmes celuy de la grenouille dont j'avoys plusieurs semblables, mais
beaucoup plus foibles de poids, et par consequant moins convenables
à mon dessein, quoy[quo] je ne les néglige ])as. Il y en a ung petit
avec une espèce de bulbe et la marque d'une palolte, dont je vouldroys
bien que vous eussiez rencontré un pareil, pour avoir mieux de quoy
juger de ce que ce peult eslre. Il y en a semblablement un autre petit
fort rouillé qui a esté un peu gasté en le voulant nettoyer, que je
vouldroys bien avoir veu tout vierge, car en le nettoyant avec le fer,
je crains qu'on aye corrompu les ligmx's qui y estoient d'un demy
gland, d'un costé, et d'un caractère, de l'autro. Voyez si en poun-iei
rencontrer quelque autre à acquérir ou mouller.
Les gravcures ne sont pas à négliger nomplus que la pierre spirale
dont je vous remercie bien fort et du bon mesnage de l'achept du livre
de Fulvius* et des suppléments du recueil des graveures du sieur Pielro
Stepbanoni, que je n'avoys pas veu si ample quasi de la moitié'. Mais
il est imprimé en bien petit et chetif papier au prix des autres espreuves
qu'il m'en avoit envoyé cy devant.
S'il a oncorcs les pièces originales qu'il a faict graver en cuivre, ji-ii
' Cynique, ville ninrilimc de Mysio, en Asie Mineure. — ' Lts famillrs romamrs <le Kiil-
viiis Ureiiuis. — ' Gemimv niiliqiiitus sciilptw, n P. Slei>liiinoni' mii..,.',,. ,, ,h^r , ,,>:.,„. i„y
illustraiœ (Rome, iCii7, ir.-'i").
9f-
764 LETTRES DE PEIRESC [1635]
acliepteroys volontiers quelques unes, si le prix en estoit proportionné
à leur valleur dont il ne demeure pas tousjours bien d'accord. Sinon
j'en verroys volontiers les empreintes, entr'autres de ce petit char
trainé par deux Cupidons, et de cet oyseau qu'il nomme pliilomousos,
au cas que dans le roulleau qu il tient en ses grifl'es, il paroisse aulcunes
notes. Vous m'avez un peu mortifié de ne me poinct envoyer encore
ce gros poids de marbre escript, lequel se seroit peu mettre hors de
la caisse, pour ne rompre le restant du contenu d'icelle, en le faisant
insérer au bordereau du nombre des caisses ou en la lettre de char-
gement ou de voicture, comme aussy le gros mortier de granito, et
vous prie de ne le plus oublier, ne les papiers que vous aviez placquez
sur cez inscriptions des busqués de cez quattre Hermès, dont m'aviez
tant faict de feste autres foys. Gomme je vous supplie trez humblement
de ne pas laisser envieillir l'espérance que me donnez des empreintes
et modelles, tant des poids de la bibliothèque des PP. Jesuistes, puisque
le monde y est de si bonne volonté, et ceulx du sieur cavalier Gualdo
qui s'y est si courtoisement offert de sa grâce, que ceux des sieurs Go-
difredi, sans vous amuser à attendre des occasions de troque avec eux
pour les médailles, afin que je puisse jouyr du plaisir des empreintes,
ce qui n'cmpcscliera pas qu'aprez les avoir veiies, nous no poussions
eu choisir quelque pièce des principales, et y chercher de quoy entrer
en eschange avec eux. Je ne pense pas aussy que ceux de ce vieillard,
qui a faict un si grand recueil, soient si communes, qu'il n'y aye
aflbrce pièces curieuses, puisque parmy celles que m'avez envoyées en
dernier lieu , j'en ay trouvé troys ou quattre que j'ay prins tant de plaisir
de voir, car la seule differance du poids me paye et me contente, et à
plus forte raison quand il y a de la differance aux symboles ou aux mar-
ques. C'est pourquoy je vous prie, tant que vous en trouverez et des
poids quari'ez, je vous prie de me les retenir et envoyer aussylost que
le pourrez et d'excuser mes importunitez. Vous aurez une lettre de
M' Aycard de Toullon et je demeure.
Monsieur, vostre, etc.
A Aix, ce 25 febvrier i635.
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 765
Du 26""'. J'ay faicl ce jourd'huy arraclier quantité de plant de l'il«;x
coccigora ', pour le faire embarquer sur les galères qui portent YKiui-
iioutissime Cardinal de Lyon "^ Dolla pictra flexile des Indes
dont je vous parloys cy devant, puisque cez Messieurs n'en ont pas
veu, je vous en cnvoyeray, un jour, la relation Dieu aydant, mais je
vouidroys bien que celuy à qui elle est me voulust permettre de l'en-
voyer à Rome à tout le moings pour l'y faire voir aux plus curieux,
comme il a enfin permis qu'elle fusse portée jusques icy pour me la faire
voir, mais je suis aprez d'en faire quel(jues autres experiances pour
confirmer tousjours de tant mieux les conjectures que j'en ay prinses.
J'ay depuis faict empacquetter le plan de l'ilex coccigera et distin-
guer par faisseaux le menu d'avec le plus gros, pour les mieux condi-
tionner en cbemin. Il y eu a à part ([uelques ])lanles oi!i le vermillon
est encore dessus enveloppé dans du cuir pour les conserver et discerner
et faire voir ce que c'est. Il en fault planter à divers aspects du soleil
levant et couchant.
II a esté cueilly à Ventabren à deux lieues d'icy où il s'en recueille
du vermillon des bonnes années plus de 3o et 60 quintaulx, ce dict on,
mais j'en prendray information plus exacte sur les lieux au premier
jour et en feray dresser un peu de relation'.
XCVl
k MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
chanoine: de Besançon,
À ROME.
Monsieur,
Ce mot n'est que pour accompagner les arbrisseaux de l'ilex cocci-
gera, que vous m'aviez demandez par commandement de l'Em"""
Gard"' Patron , lesquels nous apellons en ce pais en vulgaire provençal
' Oii qiiercus coccifera (Linnd), chtfne h kermès , rhêae nain. — ' Ici ([iielqucs moU qiH>
la dëchiriire du papier rend illisibles. — ' Bibliothèque de l'I^kole de médecine de Monlprl-
lier, H 371, fol. 167.
766 LETTRES DE PEIRESC [1635]
des avaulx^, oii avalces^, selon ia diversité des dialectes des diverses
contrées de la Province, d'où l'on recueillit^ annuellement le ver-
millon, que les païsans nomment vermeil'', ou venncan^, et ceux du
Languedoc, du granel^. Ceux cy ont esté tirez du territoire de Ven-
tabren, à deux lieues d'icy, où le Seigneur^ arrentc annuellement le
droict de permettre la cueillette de ce fruicl ou plustost excrément
de cet arbre, et en retire un notable revenu, car il s'en recueillit quasi
touts les ans grande provision de plusieurs quintaulx, et tous les fagots
que vous verrez ont esté arrachez d'une petite motte de terje entre des
rochers d'environ deux pas de dianiettre seulement sur laquelle il s'en
cueilloit tous les ans règlement* de trois à quattre livres de cette graine
et vermillon. Et y en trouverez à part deux ou troys plantes sur les-
quelles estoit demeurez cachez certains grains dudict vermillon, dont
l'escorce subsiste encores, car les brouillards avoient gasté la substance
intérieure, afin que vous puissiez faire voir à S. Em" en quels en-
droicts se produisent parfoys cez petites vessies, qui en son temps
sont pleines de liqueur grasse et rouge, et puis on la faict seicher au
soleil, en l'arrosant de vinaigre pour y tuer le germe de la petite ver-
mine rouge qui s'y engendre naturellement et le consume tout si l'on
n'y veille soigneusement.
M"" le Baillyf de Fourbin s'est voulu charger de la conduitte de cez
' La forme la plus correcte et la plus ' Peiresc francise ici le mol vermeu,
usitée est n«au« (du roman fl^n«i). forme moderne du roman vermel, de'rivé
' /IrniMse en dialecte marseillais, et flf«/« lui-même du latin iwm('c«/u«.
en languedocien. Cette dernière forme donne ' Lisez g-rnnelo. Peiresc aurait pu ajouter
au pluriel Vavalsses de Peiresc. Voir dans le les synonymes pousset, freisset. En langue
tome IV des Mémoires de l'Académie d'Aix, gasconne le kermès est a|)[wlé cnborro.
un travail du comte de Montvalon : Notice — Je dois celte note et les quatre ou
sur l'Avaux ou Avaoussé, qui ramène h une cinq prdcëdentes à M. I>éon de Berlue Pe-
soule les deux espèces d'avaus que les deux russis, dont l'erudilion en pliîlologie égale
grands bolanistcs provençaux, Garidel et lYrndition en histoire liUdraire el biblio-
Toiu'nefort, avaient cru recennallro. graphie.
' Sic pour recueille. I\ous retrouverons ' L'abbé Michel Borrilly, fils du notaire
la forme recueillit un peu plus loin. archéologue et collectionneur, fut prieur de
'' Ou mieux vertneioun. C'est le kermès, Vonlabren.
ou cochenille du chêne noir. ' Régulièrement.
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 767
arbrisseaux dans ses gaieres, pour l'amour de Son Em"*, ensemble de
quelques libvres dans un fagot, et d'un autre volume à part, qui avoit
esté envoyé à Boysgency à l'advance, quand mon frère y alla faire ap-
prester le logis à rEniinentissimc Cardinal de Lyon, ceux du fagot
n'eslanlz arrivez de Paris que du jourd'huy, et en mcsme temps je les
ay faict partir pour Toullon à droicture, afin de ne laisser eschapper
l'occasion des gaieres, estant marry de ne les avoir peu faire relier.
Si vous trouvez bon de vous charger de retirer tant lesdicts livres
que arbrisseaux, je m'asseure que l'Kuj'"'' Gard'' Barberin vous en
sçaura bon gré, et ce sera grande descbarge à M' le Baiilif, et obliga-
tion à moy, car vous aurez soing de leur faire mouiller les racines en
chemin, et de ne les pas laisser gaster du halle. Je vous feray en un
besoing payer les fraiz de vostre voyage, combien que je veux croire
que de Civita Vecchia i\ Rome l'on pourra envoyer des esquilles ou
barques pour aller porter à Bipetta tout plein de bardes, parmy les-
quelles cez arbrisseaux pourront aller. Enlin vous y ferez ce que trou-
verez à propos, et je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 7 mars i635 '.
XGVII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BES.\JiOON,
À ROME.
Monsieur,
Si vous pouviez desbaucher M-^ de la Perrière pour faire le voyage
de Sicile S vous y descouvririez tout'ideux des merveilles dans lesmon-
■ Bibliothèque de l'École do médecine de ' Sur le mAiecin Jacques de la Ferrière.
Montpellier, ms. H 971, fol. 169. voir ie tome III du recueil Peiresc-Du|Hij
768 LETTRES DE PEIRESC [1635]
tagnes jonchées de voslre ebur fossile, et de cez carcasses de Géants
et de tant d'autres choses estranges et extraordinaires à la cognoissance
desquelles M"' de la Ferriere pourroit contribuer de trez excellentes
pensées, comme vous aux mazures et reliques de la meilleure anti-
quité. Si vous l'en pressez guieres, vous le ferez, je m'asseure, aller
partout où vous vouldrez, pourveu que vous esvitiez les grandes chal-
leurs, et que durant icelles vous vous cantoniez dans les lieux où elles
sont tollerables. Vous ne fistes jamais un meilleur coup que celuy là
si vous luv donnez ce branle et m'en remercirez toute vostre vie, car
j'ay recogneu ce personage d'une si belle humeur et d'une si louable
curiosité, mais accompagné de si grandes lumières d'esprit, qu'il y a
de quoy grandement apprendre auprez de luy \ et croys que vous y
ferez vostre proffit tout aussy bien que moy, qui le suyvroys comme
un barbet quelque part qu'il volust aller ^, si j'avoys assez de santé et
de vigueur pour le faire sans l'incommoder. Je ne le vous recomman-
deray pas, car vous en serez amoureux à la première veiie, mais je
m'attends que vous me remercierez bien de cette adresse, comme luy
de la vostre, et je seray à touts deux du meilleur de mon cœur.
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix , ce 90 mars i635 '.
(p. 982, 297, 445). Cf. Lettres inédites de ' Peiresc avait connu J. de la Ferriere
quelques hommes célèbres de TAgcnais (Agen, non seulement par sa correspondance, mais
1898, p. vin et 48-56). On trouvera dans encore par sa visile en Provence.
ce dernier recueil deux curieuses lettres ' Expression charmante dans sa pitto-
écrites par La Ferriere , l'une au conseiller resque naïveté.
Maran (Rome, 3 février i63G), l'autre à ' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de
Peiresc (Toulouse, 29 janvier 1687). Montpellier, ms. H 371, fol. 170.
[1635] A CLAUDE MENESTRIi-B. 769
xcvm
À MONSIEUR MENESTRIKR, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN L\ CODR DE L'EUI>ENTISSIHe SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Je receiis par le dernier ordinaire de Gènes vostre pactjuet du
3 mars tout à poinct pour envoyer la matinée suyvante en Aviynon
celuy que vous adressiez à M"" de Vaison, qui l'aura sans double eu
assez cl temps pour vous respondre par le présent ordinaire. J'ay priiis
grand plaisir de voir les desseins de cez deux poids du collège Romain
et la description que vous en faictes, ensemble du Iroisiesme que vous
n'avez pas veu, vous priant de faire un peu de diligence pour le voir
comme les autres et m'en envoyer le contre poids et l'escrillure. Si
m'eussiez nommé le bon père qui en a la charge et la garde , je luy
en eusse escript un mot qui n'y eusse peult estre pas nuy. Plustost il
leur fault offrir de faire refaire à mes despans la clef qui s'est perdue.
Et s'il n'estoit trop difficile de faire accommoder troys morceaux de
marbre bien dur qui fussent respectivement adjuslez cliascun au poids
de l'un desdicts modelles de bronze antiques, je payeroys volontiers la
despance du sculpteur, et avant que les adjuster du tout, il seroit bon
d'y faire escrire ou graver les mesnies inscriptions et notes sur chascun.
Et qu'il vous pleust faire bien- polir le marbre à peu prez en la forme
des poids antiques pour les conserver avec les autres modelles que j'ay
qui en vallent la peine. Car je n'estime pas que ce soit ouvrage de bien
grande constance, la mine de plomb ne pouvant pas longuement con-
server la proportion de son poids, ne le plomb mesines. J'ay prins
plaisir de voir les desseins des poids de lillustrissime Cavalier Guaido
et verroys volontiers des empreintes de cez deux qui sont en forme de
médailles tant du Taureau que du Coq, bien que j'en aye de semblables
antiques. Ce qui n'empeschera pas que je ne vous aye bien aussy
de l'obligation de celuy du Taureau que vous m'avez procuré avec la
Y. 97
770 LETTRES DE PEIRESC [1635]
iettre L au lieu du caducée, où je ne plaindray pas les sept Jules que
vous y avez employez, et j'attendray fort impatiemment puisqu'il vous
plaid. Mais pour les troys premiers poids quarrez dudict sieur Cava-
lier Gualdo où sont les images de S' Pierre et S' Pol, j'ay bien esté
mortilié de voir qu'il ne s'en puisse pas espérer des empreintes puisque
vous dictes que l'argent de rapport y est si tenue (sic) et si mal attaché.
C'est pourquoy je vous prie à tout le moings de me les faire
desseigner par quelque peintre exacte qui pragne la peine de les
portraire bien punctuellement, et d'y faire paroistre tout ce qui y
paroistra et rien plus, soit pour les images des saincts ou pour autre
chose bien punctuellement, et si du papier fin mouillé se pouvoit
mettre dessus et presser légèrement avec le creux de main pour en
tirer l'empreinte en papier, encorcs ne me seroit elle pas inutile. Sur-
tout que j'ayo le dessein ou l'empreinte à tout le moings des caractères
du plus grand desdicts poids quarrez puis qu'il n'y a poincl d'argent de
rapport, afin que je pragne sur la forme et figure desdicts caractères
toute la conjecture que je pourray. Vous les pouvez prendre avec de
la cire d'Espagne sans toucher les figures de S' Pierre, puisque ce
n'est que là qu'est le danger. Et n'oubliez pas de me marquer si dans
les autres deux moindres poids quarrez il n'y a pas des vestiges aussy
des images de S' Pierre et S' Pol et du Christ au mitan. Et si vous
estes bien asseuré que ce soient les images de S' Pierre et S' Pol, car
ce pourroient bien estre des visages d'empereurs du bas Empire bar-
bus. Si ce brave Cavalier estoit aussy traictable que deffunct Mon-
seigneur Lelio Pasqualini, il ne feroit pas de difficulté de me confier les
originaulx de cez trois petites pièces là, pour les voir icy à mon aise
puisqu'd ne trouve pas bon de les laisser mouiller, et je les luy ren-
voyeroys fidèlement, possible accompagnez de quelque autre chose de
son goust en revanche de l'honnesteté. Mais ne luy en dictes rien, si
n'y trouvez une disposition toute particulière.
Je seray bien aise de voir l'inscription de vostre Scipio Asiaticus, et
puisque vous l'avez baillée à M' Dony, il la vous debvra bien commu-
niquer sans regret. Je la luy demanderay en ung besoing, maia je ne
[1635] À CLAUDE MENESTllIER. 771
pense pas qu'il fasse de difficulté de la vous rendre, et croys qu'il vous
sçaura dire sans doubte le nom du {jentilliomme à quiappartenoit l'in-
scription de Scipio Barbatus chez qui vous la trouverez sans doubte
pour peu que vous en fassiez de recherche, et au cas que la retrouviez,
je vous supplie de m'en faire prendre une empreinte de piastre, s'il
est possible, afin que j'aye la vraye forme du caractère. Je n'y plain-
dray pas la dcspcnce, nomplus qu'à une empreinte de piastre que je
veux avoir de l'inscription de Duillius du Capitole, s'il vous plaict, et
si faire se peult encores l'empreinte de piastre de celle d'Herode du
cardinal Farnese, qui seront tousjours de beaux ornements de cabinet,
au deffault des orijjinaulx, et cappables d'en faire tirer de bonnes con-
sequances ou autres choses. Et si vous faictes le voyage de Naplcs, je
vous prie de chercher en passant à Cori l'inscription d'Appian qu'il
dict estre au clocher où sont les troys lettres numérales B H 0 et le ■*■,
desquelles pour le moings je vouldroys avoir l'empreinte en piastre,
si elle ne se peult avoir de toute l'inscription entière. Si vous n'y allez,
je vous prie d'en charger quelque amy curieux pour l'amour de moy;
je feray soigneusement rembourser tous les fraiz. Vous me ferez faveur
singulière de me faire avoir quoique petit morceau de ce succinum
des couleurs extraordinaires et de cet ebur fossile, mais je vouldroys
avoir la poincte de la dent la plus longue que faire se pourroit, pour
juger de la vraye forme naturelle, et du creux du derrière, soit qu'il
soit rond, ou en lozange comme le vostre. El si le prix n'ea est pas
grand, j'en achepteroys volontiers jdusieurs poinctes de dent, et si la
racine de la dent se pouvoit trouver en sorte qu'elle fusse recognois-
sable, je ne l'achepteroys pas moings volontiers.
Je vous escrivis, cez jours passez, par M'' de la Ferriert- qui s en
rêva en Italie pour sa seule curiosité, et fis tout ce que je peus pour
l'induire au voyage de Sicile. Je vouldroys bien que vous le peussie»
faire avec iuy pour aller prendre des relations bieu exactes de la qua-
lité des lieux où se trouvent cez Géants, cet ebur fossile, cez mon-
tagnes lie sel, cez fontaines de Petroglio', et tant d'autres merveilles
' Pétrole. Le8 Italiens ëc.-ivent petrolio.
97-
772 LETTRES DE PEIRESC [1635]
qu'il y a du la nature aussy bien que des reliques de l'Anfiquilé Grecque
et Romaine. J'en ay escript aussy à l'illustrissime Cavalier del Pozzo.
Vous y adviserez et si besoing est j'en escriray à Son Eminence pour
y interposer son intercession, si l'on croid qu'elle y puisse servir. Ce
que vous me dictes d'avoir faict mettre vostre cabinet en des caisses,
me faict juger que vous méditez le voyage de Naples, que je vous ay
tousjours conseillé, puisque l'eminentissime cardinal Boncon)pagno
vous y convie, et ne semble pas que vous le luy puissiez honnestement
refuser. J'ay receu une fort honneste lettre de sa part sur la réception
du volume des Eclogues de Polybe, et si l'ordinaire ne me surprend,
comme je le crains, je luy en r'escriray par cette voye icy.
J'ay envoyé sur les galères qui ont porté M^ le Cardinal de Lion,
les plantes d'ilex coccigera que vous m'aviez demandées pour le ser-
vice de l'eminentissime cardinal Barberin. M' le baillif de Fourbin,
qui faict le voyage , s'est chargé de les faire loger en bon lieu et rendre
fidèlement, et un jeune homme qui a servy la maison, lequel faict le
voyage, s'est chargé du soing de les arrouser par les chemins. Il y en a
deux ou troys où vous trouverez les grains de l'escarlatte qui s'y sont-
conservez et qui ont esté enveloppez avec du cuir blanc. Nous eusnies
l'advis trop tard pour avoir du gland à semer, qui avoit esté mangé
par le bestail, mais j'en feray cueillir cette année Dieu aydant et seray
à jamais,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 3o mars i635.
Ayant voulu faire mieux relier le libvre des familles Romaines de
Fulvius Ursinus que vous m'aviez envoyé en dernier lieu et que le bon
sieur Stephanini vous avoit desparty pour l'amoiuv de moy, il s'est
trouvé imparfect d'un cahier entier cotté double 0 dont je fus un peu
mortifié. Mais ce n'est pas dans le texte d'Ursin où sont les figures,
ains dans celuy d'Ant. Augustinus, dont on ne se sert pas si commu-
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 773
nement. S'il se pouvoit recouvrer sans incommodité, je le feroys volon-
tiers, mais je ne vouldroys pas incommoder le bon Stefanini ne per-
sonne auitre '
XGIX
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUB DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Au retour des galères le jeune homme qui avoit conduict l'ilex cocci-
gera me rapporta vostre lettre du i" d'avril, avec la boitte fort bien
conditionnée, où je trouvay tout ce que vous en aviez cotUS, dont je
vous remercie irez humblement et vous suis bien redevable, ayant
prins plaisir de comparer ce gros poids du Taureau avec ung pareil
que j'ay qui est un peu plus net, et lequel au lieu de la lettre L, na
rien qu'une simple barre I pour l'unité. Et si sur le vostre, le crochet
inférieur de la lettre L estoit accompagné du metail aussy vif que le
corps de la plus longue branche de ladicle lettre, je l'estimerois bien
encores davantage , car je crains que la rouille n'aye peu fournir de la
matière sullisante pour y faire paroistre et agoancer ce crochet. Et vous
prie de bien considérer celuy de M' le Cavalier Gualdo, pour voir si
oultre le caducée il n'y auroit poinct de vestiges de la mesme lettre L
ou de la note i. J'ay prins bien du plaisir aussy de comparer la mé-
daille avec le mot OBOAOC sur une pareille que j'en avois beaucoup
moings nette que la vostre. Et vouldroys bien en avoir une do celle;!
d'Athènes avec la mesme inscription telle que l'a peinte le l'yrro Li-
gorio avec ses desseins à peu prez. Et vous tiens assez heureux pour
la rencontrer quelque jour. Cez petits fragments de la teste et zampe
de bronze d'un Trépied semblable à celuy dudict sieur Cavalier Gualdo.
' Bibtiotitècjue de t'I'lcole de m<Çdpcîne de Moiilix'Ilier, ms. H 97 1, fol. 171.
774 LETTRES DE PEIRESC [1635]
m'ont esté bien agi'eables, et quand il s'en rencontrera d'autres, voue
m'obligerez de me les retenir, et de m'en procurer ia preferance comme
vous m'avez faict une singulière faveur de me retenir ce bas relief avec
cet autre fragment de Trépied, que nous eussions mieux aymé et plus
estimé s'il eust eu ses pieds comme vous l'avez assez jugé, mais je ne
verray pas pourtant moings volontiers ce qui s'en est peu recouvrer,
à cause de ce double bassin dont vous me parlez. Et me tardera de
l'avoir, bien marry que ne l'ayez faict charger sur les Tartanes des Mar-
tegaux qui dévoient partir le jeudy saint. Car il en est arrivé bon nombre
au Martigues, sur lesquelles il eust peu venir, et Dieu sçait quand les
autres viendront ! Nous sommes tousjours en cette peine quand il est
question de faire embarquer quelque chose, et je ne suis pas seul,
car le sieur de Sourans de Bezançon m'a escript que vous luy aviez faict
espérer une caisse de curiositez soubs mon adresse, dont M"' de Gastines
ne m'a sceu donner aulcunes nouvelles. Aussy luy fis je i-esponce, que
je croyoys que vous auriez attendu le retour des galères, et que vous
estant trouvé surprins de leur arrivée, vous attendriez de me l'adresser
avec la caisse de ce bas relief dont vous me faisiez feste. Me promet-
tant que le tout viendroit par le retour de Patron Faulconier, ou de
Patron Pascal. Et que sitost que la caisse seroit ez mains de M' de Gas-
tines, je procureroys qu'elle luy fust soigneusement envoyée par voye
asseurée et sans y laisser perdre aulcun temps. Désirant luy rendre
quelque plus digne service en meilleure occasion pour l'amour de vous
et de son propre mérite.
J'envoyay à M'' de Gastines vostre billet aussy tost qu'il m'en eust
donné le premier advis, comme je feray tousjours par cy aprez en pa-
reilles occasions, louant comme je doibs vostre bon mesnage et le soing
qu'avez eu de retenir cez deux escuellons de bronze si grands, comme
vous dictes, et cez médailles cottées de nombres, que j'estime certai-
nement davantage toutes pucelles que nettoyées, à cause qu'on pour-
roit dire que les nombres y eussent esté faicts aussy récemment que la
réparation et neltoyement de la rouille. Et si je cognoissois le sculpteur
qui s'est contenté de deux escus de profBct, pour me laisser la pre-
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 775
ferance de ce bas relief pour l'amour de vous, je luy «1 Usmoianv-
roys ma grallitudo, et m'en rcvaiichei'oys de bon cœur en le servant si
je pouvoys.
Au reste je suis tousjouis en cette opinion que vous devez faire le
voyage de Naples et de Sicile cl y accompagner M' de la Ferrici-e suy-
vant ce que je vous en ay escript par luy mcsmo ot par le dernier or-
dinaire et pense que vous y aurez du regret toute voslre vie, si vous
en laissez eschapper l'occasion. Toutefoys il fauldra songer à ce qui
sera plus important à voz allaires. J'en ay touché un mot, non seule-
ment à l'eminentissinie cardinal Barberin, mais aussy à l'eminentis-
sime cardinal de Bagni, de qui je suis d'advis que vous en preniez
conseil, car possible sera-t-il bien aise d'y contribuer quelque chose
aux fraiz pour vous indamniser de ce costé là. Parlez en aussy à
M"" Bourdelot et à quoy que ce soit que vous puissiez vous rcsonMi'-,
asseurez vous que je seray tousjours inviolablement,
Monsieur,
vostre, etc.
A Ak^ced may i635.
Depuis avoir escript, l'ordinaire d'Avignon ayant esté retitrdé d un
jour cl au contraire celuy de Paris advaucé, d'aultant qu'ils se sont
rencontrez icy oportunement, par celuy cy j'ay receu de la jiarl de
M' Compain vostre lettre du xi avril, où j'ay esté bien aise que le
Patron Pascal se fust rencontré là, aprez le parlement des Martegaux
qui avoient desmaré dez la semaine saincte, mais je double un peu s'il
aéra si tost expédié, et vouldroys bien pour consolation du retarde-
ment que voz cavateurs eussent en continuant leur travail retrouvé le»
pieds de cette figure de marbre ot de ce Trépied pour les mesmes
raisons que vous jugez fort bien. Ou bien qu'ils eussent trouvé le res-
tant de la figure dont vous m'avez envoyé la main avec le plectnun,
en quoy certainement vous m'avez faict un singulier plaisir. J'en
avois desjà d'autres fragments niesuies d'un Apollon de Gorniole qui
joue de la lyre avec le plectrum et d'un centaure de marbre qiii s'en
776 LETTRES DE PEIRESC [1635]
sert pareillement, mais ce que j'estime de plus au vostre est de le voir
ployé en sorte que je n'eusse pas jugé sur les autres. Mais je vous sup-
plie que la commodité dudict Patron Pascal ne vous eschappe pas, s'il
vous plaict, sans nous envoyer le gros poids de pierre escript, le mor-
tier, et autres grosses besoignes de volume. que vous jugerez de mon
goust. Si vous faisiez mouUer en piastre de cez inscriptions bien an-
tiques tant de Duillius que de Scipio Barbatus, d'Herodes et autres,
vous me feriez un singulier plaisir.
Ce k may au soir.
Patron Pascal pourroit bien apporter la caisse de M' de Sourans, si
l'aviez apprestée, et de cez gcos morceaux d'ebur fossile et autres pé-
trifications estranges de trop gros volume '.
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par le retour de Patron Paschal voz lettres du 26 avril,
avec la caisse et tout le contenu en voz bordereaux fort bien conditionné
dont je vous remercie trez Immblement. Ayant prins grand plaisir
de voir et examiner le tout à mon aise et à ma mode, et eu estant
demeuré fort satisfaict, principalement du bas relief de la Pythonisse,
qui est certainement trez beau et bon, et y a bien à regretter ce qui
y manque à tout le moings au pied ou base du Trépied et sur le bassin
oij il est resté certains petits aboutissements qui présupposent d'autres
choses que j'ay bien de la peine à comprendre et suppléer. Cependant
je vous ay bien de l'obligation de ce que nous avons peu recouvrer par
vostre bonne industrie et charitable inclination en mon endroict pour
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de Montpellier, ms. H Î27 1 , fol. 1 74.
[1635] À CLAUDE MENESTHIEIl. 777
ce regard par preferance sur des autres qui la pouvoient meriler mieux
que moy. Il est vray que possible n'en eussent ils pas faict leur prodict
mieux que moy et n'en eussent pas tiré plus de fruict pour le public.
Il y a quelque apparance que de l'autre costé du Trépied il y debvoit
avoir quelque autre figure ou perspective de Temple, et enfin quelque
continuation du plalfonds qui estoit entouré d'une petite nioulleure,
laquelle règne dessus et de l'autre costé du derrière de la figure. Le
temps vous fera un jour rencontrer quelque autre chose, qui puisse
ayder î\ suppléer une partie de ce qui y est plus incogncu, puisque
vous y avez si bonne main, vous asseurant que vous m'avez bien faict
plaisir de vous saisir de tout ce que vous avez peu recouvrer des choses
trouvées au mesme lieu que ce bas relief ou ez environs. Car tout y
peult servir tost ou tard directement ou indirectement, principalement
cez fragments d'un Trépied de bronze de la fonne de celuy du sieur
Cavalier Gualdi, cez vœux de terre cuitte, cez médailles des nombres,
cez escuellons, ce cloud mesmes, s'il en estoit, ce que vous n'avez pas
marqué. Et possible ce petit forzo de marbre ammailloté^ sur lequel y
avoit bien du mystère et des choses que je n'dy pas rencontrées ail-
leurs, en choses semblables. C'est dommage qu'il a esté si mal conservé
qu'il y en a d'aulcunes bien mal recognoissables, et qu'il faudroit pou-
voir suppléer d'ailleurs.
La médaille de la colonne d'Alexandre Severe est de TROAS. J'en
ay quelques unes de mesmes, et de celle que vous avez creu estre d un
Sphynx qui semble plustost un Pégase aux autres, et de l'autre inco-
gneiie, mais je ne les ay pas trouvées présentement pour les comparer,
comme je désire faire Dieu aydant; la quattriesme, avec les 3 pallottes,
ne m'a pas esté moings agréable que les autres, coiume aussy celle
de l'Astragale quoyque j'en aye de pareilles. Et touts cez poids de pierre
et de metail, spécialement celuy qui est en forme de vase, et celte
Teste suspendue qui a à l'oreille gaulche ce que les autres figures
pareilles soulloient avoir i\ la droicte, et s'en rendra plus considei:able
d'aullant. Cette petite hgurettc d'Isis est fort bonne aussy quoy(iu.' de
mauvaise main, et j'en ay d'aulres qui suppléent bien ce qui y delTaull.
ï. o"
778 LETTRES DE PEIRESC [1635]
J'ay veu fort volontiers les empreintes des deux médailles Etrusques de
l'eminentissime cardinal Barberin, principalement de la plus grosse,
à cause de la marque du Dupondium , qui est neantmoings bien corrom-
pue dans l'argille par la fuitte de l'argille, et si en pouviez prendre une
empreinte plus nette, au moings de ce costé là, me feriez bien plaisir.
Si vostre Catalogue n'est achevé, vous en pourrez enrores trouver quel-
que occasion. Et pour le contrepoids vous ne m'avez pas mandé si la
boitte mesmes en faict partie ou non , comme il y a de l'apparence. Si
parmy cez médailles là, vous en trouviez d'autres Etrusques bien que
de moindre forme, ne laissez pas d'en retenir un peu de mémoire et
de celles de l'OBOAOC, et de l'ACCAPIONHMICY d'Ant. Augustinus,
s'il y en avoit. Que si vous y en rencontriez que vous jugeassiez bien
dignes d'examen, et que vous ne peussiez pas bien deschiffrer dans
vostre description courante, si m'en faictes envoyer des empreintes,
possible vous en pourrons nous suggérer l'interprétation, ce que je
feray trez volontiers pour l'amour de vous et pour prendre occasion de
renouveller quelque recommandation de voz services que je regrette
bien estre si mal recogfneus, et vous en plains grandement. Mais puis-
que vous avez eu tant de patience, je vous conseille d'en avoir un peu.
L'empreinte en papier de M"" Doni n'est que de l'inscription de Duillius,
que vous avez fort bien jugé avoir esté restaurée postérieurement, car
Pline faict mention de sa restauration, et c'est pourquoy je ne m'en fie
pas si absolument, noraplus que des Fastes pour la forme du charac-
tere. Aussy avoys je désiré l'empreinte de l'inscription de Scipio Bar-
batus pour cela, et n'estimeroys pas gueres moings celle de vostre
Scipion Asiatique si elle se pouvoit recouvrer. Mais je verroy pourtant
bien volontiers l'empreinte que vous avez retenu en piastre de celle de
Duillius, pour en faire la comparaison aux autres quand il y aura
moyen de les avoir, et les attendray en bonne, dévotion, avec celles
des Termes , regrettant vostre })eine , et avec les modelles que vous faictes
faire de cez poids antiques du collège Romain, en marbre, et de ce
gentilhomme qui en a un de presme d'esmeraulde, en porphyre. Je
n'y appréhende que la perte du temps et des occasions de les faire
[1635] À CLAUDE MENESTHIER. 779
venir qui ne seront possible pas tousjours si libres qu'elles avoieiit
esté jusques icy, si les choses viennent à rupture. Mais il ne faudra
pas perdre courage pour cela.
Je n'ay pas receu la lettre du R. P. Moron, custode de la Biblio-
thèque du collège Romain. Vous eussiez bien peu demander à qui il
l'avoit baillée pour la faire demander, car souvent ccz bons Pères n'ont
pas tant de liaslc de chercher des commoditcz de faire tenir les lettres
qu'on leur adresse. S'il la vous eust baillée ou au R. P. Atbanase, elle
ne seroit pas demeurée en arrière, et si je sçavoys à peu prez ce que je
pourroys y faire pour son service, je la previendroys trez volontiers.
L'empreinte de la figure ^Egyptienne de l'illustrissime Cavalier
Gualdo m'a esté fort agréable, bien qu'il y a des choses quasi imper-
ceptibles, mais il se fault contenter de ce qui est possible et loisible
du gré à gré de ses amys. Je m'en recognois bien son redevable et ne
manqueray pas de l'en remercier, comme aussy des modelles qu'il me
promet de ses poids chrestiens et des bonnes relations qu'il a voulu
faire de moy à cez Mess" qui ont imprimé le discours sur la colonne
de Duillius, en quoy l'affection qu'il luy plaict me porter l'a porté
dans un peu trop d'excez d'hoimesteté. Car je n'ay pas de quoy res-
pondre à ce qu'il a faict ù croire de moy.
Je n'ay encores peu prendre le loisir de lire ce discours attentive-
ment selon son mérite, comme il le fault, afin de respondre et à
l'aullieur et à celuy qui en a voulu faire l'édition, et par mcsme moyen
à l'illustrissime Cavalier Gualdo, que vous dictes en avoir esté le pro-
moteur, m'estant trouvé trop surchargé d'affaires, depuis ce peu de
joui-s qui se sont escouUez depuis l'arrivée de la barque de Patron Pas-
quai, et de voslre caisse et autres fagols, qui ne peuvent pas venir si
tost que les lettres. Vous ferez, s'il vous plaist, mes excuses par cet
ordinaire et je suppleeray Dieu aydant par le prochain, ce ((n'atten-
dant je finiray en vous réitérant mes remerciments bien humbles de
tant de bons offices que vous me continuez et de tant de belles choses
que vous me despartez à vostre préjudice ou que vous recueillex de
mes amys et des vostres pour l'amour de moy, mesmes du soing
9»-
780 LETTRES DE PEIRESC [1635]
qu'avez prins de ce libvre et roulleau de M' Doni et de ce mouttoa de
M"" Bourdelot, qui n'est pas de la qualité que l'on m'avoit dicte, mais
qui est neantmoings bien asseurement antique. Et si vous en rencontrez
de bonne marque d'antiquité, et qui se tienne bien droict sur ses pieds,
vous me ferez plaisir de m'en retenir. Je vous remercie encorcs de
l'ebur fossile, et de l'ambre de Sicile, et eusse bien désiré quelque petit
fragment de celuy qui est de couleur et teinture extraordinaire.
Aymez moy tousjours, s'il vous plaict, et me commandez librement
comme.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce dernier may i635 en hasle.
Je vous prie de faire rendre l'estuy et lettres cy joinctes au sieur du
Monstier ' de la part du sieur Ruffe ^.
CI
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BESANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je n'ay poinct eu de voz lettres par le dernier ordinaire de Gènes,
par qui je vous auroys accusé tout ce que le Patron Pascal m'avoit
apporté de vostre part. Mais j'ay receu par Lyon une lettre vostre du
8 may, qui n'estoit quasi que le duplicata de celle dudict Patron
Pascal, avec le bordereau du contenu en vostre caisse, et vous re-
' ■ Il s'agit là , non du célèbre peintre main» à Rome , du mesme mestier, qui sça-
Daniel du Monstier, mais d'un de ses pa- voit aussy mille vers comme cela. »
rents, Pierre du Monstier, dont Tallemant ' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de
des Réaux parle ainsi {Historiettes , t. III, Montpellier, ms. H ayi, fol. 175.
p. igi): «J'ay veu un de ses cousins ger-
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 781
mercie de bon cœur de ce double soing, et de ce qu'y avez adjoust*-
concernant vostre visite des coquillages de la vigne de Madame en si
bonne compagnie de M' de la Ferriere et de M' de IJoui-delot, comme
aussy de la lettre de Vincenzo Mirabella touchant les os de ^jeant dont
j'attendray incontinent la coppie, et crains bien que ce soit longue-
ment, si ce doibt estre au retour de M' de la Ferriere, puisque j'en-
tends que M?"' l'Em'"" Gard"' de Lyon le veult retenir prez de soy, n»'
croyant pas qu'il le puisse facilement lascher, si une foys il ha goust<'»
la doulceur de sa conversation et gentillezze de son érudition. Au reste
je croys bien qu'il vous aura faict voir son Aymant et les experiances
qu'il en a faictes. Si vous en rencontrez quelque bon morceau, vous
me ferez plaisir de me l'achepter, et des fragments de toutes les diffé-
rentes sortes que vous en pourrez rencontrer. J'en vouldroys des mor-
ceaulx si on les peult distinguer, tant de celuy de l'Elba ' et de celuy
de l'Espagne que de celuy du Levant et de celuy des païs septen-
trionaulx. Et si vous alliez jamais à l'Elba, je vouldroys avoir de la terre
mesmes des environs des veines d'Aymant pour en faire diverses ex-
periances à ma mode. Voire serois je bien aise de faire recueillir des
eaux pluviales qui pourroient distiller dans les cavernes où se tire
l'Aymant et les faire conserver dans des fiolles de verre bien fortes et
bien grattées pour en examiner les qualitez plus ;\ mon aise. Ne le
négligez pas si l'ocasion s'en presentoit, et me tenez tousjours en vo/
bonnes grâces comme ,
Monsieur,
vostre trez humble et obligé serviteur.
DB Pbiresc.
À Ak, ce a6 juin i635.
Un amy me demande la figure du pilum des anciens tant pour le
boys que pour le fer et sa juste longueur et grosseur tant de l'un que
de l'autre, et jusques où descendoit le fer à peu prez, et comment le
' Probablement l'Éle d'Elbe, que l'on appelait Elba et plus anciennement ,£Aalia.
782 LETTRES DE PEIRESC [1635]
boys s'enfonçoit dans le fer, ou s'emmanchoit. Vous aurez veu, je mas-
seure, des figures antiques de marbre assez bien conservées pour y
recognoistre cela, et de la juste grandeur et stature naturelle et de di-
vers siècles, et possible des ferrures mesmes antiques, tant de fer que
de bronse, car d'aultres foys le fer se conserve assez pour cela, selon
le terrain où il a esté mis. Cez Mess" qui ont des cabinets ne sont pas
sans des fragments de toutes cez armes anciennes, puisqu'ils ont mesmes
des celades, comme vous m'avez dict aultres foys. J'en escripts un mot
à M' Naudé et feray payer touts les fraiz des dessains ou de la mou-
leure de ce qui la pourroit méritera
Cil
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE REZANÇON,
EN LA COL'B DE L'EHINËNTISSIUE SEIGNEUB CARDINAL BARBERIN,
À HOME.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 20 juin par Lyon, accompagnée de celle
du R. P. Moron à qui je faicls responce, et vous prie , en la luy pré-
sentant, de luy faire mes excuses du retardement provenu du destour
de la voye de Lyon, car les courriers n'ont pas continué de passer
par icy et ont reprins leur ancienne routte de Piémont. C'est pourquoy
il sera tousjours meilleur que vous m'escriviez sur la fin de chasque
moys ou commancement de l'autre par les ordinaires de Gènes par la-
quelle voye les lettres ne sont que 1 2 ou 1 5 jours en chemin. Et si me
voulez envoyer quelque petite boitte n'excédant deux ou troys libvres,
je m'asseure que le respondanl que tient à Rome au bureau le
sieur Girolamo Spinola de Gènes la recevra trez volontiers, et me la
fera seurement tenir, et vous pourra esclaircir du vray temps que se
font les despescbes pour Avignon. Avec lesquelles viennent les miennes
' Bibliothèque de l'École de mëdecine de Montpellier, ms. H 271, fol. 178.
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 783
jusques à Gènes et de Gènes icy sans passer par Avignon, car si vouh
les laissiez confondre dans l'enveloppe d'Avignon, ce sont des tyran-
nies et longueurs nompareilles. Il les fault adresser à Gènes aH'illus-
trissinao S. Girol" Spinola gênerai délie poste, qui les consigne aprez
au courrier d'Avignon pour me les laisser icy en passant. Aussy bi»*n
me fault il tous les ans envoyer des Uegales audict sieur Spinola pour
plus du triple que ne vauldroient les ports de toutes nies lettres. C't'^t
pourquoy vous n'y devez pas avoir plus de regret que les autres foys
que vous l'aviez practiqué cy devant. Au contraire il sera bien aise
d'avoir occasion de m'obliger encores plus que les courriers de Lyon
qui ne sont pas tousjours de trop bonne convention, comme je l'a^f
esprouvé d'un qui me voila une petite horloge d'assez notable prix.
Au reste j'ay prins grand plaisir de voir le griffonnenient et descrip-
tion que vous me faictes de celte figurine de bronze si uiysferieuse. J'en
ay veu deux pareilles en des bas reliefs de marbre, mais celle là aura
possible quelque adminicule de plus ou de moings. Tant est que je voa»
suis bien obligé de la prcferance qu'il vous plaict nous en reserver.
Et vous en remercie de tout mon cœur comme aussy des autres petit»
bronzes venus de nicsme lieu. Et de l'advis que vous me donnez qut*
les vestiges ou reliques demeurées contre le bassin de vostre Pylhonisse
sont du bras et d'une main d'une autre pytiionisse, ce que mon peintre
avoit tousjours creu, mais j'y avoys quelque répugnance d'aultant (jue
l'action de la main y est un peu trop forcée pour la naturelle disposition
des membres. Toutefoys je m'en rapporte fort librement ù vostre meilleur
advis. Et seray bien aise que vous mouillez encor un coup le Dupoiv-
dium Hetrusque du Cardinal Patron. Mais vous m'obligeriez au cenluplf
si vous me pouviez envoyer un peu de grifloneraont de la Cclala de
bronze antique de S. Eni. avec cez justes dimentions et le poids du
métal qui y reste et de vous enquérir du lieu où elle a esté trouvée.
Je verray trez volontiers le piastre de l'inscription de L. SCIPIO
BARBATIJS, et pense que si vous cherchiez bien dans la vigne de
Farnese vous y trouveriez celle d'HEHODES, qui est alléguée par
Gruterus, et me feriez un singulier plaisir de m'envoyer le tout par
784 LETTRES DE PEIRESC [1635]
les galères du Pape qui viendront à ce moys de septembre; mais vous
attendrez la dernière heure et lorsqu'il ne sera plus temps de les faire
tenir à Civita Vecchia pour cette commodité là, qui est trez seure et
indubitable. Pardonnez moy cette petite liberté. Vous estes si bon que
vous vous laissez emmener à voz amys et quasi lever le morceau de la
bouche.
J'ay prins un grand contentement d'apprendre que vous ayez esté
employé à prendre cez instructions de cez ^Ethiopiens et de la part que
vous me faictes des relations des Marbres que vous en avez tirées,
comme l'a faict M' Bourdelot de celle de la médecine de leur pais. Je
vouldroys que vous les eussiez interrogez s'ils n'ont poinct ouy parler
en leur païs d'un Zacharia Vermeil '■, qui a quelque part aux bonnes
grâces du Roy et quelque honorable employ dans ses armées.
Il me reste à vous dire que le sieur de la Ferriere m'a parlé d'un
seigneur AHeman nommé le Baron de Slackun lequel nous avons veu
icy, et lequel me dict qu'il pourroit bien passer en Sicile. Or ce seroit
justement vostre faict, car il aura bien de la créance par tout ce pais là
et vous pourroit faire trouver accez et entrée partout, voire contribuer
à la despance s'il falloit faire caver en quelque part. Taschez de le
visiter et salluer de ma part si ne l'avez desja veu, combien qu'en
tout cas je croys bien qu'il ne recevra pas en mauvaise part ce compli-
ment, soit en vostre nom propre, ou bien au mien. H voulut voir cer-
taines experiances du boys fossile avec M"' de la Ferriere, et je croys
bien qu'il se porteroit volontiers sur les lieux à Aquasparta et ez en-
virons, et n'espargneroit pas d'y fouiller pour descouvrir quelque
chose de plus que ce qui y peult paroistre hors de terre. Et s'il s'y re-
soult, faictes effort pour l'y accompagner pour prendre des habitudes
avec luy, et l'obliger de vous mener en son voyage de Naples et de
'Ce Vermeil était de Montpellier. Pei- . él^ publiée par le vicomte de Caix de
resc lui adressa, rren la cour de l'empereur Saiut-Ayiuour dans La France en Ethiopie.
des Abyssins», plusieurs lettres, qui sont Histoire des relations de la France avec
conservées à l'Inguimberline (Carpentras). l'Abyssinie chrétienne (Paris, 1886, p. 278-
— La plus considérable de ces lettres a a86).
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 785
Sicile comme il luy sera plus facile qu'à tout aullre : n'y ayant plu» de
commerce pour les Françoys de long temps, ne par conséquent pour
M' de la Fcrriere, oultre que le service de l'Eminenlissime Cardinal
de Lyon ne luy permettra pas de s'en eslogner {juieres.
Vous le trouverez fort curieux et je ra'asseure qu'il prendra grand
plaisir aussy en vostre conversation. Pleust à Dieu ([u'il vous eust voulu
mener en Sicile, et s'il s'y rcsolvoit assez à temps pour m'en advertir
à l'advance, faictes le et je vous envoyeray des instructions particu-
lières, et seray toute ma vie,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce > aoust i635.
Quand l'Eminontissime Cardinal m'a envoyé la Rorna Sotterranea,
il se trouva dedans un petit billet imprimé, couvert d'une enveloppe
fort proprement, qui me fit croire que ce debvoit estre quelque sup-
plément î\ adjouster dans le libvrc, mais je n'ay sceu retrouver l'en-
droit où il doibt aller nomplus que mon libraire, de sorte que je le
vous renvoyé pour en demander des nouvelles à l'imprimeur, ef pos-
sible estoit-ce de quelque autre libvre '.
cm
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIME SElGNEUn CARDINAL RARRERIN.
À ROME.
Monsieur,
Vostre lettre du 1 6 juillet m'est venue par la voye de Lyon contre-
signée par M' Compain, mais plus tard de beaucoup que si elle eust
passé par Gènes. J'ay bien prins du plaisir de voir vostre griffone-
' Bibliotliè<iue de l'École de mt^decine de Montp'llier, mu. H 471, fol. 179.
T. - 99
786 LETTRES DE PEIRESC [1635]
ment de la table de marbre de S' Sebastien gravée de cez divers
nombres encores que je ne i'aye pas sceu entendre; il fauldroit sçavoir
si les autres tables d'alabastre qui estoient, ce dictes vous, ranjjées à
l'entour n'avoient aulcune graveure d'autres chiflVes qui se peussent
rapporter à ceulx là, pour en suppléer l'assortiment. Et ne seroys pas
marry de l'achepter avec quelques unes desdictes tables d'alabastre si
le prix en est raisonable; sinon je vouldroys la moulleure en papier
mouillé de deux bords ou extremitez pour voir la vraye forme qu'ils y
ont voulu donner à ce charactere qui ressemble au L renversé 1 à peu
prez.
Vostre grilTonement des fers de lance de bronze m'eust bien encor
agréé. J'en ay quelques uns, mais non pas de si grands que le plus
gros des vostres, et verroys volontiers un dessein de celuy du Cavalier
Gualdo, qui est double, ayant de la peine à concevoir la forme et
l'usaige de toile armeure.
J'entends que dans le cabinet du Prince Borghese il y en a grand
nombre. Mais cela ne semble pas bien asseurement du siècle de l'Em-
pire Romain, ne mesmes des derniers siècles delà Republique, aux-
quels advindrent les plus importantes guerres. Et puisqu'il ne s'en
peult guieres espérer de fer qui se reduict trop facilement en pouldre,
principalement dans les terres corrosives des environs de Rome, il
reste à recherclier dans les marbres et statues de marbre ou de
bronze ce que vous en pourrez rencontrer, et subsidiairement dans
les bas reliefs, en prenant les proportions et haulteurs des figures, et
de leure armes et ferreures d'icelles, dont je vous supplie de vouloir
faire un peu de perquisition pour l'amour de moy et de celuy qui
m'en a prié.
Si vous me faisiez portraire des volumes de Ligorio qui sont au Va-
tican tout ce que vous y trouverez en cette matière, vous m'obligeriez
bien. M'' de Bonnaire fera payer le peintre coppiste de tout ce que vous
y ordonnerez.
Quant à l'Aymant, j'ay prins un singulier contentement d'entendre
ce que vous en aviez observé et faict eslabourer en cez boullettes et
[1635] À CLAUDE MENESTRIER. 787
moucherons, et en ce petit morceau taillé à guise de Diamant qui
lenoit 8 grains tout nud, et 8o onces. Vous avez pourtant oublié le
principal à remarquer, qui estoit combien pouvoit peser le corps de
l'Aymant qui lenoit 8 grains, si c'estoit plus ou moings de sa pesan-
teur propre, et à quelle proportion. Et vous prie quand vous observerez
dez hors mais de vouloir marquer combien le corps cpie vous emplove-
rez tirera sur la proportion de sa propre pesanteur à le considerei-
tout nud sans aulcune armeure ne multiplication de sa force, car cela
pourroit confondre et exclurre les consequances que nous en voul-
drions tirer.
Je serois bien aise (si vous en avez de bien bon) de m'en faire tailler
et arrondir bien exactement une boullette un peu grossette, au moings
comme une noix, ou environ, ou sinon telle que vous la pourrez avoir,
mais taschez de faire observer qu'elle ne soit pas plus grosse ne plus
pesante d'une part que d'autre, et faictes une petite cnarque à l'en-
droit par où elle tire, sans la percer comme vous aviez faict la vostre,
car cela est cappable de faulcer ou d'interrompre le cours ou l'éma-
nation de sa vertu intrinsèque, laquelle il luy fault principalement con-
server et entretenir.
Et si bien la première loys que vous en avez voulu vittritier il ne
vous a pas reuscy, il ne fault pourtant pas se lasser, car puisque Pline
a escript que Ton en mesloit avec le verre, je le croys fort facilement
et fault esprouver d'en mesler avec des autres matières plus suscep-
tibles de vittrification, pour voir si par compagnie elle se pourroit
mieux liquéfier. 11 fault en faire toutes les experiances possibles et sur-
tout s'il s'en pourroit calciner et en tirer aulcun sel, qui seroit ce que
j'en estimerois le plus, ou bien quelque espèce d'huille ou d'eau et
voir si le meslant avec du fer, ou de la mine de frr. il -ieroit plus
susceptible de calcination ou de vitrification.
Si vous en donnez le goust à M' de la Ferriere, ou h M' Bourdelot,
ils le prendront bien aisément, et je croys qu'il ne vous manquera
pas là des distilleurs qui en pourront faire les preuves commodément
parmy leurs autres opérations.
99-
788 LETTRES DE PEIRESC [1635]
Pour ce qui est de M" vostre oncle et de M"' le Curé de S' Pierre ',
ce peu que je leur avois desparty ne raeritoit pas qu'ils vous en don-
nassent advis. Bien est il vray que je les serviroys trez volontiers si je
pou vois, et touts ceux qui vous appartiennent et à plus forte raison
vous njesmes, pour satisfaire à mes vœux, estant du meilleur de mon
cœur,
Monsieur,
vostre, etc.
À Aix, ce 3o aoust i635'. ,
CIV
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZ.VNÇON,
ES LA COUR DE L'EMINENTISSIME SEIGNEUR CARDINAL BAHBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Je n'ay poinct eu de voz lettres par le dernier ordinaire de Gènes,
noniplus que par ceulx de Lyon , mais j'ay appiins par les lettres de
M' de la ï'erriere, que vous vous estiez engagé de parolle à l'Em"*
Gard"' de Bagni d'aller voir, le moys de septembre, une certaine grotte
prez de Civila Veccliia, où les serpens veliuz vont lescher, succer et
guarir les playes des ladres et aultres malades incurables qui se vont
exposer à leur discrétion ^, et qu'aprez vous le deviez aller visiter à
Rieti, et passer vraysemblablement par Aqua Sparta, dont nous atten-
drons voz bonnes relations à vostre commodité, espérant que si ce
n'est par le présent ordinaire, que vous ne laisrez pas escliapper encore
le prochain, sans nous faire part de cez curiositez si estranges et si
dignes d'une spéculation exacte, comme je m'asseure que sera la vostre.
L'oncle est ie clmnoine Dumay ; le curé ' Voir d'autre» mentions de ces préten-
de Saint-Pierre est l'abbé Antoine Alviset. dus serpents bienfaisants et guérisseurs ,
Bibliothèque de l'École de médecine de dans le tome IV des Lettres de Peiresc,
Montpellier, ms. H 271, fol. 181. p. 55i, 562.
[1636] À CLAUDE MENESTRIER. 789
M'iinaginant que parmy les merveilles de la nature, vous en trouverez
bien quelqu'une encores des reliques de l'Antiquité, où vous estes si
heureux de rencontrer ce que voz amys souhaictent. Et vous supplie
dez hors mais de vous rendre encores plus curieux pour l'amour de
moy que vous n'estiez de toute sorte de frajjmenLs concernant les armes
des anciens, et les lerreures de leurs espieux ou hastons ferrez, et
de ne pas negli{jer un dessein de cez deux fers de lance qui s'entre-
tiennent de l'ill"™ Cavalier Guaido, lequel j'attends en boime dévotion
et demeure tousjours
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
À Aix, ce 4 octobre i635, en baste'.
cv
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN L\ COUR DE L'EMINENTISSIHE SEIGNEUR CARDINAL BARRRRIN,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par l'ordinaire de Gènes vostre lettre du 3 accompagnée
de ce petit griffonement de vostre casque dont je vous remercie bien
fort, ayant prins plaisir de le voir, et en eusse bien prins davantage,
s'il eust esté desseigné un peu plus exactement. Mais possible ne l'osez
vous pas laisser voir à des peintres qui ne soient bien confulants pour
ne laisser esventer la chose, comme en effectce monde là ne recognoil
pas voz offices selon leur mérite, et ne sçay si de par deçà vous en
trouverez qui en sçaichent faire plus d'estime, carceluy mosme à qui
vous le destinez, quoyque grand seigneur, n'a pas l'intelligence telle
qu'il fauldroit de la vallcur des choses *. Ne encores des moyens à mettre
à autre chose qu'à acquitter des arrérages de debtes et de services, où
' Bibliothèque de l'École de mddecine de Monl{K>llier, vas. H 87 1 , fol. i83. — * H s'«gil U
du cai-dinal Fr. Barberini,
790 LETTRES DE PEIRESC [1636]
se sont ruinez touts ceux de sa suitte. J'en sçay des particularitez. Et
l'importance est qu'il y a quelque charge de conscience quand on a en
main quelque jolie pièce cappable de donner matière aux gents de
lettres d'ayder le public de quelques bonnes notices, de l'abandonner à
des gents de qualité si relevée, que ceulx qui auroient besoing d'en
avoir la veiie à toutes heures ne sçauroient en obtenir la permission,
ne en trouver la commodité sans se mettre à rançon, ou sans y perdre
tant de temps à valletter des vallets, qu'on se lasse enfin de les pour-
suyvre.
Quand le feu sieur Girol. Aleandro vint en France en compagnie de
l'Eminentissime Cardinal Légat, il m'apporta cette pille de bronze des
poids antiques en l'orme de vases ou d'escuellons les uns dedans les
autres que vous avez veu. Je luy fis reproche de ce qu'il n'avoit con-
sacré cette pièce dans le cabinet de son patron, où elle pouvoit estre
plus dignement. Et luy monstray des pièces rares et excellentes que je
faisois estât de luy presanter. Mais il me rebroiia furieusement et me
reprocha que je ne me vouloys rendre coulpable envers la postérité
de luy avoir envié le fruict qu'elle pouvoit tirer de cez belles pièces..
Qu'aultant vauldroit les jetter quasi dans la mer que de les donner à
des gents de cette sorte. Qu'il avoit pour cette pille couru sur le mar-
ché d'un cardinal d'importance, autre toutefoys que son patron, pour
luy chercher un maistre qui la peusse examiner et faire valoir ce (pi'elle
meritoit. Et de faict je croys bien qu'on n'y eusse possible jamais des-
couvert cez belles choses que j'y ay trouvées avec ma patiance et mon
estude, lesquelles m'ont porté bien plus avant à d'autres descouvertes
qui seroicnt pareillement demeurées incogneûes.
Quand de simples marchands vont chercher le plus oflVant ou der-
nier enchérisseur, il n'y a rien à leur reprocher, parce qu'ils n'ont
autre but que leur interest, et n'ont aulcune aflection à leur marchan-
dise que pour la multiplication de leur fonds. Mais quand des persones
qui ayment et cognoissent des pièces dignes d'estre bien estimées [sic)
il leur fault faire de grandes violances sur leurs inclinations pour les
abandonner à des gents indignes de les posséder et incappables de les
[1636] À CLAUDE MENESTRÎER. 791
cogiioistre, et de les aymer selon leur mérite et leur valleur, vovre
quand cez persones ont commancé de gousler le plaisir qu'il y a d'aymer
le public, et d'acquérir du mérite envers la postérité, c'est chose en-
core plus dure d'en laisser eschapper les occasions, pour un peu plus
ou moinjjs d'interesi bursal, et de laisser les perles ou marguerites à
la mercy des pourceaulx, comme l'on dict.
Ne pensez pas que je vous dise cela ])ar convoittise, ne pour vous
desmouvoir d'aulcun dessein que vous puissiez avoir faict sar vostre
casque ou autre de voz belles siiigularitez. Je suis trop jaloux de laisser
mes amys en leur plaine liberté, comme je suis bien aise qu'ils me
souffrent la mienne. Mais je penseroys avoir prevariqué envers la fran-
chise que je professe, et avoir manqué grandement en mon debvoir et
à Tardante afl'ection que j'ay au bien du public et à l'honneur et ad-
vantage de mes bons amys, si je ne vous avoys dict ce que m'a dict
en cas pareil le plus honneste homme que l'Italie voire l'Europe easl
produict en ce siècle, et qui avoit le plus de cognoissance du inonde et
de la vanité de ce qui y est le plus en prix, qui estoit le sieur Aleandro,
le vray miroir de la vertu'. Car vous auriez quelque jour un grand
remords de conscience d'avoir contribué voz soings et voz peines à
faire périr un monument de l'Antiquité digne de mémoire, quand vous
luy pouviez achever de saulver la vie ({u'il avoit si incsperement ga-
rentie jusques à vous, sans que puisse servir l'excuse que vous allé-
guez du manquement d'argent puisque vous sçaviez bien oii vous aviez
le crédit d'en prendre aultant et davantage au besoing, et que M' d'Es-
piotz et M' de Bonnaire ne les eussent nomplus refusez (jue les autres
foys non seulement pour mon compte particulier, mais pour le vostre
mesmes, car quand vous les auriez prins sur mon crédit pour vostre
compte particulier, je ne les auroys pas moings faict acquitter, comme
je le vous ay assez souvent offert, sans qu'il fusse besoing de vous
priver des graveures et autres curiositez que vous pouvez avoir laschées
à regret. Et si les pouvez encore racheter au mesme prix de celuy qui
' Gn ma{jnifi(iue tloge d'Aleandro restera rhoniieur de sa mëmoire, car dans sa pairie
même on ne lui n jamais rendu aussi complète jostice et en termes auosi remarquables.
792 LETTRES DE PEIRESC [1636]
vous en a accommodé, ne m'espargnez pas, je vous prie, pour vostre
satisfaction, et ne vous imaginez nullement que j'y aye du dessein, vous
en renonceant de bon cœur touts mes intérêts, et aymant tout aultant
chez mes amys que chez moy mesmes les pièces que j'estime le plus,
quand ce sont persones traictables et acostahles. Mais il ne fauldroit
pas négliger de sçavoir le vray lieu où cette pièce a esté desterrée, et
ce qu'il y a voit de plus, s'il est possible de l'apprendre, car cela ser-
viroit encores plus qu'il ne semble.
Nous attendrons en bonne dévotion par le retour du Patron Faul-
connier cez petits fers de dards ou de flesches, et les glands de plomb,
et l'empreinte du double fer de l'illustrissime Cavalier Gualdi, comme
aussy l'empreinte en piastre que me promettiez d'un bas relief de
marbre où il y avoit tant d'armes antiques, mais je crains bien que vous
ne l'ayez laissé partir avant que le faire mouller, aussy bien que l'in-
scription de L. Scipio Barbatus.
J'ay grand regret à la petite indisposition que vous aviez trouvée
en la pcrsone de l'illustrissime Cavalier Gualdi, et suis tout confus de
honte quand je songe à l'excez de son honnesteté de me vouloir faire
voir les originaulx de cez troys petits poids chrestiens que vous m'avez
descripts. Lesquels il me tardera bien de voir pour juger si ce seront
des images ou visages de S' Pierre et S' Pol, ou des empereurs du Bas
Empire qui pouvoient estre lors en règne. Aprez quoy, nous en estants
esclaircys , il sera bien raisonable de les renvoyer à leur vray raaistre ,
avec noz humbles actions de grâces.
Que si ce commencement de commerce pouvoit s'introduire entre
nous comm'il estoit autres foys avec feu M?" Lelio Pasqualini, je tien-
droys à bien singuhere faveur que ledict illustrissime sieur Cavalier
Gualdi me voulusse laisser voir l'original de cette petite figure égyp-
tienne dont vous m'avez envoyé l'empreinte de piastre, car si je ne me
trompe elle est escripte de touts costez en caractères Hiéroglyphiques,
comme une autre plus grande qui m'est passée par les maius de marbre
noir, toute couverte d'escripture par le derrière, comme par les costez
et dessus et dessonbs, laquelle un autre amy m'a confiée de bien loing
[1636] À CLAUDE MENESTRIER. 793
pour une coupple de semaines, aprez lesquelles je la iuy ay renvoyée
seulement. Car je m'imagine qu'ell' est un peu usée ou fruste comme
cez médailles, et que telle useure peult avoir effacé ou rendu plus mal
perceptibles plusieurs choses notables, que l'empreinte du piastre ne
nous sçauroit représenter. Que si vous y recognoissez la moindre ré-
pugnance du monde, ne vous en ouvrez poinct plus avant, je vous prie.
Seulement s'il y a des lettres sur le doz voyez de les prendre avec du
papier mouillé, et celles aussy des coslez et du dessoubs. Mais je voul-
droys sçavoir si elle n'est pas de marbre tout noir ou meslé de verd
et de noir, et avoir un morceau de marbre adjusté au mesme contre-
poids de celuy là. Que s'il se rencontroit du marbre de pareille (pialilé
à peu prez, je l'estimeroys bien encore davantage et que vous fissiez
rapporter sur l'original à peu prez un petit morceau de pareille quan-
tité ou cappacité, ce qui peult manquer sur la teste de ladicte figure
ou ailleurs, et le faire peser à part, pour examiner par le poids la so-
lidité du marbre ou bien s'il n'y auroit rien d'affecté au poids de la
pièce comme aux mystères de la figure qui tient ce lion, cez serpens,
ce scorpion et autres animaulx. J'ay peur que vous vous moquerez
enfin de mes resveries, mais il n'y a remède. Je ne vous sçauroys rien
cacher de mes infirmitez, m'asseurant que vous en aurez la compassion
charitable qui y peult escheoir, et que vous n'en ferez pas de bruict,
comme je vous en supplie et conjure, de peur que les aullres n'ayenl
pas tant de reteniie que vous à s'empescher de se mocquer de moy.
Nous attendrons de la monstre des chrysoprases de Grotta Ferrata et
de voz autres observations naturelles, et attendrons aussy qu'elles
vous puissent rendre un peu plus considérable de pardelà, à quoy je
contribueray tousjours de bon cœur tout ce que je pourray, en ayant
meilleure espérance que devant. Ne vous lassez poinct. J'ay responce
de Lyon de l'envoy des provisions du sieur Alvyset, mais non encore
de la réception à Bezançon que j'attends par le prorliain et demeure
tousjours du meilleur de mon cœur.
Monsieur, vostre, etc.
À Aix, ce dernier janvier i636.
100
m LETTRES DE PEIRESC [1636]
Si j'ay encore assez de temps je pourray bien escrire à l'illustrissime
Cavalier Gualdi en remerciment de ses poids et sur cette figure hiéro-
glyphique ^
CVI
\ MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DB BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par le dernier ordinaire de Gènes vostre lettre du 2* où
je fus bien mortifié de voir qu'eussiez laissé eschapper la commodité
de Patron Faulconier qui chargeoit à Ripagrande, sans le charger de
ce qu'aviez en main pour m'envoyer, je veux dire l'empreinte de l'in-
scription de Duillius, restée l'année passée, et cez autres fragment/ de
marbre ou de bronze qu'aviez aprestez long temps devant, car pour
celle de Barbatus, puisqu'elle estoit encore à faire, matico male'^, maid
il fault prendre patiance, et nous consoler en l'espérance que nous
donnez, par Patron Gaultier, qui ne reviendra pourtant pas si tost, si
Dieu ne nous ayde, ne en saison si nette de corsaires et d'ennemys, que
Faulconier. C'est pourquoy si dans cez pièces de l'^ES grave que vous
me voulez envoyer par ledict Gaultier, il y en avoit quelques unes que
vous jugeassiez bien extraordinaires principalement des petites, vous
en pourriez faire un petit fagot bien enveloppé avec du cotton, et le
remettre à M' de Bonnaire pour me l'envoyer par Gènes, si le commis
du sieur Ger. Spinola dans le bureau de la poste de Rome s'en veult
charger, comme il fera sans doubte volontiers, quand le poids seroit de
cinq ou six libvres, si l'enveloppe est adressée audict sieur Spinola et re-
commandée de la part de Son Eminence ou du Palais. Car je ne sçay si
nous aurons icy Gaultier avant l'automne prochaine. Tant cez gentz ont
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de Montpellier, ms. H 971, fol. i84. — ' Elle
manque malheureusement.
[1636] À CLAUDE MENESTRIEU. 795
de longueur en leurs expéditions. Et si vous preniez la commoditc'! des
pescheurs qui s'en retournent à Pasques au Martigues, elle seroit bien
meilleure, et nultant et plus asseurée, avec un mot d'adresse au Mar-
tigues, au sieur de Saint Cesari juge, et au sieur Bartelcmy notaire
au Martigues qui me feront tenir le tout. Mais je vois bien que ma pré-
sente lettre n'arrivera pas à temps entre voz mains avant leur despart.
M' Aloyset ne m'a poinct accusa la réception de ses provisions, (pie
M' de Rossi de Lyon remit ez main de M"" Gompain, vostre bon amy, le-
quel asseure les avoir bien et deuemenl adressées et que ledict Aloiset
les a receues asseurement. Ce qui me faict craindre qu'il ne se soit Ironvr
malade, et que possible il n'ayl pas esté bien satisfaict de son expédition.
J'ay faict une recharge , et en attendray la responce. Je suis bien ai.se que
l'eminentissime cardinal Patron vousaye semond de recommencer vostro
pérégrination par la campagne de Rome. Je lui ay faict deux ou Iroys re-
charges en vostre faveur assez à pro[)os à mon gré, Son Eminence m'ayanl
uns dedans opportunément. Et veux croire que cela pourra faire elFect.
Pour la médaille d'Ovide, elle seroit bien gentile si elle estoit vergine,
mais je me double fort qu'en la nettoyant on n'y aye faict ou suppléé les
lettres qu'on a peu à ce dessein. Je dicts qu'on a peu parce qu'on n'y
eusse pas laissé la lettre H pour un E, si l'on eust peu bieu commodément
la changer, et n'y eust on pas laissé nomplus un G sigma rond d'un costé
et une autre sorte de S du revers, je pense, avec une médaille pareille à
celle dont on a voulu tirer celle cy, laquelle est, ce me semble, d'An-
tioche, mais je ne l'ay peu retrouver présentement, et croys que le mot
d'OTHIAIOC ayt esté forgé de celuy de GTNKAIIOC (.sjc). L'empreinte
se feroit mieux juger, si vous la pouviez extorquer de celuy qui l'eslinie
tant. Cependant je vous suis tousjours bien redevable de la parlicipalion
et vous en rends mes trez humbles grâces avec supplication de me tenir.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 3 murs i636 '.
' Bibliolhi'^que dn l'École de niMecine de et la sig^nnlure niitographe de cette lettre
Montpellier, tus. H Q71, fol. 187. — La date se trouvaient dans la marjje et ont di»-
796
LETTRES DE PEIRESC
[1636]
CVII
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE l'eHINENTISSIHE SEIGNEUR CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Depuis avoir escript, avant que fermer ma despesche, le courrier
estant céans pour la prendre, j'ay eu advis de Marseille que Patron
Faulconier y estoit arrivé à bon saulvement, et tost aprez ay receu la
lettre du i3 janvier dont vous l'aviez chargé, oi!i j'ay apprins que
i'avois grand tort de vous accuser comme je faisois de l'avoir laissé
eschapper sans m'envoyer ce que vous aviez en main, puisque vous
l'en avez chargé. Mais vous aviez oublié de m'en advertir par la vostre
du a febvrier, où vous me renvoyiez seulement au Patron Gaultier
pour l'inscription de Salviati, de sorte que vous estiez en partie coul-
pable de l'occasion que j'avoys prins de vous accuser quoyqu'à tort dont
je vous demande pardon de bon cœur, et ne pouvant vous en dire da-.
vantage parce que le courrier veult passer oultre, en vous remerciant
trez humblement la continuation de voz bienfaicts, je demeureray,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 7 mai-s i636 '.
para. Une date erronée {3o mars au lieu de
3 mars) a été indiquée d'uue autre main en
tête de la lettre, et, sans doute par suite
de celte erreur, la lettre a été à tort placée
dans le volume ms. au fol. 187 après la lettre
suivante, qui occupe le fol. 1 86.
' Bibliothèque de l'Ecole de médecine de
Montpellier, ms. H 271, fol. 186. — Le
lendemain , Menestrier écrivit à Peiresc une
longue et importante lettre qui a été insérée
par M. le Commandeur de Rossi, en 1869,
dans le Bulletin d'archéologie sacrée , accom-
pagnée de remai-quables observations. J'ai cru
devoir reproduire à Y Appendice la lettre de
Menestrier et les notes de l'éminent archéo-
logue pour l'amélioration de la santé du-
quel tous les travailleurs font tant de vœux,
avec l'espoir que ce noble martyr de la
science, momentanémpnt épuisé par trop de
fatigues, retrouvera encore la force de con-
tinuer des recherches qui ont été l'honneur
de sa vie.
11C36] À CLAUDE MENKSTRIEH. 797
CVIII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
J'ay receu par l'ordinaire de Gènes la boitte des poids de l'illus-
trissime Cavalier Gualdi fort bien conditionnée avec vostre figure
mystérieuse et les autres medailletles extraordinaires, le tout en trez
bon estât, comme j'avois eu auparavant tout ce que vous aviez con-
signé au Patron Faulconier bien conservé, dont je vous suis infiniment
redevable, et encores plus de la preferance que m'avez accordée sur
vous mesmes, pour raison de ce casque antique de bronze en (juoy
vous m'avez faict grand plaisir comme en la participation de celte
main de marbre avec le cestus, et de toutes cez autres galanteries que
vous y aviez joinctes, mesmes de cette teste qui a de l'air de celle du
Tite Live de Padoue, bien que je la tienne de quelque esclave Bar-
bare, mais que je ne laisse pas d'estimer pour l'amour de vous princi-
palement. L'empreinte de l'inscription de Duillius est si foible qu'elle
en est grandement fragile, et a contracté une certaine boiie ou crasse
provenant de l'humidité du foing quand elle est enfermée sans estre
seichée, qui est fort incommode à la jouy.ssance de la veiie du carac-
tère, ce que je vous dis afin de vous servir d'adresse une autre foys.
L'empreinte de soufre de vostre plaque de SVCCESSA ne s'est pas
conservée dans ce cahottage de la poste, principalement le costé du
martyre soit de S' Laurens ou d'elle, qui est fort brisé et mal cognois-
sable. De l'autre il s'en ponrroit mieux tirer quol<pie notice de sorte
qu'il fauldra une autre enq)reinte de plomb ou de piastre s'il vous
plaict. Son Eminence m'en escript, et je feray diligence pour voir s'il
s'en trouvera rien qui vaille l'escrire. Je l'ay remercié de la collation
qu'il vous avoit procurée quoy que la vacance n'ayt pas eu lieu, et l'ay
supplié de faire à l'advenir comme je croys qu'il le fera. Dictes luy d»'
798 LETTRES DE PEIRESC [1636]
me faire envoyer un dessein de vostre plaque de verre avec S' Pierre
et S' Pol assis. Parmy les médailles de Faulconier j'ay trouvé bien jo-
lie celle qui a un X X à costé d'une teste d'homme , et une aigle de creux
au revers. Mandez moy si en avez veu d'autres de mesmes. Des modèles
des poids du collège Romain, il n'y avoit rien de marqué qui me les
peusse faire distinguer, et n'y en a que deux bien que vous me parlez
de troys, et il falloit bien y faire peindre, au moings, s'il ne se pouvoit
graver, ce qui estoit marqué sur les originaulx.
Il fauldroit aussy le dessein entier de la plaque ronde en bas relief
de marbre d'où vous avez faict mouller les armes antiques que m'avez
envoyées et que j'ay veu volontiers, aussy bien que l'empreinte du
double fer de lance. La figure ^Egyptienne de l'illustrissime Cavalier
Gualdi vous coustera plus à mouller en bronze qu'elle ne peult mé-
riter. Toutefoys je laisse le tout à vostre disposition et s'il me la vouloit
laisser voir, je la luy renvoyeray fort fidèlement, comme je prétends
faire de ses 3 poids, lorsque j'en auray faict l'examen, y ayant trouvé
bien à resver sur diverses chosettes, que je n'eusse pas imaginées
sans les voir.
Je ne sçauroys que vous envoyer d'icy en eschange de cette pareille
flgure en lapis lazuli, mais si vous en trouvez à vendre qui soient dui-
sables, je les payeray de bon cœur et vous prie de tascher de me
l'avoir et de me l'envoyer au plus tost. J'entends que le sieur Angeloni
en a une encore pareille à ce que m'a dict un prebstre venu de Rome
depuis peu. Enquerez vous en, je vous prie, et m'excusez si je finis
sans achever parce que l'ordinaire vient d'arriver et me surprendre
en sorte que je ne sçay si je pourray escrire quasi à M' de Bonnaire
seulement.
A la bonne heure j'avoys escript une lettre que l'illustrissime Cava-
lier Gualdi m'avoit demandée, car je ne pense pas luy pouvoir escrire
à luy mesmes à demy et demeure,
Monsieur, •
vostre, etc.
A Aix, ce 3 avril i636.
[1636] À CLAUDE MENESTHIER. 799
J'ay receu des secondes provisions de M' Alviset reformées, comme
il a désiré. Vostre minutte avoit faict faillir aux premières en la suy-
vant punctuellement'.
CIX
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUB DE L'EUINENTISSIHE SEIGNEUB CARDINAL BAnBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Je jugeay bien à l'arrivée du dernier ordinaire d'avril sans voz lettres
que vous debviez lors estre aux champs, ainsin que je l'ay depuis veu
confirmé par la lettre que m'avez escripte du 1 3 du mesme moys par
le Patron Guill. Gaultier qui arriva dimanche à Marseille sain et saulve,
et m'envoya hier du Marligues vostre Iroitte rouge remplie de petits
poids antiques, ensemble le vieulx casque de bronze que je trouvay
trez beau, mais ce ne fut pas sans quelque mortification de ce qu'on
l'a voit apporté dans un sac de besognes de nuict, pendu à l'arçon de
la selle d'un cheval, sans aulcune boitte ou ca.ssette, de sorte que le
mouvement du cheval l'avoit un peu intéressé et descouvert de sa pat-
tina verde à l'endroict qui frottoit contre la selle, et (lui pis est le bout-
ton que vous aviez représenté en vostre premier dessain ne s'y trouva
plus pendant, ne destaché, s'estant perdu par les chemins vraysem-
blablement, à mon grand regret. Je l'ay prié de le faire chercher
dans sa caisse et dans sa barque pour voir s'il y seroit tombé et
demeuré par hazard, pour ne rien laisser perdre des fragment* et
reliques de cette vieille pièce, qui uierifoit bien une boitte. Mais telle
qu'elle est, elle est encore bien belle à mon gré, et je vous en de-
meure bien obligé de la preferance. Comme aussy de cez petitz mo-
delles de vieux poids, dont celuy de la tortue m'a fort agréé, encores
' Bibliolli(>que de l'École de m<?decine do Montpellier, ma. H «71, fol. 188.
8(y0 LETTRES DE PEIRESC [1636]
que j'en eusse d'autres où elle estoit, parcequ'en celuy cy il y a un
revers d'une teste de serpent que je n'avoys encores veu en choses
semblables, et qui me met bien en peine à le deschiffrer et induire à
ma mode.
La médaille grecque avec les deux lettres N-I m'a semblé bien es-
trange, et sans en voir quelque autre pareille à peu prez, je ne pense
pas qu'il s'en puisse rien dire qui vaille, ne sur quoy il se puisse as-
seoir aulcun solide fondement.
Le petit vase n'a poinct de concavité apparente ou sensible hors d'un
simple trou qui le perce d'oultre en oultre, et ne sçay s'il peult avoir
servy de modèle proportionné à aulcune mezure, ne contenant en tout
qu'une goutte assez petite. Je vous en sçay pourtant fort bon gré,
comme aussy de la relation de ce Tertre des aqueducs de l'Aqua Claudia
voisine de Tivoli, si espois, et si propre à travailler en colonnes, comme
vous dictes. Et j'en verroys volontiers un morceau de cette couleur
jaulne et tannée, ondée, que vous luy attribuez. Ayant prins plaisir
de voir l'arraisonnement que vous en faictes, et approuvant la con-
sequance que vous en voulez tirer sur la différence d'un lieu à autre.
Sur quoy, craignant que le pedon ordinaire ne passe en grande préci-
pitation, son terme n'estant quasi plus en son entier, je finiray demeu-
rant,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce U may )636 '.
' Bibliothèque de l'École de médecine de Montpellier, ms. H 271, fol. 189.
[1636] A CLAUDE MENESTRIER. 80J
ex
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUn DE L'EMINENTISSIHE SEIGNEUR CARDINAL RARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Par le dernier ordinaire j'ay receu une lettre de rEmir.entissinic
Cardinal Patron du 3 may oi!i il m'escriptde sa propre main cez propres
paroles : 11 signor Menestrie si conserva degno d'affetto per le sue (jua-
iita, ma Vostra Signoria vedute sue raccomand"" me lo rende piu caro.
J'ay prins occasion de l'en remercier, et l'exhorter à continuer de vous
faire du bien, et à ne vous laisser pas oisif, quand il y aura moyen de
vous faire visiter les lieux où il se pourra descouvrir des merveilles
de la nature et de l'antiquité.
J'ay receu la vostre du 2 may, où il n'escheoil pas d'autre responce
que sur le bas relief où vous dictes avoir veu peser du boys, dont il
seroit tousjours bon de voir au moings le dessein, s'il vous plairl.
regrettant la podagre de M' Angeloni, et de ne luy pouvoir escrire par
cet ordinaire, comme je l'avoys résolu. Je n'ay jamais eu de responce
de l'illustrissime Cavalier Gualdi sur mes dernières despesches (jue
j'eusse esté bien aise de voir avant que luy renvoyer les originaux de
ses troys poids quarrez. Voyez le un peu, je vous prie, sans faire sem-
blant d'en avoir charge de moy, pour voir si tireriez quelque lettre en
responce de vive voix, et m'excusez de la peine.
J'attendray cette empreinte de l'inscription de L. Scipio, quand il
plairra à Dieu et que vous puissiez traicter de ce lapis lazuli, me re-
commandant à voz bonnes grâces et demeurant.
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 5 juin i636 '.
' Bibliothèque de l'École de mi^decinede Montpellier, m«. H 971, fol. 19s.
101
802 LETTRES DE PEIRESC [1636]
CXI
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE REZANÇON,
EN LA COUn DE L'EMINENTISSIHE CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
La boilte que vous aviez consignée à l'ordinaire de Gènes arriva
fort bien conditionnée par le pedon d'Avignon avec voslre lettre du a"*"
et le modèle du scaphium y contenu où je trouvay bien estrange d'ab-
bord l'embouttisseiaent ou relief du fonds de l'escuellon qui iuterrom-
poil la juste rondeur de sa concavité, et encores plus de voir que le corps
restant dudict escuellon ne faisoit pas le restant d'un juste Hemispliaire,
car il va en ayguisant en forme de cône ou de montaigne esmoussée et
renfoncée par la cime, quand on la tourne c'en (sic) dessus dessoubs.
Ayant bien de la peine à me persuader que l'antique soit en cela aul-
tant irregulier que le modelle. Et pour le style planté au fonds, oultre
qu'il n'est pas bien arresté en situation immobile et qu'il est suscep-
tible d'inclination d'une part et d'autre, il se trouve plus long qu'il ne
fauldroit pour monstrer les heures, car il surpasse le niveau de l'orizon
de l'espoisseur de plus de deux testons les plus gros, voire d'un ducaton
et davantage, et toutefoys à prendre sa mesure au juste il ne faict pas
la moitié du diamètre de la circonferance interne de l'escuellon, le-
quel diamètre est de cinq poulces de roy une ligne et six parcelles,
et cestuy là n'est pas de deux poulces el demy, y manquant une ligne
entière et quattre parcelles de la juste haulteur qu'il debvroit avoir.
Et quand bien l'on en auroit voulu roigner aullant de sa base comme
est le retranchement de la rondeur du fonds de l'escuellon, ou bien
son embouttissement, il ne s'ensuyvroit pas qu'il fallust les laisser
monter plus hault que le niveau de l'orizon de l'escuellon. Ce qui me
faict doubter que ce style aye esté originellement perdu en l'original
antique et qu'en le voulant suppléer ou restaurer l'on n'y aye pas
[1636] À CLAUDE MENESTRIER. 80»
regardé de si prez com'il eust fallu. Dont je seray bien aise d'estie
esclaircy par vous, s'il vous plaict, et si vous jugez que ce style ne
soit pas modernement appliqué et anté dans cet escuellon, et possibif
encores les deux petite bras ou languettes ou rayons (mobiles tant de-
dans que dehors) qui pourroient servir à nionstrer les jours de l'année
pour en régler le lieu où il falloil prendre la désignation des heures
Car elles ne sont pas faictes mathématiquement pour monstrer les vrays
poincts nécessaires. Et eussent deub pour cet elTect estre plustost re-
fendue par la ligne partant du centre dui trou où; elles se meuvent
C'est pourquoy je me doubte qu'elles soient modernes et appliquées
modernement à cet escuellon pour suppléer ce qu'où jugeoit y pou-
voir manquer.
Que si vous les estimez antiques (comm'il vous doibt estn^ bien
facile de le recognoistre en les revoyant originellement) il importe-
roit bien de sçavoir et examiner exactement si par l'assemblage des
deux languettes il ne paroit pas que le cloud qui les porte et tra-
verse toutes deux et qui traverse pareillement l'eapoisseur du corps de
l'escueilon, aye peu anciennement traverser et comprendre encores
une seconde espoisscur d'un autre escuellon intérieur, sur lequel fus.sent
tracées et gravées les lignes où l'ombre du style debvoit manjuer les
heures du jour, ce qui vous sera bien aise à deviner si ledict clond
s'est conservé comm'il est nécessaire, au cas que cez deux bras mo-
biles soient antiques, pour les avoir retenus en leur place. Car ledict
cloud se trouvera audict cas moings serré sur les deux languelteset
plus long qu'il ne fault de toute l'espoisseur d'un autre escuellon qui
se pou voit intérieurement emboitter dans celuy là et debvoit oslre plus
parfaictenient rond en sa concavité pour y recevoir les ombres aux lieux
nécessaires pour la mar(|ue des vrays poincts des heures du jour. Au-
quel cas il pouvoit eslre d'argent ou bien de quelque metail meslé et
composé d'estain comme les timbres pour le rendre |)lus clairet moings
susceptible de salleté et de rouille, comme les miroirs des anciens.
Aussy en eust il esté plus fragile ou friable et plus facile à se casser et
réduire en pouldre, ou en trop petits fragments pour se conserver
80i LETTRES DE PEIRESG [1636]
aussy long temps que le reste de la machine, de quoy vous pourrez
bien vous esciaircir plus facilement que moy sur l'original, en le re-
voyant ainsy que vous le pouvez faire avec ce desseing là, comme je
vous en prie. En ce cas il falloit que le mesiue cloud qui porte les deux
bras ou languettes mobiles passast à travers les deux escuellons et que
la languette intérieure roullast par dessus la concavité de l'escueilon
intérieur pour servir à marquer le lieu où se debvoit régler la pro-
portion des heures ou des ombres journellement. Nous attendrons donq
sur cela vostre responce cathegorique pour en pouvoir parler plus as-
seurement. Et serons bien aises d'apprendre (ce que vous avez oublié
de nous marquer) de quel -metail est cet escuellon ensemble ses deux
bras ou languettes mobiles, et son style, si tout est de Rume ou cuyvre
rouge, ou bien de metail jaulne ou de Lotton ', ou si l'escueilon est de
l'un d'iceulx et le style et languette d'un autre metail, car tout cela
sert à confirmer ou destruire les susdictes conjectures de l'antiquité
pareille ou différante de touts les membres de cette machine. Voire
quand vous nous manderiez le contrepoids au juste de toute cette ma-
chine et la vraye espoisseur de l'escueilon antique, possible ne seroit il
pas si inutile com'on se l'imagineroit d'abbord.
Nomplus que de nous faire sçavoir de quel costé et en quel sens es-
toient tournez et posez originairement les petits clouds que vous dictes
avoir esté fichez sur le bord ou sur les lèvres de cet escuellon. Si les
testes sont par le dessus ou par le dessoubs dudict bord et les poinctes
rieulées par mesme moyen au contraire, et si la riuleure est juste
contre la mesnie espoisseur du bord de l'escueilon, nubien si les clouds
sont demeurés plus longs qu'il ne fauldroit pour cela, comme ayants
comprins une plus grande espoisseur, soit du second escuellon inté-
rieur, ou bien de quelque corps extérieur qui eust servy pour arrester
l'escueilon en posteure bien ajustée au niveau de l'orizon et à son
alignement du vray midy, ou du vray oriant.
Vous me feriez encores plaisir de me faire mouller avec du piastre
Laiton?
[1636J À CLAUDE MENESTRIER. 805
ou du souffre toute l'escritture de la Roue extérieure ou du cercle des
moys grav(^ par la convexité externe de l'escuellon, ensemble le cercle
du bord ou des lèvres de l'escuellon où sont marquez les nombres
rangez jusques à xvi pour en examiner la figure des lettres ou carac-
tères afin d'en prendre quelque conjecture du siècle qu'elles ont peu
estre gravées. Car je ne puis pas si bien me payer de ce que voslre
graveur y a buriné à sa fantaisie, et ne pouvant avoir la veiie de l'ori-
ginal, il fault suppléer par la veiie de l'empreinte de ce qui nous
peult donner plus de lumière pour cela. Car la figure des lettres a
changé de mode touls les siècles aussy bien que le language et les ha-
billements. Cette moulleurc du cercle des moys me servira encores à
recognoistre mieux si, comme aux divisions des moys de septembre et
d'octobre il y a une raye de plus qu'aulx autres moys de l'année, elle
se doibt simplement suppléer en touts les autres ou bien conclurre que
l'instrument n'aye jamais esté achevé, auquel cas il ne i'auldroit pas
trouver si estrange que la concavité de l'escuellon qui reste n'eust pas
esté aussy achevée de marquer des lignes où se debvoient marquer les
heures par la rencontre des ombres du style et possible que la deffec-
tuosité de la rondeur de la concavité de cet escuellon (si tant est que
l'original soit aussy mal rond (pie le modèle) pourroit avoir faict né-
gliger à l'ouvrier d'y achever de marquer les lignes horaires, ayant
recogneu qu'elles n'y eussent pas esté jamais assez justes.
L'illustrissime Cavalier del Pozzo m'escript que le sieur Berti avoit
eu ordre de revoir et examiner si le modelle estoit bien juste et bien
semblable à son original, et puisque vous ne me dictes poinct que
cela ayt esté faict, je m'imagine que le temps aura esté trop court
pour vous en donner le loisir et le moyen , h quoy j'ay bien un peu de
regret. Car en cez matières là si extraordinaires il ne fauJt rien né-
gliger des moindres adminicules sur lesquels se peuvent appuyer des
conjectures que d'auties ne s'imagineroient jamais que ceux de la
profession dont il s'agit. Je n'y regrette que vostre peine, mais il n'y
a remède. Si fault il que vous m'en fassiez encor une relation la plus
punctuelle que vous pourrez pour ne nous plus en laisser de scrupule.
806 LETTRES DE PEIRESC [1636]
C'est à quoy je m'attends et que vous m'excuserez comme vous en
supplie ,
Monsieur, vostre, etc.
A Aix, ce 98 aoust i63G '.
CXII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHANOINE DE BESANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je vous avois escript tantost si à la haste, et sans pouvoir retrouver
vostre lettre du a aoust, que je ne vous avoys parlé que du Sca-
phium, et avois oublyé le reste. J'ay depuis retrouvé vostre lettre et
ay esté bien aise de l'advis que vous me donnez, des acquisitions que
vous avez faictes, tant de cette longue plaque de métal qui a le bœuf
ou la vache, que de cet aultre grand morceau de marbre noir avec
cette inscription qui commance par le mot EXAMEN, laquelle m'em-
barrassera bien , si la veue de la pièce mesme ne m'y faict rencontrer
d'autres moyens de la deschiffrer, vous advouant que je n'y cognois
rien du tout sur ce que m'en avez cotté au marge de vostre lettre, et
appréhende que quelqu'un ne se soit joué à mettre à la torture les
curieux, en affectant de cez extravagances qui semblent si incompa-
tibles les unes avec4es autres. Je suis bien aise aussy qu'ayiez recouvré
la Hgure mystique de marbre, mais j'aymerois bien mieux qu'eussiez
peu faire troque de celle de lapis lazuli dont m'aviez faict feste quel-
que temps y a. Vous en trouverez bien le moyen et l'occasion quand
vous vouldrez, je m'asseure, et je demeureray,
Monsieur,
vostre trez humble et trez obligé serviteur,
DE Peiresc.
A Aix, ce 28 aoust au soir, i636.
' Bibliothèque de l'Kcole de médecine de Montpellier, ms. H 971. fol. 195.
[1636] À CLAUDE MENESTRIER. 807
M' Melan est ceaus depuis uue quinzaine de jours. C'est un Ange '
ie plus traiclable et le plus affectueux du monde '^,
CXHI
À MONSIEUR MENESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
EN LA COUR DE L'EMINENTISSIME CARDINAL BARBERIN,
À ROME.
Monsieur,
Eiicores que je n'aye poinct eu de lettre par cet ordinaire dernier
de voslre part, je ne laisray pas de vous en faire un petit mot, pour
vous en advertir au cas que ne l'eussiez envoyée chez M' de Bonnaire
ou chez rilluslrissime Cavalier del Pozzo, et qu'elle se fust esgarée en
chemin, laulte de bonne adresse, dont je suis un peu en peine à cause
que vous m'aviez escript deux ordinaires y a que le suyvant m'appor-
teroit une boitte des empreinics de cire ou autres qu'aviez faicfes de
l'escriture du Scaphium, et toutesl'oys deux ordinaires sont depuis ve-
nus sans me l'apporter. J'avoys creu qu'en auriez chargé quelqu'un
du train de M' de Nouailles', mais son aulmosnier qui passa dernière-
ment par icy avec ses pages n'en sçavoit rien, et la barque de ses
hardes est depuis arrivée à Marseille sans que personne en ayt rien
déclaré.
Il est depuis quelques semaines allé h Rome, au lieu du Patron
Faulconicr, une aultre barque de Marseille, par le retour de laquelle
vous auriez peu envoyer tout ce que vous auriez voulu. Et possible ne
sera-t-elle pas encore partie de lu.
M' lillustrissime Cavalier del Pozzo m'a envoyé le dessein de voslre
' Savait-on que le grand artiste eût un ' BibliolluVjup derKcole de mëdedno de
aussi .tiniablccitractèrc? Il y a quelque cliose Monlpellior, ms. H ayi.foi. igi.
de palernol dans i'affpotnousefaniiliaritt'avoc * L'ambassadeur de France il Rome.dëji
laquelle Feiresc compare son liôte à un ange. souvent mentionne.
808 LETTRES DE PEIRESC [1636]
Fascinus de marbre d'un seul aspect par le devant. J'en eusse bien veu
le griffonnement volontiers, aussy bien par l'autre veùe du derrière.
Et puisque les dix petits pendants attachez à son tour de col ne sont pas
trop grands, vous me feriez bien plaisir de me les faire touts mouller
en piastre, pour mieux juger de leur qualité, car je les trouve bien
bigearres et dignes d'examen.
Pour le Scaphium, je vouldrois que vous eussiez examiné bien exac-
tement avec un petit quart de rond la mesure et proportion de sa
concavité pour voir si l'antique estoit vuide en 6gure de parfaicte ron-
deur, ou non, puisque la bosse ou emboufiîsement du fonds monstre
de n'avoir esté faicte que par bazard et par l'injure du temps et non
par allectation de l'ouvrier qui l'a forgé. Car le modelle que nous avons
veu est plustost une portion approchante de la moitié d'un globe de
figure ovale, que d'un globe parfaictement rond, et c' estoit ce qui me
faisoit conjecturer, si l'original estoit de mesmes, qu'il y debvoit avoir
eu un autre globe ou escuellon intérieur, sur lequel les heures peussent
estre descriptes plus justement.
Je vous prie de nous en esclaircir et au plustost que vous pourrez,,
puisque l'Eminentissime Cardinal Patron s'en est deschargé sur vous,
et s'attend que vous m'y ayiez satisfaict, ne luy en osant moy escrire
plus de peur de vous charger en son endroict d'aulcun reproche. Si
vous avez encore la boitte de cez empreintes qu'en avez prinses, je
vous prie de l'envoyer à M"' de Bonnaire ou à l'illustrissime Cavalier
del Pozzo qui trouveront bien des comnioditez asseurées de me la faire
tenir, et quand ils n'en auroient aulcune, vous en serez au moings
valablement deschargé envers Son Eminence et moy. Aultrement vous
me permettrez, s'il vous plaict, de vous accuser que vous vous ou-
bliez et que vous retardez d'aultant le plaisir que Son Eminence eust
possible desja receu de voir quelque traicté sur ce Scaphium. J'en dicts
aultant de ce gros poids noir, de cette grosse plaque de bronze quarrée
de bœuf et vache, de cette figure ^Egyptienne en lapis lazuli et autres
galanteries que vous nous faictes espérer et que nous aurions peu re-
cevoir parmy les hardes de M'' le conte de Nouailles, M"^ le président
[1637] X CLAUDE MENESTRIEH. 809
Maynard^ estant venu sur la mesme barque qui se seroit volonlici-s
chargé de tout ce qu'eussiez voulu par l'entremise de M' Bourdelot,
mais c'est une bien vieille querelle que nous avons vous et moy pen-
dant que les autres affaires nous occupent plus que nous ne voudrions
bien souvent quand il fault faire quelque chose l'un et l'autre, dont je
m'accuse le premier, afin qu'il me soit loisible de vous en accuser aussy
'le plus doulcement toutefoys que je puis, ne laissant pas désire de
tout mon cœur en toute façon, quoyque vous puissiez faire ou ob-
mettre en mon endroict,
Monsieur,
vostre, etc.
A Aix, ce 9 décembre i63C'.
CXIV
À MONSIEUR MEIVESTRIER, CHANOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
Je n'ay eu qu'un petit billet vostre à ce coup, du 3 janvier, vous
remerciant du souvenir et du soing qu'avez eu de prier M' de Bon-
naire de s'informer de quelque occasion pour me faire tenir ce qu'avez
achepté pour mon compte. Je vous avoys, ce me semble, prié assez
souvent de ne vous pas arrester à cela, et de luy envoyer ce qu'auriez
prins pour moy, dez qu'en auriez faict la resolution, l'cmpacqueltant
dans des boittes ou cassettes selon l'exiffence de la chose, et l'avois prié
d'envoyer incontinent le tout ramassé et cmpacqucfté ensemble h
M' Uespiols, à qui il ne manque pas des conmiodilez à toutes heures.
' Ce président Maijnard était raoadéini- * Bililiolhèiiue de l'École de médecine de
cien François de MayiianI, président du Montpellier, ms. H 971, fol. 198. On
présidial d'Aurillac, qui ëtait attache à la trouve, sur l'adresse, ceUc indiwtioci :
maison de Nnailles. Ce poète inafjislrat a été tM' Menesiricr deineur.' rinq ou six uiai-
raentionné dans le recueil Peiresc-Dupuy, sons plus haut (pie M' d'Ara|>us devant
t. I. [). 55o.
Maduna de Coustantinol. '
lOS
810 LETTRES DE PEIRESC [1637]
pour Marseille à droicture, outre Livourne et Gènes qui réussissent
quasi de mesmes. Il est party deux barques dans le nioys de janvier
arrivées à bon saulvement dont la dernière, partie le 25, arriva dans
Il jours de passage, sans me rien apporter. Vous pouvez juger si j'en
ay esté mortiflé, car Dieu sçayt si les suy vantes rencontreront la coste
si nette. 11 me semble voir quelque pareil malheur à celuy qui advint
du fagot de grosses médailles, que vous aviez manqué semblablement
d'envoyer par troys ou quattre barques, lequel je vous demanday par
ce marault qui le voila, et se perdit aprez luy mesmes. Car ce ne fut
que par force que je vous fis adresser la commodité de ce garçon, pen-
sant que sa sollicitation vous feroit désirer de vous dellivrer de ses
mains et des miennes, sçaichant que les occupations journalières de
Rome font poulser le temps avec l'espaulle tant qu'on peult. Il en ad-
viendra ce qu'il plairra à Dieu , mais vous me ferez faveur de ne plus
différer, et d'envoyer à M"^ Despiotz ce que vous trouverez bon de me
despartir pour ne plus faire ce destour chez M"' de Bonnaire et le
descharger de l'importunité du soing de chercher des comraoditez qui
ne viennent pas à luy comme à M' Despiots. Il ne fault que faire les
adresses à vous et à M' de Gastines à Marseille.
Je vous remercie de l'advis qu'avez donné à M' Doiii de l'arrivée du
duc Salviati, et me double bien que ses occupations feront encor
eschoûer toute cette affaire avant les pouvoir bien adjuster et faire
mettre les ordres pour trouver à tout le moings cette pierre et en tirer
l'empreinte eu papier si elle ne se peult en piastre, n'espérant pas que
celle là de si difficile perquisition se puisse faire puisque celle du pa-
lais de Transtevere qui estoil exposée à tout ce qu'on peult désirer,
n'a peu s'achever. Je vous supplie d'y faire ce que vous pourrez soit
envers le sieur Doni ou envers le duc mesmes à qui il en a esté escript
et à qui j'en escrirois moy mesme à cette heure sans que le courrier
me vient de surprendre. Cependant je vous envoie le caméléon que
m'avez demandé où j'ay fait desgainer la langue ([ui est des plus belles
choses à voir qui y soient. J'en ay encores deux vivants, et s'ils peuvent
eschapper encor un moys je pense qu'ils nous donneront du plaisir au
[1637] A CLAUDE MENESTRIER. «t,
printemjjs et en l'esté, Dieu aydant. Le mal est qu'il y a deux moys
entiers qu'ils ont cessé du tout de manger et qu'ils n'ont cessé de dor-
mir et me semblent bien elangouris (sic), sur quoy je demeure,
Monsieur,
vostre très humble et très alFectioné serviteur,
DE PeIRESC.
Je vous remercie de l'avis du vase de marbre de [ici «n met mec abré-
viation illisible] et de la mesure que m'en promettez; vous ne m'avez
jamais envoyé l'empreinte que m'aviez promise par l'ordinaire du sca-
phium de Son Eminence.
A Aix, ce 6 febvrier 1687 '.
CXV
À MONSIEUR DE PEIRESC.
Monsieur,
J'ay receu la vostre du G febvrier avec le caméléon qu'il vous a pleii
m'envoyer, de quoy je vous remercie de tout mon cœur, ayant eu un
contanteraent indicible de veoir la longeur de sa langue, ce que je
n'avois veu en aulcun aultre; je l'ay faict veoir à plusieurs curieux les-
quelz en ont receii le mesme contantement que moy. J'ay veii par la
vostre le grand désir qu'avez d'avoir l'empreinte de l'inscription du duc
Salviali; il a î\ la fin donné ordre h son Guardnrobbe do nie la laisser
former et lacheray en tout moyen de l'avoir en piastre comme aussy
celle de Translevere. Il y a quelques jours que l'on treuva au milieu
de la place Montanara qu'estoit anciennement forum olitorium ou à
peu près entre le Gampidoglie et le Théâtre de Marcelle deux inscrip-
tions en Iravertino, lesquelles m'ont semblé dignes de faire mouller en
|)lastre comme je fis faire avant hier. Je vous en envoyé une copie icy
' Bibliothèque de l'École de mëdecine de Moiil|)ellier, ms H 171. fol. ao».
812 LETTRES DE PEIRESC [1637]
jointe attandant que recepviez les piastres que sera au plustost Dieu
aidant avec l'occasion du retours du Patron Guillain lequel m'a promis
de se charger de tout ce que j'ay mis en ordre pour vous envoyer avec
une empreinte du schaphium de l'eminentissime cardinal Barberin.
Pour l'aultre orologe de pierre que je descouvris hors de Rome, on ne
l'a encore pas faict conduire à Rome. Il n'estoit pas accommodé pour
servir à aulcun usage, ains seulement au lieu d'une aultre pierre en
une muraille d'une vieille Eglise estant iceluy tourné à l'occident. L'on
n'a pas treuvé ceste année icy aulcune chose qui soit de considération ny
digne de vous donner advis. 11 y a des R. P. Minimes lesquelz mont prié
de vous faire tenir le cy joinct pacquet lequel me semble assez gros;
si je ne sçavois que ce fusse aultre que pour vostre service, je nel'aurois
accepté. Attandant le départ du Patron Guillain, je me dis à jamais.
Monsieur,
vostre très humble et affectioné serviteur,
Claude Menetrie.
A Rome, ce 6 mars 1687 '.
' Bibliothèque nationale , fonds français , ^Shh , fol. 2 1 5. Au fol. 9 1 6 se trouvent les deux
inscriptions suivantes :
1
POPVLVS EPHESIV
SALVTIS ERGO QVO DO
SOVOM LE1I3ERTATEM I
l-EGATEI HERACLITVS H
HERMOCRATESDEM
POPVLVS • LAODICENSIS • AF • LYCO
POPVLVM ROMANVM QVEI SIBEI
SALVTEIFVITBENEFICIERGOQVAESIBEI
BENIGNE-FECIT-
0 AHMOS AAOAIKEON TQN HPOS
Ta lATKilNI ■ TON AHMON TO
PiiMAmN FErONOTA EA
SfiTHPA KAI ETEPPETHN
APETHS ENEKEN KAI ETNOIA
THS EHSETTON
ffLes deux inscriptions sont d'une mesme hauteur et grandeur est asçavoir de trois
palmes de longeur et deux d'haulteur et semblent avoir estds colloques l'une auprès de
l'aultre selon que pourez cognoistre par les piastres que je vous envoyray. Le premier re-
presenlei-a les letres de relief et le 2 de cave. »
• Lfigend. Tp ATKfîNI.
[1637] À CLAUDE MENESTRIEH. 813
CXVI
À MONSIEUR DE PKFRESC.
Monsieur,
Par la voye de l'ordinaire d'Avij;non je vous Gs asçavoir comme
j'ay chargé par la barque du Patron Gaullliier cinq cassettes dans les-
quelles sont les choses que je vous ay spécifié; du depuis j'ay tant
l'aict que j'ay mesuré le vase antique de l'Em""' Seg' Gard'" Patro"" avec
du millet selon que désirés. J'avoys pourté quantité de millet et av
remplis ledit vase jusque à la superflcie et puis avec une reigle j'ay
passé par dessus les bords pour lever ce qu'avancoit des labres ' dudit
vase et puis j'ay mis le tout exactement dans un sachet de toille que
j'ay aussy consigné audit patron. J'espère en Dieu que le tout arrivera
heureusement.
Monsieur,
voslre très humble et affectioné serviteur,
Claude Menetbib.
Rome, ce i5 avril [1687] '.
CXVII
À MONSIEUR, MONSIEUR MENESTRIER,
CHAISOINE DE BEZANÇON,
À ROME.
Monsieur,
J'ay enfin receu de la main de Patron Gauthier la boitte de l'em-
preinte du scaphium, dont je vous remercie trez affectueusement,
ayant prins plaisir de voir ce peu de vestiges qui y paroissent des
nombres du bord et des lettres du kalendrier extérieur, mais la boitte
n'estant pas assez haulte le couvercle qui touchoit le bord du piastre
' Lèvres, de l'italien labbro, en latin Inbrum. — ' Biliiiothècjiie nationale, Tonds françù».
95a,fol. 9t8.
8U LETTRES DE PEIRESC À CLAUDE MENESTRIER. [1637]
l'a un peu rongé et gasté avec le mouvement du cheval, comme la
paille et le cotton ont gasté la cire de l'empreinte du kalendrier. Toutes-
fois ce peu qui est eschappé ne laisse pas de donner du contentement
à ma curiosité, et de l'augmentation à ce que je vous debvois, dont il
me tarde de me pouvoir bien acquitter quelque jour.
S'il y a moyen d'avoir encore l'empreinte en piastre des colonnes
du Transtevere, vous m'obligerez plus que de tout le reste pour y
avoir plus à apprendre de beaucoup, pour l'extravagance des charac-
teres, mais je vous prie de n'attendre pas si tard, quand les commo-
ditez se présentent de les envoyer, parceque les enfermant devant que
le piastre soit bien sec, il se moisit, se pourrit, et engendre certaine
rouille qui oste toute la réputation de la chose et tout le meilleur goust
qu'on y peult prendre.
Je n'ay poinct eu de voz lettres par le dernier ordinaire et attends
un autre Ursinus quand vous en rencontrerez, demeurant,
Monsieur,
vostre trez humble et obligé serviteur,
DE Pbiresc.
A Aix, ce 5 juin 1687.
M' l'ill""^ Gavai'' del Pozzo m'escript que vous vous estiez voulu
charger de faire tenir une mienne despesche à l'Em™*^ Gard"' Buon-
compagno, dont vous me ferez faveur de me dire ce que vous avez
peu faire, et s'il ne s'en pourroit pas tirer de responce, sans vous ar-
rester aux bruictz de ma mort pretendeùe, espérant de vivre aultant
et possible plus que ceux qui se donnent carrière à forger de cez nou-
velles à perte de veiie' et de vous servir encore quelque jour Dieu
aydant plus utilement que je l'ay encore peu '^.
' Peiresc allait mourir vingt jours plus d'écrire lui-même la lettre qu'on vient
tard. Rien, le 5 juin, ne faisait prévoir de lire, sa main étant aussi libre que
cet événement, puisque le grand savant sa pensée.
parlait avec tant d'assurance de la prolon- ' Bibliothèque de l'École de médecine de
gation de sa vie et puisqu'il avait la force Montpellier, ms. H 271, fol. 200.
APPENDICE.
LETTRE DE MENESTRIER À PEIRESC.
Monsieur,
Ayant veû par la vostre du U janvier que le dessein du casrpie que je vous
avois envoyé vous avoit pieu et que désiriez avoir l'original, j'av incontinent
mis en arrière toutes aultres considérations, n'ayant rien en mon petit pou-
voir (comme je vous ay tousjours tesmogné) qui ne soit totalement à vostre
service, vous estant par trop obligé. Je ne croyois pas que la dite pièce fuss<>
de vostre curiosité que je n'eusse mancqué de plein abbord do vous la dédier
plus tost qu'à ce personnage à qui je deseignois la présenter. Un sien serviteur
nommé il sig' Giulio Belladone, Romain, se parlant d'icy il y a environ un
an, me recommanda fort de trouver quelque chose de curieux pour le service
de monsieur son maistre et me l'a recommandé du depuis par diverses lettres:
mais n'y ayant aulcune obligation aultre ([u'une spectative incertaine, il n'y a
rien qui m'engage à son service, et pour éviter touts accidents que pouroint
survenir j'ay pourlé ledit casque et consigne à Monsieur de Bonaire, attandant
(juelque occasion asseuré pour vous le faire tenir; en priant Monsieur .Mclan de
voidoir prandrc la peine d'en faire un dessein de sa main pour vous envoyer
par cest ordinaire. Et suyvant vostre ordre j'ay prins les cinquante escus pour
rachepter les gravcures que j'avois donné en escliangc, lesquelles me sont est^
rendues ormis sept ou [huit] pièces qu'il avoit troqué contre aultres choses, et
luy ayant mis l'argent en main il m'a dit qu'il se partiroit dans deux jours pour
retourner au royaulme de Naples pour «ichepler plusieurs aultres pièces curieuses
qui sont du mesme maistre du cas([ue disant estre un admodiatcur du duc de
Parme. Je l'ay prié de s'informer du lieu auquel a esté treuvé ledit casque et si
l'on auroit rien treuvé avec iceluy. Il m'avoit promis de s'infourmer diligemcnt
du tout.
Ayant eu les trois poids du Sig. (iaval' Gualdi je n'ay voulu mancquer (selon
816 APPENDICE. [1636]
ce que je vous promis par mes dernières) de vous les faire tenir par la voye
de l'ill""' Sig. Ger"° Spinola pour plus d'asseurance. J'ay mis avec iceulx la figu-
rette de métal represantant diverses deités, laquelle, je tiens, ne vous desplaira
pas pour estre de bonne manière. Auprès d'icelles vous treuverez sept ou huit
petites médailles grecques et en bas d'icelle un soulphre que j'ay jette sur une
petite lame de métal corinthe de cave, laquelle j'achepta ces jours passés et
donna à M^ l'Em. Gard. Pat°°, lequel tesmogna luy plaire grandement pour
estre une pièce de la primitive église. 11 m'ordona hier de vous en faire tenir
un soulphre, vous priant de luy en escrire vostre jugement. Aulcuns es-
timent que ce soit le martyre de S*" Sucessa y ayant d'un costé et d'aultre
escrit Sucessa. vivas. Aultres tiennent (jue ce soit S. Laurent sur la grille. La
parolle de vivas estoit fort usité dens la primitive église, comme j'ay veû en
des verres antiques là où il y avoit Vwas in Deo, Vivas in xpo. Le mal est que
l'on ne treuve point le nom de Sucessa dans le martyrologe. Dans le mesme
lieu là où fut treuvé laditte placque de bronze fut treuvé une patère de verre
fort espois de la largeur du fond d'une aissiete composé de deux verres collez
l'un contre l'autre au milieu desquels en feulle d'or cstoint figurés les images
de S. Pierre et S. Paul assis touts deux sans barbe, habillés à la romaine avec
des letres au dessus de leurs lestes, lesquelles sont sans diadème ou nimbe,
Petrus . Paulus, sans aultres tiltres. J'ay donné à Son Emin. semblablement
laditte pièce. Vous treuverez une petite figurette d'un Mercure avec la teste
d'esprivier laquelle je vous envoyé non pour sa valeur, ains seulement pour vous
faire veoir la sorte de pierre de laquelle est faitte la figure mystérieuse que
dessine du [sic) Seig. Cav' Gualdi. 11 m'a promis de me la consigner pour la
faire jetter en bronze ou aultremcnt. N'ayant voulu permettre la première fois
de la porter hors de son logis, je n'eu la commodité de la bien fourmer en
piastre. Mais à ceste heure je la feray faire à mon plaisir, m'ayant asseuré
qu'avez tellement captivé son cœur qu'il vous offre tout cela qu'est de son ca-
binet. J'ay du depuis treuvé au logis d'un curieux une semblable pièce et de
la mesme grandeur de lapis lazuli représentant les mesraes symboles. Le malheur
est qu'elle est un peu brisé et eschantoné. Le maistre d'icelle ne me l'a voulu
vendre pour argent, mais il m'a dit que je luv donne quelques bonnes mé-
dailles de suitte des Empereurs, qui soint de bronze ou d'argent, et qu'il me
la donnera. Si aviez quelque chose de double qui ne fusse de vostre goust, il y
auroit moyen de faire le troque. La couleur du lapis lazuli n'est pas des plus
chargé de couleur, ains assez blanchastre, mais le maistre l'estime pour estre
[1636] APPENDICE. 817
en pierro dure. Je vous eusse envoyé aullre chose, naais pour ne faire un poid
plus {Tfos j'attendray occasion des tartanes qui doibvent partir biontost pour
Marseille, demeurant à jamais.
Monsieur,
vostre très humble et aiïectionné serviteur.
Cl. Menetbié.
L'on fit courir ces jours passés im bruit de certaines vacances de mon pays.
J'avois demandé un prioré à Son Em° lequel nie dit que volontiers i! feroit que
j'en aurois la grâce et qu'il desiroit vous donner contantement. Mais li- malheur
a volu que la nouvelle a esté faulce. J'ay tousjours recogneu sa bonne volonté.
Home, ce 8 mars i636'. '
OBSERVATIOfVS DU COMMANDEUR DE ROSSI.
Roma solterranea, III, 6q6. (11 est question des lampes chrétiennes i|ui
sont gravées et qui représentent le chandelier hébraïque à sept branches.)
rrPeu après la mort de Bosio on en trouva un exemplaire dans le ciniotièrc de Lucina (ou
Coinmodissa) près de Sainl-Paul, comme nous l'apprend une lettre de iViresc à Mcneslrier.
datée du 3 mars i634, conservée à Montpellier, Ec. mt'd., il. ayi. Le loculus où fut (rouvét-
celle lampe portait l'inscription : In cond{itorio) Ivtlina posùa, «ei une petite docbelte de
cuyvre attache'e dans le touf».
Bullptin (VarcMologie sacrée, 1869, p. 34.
" Première découverte de la médaille représentant le martyre de saint Laurent. — CeUi»
médaille, publiée par Vettori {Dissertatio philologiea qua nommlla monimenta taerm vetmiati»
' Bibliothèque nationale, colleclion Dupuy, «Avec la boiUe de» troj» poid» ehnstien» da Ci»
vol. 688 fol. 83. GuaWi : la figure du LWVS, Harpoenin, Sfnpi*.
Panthéon.
Adresse :
A Moiiitieur KAEoHATPA in pixid* fpeeaian.
Peiresc, conteitler dii Roy,
ri de Parlement , TripoJu
AAix.
Avec une boitte longue. [,a eelate de bronte antique.
l.e sommaire de la lettre est inscrit é côté de SVCISSA VIVAS 1 PETRVS PATLVS
l'adresse : Lanrentin». | Srdeolw ialicriie».
. loS
818 APPENDICE. [1636]
ex museo Victoria deprompta illmlranlw, Roms , 1 76 1 ) , a appartenu à la collection Barbe-
riiii, comme le prouve une lettre de Suarez, évêque de Vaison (Barb. , XXXV ill, 34).
rr D'autres documents s'ajoutent à celui-ci pour prouver Tidenliti de cette médaille. Un
trésor de renseignements inédits sur les découvertes des premières périodes décennales du
xvii* siècle est la correspondance du très savant Peiresc malheureusement dispersée dans les
diverses bibliothèques d'Europe, et plus misérablement encore en grande partie dr'truile.
Dans la partie conservée èi la Bibliothèque de l'Ecole de médecine h Montpellier, ms. 971,
I, p. 188, il y a la mention de la placque de Successa, dont parle Peiresc dans une lettre
datée d'Aix le k mai i636 et adressée à Rome à Claude Menestrier, et dont il demande ime
meilleure empreinte, <: principalement le costé du martyre soit de S. Laurent ou d'Elle {Suc-
ffcwsa)". Donc Menestrier lui avait déjà envoyé de Rome une empreinte avant le 4 mai 1 636.
Cette indication m'ayant fait rechercher les lettres de Menestrier à Peiresc, j'ai retrouvé h
Paris, Bibliothèque nationale, fonds Du Puy, 688, p. 83, l'autographe de Menestrier daté
de Rome, le 8 mars t636.n
(^Suit le texte de la lettre de Menestrier.)
»f Au reçu de cette lettre , Peiresc dut écrire à François Barberini sa demande au sujet de
l'interprétation de la médaille. Cette lettre est conservée à la Barberine, dans un volume de
lettres non encore inscrit au catalogue , qui la contient au fol. 176. Elle est du 99 avril i636,
et contient le paragraphe suivant :
irNon venue intera l' impronta di zolfo délia medaglia christiana presentata à V. Em. dal
ffS. Menestrier, cou iscritlione Successa Vivas, per poter godere la figura di quel martyrio
(tsopra la graticola come S. l/)renzo. Bisognerà esaminaro il dis^no corne si potrà c vedere
«se non potrçbbe essere conbustione dopo la m^rte senza niartirio, o culto erappresi^nlazionc
itdel proprio martire di S. Lorenzo come si trovavano imagini di S. Pietro e S. Paolo anti-
irquissinie talvolta senza uomi. Bisognerà cercare ancora se quel cognome di Successa puô
ircadero in qualcbe santa persona di cui si trovi memoria del che non mi soviene ancora
ird' haver vislo. Ma suspendoremo il sentimento sino alla vista deU'impronlo intero.»
irCes documents nous apprennent que la médaille en question fut tirée du sol romain en
i636, en môme temps qu'un verre entier de ceux qu'on appelle Cimileriali, sur lequel
étaient les effigies des apôtres Pierre et Paul. Ces deux pièces furent achetées pour le compte
de F. Barberini par Menestrier, et leur réunion et leur découverte en i636 en démontrent
l'indiscutable authenticité. La médaille a|)partient à une classe de monuments chrétiens que
personne alors n'aurait su, je ne dis pas contrefaire , mais même imaginer. En fait, ni Me-
nestrier ni Peiresc ne surent reconnaître quelle relation l'inscription avait avec le sujet de la
médaille, ce que des médailles analogues nous permettent aujourd'hui de faire. Le verre
cimiteriale, tel que le décrit Menestriei-, ne peut inspirer aucun doute, la falsification en
serait invraisemblable au début du xvn° siècle. «
(M. de Rossi étudie alors le lieu de la découverte et l'âge de la médaille;
il conclul que la médaille et le verre ont dû être trouvés dans le plâtre qui fer-
[1036] APPENDICE. 819
mait un lomlus, probablement dans le cimetière de Ciriaca, et (jue ces objets
no sont pas postérieurs h la moitié du v' siècle.)
<rLe témoignage de Mcnestrier sur la matière de ta médaille, le métal que les antitjuaire*
apjii'Iaient alors vtélal de Corinlhe, prouve que le plomb de Vellori (aujourd'hui au Vatican)
nVsl qu'une cmpreinle prise sur l'original. i
Bulletin (rarchéoloffie sacrée, i86(), p. St.
ff Les médailles de dévotion étaient très répandues dans les premiers siècles. L'archéologue
Pasquaiini en posséda plusieurs au commencement du xvii' siècle, une entre autres repré-
sentant d'un côté le buste du Glirisl, de l'autre l'Adoration des Mage.-. Il y eut dans l'année
i6ai une discussion archéologique entre lui et Peiresc, comme nous l'apprennent 8<>s auto-
graphes (Paris, Bibliothèque nationale, fonds Français, gSSg). Dans la lettre (JLVII, écrite de
Rome le ai juillet lOai, Pasquaiini répond Ji son docte ami qui lui avait suggéré de com-
parer l'Adoration des Mages de sa médaille avec celle d'un sarcophage de Ravenne du lemp
de Jusiinirn, et il prétend que la «uédaille est plus ancienne que le sarcophage. Peiresc lui
réplicjue que, selon plusieurs antiquaires, Jean Zimiscès fut le premier h battre monnaie
avec l'effigie du Sauveur. Pastjualini répond le i5 décembre i6ai (lettre CLXIV); il dit
qu'il prétond : «non di coiiwndurc la medaglia ma di Irovnre la verilàn , et termine [wr les
mois suivants : rlo non tcngo che questo e tutti gli allri medaglioni simili fossero monete
"per spendere, s) corne ancora dico di questa medaglia mia la quale stinio sicuraniente che
tr fosse fnla solo per spéciale devotione, si corne io ne ho délie allre, e se ne veggono in mano
ffdi molti ancora con diversi santi. »
' "L'erreur qui consiste à assimiler ces médailles aux monnaies provient de Du llange qui
a compté le médaillon de Pasquaiini parmi les monnaies de Jean Zimiscès, et cela
l'avoir vu et sur les renseignements de Peiresc.»
io3.
TABLE DES MATIERES
AvRRTISSEMENT l-ïlll
Lettres à Guillemin, publiées d'après les autographes de la Bibliothèque
nationale 1-339
Appendice. — Instructions données par Peiresv à Guillemin 33i--i/i3
Lettres à Holstmius, publiées d'après les autographes de la Bibliothèque
Bar!)enni ûlib-kHb
Lettres de Peiresc à Menestrier et de Menestrier à Peiresc, publiées tes unes
d'après les autographes de la bibliothèque de l'Ecole de médecine de
Montpellier, les autres d'après les autographes de la Bibliothèque
nationale 489-8 1 ft
Appendice. — Lettre de Menestrier à Peiresc , déjà publiée par M. de Ho?8i . 8 1 S -8 1 9
' Voir, au sujet de In table par ordn; alphabétique des noins de lieux et de penonoe* meiilioiiné*
dans le présent tome, l'avis consigne dans une note de In page 61 5 du tome IV.
w ^^ * • rvf ^
PLEASE DO NOT Ri
CARDS OR SLIPS FROM 1
UNIVERSITY OF TORON
DC
Peiresc, Nicho!
36
Fabri de
.98
Lettres de j
P33M
Fr^ea Dupuy
18S8
t. 5